bayer schering pharma : l`analyse

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bayer schering pharma : l`analyse
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BAYER SCHERING PHARMA
DANS LES
STARTING BLOCKS
Depuis l’acquisition de son compatriote Schering
l’an dernier, la division pharmaceutique de Bayer
joue maintenant dans la cour des grands. La mise en
place d’une vaste restructuration devrait lui
permettre d’économiser 700 millions d’euros par
an d’ici à 2009.
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DOSSIER: CHRISTINE COLMONT
’année 2006 est à marquer d’une pierre
blanche. « Elle fait partie des années les
plus importantes de l’histoire de notre entreprise », n’a pas hésité à déclarer Werner
Wenning, lors de la présentation des résultats annuels, le 15 mars. L’an dernier,
Bayer a pris un nouveau virage stratégique
en acquérant son compatriote Schering pour 17 milliards
d’euros. Le groupe avait joué les chevaliers blancs, s’opposant au laboratoire allemand Merck KGaA, et a pu remporter la mise. Aujourd’hui, le nouvel ensemble, rebaptisé Bayer Schering Pharma, se hisse parmi les plus
grands laboratoires internationaux de spécialités pharmaceutiques. Avec son portefeuille de produits attractifs
et des projets de R&D prometteurs, l’entreprise est bien
partie pour continuer à connaître une croissance
soutenue.
L
Une année record. Pour le groupe Bayer diversifié dans la
chimie et l’agrochimie, la palme des résultats revient à sa
division santé. L’an dernier, l’intégration de Schering a dynamisé la croissance et la rentabilité. Le chiffre d’affaires
de la division HealthCare a ainsi progressé de 46,6 % à
11,274 milliards d’euros. Et le sous-secteur de la pharmacie a connu une envolée fulgurante puisque ses facturations ont bondi de 83,9 % à 7,478 milliards d’euros. « Si l’on
tient compte des ventes réalisées au premier semestre par
Schering, Bayer Schering Pharma termine l’année 2006
sur un chiffre d’affaires pro-forma de plus de 10 milliards
d’euros. C’est un volume remarquable », s’est félicité le
président Werner Wenning. D’autant que l’activité dans la
pharmacie a progressé de 8 % par rapport à 2005, dépassant ainsi la croissance du marché (estimée à 6 %). L’an
dernier, la rentabilité du groupe s’est également amélioP H A R M A C E U T I Q U E S _ AV R I L 2 0 0 7
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rée puisque le résultat d’exploitation (avant éléments
exceptionnels) a progressé de 14 % à 3,479 millions d’euros. Quant au bénéfice net, il a cru de 5,4 % à 1,683 milliard d’euros.
Parmi les médicaments les plus dynamiques figurent en
bonne place, le contraceptif oral Yasmin®, avec YAZ® et
Jasminelle® (+ 35,5 % pro-forma). Le Levitra® contre la
dysfonction érectile et Kogenate® (recombinant du facteur VIII pour l’hémophilie A) n’ont pas non plus à rougir de leurs performances (+ 20,8 % et + 18,7 % respectivement). Aussi, le dynamisme du Betaferon®, utilisé
dans le traitement de la sclérose en plaques, ne se dément
pas (+ 14,3 %). « Quant au Nexavar®, notre anticancéreux,
son évolution est très encourageante. Mis sur le marché
en 2006, ce médicament a déjà réalisé un chiffre d’affaires
de 130 millions d’euros », a remarqué Werner Wenning.
Ce produit est indiqué pour le traitement des patients
atteints de carcinome à cellule rénale à un stade avancé
DR
Le nouveau site
de WuppertalElberfeld.
mais il pourrait bénéficier d’autres indications, estiment
certains analystes financiers.
Des produits dynamiques. Au sein de la division pharmacie, les spécialités ont connu une activité particulièrement soutenue (+ 9,2 % à 3,09 milliards d’euros), portée
par le dynamisme des ventes de Levitra®, d’Aspirin® Cardio (+ 18,1 %) et d’Avalox®/Avelox® (+ 8,8 %). Ce domaine
a profité du rachat à GlaxoSmithKline des droits des antihypertenseurs Pritor® et PritorPlus®, au début de 2006.
En outre, les ventes du pôle andrologie de Schering ont été
prises en compte pour la première fois. Par ailleurs, la
Le domaine
concurrence des génériques a
hématologique/
eu un impact négatif
cardiologique a
(-2,3 %) sur les ventes de l’antibiotique Cipro®/Ciprosouffert
bay®. Quant au pôle santé féminine, focalisé sur la
contraception, il a été porté par les ventes de la pilule
contraceptive Jasmin®/YAZ®/Yasminelle® (Jasmin en
France). En janvier, la FDA a accordé une nouvelle indication du contraceptif oral Yaz®, pour traiter l’acné modéré. Enfin, les ventes pro-forma du stérilet Mirena® ont
cru, de leur côté, de 23,9 %. Son lancement au Japon est
prévu en avril. Autre division : celle des produits de
contraste pour l’imagerie médicale. Les deux principaux
produits Magnevist® et Ultravist® ont reculé de 1,5 et
10,5 % respectivement, après le retrait volontaire de la formulation 370 mgl/ml dont les ventes ont toutefois redémarré dans certains pays début 2007. Quant aux Thérapies
spécialisées, elles ont progressé de 14,3 %, grâce au succès
du produit phare Betaferon®/Betaseron® pour le traitement de la sclérose en plaques. Ce produit a d’ailleurs
bénéficié d’une extension d’indication par la FDA.
En revanche, le domaine hématologie/cardiologie a
souffert. L’arrêt de la distribution du plasma au Canada en
mars 2006 et la chute des ventes du Trasylol® (hémorragies en chirurgie cardiaque), soupçonné d’avoir un lien
avec une augmentation du risque d’évènements cardiovasculaires, n’ont pas pu compenser la bonne tenue du
Koganate®. Selon deux études séparées, dont l’une publiée par New England Journal Medicine, Trasylol® utilisé
pendant les interventions chirurgicales augmenterait les
risques de déficience ou d’arrêt cardiaque. Une conclusion
qui, selon Bayer, ne serait pas cohérente avec plus de
quinze années de données cliniques et d’expérience amassées sur ce médicament. A noter également que Bayer
HealthCare a prolongé son accord avec CSL Behring pour
distribuer Kogenate® le 1er février dernier, l’EMEA ayant
approuvé le lancement de ce produit en injection continue. Ce qui ne devrait pas manquer de stimuler les ventes
de cette spécialité thérapeutique. Les analystes s’attendent
donc à la poursuite d’une croissance à deux chiffres du
Kogenate® dans un avenir proche. Quant aux ventes de
l’oncologie, qui sont passées de 397 à 432 millions d’euros,
elles n’intègrent que sur six mois les produits issus de
Schering : Fludara®, Androcur® et Campath®. Une formulation orale du Fludara®, utilisée dans le traitement de
la leucémie lymphoïde chronique à cellules B, a été approuvée au Japon en janvier. Et le Nexavar ®, lancé en décembre 2005, a connu un démarrage prometteur. Enfin,
la division dermatologie (Intendis) a enregistré des factu- 4
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rations de 118 millions d’euros, avec le bon développement des premiers produits Skinoren® (+ 17,1 % proforma) et Advantan® (+ 10,6 %). S’agissant de son portefeuille de produits en développement, le groupe reste
encore plutôt évasif, préférant attendre quelques mois
avant de dévoiler davantage de détails. Il apparaît toutefois que l’anticoagulant rivaroxaban, actuellement en
phase III, ait de grandes chances de devenir un blockbuster. Les analystes de Dresdner Kleinwort s’attendent, en
effet, à des ventes de 2,7 milliards d’euros à l’horizon 2015.
Une stratégie internationale qui passe par des accords.
Dans la santé, Bayer joue maintenant dans la cour des
plus grands. « L’intégration de Schering nous a permis
de nous hisser de la dix-septième à la treizième place dans
le classement mondial. De nombreux concurrents enregistrent des chiffres d’affaires proches du nôtre et nous
pouvons espérer gagner des places, uniquement en nous
appuyant sur notre croissance interne », a indiqué le patron de la branche pharma, Arthur Higgins. Et pour gagner des parts de marché, le groupe devra consacrer l’essentiel de ses ressources à dynamiser son activité
pharmaceutique. D’aucuns vont jusqu’à penser qu’il
pourrait se désengager de la santé animale ou de l’imagerie médicale par exemple. Et pourquoi pas aussi un jour
de l’auto-surveillance et des soins du diabète. D’autant
que Bayer a déjà cédé sa division diagnostic à l'allemand
Siemens pour 4,8 milliards d'euros. Pour l’heure, de l’avis
des spécialistes, le groupe est entré dans un processus
d’évaluation. Pour renforcer son réseau de distribution en
dehors d’Europe notamment, Bayer multiplie les accords
avec des grands groupes pharmaceutiques. Ainsi, depuis
septembre 2004, Schering-Plough distribue ses produits
de spécialités (Cipro® et Avelox® inclus) aux Etats-Unis
et certains de ses anticancéreux. En outre, le laboratoire
américain va co-distribuer Zetia®, actuellement en cours
d’enregistrement, lorsqu’il sera lancé au Japon. Autres
Werner Wenning :
« Une année 2006
à marquer d’une
pierre blanche ».
DR
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Le numéro seize sur le marché français
Née de la fusion de Bayer Pharma et de Schering en
France, la nouvelle division Bayer Schering Pharma
(BSP) se positionne à la 16ème place sur le marché
français. Le patron de Bayer Schering Pharma en
France, Werner de Prins, a pour objectif d’entrer
rapidement dans le top 10, en misant notamment sur
les produits de spécialités, qui constitueront environ
70 % du portefeuille. Des marchés qui se
caractérisent selon lui, « par des taux de croissance
élevés, de l’ordre de 20 % par an, pour nos neuf
produits-clés ». Parallèlement, le « primary care »
(Levitra®, Glucor®, Izilox®, Pritor®...) représentera
un tiers du chiffre d’affaires de Bayer Schering
Pharma. C’est un secteur très concurrentiel mais
essentiel pour financer et développer l’entreprise.
« Nous allons également continuer à mener une
politique active de partenariats et d’accords de
licences pour atteindre cet objectif ». Le pôle santé de
Bayer s’articule autour de quatre divisions : Bayer
Schering Pharma, diabetes care, santé animale et
Bayer santé familiale. L’an dernier, son volume
d’activité a atteint 524,2 millions d’euros (dont
82,2 millions de la division diagnostic vendue à
Siemens). Pour ce qui est de la division Bayer
Schering Pharma, elle regroupe désormais six
« Business units (BU) » : primary care, hématologiecardiologie (issues de Bayer), gynécologie-andrologie,
thérapeutiques spécialisées, imagerie médicale
(issues de Schering), ainsi qu’une BU oncologie,
associant les activités de Bayer et de Schering
en la matière. La nouvelle entité, qui a pesé pour
240 millions d’euros de volume d’activité en 2006,
dispose d’un portefeuille très équilibré qui devrait lui
permettre d’atteindre son objectif prioritaire : devenir
un champion des spécialités. Le siège de Bayer
Pharma, à Puteaux dans les Hauts-de-Seine, devrait
être transféré dans la région lilloise, où se situait le
siège français de Schering. En France, 136 emplois
pourraient être supprimés sur les 909 que compte le
nouveau groupe fusionné.
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partenaires : GlaxoSmithKline qui vend avec ScheringPlough Levitra® aux Etats-Unis et Johnson & Johnson qui
assure le développement de son antithrombotique rivaroxaban. Enfin, un accord de co-marketing a été signé
avec Wyeth sur le gestoden, un ingrédient actif pour les
contraceptifs oraux.
De bonnes perspectives en 2007 et au-delà. Les dirigeants promettent des lendemains qui chantent. En 2007,
Bayer compte garder le cap de la croissance : « L’évolution
de notre chiffre d’affaires et de notre résultat pendant les
deux premiers mois de l’année nous rend optimistes », a
notamment indiqué Werner Wenning. Le groupe vise ainsi
une augmentation de plus de 10 % de son chiffre d’affaires
et de son excédent brut d’exploitation avant éléments exceptionnels. Pour poursuivre sa croissance, le groupe va
engager des dépenses d’investissements de 1,7 milliard
d’euros et consacrer 2,8 milliards de dollars à sa R&D –
dont les deux tiers à la division santé (soit environ 1,85
milliard) – en 2007. L’intégration de Schering a été réalisée
à un rythme soutenu. Les décisions importantes comme
le modèle d’activité commun, l’organisation et les questions concernant les sites ont été prises suffisamment tôt.
Selon Werner Wenning, elles posent des bases solides
pour l’avenir de Bayer Schering Pharma. Et dans les années à venir, le groupe compte bien voir cette division rester plus dynamique que le marché. Sa rentabilité devrait
aussi s’améliorer, notamment grâce aux synergies nées de
la fusion (évaluées à 700 millions par an d’ici à 2009).
Ainsi, des réductions d’effectifs chez Bayer HealthCare et
Schering ont déjà été annoncées. Quelque 6 100 emplois
devraient être supprimés à travers le monde. Les mesures
concernent 1 500 postes en l'Allemagne et 3 150 en Europe. Mais également 1 000 aux Etats-Unis, 750 en Asie
et 1 200 en Amérique latine et au Canada. « Nous mènerons ce processus de façon équitable et de manière à en
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amortir les conséquences sociales », a souligné Werner
Wenning. Le groupe s'est engagé à privilégier les départs
volontaires, pré-retraites et autres temps partiels, où cela
sera possible. Tout le pôle recherche va être regroupé à
Berlin où se trouvera le siège social. Aux Etats-Unis, le
siège de Bayer dans le Connecticut sera supprimé au profit de celui de Schering dans le New Jersey. « Notre priorité
ne va pas aux synergies mais à la croissance », avait insisté,
début mars, Arthur Higgins.
D’ailleurs, les dirigeants de
Bayer, confiants, se sont risqués à donner à la commuDoubler la
nauté financière des objecmarge
tifs 2009. Pour tout le
opérationnelle
groupe, ils visent une marge
opérationnelle avant amortissement d’environ 22 %,
en quasi-doublement comparé aux 12 % réalisés en
2002. « Cela montre clairement que nous voulons maintenant faire entrer le groupe dans une nouvelle dimension de résultat », martèle Werner Wenning. Il faut dire
qu’avec l’intégration de Schering notamment, la part du
chiffre d’affaires réalisé dans la pharmacie (au demeurant très rentable) a considérablement augmenté. Et le
groupe, considéré encore il y a peu de temps comme une
entité chimique, commence désormais à être comparé
aux grands groupes pharmaceutiques. A peine un an
s’est écoulé depuis que Bayer a fait son offre aux actionnaires de Schering. « Nous avons déjà beaucoup
avancé », se félicite le président du directoire. Le retrait
obligatoire de la Bourse de Schering a été engagé. « Nous
sommes persuadés que de développement de notre activité santé renforcera durablement l’ensemble du
groupe », conclut-t-il. ■
Une valorisation encore modeste
Un nouveau Bayer est né. Auparavant
chimiste, présent dans la pharmacie, le
groupe a connu une véritable
métamorphose. Aujourd’hui, il est devenu
un groupe pharmaceutique à part entière,
présent dans l’agrochimie, qui rivalise avec
les plus grands laboratoires mondiaux. Le
rachat de son compatriote Schering, il y
moins d’un an, l’a fait bondir de la dixseptième à la treizième place dans le
classement de la pharmacie mondiale. Il a
surtout dynamisé sa croissance et sa
rentabilité. Et la stratégie visant à intégrer
Schering pour profiter du dynamisme des
ventes du Betaferon® et de Yasmin® a
convaincu la communauté financière. Le
déterminisme des dirigeants à mener à
bien la restructuration du pôle pharma a
aussi joué favorablement. Le cours du
groupe de pharmacie-agrochimie, qui
s’était effondré à un peu plus de 10 euros
en mars 2003, a effectué un beau retour
en grâce, caracolant aujourd’hui autour de
44 euros. Et le rebond n’est sans doute
pas achevé. Depuis l'acquisition de
Schering, Bayer est de plus en plus
considéré par les investisseurs comme
une valeur pharmaceutique. Un
changement de statut qui devrait favoriser
la revalorisation d'un titre qui se paie
seulement un peu plus de 15 fois les
bénéfices anticipés en 2007. Toutefois,
une incertitude pourrait peser sur le cours
dans les toutes prochaines semaines.
L’issue de la bataille judiciaire que se
livrent Bayer et Novartis sur le
Betaferon® n’est pas encore connue. Le
litige porte sur les droits et les paiements
de royalties sur ce médicament, en vertu
de l’accord signé entre Novartis et
Schering avant sa fusion avec Bayer. Selon
Werner Wenning, il devrait être réglé
« dans les prochaines semaines ». Autre
challenge à relever : Bayer devra
compenser la perte de chiffre d’affaire
attendue sur le Betaferon®, dont le brevet
expire en 2007 aux Etats-Unis et
en 2008 en Europe. Les analystes
financiers n’en restent pas moins
optimistes sur le titre. A l’issue de la
présentation des résultats, Dresdner
Kleinwort avait réitéré son conseil d'achat
sur Bayer. Le bureau d'études maintient
son objectif de cours de 52 euros, jugeant
la valeur « bon marché ». Avant même la
présentation de ces résultats record, le
courtier UBS était repassé à l’achat sur la
valeur en relevant son objectif de cours de
45 à 60 euros. Pour jouer les synergies
nées de la fusion et pour profiter de sa
faible valorisation, l’action Bayer pourra
être mise en portefeuille, avec un premier
objectif de cours de 50 euros.
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