JFLCCM pour SFER SA20415 - Société Française d`Economie Rurale

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JFLCCM pour SFER SA20415 - Société Française d`Economie Rurale
Le petit agriculteur schumpeterien, un acteur de l'évolution de l'agriculture du
21ème siècle.
Auteurs : Jean François Le Clanche 1, Christian Mouchet 2
1
Agrocampus-Ouest, CFR de Rennes - site de Beg-Meil.
2
Agrocampus-Ouest, CFR de Rennes.
Papier préparé pour le colloque de la Société Française d’Économie Rurale
« Structures d’exploitation et exercice de l’activité agricole :
Continuités, changements ou ruptures? »
12-13 février 2015
Rennes, France
Résumé :
La persistance des petites exploitations dans le paysage agricole français, depuis plus de cinquante
années, interroge. L’étude des statistiques indique que non seulement elles se maintiennent, mais
aussi qu’elles se reproduisent dans le temps. Elles représentent en fonction de la définition retenue
le tiers des exploitations en France.
L’innovation et la créativité semblent animer certains petits exploitants qui n’hésitent pas à prendre
des risques et à s’écarter d’une certaine conception dominante de ce qu’est l’agriculture modernisée
aujourd’hui.
Animer par un projet de vie qui transcende la simple recherche de gains monétaires, allant sans
cesse de l’avant en dépit des obstacles qui jalonnent leur parcours professionnel, leur profil est
proche de celui de l’entrepreneur schumpétérien. La mobilisation de cette figure offre une clé
nouvelle de compréhension pour identifier une des raisons du maintien de ces structures.
Mots clés :
Petites exploitations, innovation, entrepreneur schumpéterien.
1
1. Les petites exploitations françaises n'ont pas toutes disparu
Analyser les raisons du maintien des petites exploitations au sein du paysage agricole français est
une entrée possible pouvant fournir des clés d'analyse afin de mieux comprendre les enjeux actuels
du développement de l'agriculture hexagonale. Elle peut révéler l'existence de dynamiques
particulières qui traversent le secteur agricole. Une première lecture des données statistiques
indique que depuis le siècle dernier, ces structures n'ont pas toutes disparu :
Tableau 1. évolution du nombre d’exploitations selon la taille (1892-1970) :
1892
1929
1955
1963
1967
1970
milliers
milliers
milliers
milliers
milliers
milliers
Moins de 5 ha
4.064
2.160
800
549
447
422
5 à moins de 20 ha
1.217
1.310
1.013
849
724
606
20 à moins de 50
ha
335
380
377
394
399
394
50 à moins de 100
ha
52
81
75
85
92
101
100 et plus
33
32
20
23
26
30
Total
5701
3963
2285
1900
1688
1553
Source : Annuaire statistique de la France, 1975.
Source: D’après DUBY, Georges (dir.) et WALLON, Armand (dir.), histoire de la France rurale,
tome 4, Paris : Seuil, page 227, 755p.
Tableau 2. Évolution du nombre d’exploitations agricoles selon la taille (1979-2010)1 :
1979
1988
2000
2007
2010
milliers
milliers
milliers
milliers
milliers
Moins de 5 ha (1)
357
278
192
116
5 à moins de 20 ha
410
279
133
95
20 à moins de 50 ha
347
288
138
99
87.9
50 à moins de 100 ha
114
128
122
106
97.7
100 à moins de 200 ha
29
37
64
71
72.6
200 ha ou plus
6
7
14
19
20.6
1 263
1 017
664
507
490
Total
211.9
Source : service de la statistique et de la prospective (SPP), enquête structure.
1
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF10203, chiffre INSEE 2007.
2
On observe:
- qu’en nombre absolu, il y avait 5 281 000 fermes en France en 1892 ayant une surface inférieure à
20 ha alors qu’en 2010, on n'en compte plus que 211 000. Cinq millions d’exploitations ont disparu
au cours du siècle dernier.
- qu’en proportion elles représentaient 92.62% de structures en 1892, contre 43,18% en 2007.
Si l'on examine l'évolution en % par catégories (années ciblées : 1892, 1963, 20102) on obtient à
partir du tableau précédent:
Tableau 3. Évolution de la taille des exploitations agricoles en %:
Exploitations agricoles selon la taille
1892
1963
2010
Moins de 5 ha
71,28%
28,89%
43,18%
5 à moins de 20 ha
21,34%
44,68%
20 à moins de 50 ha
5,87%
20,73%
17,91%
50 à moins de 100 ha
0,91%
4,47%
19,91%
100 et plus
0,57%
1,21%
18,99%
Ce tableau montre qu'aucune catégorie d'exploitation ne s'est imposée entre 1963 et 2010. La
dynamique de l'économie de marché et cinquante ans de politique publique volontariste appuyant la
« modernisation » de notre agriculture n'ont pas réussi à homogénéiser la taille des exploitations
agricoles françaises. Il convient de noter également la nette progression des exploitations ayant une
taille importante.
Pour poursuivre cette réflexion, la notion de « petite exploitation » mériterait d'être mieux définie.
Cette exigence forme un obstacle méthodologique important. Il n'existe pas de définition
consensuelle de ce qu'est une petite exploitation, que ce soit en France ou à l'étranger. Des
chercheurs et des statisticiens, en fonction de la question traitée et/ou du territoire étudié (ici la
France), considèrent qu'une « petite exploitation » se caractérise par une dimension supérieure à 8
UDE et inférieure à 20 ou 40 UDE. Ce type de définition, quantitative, bute alors sur le problème de
la légitimité ou de la pertinence de la fixation du seuil limite au niveau infra ou supra. Cette
controverse demeure ouverte (J. Remy, 20073). On retiendra dans le développement suivant les
seuils de 8 et de 40 UDE même s’ils peuvent être discutés.
Depuis l'après-guerre, les « petites exploitations » ne sont pas considérées comme étant des
organisations économiquement efficaces et pouvant servir l'ambition de faire de la France une
grande puissance agricole autonome sur le plan alimentaire, voire excédentaire. Les détracteurs des
petites exploitations estiment que la modestie de leur dimension est à la source de trop faibles
économies d'échelle qui ne favorisent pas une baisse substantielle du coût de production des denrées
agricoles. Suspectées de ne pas pouvoir être compétitives dans un contexte de concurrence et
d'économie ouverte, leur pérennité ne serait donc pas acquise. Ce raisonnement reprend ici les
principes du modèle de l'organisation scientifique du travail conceptualisé par F. Taylor et H. Ford
qui voient, dans la grande entreprise, une organisation économique efficace (C. Menard, 1990).
2
Le choix de 1892 correspond au début du relevé statistique du tableau précédent, 1963 correspond aux LOA de 1960-62 qui ont
accéléré la mise en œuvre de la modernisation de l'agriculture, 2010 correspond au dernier relevé statistique du tableau précédent).
3
REMY, Jacques, « Les petites exploitations dans la politique agricole » in POUR, n°194, juin 2007, p.43-48, 5p.
3
Cette conception est devenue dominante dans la seconde moitié du XXème siècle, grâce notamment
aux travaux de R. Dumont (1946) qui a vulgarisé et diffusé largement ce schéma. Ce point de vue
s'est affirmé sous la Quatrième et la Cinquième République et a influencé la nature des politiques
publiques agricoles. Les lois d'orientation de 1960 et de 1962 marquèrent l'affirmation de la volonté
de l’État de ne pas soutenir ces « petites structures ». Pour accélérer la modernisation de notre
appareil de production, jugée trop lente, de nouveaux dispositifs furent élaborés et « interdirent
l'agrandissement par étapes des petites exploitations » ce qui « les condamnèrent à disparaître à
plus ou moins long terme au profit de l'entreprise de moyenne importance4», (Duby et Wallon,
1975). Les subventions publiques françaises et européennes furent et sont, depuis cette date,
dirigées prioritairement vers un type de structure : l'exploitation familiale à 2 U.T.H.
Il faut cependant bien constater que durant le siècle dernier (Cf. tableau précédent), les exploitations
les plus modestes ont disparu au profit de celles appartenant aux des catégories supérieures dont le
nombre augmente. Il faut aussi souligner qu'en proportion, elles ont un nombre de représentants qui
s'érode progressivement mais qui demeure important. L'idéal-type de l'exploitation modernisée à 2
UTH ayant une taille standard ne s'est donc pas définitivement imposé (J. Remy, 2007) malgré le
soutien de l’État, l'appui de la Profession et de l'appareil d'encadrement. Il y a là un paradoxe fort
qui pousse à investir une question nouvelle :
- Comment peut-on expliquer le maintien des petites exploitations françaises depuis 1945 ?
2. L'éclairage d'un corpus théorique riche en diversité.
Les économistes et sociologues ruraux n'ont pas écarté de leur champ d'étude l'analyse du
fonctionnement des petites exploitations. Depuis le début du XXème siècle jusqu'à nos jours, des
chercheurs mobilisant des outils théoriques parfois irréductibles les uns par rapport aux autres, ont
produit des approches permettant de mieux appréhender leur singularité. Issus des écoles
marginaliste, marxiste ou hétérodoxe, ils dévoilent l'existence de mécanismes pouvant expliquer les
raisons de leur maintien.
Pour analyser le fond de leurs divergences et dépasser leurs controverses, une analyse de type
épistémologique peut être conduite. Nous considérons que le regard de chaque auteur sur le monde,
c'est à dire le paradigme de sa représentation, est à l'origine de la diversité des thèses énoncées.
Qualifier ce regard, c'est à dire nommer le paradigme auquel l'auteur étudié se réfère, fournit un
éclairage distancié et permet de connaître les ressorts de la pensée qui est développée.
En mobilisant les travaux d'épistémologues (K. Popper (1959, 1983), T. Khun (1999), C. Camerini
(2003)) et des bioéconomistes ayant analysé l'histoire de la pensée économique (N. GeorgescuRoegen (1979), R. Passet (1979, 1996, 200, 2010), on peut construire une grille d'analyse
opérationnelle (voir ci-dessous). Pour cela, nous partons du consensus des épistémologues qui
considèrent que dans l'histoire des sciences, trois grands paradigmes scientifiques
(interdisciplinaires) se sont succédés :
4
DUBY, Georges (dir.) et WALLON, Armand (dir.), Histoire de la France rurale, tome 4, Paris : Seuil, page 612-613, 755p.
4
Tableau 4. Présentation des paradigmes scientifiques :
Paradigme
mécaniste
Structure des lois de la nature
Conception du temps
Trajectoire
suivie par les
objets
Nature de la
conception de
l’évolution des
systèmes
Structure du
temps
Nature
temps
Prédictible,
répétitif
Déterminisme
Circulaire,
absence de
flèche
du
temps
Retour
l’équilibre
(18ème siècle)
Paradigme
thermodyn
amique
Prédictible sur
le temps long
(20ème siècle)
Déterministe,
Chaos final et
dégradation du
système
(19ème siècle)
Paradigme
de
la
destruction
créatrice
à
Imprédictible
Indéterministe
Emergence de
singularités
possibles
Instabilité,
complexificatio
n
Conception
de la nature
du
savoir
scientifique
Conception
de l'homme
en tant que...
Réversible
Omniscience,
intelligibilité
parfaite des
phénomènes,
lois
universelles,
usage central
de
l’outil
maths.
L’homme
agent soumis
Linéaire,
existence de
la flèche du
temps
Irréversible
Existence de
lois
universelles.
L’homme
acteur dans
l’histoire
Linéaire,
existence de
la flèche du
temps
Irréversible
Relativité du
savoir
scientifique
et des lois.
L’homme
acteur
de
l’histoire
du
Bifurcations
Soit, en le décomposant pour chacun des trois :
Tableau 5. Paradigme mécaniste:
Pas de temps, absence de la flèche du temps.
Mouvement répétitif. Monde en équilibre.
Atteinte d'un équilibre optimal
Réversibilité des phénomènes, des trajectoires.
Déterminisme et prédictibilité
Trajectoires prévisibles grâce à l’usage des
mathématiques et à un recueil de données rigoureux.
Intelligibilité totale des lois régissant l’univers et les
hommes.
Soumission de l’homme aux lois naturelles.
Universalité des lois.
5
Tableau 6. Paradigme de la thermodynamique ou de l’entropie:
Existence de la flèche du temps.
Notion de stade final.
Déterminisme.
Irréversibilité de certains phénomènes.
Notion d’épuisement et
progressive (loi entropique).
Évolution prévisible de l’univers vers le chaos final.
Intelligibilité totale des lois régissant l’univers et
les hommes.
Prédictibilité.
Omniscience.
Soumission de l’homme aux lois naturelles.
Insoumission ponctuelle possible mais illusoire.
de
dégradation
Tableau 7. Paradigme de la destruction créatrice ou de la complexité:
Existence de la flèche du temps.
La somme des parties n’équivaut pas au tout.
Notion de système.
Irréversibilité de certains phénomènes ou de trajectoires.
Usage des outils mathématiques relativisé
Notion de point critique, de bifurcation imprévisible
dans la trajectoire suivie par certains objets.
Singularité possible.
Imprédictibilité. Imprévisibilité. Incertitude.
Complexité.
Indéterminisme.
La destruction est aussi création.
La mobilisation de ces outils peu utilisés en sciences économiques permet la production d’éléments
nouveaux dans le champ de l'économie rurale et/ ou de l'histoire de la pensée économique.
Dans un premier temps, nous avons retenu les travaux de quatre chercheurs ont été retenus : A.
Tchayanov, C. Servolin, F. Pernet, P. Muller. Un élargissement à d’autres auteurs pourrait
constituer une suite de ce premier travail présenté ici.
A. Tchayanov (1926), économiste russe du début du 20ème siècle, propose une analyse de type
marginaliste et mécaniste peu conventionnelle. Il montre, grâce à un modèle original, qu'une petite
exploitation peut optimiser l’usage de ses facteurs de production (au sens parétien). Contrairement
au capitaine d'industrie, l'agriculteur utilise sa propre force de travail (et celle de sa famille) afin de
maintenir et reproduire sa structure de production. Il ne cherche pas forcément à maximiser son taux
de profit. Cette spécificité lui offre la possibilité d'auto-exploiter intensivement sa force de travail
ainsi que celle de sa famille, d'être pluriactif, de différer des investissements. Il dispose d’une série
de leviers lui permettant de lutter contre la dégradation des comptes de son exploitation et la mise
en faillite, bien au-delà de ce qu'un chef d'entreprise ne pourrait faire. A.Tchayanov soutient l'idée
qu'une exploitation agricole ne peut être analysée en mobilisant le modèle standard de l'entreprise
« néo-classique » car son pilote est à la fois salarié et « entrepreneur5 ». Cette singularité peut
expliquer les raisons du maintien des petites exploitations agricoles en déjouant les prédictions
émises par des économistes néo-classiques.
5
L'entrepreneur néo-classique (Cf. tableau page suivante).
6
C. Servolin (1989), économiste français, développe une analyse hétérodoxe de type entropique. Il
montre que le marché ne remplit pas sa fonction de validation de l'efficacité des structures de
production en agriculture, car il est atypique : les denrées vendues sont périssables, la fluctuation de
l'offre est forte et peut parfois obéir à des motifs non économiques (aléas climatiques etc.), la
demande est relativement rigide. L'intervention massive de la puissance publique par le biais de
subventions accordées aux exploitants tronque la mesure de l'efficacité des exploitations. Les
résultats dégagés ne reflètent plus dans ce cadre la compétitivité réelle de l'organisation. Pour
l'auteur, la non viabilité supposée des petites exploitations est avant tout le produit de l'action de
l’État et du dogme qui préside sa construction.
On ne peut donc pas affirmer, que par définition, une petite exploitation n'est pas efficace. Il
recommande également aux pilotes de ce type de structure de ne pas suivre les préconisations de
l'appareil d'encadrement et de suivre une autre stratégie que celle relevant de la norme dominante
qu'il qualifie de « course en avant ».
F. Pernet (1984), socio-économiste français, dévoile l'existence d'un mécanisme de type entropique
qui dégrade lentement et inexorablement le résultat des exploitations. Il remarque que la production
intègre sans cesse une part croissante de consommations intermédiaires (dont le prix augmente plus
vite que le prix des denrées agricoles vendues). Ce mécanisme condamne l'exploitant à agrandir son
exploitation et à toujours produire « plus » s'il souhaite maintenir le niveau de son revenu et assurer
le maintien de son outil de production. Ceux qui ne suivent pas cette logique sont « déclassés » et
« rejetés » à la périphérie du système. Tous les ans, cette « périphérie » voit son effectif augmenté
par ceux qui n'arrivent plus à suivre « la marche du progrès ».
Selon F. Pernet, la petite agriculture serait une forme dégradée de l'agriculture dominante qui « s'en
nourrit », car elle constitue le vivier indispensable pour alimenter la stratégie d'agrandissement des
exploitations dites modernisées. Il constate que certaines petites exploitations « résistent » en ne
disparaissent pas car elles développent une logique différente de la norme. En recherchant plus
d'autonomie, en valorisant le produit ou le travail (transformation des produits, pluriactivité...), en
reterritorialisant l'exploitation (vente directe...), des petits exploitants trouvent des ressources
nouvelles pour se maintenir et reproduire leur système. Il soutient l'idée qu'une agriculture
différente est en cours de construction, à la marge de l'agriculture dominante.
P. Muller (1990), politiste français, offre une vision évolutive et dynamique de cette agriculture
qu'il qualifie avec F. Pernet de « différente » et qui est en cours de construction. Il note que certains
petits exploitants « créatifs » sont animés par des valeurs parfois inspirées de la paysannerie
d'autrefois et par une certaine vision alternative de l'agriculture répondant aux attentes des
consommateurs. Cette tentative se caractérise par une volonté de reconquérir de l'autonomie, de
capturer de la valeur ajoutée, de maîtriser les coûts de production et le système d'exploitation/
commercialisation. Le lien au territoire est leur marque. La mise en place de ce type d'orientations
stratégiques permet aux petits exploitants de trouver des ressources afin de se maintenir et de
reproduire leur système.
P. Muller pense (au début des années 90) qu'une nouvelle image du métier d'agriculteur émerge. Il
propose le terme « d'entrepreneur rural » pour la qualifier.
7
3. Le petit agriculteur entrepreneur schumpeterien : une figure pour comprendre le maintien
des petites exploitations ?
Pour un économiste, la notion d'entrepreneur à un sens précis si on mobilise la théorie standard ou
les acquis de l'école autrichienne. La définition proposée par J.A Schumpeter est le socle d'une
approche complexe et dynamique qui interprète l'histoire et l'évolution du capitalisme en se référant
au paradigme de la destruction créatrice (R. Passet, 1979). En retenant cette proposition, on peut
alors revisiter la thèse avancée par P. Muller en formulant l'hypothèse suivante:
S'il existe encore des petites exploitations en France, c'est que certaines d'entre-elles sont pilotées
par des chefs d'exploitation qui peuvent être qualifiés « d'entrepreneurs schumpeteriens ».
Introduisant une ou plusieurs innovations au sein de leur système, ces acteurs de la vie économique
parviennent à générer des revenus (via la production d'une rente) et à inscrire leur structure dans
une trajectoire de développement pérenne.
La notion de circuit économique proposée par J. Schumpeter permet de comprendre la figure de
l’entrepreneur et la rupture qu’il provoque dans un secteur d’activité par le simple fait « d’agir ». Il
estime que « le point essentiel à saisir consiste en ce que, quand nous traitons du capitalisme, nous
avons affaire à un processus d’évolution6». Il décrit le capitalisme comme étant un « type ou une
méthode de transformation économique, et non seulement il n’est jamais stationnaire, mais il ne
pourrait jamais le devenir (…) la vie économique s'écoule dans un cadre social et naturel qui se
transforme incessamment7», (Schumpeter, 1942).
Le capitalisme a une histoire. C’est un système qui ne cesse de se transformer et ce mouvement
permanent est inscrit dans ses gènes. Pour conceptualiser cette dynamique, F.Perroux estime que J.
Schumpeter décrit le circuit économique en « utilisant l’apport des théoriciens de l’équilibre, mais
en même temps sa statique a un fondement sociologique non mécanique. Par sa structure aussi bien
que par son contenu (élimination de l’intérêt), elle se sépare substantiellement (…) de l’École
mathématique 8», (Perroux, 1965).
8
Schumpeter qualifie cette statique de « circuit » qui se réalise à l’équilibre mais d’une manière
différente de celle décrite par les économistes néo-classiques car dans chaque période économique,
on emploie à la consommation ou à la production les seuls biens produits dans la période
précédente, et on produit les seuls biens qui seront employés dans la période suivante. Les agents
qui agissent du côté de l’offre dans ce circuit, sans rompre son équilibre, sont qualifiés par J.
Schumpeter de « gestionnaires ». Ce gestionnaire a un rôle purement passif : il reçoit les impulsions
du milieu et réalise la combinaison traditionnelle des facteurs de production. On peut l'assimiler à la
figure de l'entrepreneur walrasien. D'après J. Schumpeter cinq causes brisent la routine du circuit et
sont à l’origine de « l’impulsion fondamentale qui met en mouvement la machine capitaliste : les
nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les
nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle9», (Schumpeter, 1942).
6
SCHUMPETER, Joseph, Capitalisme Socialisme et Démocratie (1942), Paris: Payot, 1990, page 121, 451p.
7
Idem.
8
PERROUX, François, Marx Schumpeter Keynes, Grenoble : PUG (2éme édition 1993), 1965, page 116, 258p.
9
PERROUX, François, La pensée économique de Joseph Schumpeter, Paris : Librairie Droz, 1965, page 76 et SCHUMPETER,
Joseph, Capitalisme Socialisme, Démocratie, Opus cité, page 101.
8
Ces éléments forment des « combinaisons nouvelles », et pour J. Schumpeter leur réalisation est une
des actions caractéristiques de l’entrepreneur10. En 1935 il ajoute à cette liste la conquête d’une
nouvelle source de matières premières ou de produits semi-ouvrés11.
Le secteur agricole n’est pas un secteur à part pour J. Schumpeter car il est inscrit dans cette
dynamique d’évolution. « L’histoire de l’équipement productif d’une ferme typique, à partir du
moment où furent rationalisés l’assolement, les façons culturales et l’élevage jusqu’à aboutir à
l’agriculture mécanisée contemporaine débouchant sur les silos et voies ferrées, ne diffère pas de
l’histoire de l’équipement productif de l’industrie métallurgique, depuis le four à charbon de bois
jusqu’à nos hauts fourneaux contemporains ou de l’histoire de l’équipement productif d’énergie12»,
(Schumpeter, 1942).
Il y a intrinsèquement au sein du capitalisme un germe qui fait évoluer le système de manière
dynamique. Ce processus semble irréversible et concerne tous les secteurs d’activités. J.
Schumpeter qualifie ce processus de « destruction créatrice »13.
Ce processus est « la donnée fondamentale du capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon
gré mal gré, s’y adapter14». « Le processus dans son ensemble agit sans interruption, en ce sens
qu'a tout moment ou bien une révolution se produit ou bien les résultats d'une révolution sont
assimilées15», (Schumpeter, 1942). Il y aurait un mouvement de déstructuration-restructuration en
agriculture en œuvre. L'apport de J. Schumpeter est original et hétérodoxe, il n’hésite pas à critiquer
ouvertement ses pairs car le temps est, pour lui, absent de leurs analyses. C'est une des raisons qui
permet d'affirmer qu'ils évoluent au sein de paradigmes différents.
Pour lui, « ces économistes acceptent les données d’une situation temporaire comme si elle n’était
reliée ni à un passé, ni à un avenir et ils s’imaginent avoir été au fond des choses dès lors qu’ils ont
interprété le comportement des firmes en appliquant, sur la base des données observées, le principe
de la maximisation du profit16», (Schumpeter, 1942).
Pour J. Schumpeter, « le rôle de l’entrepreneur consiste à réformer ou à révolutionner la routine de
production en exploitant une invention ou, plus généralement, une possibilité technique inédite
(production d’une marchandise nouvelle, ou nouvelle méthode de production d’une marchandise
ancienne, ou exploitation d’une nouvelle source de matière première ou d’un nouveau débouché ou
réorganisation d’une branche industrielle, et ainsi de suite17», (Schumpeter, 1942).
La figure de l’entrepreneur schumpétérien ne coïncide pas avec celle du « capitaliste » car il ne
supporte pas le risque d’engagement du capital18. C’est le capitaliste qui, en étant actionnaire, prend
un risque en avançant à l’entreprise des capitaux et des fonds qui lui appartiennent. Il se rémunère
en fonction du risque qu’il a pris. La rémunération de l’entrepreneur schumpéterien ne se fait pas en
10
Idem.
11
SCHUMPETER, J., Théorie de l’évolution économique, recherche sur le profit, le crédit, l’intérêt et le cycle de la conjoncture,
Paris : Dalloz, 1935, page 95.
12
SCHUMPETER, J., Capitalisme Socialisme et Démocratie, opus cité, pages 121-122.
13
Idem.
14
Idem.
15
Idem.
16
Idem., page 123.
17
Idem, page 186.
18
Il reviendra sur ce point comme nous le verrons plus tard, son analyse présente parfois quelques contradictions.
9
fonction du capital qu’il avance. Elle est déterminée par « sa capacité à transformer l’innovation en
avantage compétitif afin de permettre à l’entreprise de prendre de l’avance sur ses concurrents19»
(Karklins-Marchay, 2004). L'entrepreneur « qui réussit » génère alors « des vagues de profits
temporaires résultants de plus-values par rapport aux prix de revient20 » (Schumpeter, 1942), qui
découlent d’un avantage compétitif temporaire créé par l'introduction de cette innovation.
Les concurrents éroderont cet avantage en imitant la démarche du pionnier : il y a bien interactions
et influences entre les agents dans ce modèle. Pour J. Schumpeter, ces « copieurs » ne peuvent pas
être qualifiés d’entrepreneurs. Nous avons déjà vu qu'on ne peut réduire cette figure
schumpéterienne à celle de l’entrepreneur néo-classique car l'introduction de l'innovation est un acte
majeur qui singularise l'entrepreneur. Ainsi, pour F. Dannequin (2006) « la rationalité des
économistes néoclassiques rime chez Schumpeter avec l’action quotidienne, le prévisible, le
calculable non pas avec l’entreprise, l’innovation qui se déploie dans l’incertitude et
l’opposition21».
La qualité d'entrepreneur est un construit temporaire et non un acquis définitif car « l’homme
accède (…) jusqu’à la classe des entrepreneurs (…) et peut s’élever à l’intérieur de celle-ci (…)
dans la mesure de ses dons22 », (Schumpeter, 1942). « L’entrepreneur qui réussit monte dans
l’échelle sociale, et avec lui les siens (…) cette ascension représente la poussée la plus notable du
monde capitaliste. Elle abat sur son chemin, par l’effet de la concurrence, les vieilles exploitations
et les existences qui s’y rattachaient ; un processus de chute, de déclassements, d’élimination
l’accompagne sans cesse23», (Karklins-Marchay, 2004).A partir de ces premiers éléments, on peut
construire une synthèse permettant de bien distinguer la figure de l'entrepreneur schumpeterien de
celle du gestionnaire :
Tableau 8. Comparaison entre l'entrepreneur schumpéterien et néo-classique:
Entrepreneur schumpéterien
Rôle
Traits
caractère
de
Entrepreneur
(gestionnaire)
néo-classique
Il est vecteur de déséquilibre dans le
circuit économique, est en interaction
avec les consommateurs et les autres
agents et crée une rupture.
Il recherche à maximiser le taux de profit
de son entreprise.
Il est passionné, innovant et plein
d’énergie, il aime créer et diriger,
intuitif, travailleur, résistant, en quête de
nouveautés, ouvert sur le monde et les
inventions, original, raisonne la prise de
risque et en prend souvent.
Il est rationnel, calculateur, « sans
sentiment » ni « passion », sans état
d’âme.
Il cherche à adapter son système aux
évolutions du marché. Il s'adapte au prix
du marché en modulant son offre.
19
KARKLINS-MARCHAY, Alexis, Joseph Schumpeter, vie œuvres, concepts. Paris : Editions Ellipses, 2004, page 63.
20
SCHUMPETER, Joseph, Capitalisme Socialisme et Démocratie, Opus cité, page 57.
21
DANNEQUIN, François, « l'entrepreneur schumpeterien »,in revue pluridisciplinaire en sciences de l'homme et de la société, N°2,
Juin 2006, page 120
22
SCHUMPETER, Joseph, Capitalisme Socialisme et Démocratie, Opus cité, page 110
23
Citations retranscrite par KARKLINS-MARCHAY, A., Joseph Schumpeter vie, œuvres, concepts, Editions Ellipses, page 64 et
renvoyant à SCHUMPETER, Joseph, Théorie de l'évolution économique, Dalloz, 1999, page 226
10
Motivations
Selon Schumpeter, il cherche à « fonder
un royaume », c'est à dire mettre en
œuvre un projet d'entreprise très
personnel. Il doit vaincre les résistances
qui émergent car il propose une action
nouvelle
inédite.
La
recherche
pécuniaire n'est pas forcément une fin
en soi.
Il cherche à valoriser et à faire fructifier
son capital, à s’enrichir. La poursuite de
son intérêt égoïste est la source de son
énergie.
Il est le vecteur
de….
L’innovation
créatrice
La stabilité et assure une allocation
optimale des ressources rares à usages
alternatifs.
et
de
la
destruction
Pour l'agriculture, on peut retirer un enseignement. Les professionnels appliquant à la lettre les
préconisations issues de l'appareil d'encadrement, c'est à dire ceux qui s'inscrivent pleinement dans
le modèle dominant agricole et qui ne sont pas innovants, peuvent être qualifiés de gestionnaires.
Porteur d’innovation grande ou modeste, l’entrepreneur schumpéterien brise la routine qui est
« l’apanage » du gestionnaire. Pour D.G. Tremblay, « l’intérêt premier de l’œuvre de Schumpeter
en ce qui concerne l’entreprise et l’innovation, c’est précisément qu’il fait place à une véritable
vision de la stratégie de l’entreprise et de l’entrepreneur basée sur l’innovation. Alors que la
théorie économique orthodoxe voit l’entreprise et son action comme le résultat des forces
inanimées de l’offre et la demande, et l’innovation comme une « boite noire », un processus
invisible au cours duquel des intrants sont simplement transformés en extrants, Schumpeter apporte
aux économistes et aux gestionnaires une vision plus stratégique de l’innovation et du rôle de
l’entrepreneur24», (Tremblay, 1989).
Il considère qu'agir conformément à une routine inspirée par les leçons des années et de
l’expérience permet, à un individu, de se construire une norme d’action. Se lancer dans l’acte
d’entreprendre, c’est « rompre avec tout cela, c’est être capable de remettre en cause le poids du
passé, c’est finalement être irrationnel25». Le principe de rationalité au sens néo-classique est levé,
on rejoint ici les principaux acquis de l'école autrichienne d'économie. L'entrepreneur agricole est
donc acteur de son système : il le pilote activement et propose « un fait nouveau » singulier. Il a une
stratégie et peut l'exprimer. Au contraire, celui qui ne pilote pas son exploitation, qui n'anticipe pas
le futur, qui subit les évolutions ne peut bénéficier de ce qualificatif.
Il constate également que le contexte institutionnel n’est pas favorable à ce type de démarche. Le
milieu économique réagit quand un entrepreneur opère et cette réaction est visible. Cette résistance
« se manifeste d’abord chez des groupes menacés par la nouveauté, puis dans la difficulté à trouver
la coopération nécessaire de la part des gens dont on a besoin, enfin dans la difficulté à amener les
consommateurs à suivre26 ». Il y a donc une prise de risque réelle. Le capitalisme se traduit par
« une ambiance » assez hostile à l’entrepreneuriat.
24
TREMBLAY, D.G., « Innovation, management et économie : comment la théorie économique rend-elle compte de l’innovation
dans l’entreprise ? », Colloque de l’Association internationale de management stratégique, 1996, p.4, et TREMBLAY, D.G., La
dynamique économique du processus d’innovation. Une analyse de l’innovation et du mode de gestion des ressources humaines dans
le secteur bancaire canadien. Paris. Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. 1989.
25
SCHUMPETER, Joseph, Théorie de l’évolution économique, recherche sur le profit, le crédit, l’intérêt et le cycle de la
conjoncture, Paris : Dalloz, 1935, page 113
26
Idem, page 124.
11
Pour F. Perroux (1965), « la fonction spécifique de l’entrepreneur consiste donc à vaincre une série
de résistances27 ». L'histoire montre que dans le secteur agricole, certains porteurs de projets
(modestes ou non) souhaitant développer des pratiques agricoles innovantes, par exemple
agrobiologiques, ont été découragés et critiqués (Cf. résultats de la recherche action petites
exploitations). Ceux qui ont réussi à pérenniser leurs activités bénéficient aujourd'hui d'une
reconnaissance croissante. Il y a un indice qui incite à vérifier la présence dans ce domaine de
l'agriculture « différente », d'entrepreneur-innovateurs.
Cet entrepreneur est animé par une force interne, une énergie peu commune qui réside ou se traduit
dans l’acte de créer et dans la joie de se réaliser à travers cet acte. J. Schumpeter cite ainsi « le rêve
et la volonté de fonder un royaume privé28». Il décrit une forme de jouissance cognitive chez
l’entrepreneur franchissant les obstacles s’opposant à lui, ce qui est la marque « de la volonté du
vainqueur, créer sans répit, car il ne peut rien faire d’autres29». J. Schumpeter évoque l'existence
de la « joie de créer une forme économique nouvelle30 » comme moteur de l'entrepreneuriat.
F. Perroux (1965) y voit pour sa part, « la volonté de puissance, le goût sportif de la nouvelle
victoire à emporter31». Il éprouve le désir d’être le maître de sa propre destinée. D-G. Tremblay
(1996) estime que « Schumpeter introduit ici des dimensions plutôt psychologiques dans son
explication de « l’activisme32» des entrepreneurs. La poursuite matérialiste du gain monétaire n’est
pas son unique préoccupation car il obéit « à des impulsions et à des mobiles psychologiques qui
excèdent singulièrement la recherche du gain33 ». Le fait d’innover ne va pas de soi. Il faut de la
« hargne » pour arriver à ses fins, du moins être doté d’une forte personnalité et d'une grande
volonté34. J. Schumpeter dégage ainsi les traits « psychologiques » caractérisant l'entrepreneur. Ses
motivations se confondent avec un projet de vie, une envie de se réaliser comme un être
indépendant et autonome, loin des sentiers battus, des normes sociales conventionnelles qui régulent
le comportement des agents. Il peut, pour arriver à ces fins, ne pas rechercher la maximisation de
ses gains car « il se préoccupe peu du fruit hédonistique de ses actes 35»,
Pour détecter la présence d'un entrepreneur, on ne peut donc pas ce satisfaire d'une approche
technico-économique classique ( visite d'une exploitation par exemple) qui aurait pour unique
objectif la détection d'une innovation au sein d'un système. L'entrepreneur schumpéterien se
caractérise également par des traits de caractères précis. La rencontre et la conduite d'un entretien
approfondit permettent souvent de révéler cette dimension chez un individu. En abordant l'histoire
de l'exploitation, le contenu du projet personnel et professionnel, la question des motivations qui
poussent le producteur à exercer ce métier, on peut recueillir ce type d'informations. La
mobilisation des techniques propres à l'entretien sociologique semi-directif paraît adapté pour
atteindre cet objectif.
27
PERROUX, François, Marx Schumpeter Keynes, opus cité, page 146.
28
D’après une citation reprise par K-MARCHAY, A., Schumpeter, vie œuvres, concepts, Paris : édition Ellipses, p.66.
29
Idem.
30
Idem.
31
PERROUX, François, La pensée économique de Joseph Schumpeter, opus cité, page 93.
32
TREMBLAY, D-G., « Innovation, management et économie : comment la théorie économique rend-t-elle compte de l’innovation
dans l’entreprise ? », texte présenté au colloque de l’Association internationale de management stratégique, 1996, page 5.
33
PERROUX, François, Marx Schumpeter Keynes, Opus cité, page 358.
34
SCHUMPETER, Joseph, Capitalisme Socialisme et Démocratie, Opus cité, page 187.
35
SCHUMPETER, Joseph, Théorie de l’évolution économique, Opus cité, page 358.
12
L'agriculteur questionné devra exprimé le fait d'avoir choisi ce métier, de revendiquer le choix
d'être petit exploitant et affirmer, avec ses mots et son langage propre, sa volonté d'être un acteur
indépendant de la vie économique.
Il devra aussi émettre une relative satisfaction liée au contenu de sa vie professionnelle et de sa
qualité de vie, exprimer une forme de plaisir à exercer sa profession. Ces éléments « transpirent »
dans le discours et son rarement exprimés en tant que tel par le producteur.
J. Schumpeter (1935) ajoute que l’amélioration du bien-être de cet entrepreneur passe également par
l’aspiration au dépassement de soi, par le désir de pousser les limites du système. Cet homme
providentiel semble doté d’une intuition au-dessus « du lot ». C’est un visionnaire car « ici tout
dépend du « coup d’œil », de la capacité de voir les choses d’une manière que l’expérience
confirme ensuite, même si elle ne saisit pas l’essentiel et pas du tout l’accessoire, même et surtout si
on ne peut se rendre compte des principes d’après lesquels on agit36».
Il agit dans un contexte d’incertitude que l’expérience ne balise pas. Pour F. Perroux (1965),
« quand on réalise une combinaison nouvelle, commerciale ou industrielle, les prévisions sont
moins parfaites, la marge d’approximation est plus large que lorsqu’on ne sort pas des chemins
battus37». Il évolue dans un contexte incertain et évolutif, l'information est imparfaite.
Par conséquent, Pour J. Liouville(2004)« le processus d’innovation est à considérer comme un
processus cognitif. Cela revient à se demander quel doit être l’apport cognitif à fournir pour
exercer la fonction d’entrepreneur, sachant qu’il est postulé que le schéma cognitif des
entrepreneurs est différent de celui d’autres personnes38».
Des individus peuvent « s’élever exactement dans la mesure justifiée par leurs dons39»
(Schumpeter, 1942). Ces « dons » le distinguent. Sans cette « dotation », J. Schumpeter nous confie
que « les sanctions du système sont dirigées contre l’incompétence » et ce jeu « tient en haleine tous
les entrepreneurs ». Le jeu des affaires « ne ressemble pas à la roulette, mais plutôt au poker. Ces
récompenses sont attribuées à la compétence, à l’énergie, à la puissance exceptionnelle de
travail41».
440
Ce tableau met en correspondance la figure de l’entrepreneur schumpéterien avec les items
caractérisant le paradigme de la destruction créatrice (DC).
36
SCHUMPETER, Joseph, Théorie de l’évolution économique, recherche sur le profit, le crédit, l’intérêt et le cycle de la
conjoncture, Paris : Dalloz, 1935, page 122.
37
PERROUX, François, Marx Schumpeter Keynes, Opus cité, page 146.
38
LIOUVILLE,
J.,
La
fonction
d’entrepreneur :
Schumpeter
http://www.entrepreneuriat.com/fileadmin/ressources/actes02/LIOUVILLE.PDF
revisité :
39
SCHUMPETER, Joseph, Capitalisme Socialisme et Démocratie, Opus cité, page 110
40
Idem.
41
Idem.
2004,
2
p.,
[en
ligne] :
13
Tableau 9. Correspondances entre l'entrepreneur schumpéterien et le paradigme DC :
Caractéristique du
paradigme de la
D.C.
Éléments issus de l’école
autrichienne et repris par
Schumpeter
L'entrepreneur en
tant que fonction
L'entrepreneur
tant qu'agent
en
Indéterminisme
incertitude :
et
Liés aux comportements des
agents qui ne sont plus jugés
comme
étant
universels.
Abandon du principe de la
rationalité pure. Evaluation
subjective du risque. Principe de
satisfaction.
Information
imparfaite.
Introduction
de
l’innovation mais ce
phénomène
est
l’apanage d’un petit
nombre d’agents, le
milieu s’y oppose, ce
phénomène
est
imprévisible.
Il prend des risques et
agit dans l’incertitude
en ne maîtrisant pas
toutes les données.
Existence
de
bifurcations liées à
l’émergence
de
singularités :
On admet l'hétérogénéité du
comportement
des
agents,
l’entrepreneuriat est vue comme
étant une singularité.
Mis en œuvre de
nouvelles
combinaisons
en
détournant
les
facteurs de production
anciens vers des
usages nouveaux.
Il
maximise
sa
satisfaction par l’acte
de créer ce qui crée
une singularité.
Equilibre instable du
système sur le Longterme :
Lié à l’irruption d’une
dynamique
entrepreneuriale
engendrant la rupture de
l’équilibre
du
système.
Existence
de
forces
de
frottements (imperfections du
marché)
empêchant
la
réalisation
de
l’équilibre
optimal.
L’irruption
d’une
dynamique
entrepreneuriale
engendre la rupture de
l’équilibre
du
système.
Il a la volonté de se
battre, il a une force
de résistance hors pair
qui
provoque
le
basculement
du
système.
Prise en compte des
interactions
et
phénomènes
de « feed back » :
Les agents s’influencent,
société les influence.
la
Levée
des
obstacles que pose la
société au projet
entrepreuneurial par
les entrepreneurs.
Ses
valeurs
le
poussent à agir. Les
imitateurs ruinent sa
rente.
Flèche du temps,
irréversibilité :
On admet l'existence de cycles
en économie, intégration de
l’histoire et du temps42. Rapport
au temps différencié selon les
agents. Apprentissage grâce à
l’expérience,
anticipation,
projet.
D'anticipation et de
projection dans le
temps, apprentissage
par l’expérience
Evocation
d’un
phénomène de D.C
Destruction
de
pans
de
l’économie
au
profit
de
nouveaux plus efficients grâce à
la concurrence
Il crée sans répit et ne
peut rien faire d’autre
42
Nous n’avons pas abordé ce point, Schumpeter développe une analyse complexe en termes de cycles de croissance que connaît le
système capitaliste. Cf. PERROUX, F., La pensée économique de Joseph Schumpeter, opus cité, p.71-80 et p.170-179 et p.193-249.
14
L'entrepreneur schumpeterien est l’incarnation d’un aspect de l’esprit du capitalisme. Il symbolise
les forces de « surgissement » dans les voies nouvelles qui se trouvent effectivement dans ce
système ; il exprime la psychologie de quelques très grands pionniers du capitalisme moderne qui
en fait n’ont pas été mus par le désir du gain, ni soutenus par une psychologie hédonistique.
Cet entrepreneur peut paraître éloigné du réel. Cette critique a notamment été avancée par F.
Perroux (1965) et d'autres économistes plus contemporains : I. Kirzner (1973, 1997), A. Fayolle
(2004), T. Verstraete (2004), S. Boutiller et D. Uzinidis (1995) etc.... La définition des traits
distinctifs de l'entrepreneur a animé les débats de tout un champ de la pensée économique en France
comme à l'étranger (Canada). Ils reprochèrent à J.A Schumpeter d'avoir « dressé un tableau
impressionniste de l'entrepreneur (…) l'entrepreneur schumpeterien se matérialise par son
immatérialité43».
4. Détecter la figure du petit entrepreneur agricole :
On peut, en mobilisant les travaux de J. Schumpeter et le corpus théorique critique du champ de
« l'entrepreneuriat », dégager des éléments concrets qui permettent d'identifier, à la lecture de la
conduite d'un entretien, la présence de la figure de l'entrepreneur au sein d'une population
d'exploitant agricole.
Pour détecter la présence d'une innovation au sein un système d'exploitation agricole, il convient de
repérer les « cinq ou six causes » brisant la routine du circuit et qui sont à l’origine de l’impulsion
fondamentale qui met en mouvement une organisation économique. Ceci demande :
« Les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production, et de transport, les
nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation industrielle, l'utilisation de nouvelles sources
de matières premières ou de produits semi-ouvrés44 », (Schumpeter, 1942).
Ceci forme une première grille de lecture. Il convient ensuite de la décliner en agriculture en ayant
en perspective que ces « ruptures » peuvent s'inscrire dans le prolongement du modèle dit
« productiviste » ou en explorant de nouveaux itinéraires singuliers (« agricultures différentes »).
Pour se faire, il est important de bien connaître le ou les types dominants des systèmes
d'exploitations présents sur le territoire étudié, les produits offerts, les modes de commercialisation
en place, les pratiques et techniques professionnelles en vigueur (etc.). Il convient de les identifier et
de les formaliser. On compare ensuite un système particulier (ex : une exploitation viticole
biologique en biodynamie vendant en direct avec un parcours de pêche) avec le type caractérisant la
norme dominante sur le territoire étudié (ex : le système viticole conventionnel est le type dominant
dans pays de Corbières : production en vrac de raisin, vente à la coopérative, pratiques culturales
dites intensives) en dégageant les traits singuliers. Ces singularités peuvent avoir un caractère
innovant ou non sur le territoire (on peut considérer qu'un système produisant du vin de Corbières
en biodynamie et en agriculture biologique avec vente directe et parcours de pêche est innovant à
l'échelle de ce territoire car rare et atypique). L'attribution du qualificatif « innovant » de la ou des
singularités observées ne peut pas être faite à partir d'un indicateur chiffré et être délivré
« mécaniquement ».
43
BOUTILLER, S. et UZINIDIS, D., L'entrepreneur- Une analyse socio-économique, Paris : Edition Economica, 1995, page 39.
44
Déjà cité.
15
Le discernement et la perspicacité du chercheur sont déterminants pour juger si une initiative à un
caractère innovant ou non. Sur le plan méthodologique, afin d'éviter l'introduction d'un biais
« subjectif » trop important, le recours à des personnes ressources maîtrisant les données de
l'agriculture locale dans laquelle est insérée l'exploitation peut former un précieux garde-fou. Enfin,
il ne faut pas confondre l'invention et l'innovation. L'innovation peut être modeste. Elle peut se
traduire comme étant la transposition d'une pratique existant hors du secteur de l'agriculture vers
l'agriculture (etc.). L'innovation peut s'inspirer également des pratiques du passée recontextualisées
et adaptées au monde contemporain (Stevenson).
Sans rechercher l’exhaustivité et à titre d'illustration, en bénéficiant du recul de ces quinze dernières
années, ces ruptures en agricultures (conventionnelles ou différentes) peuvent ou on pu se
matérialiser sous les formes suivantes :
- production de produits ou de services nouveaux issus directement de l'activité agricole ou
connexes: algues comestibles (wakame, salicornes...), variétés de légumes issus de variétés
« oubliées » (tomate ancienne, choux de Lorient, poule coucou), nouvelles variétés horticoles mises
sur le marché (ex : le pin dinosaure), production d'énergie à partir de la biomasse, location de
moutons pour entretenir les espaces verts des collectivités locales etc...
- nouvelles méthodes de production : production d'algues comestibles « à terre », permaculture,
biodynamie, abandon du labour, extension du champ de l'agriculture biologique vers de nouveaux
secteurs : apiculture, aquaculture...
- nouveaux marchés ou nouvelles méthodes de commercialisation : création de sites virtuels et vente
par internet (expédition de colis), AMAP....
- nouvelles organisations : création de groupement d'employeurs avec mis en place d'un service de
remplacement pour les petits exploitants sur un territoire rural en voie de dévitalisation, association
de petits producteurs au sein d'un Gaec, systèmes hybrides combinant activités agricoles et activités
tertiaires...
- nouvelles matières premières ou produits semi-ouvrés : utilisation des extrants afin de produire de
l'énergie, recours à l'énergie solaire afin de devenir autonome énergétiquement...
- une grille synthétique est présentée ci dessous avec le résultat de l'analyse de 60 entretiens issus de
la recherche action petites exploitations. Il peut y avoir plusieurs innovations introduites au sein des
systèmes analysés:
16
Tableau 10. Résultats de recherche:
Somme des innovations (en
nombre) détectée.
S'inscrivant
dans
le
prolongement du modèle
dit productiviste
S'inscrivant dans des
formes
différents
d'agricultures
Pas
d’innovation
Objet de consommation
2
19
41
Méthode de production
1
11
50
Moyen de transport
0
1
60
Nouveau marché ou nouvelle
méthode
de
commercialisation
0
18
43
Nouveau type d’organisation
0
11
50
Nouvelle source de matière
première
0
0
60
Total
3
60
Les innovations qui ont été détectées s'inscrivent majoritairement dans des formes d'agricultures
éloignées du type conventionnel. La grille çi-dessous synthétise les traits psychologiques qui
caractérise un entrepreneur du monde agricole :
Tableau 11. Indices révélant la présence d'un entrepreneur schumpéterien:
Thèmes
abordés dans un
entretien avec un
chef d'exploitation
Historique
l'exploitation
Indices révélant la présence d'un entrepreneur schumpéterien
de Système d'exploitation nouvellement crée ou ayant subit des modifications
importantes.
Stratégie et projet
Pilote activement son système d'exploitation.
Stratégie construite et révélée dans le discours.
Chef d'exploitation en projet, projet en rupture avec l'existant et dépassant
la recherche du profit pécunier.
Le chef d'exploitation a une vision de l'avenir de son exploitation
Satisfaction
par
rapport au métier,
au revenu, à la
qualité de vie.
Est satisfait d'exercer se métier et le revendique.
Est satisfait de ses revenus.
Est satisfait de sa qualité de vie.
Motivation
Évoque le plaisir d'exercer son métier, d’être son propre maître,
d'avoir réalisé son projet de vie.
17
L'ensemble de ces ressources ont été utilisées pour analyser 60 entretiens conduits dans le cadre de
la « recherche action petites exploitations » (RAPE) entre 2003 et 2007. L'objectif était de détecter
la présence de la figure de l'entrepreneur schumpeterien au sein de cette population. La mobilisation
de ces différentes grilles montre qu'au sein de cette population précise, 15 personnes pouvaient
relever de l'image de l'entrepreneur schumpeterien. Ainsi pouvons nous estimer que si la petite
agriculture s'est maintenue en France depuis plus de cinquante ans, c'est aussi parce que des
entrepreneurs schumpeteriens ont introduit, au sein de système économiquement modestes, des
innovations qui ont été validées par le marché.
5. Limites de cette recherche.
Le matériau utilisé dans ce travail (les 60 entretiens de la RAPE) est de « seconde main » même si
nombre de garde-fous méthodologiques ont été pris pour garantir leur qualité et la rigueur de la
collecte de données. L'auteur de ce texte a analysé des entretiens qu'il n'a pas conduit directement
même si il a participé à cette action qu'il a copiloté. Les enquêteurs engagés dans ce programme ont
été formés de manière rigoureuse par des chercheurs et des ingénieurs et leur pratique à été suivie,
analysée, améliorée durant plusieurs séminaires ou l'ensemble de l'équipe a été regroupée afin de
former un collectif de travail cohérent et homogène. Un comité de pilotage scientifique a également
accompagné activement les acteurs de ce programme.
On remarque également que l'approche présentée dans cet article ne mobilise pas des indicateurs
quantitatifs mais qualitatifs. L'analyse du corpus théorique montre qu'il semble peu pertinent de
mobiliser ce type d'indicateurs pour déterminer si un agent économique relève de la figure de
l'entrepreneur schumpeterien car la dimension psychologique du personnage est une donnée
essentielle intrinsèque à la personnalité de ce dernier. Le chercheur est en interaction avec son objet
d'étude qu'il peut influencer malgré lui et parfois, des éléments de subjectivité peuvent interférer
dans l'appréciation qu'il porte tirée de l'analyse des informations collectées.
Enfin, l'appréciation de l'innovation se fait au regard du territoire dans lequel est immergé
l'exploitation de l'agriculteur interviewé. Elle se fonde sur l'expertise du chercheur et du collectif de
travail auquel il appartient. On ne peut écarter l'idée que sur un entretien, une erreur d'appréciation
soit commise. Pour éviter de tronquer l'analyse, le nombre d'entretiens étudiés doit être conséquent :
l'erreur éventuelle ne biaisera que marginalement la nature des conclusions et de la synthèse finale.
Enfin, les résultats présentés ne valent que pour la population étudiée. Cette population n'est pas un
échantillon. Elle est diverse et est issue de territoires différents sans être représentative de « la ferme
France ». Il n'est cependant pas interdit de penser que ces résultats sont révélateurs d'une réalité plus
vaste.
6.Qu’avons-nous à apprendre collectivement des petites exploitations ?
Ce travail montre qu'il existe une dynamique entrepreneuriale au sein de la petite agriculture et
qu'un mouvement de destruction créatrice traverse ce secteur. D'autres observateurs indiquent que
ces structures peuvent jouer un rôle positif dans une agriculture en cours de changement. Un
journaliste indiquait « qu’un virage à 180°, une révolution un séisme sont en œuvre. Lorsque la
flambée des prix des denrées agricoles s’installe à la une des journaux fin 2007, les éditorialistes
attaquent à boulets rouges un vieux dictateur qui fait la loi depuis un demi-siècle : l’agriculture
industrielle productiviste. Outragée, brisée, martyrisée depuis des décennies, la petite agriculture
18
familiale orientée vers les marchés locaux, qui résistait héroïquement dans l’ombre, apparaît
soudain comme une option infiniment plus judicieuse, il était temps45 ». Il y a ici une convergence.
Les petites exploitations en France comme à l'étranger sont désormais un objet de recherche et la
reconnaissance de leurs atouts émerge. Pour Peter. M Rosset “The time is long overdue to recognize
the full range of contribution that agriculture- and small farms in particular- make to human
societies and to the biosphere. Farms are not factories that churn out sneakers or tennis racquets,
and we cannot let narrow arguments of simple economic expediency destroy this legacy of all
human kind46”.
Il existe d'autres expertises montrant l’intérêt et l’efficacité de la petite agriculture, notamment au
niveau international. La notoriété des chercheurs qui portent ce message et le consensus qui se
dégage de leurs travaux apparaissent difficilement contestables. Une comparaison récente entre six
pays à faibles revenus indique ainsi « que la productivité des terres des fermes de petite taille est
considérée plus haute que celle des grandes exploitations », « La petite agriculture offre une plus
grande latitude pour améliorer les moyens d’existence et l’équité47 ».
Certains économistes affirment que ces structures de production sont efficaces et utiles: « I
challenge the conventional wisdom that small farms are backward and unproductive. Using
evidence from southern and Northern countries I demonstrate that small farms are « multifunctional »- more productive, more efficient, and contribute more to economic development than
large farms. Small farmers can also make better stewards of natural resources, conserving
biodiversity and sage-guarding the future sustainability of agricultural production”48.
Enfin, des travaux récents ont mesuré la viabilité et la durabilité de ces systèmes modestes de par
leur dimension économique. B. Delord, P. Mundler, B. Guimonprez, J. Pluvinage, J.C. Jauneau, les
équipes de l’A.D.E.A.R (liste non exhaustive) ont montré que des petites exploitations pouvaient
être viables, voir même emprunter un chemin de recherche d'une plus grande durabilité de leur
système d'exploitation. B. Delord montre qu'il existe peu d'économie d'échelle en agriculture, thèse
déjà soutenue par C. Servolin. Si l'on mesure l'efficacité des exploitations agricoles en les
discriminant par taille et si l'on retire les subventions pour déterminer le montant du revenu dégagé,
on s’aperçoit qu'aucun type ne dégage un revenu positif.
En conclusion, nous pensons que les résultats que nous venons de présenter ne forment pas un
isolat. Un ensemble de travaux ont été menés depuis plus d'une dizaine d'années et montrent l'intéret
et l'efficacité de ce type de structure.
Enfin on notera que l'analyse qui vient d'être présentée a mobilisé à la fois des outils orthodoxes et
hétérodoxes assez peu utilisés par les économistes ruraux contemporains. Le recours à trois corpus
théoriques distincts (bioéconomie, entrepreneuriat, économie rurale) permet, nous semble t-il,
d'enrichir la réflexion des chercheurs en sciences économiques et sociales. Ce travail indique
également que l'objet « petites exploitations » est un objet de recherche pertinent qui peut alimenter
des réflexions nouvelles afin de penser une agriculture en devenir.
45
« La petite agriculture multifonctionnelle face à la tourmente du 21ème siècle » in La Revue Durable, N° 37, Mars-avril-mai 2010,
pages 22-24.
46
ROSSET, Peter M., “The multiple functions and Benefits of Small Farm agriculture In the context of global Trade Negotiations” in
Policy Brief N°4, Institute for food and development policy, september 1999, page 18.
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