Le horla» et «Boule de suif»

Transcription

Le horla» et «Boule de suif»
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
1. Un narrateur omniscient raconte l’histoire au passé
de manière chronologique et n’entre pas beaucoup
dans la pensée des personnages (focalisation
externe). Il donne l’impression de rapporter un
événement tel qui s’est produit sans l’interpréter.
2. Il se montre pourtant très subjectif dans ses
descriptions, bien que l’action soit située dans un
contexte vraisemblable et connu des premiers lecteurs
de l’œuvre (la guerre de 1870, les villes de Rouen,
Tôtes, Étretat, Dieppe et Le Havre, la diligence, l’hôtel
du commerce). Son intention est de dresser un portrait
critique de ce que fut la société française de la
deuxième partie du XIXe siècle.
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
3. La guerre, l’Occupation et l’hiver font en sorte que
l’espace se ferme. Les personnages sont cernés dans
deux villes assiégées et enneigées, ils sont deux fois
enfermés dans une diligence et ils sont contraints
d’attendre la suite du voyage dans une auberge. C’est
ce qui provoque un rapprochement des classes sociales
qui autrement serait impossible.
4. Le récit présente continuellement des contrastes qui
facilitent l’interprétation et rendent les personnages
prévisibles. Les paires suivantes sont la base de la
réduction/amplification : paraître-être, vanitéhumilité, lâcheté-courage, hypocrisie-sincérité.
5. La narration met en scène deux guerres : celle que la
France perd devant la Prusse et celle que Boule de suif
perd devant les nobles, les bourgeois, le démocrate et
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
les religieuses. Elle contient des portraits de couples
conformes à l’ordre établi et trois portraits individuels
qui s’opposent à l’ordre établi.
6. La France, depuis 1852, vit sous le second Empire.
Napoléon III, impérialiste dans l’âme, participe à de
nombreuses guerres dans le but d’accroître le prestige
de la France. Bismarck, le chancelier de la Prusse, le
provoque et lui déclare la guerre en 1870. La
nouvelle se situe au moment de la déroute de l’armée
française. Napoléon III est battu. Les Prussiens
assiègent Paris et une partie de la Normandie.
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
Moment de Durée de la
Durée de la
Événements
la fiction
fiction
narration
Avant le
départ
1er jour
Plusieurs
jours
Déroute de
l’armée
française,
Occupation
5 pages
De 4h30 à
10h
Préparatifs,
départ,
portrait des
voyageurs
6 1/2 pages
De 10h à 15h
Réactions à
la faim
1 1/2 page
De 16h30 à
17h30
environ
Suite du
voyage
1/2 page
Quelques
minutes
Descente de
la diligence
1 page
Souper,
La soirée et
Boule de suif
une partie de
repousse
la nuit
Cornudet
4 1/2 pages
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
2e jour
De 8h
jusqu’au
coucher
Rencontre de
l’officier
prussien,
colère des
voyageurs
5 pages
3e jour
Du lever
jusqu’au
coucher
Promenade
aux alentours
2 pages
4e jour
Du lever
jusqu'au
coucher
Conspiration
contre Boule
de suif
5 pages
Tard dans la
matinée
jusque tard
dans la nuit
Le comte
convainc
Boule de
Suif; dîner
pendant
qu’elle
couche avec
lui
3 1/2 pages
Quelques
heures
Préparatifs,
départ et
deuxième
repas en
diligence
4 pages
5e jour
6e jour
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
Personnages
Classe sociale
Commentaire
Le comte et la
comtesse de
Bréville
Nobles distingués
au bon langage
qui pratiquent le
raffinement en
tout. Ils sont
courtois,
ambassadeurs,
galants et
aimables.
« précautions de
langage »,
« honorabilité
indiscutée »,
« honnêtes gens
autorisés qui ont
de la religion et
des principes »,
« gens comme il
faut », « grande
tournure », « du
haut de sa
position sociale »,
« ressemblance
naturelle avec le
roi Henri IV »,
« grand savoirvivre »,
« condescendance
aimable », « il ne
faut jamais
résister aux gens
qui sont les plus
forts », « femme
honnête »
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
Monsieur et
Madame CarréLamadon
Grands bourgeois
« homme
qui ont beaucoup considérable »,
de savoir-vivre « tous ses titres »;
parce que cela
« la consolation
leur donne le
des officiers »,
pouvoir de servir
trouve l’officier
leurs intérêts
prussien « pas
discrètement et
mal du tout »,
habilement.
« refuserait celuilà moins qu’un
autre »
Monsieur et
Madame Loiseau
Petits bourgeois
« un fripon
parvenus qui ont
madré », « un
peu d’éducation et filou »; « une âme
qui se montrent
de gendarme »,
volontier grivois, « de la nature des
populaciers et
orties »
grossiers tout en
étant ouvertement
obsédés par
l’argent.
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
Les religieuses
À l’image de
l’Église française
de l’époque, elles
sont effacées,
soumises et non
patriotes, mais
elles collaborent
au besoin avec des
gens de pouvoir
comme les grands
bourgeois et les
nobles.
« saintes filles
habituées à toutes
les soumissions »,
« une inintelligence heureuse, une
secourable
bêtise »
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
L’officier et les
Follenvie
Autoritaire,
impitoyable, sa
supériorité
interpelle les
bourgeois qui
finissent par lui
céder, le seul à
nommer Boule de
suif par son
véritable nom
précédé d’un
« Mademoiselle »;
le couple
Follenvie
représente une
partie de la
population que la
guerre et
l’occupant
effraient
L’officier est
ridicule dans son
uniforme trop
étroit, sa
moustache est à la
hauteur de son
insolence, son
accent allemand
est exagéré;
Madame Follenvie
est franche et
semble avoir une
idée juste et
persuasive de la
guerre; son mari,
par inconscience,
sert
d’intermédiaire
entre l’officier
allemand et Boule
de suif
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
Cornudet
Démocrate et
partisan de la
Révolution de
1789, il est
inoffensif et
serviable mais
s’oppose aux
nobles et aux
bourgeois de
même qu’au
peuple qui refuse
d’adopter les
valeurs de gauche
auxquelles il croit.
« l’air de remplir
l’unique fonction
pour laquelle il est
né [boire de la
bière] », « sait le
mot des
destinées », « air
satisfait », « à
l’approche de
l’ennemi […] il
s’était vivement
replié vers la
ville »
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
Boule de suif
Femme du peuple
fait montre
religieuse et très
d’ « émotion
patriote qui n’a
vraie », piété
pas été favorisée
sincère; « sa
par la montée de
docilité et sa
la bourgeoisie;
confiance », « la
elle a une maison,
charmante
une bonne et
compagne »,
choisit ses clients
« pleure sa
chez des gens
honte », la
bien; elle ne peut
« gueuse »,
fréquenter les
« timidement »,
personnes qui ont « humblement »
des principes et de
la religion, c’est-àdire d’autres
classes sociales
que la sienne.
7. C’est le bon langage qui permet d’affaiblir la
résistance de Boule de suif. Le comte jouera à cet égard
un rôle décisif. Il sait comment l’amadouer et la
persuader alors qu’elle ne sait pas trouver les mots
pour se défendre. Il emploie des « termes voilés » et
des « périphrases édifiantes » tandis qu’elle se
contente d’écouter. Comme dans la France du
XIXe siècle, la parole constitue ici un redoutable
instrument de pouvoir.
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
8. L’une des religieuses aura le meilleur
argument pour faire céder la prostituée. Le comte de
Bréville lui avait déjà dit que d’agir dans la
circonstance pour ses fins personnelles aurait été
répréhensible, mais pas pour le bénéfice d’autrui. À
cela s’ajoute le fait qu’en refusant de se donner à
l’officier prussien, Boule de suif empêche les deux
nonnes d’aller au front pour soigner des soldats.
9. Il y a onze repas dans le récit dont cinq constituent
des moments décisifs. Mais le repas le plus important
est celui qui est offert à l’officier prussien pour
satisfaire son appétit sexuel.
10. Le nom de l’héroïne réfère à une boule de graisse,
donc à un ingrédient savoureux dans la préparation
des mets. Elle est elle-même une boule de suif dans un
contexte où les femmes corpulentes étaient
considérées comme les plus sexy. Elle est « grasse à
lard » et « appétissante » ; ses doigts sont « pareils à
des chapelets de courtes saucisses » et sa face est « une
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
pomme rouge ». Loiseau, alors qu’il souffre de la faim,
suggère d’ailleurs de « manger le plus gras des
voyageurs ».
11. Quant aux autres personnages, ils mangent avec
avidité : « Les bouches s’ouvraient et se fermaient
sans cesse, avalaient, mastiquaient, engloutissaient
férocement. » Sauf pour Boule de suif, la nourriture
représente la préséance des intérêts personnels.
12. Cornudet, à la fin de l’histoire, sifflote l’air de La
Marseillaise, chant par excellence de la solidarité
des Français, pendant que Boule de suif pleure. Le
clivage d’intérêts entre les classes sociales a pourtant
bel et bien mené à son sacrifice. Cette scène
sarcastique en dit long sur les rapports sociaux que
Guy de Maupassant veut dépeindre.
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
1. Le horla est un récit raconté à la première personne
par un personnage qui écrit un journal. Cela favorise
l’identification du lecteur à ce qui lui arrive, puisque
tout ce qui se produit lui devient relatif. Il se trouve en
quelque sorte au centre du monde.
2. Tous les personnages qui l’entourent ont un rôle très
secondaire, à l’exception du horla lui-même. Ils ont
pour fonction d’accréditer son trouble, d’agir comme
témoins secondaires de faits que le narrateur se
charge d’interpréter à sa manière.
3. Les événements sont racontés peu de temps après
qu’ils ont eu lieu, sauf quand le narrateur part en
voyage. Le récit est sincère et sans précautions comme
le veut le genre du journal intime, ce qui permet
au lecteur de bien sentir l’émotion mais en gardant une
distance critique.
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
4. Le narrateur est anonyme, bien que l’on sache par
déduction qu’il est instruit, riche et qu’il ne travaille
pas. Il se dit solitaire, ce qui est propice à la
manifestation de phénomènes anormaux. Il est
sensible aux beautés de la nature.
5. Il vit paisiblement dans le confort et la sécurité
quand tout à coup il commence à souffrir. Dès les
premiers instants, il analyse son mal en toute
rationalité et il fait des progrès bien réels dans la
connaissance de sa cause.
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
Contenu du récit
Moment des
événements
Moment de
l’inscription dans
le journal
Le narrateur est
heureux chez lui
8 mai
8 mai
Le horla arrive
dans un
magnifique
bateau blanc; le
narrateur
commence à
souffrir
8 mai
8 et 12 mai
Le narrateur
cherche la cause
de son mal,
consulte un
médecin et suit un
traitement
du 12 mai au 3
juin
12, 16,18 et 25
mai; 2 et 3 juin
Voyage au mont
Saint-Michel
Du 3 juin au
2 juillet
2 juillet
Commence à
situer le mal en
dehors de lui
Du 3 au 10 juillet
3, 4, 5, 6 et 10
juillet
Voyage à Paris
Du 10 au 29 juillet 12, 14, 16, 19 et 21
juillet
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
Acquiert la
Du 29 juillet au 15 30 juillet, 2, 4, 6,
certitude
août
7, 8, 9, 10, 11, 12,
provisoire que le
13, 14 et 15 août
mal est en dehors
de lui
Tentative ratée de
fuite vers Rouen
16 août
16 août
Identification du
horla qui vient du
Brésil et qui peut
avoir peur
Du 17 au 19 août
17, 18 et 19 août
Le narrateur
s’organise pour
tuer le horla
Du 20 août au
9 septembre
20 et 21 août,
10 septembre
6. Quelques événements viennent persuader le narrateur
que son mal est plus une agression qu’une maladie :
des verres cassés la nuit, de l’eau disparue, du lait
disparu, une promenade au bois qui tourne mal, une
rose cassée et humée, une apparition liquide dans un
miroir, une chaise et une lampe renversée, une table
qui oscille, une fenêtre qui se ferme.
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
7. Le horla se manifeste de préférence la nuit. Il limite
de plus en plus l’espace du narrateur qui va
d’abord au mont Saint-Michel, puis à Paris, puis à
Rouen pour retrouver son mal à son retour. Chez lui, il
sort de moins en moins et finit par occuper sa chambre
quasiment en permanence.
8. S’il se révèle insaisissable parce qu’il est invisible, le
horla semble avoir une nature liquide. En crise, le
narrateur tombe dans le sommeil « comme on
tomberait pour s’y noyer, dans un gouffre d’eau
stagnante. » Transformé en toupie dans le forêt de
Roumare, il a l’impression que « la terre flott[e] ».
Dans le miroir, il aperçoit le horla « à travers une
nappe d’eau » et ajoute que « cette eau gliss[e] de
gauche à droite. »
9. Cela n’empêche pas que cette créature d’une
« t r a n s p a r e n c e o p a q u e » d ’ ê t r e
anthropomorphisée : elle a des « mains », des
« bras », une « bouche » ; elle « regarde », « palpe »,
« s’agenouille » et « prend le cou [du narrateur] entre
ses mains. »
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
10. Le horla, avant même d’être identifié, est interprété
comme une « sangsue », un « bourreau », un « rôdeur
d’une race surnaturelle », un « vampire » « qui boit la
v i e e n t r e l e s l è v r e s » . I l a p p a r a î t c o m m e
« d’inconnaissables Puissances » à rapprocher du vent
« qui est la plus grande force de la nature ». Mais le
narrateur s’aperçoit qu’il a peur à deux reprises :
quand il se jette à son cou alors qu’il est assis à une
table, et lorsqu’il l’enferme dans sa chambre avant de
mettre le feu.
11. Le trouble du narrateur ne cesse de grandir, en
dépit de son espoir de venir à bout de son agresseur.
Les remarques du moine du mont Saint-Michel et la
séance d’hypnose le rendent actif après plusieurs jours
de souffrance passive en « spectateur esclave ». Les
observations de son cocher (qui perd le sommeil), de
ses servantes (qui entendent casser des verres pendant
la nuit) et de sa cousine (qui prouve la domination de
l’esprit par un autre que soi) le confirment dans sa
détermination. Mais à la fin du récit, il est plus
perturbé que jamais, au point de vouloir se tuer.
À remarquer dans Boule de suif et Le horla
12. Le narrateur se croit malade, puis agressé de
l’extérieur. Mais il dit aussi : « [le horla] est en moi, il
devient mon âme ; je le tuerai. » Ses raisonnements de
plus en plus étoffés semblent n’avoir servi qu’à
augmenter son trouble, dont la cause, interne ou
externe, demeure incertaine. Est-il devenu
hystérique ou est-il vraiment victime d’un être
surnaturel ? L’ambiguïté persiste puisque la cause du
mal n’est jamais élucidée de façon formelle.

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