Artist` statement - Centre Jacques Brel

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Artist` statement - Centre Jacques Brel
Artist’s statement.
Mon travail s’articule principalement autour d’une critique de la performance,
qu’elle soit physique, sociétale ou architecturale1. Après avoir débuté mes
premières recherches à l’aide de médiums précieux, souvent empruntés au monde
de l’artisanat (comme la broderie ou la céramique), je me suis tourné, notamment
grâce à la pratique en atelier2, vers des techniques et un vocabulaire plus
modestes, nettement moins performatifs et réfutant le spectaculaire.
Questionnant ainsi l’héritage de l’art minimal, je développe un travail sculptural
qui malgré son apparente simplicité ne néglige pas son potentiel narratif. Par le
choix des matériaux, les titres choisis ou encore un rythme scénarisé, mes pièces
sont pensées comme des déclencheurs de fiction et de réflexion. Mettant en scène
une esthétique du déclin, elles sont autant de défis au temps et à l’équilibre. Audelà d’un certain fatalisme, propre à la famille des vanités, ma production se
teinte donc d’une certaine valeur spirituelle, proposant la contemplation comme
alternative à la performance.
Note 1. Plus d’informations dans l’entretien « À propos de Galaxies, Centuries ».
Note 2. Après l’obtention de mon DNSEP, j’ai eu pour habitude de travailler
avec divers artisans (dont la Fabrique des Émaux de Longwy, ville dont je suis
originaire) pour pallier le manque d’espace physique que je pouvais offrir à mon
travail. En 2008, suite à l’obtention de la bourse berlinoise du Conseil Général de
la Moselle, ma pratique a pu s’épanouir en atelier, se décomplexer et s’ouvrir au
volume. Aujourd’hui, je travaille dans un atelier situé en banlieue parisienne.
Curriculum vitae
Justin Morin
Né en 1979 à Mont Saint Martin, France.
Vit et travaille à Paris.
www.medica-menteuse.com
Exposition personnelle (sélection).
- Abandon, Centre Culturel Jacques Brel, Thionville, mars 2010.
- Galaxies, Centuries, Galerie Frédéric Desimpel, Bruxelles, octobre 2009.
- Anti Newton, Galerie Frédéric Desimpel, Bruxelles, décembre 2007.
- Hairdresser, Code Buro, Bruxelles, octobre 2006.
- Beside the glittering, Villa Noailles, Hyères, mai 2006.
Exposition collective (sélection).
- Hyères 2010, Villa Noailles, Hyères, avril 2010.
- When I grow up, galerie Jeanroch Dard, Paris, octobre 2009.
- 169a2, commissariat par Eric Stephany & Xavier Mazzarol, Paris, octobre 2009.
- Dysfashional, commissariat par Luca Marchetti & Emmanuele Quinz, Passage
du désir, Paris, octobre 2009.
- Nuit blanche Mayenne, octobre 2009.
- Blitz, Galerie de l'Ecole Supérieure d'Art de Metz, Metz, septembre 2009.
- Silkcut, commissariat par &nbsp, Le Stand, Lyon, mai 2008.
- Multi, commissariat par Code, galerie Le comptoir, Liège, octobre 2006.
- Suite Fibonacci, commissariat par Christophe Veys, galerie Frédéric Desimpel,
Bruxelles, mai 2006.
Commissariat.
- Scales of the universe, the definition of the frontier, avec Claire Decet, Samuel
François, Corentin Grossmann, Justin Morin, Sandra Przyczynski et Markus
Zimmermann, Galerie Jeanroch Dard, Paris, juin 2009.
- Galerie Justin Morin, Zero Gravity, avec Jean-Baptiste Bernadet, Sofia Boubolis,
Pierre Debusschere, Claire Decet, Eva Evrad, Samuel François, Olivier KostaThéfaine, Justin Morin, Jean-Rémy Papleux, Sandrine Pelletier, Santiago Reyes
et Eric Stephany, Galerie de l'Ecole Supérieure d'Art de Metz, Metz, avril 2008.
- Galerie Justin Morin, Alone in the dark, avec Jean-Baptiste Bernadet, Sofia
Boubolis, Claire Decet, Samuel François, Justin Morin, Jean-Rémy Papleux,
Sandrine Pelletier, Santiago Reyes et ZimmerFrei, Galerie Bortier, Bruxelles,
avril 2007.
Foires.
- ArtBrussels, Galerie Frédéric Desimpel, Bruxelles, avril 2009, 2008, 2007.
- Salon du dessin contemporain, Galerie Jeanroch Dard, Paris, mars 2009.
- Slick, Galerie Frédéric Desimpel, Paris, octobre 2009, 2008.
- SWAB, Galerie Frédéric Desimpel, Barcelone, mai 2008.
Prix / bourses / diplôme.
- Résidence à Berlin décerné par le Conseil Régional de Moselle, mai 2008.
- Premier prix et prix du jury, Art'contest (Belgique), membres du jury : Carine
Bienfait, Pierre Olivier Rollin, Lino Polegato, Albert Baronian et Claude Lorent,
octobre 2006.
- "Aide individuelle à la création", DRAC Lorraine, septembre 2005.
- DNSEP, département Art, École des Beaux-Arts de Metz, avec les félicitations
du jury, juin 2003.
Bibliographie.
Travaux et articles publiés dans :
- Beaux-Arts Magazine (France).
- Tokion (Japon).
- Désirs (Luxembourg).
- Code Magazine (Bruxelles).
- Victoire (Belgique).
- Vogue (Italie).
À propos de Galaxies, Centuries.
Pour accompagner Galaxies, Centuries, - 15 octobre au 12 décembre 2009, Galerie
Frédéric Desimpel, Bruxelles - Justin Morin a souhaité s’entretenir avec l’artiste
Samuel François, avec qui il a mené une partie de ces études aux Beaux-Arts de Metz,
et souvent collaboré autour d’expositions collectives.
> Pourquoi as-tu choisi d'appeler cette exposition Galaxies, Centuries?
Je voulais travailler sur notre rapport à l'espace et au temps, plus globalement sur
la sculpture, dans sa définition la plus large. Ainsi l'exposition est une réflexion
sur l'environnement qui nous entoure, sur la notion de construction, et questionne
l'héritage de l'art minimal et le principe même de l'exposition appliquée au champ
de la sculpture. Je souhaitais utiliser un vocabulaire plastique très simple, mettre
en place des formes universelles, qui pouvaient venir de très loin, du passé ou du
futur. Ce titre renvoie également à la dernière exposition que j'ai mis en place en
tant que commissaire, Scales of the Universe, the definition of the frontier, où la notion
d'échelle était un élément central de la réflexion.
> On a souvent dit de ton travail qu'il était pop. Aujourd'hui on découvre une certaine
retenue, une économie des moyens mis en jeu.
C'est vrai. Mais cette évolution n'est pas soudaine, elle s'est naturellement
imposée. Anti Newton, la première exposition personnelle que j'ai présenté chez
Frédéric Desimpel en 2007, portait une critique au culte de la performance. Mais
j'ai réalisé que la plupart des médiums que j'avais l'habitude d'employer était
justement dans la performance. La broderie industrielle et la céramique jouent sur
le spectaculaire, sur une très grande maîtrise technique, et dans un certain sens,
vont à l'encontre de ce que je souhaitais démontrer. J'ai décidé de mettre mes
acquis de côté pour travailler à partir d'un langage formel moins sophistiqué.
C'est notamment ce qui m'a amené à me replonger dans l'histoire de l'art
minimal.
J'ai également été marqué par les derniers mois que je viens de passer à Berlin. Je
termine une résidence qui aura duré un an. De cette ville, j’ai surtout été marqué
par le rythme topographique, cet agencement anarchique d’espaces pleins et de
vides, mais aussi par une abondance de signes – des objets, des tags, une
végétation – dispersés dans les rues. Il y a cette esthétique de l’abandon, une
alchimie dans l’agencement d’éléments disparates et insignifiants. Aujourd’hui, je
recherche moins la technicité d’une œuvre, sa faculté à impressionner, que son
potentiel expérientiel, sa capacité à établir un lien avec l’histoire et les sens du
spectateur.
> L'exposition se construit autour d'une série d'œuvres sur papier intitulées "Big rip"
et "Big crunch". Tu peux nous en dire plus?
Ces collages sont constitués d'images d'archives que j'ai collecté pendant plusieurs
mois. Elles montrent des paysages désertiques, que ce soit des rochers ou des
déserts, quelques individus, des animaux, des fleurs, mais aussi des habitations,
plus ou moins évoluées, qui vont de la grotte à l'église. Ces différentes
associations questionnent un éventail de formes. Celles-ci résultent parfois de la
nature, ou elles peuvent être le produit d’une réflexion esthétique et fonctionnelle
de l'homme.
Ma principale intervention a été de découper des cercles dans ces photographies
pour y faire apparaître une série de planètes inédites. Ces étoiles semblent être les
causes de l'amenuisement de la civilisation et de l'assèchement de la planète que
l'on voit sur ces images. Big rip et Big crunch sont deux termes scientifiques
utilisées pour décrire les possibles destins de l'Univers. Pour les résumer, ces
phénomènes précéderont la fin du monde, happé par sa propre expansion...
Au-delà de la valeur narrative de ces pièces, elles sont pour moi une introduction
à mon travail de sculpture, puisque je perçois les différents éléments qui les
composent - la feuille de fond, les pastilles métallisées, les images - comme autant
de plans qui modèlent un espace. Et tout ce vocabulaire est volontairement réduit
à des rectangles et des ronds.
> Slayer est justement une sculpture qui matérialise un espace en additionnant les
plans.
Oui, cette pièce se composent de 150 plaques de verre, juxtaposées les unes aux
autres, qui créent un cube de 30 cm de côté. Je trouve intéressant de rendre épais
et visible ce qui est censé transparent. Cette sculpture peut être aussi perçue
comme une critique de la surenchère par le nombre, à cette performance déjà
abordée dans Anti Newton. Slayer est une pièce quasi-immatérielle, mais qui est
extrêmement dangereuse, tranchante. Suicidal tendencies rejoint cette réflexion,
puisqu'il s'agit de trois socles, outil scénographique incontournable de la
sculpture, ici empilées les uns sur les autres, et prêt à s'écrouler.
> Mass Hystéria, Sepultura, Accept, Slayer, Suicidal Tendencies, ces noms sont
tous empruntés à des groupes de hard rock.
Je voulais faire un parallèle entre l'aspect contestataire et très adolescent de cette
musique et mes sculptures. Contestataire, car elles questionnent les limites de la
sculpture contemporaine, notamment celles qui lui sont dictées par le marché de
l'art. Sepultura s'inscrit tout à fait dans cette démarche. C'est une forme
universelle, basique, proche d’un bloc de marbre, mais qui est en ruine et se
tombe en poussière. Peut-on dire que de la poussière est une oeuvre d'art, peut-on
vendre quelque chose d’inconsistant? On se heurte à certaines limites du système.
Tous les sculpteurs sont confrontés à ces questions. Je comprends tout à fait le
parcours d'un artiste comme Robert Morris, dont le travail a souvent quitté
l'espace de la galerie pour investir la nature. Mais je ne me sens pas à l'aise avec le
land-art. Je trouve que la nature a rarement besoin de l'intervention de l'homme
pour être merveilleuse, ou même plus simplement, pour être prise en
considération.
Et quand je souligne le côté adolescent du hard rock, je ne cherche pas à le
dénigrer. Cette période dégage quelque chose à la fois vain et enragé, mais qui au
final est tout à fait intégré au processus d’évolution. C'est une étape transitoire.
Ce que je veux dire par là, c'est que cette série de sculptures n'est que le début de
ma recherche.
> Ta position sur le land-art semble presque politique.
Dans un certain sens. Mais il ne faudrait pas interpréter mes propos dans une
unique optique écologique. Je crois préserver qu'il faut préserver le vide. Nous en
avons besoin : pas uniquement pour sauvegarder notre système écologique, mais
surtout pour nos psychés. Nous sommes constamment entourés de constructions
sans cesse détruites et renouvelées. Les immeubles s'accumulent, les architectes et
leurs créations sont de véritables stars. Je ne nie pas leurs talents ni leurs utilités,
mais je crois que le véritable luxe se caractérise désormais par les territoires
vierges. Des zones brutes, de plus en plus rares, sans aucune intervention.
> Accept est une sculpture atypique dans cette exposition.
C'est une réduction de sablier, simplement dessiné par une triple fourche en
argent. Les derniers maillons de la chaîne sont en or. Il y a cette expérience
alchimique, cette transfiguration de la matière, qui me parle énormément. Passer
d'un état à l'autre, d'un bloc solide de roche à une poussière désertique.
Ce que ma production a perdu en spectaculaire, elle l’a gagné en sensibilité. Je
suis très attentif aux différents matériaux que j’emploie, qu’ils soient nobles
comme l’or ou pauvre comme la poussière. Les textures, les couleurs, les reflets,
tout participe à la lecture de mon travail.