"Les consommations cachées de cocaïne dans le Vieux Lille" 23
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"Les consommations cachées de cocaïne dans le Vieux Lille" 23
Les consommations cachées de cocaïne dans le Vieux-Lille Nathalie LANCIAL Doctorante sociologie Université Lille 1, présentera sa thèse sur l’usage de cocaïne par des personnes intégrées socialement. Son travail porte sur le vécu de cette consommation dans le cadre festif, les relations conviviales, sociales… L’usage de cocaïne par des personnes intégrées socialement j’avais l’impression que cela allait être très facile puisque tout le monde a priori était d’accord pour y participer. Concrètement pendant ces trois années, les phases d’observation c’était facile : dans les restaurants, dans les boîtes de nuit, dans les bars, je pouvais y aller et regarder ce que je voulais, parler avec qui je voulais, participer à l’événement ne posait pas de problème. Par contre, je ne m’y attendais pas du tout, j’ai eu beaucoup de problème pour réaliser des entretiens. Quand je proposais des rendez-vous tout le monde était d’accord pour participer, mais concrètement à l’heure du rendez-vous, j’avais des retards, des reports, des annulations successives… Alors j’ai pensé que ces gens ne voulaient pas rendre visible une pratique qui était cachée, mais pas du tout, car tous revenaient ensuite et insistaient pour faire l’entretien. Je me suis rendue compte que c’était la façon de proposer des entretiens le soir après le travail qui ne collait pas. Pour eux, prendre deux heures pour aller discuter d’un sujet sérieux, cela leur enlevait deux heures de fêtes ou deux heures avec leur enfant, ou deux heures d’apéro ou comme ils disent deux heures « d’after work » qui n’étaient pas payées, donc ils perdaient leur temps. J’ai dû complètement changer ma proposition. Au lieu de leur dire de venir faire un entretien, je les invitais chez moi pour un apéro. Comme je leur proposais un apéro et qu’il y avait de la musique, je leur disais qu’on ferait l’enregistrement après, ils venaient tous quand je leur proposais à boire, à manger et de la musique et qu’ensuite on sortirait, de cette manière-là ils étaient tous à l’heure. Cela montre un peu le type de rapport que j’ai pu avoir avec eux pendant ces trois années. Bonjour. Je vais vous présenter une partie des résultats de ma thèse de doctorat sur l’usage de cocaïne par des personnes intégrées socialement. Elle est en train de se terminer en ce moment après trois ans passés à suivre ces individus dans tous les moments de leur vie ; j’ai passé beaucoup de temps à discuter avec eux, à les enregistrer, pendant des moments festifs, en vacances, mais aussi à d’autres moments. Avant de parler concrètement de ce que j’ai appris de ce terrain de recherche, je vais vous faire une rapide introduction de pourquoi ce terrain, comment je m’y suis prise pour intégrer les groupes de population dites cachées (c’est-à-dire dans leurs usages de drogues, ces individus ne sont pas connus des services de police, des institutions judiciaires, des médecins, des associations …) Ils ne sont référencés nulle part comme consommateur de cocaïne… En général ils commencent et terminent leur consommation sans être jamais appréhendés. Avant d’entamer cette thèse, j’avais déjà fait des mémoires sur les usagers récréatifs de drogues de synthèse dans les milieux festifs. Nous sommes dans une région très portée sur la fête pour les jeunes, avec la proximité des mégas dancings en Belgique. J’ai travaillé un an sur ces usagers récréatifs, et une année sur les relations interpersonnelles dans le monde de la nuit, qu’elles soient professionnelles ou amicales, en particulier sur leur temporalité particulière. Après ces deux années sur le terrain, il m’était apparu qu’une substance sortait du lot, dont on voyait les prémices d’une expansion future, c’était la cocaïne qui arrivait de plus en plus partout, était de plus en plus consommée. Je me suis dit que j’allais entamer cette thèse car, comme j’avais déjà fait deux ans sur ce terrain-là, je connaissais déjà plein d’individus susceptibles de vouloir participer à mon enquête. Malgré le fait que cette population soit cachée, qu’il est normalement difficile de les atteindre, moi, 2 Une région particulière l’INSEE, principalement cadres, professions intellectuelles supérieures pour 30% d’entre eux, profession intermédiaire pour 20% et employés pour 20% aussi. Je n’ai pas eu d’agriculteurs dans mon échantillon car j’ai fait mon enquête en ville, alors qu’on sait que la campagne est aussi touchée. Au niveau de leurs études, ils ne sont que 12% à avoir un niveau inférieur au baccalauréat. Par contre, on voit qu’il y a une surreprésentation des hauts niveaux de diplômes, ils sont 30% à avoir Bac+2 et 37% à avoir au minimum Bac+3, donc cela allait jusqu’à des doctorats, j’ai même des médecins, des chirurgiens. Quand on s’intéresse à leur milieu social d’origine, il y a une simple reproduction, c’est-à-dire qu’ils restent dans les mêmes catégories sociales que leurs parents. L’usage régulier, reste quand même dans les milieux aisés même si on parle d’une popularisation de l’usage. Dans cette présentation nous allons suivre le parcours type de la première fois où ils ont consommé une substance jusqu’à l’éventuel arrêt, un parcours de A à Z. Au départ je pensais faire l’enquête sur toute la France, mais en ayant été à Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, Bordeaux, j’ai réalisé que la ville de Lille et la région Nord Pas-de-Calais a ceci de particulier qu’elle est transfrontalière, proche de la région de Tournai où il y a toutes les boîtes de nuit sur une même route, le long d’une nationale. Il y a donc des mouvements pendulaires tous les weekends, chez les jeunes à partir de quinze - seize ans, ils sortent régulièrement en boîte de nuit en Belgique, ce qu’ils ne font pas dans les autres villes de France. Les jeunes nordistes ont commençé avec des substances autres que la cocaïne, disponibles dans ces mégas dancings belges. J’ai donc recentré mon étude sur le Nord de la France et sur une population essentiellement lilloise. Les critères pour sélectionner les individus qui allaient participer à l’enquête : faire partie de la population cachée, donc casier judiciaire vierge, pas d’antécédent ni de rendez-vous chez le médecin pour des questions de drogues ou d’associations. Aucun contact avec ce milieu-là. il fallait aussi qu’ils aient consommé plus de vingt-cinq fois dans leur vie, ce qui me permettait d’enlever ceux qui ont juste essayé occasionnellement. Toute personne qui répondait à ces critères et qui voulait participer a été incluse dans l’enquête. J‘ai distribué à cent cinquante personnes, le noyau dur des gens que j’allais suivre, un questionnaire exploratoire, pour un peu avoir une vue d’ensemble du terrain, pour savoir quels étaient leur âge, profession, origine sociale et leur type de pratique : où ils consommaient, comment, quand, combien ils dépensaient…. Parmi ces cent cinquante personnes, les âges vont de vingt-quatre à quarante-quatre ans, un peu plus de 72% avaient entre vingt-cinq et trente-trois ans, parmi eux on retrouve 62% d’hommes et 38% de femmes. L’écart a tendance à se réduire depuis quelques années entre hommes et femmes, surtout pour la cocaïne. C’est à peu près conforme aux chiffres diffusés en France. Ils sont, selon la nomenclature de Initiation En ce qui concerne l’initiation à un parcours d’usage de substances psychoactives illicites, la ville de Lille à ceci de spécifique, c’est qu’elle est au carrefour de différentes boîtes de nuit entre Paris, Bruxelles et surtout Tournai. A Lille c’est surtout une culture du clubbing, de la musique électronique, les jeunes sont très tôt imprégnés de cette culture-là. Dans ma population tous, sauf une personne, se sont initiés avec d’autres substances illicites avant la cocaïne. Pourquoi d’autres produits ? Parce que pour la plupart c’était il y a une dizaine d’années, la cocaïne était moins présente, moins disponible (effet marché), et parce que les autres produits étaient beaucoup moins chers. Ils ont commencé entre quinze et dix-neuf - vingt ans maximum, ils étaient étudiants ou pas forcément insérés. La cocaïne était, il y a dix ans, déjà à une soixantaine d’euros le gramme alors qu’on trouvait l’ecstasy à quatre cachets pour dix euros, sachant qu’un 3 cachet d’ecstasy dure à peu près cinq heures alors qu’un rail de cocaïne c’est vingt à trente minutes. Le premier produit a donc souvent été l’ecstasy avec un premier essai effectué dans un cadre privé. Ils avaient l’habitude de sortir, ils en avaient entendu parlé. Ils allaient donc essayer un produit pour expérimenter ses effets, mais ils voulaient d’abord essayer dans un cadre privé pour voir ce que cela leur faisait. Cela s’est fait pour 95% d’entre eux, dans une fête privée avec des amis, c’était prévu à l’avance, quelqu’un a ramené le produit et l’essai s’est fait comme ça. L’incitation pour ce premier essai a trois origines : en majorité c’est l’influence du groupe de pairs (les amis, l’entourage) puis la facilité d’accès [ou accessibilité] dans la région depuis six ans que je fais des enquêtes, j’en vois. Quelquefois aussi l’influence de la fratrie (un grand frère ou une grande sœur qui consomme déjà ces substances, avec qui on en a parlé, ça a donné envie de le faire. Voici quelques témoignages, (anonymisés bien sûr), pour illustrer aussi « j’aimais beaucoup la techno et je voyais autour de moi des personnes qui sont devenues mes amis, et qui eux commençaient déjà à se la mettre. Plus vieux, je me suis dit que j’aimerais bien essayer […] tous copains, soudés, je m’entendais bien avec eux mais j’étais quand même retiré du clan. […] j’ai commencé à vouloir essayer […] j’étais défoncé. Là on est tous copains, j’étais dans le clan. » Leurs motivations réelles. Premièrement : une curiosité face aux effets, leur envie de savoir ce que cela fait clairement. Deuxièmement : il m’a souvent été rapporté une volonté d’imiter et de faire comme tout le monde. Troisièmement : l’envie de s’intégrer à un groupe. Il m’a souvent été rapporté qu’ils faisaient partie d’un groupe de soirée, que tout le monde consommait des produits et que eux non, qu’ils ne partageaient pas l’expérience, ni le ressenti, ni ce moment à part qu’est cet usage de drogue. Ils ont voulu essayer pour se sentir intégrés au groupe, pour être comme tout le monde. Anaïs nous parle de cet effet de contexte : « il y a un truc qui me revient, je pense que ce qui a déclanché ma première prise de drogue […] c’est parce que j’étais en Belgique […]. La Belgique, la musique, et je ne sais pas, mais en Belgique tu as comme l’impression que c’est limite légal. […] Si tu te fais prendre en flag’ en train de donner une pilule dans la main de quelqu’un, le videur va te la prendre et va te l’écraser, mais il ne va pas appeler les flics. […] Tu as l’impression que la loi est plus souple, que les mentalités sont différentes, la musique, etc. » Ça aussi ça m’a souvent été rapporté, cette impression d’une plus grande tolérance de la Belgique pour les drogues et notamment là où il y a toutes les boîtes de nuit, Petite anecdote : pendant cette enquête, il y a quatre ans, le patron d’une discothèque et le service d’ordre ont été sous le coup d’une procédure judiciaire, parce que la police avait appris que le patron lui-même organisait le trafic et que ses videurs étaient ses revendeurs à l’intérieur de la boîte. C’était un secret de Polichinelle, làbas, tout le monde sait que cela se passe et que personne ne dit rien, la police vient régulièrement faire des petites opérations L’initiation : Adèle 31 ans « […] Depuis toute petite en fait j’ai été sensibilisée au milieu de la came […] parce que mon grand frère est un ancien […] toxico […] à plein de drogues, mais surtout à l’héroïne. […] A neuf ans je me suis fait vaccinée contre l’hépatite C et donc on m’a appris ce que c’était être tox. Donc une espèce d’attirance et […] pourquoi le branle bas de combat de la famille autour de ça. Qu’est-ce que c’est quoi ? Et toute la tripotée des petits frères, on s’est intéressé à ça, on a une espèce de culture du grand frère qui était à fond dedans, dans la coke également, et donc curiosité […] On a goûté et on a aimé ». Magda 27 ans « Non parce que cela faisait déjà des années que je voyais des gens qui consommaient, et je voyais des gens qui tapaient devant moi depuis des années. Cela désacralise le truc. » L’ailleurs, le lointain, c’est quelque chose qu’il voient pas dans leur quotidien, ou en tout cas tous les week-ends, ça désacralise donc le truc, cela fait un peu moins peur. Cela fait partie d’habitudes visuelles. Yann dit 4 Lune de miel avec le produit : coup de poing tous les trois ou quatre ans et cela s’arrête là. Donc la Belgique donne à ces individus une impression de plus grande tolérance. Dans leur cas, tout le monde sans exception a adoré son premier essai d’ecstasy ou de substance psychoactive, tous m’ont dit à quel point ils ont passé une merveilleuse soirée, se sont amusés, c’était drôle, ils étaient entre amis. En plus comme l’ecstasy est une drogue de la communication, du partage, elle exalte un peu les sens et parfois rend certains amoureux. C’est quelque chose qu’ils ont apprécié énormément. Dès cette première bonne impression, ils vont vouloir très vite recommencer et ils vont donc très vite ressortir (dans ces boîtes belges), et ils vont entrer dans ce que moi j’ai appelé une phase de lune de miel avec le produit. Ils vont beaucoup sortir, beaucoup consommer, ils vont associer boîtes de nuit et drogues tous les week-ends. Comme le dit Mathieu : « de dix-huit à vingt-trois ans, j’en ai pris pas mal. C’est à force d’en prendre, après que t’élargis ton cercle. […] C’est comme ça qu’on se retrouve dans des soirées à quinze ou vingt-cinq. […] Donc on a l’impression qu’on vit quelque chose d’extraordinaire, parce qu’on vit une sensation qu’on aime, on connaît de plus en plus de gens, on sort et on fait la fête. ». Thibaut nous dit : « … Pendant quatre - cinq ans, c’était de la défonce trois soirs par semaine. Le lundi, tu n’attends qu’une chose : c’est le vendredi. » C’est typique ! Anaïs nous dit qu’elle sortait tous les week-ends, même parfois deux fois par week-end, elle sortait le vendredi et le samedi et elle tapait (consommait). Parfois elle perdait jusqu’à trois kilos sur un week-end, elle ne s’en rendait pas compte, elle était dans son truc. Julien nous dit qu’une fois qu’ils auront essayé leur premier produit, ils auront passé une barrière psychologique : essayer une drogue dure. « Après tu passes plus facilement à la coke, parce que tu te dis, bon ça, ça ne m’a rien fait et puis voilà… » D’autres produits vont leur être proposés dans ces lieux qu’ils auront beaucoup moins peur d’essayer. Très vite ils vont rentrer dans une phase de polyconsommation intense : cela va être l’ecstasy, le speed (des amphétamines), des champignons hallucinogène, du LSD Le modèle d’Howard Becker C’est un sociologue américain qui a démontré en 1963 que pour apprendre à devenir un usager régulier de drogues, il fallait passer par trois phases. Il a montré ça avec des fumeurs de marijuana, mais j’ai retrouvé la même progression ici avec l’ecstasy ou d’autres substances. 1 Apprendre les techniques de consommation : comment consommer le produit. En général pour l’ecstasy c’est simple, puisque cela ressemble à un cachet, cela ne leur fait pas peur, ils l’avalent comme une aspirine. Il y a des gens qui m’ont raconté que la première fois, ils ne savaient pas comment cela se prenait et ont sucé le cachet d’ecstasy, ce qui leur a brûlé la langue et a décuplé les effets. Il faut donc absolument savoir comment on consomme les drogues, c’est plus facile pour l’ecstasy que pour le joint, il faut savoir rouler, et quelle quantité mettre dedans, la technique du sniff qui est aussi un pas supérieur à passer pour eux. 2 Apprendre à reconnaître les effets : Après avoir appris les techniques, il faut qu’ils apprennent à reconnaître les effets. Pour beaucoup, la première fois ils n’ont pas associé dans leur esprit l’état dans lequel ils se sentaient avec la drogue consommée. Comme le dit Mathieu ici : « je t’avoue que la toute première fois pour moi, […] tu as toujours l’impression que cela ne t’a rien fait. C’est vraiment la deuxième fois où j’ai senti plus les effets. » Lors de ce premier essai, ils ne se rendent pas compte de ce que ça fait, et ce sont souvent des amis qui vont leur dire que si, ils avaient consommé et qu’ils sont resté éveillés pendant quinze heures, ce qui n’est pas normal… 3 Apprendre à apprécier ces effets : Quand ils ont reconnu les effets et qu’ils les ont associés à cette prise de substances, il faut qu’ils apprennent à les apprécier parce que si les effets leur déplaisent, il y a un moment où ils vont arrêter de consommer. 5 (à l’époque il était encore présent dans ces milieux-là), cela va être le mélange avec le joint quand on rentre de soirée pour faire descendre les effets de ces produits excitants, voire parfois certains médicaments psychotropes en fin de soirée pour faire dormir un peu pour ceux qui travaillent le lendemain. Ils vont donc entrer dans une phase de polyconsommation quasi systématique, ils sont clairement, à cette époque de leur vie, dans une recherche de défonce avec l’envie d’aller toujours plus loin, toujours plus fort, de tester ses limites. Il y a très peu de contrôle à ce moment-là et, la cocaïne est encore très peu présente, ils étaient étudiants et avaient très peu de moyens. Comme ils étaient dans une recherche de défonce, la cocaïne, cela va peut-être choquer, mais c’était encore trop doux pour eux, trop subtil. Par rapport aux prix, l’effet de la cocaïne est tellement doux par rapport à l’ecstasy et aux champignons que cela ne les intéresse pas encore. Cette période va durer entre six mois et le maximum que j’ai vu c’est cinq ans, mais généralement c’est entre six mois et deux ans : période de lune de miel où on sort beaucoup deux, trois, quatre soirs par semaine et l’essentiel de la vie sociale et personnelle est orienté vers ces pratiques festives et ces usages. gérer et incompatibles avec une vie sociale ou professionnelle insérée. Petit à petit, ce mode de vie intense sera abandonné. Quand ils finissent leurs études, qu’ils obtiennent un emploi, quand ils se responsabilisent, et que leurs moyens financiers augmentent, ils vont petit à petit abandonner ces substances fortes et ces consommations répétées. Ils vont aussi abandonner les boîtes de nuit belges réservées pour les jeunes (qui pour eux maintenant se droguent), et vont revenir vers Lille. Ils fréquentent plutôt des bars et vont décaler leurs horaires : au lieu de sortir vers deux heures du matin, ils vont sortir à vingt-deux heures, et rentrer vers quatre - cinq heures, ils décalent donc aussi leurs horaires de sortie. Ils fréquentent le milieu lillois qui est un peu plus calme, cela ne veut pas dire qu’il est exempt de consommation, mais il est plus calme. Ils laissent les excès des boîtes belges aux plus jeunes. Leurs consommations vont aussi évoluer en conséquence, c’est-à-dire qu’ils ne sont plus dans la recherche de la défonce. A l’époque de la lune de miel ils dansaient en mode individualiste, tout seul et on profite de la substance. Là, au contraire, ils ont plutôt envie d’échanger, de communiquer avec les autres, de parler avec les autres, de rencontrer des individus, mais ils veulent continuer à garder cette petite excitation qu’ils avaient avec les substances. La substance la plus appropriée (dans ce qu’ils ont pu essayer) pour leur permettre de continuer à parler, de faire la fête et en même temps d’être des individus insérés et socialement corrects, c’est la cocaïne. Parallèlement, depuis cinq à huit ans, la cocaïne est arrivée massivement sur Lille pour des questions géopolitiques qui ne sont pas mon sujet. Evolution de la vie personnelle et professionnelle et modification des pratiques de consommation. Ces individus avancent en âge et petit à petit : étudiants ils trouvent un travail, se mettent en couple, ils commencent à avoir des responsabilités, ils quittent le foyer parental pour s’installer seul. Leur vie personnelle va évoluer professionnellement et personnellement ; leur vie festive va évoluer en conséquence, parce que cette lune de miel était extrêmement engageante. Physiquement c’était fatigant : ils n’étaient pas aussi efficaces à l’école ou sur leur lieu de travail, et personnellement, psychiquement c’est aussi épuisant parce que les phases de descente de ces substances sont de plus en plus difficiles à Evolution des motivations Grégory nous dit « Il y a différentes façons de prendre certaines drogues […]. C’est comme les étapes de la vie où à la limite on apprend à rouler avec un vélo avec les petites roues derrières. la drogue, c’est pareil : on commence à la prendre d’une certaine manière puis on évolue. La prise de cocaïne aujourd’hui est vraiment sur le 6 côté groupe, sur le côté d’être ensemble, d’être une bande d’amis, donc surtout je pense qu’on approche tous de la trentaine, c’est quelque chose à la limite qui est lié à l’apéro. On est à six potes, on va acheter deux grammes à six, on va se prendre des lattes pour dire de pouvoir prolonger la bonne soirée qui démarre. » Jacques nous dit : « souvent si tu es un bon consommateur d’ecstasy ou de speed, […] la plupart du temps tu vas finir par toucher de la coke, mais en vieillissant, c’est peut-être pas une drogue de jeunes, parce qu’une drogue de jeunes, tu veux quand même une grosse claque. L’ecstasy va te mettre une grosse claque, le speed va te speeder comme il faut, la coke tu vas gérer. Donc peut-être que la personne plus vieille ne veut plus se montrer comme défoncée, comme elle pouvait le faire avant. Elle va prendre une drogue où elle pourra gérer. » Jérôme dit : « C’est vrai que maintenant c’est le réflexe, dès que tu vas en soirée, que tu bois un verre, […] ça va avec, tu penses tout de suite à ça. Tu ne penses pas forcément aux pilules quand tu vas dans un bar. » La cocaïne est une drogue qui, pour eux, leur semble pratique socialement parce que facile à gérer. Les effets leur semblent subtils par rapport à toutes les substances qu’ils avaient consommées avant, qui modifient réellement leur état physique et leur état de conscience. La cocaïne est plutôt une drogue d’intégration sociale, en tout cas ils la vivent comme de l’alcool. Axelle nous dit que « c’est une drogue qui présente les avantages d’avoir moins d’effets secondaires. La semaine, tu es en remontée de pilule tu es grillée : t’as des pupilles… On n’en voit même plus la couleur. Tu es en montée de speed, tu ne sais même plus parler. Tu ne te vois pas aller bosser la journée défoncée. On te grille. La coke, non ! Cela peut très bien passer inaperçu, donc c’est une drogue plus sociale. Elle n’est pas forcément perceptible. J’ai le sentiment justement d’un monde de drogués, tout le monde commence avec des pilules ou du speed parce que c’est un âge où tu t’en fous de ressembler à rien parce que c’est le but. De toute façon la semaine tu es à l’école donc tu t’en sors. Mais quand tu vieillis et que ta vie professionnelle compte, quand tu as des responsabilités, la coke est le bon compromis. Cela minimise les effets secondaires qui pourraient avoir des conséquences sur ta vie de semaine, donc ta vie professionnelle. Pour moi la coke c’est la drogue du trentenaire. En fait tu as aussi peut-être une recherche de sensation moins hard. » Ils vont, à cette époque-là, abandonner les autres substances et devenir des usagers réguliers de cocaïne. La consommation cocaïne régulière de C’est une pratique qui est délimitée uniquement au temps de la fête, comme à l’époque où ils prenaient de l’ecstasy le week-end pour faire la fête ; la cocaïne reste aussi une valeur festive. Ils n’ont pas abandonné l’idée d’avoir un petit plus pour faire la fête, mais ils veulent que cela soit plus calme. Ici, ce qui est très important c’est le cadre dans lequel cela va s’effectuer. Pour que cette consommation soit acceptée par tous, qu’elle soit acceptée comme valable, acceptable et pas problématique, elle doit s’effectuer uniquement et que dans le cas de la fête, elle doit être festive et récréative. Jamais seul Patrick nous dit « Je n’en prends pas tout seul. Cela ne m’intéresse pas de prendre des lignes tout seul, il faut vraiment partager ça avec quelqu’un. Je n’en prendrais pas non plus si après en fin de soirée je me retrouve tout seul chez moi avec un gramme de coke dans la poche, cela ne m’intéresse pas. » Grégory dit «C’est vraiment très aléatoire, c’est vraiment le côté occasionnel. […] Cela peut être trois fois dans la semaine et après il se peut très bien que pendant trois semaines il n’y ait rien du tout, parce qu’il n’y a pas ce côté apéro avec des potes, tout cela va ensemble, donc c’est vraiment très occasionnel. » Cela montre que pour eux, toute consommation en dehors du cadre festif va être totalement rejetée. Ils se fixent cette barrière-là. Pour qu’elle soit acceptable à leurs yeux, elle doit avoir lieu dans le cadre de la fête. Quentin : « Si je prends de la drogue, c’est vraiment pour m’ouvrir aux gens et pour profiter, pas 7 pour subir,] Je trouve qu’il n’y a rien de pire que de subir la drogue. » Et Thibaut : « Seul ce n’est pas possible. » C’est comme boire de l’alcool seul, en général l’alcool est quelque chose de social, plutôt dans un partage. Boire de l’alcool tout seul chez soi est connoté péjorativement. Prendre de la cocaïne seul chez soi c’est être assimilé à être drogué, donc avoir un problème. Thibaut « Jamais seul, c’est hors de question. Pourquoi taper de la cocaïne tout seul ? La soirée doit être bien avancée quand je vais en taper, je ne veux pas en taper avant minuit. Je vais m’en remettre une petite couche, c’est le petit plus. Je veux que cela reste très rare pour que ce soit quelque chose que j’apprécie. Je ne veux justement pas quelque chose de régulier. A partir du moment où c’est régulier, cela ne devient plus… » Il y a un réel cloisonnement entre le festif et le reste de la vie. Ce qui est dans le festif doit rester dans le festif. C’est une manière pour eux de s’assurer une protection ; « je ne suis pas dépendant, c’est occasionnel… ». Leur pratique est pensée, elle est réfléchie, elle est normée, entourée de règles. Ils sont capables de faire ça, parce qu’ils ont un passé de consommateur dans lequel ils ont expérimenté les mauvais essais, les mauvais mélanges, ils ont expérimenté le trop. Ils ont appris par expérience quand ils peuvent consommer, quand ils ne peuvent pas et quel type de produit. Ils arrivent donc à un usage régulier de cocaïne avec une espèce de savoir tiré de l’expérience, qui leur permet surtout de se fixer des limites, qui les empêche de dépasser un certain stade qui serait critique. Ils insistent tous dans leurs discours sur le fait que cette pratique d’usage de cocaïne ne pollue pas leurs autres lignes biographiques: le travail, la famille, les amis, une passion. Ils insistent sur le fait que l’usage de cocaïne (et le corollaire avec le monde festif) n’intervient en rien sur les autres mondes. Ça ne touche pas leur travail, ça ne touche pas leur vie sociale, leur vie personnelle c’est un « à côté ». Un réel cloisonnement entre le festif et le reste de la vie C’est un élément très important, qui n’est pas vrai pour tous les usagers de cocaïne, mais qui est vrai pour tous ces usagers récréatifs, c’est qu’il y a un rejet total de l’usage de cocaïne au travail (alors qu’on sait que c’est une drogue beaucoup utilisée au travail dans certaines professions stressantes, avec un rythme de travail et des cadences fatigantes). Pour les usagers récréatifs, la cocaïne au travail est totalement rejetée : « c’est vraiment par rapport aux limites que tu te fixes, par rapport aux objectifs. Je l’ai déjà fait, mais c’était une fois parmi tant d’autres. Je ne veux pas décider de partir du côté obscur sur une soirée, boire trois quatre verres et prendre de la cocaïne jusqu’à pas d’heure en sachant que le lendemain j’ai un rendez-vous important au niveau du boulot. J’ai assez les pieds sur terre pour dire non, demain j’ai un rendez-vous important ; ce soir, même si je sors, à telle heure je suis rentré. Je me fixe une limite : je ne veux pas aller audelà parce que je sais que demain je ne vais pas être performant au boulot [et si je ne le suis pas] cela va se ressentir sur mon travail. » Prendre de la cocaïne au travail serait un acte déviant, ce serait la barrière à ne pas dépasser, la preuve qu’il y a un problème. Une vision utilitariste de la cocaïne Quelque chose de plus étonnant, c’est qu’ils ont tous avancé l’idée que cela leur apporte même des avantages, c’est-à-dire qu’il y a une vision utilitariste de la cocaïne. La cocaïne, comme la plupart des substances psychoactives, leur apporte un bien-être, ils se sentent bien, confiants. Ils ont l’impression quand ils consomment qu’ils sont plus intelligents, qu’ils sont capables d’avoir une discussion beaucoup plus suivie sur un sujet compliqué, et que les idées fusent. Donc coke = bien-être. Axelle nous dit « quand je suis droguée, je suis mieux dans mes chaussures. Je me sens plus jolie, je me sens plus drôle, je vais plus aller vers les autres. En général, je me sens sublimée par moi-même, alors que si je ne tape pas, je vais passer une bonne soirée. C’est comme si quand je tapais tout ce qui des fois te ralentit disparaît ce jour-là. D’un 8 seul coup tu es bien, tu vas vers les gens. » Le deuxième avantage qu’ils en retirent, c’est le pouvoir stimulant de la cocaïne. Mathieu dit « C’est vraiment suivant l’ambiance dans laquelle je suis. Si je suis avec des gens qui sont partis pour faire vraiment la fête, qu’il faut tenir la route, je me dis que si je passe ma soirée à picoler cela va être un peu difficile. » La cocaïne les aide à tenir, à veiller un peu plus longtemps. Toujours dans la même idée « la motivation première cela va être d’assurer toute la soirée, vraiment optimiser le truc au maximum. » Grégory : « généralement, il arrive un moment, si on a trop bu, si on a bu le verre de trop, on n’est pas bien, et on peut aller jusqu’au fait de vomir parce que clairement on a trop picolé et qu’on est saoul. Je connais très peu de personne qui sous l’emprise de la cocaïne mélangée avec de l’alcool vomisse. Généralement quand on est sous cocaïne, on peut boire, boire, boire, on a l’impression que cela fait un peu office d’éponge. » Le troisième point, le plus important, c’est l’association cocaïne et alcool. Tous sans exception avancent l’idée que quand ils prennent de la cocaïne, ils ne ressentent plus les effets de l’ivresse alcoolique. Quand ils commencent dans ces apéros, ces « after-work » qu’ils multiplient deux ou trois fois par semaine, à sentir que l’ivresse monte et qu’ils veulent continuer à paraître bien, alertes et sûrs de ce qu’ils font, ils vont aux toilettes, prennent de la cocaïne et les effets de l’alcool disparaissent. En tout cas ils ont l’impression qu’ils disparaissent même si dans le sang, le taux est là. Mais dans leur perception, ils ne ressentent plus les effets de l’alcool, donc ils peuvent boire toute la nuit sans arrêt, tant qu’ils ont de la cocaïne, en général ils ne sont pas malades. C’est le point fort de la cocaïne pour eux, c’est de continuer à avoir une image sociale valorisée et valorisante en ayant bu des litres d’alcool et ne pas tituber. Le dernier point, c’est l’idée que cocaïne c’est V.I.P. Cela donne une image un peu luxe, la cocaïne c’est le champagne des drogues. Comme le dit Axelle : « la coke c’est une drogue starisée, c’est une drogue chère, c’est une drogue de people. » Thibaut nous dit « la coke c’est sex, drug & rock’n roll, c’est Cathy Getta, ce qu’elle représente. Elle a une image de Bobo, de gens qui ont de l’argent, qui font la fête : piscine, coke, champagne, pour moi la coke c’est pas une drogue honteuse. » C’est quelque chose qui fait partie d’un petit plaisir, ils ne prennent pas de speed qui est un peu considéré comme la coke du beauf, ils prennent de la cocaïne, ils boivent du champagne, ils sont de tous les dîners « mondains » (autant que cela peut l’être à Lille), ils vont aux vernissages, se retrouvent entre eux, c’est un peu un microcosme. Cela draine cette population-là à Lille, environ trois cents personnes qui se connaissent plus ou moins entre elles, et qui se retrouvent dans différents lieux de fête, qu’elles ont un peu intégré. Il y a cinq ou six bars principalement dans le Vieux Lille,(moins à Wazemme qui n’est pas du tout leur terrain). Ils vont aux vernissages, vont aux inaugurations de boutiques, vont se montrer là et bien sûr ils ont de la coke, ils ont du champagne. Bien qu’elle se popularise, la coke reste encore avec cette idée de distinction sociale. Les facteurs qui vont influencer ces consommations Il y a aussi le fait comme le disait Alain Ehrenberg dans son ouvrage Le culte de la performance qu’aujourd’hui on vit dans une époque où nous avons de plus en plus une injonction de réussite personnelle. Nous ne sommes plus dans les années 70, époque de communautés avec les drogues de partage, ni dans les années 80 avec les drogues contestataires. En ce moment, nous sommes dans une période d’individuation de plus en plus forte, la cocaïne est une drogue qui permet de se sublimer socialement. La cocaïne, pour les personnes rencontrées permet de montrer le meilleur côté d’eux-mêmes. Qu’est-ce qui va évoluer dans cette période où ils consomment régulièrement de la cocaïne ? Quels sont les facteurs qui vont influencer les nouvelles consommations ? D’abord, l’activité professionnelle : plus elle va être intense, plus ils vont ralentir momentanément leur 9 usage. Le couple aussi a souvent été avancé comme une manière de se calmer, c’est-à-dire que même si le conjoint consomme, l’espérance de donner au couple un enfant va faire qu’on va réduire les occasions festives et donc réduire les occasions consommer. qu’ils gèrent, qu’ils contrôlent, ils n’ont, et ça c’est clair et net pour eux, aucun problème. Ce ne sont pas des individus à problème. Quand les médecins parlent de gens qui ont des problèmes, eux ne se sentent pas du tout concernés : ils n’ont aucun problème, ils ont un travail, des amis, une famille… Quelqu’un m’a même dit que « la cocaïne c’est comme le vin, mes parents buvaient du vin, je prends de la cocaïne, c’est pareil. » Ils mettent en avant, pour être sûr de contrôler leur consommation et prouver aux autres qu’ils la contrôlent, qu’ils observent régulièrement des phases d’abstinence : ils arrêtent pendant un mois, ils n’en prennent pas quand ils vont en vacances. Pour eux la dépendance, c’est un usage quotidien, ils n’envisagent pas que la dépendance puisse prendre différentes formes. « La cocaïne n’est pas dangereuse, en fait il n’y a pas de signes extérieurs qui peuvent te le démontrer. Je pense que c’est surtout ça. Bizarrement c’est une drogue douce. Et comme je te le dis, tu as le sentiment qu’il y a moins de conséquences, enfin moins d’effets secondaires. Enfin ce que je veux dire c’est que je n’ai pas le sentiment de taper de la drogue, ou alors tu vas taper de la coke une fois tous les mois, un week-end, ça n’a pas plus d’effets secondaires que quelqu’un qui cartonne au Xanax (antidépresseur) Ce que j’aime avec cette drogue, c’est qu’elle ne laisse pas de trace. » Le groupe d’amis Autre point, essentiel pour eux, c’est le groupe d’amis. Le groupe d’amis est un facteur qui va significativement influencer leur niveau d’usage, ils vont toujours dans les mêmes endroits, retrouvent les mêmes personnes. Même s’ils ont prévu de ne pas consommer dans une soirée, il suffit qu’ils croisent quelqu’un qui leur en propose, ils ne vont pas savoir dire non. Comme le montre Mathieu « même si la dernière fois que j’en ai pris beaucoup, je comptais rentrer chez moi. Je croise un pote, on boit deux - trois verres, on est trois - quatre et voilà, on est parti chez lui, il y avait une bouteille, il a apporté un truc et voilà. C’est l’occasion qui fait le larron. Je n’étais pas parti pour, et tout compte fait, […] je m’embrigade tout seul. » Souvent ils n’ont pas prévu de consommer, mais tout le monde en prend et ça leur donne envie et ils le font. C’est comme un gâteau, on te le met sous le nez : tu en as envie. On ne te le montre pas, tu n’y penses pas. Dans leurs soirées, il y a toujours un peu de coke qui traîne, et en général, quand on leur en propose, ils ne savent jamais dire non. Conscients des risques Dernier point essentiel, dans leurs représentations du produit et de son usage, la cocaïne n’est pas dangereuse. Ils ont pourtant conscience de ce que cette posture représente. Ils disent que la coke c’est facile, que cela se prend tout le temps, mais comme « nous on est conscient des risques, on ne va pas tomber dedans ». Ils ont l’impression que ce n’est pas dangereux parce que par rapport à ce qu’ils ont déjà goûté les effets sont très doux, ils ne durent pas longtemps, ça leur apporte des avantages, le lendemain ils arrivent à travailler, ils arrivent à parler à tout le monde. Pour eux la cocaïne, c’est moins dangereux que l’alcool, c’est moins dangereux que d’autres substances. Ils ont l’impression Une consommation contrôlée ? J’ai essayé de regarder, concrètement, quelles étaient les modalités de leur gestion. J’ai repéré trois manières de faire de la gestion : 1 maîtriser les préalables de la consommation, c’est-à-dire organiser les priorités (travail avant, famille avant). Savoir s’approvisionner : pour eux c’est facile, il y a profusion de dealer, non plus le gros dealer comme dans les années 80 où il fallait aller chercher dans les banlieues. Là ils sont quinze - vingt dans tout le Vieux Lille, ils participent aux moments festifs, ils sont clients des bars, tout le monde a au moins trois ou quatre numéros. Il y a même de la vente en appartement, le dealer vient chez vous, il 10 prend un verre… Le problème de l’approvisionnement ne se pose pas du tout pour eux. Enfin, ne pas dépenser l’argent qu’on n’a pas, mais nous verrons en conclusion, que c’est beaucoup moins évident, c’est justement un des problèmes qui se pose pour eux. tout le monde, parce qu’on a tous plus ou moins essayé, arrêté, ou qu’on est toujours dedans. T’es pas jugé parce que c’est tellement banal. Par contre par rapport à mes amis de la campagne (sous entendu qui ne consomment pas), je me sens complètement une déjantée. C’est beaucoup moins marginal que les pilules ou les trucs plus forts. La coke, ou la drogue en général,] te fait évoluer de groupes de gens en groupes de gens qui prennent de la drogue. Ça banalise le truc. » Comme ils évoluent dans des groupes d’individus qui eux aussi consomment, ils ont l’impression que c’est normal. Ils en parlent librement entre eux. Dans les bars on va dans les toilettes, mais par contre dans les soirées privées, la cocaïne est posée sur la table et tout le monde se sert. Personne ne se cache, c’est banalisé. 2 maîtriser les conditions de la consommation, c’est-à-dire trois choses : il faut choisir les produits en fonction des effets recherchés, pour eux, ce n’est plus que la cocaïne, ils ne consomment d’autres substances que très rarement, lors de grands événements. Mais bien sûr, ils boivent tous de l’alcool. Je crois qu’il n’y a qu’une seule personne sur les trois cents que j’ai rencontrées qui ne buvait pas d’alcool. Il faut être discret pendant la consommation : dans les bars, quand vous voyez des gens faire un peu plus d’allers-retours que de raison aux toilettes, c’est pour ça, ou alors ils vont dans les voitures… pour ne pas avoir une étiquette de déviant, pour pas qu’on voit qu’ils consomment de la drogue. Enfin il faut contrôler les quantités en fonction des effets souhaités. Là aussi c’est relativement bien maîtrisé puisque la cocaïne est quand même beaucoup plus douce dans les effets et les ressentis que ce qu’ils prenaient avant. Donc ça, ils savent bien le gérer. Une représentation idéalisée d’euxmêmes En tant que sociologue, je ne pouvais pas m’arrêter à cela. Il leur a été très facile de me parler pendant les entretiens de leur gestion, de leur contrôle de leur consommation, tous ont essayé de me montrer une représentation idéalisée d’eux-mêmes en disant que tout va bien, qu’ils n’ont pas de problème. Sauf qu’on sent clairement quand on les écoute parler, qu’il y a une tension continue entre ce qu’ils jugent normal et ce qu’ils jugent déviant. C’est-à-dire qu’ils ont une pratique déviante, mais ce sont des individus insérés. Ils ont été élevés, comme tout un chacun, dans notre société avec des normes, des valeurs, des pratiques. Ils ont été élevés dans l’idée que la drogue c’est mal, et pourtant ils vivent dans un univers qui ne correspond pas du tout à ce qu’ils ont appris de la drogue. Ils sont donc en tension en permanence, ils se sentent normaux quand ils sont avec leurs amis, au sein du groupe de pairs, parce que tous consomment et tous font la fête de la même manière, il y a une espèce de sousculture commune festive. Par contre il y a un réel sentiment de culpabilité quand ils sont dans leur vie de tous les jours, quand 3 il faut éviter les conséquences négatives de la consommation. Faire en sorte que cette consommation n’intervienne pas la veille des jours ouvrés et des obligations importantes (pas quand tu travailles le lendemain, si tu as un rendez-vous important…), pas quand il y a un événement familial important (enterrement, mariage…). La veille, ou ils ne font rien ou ils sont très calmes. C’est leur manière de se donner des limites pour ne pas dépasser le cadre fixé. Grâce à toutes ces limites qu’ils se sont fixés, grâce à cette expérience accumulée, grâce à ce discours qu’ils produisent, ils opèrent donc tous un réel processus de banalisation de la substance. « En fait, tant qu’on est dans ce monde-là, on a l’impression d’être normal. Moi quand je suis à Lille, entourée de personnes que je connais, j’ai l’impression d’être comme 11 ils sont sous les effets et qu’ils vont travailler le matin et qu’ils se sentent fatigués, quand ils arrivent chez leurs parents qui leur demandent ce qu’ils ont fait le week-end. Magda dit « la drogue dure c’est mal. Ce n’est pas parce qu’il y a pire ailleurs que ce qu’on fait c’est bien, c’est ce paradoxe, cette difficulté à juste prendre du plaisir dans un truc mal. » Parce qu’ils prennent du plaisir, ils aiment ce qu’ils font, et ils jugent eux-mêmes que c’est mal. Il y a une tension permanente dans les discours. Quentin nous dit « c’est comme nos parents qui boivent un verre de vin. Je pense qu’on est assez inconscient à ce niveau-là, mais en même temps c’est établi comme ça. C’est grave quand même. » Ils ont des petits moments de culpabilité. Ils se disent que ce qu’ils font n’est pas bien, parce que c’est de la drogue, et en même temps ils le vivent bien. Il y a une tension entre les deux aspects de leur vécu et ils ont besoin de se rassurer. Comment se rassurer pour légitimer sa pratique ? Ils vont mettre en place la figure épouvantable du drogué : le toxicomane. Le drogué toxicomane, ce n’est pas eux, ce sont les autres. C’est-à-dire celui qui va avoir un mode de consommation problématique : tous les jours, qui va consommer d’autres produits, notamment de l’héroïne, l’héroïnomane qui se pique, à la limite qui est SDF… Comme eux sont insérés, ils ont de l’argent, un travail, ils font la fête plutôt dans les milieux aisés. « Il y avait donc le côté toxicomane qui était pour moi et pour l’ensemble des gens que je fréquentais carrément à part, c’est vraiment le côté toxicomane pur et dur. On a toujours eu un sentiment de dégoût par rapport aux gens qui prenaient de l’héroïne, parce que c’est vraiment une limite, l’étape à ne pas franchir. » Il y a une espèce de mise à distance totale de ces gens-là. Eux, ce n’est pas nous, nous on est bien. Thibaut nous dit « l’image du junky, pour moi beaucoup de gens ont dû donner cette réponse, un toxico, un junky c’est un mec qui consomme de l’héro parce que c’est un produit où tu es vite dépendant. » Parce que pour eux, il n’y a pas de dépendance physique à la cocaïne car ils n’en prennent pas au quotidien, eux ne se piquent pas, donc eux n’ont pas de problème. C’est leur manière de se rassurer. Arrêt souhaité possible ? versus arrêt Je me suis demandé quand peut-on parler de sortie de la toxicomanie, avec arrêt définitif, abstinence, sevrage…? Comment font ceux qui arrêtent, comment ils arrêtent et comment ils perçoivent cette idée de l’arrêt ? On arrête quand la pratique ne nous convient plus, quand on n’aime plus, quand ça nous occasionne des dommages, des désagréments, des problèmes, en général c’est pour ça. Tant qu’on est bien et qu’on aime bien, on n’arrête pas. Je me suis alors intéressée à leur perception des risques, des risques pour la santé en premier lieu. Alors clairement, les messages de santé publique, ils ne se sentent pas concernés du tout. Les problèmes ce n’est pas pour eux, ils n’en ont pas puisque de toute façon ils ne consomment qu’une fois de temps en temps, donc les problèmes de la cocaïne (les arrêts cardiaques, etc.) c’est pour les autres, c’est pour les dépendants. Tous les discours, les messages provenant de la santé publique, ça ne les concerne même pas de loin. C’est un peu à l’image du jeune qui commence à fumer à seize ans et qui se dit que le cancer c’est quand il en aura soixante. Ils ne sont pas des individus à problème. Les associations, les médecins qui voudraient les aider ne les toucheront pas, ils n’ont pas besoin d’être aidé. Il y a donc vraiment un fossé gigantesque entre le spécialiste en addictologie et ces gens-là parce qu’ils n’ont pas le sentiment d’avoir un problème. A-t-on vraiment besoin de les atteindre ? C’est un débat qui mériterait d’être soulevé. Clara, qui est psychologue nous dit « je pense qu’effectivement la dramatisation du problème n’est pas du tout une solution parce qu’avant d’être dramatique ça ne l’est, il y a beaucoup de gens pour qui ça ne l’est pas (dramatique). Les pouvoirs publics, la société devrait peut-être mettre leur argent dans autre chose que de la prévention à deux balles qui ne sert à rien, parce que ça fait juste 12 rire les gens qui consomment, et ça fait juste s’éloigner ceux qui sont dedans et qui n’ont juste pas envie de se confier à des gens qui n’y connaissent rien. Je pense que demain, si j’étais vraiment dans la merde, je n’aurais certainement pas envie de parler avec ce genre de personne. Il y a un décalage entre la pathologie et juste la pratique occasionnelle. » thune. Mais je vais quand même claquer la chose dans un gramme de coke. » Cela demande une organisation. Ils dépensent pour la cocaïne sans compter parce qu’ils ont envie de faire la fête et ils vont faire attention pour tout le reste. Les risques sociaux : Pour conclure, on ne peut pas réellement parler d’arrêt, d’abstinence, de sevrage. Je n’ai pas rencontré un seul de ces usagers récréatifs et occasionnels, je ne parle pas pour les autres usagers de cocaïne, qui l’ai envisagé. Les désagréments que cela leur apporte ne sont pas assez importants par rapport aux avantages qu’ils en retirent, ce qui ne leur donne jamais envie d’arrêter définitivement parce que ça aurait été trop loin. Ils m’ont tous exprimé : « Pourquoi j’arrêterais si je n’ai pas de problème ? » Ils évoquent « plus tard, quand je serais en couple, quand j’aurais des enfants, quand j’aurais changé de job… » Pour cette population, je proposerai plutôt une disparition progressive de la toxicomanie ou un effritement, non pas un choix volontaire et affirmé, qui serait situable dans le temps comme les héroïnomanes qui entament une cure, mais plutôt quelque chose de progressif : ils vont plutôt sortir de moins en moins parce qu’ils vont vieillir, parce qu’ils vont en avoir marre d’être dans les bars, parce qu’ils en ont marre d’être dans ce mode festif-là, parce qu’ils vont se mettre en couple, parce qu’ils vont avoir d’autres centres d’intérêt... Et petit à petit, comme ils sortiront moins, ils consommeront moins, la cocaïne aura moins de pertinence… il y aura un épuisement progressif de la pratique, jusqu’à sa disparition. J’ai croisé aussi des personnes de cinquante-cinq ans qui consomment encore une fois par an pour le plaisir de reprendre un peu de cocaïne. On n’est donc pas du tout dans les mêmes représentations qu’en addictologie, ce n’est pas la même manière d’envisager la question, puisqu’il peut y avoir arrêt des sorties pendant trois mois, et puis à force d’en prendre moins, on se rend compte qu’on n’en a plus trop besoin, on va boire Un épuisement progressif de la pratique Certains ont regretté un enfermement progressif dans leur réseau de relations uniquement formé de consommateurs. Les liens avec les gens qui ne consomment pas, même les amis d’enfance, vont se déliter petit à petit parce qu’ils ne font plus la fête de la même manière, parce qu’ils ne partagent plus rien. Certains regrettent d’avoir perdu ces amitiés-là ou regrettent que leurs activités de loisirs se soient uniquement tournées autour de la fête. Ils ne vont plus au théâtre, au musée, au cinéma parce qu’ils passent leur temps dans les bars. Il y a aussi un abandon progressif des autres relations sociales car les activités de loisirs sont essentiellement tournées vers la fête. Enfin le problème du budget cocaïne. Au cours de mes phases d’observation, il m’a été donné de suivre les filles et les garçons dans leur quotidien, notamment quand ils faisaient les boutiques parce que j’avais besoin de passer beaucoup de temps avec eux, de discuter de tout et pas seulement dans les moments festifs. Donc en faisant les boutiques (forcément des pas très chères du type H&M), je me souviens d’une fille qui avait hésitée trois quart d’heure sur une chemise à carreaux à quinze euros, prétextant son prix, et qui, le soir, a sorti cent vingt euros pour deux grammes de cocaïne. Il y a une réorientation des priorités, de leur budget. Jérôme par rapport aux loisirs : « mon cercle d’amis, c’est un cercle d’amis de soirée. Quand tu rencontres quelqu’un, j’ai l’impression que c’est toujours autour d’un même produit. Je me rends compte que je n’ai plus d’autres loisirs, et ça me gène beaucoup. » Magda dit «j’adorerais faire un soin en institut, mais je n’ai pas de 13 quelques verres. Certains me disent qu’ils préfèrent les apéros en privé, il ne boivent que quelques verres et n’ont plus besoin d’aller très loin dans la soirée, ils rentrent vers dix - onze heures, la cocaïne n’est donc plus très pertinente, ils n’en prennent donc plus, cela n’a plus d’intérêt. Merci de votre attention. 14 temporalité qui n’est pas du tout la même pour eux que pour d’autres. Echanges Avez-vous rencontré des jeunes qui ont connu des jeunes qui avaient eu des difficultés ? - Est-ce qu’ils transfèrent l’augmentation de leur consommation d’alcool avec celle de la cocaïne ? - Si quelqu’un dépasse les limites qu’il s’était fixées, il y a une pression interne du groupe, tout le groupe lui met la pression pour qu’il revienne dans le rang. S’il n’y revient pas, il sera exclu du groupe parce qu’il met en danger la cohésion et l’image que le groupe s’était forgé de lui même. Ils ne veulent pas d’un « tox » dans leur groupe, ils veulent être sûrs de tout maîtriser : « Soit tu reviens dans le rang, soit tu t’abstiens de nous appeler parce que l’image que tu nous renvoies ne nous plaît pas. » - Pour certains oui, ils avaient arrêté la cocaïne et avaient gardé des habitudes de consommations d’alcool liées à la cocaïne, c’est-à-dire très élevées. Certains se sont retrouvés dans des bars à vomir parce qu’ils n’arrivaient plus à calibrer leur consommation d’alcool sans la cocaïne. Finalement la majorité arrête la prise de cocaïne en changeant de mode de vie, ils sortent moins, donc ils boivent moins. Quand ils arrêtent la cocaïne après la trentaine, on retrouve des schémas plus traditionnels de convivialité où les uns se reçoivent chez les autres pour des repas et là il n’y a pas l’envie de défonce qui pouvait exister avant. J’ai entendu parler de quelques épisodes où des personnes ont eu envie de compenser, mais pas tant que ça, il n’y a donc pas eu de réel transfert. Cela suit vraiment une chronologie avec des évolutions personnelles et professionnelles. - Je m’interroge quant au lien avec l’alcool, parce qu’en fait dans leurs consommations, c’est aussi toujours lié avec l’alcool, tout en prenant l’exemple de leurs parents qui boivent un verre d’alcool. Il y a une sorte de négation de l’alcool. - L’alcool, tout seul, a très peu de pertinence. Ils boivent très rarement chez eux. Par contre ce sont des gens qui ont une sociabilité très dense. Ce qu’ils appellent les apéros et les « after work » à rallonge c’est le mardi, le mercredi, le jeudi, le vendredi, et le samedi ils sortent. Cela va de un à quinze verres, jusqu’à la fermeture des bars, l’alcool est donc beaucoup plus présent. Ils ont d’ailleurs plus peur de leurs pratiques liées à l’alcool qu’à la cocaïne, parce que c’est quelque chose qui est arrivé avant la cocaïne et qui restera après. Leur pratique de l’alcool est beaucoup plus problématique, mais ce n’est pas une pratique sur laquelle je me suis penchée.. Quand tu leur demandes s’ils ont un problème avec la cocaïne, ils répondent : non, pas avec la cocaïne, mais avec l’alcool oui. Ils vont dire clairement avoir un problème avec l’alcool, en boire un peu trop. Mais encore une fois, ils ont une image de la dépendance qui est annexée à celle du toxicomane ou de l’héroïnomane qui a besoin de sa dose toute les x heures. Même avec l’alcool, ils disent qu’ils ne sont pas dépendants, ils peuvent partir une semaine en famille et ne pas boire, Il y a donc une question de - Comment évaluent ils leur évolution sociale et professionnelle ? On a l’impression qu’ils n’ont aucune difficulté, et par rapport à leur famille ? - Les gens qui ont arrêté ce mode de vie festif, c’est lointain, cela ne les concerne plus. Ils reviennent vers des relations passées quand ils arrêtent, il y a une espèce de regret à se dire qu’ils ont laissé « sur la route » des gens biens et qu’ils n’ont pas porté d’attention à eux parce qu’ils n’avaient pas la même manière de faire la fête, qu’ils les ennuyaient à l’époque et qu’aujourd’hui ils veulent revenir à des relations vraies. Mais pendant qu’ils sont dedans non, parce qu’ils ont une si haute impression d’euxmêmes et de ce qu’ils font, qu’ils ont l’impression qu’ils ont tout à fait raison de continuer dans ce qu’ils font, et que si les autres ne savent pas les suivre tant pis pour eux, car eux, au moins, savent s’amuser. Au niveau du parcours social et professionnel, ils sont relativement bien insérés avec un niveau de revenus assez 15 élevé. J’ai vu des médecins, des chirurgiens, des psychologues, des commerciaux qui gagnent beaucoup. Donc pour ces gens-là la cocaïne n’est pas du tout un problème, ni pour leur budget. De plus le prix a beaucoup baissé, on en trouve entre cinquante et soixantedix euros le gramme, parfois ils se mettent à plusieurs, trente euros sur une soirée c’est abordable. Pour ceux qui peuvent moins dépenser, cela pose problème parce qu’ils ont parfois pioché dans leur épargne personnelle pour assumer leur mode de vie festif. Ce n’est pas que le produit, c’est tout ce que cela implique autour : les sorties, les vêtements, les boissons, les restaurants… Eux ne l’imputent pas à la cocaïne, mais à cette envie de faire la fête, ils vont partir faire la fête un week-end à Barcelone. Ils ne relieront que très peu les problèmes à la substance, mais plutôt au mode de vie dans son ensemble. Ce n’est donc pas la cocaïne qui leur pose problème, mais le mode de vie festif. Dans leur parcours socioprofessionnel, surtout professionnel, ils sont dans une volonté, plus ils avancent en âge, d’insertion sociale. Plus ils vont avancer, plus ils vont abandonner ce mode de vie dans son ensemble et la cocaïne qui en fait partie. Mais tant qu’ils sont dedans, ils ont l’impression qu’ils ont tout compris, qu’ils savent faire la fête et que les autres sont chiants. Donc ceux qui ne veulent pas suivre, qu’ils restent derrière, ce n’est pas grave. risquent de ne plus aimer le sexe sans cocaïne. Une fois de temps en temps, en rentrant de soirée c’est bien, mais si on rentre dans la pratique habituelle du sexe sous cocaïne on ne saura plus ce que c’est sans ça, on aura donc un problème. Là aussi, il posent des barrières. - Ils sniffent tous la cocaïne ? Aucun n’en prend par injection ou free base (transformer la poudre en caillou) ? - Par injection : aucun. Le free base, certains m’ont dit d’avoir essayé dans leurs jeunes années, quand ils prenaient de l’ecstasy ou d’autres produits, mais le free base est connoté avec l’image du toxicomane. Parmi ceux que j’ai rencontré, il n’y en a que trois qui ont essayé l’héroïne, mais ils ne le mettent pas en avant, par le sniff aussi car l’injection est vraiment tabou dans le milieu. C’est que du sniff et que du festif. Certains collent la cocaïne sur leur cigarette, c’est une manière de déroger un peu de leur usage. - Comment se passe le contact avec les dealers ? - Si avant, on allait voir le dealer dans un endroit, maintenant le dealer est un membre du groupe, il vient tous les weekend dans ces bars, il participe aux soirées. Il n’est pas présenté comme un dealer, mais comme un ami. Il est invité à toutes les soirées, et en plus s’il est là, on aura tout sous la main. Il y a beaucoup de deal d’appartement : on fait une soirée, le dealer est là et il vend à tous ceux qui sont présents. Cela contribue à rendre cette pratique un peu plus invisible. La criminalisation des drogues oublie complètement cette cocaïne-là et ce marché du deal. En 2008 à Lille, la police a monté une opération nommée « Nice people » qui a duré plus d’un an. La police a surveillé quelques bars, pris des photos. Cela a abouti à l’arrestation de cinq personnes et quatre-vingts dix personnes ont été convoquées au commissariat comme témoin, dont au moins une douzaine de « mes » individus qui ont été convoqués au commissariat, mais qui ont été relâchés aussitôt. Qu’ils soient dealer ou consommateur, les gens pensent ne pas - Avez-vous eu accès aux informations concernant la prise de cocaïne et les performances sexuelles ? - C’est tout ou rien. Certains m’ont avoué que cela avait décuplé leurs fantasmes, un peu comme l’ivresse alcoolique mais cela dure plus longtemps. D’autres, au contraire, perdent tous leurs moyens, ce n’est pas quelque chose qui a beaucoup été mis en avant. On en a parlé, mais ce n’est pas une des raison qui va les pousser à consommer, notamment cette idée toujours présente de garde-fou, cette frontière à ne pas dépasser ; tous ceux qui m’ont évoqué le sexe avec la cocaïne, dont pour la moitié d’entre eux en discussion informelle, m’ont dit qu’il ne fallait pas le faire à chaque fois car ils 16 risquer beaucoup, peut-être plus le dealer quand même, mais la manière dont c’est fait : il est client d’un bar ou il vient chez vous… Par contre le consommateur, lui, ne pense rien risquer du tout, même s’il a un gramme sur lui. Peut-être la tolérance sur Lille joue en leur faveur car dans les faits, selon les parquets, il y aura une plus ou moins grande tolérance. Lille est quand même un carrefour entre la Belgique, la Hollande, l’accès par les ports. C’est vrai que les simples usagers ne risquent pas grand-chose. la presse. Par contre ils sont désireux de pouvoir lire une recherche « scientifique », de voir ce que cela va donner. Parler à la presse donnait l’impression de rendre plus visible leur pratique. Autant entre eux ils en parlent ouvertement, mais pour le reste du monde ils doivent rester ces gens socialement surélevés. Ils doivent être comme le reste du monde malgré une pratique déviante (tension). - Lors de l’abandon des pratiques festives est ce en lien avec le fait de devenir parent, y a-t-il une prise de conscience ? - Comment êtes-vous entrée en contact avec ces personnes et quelle était leur perception de la recherche ? - Pour une bonne moitié de ceux qui arrêtent, il y a une remise en question de ce qu’ils ont été avant. Ils savent qu’ils sont passés à côté de plein de choses, mais ne regrettent pas. Maintenant ils reviennent à une vraie vie. Ils abandonnent les pratiques festives, parce qu’ils leurs trouvent moins de pertinence. Ils remettent en cause la personne qu’ils ont été cinq ou six ans auparavant parce qu’ils réintègrent dans leur vie d’autres aspects de la vie sociale comme les voyages, la vie de famille, les expositions, quelque chose qu’ils avaient complètement laissé de côté avant. «Je redécouvre le plaisir de faire une balade à vélo le dimanche matin, avant je dormais », « Je redécouvre le plaisir de me faire un cinéma un matin, parce que maintenant je suis levé(e) le matin ». Pour l’autre moitié, ils continuent à avoir un mode de vie festif mais différemment : au lieu de sortir toutes les semaines ou tous les week-ends, ils sortent une fois tous les trois mois « on part à cinq couples faire la fête très fort à Barcelone ou un autre endroit ». Faire la fête va être ponctuel. Ils ne remettent pas en cause ça, parce qu’ils restent dans cette envie de continuer à avoir ce petit frisson d’excitation. C’est donc moitié-moitié : certains vont se remettre en question et d’autres pas du tout : « On va arrêter des drogues. Quand on en prend c’est une fois par an, mais on le fait bien ! » Pour la question de la parentalité : sur les huit couples que j’ai rencontrés, la femme a arrêté pendant qu’elle était enceinte. Le conjoint non. Il a même continué à sortir de temps en temps sans elle. Après - Cela a commencé quand j’étais étudiante. Je travaillais comme serveuse en boîte de nuit tous les week-ends, de dix-huit à vingt-cinq ans. Après je me suis intéressée à ce milieu-là. J’organisais des soirées, des événements, et cela faisait un certain temps que ces gens-là me voyaient un peu partout, parce que c’est un monde du travail où on bouge énormément. Ils me connaissaient de vue, j’avais organisé des événements, j’avais même contribué à la création d’un festival. A priori, j’étais plutôt de leurs pairs. Quand j’ai évoqué l’idée de faire une enquête… cela faisait rire parce qu’ils savaient que je faisais des études dites sérieuses, alors faire une thèse sur les usagers de cocaïne… Quand ils ont dû répondre à des questionnaires, il a fallu que je garantisse l’anonymat en changeant les prénoms. Ils étaient tous très intéressés par ce que j’allais dire, ils avaient tous envie de lire ce qui va être produit. Ils voulaient tous participer à des conférences. Cela les intéresse qu’on fasse un retour de réflexion sur leur pratique. Par contre, ce qui a été très étonnant, ce qu’ils n’ont pas aimé du tout (je ne l’ai fait qu’une fois et pas deux), dans une interview à La Voix du Nord il y a trois ans, ils n’ont pas apprécié que je dise des choses aussi banales que leur consommation dans les lieux publics se fait aux toilettes dans les bars, tous m’ont appelé : « pourquoi tu leur as dit ça ? Tout le monde va savoir… » Ils n’ont pas aimé le fait d’avoir parlé de détails techniques à 17 l’accouchement, toutes ont repris mais à moindre fréquence, une fois de temps en temps, mais il n’y a pas d’arrêt. Elles vont moins le faire parce qu’elles ont moins de temps, mais il n’est pas question d’arrêter sous prétexte qu’elles ont un enfant et sont donc responsables. Ne pas être responsable pour elles, se serait de prendre de l’ecstasy, du LSD ou des champignons. La cocaïne, c’est juste un petit plaisir. Il n’y a pas une volonté d’arrêt parce qu’elles ont un enfant. ATTENTION, ceci n’est vrai que pour les huit couples vus durant l’enquête. Ils se fixent leurs barrières que chacun gère seul: ils ne consomment pas au travail ; s’il leur reste un gramme, ils ne vont pas le prendre seul ; ils ne vont pas consommer la veille de voir leur famille ; pas en vacances… Cela leur fait une période d’abstinence. C’est une pratique qui doit rester festive et partagée : « pourquoi si je rentre chez moi vais-je consommer alors que je vais être seul et que je rentre pour aller dormir ? » C’est le festif qui est collectif, l’alcool, la cocaïne, la musique se greffent là-dessus. Quand on sort de ce festif, on n’est plus dans le collectif « quand je rentre chez moi seul après une soirée, je ne vais pas boire d’alcool non plus ! » Ils prennent de la cocaïne pour être bien, pour boire et tenir plus longtemps, et quand les effets s’arrêtent, ils vont se coucher. - Cette population est dite cachée parce qu’elle échappe à des contrôles formels, mais il y a des contrôles informels à l’intérieur du groupe. Y a-t-il un rapport entre les stratégies personnelles de maîtrise de la consommation et l’appui sur le groupe ? - C’est un peu comme avec l’alcool. Si on boit à plusieurs, c’est pour l’effet convivial, alors que si on boit seul, ce serait pour la recherche des effets psychoactifs. Dans leur fonctionnement de groupe, celui qui en sort (parce qu’il dépasse les limites) illustre ce qu’il ne faut pas être. Parmi les caractéristiques, les facteurs aggravant de l’alcoolisme le fait de boire en cachette est souvent mis en avant. - Pour la question des contrôles formels, cette population y échappe puisqu’elle est cachée par définition. Sur la question des contrôles informels dans le groupe, il y en a très peu. Le seul contrôle fait dans le groupe, c’est si quelqu’un dépassait les limites (consommerait pour aller travailler, consommerait de trop) et leur renvoyait une image négative de l’usager de cocaïne, s’il sortait un peu des limites fixées par le groupe, on lui demanderait de se calmer, on lui ferait comprendre qu’il file un mauvais coton, libre à lui de revenir dans le groupe ou d’en sortir. Après c’est vraiment une pratique qui est individualisée. Contrairement à l’ecstasy ou au LSD où ils partageaient une expérience commune, vivaient les effets hallucinogènes en commun, là on est dans l’individualisation poussée à l’extrême. Quand on est ensemble, on ne parle pas des effets ressentis de la cocaïne, elle nous empêche d’être saoul et nous permet juste d’être bien. A la limite, la seule chose qu’on va dire dessus c’est « tiens, tu en veux ? » On ne va pas parler de ses effets. Il n’y a contrôle informel dans le groupe que si un individu met en danger la cohésion du groupe ou l’image que le groupe s’est forgée de lui-même. Après c’est à l’individu lui-même de se réguler par rapport à sa vie, son travail, sa famille. - Vous avez évoqué la culpabilité, est ce vrai aussi par rapport aux collègues ? - Soit leurs collègues ne sortent pas aux mêmes endroits qu’eux, soit ils sont dans la même mouvance. Ce ne sont généralement pas des amitiés avec les collègues, ce sont des amitiés festives ; hormis le cas d’un patron d’une entreprise de six employés, six amis, qui font donc la fête tous ensemble, toujours. Mais sinon c’est complètement cloisonné et compartimenté. Si jamais des collègues viennent prendre l’apéro avec eux, alors ils se tiennent bien. Même s’ils partent aux toilettes pour prendre un « trait », ils n’auront pas les yeux qui partent dans tous les sens en revenant ils n’auront pas d’hallucination ; ils sont capables de prendre un verre tranquillement. Il n’y a pas de rapport entre ces deux mondes. S’ils croisent des collègues dans un bar, et alors ? Cela ne se voit pas, en tout cas 18 pour ceux qui ne connaissent pas le produit et ces milieux-là. en prenne seul. Ils ont leur propre définition de la dépendance. Concernant les rapport police et justice : je ne peux parler que pour un cas (que je n’ai pas suivi mais qui était un acteur central d’un groupe) qui a la trentaine et qui a été neuf mois en prison quand il avait une vingtaine d’années. Il a été incarcéré pour trafic de stupéfiants, et ça l’a profondément marqué, ainsi que sa famille. Ca ne l’empêche pas malgré tout d’être à fond dans la cocaïne, parce que tant qu’il ne deale pas, il ne risque rien et que pour lui, la cocaïne ce n’est pas du tout comme l’héroïne. Donc même si la prison l’a marquée, il a juste arrêté le trafic, mais il consomme toujours. - Que deviennent ceux qui ont franchi la barrière ? - Il y a un cas : le conjoint d’une personne que j’avais suivie, il consommait beaucoup cela mettait le couple en péril. Sa femme a posé un ultimatum pour qu’il aille voir un psychiatre pour essayer d’en parler. Il consommait beaucoup d’alcool et de la cocaïne tous les jours, dès qu’il rentrait du travail à dix-huit heures jusqu’au lendemain cinq heures mais continuait à affirmer qu’il gérait sa consommation. C’est le seul cas rencontré qui est allé consulter, mais c’est parce que la rupture du couple allait se faire. Pour les autres, je n’en ai aucune idée. J’ai discuté avec un médecin généraliste et un psychiatre en addictologie, ils m’ont dit voir très peu de gens qui viennent pour la cocaïne. En général ils consultent pour l’héroïne, le cannabis, mais la cocaïne apparaît comme une consommation secondaire. Les rares personnes qui viennent pour la cocaïne ne viennent pas pour les dommages engendrés. La réponse médicale est extrêmement individualisée parce que il n’y a pas encore, à l’heure actuelle de thérapeutique unique et efficace comme on en a pour l’héroïne. Pour la cocaïne, les médecins disent donner une réponse en fonction de leur champ d’action (psychiatrie, médecine générale …) - Parmi ceux qui ont été convoqués lors de l’opération de police, est-ce que cela a eu un impact sur eux ? - Ils ne faisaient pas partie des gens que j’interrogeais. Par contre ça a eu un impact pour tout ce milieu-là pendant six mois. Pendant ces six mois, de novembre 2008 à mai 2009, j’ai dû me faire discrète, j’ai dû stopper l’enquête car plus personne ne voulait répondre à mes questions (ceux qui avaient été convoqués n’avaient plus envie de répondre à mes questions et ceux qui ne l’avaient pas été ne voulaient pas risquer de l’être). Cela a juste échauffé un peu les esprits, puis c’est retombé comme un soufflé et c’est reparti. - Comment acceptent-ils, s’ils l’acceptent, un non-consommateur dans le groupe ? Et autre question, se posent-ils des questions sur l’origine du produit (les réseaux par lesquels il passe) ? Parce qu’ils sont censés faire partie de gens cultivés. - Pour un usager de cocaïne, il n’existe pas de traitement de substitution comme pour l’héroïne, alors on ne peut pas s’arrêter « facilement ». - J’ai plus entendu parler de la recherche de produit de substitution plutôt que d’accompagnement. - Sur la question des réseaux, du deal…, ils s’en moquent totalement, ils sont dans un hédonisme, un pur idéalisme. Les seules questions qu’ils pourraient poser seraient sur la qualité du produit (s’il fait de l’effet) et sur la quantité (en poids et en argent). Mais cela ne va pas plus loin. Ils sont dans leur microcosme, pas du tout des consommateurs responsables Pour répondre à la question de la place des non-consommateurs dans le groupe, contrairement à la période ecstasy ou à celle de la lune de miel avec le produit où - La question que je me pose c’est est-ce qu’il y a dépendance ? Et aussi quelle est leur trajectoire de vie, y a-t-il eu des rapports avec la justice ou la police ? - Pour ce qui est de la notion de la dépendance, pour eux c’est clair : ils ne le sont pas ! Ce sont le toxicomane, l’héroïnomane, ceux qui consomment au quotidien, qui en prenne au travail et qui 19 le non-consommateur n’avait pas sa place parce qu’il ne pouvait ni suivre la cadence, ni comprendre ce qu’il se passait. Le réseau est un peu plus perméable au nonconsommateur, mais à condition qu’il ait un mode de vie festif, qu’il boive de l’alcool, qu’il fasse la fête, qu’il aime la musique, qu’il participe aux événements, qu’il suive le rythme. Il y a quelques nonconsommateurs qui sont là régulièrement, certains sont non-consommateurs depuis toujours, d’autres ont arrêté mais continuent de sortir. Le réseau est donc un peu plus perméable qu’à l’époque où ils étaient plus jeunes, mais ce n’est pas la majorité. Sur mes trois-quatre ans de terrain, dans certains bars, à certains types de soirées, j’ai remarqué qu’à 80% la clientèle va être consommatrice. Ma place à moi dans ce milieu ? Elle a été facilitée car j’ai été barmaid pendant des années certains m’y ont vue et aussi le fait qu’à « mon époque » j’ai eu une vie sociale très dense. Une anecdote : à cette époque, quand on m’offrait un verre, il fallait absolument que je prenne de l’alcool pour ne pas rompre la convivialité (si je disais un coca, on me répondait : « non, j’ai dit que je t’offrais un verre »). Tu acceptes donc, mais dans une certaine limite car tu travailles. Je peux vous dire qu’après trois ans sur le terrain, je n’en peux plus des bars et des boîtes. Je sortais cinq soirs par semaine, sans forcément boire de l’alcool, mais je devais participer un minimum. Quand je recevais chez moi, j’offrais à boire et bien évidemment de l’alcool aussi. C’était un peu plus délicat au début d’être intégrée à une soirée privée où tout est ouvert et la drogue sur la table. J’ai donc tissé de vrais liens avec certains: on allait faire du sport, du shopping. J’ai même suivi un groupe le temps d’un week-end prolongé de quatre jours en Normandie. Comme pour toutes les substances psychoactives, hors les médicaments psychotropes, il y a toujours un peu plus d’hommes que de femmes, mais pour la cocaïne, les niveaux d’usage sont très proches parce que ce n’est pas une substance aussi engageante et aussi forte dans les effets ressentis, les filles en ont donc moins peur que de l’ecstasy. Il y a peut être des différences de fréquence, les garçons vont sortir un peu plus souvent que les filles (mais je n’en suis pas sûre). Il me semble aussi, mais ce n’est que de la perception de terrain, que les garçons achètent plus souvent que les filles. - A côté des différences hommes/femmes, je pense à la conférence lors de la journée Prévenir, Michel Hautefeuille avait mentionné que la cocaïne était consommée de façon très différente selon qu’il s’agissait de dopage (des petites prises répétées souvent) ou d’usage festif (des prises plus importantes et moins fréquentes), les effets recherchés étant aussi très différents. Cet exemple avait confirmé l’intérêt du « triangle de Claude Olievenstein » (un produit, une personne et un moment socio-culturel) pour comprendre les addictions et ajuster les prises en charge cliniques, elles aussi très différentes tant en contenu qu’en durée. 20 21
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