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L'Ennemi Intime
Qu'un réalisateur quadragénaire, épaulé par l'érudition de son scénariste Patrick Rotman, s'attache à regarder la
barbarie en face est en soi une excellente nouvelle. Après une mise en place tendue et efficace, servie par une
caméra fluide et une lumière qui donne aux visages la texture de l'acier, le film bascule avec ses personnages dans
une folie meurtrière que la mise en scène peine à restituer autrement que par la surenchère d'effets et de musique.
Isabelle Danel
Eve Gimenez Comment d’honnêtes hommes pleins d’idéaux peuvent-ils se transformer en bourreaux atroces ?
Cette réflexion sur la guerre d’Algérie, très peu abordée au cinéma, est le thème central du film de Florent-Emilio Siri.
C’est à l’aide d’une mise en scène réaliste que le réalisateur montre le contexte qui a permis à la barbarie de
l’emporter sur l’humanité. La puissance du film doit beaucoup à la prestation de Benoît Magimel. Il parvient à se
glisser dans la peau d’un jeune lieutenant idéaliste qui devient peu à peu un tortionnaire fou. À l’instar de nombreux
films sur la guerre d’Algérie, L’ennemi intime ne se contente pas d’effleurer le sujet de la torture. Impossible de rester
indifférent.
Télérama - Juliette Bénabent Tandis que les Américains ont vite et souvent porté la guerre du Vietnam à
l'écran, les cinéastes français se sont rarement emparés de cet épisode. Rien qu'à ce titre, le film de Florent Emilio
Siri est un événement. D'autant qu'il tourne le dos à l'option purement militante pour s'afficher résolument populaire :
c'est bien un film de guerre, un grand spectacle, une superproduction avec stars (Albert Dupontel et Benoît Magimel,
saisissants de vérité) et paysages grandioses de montagnes (filmés dans le somptueux Moyen Atlas marocain). Voilà
pour la forme. Pour le fond, la crédibilité du propos historique tient en un nom : Patrick Rotman. (...) Il signe le
scénario de cette fiction, avec un objectif clair : montrer la complexité de cette guerre, les dilemmes imposés à tous
les combattants, l'engrenage des violences.
Pariscope - Virginie Gaucher Dans cette guerre qui ne dit jamais son nom, les deux hommes, loin de toute «
pacification », se livrent à une guerre intérieure bouleversante. Sécheresse des actions, beauté des paysages,
densité des acteurs: le réalisateur donne un film impressionnant, un film dont la photo magnifique et la mise en scène
tendue soutiennent un propos fort, la lutte intime contre sa propre barbarie. A quel moment bascule-t-on, pour
devenir un animal, un tortionnaire sans conscience ? Sur le modèle d’un « Blood diamond » ou d’un « The constant
gardener », « L’ennemi intime » dévoile une facette peu filmée de la guerre d’Algérie.
Journal du dimanche - Carlos Gomez La force du film de Siri réside dans le parfait équilibre entre le fond et
la forme; entre le propos et le style. L'ennemi intime, c'est Steven Spielberg qui rencontrerait Pierre Schoendoerffer.
On est au coeur du conflit, dans les hautes montagnes de Kabylie, et les balles sifflent comme des fouets. L'ennemi
intime, c'est une histoire d'hommes qui offre à Magimel et à Albert Dupontel un match mémorable. L'idéaliste contre
la brute, l'humaniste contre le fêlé, avant que les étiquettes ne volent.
Paris Match - Alain Spira Alors qu'on pouvait craindre le pire du réalisateur de Nid de guêpes, on ne peut que
se réjouir de la puissance, du réalisme et de la crédibilité que Florent Emilio Siri a su mettre dans ses images. Il avait
prouvé qu'il savait filmer; il démontre ici qu'il sait raconter une histoire d'hommes, de sang et de larmes avec une
belle efficacité.
Télé 7 jours - Julien Barcilon Un an après Indigènes ce magistral film de guerre de la trempe d'un Platoon
revient à son tour sur un pan de notre histoire douloureuse. (...) Sans manichéisme ni tabou, violemment anti-guerre,
l'Ennemi Intime traque la bête qui sommeille en chacun et restitue, à hauteur d'hommes, la complexité singulière de
cette tragédie.
Elle - Florence Ben Sadoun Sur un scénario écrit par Patrick Rotman, L'ennemi intime a l'ambition d'être le
pendant d'un film américain sur la guerre du Vietnam. Certains plans de cette production épique, avec des scènes
esthétisant l'horreur, font parfois penser à Platoon. Mais, derrière ces hommes qui s'affrontent avec leurs chapeaux
de coow-boy et leurs chèches, il y a aussi la volonté du réalisateur de créer un débat pédagogique sur les tortures de
l'armée fraçaise et sur la barbarie du FLN.
Le Monde - Thomas Sotinel (...) L'Ennemi intime devient un film qui saute à la figure, une histoire sanglante
dont les protagonistes sont percés de balles, brûlés au napalm, torturés. (...) le scénario de Patrick Rotman ne
rechigne pas à recourir aux clichés du film de guerre (qui relèvent plutôt du vocabulaire hollywoodien que du cinéma
français). Heureusement, le scénario laisse leur place à d'autres préoccupations. Il inscrit systématiquement l'histoire
de la guerre d'Algérie dans celle de l'armée française (...) Cette difficulté à embrasser tous les enjeux de cette guerre
unique par les séquelles qu'elle a laissées (en 1964, qui en voulait encore à Ludendorff ?) n'est pas forcément à
porter au discrédit de Florent-Emilio Siri. Elle est aussi la mise en scène d'un échec qui fait qu'à ce jour la guerre
d'Algérie n'a pas encore trouvé la paix dans la conscience collective. En choisissant d'évoquer ce moment de
l'histoire en termes guerriers, L'Ennemi intime fait au moins oeuvre de lucidité.
L'Ennemi intime : la Guerre d'Algérie pour les nuls
Posté par Van le 27.07.07 à 14:34 | tags : site officiel, guerre
Ce film m'intrigue depuis quelques temps : L'Ennemi intime, réalisé par Florent-Emilio Siri (Nid de Guêpes, Otage), avec Benoît
Magimel et Albert Dupontel, est écrit par Patrick Rotman - grand documentariste, réalisateur notamment d'excellents
documentaires sur Mitterrand et Chirac.
Le site officiel du film, au-delà des infos sur le tournage et l'équipe, est une mine d'infos sur la Guerre d'Algérie, thème de
L'Ennemi intime.
A consulter.
(illus. ©2007 - SND ; photo Thibault Grabherr)
" L'ENNEMI INTIME " OU " INSIDE MAN ", L'HOMME DE L'INTERIEUR...
http://www.cahiersducinema.com/cc4/cdm/detail_critique.php?id=1354
Eh bien, voilà un film descendu par " Les Cahiers du cinéma ", certainement parce qu'il a un côté " la
guerre d'Algérie, ni pour ni contre, bien au contraire " qui peut le rendre quelque peu... suspect. Pour
autant, malgré ses défauts, ça reste un film plutôt intéressant.
Précisons que la " catchline " de l'affiche n'est pas tout à fait mensongère : " Le " Platoon " de la guerre
d'Algérie ". Alors, certains, légèrement fines bouches, pourront se dire que cette comparaison n'est pas
forcément au service du film français avec cette idée en tête que le film d'Oliver Stone ne serait pas si
terrible que ça. Je pense qu'ils ont tort, arrêtons-les tout de suite ! Un Platoon, sans atteindre la puissance
filmique et dramaturgique d'un Voyage au bout de l'enfer, d'un " Apocalypse Now " ou d'un " Full Metal
Jacket " (je prends exprès des films américains traitant de la même guerre, celle du Vietnam), est un bon
film, qui n'évite pas, certes, par moments, l'écueil d'un certain pathos psychologisant à tendance lacrymal.
Pour autant, un Kubrick himself pensait le plus grand bien de Platoon, petit rappel donc (ça vient de notre
Bible à tous ou... presque, le Kubrick par Michel Ciment, éd 2001, page 245) : " J'ai vu Platoon un mois
avant de finir le montage de mon film. Je l'ai aimé et je pense que c'est un très bon film. La seule
influence qu'il a eu sur Full Metal Jacket, c'est que nous n'étions pas très heureux du son que nous
avions obtenu pour les fusils M-16 et, lorsque j'ai entendu les M-16 dans Platoon, j'ai trouvé qu'ils
faisaient à peu près les mêmes bruits que les nôtres. " Et toc ! Et oui, la référence à " Platoon " se tient
car dans L'Ennemi intime, la confrontation entre un homme idéaliste au départ, Terrien, lieutenant, alias
Benoît Magimel, et son sergent Dougnac (joué par Albert Dupontel, bien habité, tourmenté à souhait),
plus désenchanté, plus sombre, plus orienté vers le " Mal ", fait bien sûr penser au " duel " idéologique
entre deux supérieurs qui se livrent une guerre personnelle, sur fond de chaos et de haine, entre ennemis
intimes, au sein de la guerre du Vietnam, c'est, souvenez-vous, Willem Dafoe contre Tom Berenger.
Alors, pour en revenir au Siri, son film sur la guerre d'Algérie vaut largement le détour. Ce film est un film
sur la guerre plutôt que de guerre au sens strict, ou bien on pourrait dire que " c'est un film de guerre
contre la guerre " (dixit le réalisateur lui-même connu pour s'être illustré plutôt bien avec un film (d'action)
de genre, " Nid de guêpes " (2002), et moins bien avec " Otage " (2005), son film américain avec Bruce
Willis). Son " Ennemi intime " présente un curieux mix entre un certain naturalisme (il y a une recherche
de vérisme documentaire notamment dans les scènes brutales et sèches de combat, on a un film sec,
minimaliste, tendu, resserré sur lui-même) et, de l'autre côté, on a un film qui tire vers un certain onirisme,
on peut d'ailleurs penser à " Jarhead ", je me réfère par exemple à une séquence forte, lorsque suite aux
bidons lancés par l'armée française (en fait, du napalm, ni plus ni moins), on voit au sol, dans une
ambiance fantomatique et flottante faite de fumées rasantes et de corps charbonneux et carbonisés,
quelque chose de terrifiant, d'horrible, c'est le visage d'une Kabylie meurtrie dans sa chair, via la folie des
hommes, l'horreur, l'horreur, l'horreur...
Ce qu'on peut regretter, c'est que ce film, misant d'ailleurs avec talent sur le visuel et l'esthétique, lorgne
par moments vers un esthétisant quelque peu regrettable. Un exemple, par moments, il y a des reflets
(certainement numériques) présents dans les yeux des personnages, couleur acier, sans doute pour
insister sur leur conflit intérieur, leur côté animal, et je trouve que c'est inutile, le jeu des acteurs, qui fait
corps avec une mise en scène tendue, suffisait, pas besoin d'un surlignage lumineux qui attire notre oeil
de spectateur vers un punctum luminescent dont on se serait aisément passé. On peut aussi préciser,
défaut technique davantage que péché esthétisant, que la bande-son n'est pas toujours clairement
audible, il n'est pas rare de ne pas tout comprendre de ce que disent les personnages, dommage. En
outre, par moments, on tombe quelque peu dans un côté tire-larmes, à tendance lacrymale façon "
Platoon ", qui est trop téléphoné, trop attendu - je pense par exemple à la séquence où des soldats
français survivants revoient leurs camarades morts grâce à un film en noir & blanc tourné par leur
caméraman, mort lui aussi. Ici, l'émotion est surlignée, on balise un peu trop le terrain, la musique
d'Alexandre Desplat envoie les violons (!), et c'est dommage, on a un air de déjà-vu quelque peu édifiant.
De même, le collier de barbe d’Aurélien Recoing, style Capitaine Haddock, est à revoir d’urgence !
Cependant, ce film " L'Ennemi intime " est ambitieux. Pour son côté sec, tendu, minimaliste, on peut
d'ailleurs penser, du fait d'un certain dénuement esthétique (qui n'est hélas pas maintenu tout du long
dans le Siri), au " Flandres " de Bruno Dumont, un film, on s'en souvient, ne traitant pas directement de la
guerre d'Algérie mais dont le décor rocailleux, aride, et les exactions commises par les forces militaires
rappelaient bien entendu les zones en eaux troubles des actions militaires françaises commises en
Algérie du temps de sa lutte armée pour son indépendance, fin années 50-tout début des années 60, il
s'agit surtout de l'année 1959 pour être précis dans le Siri. Mais le film de Dumont est plus fort, plus
troublant encore, certainement parce que le fait qu'il s'agisse d'une guerre abstraite fait qu'il tend plus
vers une dénonciation de la guerre d'une manière universelle, on quitte " l'anecdotique ", l'illustration planplan, pour laisser à l'oeuvre dans le film, une pensée, bien désenchantée sur la nature humaine et ses
affres, celle de Bruno Dumont. Et, jusqu'à l'os, c'est l'humain, ni plus ni moins, comme un Kubrick, que
met à jour Dumont dans son film sur la guerre, puissant parce que décharné, sans concession, sans
fioriture. Mais ici, la barre est placée haute, je pense que Siri, pour être clair, va moins loin, mais que son
film présente pour autant des qualités indéniables.
Comme dans " Il faut sauver le soldat Ryan " de Spielberg, Siri ne s'embarrasse pas à montrer le front
arrière, des cartes d'Etat major, des réunions de grands chefs du QG et cetera, il introduit juste un
déroulant au début pour narrer les faits historiques et, à la fin du film, il présente un texte très court où l'on
apprend qu'au cours de cette guerre d'Algérie, 27 000 soldats français sont morts pendant, qu'en face,
entre 300 000 et 600 000 (je crois que ce sont les chiffres donnés) Algériens, soldats comme civils, y ont
laissé leur peau. Tout le film, sinon, c'est d'être, en première ligne, dans le coeur de l'action grâce à une
caméra fluide, au sein des balles rasantes et sifflantes, dans un lieu assez fermé pouvant d'ailleurs faire
penser, de par ses paysages désertiques et ses montagnes recouvertes d'arbres à l'identique, à un décor
de western (par moments, cet Ennemi intime, on dirait même un « jeu » grandeur nature entre cow-boys
et Indiens, dont la « guéguerre » filmée privilégie, souvent (à tort ?), le film d’action sur le film d’Histoire - il
y a comme un hiatus ou, pour être moins critique, un curieux mixte). On voit quasiment tout du point de
vue du lieutenant Terrien (Magimel), et on suit les patrouilles, les escouades, de l'intérieur, dans la mêlée,
dans la mélasse. On nage d'ailleurs en plein merdier. Ce film montre efficacement le bourbier de cette
sale guerre, la guerre d'Algérie, et de ce sale boulot à faire, notamment par les soldats français, âgés,
pour beaucoup, d’une vingtaine d’années. Des deux côtés, la violence est extrême, l'homme est un loup
pour l'homme, c'est oeil pour oeil, dent pour dent, les deux forces en question ne se font aucun cadeau et
ce film montre bien cela, me semble-t-il.
Je crois que la phrase-clé du film est celle-ci (elle est prononcée d'ailleurs par un officier) : " Quand on
reçoit un ordre inacceptable, on doit le refuser. " Voilà, c'est un film sur une guerre psychologique, cette
idée d'une tempête sous un crâne pour des hommes, en plein bourbier, voyant les frontières vacillées
entre le Bien et le Mal, quel camp choisir ? Faire la guerre contre qui ? Contre les Algériens ? Contre les
Français d'Algérie ? Contre les " Algériens français " ? Contre l'Algérie ? Contre soi-même ? C'est donc
surtout d'une guerre personnelle dont il s'agit, sur fond de guerre historique, celle d'Algérie - selon cette
idée que le Mal est peut-être à l’intérieur de nous. On a un homme sous influence, Terrien, entre ordre et
désordre, entre soumission et révolte. Schéma classique : l'ennemi est moins celui qui est en face l'autre, " l'étranger " - que celui qui est en lui et qui le ronge, un ennemi intime, donc. En outre, Terrien est
impressionné par le professionnalisme de son sergent Dougnac, un être de sang froid, ancien d’Indochine
semblant revenu de tout, et qui calme pour autant ses démons en jouant du clairon, isolé, au campement,
dans la nuit noire. Ombre parmi les ombres. Une sorte de mort en sursis, d'être pour la mort.
Cette idée de désobéir à un ordre inacceptable, c'est d'ailleurs au départ ce que pense le " héros " du
film, Terrien/Magimel, puis après, celui-ci évolue dans sa lecture du drame (la guerre), il est au départ
idéaliste (« Vous verrez, vous changerez… comme nous tous » lui dit-on), et ce film montre bien
comment un homme avec un idéal, pris dans un engrenage, se transforme peu à peu en " monstre ". Il
découvre l'horreur (notamment les exactions et les tortures des soldats français dans les villages de la
Kabylie au visage blessé mais qui lutte pour se montrer souverain) avant de la commettre lui-même. On
découvre que l'armée française, bien avant les Américains et leur putain de guerre du Vietnam, ont utilisé
les hélicos (pour atteindre des zones inatteignables sans ces engins modernes) et le napalm. D'ailleurs,
le film montre bien l'hypocrisie de cette guerre, une sorte de guerre sans nom, que l'Etat français, on le
sait, n'a reconnu comme guerre que longtemps après, très longtemps après (en… 1999). Le napalm n'est
pas nommé dans le film, les soldats français, eux-mêmes, craignent l'usage de cette arme absolue. Ils
crient : " Pas les bidons ! Pas les bidons ! ". Ils redoutent ce qu'ils vont trouver en bas, l'horreur, un
véritable charnier de l'ordre de l'innommable, de l'indicible. Au-delà des soldats chargés de patrouilles,
d’embuscades, de coups de main et de contrôles " classiques ", le film nous montre un aspect de la
guerre d’Algérie peu filmé et peu reluisant pour le blason militaire. On y voit une guerre faite d’attente, de
tension quotidienne dans des postes isolés, des bleds, avec de brusques explosions de violence
sidérante, notamment la violence subie par des populations paysannes déracinées, une population locale
soumise à la répression de tortionnaires sanguinaires, et de l'autre côté, c'est aussi montré dans le film,
les fellaghas ne sont pas des tendres non plus. C’est la guerre, quoi. Dans toute sa barbarie et sa
déshumanisation des êtres.
Aussi, je pense que ce film, L'Ennemi intime, a le mérite d'avoir été réalisé, d'exister en tant que tel, et on
le sait, ils ne sont pas légion les films de guerre made in France réussis, on a notamment " Capitaine
Conan " de Bertrand Tavernier, une sorte d'exception française, ou encore, sur cette sale guerre
d'Algérie, on a certes des films mais qui, pour la plupart, datent de 30, voire de 40 ans ! Je pense à " La
317ème section " bien sûr, de Pierre Schoenderffer, un classique, ou encore à " R.A.S. " d'Yves Boisset,
à " La Question " de Laurent Heynemann, à " Avoir vingt ans dans les Aurès " de René Vautier ou à " La
bataille d'Alger " de Gillo Pontecorvo. Plus récemment, on peut évoquer le remarquable " La Trahison " de
Philippe Faucon ou... " L'Ennemi intime " de Patrick Rotman, documentaire rediffusé récemment sur
France 3 et qui a d'ailleurs servi de " matrice " pour celui de Florent Emilio-Siri. Bref, le film de Siri, je l'ai
trouvé assez bien, ambitieux, traitant bien de l'ambiguïté de la nature humaine, en proie au facteur
humain, entre vérités et mensonges, et aux contingences (notamment dans la séquence des
bombardements au napalm, on oscille de manière subtile façon " Apocalypse Now ", loin d’un prêt-àpenser d’office moralisateur, entre la beauté du sublime - le lâcher de napalm et ses flammes-volutes
infernales - et l'horreur - les victimes carbonisées, arrêtées dans leur élan vital de manière ahurissante,
imparable). In fine, on peut cependant regretter que ce film ne soit pas tendu de bout en bout, tel un
élastique, comme le brut de décoffrage " Flandres " de Bruno Dumont.
"L'ennemi intime" ou la guerre d'Algérie sans tabou
Par Ella Marder (Rue89)
12H39
03/10/2007
On connaît Florent Emilio Siri pour le premier long métrage qu'il réalisa en 1995 autour de la grève des mineurs,
"Une minute de silence". Une griffe bien singulière pointait déjà, redoutable d'efficacité. Deux personnages, déjà,
s'y contrariaient, malgré eux, jusqu'à l'antagonisme. Benoît Magimel, déjà, y endossait le rôle principal. Avec
"L'Ennemi intime", son quatrième film, Siri s'affirme comme un réalisateur singulier et audacieux, qui n'hésite pas à
prendre des risques, à voir grand -jusqu'à se perdre parfois.
L'idée de tourner un film sur la guerre d'Algérie, conflit trop longtemps nié, "si proche et si lointain" pour les gens de
sa génération, aura nécessité cinq années de préparation et une fructueuse collaboration avec le scénariste Patrick
Rotman (coauteur avec Bertrand Tavernier de "La guerre sans nom"). Pari gagné: traduire en images et avec
justesse la barbarie, dans ses contours les plus abrupts.
A l'automne 1959, le lieutenant Terrien est chargé de reprendre le commandement d'une section en pleine mission
dans les montagnes kabyles. Tandis que Dupontel (regard noir, profond, terrifiant) incarne un ancien d'Indochine,
figure de salaud insensible aux méthodes largement contestables, Terrien, lui, refuse toute forme de torture et entend
épargner le plus de civils possible. Magimel, dans un rôle indéniablement écrit sur mesure, est ce militaire idéaliste et
plein d'espoirs qui, jusqu'au bout, tente d'y croire.
Si quelques séquences du début peuvent laisser espérer un glissement vers du cliché comique et des situations
improbables ou parodiques, si la musique hollywoodo-jazzy apparaît excessive, la caméra est fluide; les couleurs
composées et esthétiques à l'extrême créent un climat uniforme de mort.
Un film de genre qui contrecarre l'habituelle estampille US. Oui, c'est un fait, le film est français mais se déploie "à
l'américaine", avec de gros moyens. Ca fonctionne. Espoir (d'un soir?) pour l'avenir plein d'audace du cinéma
français.
►L'ennemi intime, réalisé par Florent Emilio Siri, avec Benoît Magimel, Albert Dupontel, Aurélien Recoing,1h 48min.