TOUR - Séminaire Robert Auzelle

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TOUR - Séminaire Robert Auzelle
TOUR
TOUR :
n. f., XIIe s. ; lat. turris.
Bâtiment construit en hauteur
dominant un édifice ou un
ensemble architectural (souvent
destiné à la protection militaire)
(Le Robert).
Les synonymes de tour en
rapport avec l’architecture
sont, dans l’ordre d’apparition chronologique, donjon,
minaret, beffroi, campanile,
gratte-ciel et immeuble de grande
hauteur.
Il s’agit d’un terme
générique s’appliquant à
un édifice caractérisé par
sa hauteur et sa solidité.
La tour naît comme
élément de défense des
villes mais sa symbolique
va évoluer pour devenir un
élément représentatif du
pouvoir d’une époque,
municipal et religieux au
Moyen Âge, industriel et
technologique à la fin du
XIXe
siècle.
Puis
l’avènement du « gratte-ciel »
en cette fin de siècle
affichera le pouvoir grandissant du monde des affaires.
Le terme de tour s’illustre
dans l’Antiquité et à l’époque
romaine comme ouvrage
fortifié intégré aux enceintes
militaires. Elle sert à la
défense des villes comme la
tour de César à Provins
(Seine-et-Marne). Au Moyen
Âge apparaît le vocable
« donjon » désignant les
tours les plus hautes des
châteaux-forts. Carcassonne
est un exemple de ville
fortifiée incorporant des
tours dominant un territoire
(XIIe siècle) (1).
C’est à cette même époque
que la tour s’illustre dans
l’architecture religieuse, notamment dans les cathédrales
avec le terme « flèche ».
Dans l’architecture communale, on retrouve les termes
« beffroi » dans le nord de la
France (3), « campanile »
dans le sud de la France (4)
et dans les villes de Toscane.
L’histoire des cathédrales
nous montre l’évolution progressive de la hauteur de la
nef et de la flèche : Reims,
81 m (2), Strasbourg, 142 m
(1439-1544), Rouen, 151 m
(1544-1876).
Cependant
cette évolution atteindra une
« Interrogeons-nous un instant sur la valeur mythique
des tours contemporaines. On peut voir aisément ce
que l'acte de dresser un monument plus haut que toute
chose suscite en l'Homme de sentiments, qui, tous,
touchent à la représentation du sacré et de la puissance. Ce signe en notre monde se fait celui de la puissance industrielle, commerciale, politique. Où se dressèrent les premières tours modernes ? À New York, en
Amérique. Au lieu où se dressa La Liberté de Bartholdi,
tour-statue. »
Robert Auzelle, Clefs pour l'urbanisme
limite. L’effondrement d’une
tour de la cathédrale de
Beauvais en 1573 marque la
limite de résistance du
sytème de voûtes en pierre.
À la fin du XIXe siècle, le
skyscraper, traduit en français
par « gratte-ciel » apparaît
outre-Atlantique dans les
villes de Chicago (Home
Insurance Building, 1885) et de
New York (NY Tribune Building, 1873). La grande hauteur
de l’édifice est permise par
les innovations techniques
de l’époque (invention de
l’ascenseur en 1857 à NY par
E. Otis et progrès de la
sidérurgie permettant des
ossatures métalliques).
C’est au même moment que
la tour Eiffel (324 m avec
l’antenne) (6) est réalisée
pour l’Exposition universelle de 1889. Elle sera la
plus haute tour du monde
pendant plusieurs décennies
et illustrera les performances
des structures en acier.
L’évolution du gratte-ciel
américain suivra les styles
des différentes époques :
l’école de Chicago (fin
XIXe siècle), néogothique
(1900-1920),
Art
déco
(1920-1930), style international (1930).
La loi sur le zonage de 1916
à New York remet en question l’impact des premiers
gratte-ciel « monolithiques »
et tente d’adapter leur
hauteur à l’ensoleillement
global des édifices au niveau
d’un îlot. Cette loi mettra en
place le profil crénelé des
étages hauts caractéristiques
des gratte-ciel de l’époque
dite Art déco (5).
En parallèle au développement du gratte-ciel aux USA,
Le Corbusier va développer
un modèle de tour entrant
dans son projet de « Ville
radieuse » qui s’oppose au
modèle américain. La tour
devient un objet isolé dans
un espace vert continu (cf. la
Cité radieuse de Briey) de
manière à lui apporter un
ensoleillement et un dégagement, comme le préconisent
les principes du CIAM.
En France, la première apparition de tours remonte
à 1934, à Villeurbanne (7),
mais c’est dans la période
d’après-guerre, dite « de la
reconstruction », que la
construction de tours en
France
va
réellement
débuter. La tour Perret à
Amiens est l’une des
premières en Europe (1954,
104 m) ; elle est constituée
d’une structure en béton
armé. De même à NotreDame du Raincy (1923,
43 m), l’architecte utilise ce
matériau pour réaliser la
première église en béton
armé de France. À Grenoble,
il construit une tour
d’orientation culminant à
100 m pour un diamètre de
base de 9,4 m (8).
À Paris, la construction de la
tour Montparnasse (1973,
209 m) marque un tournant
dans la perception des tours
en France. La réticence des
Parisiens et des pouvoirs
publics est liée à l’aspect
dominant de la tour occultant les fenêtres urbaines
(rue de Rennes, rue des
Saints-Pères). En conséquence, lors de l’élaboration
du Plan d’occupation des
sols de Paris de 1977, un
plafond des hauteurs est fixé.
Les tours du quartier des
Extrait du “Vocabulaire français de l'Art urbain”, par Robert-Max Antoni, sur www.arturbain.fr
Flandres et du front de Seine
feront cependant exception à
cette règle.
En 1977, apparaît la réglementation sur les « immeubles de grande hauteur »
(IGH.) fixant les règles à
respecter pour les immeubles
d’habitation dépassant les
50 m.
Robert Auzelle, associé
à la réalisation du quartier
de la Défense (9/12), a
montré, dans Clefs pour
l’urbanisme,
l’alternative
possible
aux
tours
avec
des
immeubles
de R + 5 répondant aux
mêmes
programmes.
La démonstration montre
que
la
notion
de « densité humaine »
peut
être
approchée
différemment (10).
Aujourd’hui, la tour a pour
ambition d’intégrer les innovations technologiques réduisant en particulier son
coût énergétique. Elle peut
aussi s’intégrer dans un site,
un paysage urbain, pour en
devenir un symbole, par
exemple la tour Agbar de
J. Nouvel à Barcelone
(145 m), le Turning Torso de
S. Calatrava à Malmö
(190 m) (11), la tour de
la Part-Dieu à Lyon
(165 m) (13). Dans la
démesure, la tour de Burj
Dubaï atteint la hauteur de
818 m, un noyau en béton
haute performance permettant ce nouveau record.
« Aujourd’hui, les impulsions
politiques et idéologiques d’une
part, le commerce et la technique
d’autre part, ou les deux à la fois,
paraissent plus variés, plus
complexes et impénétrables. Il est
difficile de trouver une implication
unique à la passion actuelle pour
les tours.
Si, dans les deux cas, le rapport à
l’Homme n’est pas aisé à établir,
le rapport divin est aujourd’hui
rarement évident » (E. Heinle et
F. Leonhardt, Tours du monde
entier, 1988, p. 131).
V. ANGLE DE DEUX VOIES,
CENTRALITÉ,
FENÊTRE
URBAINE,
FRONT
BÂTI,
LIGNE DE CRÊTE, PLAN
LUMIÈRE, REPÈRE, SILHOUETTE URBAINE.
Extrait du Vocabulaire français de l'Art urbain, par Robert-Max Antoni, sur www.arturbain.fr