Lupus et grossesse 2 – Quel bilan biologique faire à une femme
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Lupus et grossesse 2 – Quel bilan biologique faire à une femme
Lupus et grossesse 2 – Quel bilan biologique faire à une femme lupique enceinte ? Par Michel De Bandt (Service de Rhumatologie, Hôpital Bichat, Paris) Le tableau n° 6 résume les examens principaux. Tableau 6. Bilan biologique à demander au cours d'une grossesse lupique: FAN, aspect et titre, Anti-DNA : titre, Anti-ECT : SSA et SSB, titre et caractérisation en immuno-empreinte, Anticoagulant lupique, anticardiolipine, C3, C4, CH5O, Electrolytes (dont uricémie et glycémie) NFS plaquettes, Enzymes hépatiques, Protidémie, calcémie, Créatininémie, protéinurie, HLM, Anticorps anti-plaquettes (si thrombopénie). Quelles molécules utiliser ? Lesquelles éviter ? Les molécules utilisées dans le traitement à long terme des néphrites lupiques avant la grossesse doivent poursuivies pendant celle-ci afin d'éviter les rechutes. Les corticostéroïdes et l'imurel peuvent être utilisés. Il n'est plus jugé utile d'arrêter le plaquenil qui sera maintenu, même en cas de néphrite lupique inactive (12). Le cyclophosphamide est contre indiqué et doit être arrêté 3 à 6 mois avant la conception. Une poussée lupique est traitée de façon active par une augmentation des corticoïdes et un immunosuppresseur, de préférence l'imurel. Pour la majorité des auteurs, il n'est pas conseillé d'augmenter de façon préventive ces médications (12). Le tableau n° 7 résume les principaux médicaments. Tableau n°7. Sont autorisés: http://www.rhumato.net/ corticoïdes, aspirine, méthyldopa, hydralazine, Imurel, héparines (toutes formes), antipaludéens (préférer l'hydroxychloroquine). Autorisés uniquement après avis spécialisé: béta-bloquants, nifédipine, antidépresseurs, anti-convulsivants, ciclosporine, anti-vitamine K (second trimestre). Interdits de toute façon: cyclophosphamide méthotrexate, AINS, thiazidiques IEC, calcium bloquants. Qu'est ce que le lupus néonatal ? La présence d'un anticorps anti-SSA et/ou anti-SSB chez une femme enceinte est associée au risque du lupus néonatal. Cette affection est très rare, mais doit demeurer à l'esprit des praticiens amenés à donner un conseil aux femmes atteintes de Sjögren, de lupus ou de connectivite inclassée. Cette maladie fœtale et néonatale est supposée secondaire au passage transplacentaire des IgG maternelles (15) et est dénommée lupus néonatal essentiellement en raison de l'atteinte cutanée, évoquant celle observée au cours du lupus. Il existe d'autres manifestations, la plus sérieuse d'entre elles, le bloc auriculo ventriculaire congénital peut être source de complications graves voir fatales, et s'associer à une myocardite. Par opposition à l'atteinte cardiaque (en général irréversible), les manifestations non cardiaques sont plus rares et habituellement bénignes (manifestations cutanées, hépatiques ou hématologiques). Elles ont en général disparu après les premiers mois de la vie. http://www.rhumato.net/ A- Quelle est la cible antigénique des auto-anticorps ? Les anticorps anti-SSA/Ro 60 kD reconnaissent une structure dite "en doigt de zinc" formant un complexe avec les petits ARN cytoplasmiques. Les anticorps anti-SSB/La reconnaissent un polypeptide de 48 Kd qui ne présente pas d'homologie antigénique avec des déterminants de Ro (2). Une troisième cible est détectée chez les mères dont les enfants souffrent d'un bloc néonatal et est nommée Ro 52kD. Cette structure, présente dans le tissu cardiaque de l'enfant, est exprimé de façon préférentielle entre la 14° et la 16° semaine de gestation, période qui précède l'apparition clinique des manifestations du bloc. B- Quelle est la pathogénicité de ces auto-anticorps ? Le mécanisme expliquant le rôle pathogène des anti-SSA, SSB n'est que supposé. Certains travaux apportent des éléments en faveur du rôle pathogène direct des anticorps. Il s'agit de la présence d'anticorps maternels anti-SSB fixés sur les fibres myocardiques fœtales, capables de modifier l'activité électrique de ces cellules et de modifier les flux calciques, provoquant bradycardie, élargissement des complexes QRS, et bloc de branche (1, 9, 23). C- Comment les auto-antigènes deviennent-ils cibles de la réponse immune? Le mécanisme à l'origine de ce phénomène est inconnu, on invoque une augmentation l'expression de l'ARNm du RO 52 en réponse aux taux importants de 17-β oestradiol circulants au cours de la grossesse ou une anomalie de l'apoptose myocardique. D- Existe-t-il un "profil" maternel à risque de lupus néonatal? ♦ Existe-t-il un profil immunologique type ? Il n'est pas possible d'identifier un profil immunologique à risque permettant de prédire l'apparition éventuelle d'une atteinte cardiaque chez le fœtus (3,29). Moins de 1% des femmes avec un anti-Ro/SSa donneront naissance à un enfant avec un lupus néo-natal. À l’inverse il est possible de définir un groupe de "moindre risque" : les femmes qui n'ont pas d'anti-SSB et un anti-SSA à taux faible en ELISA qui ne reconnaît http://www.rhumato.net/ pas le Ro 60 ou le Ro 52 kD, en immunoblot, semblent à "moindre risque" de développer un bloc congénital. ♦ Existe-t-il un profil clinique type ? Les travaux suggéraient que toutes les mères, même celles atteintes de connectivites inclassées, développaient finalement une maladie auto-immune typique. Les travaux récents ne vont pas dans ce sens. Dans nombre d'entre eux, les mères donnant naissance à des enfants atteints de blocs congénitaux sont asymptomatiques dans 2/3 des cas, l'autre tiers comporte, pour partie à peu près égale, des lupus (3 %), des sclérodermie (5%), des PR (3%), des maladie de Bouillaud (5%), et des connectivites inclassées (20%). Avec un recul de 8 ans, on peut considérer qu'au moins 50 % des patientes restent asymptomatiques. Il n'existe donc pas de profil pathologique type permettant de prédéfinir un risque élevé (32). E- Quelle est l'approche clinique du lupus néonatal ? Les recommandations thérapeutiques pour la prise en charge de telles situations pathologiques ne sont pas bien définies. Ainsi une femme totalement asymptomatique chez qui il n'y aurait aucune raison de rechercher un anti-Ro ou La ne se manifeste à l'attention des médecins que lorsque est détectée une bradycardie. Chez une femme, porteuse connue d'un tel auto-anticorps, il est recommandé un contrôle échographique régulier entre la 18° et la 24° semaine de gestation (période où la prévalence de la détection de la bradycardie fœtale est maximale). Ceci se justifie par le fait qu'il existe probablement une possibilité thérapeutique par les fluorocorticoïdes lorsqu'il s'agit d'un bloc incomplet ou d'une myocardite. Il faut reconnaître que seules des observations non contrôlées prônent cette conduite et que l'efficacité réelle de la déxaméthasone dans ce type de situation demeure à établir (25). Dans la plupart des cas, les blocs de haut degré sont irréversibles. Un fœtus avec un bloc complet doit être suivi régulièrement par échocardiographie et la corticothérapie instituée in utero en cas de dégradation de la fonction cardiaque (myocardite, péricardite...). http://www.rhumato.net/ Quelle est l'expérience de l'Hôpital Bichat en ce domaine? Nous avons précisé le devenir des grossesses dans notre cohorte de lupiques entre 1991 et 1998. Les grossesses ont été autorisées si la maladie était inactive depuis 6 mois (SLEDAI < ou = 4 à 2 examens successifs), avec une corticothérapie quotidienne <10 mg de prednisone, en absence de néphrite lupique ou de neurolupus évolutif depuis plus de 6 mois. Les patientes ont reçu de l'aspirine en cas d'anticorps anticardiolipine ou de l'héparine en cas de syndrome des anti-phospholipides (SAPL). Les femmes porteuses d'un anti-SSA ont été suivies par échographies régulières et traitées par dexaméthasone en cas de BAV documenté. 59 grossesses ont été colligées parmi 31 femmes d’âge moyen au diagnostic du lupus de 25,3+3,7 ans (17-31) ; la durée moyenne de l'affection avant la grossesse était de 4,4 + 3 ans (0-14) ; elles répondaient à une moyenne de 5,4 +1,5 (4-9) critères ACR. 7 patientes avaient des anticorps anticardiolipines (ACL) et 8 des anticorps anti-SSA. 4 femmes avaient reçu du cyclophosphamide avant de leur grossesse. On a enregistré 13 fausses couches (FC) précoces (9 non liées à une poussée lupique, 4 liées au SAPL), 7 interruptions de grossesses (5 IVG, 2 pour poussée lupique), 1 mort in utero à 29 semaines d’aménorrhée ; 19 naissances à terme (>38 semaines) et 19 prématurés. Une césarienne fut faite 11 fois (6 fois pour souffrance fœtale ou dystocie, 5 fois pour une poussée lupique). Un retard de croissance prénatal est noté dans 11 cas ; l'APGAR moyen est de 8,9 +1,5. Un enfant prématuré décède d'une infection à J 8, un autre d'un BAV complet dans le cadre d’un lupus néonatal. Le développement postnatal des enfants est normal dans tous les cas sauf un (retard mental léger). On a observé : une poussée lupique (2° ou 3° trimestre) dans 6 cas dont 4 où la grossesse n'était pas autorisée (une femme est en dialyse des suites de la grossesse); une poussée cutanéo-articulaire modérée du post-partum fut notée dans 6 cas (dont 5 avec une grossesse autorisée). Il semble, cependant qu’en utilisant les critères pour lesquels nous avons opté, le risque de poussée de lupus durant la grossesse et les 3 mois qui suivent soit relativement faible et se chiffre à 12 sur 59 conceptions (soit 20%). Si l'on exclut les femmes qui ont eu une IVG (pour convenance personnelle) et les avortements spontanés précoces (5+9), il est donc constaté 12 poussées sur 45 grossesses, soit une fréquence de 26 %. Enfin si on analyse la fréquence des poussées selon que la grossesse est ou non autorisée, on constate une fréquence de 6 poussées chez les 10 http://www.rhumato.net/ grossesses non autorisées contre 6 poussées chez les 49 grossesses autorisées (60% vs 14 %, p < 0,001). Dans notre expérience le taux d'enfants vivants est similaire à celui de la population générale (en excluant les IVG et FC précoces) et le risque de poussée lupique est faible si la grossesse est médicalement programmée. Une majoration systématique des corticoïdes, à l'annonce de la grossesse, semble inutile dans notre expérience. La prématurité reste le problème principal à résoudre. Références 1- Alexander E, Buyon J, Provost T, Guarnieri T. 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