2016_03_17_18_commentaire vf_Stéphane_vu MC

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2016_03_17_18_commentaire vf_Stéphane_vu MC
Jeudi 17 mars 2016 20h
Vendredi 18 mars 2016 20h
Strasbourg, PMC Salle Érasme
Xian Zhang direction
Alexander Gavryluk piano
Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
Marche slave en si bémol majeur op. 31
Serge Rachmaninoff (1873-1943)
Concerto n° 2 pour piano et orchestre en ut mineur op. 18
Moderato
Adagio sostenuto
Allegro scherzando
►
César Franck (1822-1890)
Symphonie en ré mineur
Lento - allegro non troppo
Allegretto
Allegro
9’
33’
37’
« Je n’ai jamais fait d’effort dans mes compositions pour être original, romantique,
nationaliste ou quoi que ce soit d’autre. J’écris simplement la musique que j’entends
en moi avec le plus de naturel possible » affirma Rachmaninoff. Pour lui, Tchaïkovski
représentait le « père » de la musique russe. Appartenant à la même génération que
celui-ci, César Franck apporte le renouveau symphonique en France. Une
renaissance alors que le romantisme s’éteint progressivement.
Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893)
Marche slave en si bémol majeur op. 31
La composition de la Marche slave en si bémol mineur – connue sous le nom de
Marche serbo-russe lors de sa création – répondit à une commande de la Société
musicale russe. La partition fut rapidement menée à son terme. Ébauchée le 17
septembre 1876, elle fut achevée huit jours plus tard. La pièce est portée par le
souffle du panslavisme naissant. En effet, en juillet 1875, la Serbie et le Monténégro
déclarent la guerre à la Turquie ottomane. En octobre, la Russie mobilise ses
troupes contre la Turquie. La guerre russo-turque va bientôt éclater. Elle durera
jusqu’en 1878.
La Marche slave est créée le 5 novembre 1876, à Moscou, sous la direction de
Nikolaï Rubinstein. L’œuvre est accueillie triomphalement.
Tchaïkovski réalisa une partition d’un lyrisme particulièrement efficace. Elle s’ouvre
par le chant des cordes graves avant que surgisse un thème serbe issu de la
mélodie Le clair soleil ne brille pas. Percussions et trompette imposent à la marche
une tension de plus en plus belliqueuse. Le combat s’engage et la victoire est bientôt
acquise. C’est alors une danse populaire serbe qui met en valeur les bois de la petite
harmonie. Les deux thèmes se rejoignent et culminent avec l’hymne russe Dieu
garde le tsar. Bien que d’autres idées musicales puisées dans le folklore slave se
fassent entendre, pour autant, l’hymne russe domine. On notera que, durant toute la
période soviétique, celui-ci fut remplacé par un air emprunté à l’opéra Ivan
Soussanine de Glinka.
Serge Rachmaninoff (1873-1943)
Concerto n° 2 pour piano et orchestre en ut mineur op. 18
Pour Rachmaninoff, un échec lors de la création, en 1901, du Deuxième concerto
pour piano aurait probablement signifié la fin de sa carrière en tant que compositeur
car il aurait causé un nouveau traumatisme. Revenons quelques années plus tôt. Le
15 mars 1897, à Saint-Pétersbourg, Alexander Glazounov (1865-1936), plongé dans
un état d’ébriété avancé, dirige la Première symphonie du jeune Rachmaninoff, alors
âgé de 24 ans. Sa direction est si médiocre que la réaction du public est négative. Le
fiasco est amplifié dans la presse, qui joue de la rivalité ancestrale entre les
musiciens moscovites (Rachmaninoff était considéré comme tel) et l’intelligentsia de
la capitale impériale, Saint-Pétersbourg. Une rivalité qui demeure, dans une certaine
mesure, toujours d’actualité…
Le désastre de la création entraîne, chez Rachmaninoff, une véritable dépression. Il
n’en sort que grâce à une psychothérapie auprès de l’hypnotiseur Nikolaï Dahl.
Rachmaninoff détruit le manuscrit de la Symphonie (fort heureusement, la partition a
été reconstituée grâce aux parties d’orchestre préservées). Pendant de nombreux
mois, il abandonne toute envie d’écriture. Il fait une nouvelle tentative pour affronter
le public, lors d’un concert privé, le 15 décembre 1900. Il dirige alors les deux
derniers mouvements de son Deuxième concerto pour piano, qui est à l’origine une
commande de la Société philharmonique de Londres. Le 27 octobre 1901, Alexandre
Ziloti assure la création du Concerto dans son intégralité. Le public moscovite
découvre la célèbre introduction avec ses premiers accords au piano, qui sont
comme l’écho du carillon de la cathédrale de Novgorod, la ville de la province dans
laquelle Rachmaninoff vit le jour en 1873. Ce passage est bien le seul hommage,
d’ailleurs probablement involontaire, que rend Rachmaninoff à l’archaïsme slave
revendiqué quelques années plus tôt par le Groupe des Cinq (Modeste Moussorgski,
Mily Balakirev, César Cui, Nikolaï Rimski-Korsakov et Alexandre Borodine). Le
triomphe est à la mesure de la catastrophe de 1897.
Le Concerto pour piano n°2 en ut mineur opus 18 ne déroge pas à la tradition
romantique héritée de Tchaïkovski comme à la forme classique, en trois
mouvements (vif – lent - vif). Toutefois, l’œuvre apparaît davantage comme une
immense improvisation car la liberté du discours s’écarte du concerto traditionnel.
Les grandes phrases mélodiques qui s’imbriquent permettent, en effet, un
enchaînement naturel entre les trois mouvements.
Le Moderato s’ouvre sur le glas des accords, puis il lance toute l’énergie vitale de
l’orchestre et du piano comme le signe d’une résurrection. Rachmaninoff y assume
ses doutes et exprime sa volonté de liberté. Les rythmes, les contrastes
s’accumulent dans un flot sonore révélant l’hypersensibilité du musicien. Le climat
nostalgique se mêle aux traits les plus martelés du maestoso. Le mouvement
s’achève avec légèreté, mais dans une virtuosité éblouissante.
L’Adagio sostenuto qui s’enchaîne évoque autant un choral religieux que des danses
archaïques avec quelques réminiscences empruntées aux concertos de Liszt. Le
dialogue du soliste avec la flûte et la clarinette crée une impression d’immobilité
d’une étrange beauté avant de revenir à une reprise abrégée du début de l’adagio.
L’Allegro scherzando clame l’espoir retrouvé. Il surgit avec une verve lyrique
triomphante, puisant dans les ultimes ressources techniques du soliste, toujours
dans l’esprit des concertos de Tchaïkovski. La virtuosité cède le pas dans une
séquence mélodique irrésistible. Le second thème est traité sous forme de
variations, puis le finale offre une coda triomphale, la tonalité d’ut mineur cédant la
place à celle d’ut majeur.
César Franck (1822-1890)
Symphonie en ré mineur
Si la Symphonie fantastique d’Hector Berlioz créée en 1830 représente l’avènement
de la symphonique romantique, il fallut attendre le lendemain de la guerre de 18701871 pour qu’un véritable répertoire symphonique français fasse son apparition. La
défaite avait profondément bouleversé les repères artistiques. La réaction « gallicane
» devenait l’expression d’une révolte contre l’hégémonie de la musique allemande.
Ainsi fut créée la Société nationale de musique dont César Franck, natif de Liège, fut
l’un des membres fondateurs.
Après plus d’une année entière de travail, la Symphonie en ré mineur, dédiée à
l’élève et ami Henri Duparc, fut donnée pour la première fois le 17 février 1889 par la
Société des Concerts du Conservatoire. Jules Garcin en assura la direction. L’œuvre
fut fraîchement reçue et la presse n’épargna guère le compositeur. Seul, le jeune
Claude Debussy, qui travaillait alors auprès de César Franck, affirma que « celle-ci
l’avait empoigné d’une manière ébouriffante ». Maurice Ravel fut moins enclin à
l’indulgence dénonçant des « formules surannées » et une technique de composition
bien inférieure à celle de Brahms ! Charles Gounod fut plus sévère encore. Il vit dans
la pièce, « l’affirmation de l’impuissance poussée jusqu’au dogme ». Pour la plupart
des critiques, la cause était entendue : Franck orchestrait comme un organiste, c’està-dire maladroitement !
Pourtant, l’écriture symphonique n’était pas une première dans le catalogue de
Franck. En effet, il avait déjà composé Rédemption, Les Éolides, Le Chasseur
maudit, Les Djinns, puis les Variations symphoniques (avec piano), et Psyché.
Toutes ces partitions avaient vu le jour entre 1873 et 1888.
La Symphonie en ré mineur ne comprend que trois mouvements. Le compositeur
donna quelques éléments de réflexion : « C’est une symphonie classique. Au début
du premier mouvement se place une reprise tout comme on en faisait autrefois pour
mieux affirmer les thèmes. Mais elle est dans un autre ton. Ensuite, viennent un
andante puis un scherzo, tous deux reliés entre eux. Je les avais voulus de telle
sorte que, chaque temps de l’andante égalant une mesure du scherzo, celui-ci pût,
après développement complet des deux morceaux, se superposer au premier. J’ai
réussi mon problème ! Le finale rassemble encore une fois tous les thèmes comme
dans la Neuvième symphonie de Beethoven. Toutefois, ce ne sont pas des citations.
Ils jouent au contraire un rôle nouveau. Je crois qu’il en va bien ainsi .»
L’œuvre fait appel à une méthode de construction basée sur la forme cyclique. Des
cellules ou des motifs musicaux se transforment et réapparaissent sous divers
aspect tout au long de la partition.
Le premier mouvement, un Lento suivi d’un Allegro non troppo, est d’une durée
presque comparable aux deux mouvements suivants. Son thème initial est emprunté
à celui du Quatuor à cordes en fa majeur op.135 de Beethoven. Au thème inquiet et
angoissé répond, dans l’allegro, l’expression de la passion. Les contrastes les plus
extrêmes se heurtent.
Le second mouvement, Allegretto, met en scène le cor anglais. La présence si forte
et inhabituelle de l’instrument dans une symphonie dérouta les auditeurs. Deux
thèmes en mineur sont développés et chacun d’eux s’enrichit d’une idée musicale
secondaire, cette fois-ci en majeur.
L’Allegro conclusif récapitule tous les thèmes déjà présentés – la forme est par
conséquent bien cyclique – mais Franck a cru bon d’ajouter un dernier thème, une
marche qui donne un élan supplémentaire à l’ensemble. Elle referme l’une des
dernières grandes symphonies romantiques du XIXe siècle.
Discographie conseillée
Tchaïkovski Marche slave
• Mariinsky Theatre Orchestra, direction Valery Gergiev (Mariinsky, 2009)
• Berliner Philharmoniker, direction Herbert von Karajan (Deutsche Grammophon, 1966)
• Chicago Symphony Orchestra, direction Fritz Reiner (RCA, 1959)
Rachmaninoff Concerto n° 2 pour piano et orchestre en ut mineur op. 18
• Howard Shelley (piano), Royal Scottish National Orchestra, direction Bryden Thomson (Chandos, 1989)
• Vladimir Ashkenazy (piano), Royal Concertgebouw Orchestra, direction Bernard Haitink (Decca, 1984)
• Martha Argerich (piano), Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, direction Riccardo Chailly (Philips, 1982)
• Earl Wild (piano), Royal Philharmonic Orchestra, direction Earl Wild (Chandos, 1965)
• Byron Janis (piano), Minnesota Orchestra, direction Antal Dorati (Mercury, 1960)
• Serge Rachmaninov (piano), Philadelphia Orchestra, direction Leopold Stokowski (Naxos, 1929)
Franck Symphonie en ré mineur
• Orchestre national de France, direction Leonard Bernstein (Deutsche Grammophon, 1981)
• Orchestre philharmonique de Liège, direction Louis Langrée (Accord, 2004)
• Chicago Symphony Orchestra, direction Pierre Monteux (RCA, 1961)
• Boston Symphony Orchestra, direction Charles Munch (RCA, 1957).