L`arnaque des Primaires

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L`arnaque des Primaires
mar. 6 déc. 20166 déc. 2016 - Édition de la mi-journée
L’arnaque des Primaires
27 nov. 2016 ǀ Par Yamine Boudemagh ǀ Blog : Le blog de Yamine Boudemagh
Si la victoire de François Fillon est incontestable, est-elle pour autant légitime ?
Importé des Etats-Unis, le système des Primaires s’est imposé dans le paysage politique
français. Il consiste à rajouter deux tours supplémentaires à l’élection présidentielle française.
La France pouvait s’enorgueillir d’être l’un des seuls pays au monde où un chef d’état, chef
de l’exécutif, est élu directement par le peuple. Ce type d’élection est le corollaire des valeurs
fondatrices du pays, et notamment la capacité de voter librement et l’égalité de chaque voix
dans le scrutin.
D’où vient donc la nécessité d’ajouter deux tours supplémentaires ?
Si le vote en France est libre et égalitaire, l’éligibilité ne l’est pas. Chaque citoyen français
ne peut se présenter à cette élection. Chaque citoyen français n’a pas le même pouvoir
démocratique de décider qui peut les représenter.
Le système inique des parrainages détruit le caractère démocratique de cette élection. La
mainmise de deux partis politiques sur l’ensemble de la vie politique du pays interdit toute
représentativité de la société civile française. C’est dommage.
La démocratie américaine est née sur un
principe clair : « Pas de taxation sans
représentation ». En clair, tout citoyen ne
devrait pas être assujetti à l’impôt s'il estime
ne pas être représenté au Parlement.
En France, l’immense majorité des catégories
socio-professionnelles n’est pas représentée à
l’Assemblée. « 2,6 % d’ouvriers et d’employés
sont assis sur les bancs de l’hémicycle quand,
dehors, ils représentent 50,2 % de la
population, d’après les chiffres
de l’Insee. » faisait remarquer le politologue Eric Keslassy dans un rapport pour l’Institut
Diderot en 2012.
L’incorporation du système américain des primaires à la vie politique française ne pallie pas
cette grave lacune démocratique de notre pays.
Au contraire, les Primaires transforment notre démocratie en une
vulgaire farce.
Il s’agit en fait de permettre à un parti politique d’adouber un candidat qui ne représente pas
les idées de la majorité des militants de ce parti. Nicolas Sarkozy était le candidat des
militants, François Fillon sera le candidat du parti. Ce scandale n’est pas l’apanage de la
Droite. Martine Aubry était le candidat des militants socialistes en 2012 et François Hollande
fut le candidat du parti Socialiste. Seuls les militants écologistes et les militants communistes
ont pu imposer leurs convictions à la direction de leurs partis respectifs.
Le militant paie sa cotisation, colle les affiches, assure les permanences, distribue les tracts,
contrôle le bon fonctionnement de l’élection dans chacun des bureaux de vote. Lui seul
permet au parti d’exister. Et pourtant, quand il s’agit de choisir le candidat qui doit le
représenter lors de l‘élection présidentielle, son avis n’a plus la même importance.
Pire, les Primaires autorisent le parjure. Des
électeurs de Gauche sont encouragés à signer,
toute honte bue, une déclaration d’adhésion
contraire à leurs principes : « Je partage les
valeurs républicaines de la droite et du centre et
je m’engage pour l’alternance afin de réussir le
redressement de la France. » Et cette primaire
était sous l’autorité d’Anne Levade, Professeur
d’Université, agrégée en Droit. Comment en
est-on arrivé là ?
D’ailleurs, comment cette spécialiste du droit constitutionnel français a-t-elle autorisé la
candidature d’un membre du Conseil Constitutionnel à la Primaire de Droite ?
Les Républicains ont ajouté le ridicule à l’absurde en bradant leurs « valeurs de droite » pour
deux euros seulement. Le militant, lui, doit débourser 30 euros pour faire vivre son parti.
Mais surtout, payer pour voter reste l’insulte suprême pour notre fragile démocratie.
Quel esprit fébrile a imaginé ce désuet retour du suffrage censitaire ? Et il faut compatir avec
ces pauvres assesseurs obligés de compter 8 millions de pièces de deux euros, puis les porter,
les garder toute la nuit pour les déposer le lendemain sur le compte du parti.
Veut-on ajouter deux tours supplémentaires à l’élection présidentielle ? Alors que ces tours
supplémentaires signifient une avancée de notre démocratie, soit en terme de représentativité
socio-professionnelle soit en termes de représentativité territoriale.
Si Sarkozy en a longtemps été le maire, Cambadelis et Marine Le Pen sont nés à Neuilly…
tout comme Anne Levade d’ailleurs !
Il est temps de démocratiser notre vie politique.