PJ12_Motion gavage - Slow Food Coolporteur
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PJ12_Motion gavage - Slow Food Coolporteur
CONSEIL INTERNATIONAL DE SLOW FOOD 14-15 juin 2014 – Pollenzo Chaque année, le bien-être de millions d'animaux élevés pour produire lait, viande et œufs destinés à la consommation humaine est fortement compromis par un système de production industrielle peu écologique, dangereux pour la santé humaine et nuisible à la survie économique des petits agriculteurs et des communautés rurales. Le bien-être animal est un élément fondamental de l'approche "bonne, propre et juste" de Slow Food envers la production et la consommation alimentaire. Nous devons reconsidérer notre consommation de viande et de produits animaliers, faire des choix plus responsables et respectueux du bien-être animal. Pour engager une réflexion sur le thème de la consommation de viande et du bien-être animal, les membres de notre association et des Sentinelles européennes ont été directement mis à contribution en 2013, par le biais d’un sondage qui a recueilli leurs opinions. Une enquête analogue sera bientôt menée aux États-Unis et au Brésil. Les réponses des adhérents et des producteurs de Sentinelles européens ont été très encourageantes et ont mis en évidence leur intérêt en la matière. Slow Food a également publié récemment un document prenant position sur la question du bien-être animal et exprimant l'approche de l'association sur ce thème ainsi que les modalités de son implication. Slow Food s’engage à : • Collaborer avec les éleveurs et les producteurs des Sentinelles Slow Food pour améliorer les conditions d'élevage des animaux. Nous réexaminons actuellement, et d'ici à 2020, les protocoles de production des Sentinelles concernant l'élevage, pour garantir le respect des bonnes pratiques pour le bien-être animal. • Promouvoir des activités éducatives intégrant le bien-être des animaux d'élevage et la consommation de viande. Par le biais de campagnes spécifiques, Slow Food entend rendre les consommateurs plus conscients de l'importance de réduire leur consommation de viande et de choisir des produits issus d’un élevage extensif favorisant qualité, alimentation naturelle et comportement naturel des animaux. • Soutenir des politiques visant à rendre les systèmes d'étiquetage plus transparents, pour y décrire les méthodes de production et modalités d'élevage de manière approfondie. De son côté, avec le projet d'étiquette narrative, Slow Food propose un exemple positif d'étiquetage, permettant aux consommateurs de comprendre facilement d'où vient la viande et comment elle a été produite. Sur le thème plus large du bien-être animal, il existe des pratiques d'élevage qui nécessitent une prise de position forte de la part de notre association. Nous soumettons, de ce fait, à votre attention la motion suivante. MOTION Il est proposé au Conseil international de discuter de la condamnation de la pratique du gavage (alimentation forcée) et d'inviter les membres de notre association à ne pas consommer de foie gras. Le foie gras est le foie d'une oie ou d'un canard malade, nourri par une alimentation hypercalorique forcée et excessive, causant l'accumulation de graisse dans le foie. Les dimensions du foie augmentent et sa consistance devient gélatineuse. Les raisons de cette condamnation sont fondées sur les considérations suivantes : 1. La préparation du foie gras nécessite l'alimentation forcée de l'animal (gavage). Le seul moyen d'obtenir le foie gras est de gaver l'animal en lui administrant, pendant la période d'engraissement (2 à 3 semaines avant l'abattage), de la nourriture à l'aide d'un tube métallique de 20 à 30 cm de longueur, inséré dans la gorge jusqu'à l'estomac de l'animal. L’animal reçoit une ration allant jusqu'à 450 grammes 2 à 3 fois par jour. L’opération dure 3 secondes si elle est effectuée par un système pneumatique, mais requiert jusqu'à 60 secondes avec une gaveuse à vis manuelle. Qu’importe la méthode, même l’introduction rapide d’une pompe pneumatique demeure extrêmement désagréable. Différentes études sur le comportement animal démontrent que les captures répétées durant la journée, la restriction des animaux, l'insertion rapide du tube et le gavage causent aversion, malaise et souffrance pendant la pratique et immédiatement après, une fois l'œsophage dilaté. Le comportement de ces animaux face au gaveur en est une preuve flagrante. Enfin, immédiatement après le gavage, les oies et les canards secouent généralement la tête, preuve que l'animal identifie l'aliment reçu comme étranger et l'ingestion forcée comme source de souffrance. 2. La quantité de nourriture administrée par le gavage est excessive : les animaux sont suralimentés avec du maïs bouilli additionné de graisse animale (souvent celle de leurs congénères élevés pour le foie gras), poussé dans l'œsophage. On commence par administrer une ration de 190 grammes deux fois par jour. La quantité de nourriture pour chaque repas augmente progressivement pendant au moins 2 semaines, pour arriver jusqu'à 450 grammes. C'est 5 fois la ration normale pour un canard de chair. Comparé à l'alimentation humaine, cela reviendrait à insérer un tube de l'œsophage à l’estomac d'un individu pour lui faire ingérer 10 kg de maïs en quelques secondes, deux fois par jour. Par cette pratique, une personne de 60 kg atteindrait les 90 kg en deux semaines et il n’est pas difficile d’imaginer les effets sur son organisme. 3. Le gavage ne répond pas à un instinct de ces volatiles qui, selon certains, tendraient naturellement à manger plus pour se préparer à la migration. C'est l'un des arguments les plus utilisés en faveur du foie gras. Cependant, la quantité de nourriture que les oiseaux sont contraints d'ingérer par le gavage est significativement supérieure à celle qu'ils ingèreraient naturellement. Différentes études montrent en réalité que, au moment où l'alimentation forcée est interrompue, les canards diminuent naturellement leur prise de nourriture pendant plusieurs jours, car ils sont alimentés bien au-delà de leur point de satiété. 4. Le foie gras est le résultat d'une véritable maladie, induite par l'homme. L’alimentation forcée cause des changements importants dans la composition chimique du foie (le pourcentage de graisse, de protéines et d'eau augmente). Le gavage provoque la stéatose hépatique, c'est à dire un grossissement du foie de sept à dix fois supérieur à sa taille normale. Le poids moyen d'un foie de canard alimenté sans gavage est de 76 grammes et contient 6,6% de graisse. Le poids moyen d'un foie de canard gavé varie entre 550 et 982 grammes, pour une teneur en graisse de 55,8%. 5. La nécessité de tenir les oies et les canards en cage pendant le période de gavage. Durant la phase d'alimentation forcée, les oies et les canards sont maintenus en cages individuelles pour faciliter l'administration de nourriture et éviter tout mouvement qui leur permettrait de brûler des calories. Les cages limitent toutefois de manière drastique la liberté de mouvement des animaux et empêchent les oiseaux de manifester leur comportement naturel (tourner sur eux-mêmes et battre des ailes), essentiel pour la santé physique et psychologique de l'animal. Les oies comme les canards sont des animaux curieux et sociables et, à l'état sauvage, ils passent la majeure partie de leur temps à explorer leur environnement et à chercher de la nourriture. En tant qu'oiseaux aquatiques, ces animaux sont naturellement poussés à rechercher l'eau pour patauger et nager… comportement qu’une cage rend absolument impossible. 6. Le gavage augmente la mortalité des animaux. Les oies et canards soumis au gavage meurent de différentes causes. Leur halètement continu en est le témoignage le plus évident : ils cherchent à abaisser leur température corporelle, augmentée par leur alimentation. Chez les animaux gavés, le taux de mortalité varie entre 0,5% et 2%, tandis ce chiffre tombe à environ 0,1% chez les animaux alimentés correctement. Il s'agit d'un taux de mortalité de quatre à vingt fois supérieur. Les principales causes de mortalité sont : lésions de la gorge, insuffisance hépatique et stress dû à la chaleur (tous sont des effets liés à la pratique du gavage). Mais les effets du gavage peuvent aussi être : vomissements, asphyxies, convulsions, crises cardiaques, cirrhose, becs coupés pour éviter tout obstacle à l'introduction de l'embuc, saignement des narines. La violence propre à la production de foie gras atteint aujourd'hui le domaine public. De nombreux états en ont interdit la production (la Californie en interdit même la vente depuis le 10 juillet 2012), des associations et des individus en condamnent de plus en plus la production et la consommation. Chaque année, dans le monde, environ 37 millions de canards et environ 700 000 oies sont élevés pour la production de foie gras, mais la pratique du gavage n'est pas autorisée dans tous les pays. La production de foie gras par gavage est interdite depuis 2007 dans les 29 pays ayant ratifié le Convention européenne pour la protection des animaux dans les élevages, à l'exception des pays où "elle constitue une pratique commune" (France, Espagne, Bulgarie, Hongrie et Belgique). La cruauté de cette pratique a entrainé l’interdiction de l'alimentation forcée en Californie, Israël, Argentine et Pologne (cette dernière en 1999, avant même d'entrer dans l'Europe). En Europe, l'importation et la distribution du foie gras reste autorisée en vertu du principe d'anti-protectionnisme, empêchant de bloquer l'importation d'un produit. En 2002, la FAO s'est déclarée contre la pratique du gavage, en déclarant que la production de foie gras "expose les producteurs à de sérieuses questions de protection du bien-être des animaux".1 1 FAO (2002) Production des oies. Étude FAO production et santé annimales 154, chapitre 11. Organisation des Nations Unies pour l’alimenation et l’agriculture. http://www.fao.org/docrep/004/y4359f/y4359f0e.htm#bm14 Le produit a été banni par : Amazon, le plus grand site mondial de commerce en ligne ; Coop Italia, la plus grande association de coopératives de grande distribution en Italie ; Coop Suisse, le second opérateur de la grande distribution helvétique ; le Salon international de l'alimentation (Anuga) de Cologne en Allemagne et la Chambre des Lords en Angleterre. Aucun autre aliment ne divise autant que le foie gras : c'est un exemple écrasant de gratuité. La gratuité de la douleur, de la souffrance asservie au plaisir de quelques riches gourmets. Il s’agit en effet d’un aliment élitiste, coûteux et luxueux. Le foie gras est sans aucun doute un fleuron de la tradition gastronomique de certains pays, la France en tête, et notre association combat, par de nombreux projets, pour la défense des traditions gastronomiques, la souveraineté alimentaire et le respect des cultures locales ; mais notre action est aussi tournée vers l'affirmation d'une nourriture "bonne, propre et juste" où ces trois éléments ont la même importance. Le foie gras est certainement bon, dans certains (rares) cas, il peut être obtenu par des méthodes de production propres, mais il n'est certainement pas juste. Il n'est pas juste par le simple fait que Slow Food intègre aussi la Nature, sous ses nombreux aspects, dans son champ d'action. Les animaux constituent une partie importante de cette Nature dans laquelle nous sommes immergés et un élément important de son équilibre. La solidarité envers d’autres êtres sensibles implique aussi le respect des animaux et une certaine attention à leur bienêtre, y compris lorsque ces derniers nourrissent bon nombre d'entre nous. Nous devons renoncer à un aliment facteur de souffrances inutiles et insignifiant à l’échelle nutritionnelle, même s'il fait partie de notre culture. La culture n'est pas un axiome inébranlable. Les cultures évoluent et, on l’espère, toujours dans un sens progressiste. Trouvons le courage de bannir ce produit et d'autres présentant les mêmes caractéristiques. La prise en compe de la souffrance des animaux, qui ne doit jamais être inutile, mérite tout autant notre considération.