ide et développement en algérie
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ide et développement en algérie
« IDE ET DÉVELOPPEMENT EN ALGÉRIE » Dr. CHEBIRA Boualem enseignant chercheur, Maître de conférences, Université d’Annaba, [email protected] Résumé: Il est de plus en plus reconnu que le développement de certains pays et notamment les PVD passe actuellement par une économie fondée sur la connaissance. Le modèle de développement adopté par l’Algérie a connu plusieurs phases qui étaient fonction de la situation politique, sociale, financière…. du pays. La manne pétrolière a favorisé, jusqu’à un certain degré, la politique d’investissement pratiquée par l’Algérie qui se voulait être une politique protectrice des intérêts nationaux et se méfiait des investissements directs étrangers considérés comme une certaine forme de dépendance vis-à-vis de l’étranger. La crise de 1986, et l’actuelle crise mondiale rappellent à l’Algérie la fragilité d’une stratégie basée uniquement sur les revenus pétroliers, qui sont par nature, non stables et subissent nécessairement des soubresauts. Les besoins du pays grandissants, avec une démographie galopante, nécessitent des investissements importants que l’Etat Algérien ne pourra pas financer à lui tout seul et devra donc rechercher des capitaux étrangers à travers les Investissements directs étrangers. Ces investissements devront cependant être orientés dans le cadre d’une stratégie étudiée, vers le secteur productif et principalement celui des technologies en vue de procéder progressivement à des transferts technologiques nécessaires pour développer la politique d’innovation. En effet, les quatre piliers de la nouvelle économie reposent sur le régime d’incitation économique ou régime institutionnel, l’éducation, l’innovation et les technologies de l’information et de la communication (TIC). Ces secteurs devraient s’ouvrir aux investissements « technologiques ». Quelle est la situation aujourd’hui de l’Algérie dans ce contexte. Quelle a été sa stratégie en matière d’attrait des IDE, dans le cadre du mode développement ? Comment ont évolué ces investissements et dans quel secteur ? Quels sont les pays qui ont tendance à investir le plus en Algérie ? Ce travail tentera d’apporter quelques éléments de réponse à cet ensemble de questionnements en procédant à l’analyse de la situation actuelle et aux opportunités offertes. Mots clés: Développement ; Investissements directs étrangers ; stratégie ; Economie fondée sur la connaissance (EFC) ; environnement institutionnel ; éducation ; formation ; innovation Introduction L’Homme a toujours été à la recherche d’un bien-être à divers niveaux : nourriture, confort, santé, éducation… Il a adopté pour cela une vie en société, meilleur gage d’un bien-être social. Ainsi, et depuis que l’Homme existe, des modes de développement ont été mis en place par des communautés sous forme de tribus, de clans, et actuellement de pays ou d’union d’un ensemble de pays. La complexité et la diversité de ces modes de développement augmentaient avec la diversité ethnique, religieuse de l’entité sociale, ainsi qu’avec une répartition naturelle inégale des ressources disponibles. La notion de développement est en soi assez complexe à appréhender car ne relevant pas d’une simple dimension. Elle est fonction d’idéologie et met en évidence des aspects techniques, culturels, politiques, sociaux et bien évidemment économiques [Bajoit, 1997]. Les interrelations entre ces divers aspects conjuguées à la position géostratégique du pays et à son histoire, montrent à quel point les modèles de développement peuvent être différents et inadaptables d’un pays à un autre. S’il peut exister dans certains modèles des constantes communes, le mode d’application est nécessairement différent car prenant en considération divers facteurs d’ordre historique, social, religieux, financier… L’Algérie n’échappe pas à cette règle. Depuis son indépendance en Juillet 1962, ce pays a été à la recherche du meilleur mode de développement, testant ainsi plusieurs approches qui ont connu des résultats différents. Ce travail tentera, à travers le modèle de développement algérien, de mettre en évidence le rôle joué par les IDE, durant les diverses phases. Les IDE ont’ils participé au processus de développement en Algérie et si oui dans quels secteurs d’activité ? Modèle de développement algérien G. Bajoit [1997] a proposé une grille d’analyse des modèles de développement basée sur une évolution historique et temporelle. Dans son approche, il présente les cinq modèles suivants : Tableau 1 : Evolution des modèles de développement d’après Guy Bajoit L’analyse de l’évolution des modèles de développement de l’Algérie, depuis son indépendance, à travers cette grille est assez illustrative. En effet, juste après son indépendance, l’Algérie était un pays déstructuré où ne subsistait qu’une société conservatrice basée en majorité sur un mode de vie rurale où la culture traditionnelle régissait les rapports sociaux. Il s’agissait bien du modèle de la modernité caractérisée par un fossé important entre cette société majoritairement traditionnelle vivant principalement des produits de la terre, et les sociétés dites modernes de l’époque. L’agriculture pratiquée était surtout une agriculture de subsistance avec des méthodes traditionnelles. Les dirigeants de l’époque n’avaient pas opté pour une politique claire de développement et le flou a régné pendant trois années. A partir de 1965, et l’arrivée au pouvoir du président Boumediene, le modèle de la modernité se transforme en modèle de la révolution. Ce modèle, se voulant socialiste, est basé politiquement sur la lutte contre l’impérialisme et la bourgeoisie. Il s’agissait de donner aux masses prolétaires, les moyens de production nécessaires devant leur permettre de mener le pays vers le développement souhaité. Plusieurs grandes actions furent menées à cette époque et divers slogans faisaient la fierté de chaque algérien. Il était alors question de révolution agraire, de révolution industrielle et de révolution culturelle. La révolution industrielle, dans le cadre des idées prônées par Gérard Destanne de Bernis, était orientée vers le principe de l’industrie industrialisante (Destanne de Bernis, 1971). Il s’agissait de mettre en place une infrastructure industrielle « lourde », basée sur les matières premières existantes dans le pays, et qui devrait en amont transformer ces matières premières, et en aval permettre le développement d’une industrie « légère ». Georges Mutin, dans son manuscrit portant sur le contexte économique et social de la crise algérienne a résumé ce mode de développement ainsi : [Mutin, 1997] « L'Algérie entend créer une "structure industrielle cohérente"fondée sur la création de pôles de développement où se localisent des industries motrices à partir desquelles se diffuse la croissance, le progrès, l'innovation, le dynamisme. » Sous l’égide d’un Parti unique, aux pouvoirs élargis, cette politique fut menée d’une main de fer. Le secteur industriel commençait à prendre forme. L’industrie sidérurgique, avec l’usine d’El Hadjar dans la banlieue d’Annaba à l’est du pays, exploitant le minerai de fer d’Ouenza près de la frontière Tunisienne, figure parmi les grandes réussites de cette époque. D’autres industries ont vu le jour tels que les pôles de développement sur la côte algérienne et relatifs aux hydrocarbures. Parmi les plus importants, sont cités les pôles d’Arzew-Bethioua à l’ouest du pays et celui de Skikda à l’est. L’industrie textile, dans le cadre d’industries dites de substitution, a connu aussi son temps de gloire. L’Algérie était souvent décrite comme un grand chantier. G. Mutin, en parlant de la décennie des années soixantedix décrivait ainsi la situation : « A la fin de la décennie le pays compte plus de 75 zones industrielles et plus de 200 communes abritent au moins une implantation industrielle. » Le montant des investissements était considérable. Les revenus pétroliers de cette époque ont permis de réaliser ce plan d’industrialisation et l’Algérie n’avait pas eu recours directement aux investissements étrangers. La fierté nationale, et le souci de garder son indépendance économique intacte ont été au dessus de toute autre considération. Cependant, l’Algérie s’est trouvée quand même dans une situation d’endettement important due principalement à la crise pétrolière de 1986 et à quelques malversations qui ont été dénoncées par la suite. « L'action de l'État algérien est l'exemple type d'une politique volontariste, une politique de croissance à marches forcées. L'État qui contrôle l'essentiel des moyens de production, est opérateur industriel, investit pratiquement seul. Au total, toutes branches confondues, la part du secteur public couvre 58% de l'emploi, 65% du PIB et 80% de l'investissement. » G. Mutin Cette industrialisation devait, selon la stratégie mise en œuvre, être la locomotive du développement agricole. Il fallait d’abord donner les terres à ceux qui la travaillent et mettre à leur disposition dans une seconde étape, tous les moyens nécessaires pour leur permettre d’arriver à une agriculture extensive, mais moderne et mécanisée. En effet, la population algérienne de l’époque n’était pas très importante avec quelques 7,4 Millions d’habitants contre plus de 33 Millions aujourd’hui, et les terres agricoles exploitées ne représentaient qu’un très faible pourcentage du territoire. L’Algérie avec ses 2.381.741 km2 n’utilisait que 8 Millions d’hectares de surface agricole utile [TERRANTI, 2003], soit 3,3% du total du territoire. La révolution agraire engagée à partir de 1971, se fixait ces objectifs en mettant en œuvre la stratégie suivante. La première phase consistait en une redistribution des terres aux paysans qui la travaillent. Une grande opération d’expropriation, volontaire ou forcée, a été engagée et il s’en est suivi une redistribution, évitant la grande propriété, et organisant les Fellahs1[9] sous forme de coopératives agricoles. Les nouveaux propriétaires avaient un « droit de jouissance perpétuelle pour une exploitation sous forme de coopérative » [TERRANTI, 2003]. Dans une seconde phase, l’Etat encourageait l’exploitation de nouvelles terres qui avaient des rendements plus faibles, ou bien celles qui nécessitaient d’importantes restaurations. Des investissements importants ont été réalisés pour l’acquisition d’engins mécaniques spécifiques au développement agricole, et dans la mise en place d’une industrie adéquate à l’exemple du complexe pelles et grues de Ain-Smara2[10] et le complexe tracteur agricole de Oued-Hamimine à l’est du pays. A ce niveau aussi, l’Algérie, qui a investi des montants de plus en plus importants (Cf Tableau 3) n’a pas eu recours aux investissements directs étrangers et s’est contentée de financer tous ces investissements par la rente pétrolière. Il est vrai que l’augmentation continue des prix du pétrole a favorisé cette politique. Le tableau 2, ci-dessous illustre cette évolution. La rente pétrolière a ainsi évolué d’une manière significative, même si on constate une nette diminution en 1986 et les années qui suivirent. La crise de 1986 qui s’est traduit par la chute brutale et conséquente des prix des hydrocarbures a réduit considérablement les revenus du pays. Il faut signaler que les hydrocarbures représentaient plus de 98% du total des exportations. Le taux de change du Dinar à l’époque était de 1 DA pour 1,36 FF en 1987 et 1,15 FF en 1988. Quant à la révolution dite culturelle, il s’agissait principalement de faire prendre conscience aux algériens de l’importance des défis et de la justesse des actions entreprises en vue d’obtenir leur adhésion pour la réussite du processus. Durant cette époque, le taux d’analphabétisation était élevé. Les résultats de ce modèle restent très mitigés. L’Algérie était au début des années soixante dix prise en exemple pour son modèle de développement, lorsque notamment le Président Boumediene prononçait en 1974 au niveau de l’ONU, son fameux discours sur le Nouvel Ordre International. Il est vrai qu’à cette époque, l’effort d’investissement réalisé par le pays (Cf tableau 3) donnait des résultats acceptables. Le taux de croissance du PIB, à partir de 1972 et jusqu’en 1980 variait de 4 à 9%. Graphe 1 : Evolution du taux de croissance du PIB en Algérie de 1962 à 1980 40 30 20 10 0 -10 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 -20 -30 Source des données : World Perspective Monde Cependant vers la fin des années 1980, les premiers grands dysfonctionnements apparaissent. L’arrivée au pouvoir du Président Chadli et les quelques réformes qu’il a engagées, n’ont rien apporté de nouveau. Le secteur industriel ne donnait pas les résultats attendus au vu des montants investis. La politique sociale engagée par l’Etat, n’était pas en adéquation avec les objectifs de rentabilité économique. Le recrutement à divers niveaux du secteur économique ne se faisait pas en fonction des besoins, mais en fonction de critères sociaux. Il fallait trouver un emploi à chaque algérien. Le sureffectif enregistré a eu des effets négatifs aussi bien sur la rentabilité financière que sur la production. La plupart des entreprises industrielles publiques souffraient de graves déséquilibres financiers, que l’Etat couvrait par des subventions. Quant au secteur agricole, la situation était alarmante. Le système de coopérative fut un échec total. Les nouveaux propriétaires des terres, n’arrivaient pas à coordonner leurs efforts pour un travail et un rendement collectif. D’ailleurs, plusieurs coopérateurs ont fini par se partager les terres qui leur ont été attribuées, en petits lots, que chacun exploitait selon sa convenance. On revenait ainsi à la petite exploitation de subsistance. La production, au lieu de croître, ne faisait que stagner voire même régresser. L’accroissement démographique ne faisait lui qu’augmenter. La résultante de cette situation est que l’Algérie a été obligée à partir des années 1980, de recourir à des importations massives de produits alimentaires. « En 1970 les achats de biens alimentaires représentaient 6% des importations totales mais 41% en 1980. Les importations de céréales passent au cours de la même période de 0,6 million de tonnes à 2,5. » G. MUTIN Le pouvoir, au vu de cette nouvelle situation, met fin au processus de révolution agraire et quelques propriétaires terriens ont même pu récupérer leurs terres, qui se trouvaient souvent dans une situation d’abandon. A cette situation difficile, s’est ajouté la crise de 1986, qui a fini par obliger le pouvoir en place à remettre en cause radicalement le modèle de développement. L’arrivée du gouvernement Hamrouche3[11] marque un tournant décisif dans la politique algérienne. Il engagea en effet une politique de libéralisation visant à la réforme administrative, économique et commerciale. C’est le passage selon la grille de G. Bajoit, du modèle de la révolution au modèle de la compétition. L’ouverture de l’Algérie vers une économie de marché, a été l’objectif de ce gouvernement, qui prônait le libre jeu de la rentabilité économique, la liberté d’action du secteur privé, et la compétition par un arrêt progressif aux subventions de l’Etat accordées au secteur public. Les conséquences furent dramatiques sur le plan social, car la rente pétrolière n’arrivait plus à couvrir les besoins du pays. Le niveau de chômage grimpe et des émeutes éclatent un peu partout dans les villes algériennes en Octobre 1998. Durant cette période, l’endettement extérieur de l’Algérie a atteint des seuils importants. A cela s’ajoute la détérioration de la situation sociale et politique en 1991, avec la montée de l’islamisme et la répression sanglante conter le FIS4[12]. La chute du gouvernement Hamrouche était inévitable. La libéralisation économique du pays s’est faite dans la douleur. Elle n’a abordé en fait que l’aspect commercial. La population qui a connu une dictature non dite depuis plusieurs années, aspirait à plus de libertés. Les réformes entreprises ont permis la naissance du multipartisme, une liberté de la presse, mais n’ont pas pu être menées à terme, à cause de la situation financière du pays qui découvrait soudainement sa fragilité économique liée à la rente du pétrole. Il s’agit du passage du modèle de la compétition au modèle du conflit. La récession des investissements et le niveau de la dette de l’Algérie, l’obligeaient, difficilement, à accepter un plan de rééchelonnement qui fut négocié en 1994 et 1995. Le montant de la dette dépassait durant les années 1995 et 1996 les 30 Milliards de Dollars. L’ouverture aux capitaux étrangers était devenue indispensable pour sortir le pays de cette situation de récession. Cependant pour les investisseurs étrangers, la destination Algérie n’était pas sûre et garantie. Les seuls investissements étrangers durant cette époque étaient surtout en relation avec le domaine des hydrocarbures qui était régi avec une attention particulière par l’Etat. La stabilité politique revient au pays en 1999 avec l’élection du Président Bouteflika qui entama aussitôt de vastes réformes, aidé, il est vrai par une conjoncture économique favorable. Le prix du pétrole connut des embellies jusqu’à atteindre des niveaux que personne n’imaginait. De 13 Dollars le baril de Brent en 1998, il a dépassé allégrement la barre des 150 Dollars en 2008. Le prix a plus que décuplé, décuplant par la même les recettes du pays. Cela n’a pas empêché le pays, dans le cadre de cette nouvelle politique, de s’ouvrir d’une manière très franche aux investissements étrangers et de mettre en place des systèmes d’attrait pour drainer le maximum d’IDE. Mais stabilité politique ne veut pas dire nécessairement stabilité sociale et le pays connut des périodes difficiles où l’affrontement pour la récupération par la population de ses racines identitaires et culturelles continua, freinant ainsi le processus de développement. Il s’agit du passage du modèle du conflit au modèle de l’identité culturelle. Cette instabilité n’était pas pour encourager les investisseurs étrangers. Il est vrai que la situation s’améliorait d’année en année, mais le retard accumulé était et reste important. Les IDE commençait progressivement à alimenter le modèle de développement algérien, jusqu’à la crise économique mondiale actuelle. Les IDE en Algérie: importance, secteurs, politiques Importance des IDE S’il est clair que la politique algérienne depuis son indépendance en 1962 et jusqu’à la crise de 1986, n’a pas eu recours aux IDE, la situation commença à changer à partir du début des années 1990. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette nouvelle politique : 1- la crise de 1986, a porté un rude coup aux finances du pays qui comprit qu’il ne pouvait plus compter sur ses recettes pour assurer le développement souhaité. La participation étrangère était devenue indispensable. 2- Le pays ne détenait pas la technologie et avait besoin pour cela d’investissements technologiques dans le cadre d’IDE. 3- Des réflexions sur une stratégie de développement qui ne sera plus basée sur la rente pétrolière commençaient à émerger. La nouvelle stratégie basée entre autres sur l’innovation et le développement des technologies de la communication et de l’information ne pouvait réussir sans l’aide étrangère. Au niveau de l’avant-projet de stratégie et politiques de relance et de développement industriels réalisé par le MPPI5[13] en 2007, il est stipulé : « On s’accorde en général à reconnaître que l’IDE joue un rôle dans l’apport de financement, le développement des marchés extérieurs, l’apport en management et le transfert de technologie ». Par ailleurs, la définition des IDE, selon Wikipédia, insiste à son tour sur le rôle de la technologie : « L'IDE est vecteur de transfert de technologie, ce qui est crucial pour le décollage et la remontée des filières vers des productions à plus fort contenu technologique ou de haut de gamme. » (Wikipédia) Dans cet avant-projet de stratégie, l’accent est mis sur une politique d’attraction des IDE selon trois critères : • Les IDE avec transfert de technologie, • Les IDE avec marchés d’exportation • Les IDE comme une simple extension des marchés traditionnels. La part des IDE entre 1991 et 1996 n’a guère dépassé 0,5% des investissements pour atteindre plus de 8% en 2001 et 2002. L’évolution du montant des IDE de 1997 à 2007 est résumée dans le tableau suivant : Tableau 4 : Evolution des IDE en Algérie (1997-2007) Flux d’IDE Evolution des montants d’IDE (en Millions de Dollars US) Flux d’IDE annoncés (en Millions d’Euros) 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 260 501 507 438 1196 1065 634 882 1081 1795 6000 2204 6355 3493 6747 Source : ANIMA- MIPO et CNUCED6[14] L’évolution des IDE de 1997 à 2007, est très significative de l’effort réalisé pour attirer les IDE. En effet, le montant a été multiplié par plus de 23. La comparaison 1997-2008 est encore plus importante en ce sens qu’avec des IDE de l’ordre de 897.591 Millions de DA (Tableau 5), selon l’ANDI7[15], soit quelques 14.360 Dollars8[16], le facteur multiplicateur passe à 55. Tableau 5 : Etat récapitulatif des projets d’investissements déclarés – Année 2008- Montant: Millions de DA. PROJETS PROJETS % MONTANT % EMPLOIS % D'INVESTISSEMENT INVESTISSEMENTS LOCAUX 16 823 99% 1 504 298 63% 186 031 95% PARTENARIAT 37 0,2% 372 602 15,5% 4 723 2% INVESTISSEMENT 65 0,4% 524 989 21,9% 6 000 3% DIRECT ÉTRANGER TOTAL INVESTISSEMENT 102 1% 897 591 37% 10 723 5% ETRANGER TOTAL GENERAL 16 925 100% 2 401 890 100% 196 754 100% Source : ANDI http://www.andi.dz/PDF/bulletin/ANDI%20NEWS%20N°07.pdf Cette situation peut paraître positive. Peu de pays en effet peuvent prétendre à des facteurs multiplicateurs de cette importance. Mais, il est quand même nécessaire d’apporter les quelques précisions suivantes. En fait, les facteurs multiplicateurs ne sont importants que parce que le montant des IDE en 1997 était négligeable. C’était le début de la nouvelle politique. Il est ainsi plus facile d’avoir des taux d’accroissement importants dans la mesure où la situation d’équilibre était loin d’être atteinte au vu des potentialités qu’offraient l’Algérie. Ensuite, une comparaison entre les flux d’IDE annoncés et réalisés montre à quel point l’appréhension des investisseurs étrangers durant cette période était forte. De 2003 à 2006, le réalisé fluctuait entre 13 à 30% des déclarations. Par ailleurs, le montant global des IDE rapporté au total des investissements réalisés en Algérie illustre bien la timidité des investissements étrangers. En février 2009, le quotidien El-Moudjahid annonçait que les IDE en Algérie ont représenté de 2002 à 2008, 15,9% du montant global des investissements. Les autres investissements, soit 84,1%, étaient nationaux. Provenance des IDE Un deuxième aspect d’analyse tout aussi important que le montant des investissements, est celui de la provenance. Quels sont les pays qui ont le plus investi en Algérie ? Il serait logique de penser qu’au vu des relations étroites avec la France, ce pays serait normalement au premier rang des pays investisseurs en Algérie. En fait, il en est tout autrement, car la France, au nom du principe de meilleure connaissance de ce pays en sa qualité d’ex colonie, et plus particulièrement de la connaissance de sa société et de son comportement, a toujours eu, beaucoup plus que les autres pays, des réticences plus fortes. Plusieurs marchés importants lui ont ainsi échappés, au vu de sa politique d’hésitation. De 2002 à 2008, le montant des investissements français en Algérie n’a représenté que 2,39% du total des investissements étrangers (Tableau 6), alors que l’Asie était à 29,25% et les pays Arabes principalement les pays du Golfe et l’Egypte atteignaient plus de 50%. Tableau 6 : Provenance des IDE Algérie (2002-2008) REGION NOMBRE MONTANT DE (En 106DA) PROJETS EUROPE Dont UE 322 271 299 256 270 105 Dont FRANCE ASIE AMERIQUES PAYS ARABES AFRIQUE AUSTRALIE 121 47 16 289 1 1 39 376 481 227 27 490 827 150 4 510 2 954 MULTINATIONALITE TOTAL 14 690 % par pays % par pays 18,19% 16,42% 2,39% 29,25% 1,67% 50,28% 0,27% 0,18% 2 600 0,16% 1 645 187 100,00% Source : ANDI- Calcul des pourcentages par l’auteur Il faut cependant préciser que, si pour la France, le montant des IDE n’était pas important, le nombre de projets d’IDE l’était. La politique française consistait à maintenir des relations particulières avec l’Algérie, en proposant plusieurs petits projets d’investissements, pour renforcer sa présence sans trop de risque. Les graphes, ci-après illustrent bien cette stratégie de la France. Nature des investissements Plusieurs grands projets furent menés en Algérie dans divers domaines. Parmi les plus importants, peuvent être cités : • l’autoroute Est-Ouest : projet gigantesque qui consiste en la réalisation d’une autoroute de l’Est à l’Ouest du pays longue de plus de 1200 kms. Ce projet est considéré comme le plus important projet depuis l’indépendance de l’Algérie et exige des investissements énormes de l’ordre de 16 Milliards de dollars. Le Japon et la Chine sont les principaux réalisateurs de ce projet, • Construction du nouvel aéroport d’Alger ; Il s’agit d’un grand aéroport situé à côté de l’ancien, et il a été conçu pour répondre aux normes internationales, • Construction d’un million de logements entre 2004 et 2009. Il s’agit là aussi d’un important projet pour un montant de plus de18 Milliards de dollars… La Chine a pris une bonne partie de ce projet, • Téléphonie mobile, avec l’Egypte et le Koweit • Projets industriels (hydrocarbures), (Etats-Unis, Espagne, …) • Projets de dessalement d’eau de mer (43 usines sont programmées jusqu’en 2019). Certaines d’entre elles sont déjà opérationnelles, • Production d’engrais et d’ammoniaque, • Cimenteries, • Quelques projets relatifs au tourisme… Durant la période 2002-2008, les secteurs de l’industrie et des services ont représenté à eux seuls, plus de 75% des investissements directs étrangers. Il est vrai que le secteur des hydrocarbures a toujours eu la part la plus importante, même si ces dernières années les autres secteurs commencent à se développer. Pour la France, les investissements réalisés en Algérie en 2007 sont détaillés en annexe. Tableau 7 : Répartition des projets d'investissement déclarés étrangers par secteur d'activité regroupé Période 2002 – 2008 SECTEUR D'ACTIVITE Nombre de projets % Montant en 106 DA % Agriculture 10 1.45 % 2 021 0.12 % BTPH 99 14.35 % 472 163 28.70 % 384 55.65 % 854 327 51.93 % 4 0,68 % 5 982 0,80 % Industrie Santé Transport 33 4.78 % 12 531 0.76 % Tourisme 15 2.17 % 26 216 1.59 % 142 20.58 % 109 358 6.65 % 3 0,51 % 162 586 9,88 % 690 100 % 1 645 187 100 % Service Télécommunication TOTAL Source : ANDI Conclusion : Deux étapes principales ont caractérisé l’histoire de l’Algérie indépendante concernant sa politique d’IDE. Une première période qui s’est étalée jusqu’à la fin des années 1980, a consisté en un rejet systématique des investissements étrangers, comptant uniquement sur les ressources propres du pays. Une deuxième période qui a démarré au début des années 1990 et qui s’étale à ce jour, s’est caractérisée par une politique de plus en plus soutenue d’attraction des IDE. Beaucoup de changements ont été opérés dans la politique algérienne ces dernières années pour attirer davantage ces investissements étrangers. Mais la plupart des investissements réalisés ont un caractère beaucoup plus commercial que productif [MUTIN, 1997, p11). Les changements et les réformes de l’environnement institutionnel se sont certes fait à un rythme considéré par certains opérateurs étrangers comme lent. Cependant, le cabinet de consulting britannique Oxford Business Group [Le Maghreb, 18/04/2009], considère qu’en Algérie « l’investissement est nettement plus sûr » (en comparaison avec le passé). Le peu d’investissement productif hors hydrocarbures n’a pas été orienté vers l’acquisition des technologies. Dans le secteur des télécommunications par exemple, et pour la période 2002-2008, seul 0,51% du total des investissements a été opéré dans ce secteur. La formation supérieure ouverte vers les nouvelles technologies reste très timide. L’innovation n’a pas réellement donné des résultats probants. Mais, il s’agit déjà là d’un autre aspect de la question. Bibliographie Guy BAJOIT, Pourquoi les richesses du monde sont-elles si inégalement réparties et Repenser le développement, in Antipodes n° spécial Le développement, ITECO, octobre 1997 DESTANNE de BERNIS, (1971) Deux stratégies pour l’industrialisation du Tiers-Monde, Les industries industrialisantes et les options algériennes, Tiers-Monde, Volume 12, n°47, 545-563 F. BOUALAM, Les institutions et attractivité des IDE, Colloque International « Ouverture et émergence en Méditerranée », 17-18 Octobre 2008 Rabat Maroc Georges MUTIN, Le contexte économique et social de la crise algérienne, in « la crise algérienne : enjeux et évolution », 1997, 17p Salima TERRANTI, Communication au Fourth PAN-ARICAN PROGRAMME ON LAND AND RESOURCE RIGHTS workshop. Cape Town, Mai 2003 ANDI, Agence Nationale de Développement de l’investissement, Algérie, http://www.andi.dz ANIMA Investment Network, Union de la Méditerranée- Algérie-, 04 Décembre 2007, http://www.mafhoum.com/press10/311E13.pdf MPPI, Ministère des participations et de la promotion des investissements, Algérie, Stratégie et politiques de relance et de développement industriels, Avant-Projet, 2007. Wikipedia , Encyclopédie électronique, http://fr.wikipedia.org Samira G. Le quotidien « Le Maghreb » du 18 Avril 2009, p-3 World Perspective Monde, http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?langue=fr&codePays =DZA&codeStat=NY.GDP.MKTP.KD.ZG&codeStat2=x Annexe – Liste des IDE français en Algérie en 2007 • • • • • • • BNP Paribas : le banquier français augmente le capital de sa filiale algérienne BNP El-Djazair, détenue à 100%, de 1 milliard DZD BNP Paribas / BNL : la banque italienne BNL, filiale du géant français, s’implante en Algérie en partageant ses bureaux avec l'implantation locale de la BNP Natixis : Natixis doit ouvrir autour 10 agences en Algérie et veut se renforcer dans le secteur local de banque de détail Société Générale : Société Générale Algérie renforce sa présence en créant 23 nouvelles agences sur le territoire algérien, portant le nombre total à 55 Société Générale / ALD Automotive : ALD Automotive, la ligne location longue durée et gestion de parcs automobiles du groupe Société Générale, a créé une filiale locale Total : le groupe français apporte 51% des 3 milliards USD prévus pour la construction et la gestion d’un complexe pétrochimique à Arzew, la Sonatrach apportant 49% Saint-Gobain : Saint-Gobain a acquis 66% du capital de CM Gypso, qui possède deux carrières de gypse, et prévoit d'investir dans une nouvelle fabrique de plâtre • • • • • • • • • • • • • • • • • Francis Lefebvre : le cabinet d’avocat français crée une filiale algérienne baptisée « Bureau Francis Lefèbvre Algérie » installée à Alger Veolia-EDF / Dalkia : la filiale de Veolia et d'EDF crée une filiale et compte investir 60 millions d'euros sur 3 ans, dont 20 pour l'acquisition d'entreprises locales Quick : le premier restaurant de la chaîne de restauration franco-belge ouvre à Alger Star Invest : le promoteur investit 75 millions USD sur 5 ans à Alger pour la création de plusieurs Lounge Hotels, avant de s'étendre à Skikda et à Mostaganem Gofast / Aigle Azur : Gofast-Aigle Azur prend 49% de Cnan-Maghreb Lines, branche du groupe public maritime Cnan et annonce plusieurs millions d’euro d’investissements Speedy : le spécialiste français de la maintenance automobile investit 30 millions EUR en créant 15 nouveaux centres via sa filiale algérienne Viveo : le groupe informatique français crée une filiale en Algérie, Viveo El Djazaïr, afin d'accompagner la modernisation du secteur financier PhoneControl : l'éditeur français de logiciel de télémarketing ouvre une succursale pour accompagner le développement local des centres d'appels Air Liquide : le groupe français, leader mondial des gaz industriels et médicaux, crée Air Liquide Algérie, filiale détenue à 100% Europcar : le leader européen de la location de véhicules s'associe à Cevital pour donner naissance à la filiale CeviCar, qui gérera la franchise dans ce pays SCE : le groupe nantais d'ingénierie crée une filiale algérienne avec 12 embauches pour honorer des contrats obtenus pour l'assainissement des eaux usées Extenzo : le spécialiste de la décoration intérieure réalisera en partie sa production en Algérie, où elle vient d'acquérir 10 % de la société Izo Froid Boccard : le chaudronnier français crée une filiale algérienne pour développer une unité de production locale Trévise- MLI : les deux PME françaises s'associent pour créer ensemble la société Metrise, spécialisée dans l'ingénierie et la boulonnerie LPR : Lorraine Plast Recycling, PME française spécialisée dans le recyclage du plastique en polyéthylène téréphtalate, s'implante en Algérie BCT Demolition : la PME française crée sa filiale algérienne baptisée Aldemo (Algérienne de démolition) afin de décrocher des contrats locaux de démolition Behm-Titan-Kaiser (BTK) : le groupe carrossier français investit 10 millions EUR sur 3 ans dans BTK Tiaret, une nouvelle JV montée avec l'Algérien SNVI (60/40)