Tourisme et spiritueux en Écosse : Le cas du Scotch whisky
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Tourisme et spiritueux en Écosse : Le cas du Scotch whisky
MASTER TOURISME ET HÔTELLERIE Parcours « Management des Industries du Tourisme» MÉMOIRE DE PREMIÈRE ANNÉE Tourisme et spiritueux en Écosse : Le cas du Scotch whisky et des classes moyennes émergentes chinoises Présenté par : Anne-Sophie BIGOT Année universitaire : 2013 - 2014 Sous la direction de : Danielle CORNOT REMERCIEMENTS Je tiens tout d'abord à remercier ma maître de mémoire, Danielle Cornot, pour son professionnalisme, son écoute, sa patience, son soutien et ses précieux conseils m'ayant permis d'aller jusqu'au bout de ce travail. Je souhaite également exprimer toute ma gratitude envers les diverses personnes ayant participé à l'élaboration de ce mémoire, que ce soit par le biais de conseils, souvent pertinents, ou encore de relectures. Je remercie ainsi mes proches, amis comme famille pour le temps qu'ils ont su m'accorder. Finalement, mes remerciements s'adressent à toute l'équipe pédagogique de l'ISTHIA pour leur engagement auprès des étudiants ainsi que pour l'enseignement dispensé qui m'a permis d'acquérir les outils méthodologiques nécessaires à la construction de ce travail. « L'ISTHIA de l'Université de Toulouse II - Le Mirail n'entend donner aucune approbation, ni improbation dans les projets tutorés et mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur(e).» SOMMAIRE INTRODUCTION 6 PARTIE 1 Tourisme et spiritueux 8 Chapitre 1 Spiritourisme et territoire écossais 11 Chapitre 2 Tourisme émetteur chinois et essor du spiritourisme 28 PARTIE 2 Stratégies de développement 40 Chapitre 1 Acteurs, structures et formats 43 Chapitre 2 Nouvelles tendances et pratiques touristiques chinoises 56 PARTIE 3 Étude comparative Chapitre 1 Deux régions concurrentes : le Speyside et la Côte Ouest écossaise 77 80 Chapitre 2 Mise en place d'un outil de recherche 98 CONCLUSION 104 INTRODUCTION Bien qu'il s'agisse d'une pratique encore peu connue et relativement récente en France, le spiritourisme représente depuis de nombreuses années un levier économique d'envergure pour des pays producteurs tels que l'Irlande, les États-Unis ou encore le Japon. L'Écosse représente ainsi l'un des grands pays fondateurs de ce type de tourisme thématique se situant à la croisée de différentes pratiques touristiques allant du tourisme de découverte économique au tourisme culturel en passant par le tourisme gastronomique. Cette tendance n'a évidemment pas échappé à l'aire asiatique puisque la proportion de touristes chinois à venir découvrir le whisky écossais est en perpétuelle augmentation et représente désormais un véritable enjeu stratégique pour la région. Le secteur doit donc être en mesure d'accueillir mais surtout de satisfaire ce nouveau type de clientèle qui représente à l'heure actuelle le marché le plus profitable en termes de profit économique. Il s'agit en effet d'une clientèle particulièrement exigeante possédant un comportement touristique et des attentes bien spécifiques. Nous parlons ici d'un nouveau type de clientèle puisque la pratique du tourisme reste un phénomène en perpétuelle mutation, encore récent en Chine, et particulièrement en ce qui concerne la destination Écosse, ouverte au tourisme chinois depuis moins de dix ans (2005). Une décennie qui a vu naître l'émergence de nouvelles classes moyennes chinoises disposant d'un pouvoir d'achat conséquent mais surtout de l'envie de voyager. Certaines régions écossaises qui ne bénéficient pas d'une attractivité marquée à l'international désirent particulièrement marquer leur positionnement spiritouristique afin d'attirer ces nouveaux voyageurs avides d'expériences uniques. 6 Cela nous a amené à nous poser la question de l'adaptabilité du secteur spiritouristique écossais autour de la problématique suivante : « Comment les acteurs du spiritourisme en Écosse envisagent-ils leur stratégie de développement afin de satisfaire les nouvelles classes moyennes chinoises : le cas du whisky. » Il s'agira dans un premier temps de poser les bases relatives à ce sujet en définissant diverses notions clefs composant notre champ d'étude. Ainsi, notre première partie permettra de construire les fondations de notre recherche en y amenant un contexte à la fois géographique, culturel mais également historique, qui permettra de faire le lien entre divers univers. Une fois les bases théoriques posées, nous analyserons plus spécifiquement la nomenclature du secteur spiritouristique écossais en étudiant le réseau d'acteurs ainsi que l'offre touristique associée. Nous verrons par la suite comment ces acteurs parviennent à satisfaire une clientèle chinoise en quête d'expériences en analysant les tendances de ce nouveau marché et les réponses fournies par le secteur spiritouristique écossais. Enfin, nous étudierons deux régions écossaises spécifiques, le Speyside et la Côte Ouest écossaise. Il s'agit de deux territoires particulièrement dynamiques proposant une offre touristique liée à la découverte du whisky. Nous verrons comment malgré un produit innovant et authentique, ces deux régions ne parviennent guère à attirer les flux de touristes chinois qui arrivent pourtant de plus en plus nombreux en Écosse. Il s'agira par conséquent de mettre en place un outil méthodologique de recherche afin de comprendre les raisons de ce problème et de permettre à ces régions d'élaborer une stratégie d'amélioration. 7 PARTIE 1 TOURISME ET SPIRITUEUX « Scotch whisky is this country’s fastest growing export and the great thing about whisky is that it is also a fantastic advert for Scotland. It’s a high quality product which promotes Scotland as a quality tourist destination to people all round the world » Steve Blake – DIAGEO 8 INTRODUCTION Cette première partie aura pour but de définir les bases de notre travail de recherche. Il s'agira ainsi d'un socle explicatif et introductif qui permettra d'établir un état des lieux de nos différents champs d'étude en essayant de lier ces univers, qui au premier abord pourraient sembler très éloignés. Cette première étape permettra ainsi de définir certaines notions clefs et d'aborder notre objet d'étude sous différents angles que ce soit d'un point de vue économique, historique ou encore sociologique. Dans un premier temps, nous tenterons de comprendre comment l'Écosse a réussi à se distinguer en tant que destination de choix auprès des spiritouristes du monde entier. Il s'agira ainsi de présenter les spécificités du tourisme de découverte du whisky en Écosse en nous attardant sur les caractéristiques du produit, son évolution dans le temps et dans l'espace ainsi que sur la mise en tourisme du patrimoine immatériel que représente le savoir-faire des producteurs de whisky. Le spiritourisme représentant une tendance encore récente en Chine, nous analyserons ensuite l'évolution du tourisme émetteur chinois et tenterons d'appréhender le rapport de ces consommateurs au whisky, et particulièrement au Scotch whisky. 9 CHAPITRE 1 SPIRITOURISME ET TERRITOIRE ECOSSAIS L'ÉCOSSE, UN TERRITOIRE D'HISTOIRE ET D'HISTOIRES. 1 1.1 Situation géographique et climat L’Écosse fait partie du Royaume-Uni et occupe tout le tiers nord de la Grande-Bretagne. Le territoire possède une frontière avec l'Angleterre et est entouré de différentes mers : l'Océan Atlantique au nord et à l'ouest, la Mer du Nord à l'est et la Mer d'Irlande au sudouest. Le pays est ceinturé par près de 800 îles, dont 130 inhabitées, et compte 5 295 000 habitants. Bien qu'Édimbourg ait le statut de capitale et compte 450 000 habitants, la ville la plus importante en terme de population se trouve en réalité être Glasgow avec ses 642 000 âmes. Le pays s'étend sur une superficie de 78 782 km², ce qui représente environ 30 % de l'ensemble du Royaume-Uni. En ce qui concerne les reliefs, le point culminant d'Écosse s'avère être le mont Ben Nevis qui s'élève à 1 343 mètres d'altitude. Le milieu naturel écossais est en grande partie montagneux et se divise en trois zones : Les Highlands : hautes-terres du nord. Les Central Lowlands : basses-terres du centre. Les Southern Uplands : plateaux du sud. Les trois plus grands fleuves d'Écosse sont la Clyde, la Forth et la Tay. Par ailleurs, le pays est parsemé de vallées appelées « Glens » et formées au cours de l'ère glaciaire. Ces vallées sont souvent immergées et se forment alors des « lochs » (lacs) ou des fjords. Le plus grand loch d'Écosse se trouve être le Loch Lomond mais le plus connu reste incontestablement le Loch Ness. 10 Le climat de la région est de type océanique : les hivers y sont plutôt tempérés et les étés apportent leur lot de précipitations et de températures plutôt fraîches. Le temps écossais est relativement changeant, on a coutume de dire que l’on peut connaître les quatre saisons en une seule journée. 1.2 Population L'Écosse concentre moins de 10 % de la population totale du Royaume-Uni et sa densité moyenne est de 65 habitants/km². Cependant, il existe de grandes inégalités dans la répartition de la population. En effet, celle-ci se concentre dans certaines régions spécifiques, particulièrement dans la bande centrale longeant la vallée de la Forth et de la Clyde où la densité atteint par endroit 400 habitants/km². En revanche, la densité peut descendre jusqu'à 8 habitants/km² dans certaines zones des Highlands, plus difficiles d'accès. La part des minorités ethniques en Écosse est relativement faible, elle s'élève en effet à 1,25 % de la population totale. Ces minorités sont principalement d'origines chinoise, pakistanaise et indienne. 1.3 Situation politique Depuis l'Acte d'Union de 1707, L'Écosse fait partie de la Grande-Bretagne et se trouve être représentée à la Chambre des Communes ainsi qu'à la Chambres des Lords. La Reine Elizabeth II gouverne donc la région depuis 1952 au sein d'une démocratie parlementaire. Cependant, grâce à un référendum datant de 1997, l'Écosse dispose désormais de son propre parlement régional qui dispose de pouvoirs spécifiques. La question de l'indépendance de l'Écosse est actuellement revenue au coeur des débats dans la région puisqu'un référendum sur le sujet doit se tenir en septembre 2014. 1.4 Situation économique Traditionnellement, les deux piliers de l'économie écossaise étaient l'agriculture et les industries lourdes (ressources minières). Cependant, après une profonde crise de ces suscitées industries dans les années 1970, l'Écosse a su rebondir, en partie grâce au 11 développement de l'industrie pétrolière. Par ailleurs, d'autres secteurs permettent au pays de s'assurer une meilleure croissance que sa grande sœur anglaise : le textile, la pêche (salmoniculture), l'élevage, les télécommunications, le commerce ou encore les loisirs sont ainsi devenus d'importants leviers économiques. Le PIB écossais s’élève à 90 milliards de dollars et son PIB par habitant se chiffre à 18 000 dollars. Le tourisme représente 3 % de l'économie écossaise. Il s'agit d'un secteur d'activité dynamique et en perpétuelle croissance qui se trouve au cœur des préoccupations actuelles du gouvernement écossais. 1.5 Langues Bien que l'Anglais reste la langue officielle de l'Écosse, on y parle également deux autres dialectes : le Gaélique et le « Braid Scots ». Le Gaélique écossais possède un statut spécial de langue protégée (Local Scotland Act de 1997) mais n'est cependant pas reconnu par le parlement britannique ni par le parlement écossais. La connaissance de cette langue devient malgré tout un avantage indéniable dans le domaine du tourisme. 1.6 Culture L'Écosse fait état d'une culture très riche dans divers domaines allant de la musique à la littérature en passant par le sport et la cuisine. En effet, la musique écossaise traditionnelle qui utilise des instruments celtiques tels que la cornemuse fait partie intégrante de la culture du pays. Par ailleurs, L'Écosse a vu naître divers grands auteurs et poètes tels que Robert Burns ou le non moins fameux Sir Arthur Conan Doyle, créateur du personnage de Sherlock Holmes. Il est également de notoriété publique que c'est à Édimbourg que l'auteure de la saga Harry Potter, J.K Rolling, a trouvé l'inspiration. En outre, la pratique du golf comme celle du rugby sont des institutions en Écosse. Le pays accueille d'ailleurs la Ryder Cup en 2014 où se rencontreront tous les meilleurs joueurs de golf mondiaux. 12 Finalement, les traditions culinaires écossaises sont tout aussi riches et mettent en avant certains produits phares tels que le haggis, composé d'abats d'agneaux, de farine d'avoine et d'épices, le cranachan, les biscuits shortbreads, le bœuf d'Aberdeen et évidemment en ce qui concerne les boissons, impossible de passer à côté de la tradition qui entoure la dégustation de thé et de whisky. L'Écosse est un territoire au passé historique très fort, et même si les divers « clans » qui régissaient le pays jusqu'au XVIIIe siècle ont désormais disparu, leur mémoire reste intacte et le pays possède nombre de joyaux architecturaux encore debout parmi lesquels un nombre pléthorique de châteaux bercés par les légendes. En somme, l'Écosse est une terre d'Histoire et d'histoires, ce qui en fait un pays particulièrement attractif pour les touristes du monde entier. Le guide Lonely Planet vient d'ailleurs de classer la région en troisième position des endroits à visiter en 2014. 1 2 UN PRODUIT CULTUREL FORT : LE WHISKY 2.1 Brève histoire du Scotch Whisky Aujourd'hui, le whisky se classe comme le spiritueux le plus populaire au monde. Il est ainsi devenu un produit familier, connu jusque dans les régions les plus reculées de la planète. Son origine remonterait au Xe siècle et serait le produit de l'invention d'alchimistes arabes qui auraient découvert à ce moment là le processus de distillation de l'alcool dans le but de créer des cosmétiques et autres parfums. Le mot « alcool » serait même directement dérivé du terme « al kuhul » qui désigne le mot « khôl », un produit de maquillage pour les yeux, originellement utilisé par les égyptiens. Cependant, les arabes ne consommaient pas cet alcool et son utilisation en tant que boisson s'est popularisée en Europe grâce aux Maures. C'est ainsi qu'à partir du XIIe siècle les populations commencèrent à distiller des spiritueux à partir de raisin, de céréales, de fruits ou de légumes. Informations tirées de différents ouvrages thématiques, atlas et guides touristiques. 1 13 A cette époque, la plupart des producteurs de spiritueux étaient en grande partie des moines ou des lettrés. La première « aqua vitae » (eau de vie) produite à partir d'orge fermentée serait attribuée à des moines irlandais et aurait été produite aux environs du XI e ou XIIe siècle. Les nombreux échanges entre l'Irlande et L'Écosse à cette période auraient permis au spiritueux de gagner le territoire écossais et de s'y développer. La première référence écrite au whisky date de 1494 et indique que la pratique de la distillation était déjà largement établie au XVe siècle : « eight balls of malt to Friar John Cor wherewith to make aquavitae », formule présente dans les rouleaux de l'Échiquier2, fait ainsi état de la quantité de malt nécessaire pour produire presque 1500 bouteilles. A cette époque, le whisky était plutôt consommé pour ses vertus médicinales, d'où le terme « eau de vie ». Le terme gaélique pour « eau de vie » se trouve être « uisge beatha », qui deviendra progressivement « ooshki » puis « whisky ». On raconte que le whisky était consommé par les écossais vivant en milieu rural dès leur plus jeune âge et jusqu'à leur dernier souffle (« from the cradle to the grave » traduction : « du berceau à la tombe ») en tant que traitement médical. Par ailleurs, le whisky servait de produit de substitution à l'eau qui n'était alors pas consommable. Le whisky faisait à cette époque partie intégrante de la vie des Ecossais. Il était consommé en société de manière déjà très codifiée. En effet, les hommes avaient pour coutume de se rassembler autour d'une table, et chacun son tour, ils versaient le contenu du fût dans chacun des verres disposés sur la table. Il est probable que le terme « round » (tournée) utilisé aujourd'hui dans les pubs écossais puise son origine dans cette coutume ancestrale. Au cours du XVIe siècle, la distillation de whisky était devenue aussi populaire que la production de bière et la grande majorité des agriculteurs locaux tiraient ainsi partie de leur récolte d'orge et d'avoine. De plus, le climat difficile du territoire écossais ne permettait guère le stockage des récoltes. Les déchets générés par le processus de distillation servaient de nourriture pour le bétail, ce qui est toujours le cas aujourd'hui. L’Échiquier constituait dans le duché de Normandie puis dans le royaume d'Angleterre (dont le nom sera traduit par Exchequer en anglais), l'équivalent de la Chambre des comptes des autres royaumes et principautés. 2 14 Depuis ses origines, le whisky a été sujet à de nombreuses taxations, dès 1644 et ce jusqu'en 1823, date de sa reconnaissance officielle. Durant toutes ces années, les « excisemen », autrement dit les agents du fisc, ont lutté contre la distillation clandestine. Aujourd'hui encore, pas une goutte du précieux spiritueux n'échappe aux contrôles très stricts menés par les services fiscaux. Les taxes pratiquées en Grande-Bretagne sur le scotch atteignent 67 % du prix total. Vers la fin du XVIIIe siècle, la production de whisky entame sa mutation, passant d'une production destinée à un usage privé à une production destinée à un usage commercial. Ce changement de perspective est en partie dû à la modernisation des techniques agricoles ainsi qu'au développement des axes de communication (routes). De nombreuses distilleries voient alors le jour dans diverses régions écossaises et le whisky devient ainsi un produit de consommation courante.3 2.2 Processus de fabrication du whisky La fabrication de whisky de malt nécessite trois ingrédients principaux : l'orge, l'eau et la levure. Selon Jean-Marie Putz, le processus passe par différentes étapes : le maltage : processus qui permet de convertir l'orge en malt. le brassage : processus qui permet de produire ce qu'on appelle le « mout » (liquide sucré) à partir du malt moulu/broyé. la fermentation : processus qui permet de produire ce qu'on appelle le « brassin » grâce à l'introduction de la levure au mout. la distillation : processus qui permet de fortifier et de purifier le brassin précédemment obtenu. Le whisky de malt est distillé deux fois dans de grands alambics. le vieillissement : effectué en fût de chêne, il s'agit du processus qui permet de transformer le spiritueux cru en whisky.4 The History of Scotch Whisky, disponible sur http://www.uisge.com/wt/history.html, (consulté le 24/01/2014) Fabrication du whisky, disponible sur http://www.whisky-distilleries.info/Fabrication.shtml, (consulté le 24/01/2014) 3 4 15 2.3 Typologie du whisky Afin de mieux comprendre notre objet d'étude, il est important de faire la distinction entre les différents whiskies commercialisés aujourd'hui dans le monde. En effet, il n'existe pas une seule sorte de whisky mais différents types qui varient selon leur procédés de production, les ingrédients utilisés pour leur fabrication ou encore leur origine territoriale. a) Le blended (ou blend) : ce sont les plus communs, il s'agit d'un assemblage de divers « whiskies de malt » avec des « whiskies de grain ». Une bouteille de blended peut contenir jusqu'à 50 whiskies différents. Ce type de whisky naît au cours du XIX e siècle grâce à la distillerie écossaise Glenlivet et il s'agit désormais du whisky le plus consommé au monde car le moins onéreux (à la fabrication comme à l'achat). b) Le pure malt (ou vatted malt) : Là encore il s'agit d'un mélange de différents whiskies provenant de diverses distilleries, mais uniquement de « whiskies de malt ». Le pure malt permet aux professionnels de l'assemblage de créer des produits au caractère unique. c) Le single malt : il s'agit du produit d'une seule et unique distillerie. Concurrencé par le blended durant de nombreuses années pour des raisons économiques, il réapparaît sur le devant de la scène dans les années 1960 suite à une initiative de la distillerie Glenfiddich. Il est désormais le produit star des distilleries écossaises. d) Le whisky de grain : Il s'agit d'un whisky produit à partir de différentes céréales : maïs, seigle, avoine, blé, orge... Le whisky de grain n'est distillé qu'une seule fois, il possède par conséquent un goût très peu marqué et n'est donc presque qu'essentiellement utilisé pour la fabrication de blended. 2.4 Les spécificités du Scotch Whisky En réalité, le terme « whisky » ne devrait s'appliquer qu'aux whiskies canadiens et japonais. En effet, pour les productions écossaises, irlandaises et américaines, il existe 16 des termes spécifiques strictement réglementés par des lois. Nous nous attarderons ici uniquement sur les spécificités du whisky écossais. Tout d'abord, afin de pouvoir s'octroyer l'appellation de « Scotch Whisky », le spiritueux doit impérativement être produit et vieilli sur le territoire écossais. Il devra également posséder un degré d'alcool supérieur à 40° et faire l'objet d'un vieillissement en fût de chêne pour une durée minimale de trois ans. Par ailleurs, le whisky de malt écossais est uniquement issu d'orge maltée séchée au feu de tourbe. Une loi du 28 juin 1988 promulguée par le Parlement britannique réglemente l'appellation « Scotch Whisky », il s'agit du « Scotch Whisky Act ». Son nom exact est : “An Act to make provision as to the definition of Scotch whisky and as to the production and sale of whisky; and for connected purposes” Cette loi a été remplacée quelques années plus tard par une nouvelle appelée « Scotch Whisky Regulations 2009 » et entrée en vigueur le 23 novembre 2009. La loi précédente se contentait de réglementer la production de Scotch Whisky alors que cette dernière vient également encadrer l'étiquetage, la promotion et l'emballage du spiritueux. Par ailleurs, la Scotch Whisky Association a mis en place une classification du Scotch whisky comprenant cinq appellations : Single Malt Scotch Whisky Single Grain Scotch Whisky Blended Scotch Whisky Blended Malt Scotch Whisky Blended Grain Scotch Whisky 17 2.5 Les différentes régions de production Tout comme les vins qui possèdent des caractéristiques différentes selon leur origine territoriale, les whiskies d'Écosse propose une large palette de saveurs selon leur région de production. Connaître l'origine géographique d'un whisky écossais permet de se faire une idée quant à son style, ses caractéristiques et même sa qualité. Selon Euan Mitchell (A wee guide to whisky, pages 25 à 28), le territoire écossais se divise ainsi en cinq zones majeures : Figure 1: Une division en cinq régions (WHISKIESOFSCOTLAND.COM) a) Les Lowlands (basses-terres) : La région recouvre le tiers sud du pays, il s'agit du territoire au sud de la ligne imaginaire reliant Dumbarton à Dundee. Il existe un nombre très restreint de distilleries encore ouvertes dans cette zone mais une des plus connues reste Glenkinchie, située au sud-est d'Edimbourg. Les malts produits dans la région des Lowlands sont de loin les plus légers en goût mais sont néanmoins très fins voire subtiles. 18 b) Les Highlands (hautes-terres) : Cette zone recouvre la partie au nord de la ligne Dumbarton-Dundee mis à part Campbeltown, la région du Speyside et celle des îles. Les malts distillés dans cette région sont plus forts en goût. Certains sont légers mais d'autres sont plus fruités, plus riches. Par ailleurs, la région compte un certain nombre de distilleries installées en bord de mer, ce qui confère au whisky produit un goût particulier, marin. Parmi les distilleries que compte la région, on peut citer de célèbres noms comme Glenmorangie ou encore Glengoyne. c) Campbeltown : Il s'agit de la plus petite des régions de production de whisky. La ville de Campbeltown se situe au sud-ouest du pays. Malgré le peu de distilleries toujours en activité aujourd'hui, au cours des XVIII et XIX siècles, la zone comprenait une trentaine de distilleries et était alors la région productrice la plus importante d'Écosse. Cependant, les trois distilleries restantes proposent des whiskies fruités caractérisés par leur goût marin. d) La région du Speyside : Il s'agit de la région qui regroupe actuellement le plus grand nombre de distilleries en Écosse, environ une quarantaine. Le whisky qui y est fabriqué est souvent décrit comme le plus élégant et le plus complexe des malts. Sa palette de saveurs est très étendue allant d'un malt subtil et léger à un whisky plus riche aux saveurs de noisette. e) Islay et les îles : l'île de Islay compte huit distilleries encore en activité. Le whisky produit possède tour à tour un fort parfum iodé grâce à l'air marin, un goût tourbé voire fumé ou encore une saveur presque poivrée. D'autres îles comme l'île de Skye, celle du Jura, d'Arran ou encore d'Orkney proposent divers produits allant d'un malt léger à des whiskies plus riches en passant par des produits très fruités. 19 3 WHISKY ET TOURISME 3.1 Qu'est-ce que le spiritourisme ? 3.1.1 Définition du terme « spiritueux » Le terme « spiritueux » est issu du latin « spiritus » et renvoie au produit de la distillation. Il s'agissait alors de « l'âme » du produit. On fait ainsi la distinction entre les boissons issues d'un processus de distillation et/ou de macération et les boissons fermentées comme la bière ou le vin. Par ailleurs, le degré d'alcool minimal d'un spiritueux a été établi à 15°. Bien que très populaire, le terme « alcool fort » n'est donc pas réellement adapté pour décrire les spiritueux. Ces derniers se divisent en deux grandes catégories : les boissons spiritueuses « simples » ou « eaux de vie » dont le goût provient uniquement de la distillation. les boissons spiritueuses « composées » dont le goût résulte de l'ajout d'une substance nouvelle à un alcool neutre ou à une eau de vie.5 3.1.2 Tourisme et spiritueux : un nouveau type de tourisme thématique Partir à la découverte des entreprises productrices de spiritueux c'est redécouvrir un patrimoine immatériel constitué de savoir-faire ancestraux, de procédés de fabrication uniques et de métiers parfois oubliés. Si l'activité existe déjà depuis de nombreuses années dans des pays producteurs tels que l'Irlande, les États-Unis ou encore le Canada, elle représente un nouvel engouement en France et le terme « spiritourisme » est donc totalement nouveau. C'est la Fédération Française des Spiritueux, un syndicat professionnel composé de PME et fondé en 1996, qui a su tirer parti du nouvel essor de ce type de tourisme, particulièrement tendance depuis quelques années en France, pour Découvrez les spiritueux, disponible sur http://www.spiritueux.fr/mieux-connaitre-les-spiritueux-p-70.html (consulté le 18/01/2014) 5 20 déclarer 2013 « année officielle du spiritourisme ». Le lancement d'un site web éponyme et de pages Facebook et Twitter ont permis à l'activité de se développer encore davantage et les entreprises partenaires (une centaine aujourd'hui ouvertes au public) ont ainsi accueilli plus d'un million de touristes en 2013. Le PDG de la fédération, Jean-Pierre Cointreau défend cette « création d’activité permanente qui permet de communiquer sur un produit en maintenant son ancrage dans son pays d’origine. Le premier impact est avant tout en interne : un tel site rend fier le personnel qui aime expliquer un métier et un produit à l’extérieur, et le deuxième impact est régional : il permet de parler en positif d’un produit local. Il s’agit d’abord de communiquer et d’éduquer. Mais c’est aussi un centre de profits complémentaire et un laboratoire pour tester de nouveaux produits ou des séries spéciales »6 Contraction des termes « spiritueux » et « tourisme », le spiritourisme est donc une façon de combiner tourisme et gastronomie à l'occasion de visites des lieux de fabrication de ces boissons parfois méconnues. Par ailleurs, le spiritourisme, à l'instar de son ainé (l'oenotourisme), se situerait au croisement de plusieurs disciplines allant du tourisme de découverte économique7 au tourisme gastronomique en passant par le tourisme culturel. Cependant, certains acteurs du secteur refusent cette définition du spiritourisme comme offre purement économique : « Nous sommes plus dans une offre à caractère culturelle qu’économique, parce que nos métiers sont proches des métiers d’artisanat et d’art. La population qui vient visiter nos installations est très comparable à celle qui visiterait une ferronnerie d’art par exemple. » Vincent Boulard, dirigeant des Calvados Boulard, Lecompte et Père Magloire. Si l'appellation est nouvelle en France, la pratique est néanmoins plus ancienne, puisque la distillerie française de la Verveine de Velay a ouvert ses portes au public dès 1997. En 2001, le Cassissium a permis aux visiteurs de découvrir le Cassis de Bourgogne8. Cependant, l'initiative réellement pionnière se trouve être « Le Printemps des Liqueurs », un week-end d'animations au sein des sites de production, organisé tous les deux ans depuis 2005. Spiritourisme en chemin, disponible sur http://www.larvi.com/point-de-vue/2462-spiritourisme-en-chemin (consulté le 22/01/2014) 7 Le tourisme de découverte économique se définit par la visite de sites possédant un savoir-faire spécifique appartenant au passé, au présent ou à l'avenir. 8 Spiritourisme, disponible sur http://www.renaud-cointreau.com/spiritourisme (consulté le 22/01/2014) 6 21 Cependant, si la France ne l’a découvert que récemment, Il s'agit dans d'autres pays d'une tendance déjà bien ancrée dans le paysage touristique. En effet, les distilleries écossaises sont désormais des lieux de passage incontournables lors d'une escapade en terre celte. Ainsi, plusieurs distilleries ont commencé à organiser des visites de leurs locaux dans les années 1960 mais c'est la distillerie de Glenfiddich qui, la première, a mis en place son propre « visitor centre » (centre d'accueil de visiteurs) en 1969. Les années qui suivirent furent le témoin d'une importante croissance pour ce type de tourisme, attirant aussi bien les touristes voyageant seuls que les groupes faisant partie de voyages organisés. A l'horizon 1992, trente distilleries ouvertes au public avaient accueilli un total de 1.14 millions de visiteurs. Depuis cette époque, ce type de tourisme a encore pris de l'ampleur et s'est érigé en tant que pierre angulaire du secteur touristique écossais. Par ailleurs, le spiritourisme a permis la visibilité et le développement économique de certaines régions rurales particulièrement enclavées. Depuis 2010, 52 distilleries sont ouvertes au public et possèdent leur propre centre d'accueil de visiteurs. Le spiritourisme se situe désormais entre tradition et innovation et répond à un besoin d'authenticité, de naturel et de découverte du patrimoine. 3.1.3 Une visite plus ou moins classique Une visite typique d'une distillerie de whisky dure approximativement une quarantaine de minutes et ne nécessite généralement aucune pré-réservation. Les visiteurs, rassemblés par groupes allant jusqu'à 25 personnes, sont reçus par un guide qui leur fait faire le tour de la distillerie à travers les cinq grandes étapes de fabrication du whisky. Généralement, pendant ou après la visite, chaque visiteur se voit verser un échantillon du célèbre spiritueux pour une initiation à la dégustation. Certaines distilleries organisent ces visites gratuitement mais la plupart d’entre elles font payer l'entrée entre 3£ et 10£. Des options plus onéreuses incluent souvent des bons d'achat à valoir dans la boutique de la distillerie ou une dégustation plus complète. Ce schéma classique est celui le plus répandu, cependant, depuis quelques années, les distilleries essayent d'attirer davantage de touristes en changeant leur stratégie : le touriste n'est plus ce visiteur passif s'abreuvant des mots de son guide, il devient désormais acteur de sa propre visite. 22 Aujourd'hui, les distilleries rivalisent d'imagination pour proposer de nouveaux programmes au-delà des simples visites des lieux. Ces initiatives vont de l'organisation de masterclasses à la possibilité d'embouteiller son propre whisky en passant par la fabrication de son propre blend personnalisé. 3.2 Poids du tourisme lié au whisky en Écosse 3.2.1 Le whisky à la conquête de la planète Au cours de ces 150 dernières années, le Scotch whisky a su conquérir la planète comme aucun autre spiritueux. Selon Charles Maclean (Whisky year book 2014, pages 16 à 23), jusqu'au XIXe siècle, le Scotch était essentiellement consommé par les classes laborieuses. De plus, son homologue irlandais était plus populaire de par sa palette aromatique et sa régularité, en opposition aux whiskies écossais dont le goût changeait d'une distillerie à une autre et même d'un fût à un autre. Afin de pouvoir développer le marché du Scotch whisky, il fut nécessaire de mélanger différents whiskies de malt et whiskies de grain afin de créer un nouveau produit qu'il était possible de contrôler, de doser et dont on pouvait choisir les arômes : un produit cohérent, régulier. La conception d'un tel produit permettait ainsi sa promotion et sa commercialisation. Le challenge pour les producteurs de l'époque était alors de faire du Scotch Whisky un produit exportable et respectable. La loi sur les spiritueux de 1860 autorisant l'assemblage des whiskies de malt et des whiskies de grain fut un tournant majeur pour l'industrie et permit aux exportations de Scotch whisky de connaître une croissance exponentielle en termes de volume. Au cours des années 1880, toutes les plus grandes entreprises productrices de whisky ouvrirent des bureaux à Londres et dans d'autres grandes villes anglaises et commencèrent à vouloir étendre leur influence au-delà du Royaume-Uni. Durant cette période de colonisation, les entreprises écossaises jouèrent un rôle central en mettant en place d'importants réseaux de communication de l'Australie à Hong Kong 23 en passant par le territoire africain et l'Amérique. A cette époque, l'empire britannique se trouvait être l'entité commerciale la plus puissante de la planète. L'émigration et les services militaires furent des facteurs importants dans le développement du Scotch whisky dans le monde, notamment grâce aux expatriés britanniques. En effet, ces derniers commencèrent à faire importer des produits de consommation courante qui leur étaient familiers et nombre d'entreprises productrices de whisky tirèrent profit de ces réseaux. John Walker & Sons devint rapidement l'entreprise la plus dynamique et la plus rentable de l'époque grâce à ses réseaux d'agents commerciaux déployés dans le monde entier pour vendre ses whiskies. Au vu de la réussite de la firme, on ne tarda pas à voir apparaître de nouveaux entrants et le marché devint vite très concurrentiel. Le « blend » (« assemblage ») devint alors un art très technique. En effet, il était nécessaire d'adapter le produit à chaque marché cible en fonction du palais des futurs acheteurs potentiels. C'est également à cette époque que les budgets en termes de publicité commencèrent à devenir de plus en plus importants et que de réelles stratégies commerciales commencèrent à voir le jour. Le Scotch Whisky était alors présent sur tous les continents et son expansion fut encore plus importante tout au long du XXe siècle jusqu'à aujourd'hui. Figure 2: Importations mondiales de Scotch whisky en valeur (QUARTZ - SCOTCH WHISKY ASSOCIATION) 24 3.2.2 Un produit vecteur de dynamisme économique Le Scotch Whisky est considéré, à juste titre, comme le produit « ambassadeur » de l'Écosse, permettant au pays de se distinguer au sein d'un marché touristique mondial hyperconcurrentiel où chaque territoire rivalise d'ingéniosité pour faire sa promotion et ainsi attirer le plus de touristes possible. En effet, chaque bouteille de Scotch vendue à travers le monde fait office de publicité pour le territoire écossais, mettant à l'honneur ses différents terroirs. Par ailleurs, si les touristes originaires de pays importateurs de Scotch whisky ont tendance à dépenser plus lorsqu'ils visitent l'Écosse, le tourisme lié au whisky permet également aux distilleries d'ajouter de la valeur à leur produit et ainsi de le vendre plus cher. Le prix moyen d'une bouteille de Scotch whisky exportée à l'étranger a ainsi augmenté de façon plus rapide dans les pays où le tourisme émetteur vers L'Écosse a également connu une croissance plus marquée. En ce sens, les industries du whisky et du tourisme se complètent afin de créer le parfait « blend ». « Scotch Whisky and tourism can be seen as the perfect blend and complement one another. » Campbell Evans – Scotch Whisky Association Une étude du cabinet 4-Consulting pour le compte de la Scotch Whisky Association datant de juillet 2011, a évalué le nombre de touristes ayant visité une ou plusieurs distilleries de whisky en 2010 à 1.3 million pour un montant total de dépenses estimé à 26.9 millions de livres Sterling. Figure 3 : Estimations du nombre de visiteurs et dépenses associées (4-CONSULTING) 25 Ainsi, en 2010, 86,1 % des visiteurs étaient des touristes extérieurs à l'Écosse (environ 9 sur 10) et 62,3 % extérieurs au Royaume-Uni. Par ailleurs, les centres d'accueil des visiteurs mis en place par les distilleries avaient permis de créer 640 emplois et d'injecter 30.4 millions de livres Sterling dans l'économie écossaise en 2010. Selon cette même étude, le whisky est le produit écossais le plus cité parmi les touristes étrangers, particulièrement par les touristes chinois. « Scotch whisky is an important part of Scottish culture and identity and has a wide role to play in attracting overseas tourism » Campbell Evans - SWA traduction : « Le Scotch Whisky représente une part importante de la culture et de l'identité de l'Écosse et possède ainsi un rôle essentiel à jouer quant à l'attraction des touristes étrangers » Le nombre de spiritouristes a fait l'objet d'une croissance exceptionnelle ces dernières années en ce qui concerne les marchés émergents, particulièrement ceux du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). En effet, en 2012, 82 000 visiteurs en provenance de ces régions ont visité le territoire écossais, une hausse de près de 30 % par rapport à l'année précédente.9 Cette croissance est en partie due aux efforts menés par Visitscotland, l'office de tourisme national, pour la promotion de l'Écosse sur les marchés émergents via de grandes campagnes sur les médias sociaux. Outre la visite des distilleries, nombres d'initiatives autour du Scotch ont vu le jour ces dernières années. Parmi celles-ci, les festivals sont par exemple une façon de combiner musique et whisky et d'attirer ainsi un public plus large. Le mois de mai a d'ailleurs était proclamé « whisky month » (mois du whisky) et de nombreux événements autour du célèbre spiritueux ont lieu à cette période de l'année. Finalement, Visitscotland a récemment lancé le projet « Homecoming Scotland 2014 » visant à faire la promotion du territoire écossais via un programme particulièrement riche d'activités et d'événements répartis tout le long de l'année. New type of tourists here for the malt and golf, disponible sur http://www.heraldscotland.com/news/home-news/newtype-of-tourists-here-for-the-malt-and-golf.21137115, consulté le 19/01/2014 9 26 CHAPITRE 2 TOURISME ÉMETTEUR CHINOIS ET SPIRITOURISME 1 CARACTERISTIQUES ET EVOLUTION Depuis 1978 les chiffres du tourisme émetteur chinois ne cessent de croître, la Chine est ainsi devenue un grand pays touristique mondial. En effet, selon l'Administration Nationale du Tourisme (ANT), les chiffres s'élèvent à 98.2 millions de visites en 2013 pour une croissance annuelle d'environ 18% par rapport à l'année précédente. 10 Ce marché représente donc de nombreuses opportunités pour les différents pays récepteurs qui se livrent depuis quelques années à une guerre commerciale féroce afin d'attirer les touristes chinois sur leur territoire. L’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) estimait le nombre de voyageurs chinois à plus de 100 millions en 2020, chiffre qui devrait finalement être dépassé en 2014. La croissance du tourisme émetteur chinois à l'international serait ainsi l'une des plus importantes au monde. 1.1 Des débuts timides : 1978 – 1996 Malgré l’amorcement d’une politique dite « d'ouverture » initiée dès 1978 par Deng Xiaoping qui était alors le plus haut dirigeant du pays, ce n’est en réalité qu’à partir de 1982 que les différents organes en charge du tourisme en Chine procèdent à la division de l'administration et de la gestion, conférant ainsi plus de pouvoir à l'Agence Nationale du Tourisme de Chine (ANTC). En 1984, le Conseil d'État approuve l'organisation de voyages vers Hong Kong et Macao pour les personnes s'y rendant pour des raisons de réunion familiale. Ces excursions sont alors entièrement gérées par l'ANTC et ses différentes branches. En décembre 1985, le Conseil des Affaires D'État, dans son « Plan National du Tourisme de 1986 à 2000 », définit officiellement le tourisme comme une activité économique à part entière. Les touristes chinois effectuent davantage de voyages à l'étranger, disponible sur http://french.peopledaily.com.cn/Tourisme/8516849.html (consulté le 23/01/2014) 10 27 A partir de 1987, les voyages vers les pays frontaliers et certains pays d'Asie du sud sont progressivement autorisés. En 1991 il était par exemple possible de visiter Singapour et la Malaisie ou encore la Thaïlande. 1.2 Les prémices d'un tourisme émetteur de masse : 1997 - 2003 Le 1er juillet 1997, « Des mesures provisoires concernant l'administration du tourisme extérieur à leurs propres frais» ont été conjointement promulguées par l'ANTC et le Ministère de la Sécurité Publique et furent approuvées par le Conseil d'État (GUO HAIFENG, Le comportement des touristes chinois en Europe, thèse de doctorat, université Paris 13). C'est à partir de cette décision que le tourisme émetteur chinois a pu faire l'objet d'un phénomène de démocratisation massive. Au 1er janvier 2002, on passe de 4 agences de voyages agrées par l'ANTC à 67. Par ailleurs, afin de développer le tourisme extérieur, en 1999, le gouvernement chinois met en place trois semaines de congés appelées « semaines d'or » (« 黄金周 » ou « Huangjinzhou »). Diverses mesures sont également prises en 2001, parmi lesquelles : Les ressortissants chinois n'auront plus besoin, à partir de 2002, d'être en possession d'une lettre d'invitation de la part du pays étranger où ils souhaitent se rendre. Dès 2002, des lignes internationales seront ouvertes dans les douze principaux aéroports du pays. Les formalités relatives aux demandes de passeports seront facilitées. Ces mesures ont ainsi permis au tourisme émetteur chinois de se démocratiser et de croître de façon significative. Toujours selon Guo Haifeng, le nombre de touristes émetteurs est passé de 5.32 millions de visites en 1997 à 28.85 millions en 2004, soit une croissance annuelle moyenne de près de 28 %. 28 1.2.1 Le système ADS Depuis 1997, le gouvernement chinois autorise ses ressortissants à voyager vers l'étranger si la destination choisie fait partie de la liste des « destinations touristiques approuvées ». Il s'agit d'accords bilatéraux entre la Chine et un pays étranger qui autorisent les voyageurs chinois à visiter le dit pays par le biais d'un voyage organisé, en groupe. Le système ADS (Approved Destination Status) permet ainsi au pays signataire de l'accord de promouvoir son territoire sur le marché chinois. Malgré l'augmentation du nombre de destinations approuvées, ce système restera un important frein à la croissance du tourisme émetteur chinois pendant de nombreuses années. Aujourd'hui, 146 pays à travers le monde ont signé cet accord, permettant ainsi aux touristes chinois de se rendre sur tous les continents. 1.3 L'avènement du tourisme émetteur chinois : 2004 - 2014 Outre l'urbanisation incessante de la Chine et l'accroissement des revenus, la progression fulgurante du nombre de visiteurs chinois à l'international apparaît comme la conséquence logique de divers facteurs : L’émergence de nouvelles classes moyennes L’appréciation du yuan L’ouverture du droit aux congés payés La promotion de nouvelles destinations L’importance de la part de salaire épargné 1.3.1 L’émergence de nouvelles classes moyennes « La Chine est de tradition une société agricole. Depuis cinquante ans, et surtout lors de ces vingt dernières années, la société chinoise a supporté de profonds changements, induits par le processus de transformation d’une société traditionnelle en une société moderne, d’une société agricole en une société industrielle, ainsi que par le processus de 29 conversion d’une économie planifiée en une économie de marché. Ces transformations s’expriment dans les changements de structure des classes sociales. Elles proviendraient d’abord de la baisse constante du nombre de travailleurs agricoles depuis 1978. En 1978, les paysans représentaient 67,4 % de la population active alors qu’en 1999, leur nombre ne représente plus que 44 %. « (Jérémie Descamps, le tourisme émetteur chinois, mémoire de maîtrise) Aujourd'hui, la classe moyenne chinoise représente une population particulièrement large et donc difficile à appréhender. En effet, il n'existe pas une classe moyenne chinoise mais plusieurs classes moyennes. Si l'on s'en tient aux critères classiques, 80 % de la population ferait partie de ces classes moyennes. Selon ATOUT FRANCE, ces critères sont les suivants : la possession d'une maison et d'une voiture une relative jeunesse un mode de vie urbain des habitudes de consommation moins conservatrices que la moyenne Cependant, cette entité peut se subdiviser en plusieurs sous-classes. Il est nécessaire de faire la distinction entre « classe moyenne traditionnelle », « classe moyenne supérieure » et « classe moyenne supérieure/aisée ». Classe moyenne « traditionnelle » chinoise Classe moyenne « supérieure » chinoise Classe moyenne « supérieure/aisée » Classe de revenu EUR 14 000 – 30 000 RMB 120 000 – 250 000 Ménages : Personnes : 24,0 millions 76,2 millions Classe de revenu EUR 18 000 – 36 000 RMB 150 000 – 300 000 Ménages : Personnes : 17,5 millions 55,3 millions Classe de revenu EUR 28 000 – 48 0000 RMB 200 000 – 400 000 Ménages : Personnes : 9,6 millions 30,3 millions Figure 4 : Une division en trois segments (ATOUT FRANCE) 30 Au vu des chiffres présentés dans le tableau ci-dessus, on s'aperçoit qu'il sera plus pertinent pour notre recherche de nous intéresser aux deuxième et troisième segments, ceux regroupant les classes moyennes supérieures/aisées. En effet, il s'agit d'une population qui possède « une grande capacité à consacrer une part de son revenu annuel pour le tourisme à l'extérieur de la Chine » (ATOUT FRANCE, analyse du potentiel touristique de la classe moyenne chinoise, publié en mai 2012) et possède un caractère homogène en termes d'habitudes de consommation. Toujours selon ATOUT FRANCE, il apparaît d'autant plus pertinent de s'intéresser à ce segment que le coût moyen d'un voyage vers l'Europe se chiffre entre 5300€ et 8300€ pour un voyage dit « standard ». Par ailleurs, selon une enquête auprès de 400 consommateurs réalisée par Roland Berger, le voyage arrive en troisième position des principales activités de loisirs (choisi par 61 % des répondants) de la classe moyenne supérieure/aisée chinoise. 85 % des répondants avaient l'intention d'effectuer au moins un voyage à l'étranger au cours des deux années suivant l'enquête. 1.3.2 L'appréciation du yuan « L'appréciation du Yuan a eu un effet secondaire étonnant : pour les touristes chinois, cela coûte désormais souvent moins cher de voyager vers des destinations exotiques à l'étranger que de se rendre sur les sites touristiques les plus populaires de Chine. »11 Ainsi, par exemple, pour un habitant de Shanghai souhaitant se rendre au soleil pendant quelques jours, il s'avérerait plus économique de partir au Sri Lanka plutôt qu'à Hainan (île située au sud-est de la Chine). Avoir des yuans en poche permet de voyager loin..., disponible sur http://french.peopledaily.com.cn/Tourisme/8424771.html, (consulté le 23/01/2014) 11 31 1.3.3 L’ouverture du droit aux congés payés Dans la continuité des trois semaines d'or mises en place à la fin des années 1990, le gouvernement chinois a élaboré diverses réformes dans le but de créer des congés payés permettant de dynamiser le secteur du tourisme à la fois domestique et extérieur. Ainsi, en 2007, la semaine d'or du 1er mai s'est vue remplacée par trois congés de trois jours. Ce changement ne permet néanmoins pas les longs déplacements à l'international, particulièrement chronophages en termes de temps de transport. En 2008, un congé payé flexible de 5 à 15 jours est donc mis en place par le gouvernement afin de promouvoir la croissance économique du pays et permettre aux chinois de disposer d'un temps de loisirs plus conséquent. 1.3.4 La promotion de nouvelles destinations Depuis 1997 et l'instauration du système ADS vu précédemment, les destinations touristiques approuvées par le gouvernement chinois sont passées d'un nombre restreint à une quantité pléthorique de possibilités. Afin d'attirer les touristes chinois qui représentent une cible particulièrement profitable, les signataires de l'accord peuvent faire leur promotion directement sur le marché chinois. Ainsi, ces dernières années, on a pu assister à une intensification des campagnes de publicité des pays récepteurs permettant une diversification de l'offre et des choix s'offrant aux consommateurs. Le tourisme émetteur chinois a ainsi connu une croissance proportionnelle à l'ajout de nouvelles destinations sur la liste ADS. Par ailleurs, en plus de procédures simplifiées pour l'obtention de visas, les destinations touristiques approuvées installent de plus en plus d'agences physiques en Chine et de nombreux forums et salons internationaux relatifs au tourisme sont organisés sur le territoire chinois. Par exemple, le WTF (World Travel Forum) représente un pont de communication essentiel entre les touristes chinois et les destinations étrangères. Le développement de nouvelles liaisons aériennes entre les villes chinoises (principales ou moyennes) et le reste du monde a également permis aux touristes chinois de se rendre vers de nouvelles destinations. 32 1.3.5 L’importance de la part de salaire épargné Les ménages chinois témoignent d'un des taux d'épargne les plus élevés de la planète. En effet, la part moyenne de salaire épargné s'élevait à 30 % en 2010 selon une enquête de l'INSEE. Ce taux est encore plus important au sein des foyers de la classe moyenne chinoise, atteignant 35 à 40 %. Ces foyers sont en effet décrits comme relativement prudents et craignent particulièrement l'inflation et l'insécurité financière. Ainsi, cette propension à fortement épargner permet aux classes moyennes chinoises de dépenser plus en termes de loisirs et particulièrement de voyages. 2 L'ATTRACTIVITE DE LA DESTINATION EUROPE L’Europe témoigne d'une attractivité particulièrement forte auprès des touristes chinois et se classe en première position des destinations qu'ils souhaitent visiter, devant les ÉtatsUnis. Son potentiel attractif découle de la construction de relations solides entre la Chine et le continent européen depuis 1998 ainsi que de son offre en matière touristique. 2.1 Le développement d'une relation Sino-européenne Dès 1998, lors du tout premier sommet Europe-Chine se déroulant dans la capitale britannique, la Commission Européenne initie une première démarche de communication entre les deux territoires intitulée « Construire un partenariat solide avec la Chine ». Par la suite, en mai 2000, l'Union Européenne et la Chine signent un contrat bilatéral qui facilitera l'adhésion de cette dernière à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Ce n'est que le 10 février 2004 que l'Union Européenne signera un mémorandum d'entente avec la Chine lui permettant d'intégrer la liste ADS (Approved Destination Status). L'accord facilite ainsi l'accès des groupes de touristes chinois à la majorité des pays européens. Afin d'harmoniser la procédure d'obtention des visas, un code communautaire est mis en place en 2009, puis, en 2010 « le code des visas de l'Espace Schengen » vise à simplifier le processus pour les touristes internationaux voyageant vers l'Europe (ATOUT FRANCE, Analyse du potentiel touristique de la classe moyenne chinoise). 33 1998 2000 402 000 TOURISTES CHINOIS 2.2 615 000 TOURISTES CHINOIS 2008 857 000 TOURISTES CHINOIS 2009 2 036 000 TOURISTES CHINOIS 2010 2 335 500 TOURISTES CHINOIS AUGMENTATION DU NOMBRE DE TOURISTES CINOIS AYANT VOYAGÉ EN EUROPE Principaux critères d'attractivité de l'Europe Selon l'enquête menée par Roland Berger auprès de 400 touristes chinois, les principaux critères d'attractivité de la destination Europe sont dans l'ordre : Son patrimoine naturel (paysages et sites naturels) Son atmosphère/accueil Ses villes et autres lieux renommés Son image/réputation Son art et sa culture Sa gastronomie Les possibilités offertes en matière de shopping L'Europe est dans la plupart des cas considérée comme « une seule et même destination » (Roland Berger). En effet, un voyage standard en Europe comprend la visite de 4 à 6 pays pour une durée moyenne d'une dizaine de jours. Cependant, de nouvelles tendances sont en train de voir le jour, la demande chinoise est actuellement en pleine mutation et de nouvelles attentes apparaissent. Parmi celles-ci, on note la propension des touristes chinois à se tourner davantage vers des formules individuelles en opposition aux séjours groupés qui caractérisaient jusque là leur mode de voyage. Par ailleurs, les tendances actuelles de la demande touristique chinoise dénotent leur désir de ne visiter qu'un seul pays européen lors de leur venue sur le vieux continent ainsi que le glissement vers des séjours thématiques. 34 2.3 Le tourisme émetteur chinois vers la destination Écosse 2.3.1 Un territoire particulièrement attractif... Au vu des critères suscités, le territoire écossais apparaît comme particulièrement attractif pour les touristes chinois. En effet, comme nous l'avons brièvement décrit précédemment, la beauté de ses paysages est mondialement reconnue et nombre de touristes se pressent sur les berges du Loch Ness, le long des sentiers parcourant les Highlands ou encore sur les côtes longeant la mer d'Irlande. Par ailleurs, l'atmosphère écossaise, l'ambiance du pays et la convivialité de ses habitants en font une destination prisée. L’Écosse répond ainsi à la quête d'authenticité du touriste moderne. Finalement, Édimbourg et Glasgow font l'objet d'un dynamisme culturel sans pareil. En effet, la culture fait partie inhérente de l'attractivité du territoire écossais, que ce soit par le biais de ses monuments historiques, de ses expositions d'art ou encore de ses célèbres festivals qui animent les rues de la capitale en période estivale. Le Edinburgh Fringe Festival (EFF) qui se tient en même temps que le Festival International d’Édimbourg les trois premières semaines d'août est d'ailleurs le festival artistique le plus important au monde. 2.3.2 … Qui possède cependant quelques limites Malgré de nombreux atouts, la destination Écosse fait état de quelques limites pour les ressortissants chinois, rendant ainsi son attractivité moins marquée : a) Le processus de demande de visa est d'autant plus compliqué que les dispositions d'harmonisation des processus prises par l'Union Européenne ne s'appliquent qu'aux pays membres de l'espace Schengen, ce qui n'est pas le cas du Royaume-Uni12. Les touristes chinois sont donc contraints de déposer une demande de visa spécifique pour visiter le Royaume-Uni, impliquant des démarches administratives et des dépenses L'espace Schengen fonctionne comme un espace unique en matière de voyages internationaux et de contrôles frontaliers pour les voyages, sans contrôle des frontières internes. Il comprend aujourd'hui 26 pays européens. 12 35 supplémentaires. Pour pallier ce problème, George OSBORNE, le ministre britannique des finances, alors en visite à Pékin en octobre 2013, a déclaré travailler sur une simplification des procédures de demande de visa visant à inclure la Grande-Bretagne dans le visa Schengen.13 b) La barrière linguistique est un des obstacles les plus récurrents cités par les touristes chinois désirant voyager en Europe. En effet, le personnel maîtrisant le Mandarin est particulièrement rare au sein des établissements d'hébergement touristique ou encore à l'accueil des attractions. Ce problème est encore plus important dans le cadre du spiritourisme, puisque les distilleries situées en zone rurale ne possèdent que très rarement des informations en langue chinoise. c) Les structures d'hébergement touristique ne sont pas toujours adaptées aux consommateurs chinois. En effet, ceux-ci possèdent des habitudes de consommation spécifiques qui nécessitent certains aménagements de la part des hôteliers, comme par exemple l'installation de bouilloires dans les chambres ou encore la nécessité de proposer une offre culinaire asiatique, par exemple pour les petits déjeuners. 3 MARCHE CHINOIS ET SPIRITOURISME « Les ventes de Whisky ont atteint le niveau record de 5,3 milliards d’euros au niveau mondial, selon les chiffres 2011 de la Scotch Whisky Association (SWA) en grande partie grâce aux chinois qui apprécient cet alcool, symbole de réussite sociale à l’occidentale. En Chine les ventes ont ainsi bondi de 45 % en 2011 »14 Bien que le baijiu, l'alcool de riz national, traditionnellement consommé par les chinois reste le spiritueux le plus populaire en Chine, le Cognac a pendant de nombreuses années constitué l'alcool occidental le plus importé au sein de l'Empire du Milieu. Cependant, depuis quelques années, on observe un glissement vers le whisky, devenu aujourd'hui un produit star en termes d'importations. Londres modifie sa politique de visas pour attirer les touristes chinois, disponible sur http://www.france24.com/fr/20131014-royaume-uni-simplifie-procedure-obtention-visas-chinois-chine-pekinpasseport-europe-ue-tourisme-diplomatie/ (consulté le 26/01/2014) 14 Le marché du whisky en Chine : un marché de marques, disponible sur http://www.marketing-chine.com/analysemarketing/le-marche-du-whisky-en-chine-un-marche-de-marques, (consulté le 26/01/2014) 13 36 « Whisky has seen stellar growth. In China there were 200,000 cases of Scotch sold in 2001. By 2011, this had risen to 2 million. Sales of super-deluxe brands are up 60 per cent, albeit from a smaller base. » Russell LYNCH – 20 avril 2013 pour The Independent Traduction : « Le whisky a connu une croissance exponentielle. En chine, 200 000 caisses de Scotch ont été vendues en 2001. En 2011, ce chiffre atteignait les deux millions. Les ventes de marques « super preniums » ont augmenté de 60 % [...] » Les chinois ont pris pour habitude de consommer le whisky dans des lieux dits « de socialisation » tels que les bars, les discothèques branchées ou encore certains lieux tenus secrets, volontairement sélectifs et créés de toutes pièces par les marques tels que la Johnnie Walker House ouverte en mai 2011 à Shanghai à l'initiative du géant mondial Diageo.15 Au-delà de sa fonction événementielle, l'établissement propose également aux consommateurs chinois des visites didactiques visant à leur faire découvrir le Scotch Whisky. Il s'agit de la seule installation de ce type en Chine, cependant, au vu de la réussite du projet, le groupe envisage d'ouvrir d'autres établissements de ce genre dans diverses villes chinoises. Le whisky est donc un produit socialisant permettant au consommateur, souvent jeune (ce qui le différencie de l'amateur de cognac, plus vieux), de se voir attribuer un certain statut social. Il s'agit principalement de se donner de « la face ». Avoir de la face est en effet une notion essentielle en Asie, il s'agit de la gestion de son image personnelle, de ce que l'on renvoie. La façon dont l'autre me perçoit décrit mon statut social et ma valeur. Avoir de la face c'est être digne de respect et savoir se faire respecter voire donner l'impression de succès. La société chinoise est en ce sens particulièrement codifiée et cette notion de face permet de donner de la crédibilité à sa propre personne ou à son entreprise selon le cas.16 Whisky galore as Chinese get the taste for Scotch, disponible sur http://www.independent.co.uk/news/business/analysis-and-features/whisky-galore-as-chinese-get-the-taste-forscotch-8581134.html, (consulté le 28/01/2014) 16 Le guide pour faire des affaires en Chine, disponible sur http://www.marketing-chine.com/conseils-business-enchine/faire-des-affaires-avec-les-chinois, (consulté le 28/01/2014) 15 37 Le whisky est par conséquent principalement consommé par les yuppies (Young Urban Professionals), principalement âgés de 25 à 40 ans et résidant en zone urbaine. Considéré comme un produit de luxe symbole d'élégance à l'anglaise et de culture, il se fait le miroir d'une tendance de la société chinoise à l'occidentalisation. Depuis plusieurs années, de gros acteurs internationaux tels que Diageo ou encore Pernord-Ricard ont investi le marché chinois. Les « ambassades » telles que la Johnnie Walker House vue précédemment, permettent à ces groupes d'éduquer le consommateur chinois qui est allé jusqu'à se réapproprier totalement le produit en y ajoutant du thé vert glacé, cocktail désormais très populaire parmi la jeunesse urbaine branchée des grandes métropoles. Ce phénomène, que l'on pourrait qualifier de « créolisation »17 a ainsi permis au Scotch Whisky de se développer à une vitesse exponentielle en Chine. Cet engouement pour le produit auprès des nouvelles classes moyennes supérieures chinoises a ainsi permis à la destination Écosse de se distinguer sur le marché et d'attirer tous les ans davantage de touristes chinois. Les distilleries et autres attractions touristiques liées à la découverte du Scotch Whisky doivent donc pouvoir s'adapter à cette nouvelle clientèle particulièrement profitable pour le territoire. La créolisation est la mise en contact de plusieurs cultures ou au moins de plusieurs éléments de cultures distinctes, dans un endroit du monde, avec pour résultante une donnée nouvelle. 17 38 Au vu de ce constat, nous pensons qu'il est nécessaire de se demander « comment les acteurs du spiritourisme en Écosse envisagent-ils leur stratégie de développement afin de satisfaire les nouvelles classes moyennes chinoises : le cas du whisky ». La suite de cette étude nous permettra d'appréhender diverses hypothèses dans le but d'apporter des éléments de réponse à cette problématique via une approche méthodologique précise et l'utilisation de divers outils de recherche. 39 PARTIE 2 STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT “A beverage of leisure is a serious business.” ― Jeff Phillips, Whiskey Pike: A Bedtime Story for the Drinking Mankind. 40 INTRODUCTION Après avoir posé les bases introductives relatives à notre objet d'étude, il s'agit désormais d'étudier plus spécifiquement les stratégies mises en œuvre par les acteurs du spiritourisme en Écosse afin de s'adapter à cette nouvelle clientèle chinoise. Nous analyserons en premier lieu l'organisation du secteur spiritouristique écossais via son réseau d'acteurs, les différentes structures présentes sur le territoire ainsi que les formats de découverte du whisky proposés aux voyageurs. Nous verrons ainsi comment un secteur profondément traditionnel parvient à s'inscrire dans une véritable dynamique d'innovation. Dans un second temps, il s'agira de voir comment certains acteurs du spiritourisme en Écosse arrivent à attirer les consommateurs chinois par le biais de nouvelles tendances marketing comme le storytelling ou le marketing polysensoriel ainsi que par des stratégies de « premiumisation » jouant sur les codes du luxe et de l'ostentation. 41 CHAPITRE 1 ACTEURS, STRUCTURES ET FORMATS AU SERVICE DE L'INNOVATION ORGANISATIONNELLE 1 UN RESEAU D'ACTEURS COMPLEXE 1.1 Des acteurs privés Parmi la centaine de distilleries en état de marche sur le territoire écossais, près de 90 % d'entre elles sont la propriété de grands groupes commerciaux dont la moitié environ se trouve être d'importantes firmes internationales. 1.1.1 L'industrie du Scotch Whisky dominée par deux géants a) Diageo possède 28 distilleries en état de fonctionnement et se classe ainsi en tant que leader incontestable sur le marché. L'ascension de la firme remonte à la fin du XIX e siècle (1880) au moment de l'avènement du blend. L'entreprise était alors connue sous le nom de Distillers Company Limited (DCL) et domina le marché jusqu'en 1980 où cette dernière fusionna avec Arthur Bell créant ainsi United Distillers (UD). (Dominic ROSKROW, Michael Jackson's Malt Whisky companion, p65). Finalement, en 1997 le groupe fusionnera avec le géant britannique International Distillers and Vintners (IDV) pour devenir Diageo. Aujourd'hui, la firme possède un portefeuille de marques particulièrement large allant des bières Guinness aux vodkas Smirnoff en passant par le rhum Captain Morgan. Diageo est également leader en termes d'aménagements touristiques liés au spiritourisme puisque le groupe a ouvert 12 visitor centres (centres d'accueil de visiteurs) dans les distilleries de Blair Athol, Caol Ila, Cardhu, Clynelish, Cragganmore, Dalwhinnie, Glenkinchie, Glen Ord, Lagavulin, Oban, Royal Lochnagar et Talisker. Cette dernière a d'ailleurs accueilli près de 60 000 visiteurs en 2013, se plaçant ainsi en première position en termes de visiteurs accueillis et a fait l'objet d'une récente rénovation dans laquelle le groupe a investi la somme d'un million de livres Sterling.18 En 2012, Diageo totalisait près de 300 000 visiteurs de 43 nationalités différentes sur Whiky tourism in good spirit as visitor centres see a surge in visitor numbers, disponible sur http://cognisnews.wordpress.com/whisky-tourism/ (consulté le 01/02/2014) 18 42 l'ensemble de ces 12 distilleries. La popularité du Scotch sur les marchés émergents se reflétait alors via la proportion grandissante de touristes provenant de pays tels que la Chine, la Russie ou encore le Brésil. Aujourd'hui, cette tendance s'est évidemment amplifiée et les marchés émergents sont devenus de réelles cibles stratégiques pour Diageo. b) Pernod-Ricard : l'entreprise française possède aujourd'hui cinq des vingt Scotchs les plus vendus au monde et se classe ainsi numéro deux du marché après Diageo. « Né de la fusion, en 1975, des rivaux du pastis Pernod et Ricard, le groupe nouvellement créé est à l’époque peu présent dans le whisky, ses investissements écossais se limitant à la distillerie Aberlour, acquise par Pernod en 1974 après le rachat du groupe Campbell & Sons. C’est par vagues de rachats successifs que Pernod Ricard devient un acteur incontournable du scotch. En 1989, il acquiert la distillerie Glenallachie. Puis, en 2001, le rachat du canadien Seagram le propulse sur le devant de la scène : le groupe Chivas Brothers tombe dans son escarcelle, avec la prestigieuse marque Chivas Regal et les distilleries Alt-a-Bhainne, Braeval, Glenlivet, Glen Keith, Longmorn et Strathisla. En 2005, c’est au tour du britannique Allied Domecq, alors numéro 2 mondial des spiritueux, de passer sous la coupe du français ; et avec lui le groupe Allied Distillers, qui rassemble les blended scotch Ballantine’s et Long John, ainsi que les distilleries Glenburgie, Glentauchers, Miltonduff, Scapa et Tormore »19 (Charles Delaert, 26 juillet 2013 pour Le Monde). En termes de mise en tourisme, les distilleries d'Aberlour et de Glenlivet ne sont pas en reste et font preuve de créativité. La distillerie de Glenlivet a par exemple créé sa propre « Whisky School » (école du whisky) et propose au visiteur, novice comme connaisseur, de venir passer trois jours au sein de la distillerie afin que celui-ci puisse parfaire son savoir via divers cours thématiques, dégustations et visites des lieux de fabrication. Au terme de ces quelques jours, le client se voit remettre un diplôme personnel attestant de ses connaissances en matière de whisky. L'établissement propose également, en plus des visites classiques de la distillerie, diverses excursions thématiques en extérieur (appelées « trails ») afin de parcourir le « glen » (la vallée) et de découvrir les ressources naturelles qui participent de l'élaboration de son single malt. Les propriétaire de distilleries écossaises, disponible sur http://lesfleursdumalt.blog.lemonde.fr/2013/07/26/pernodricard/ (consulté le 01/02/2014) 19 43 1.1.2 De grandes firmes et quelques indépendants Treize grandes entreprises et quelques embouteilleurs indépendants se partagent le reste des distilleries écossaises en activité. On peut citer à titre d'exemple les entreprises Beam Global (Ardmore, Cooley, Kilbeggan, Laphroaig), The Edrington Group (Glenrothes, Glenturret, Highland Park et Macallan), William Grant & Sons (Ailsa Bay, Balvenie, Glenfiddich, Kininvie) ou encore Moët Hennessy (Ardbeg, Glenmorangie) et Whythe & Mackay (Dalmore, Fettercairn, Jura, Tamnavulin). Il est nécessaire de préciser qu'environ quatre cinquième des 6,5 milliards de dollars que représente le marché global du Scotch Whisky sont en réalité contrôlés par des acteurs extérieurs à l'Écosse20. Outre le couple franco-anglais (Pernod-Ricard et Diageo) vu précédemment, nombre de structures sont en réalité la propriété de groupes indiens, thaïlandais ou encore américains. « Overseas firms now control nearly half Scotland's distilleries, and of the 60% that remain within UK ownership only around half belong to Scottish companies. » Traduction : « Les entreprises étrangères contrôlent actuellement environ la moitié des distilleries écossaises, et sur les 60 % qui restent détenues par leRoyaume-Uni, seulement la moitié appartiennent à des entreprises écossaises. »21 Toutes ne sont pas ouvertes au public mais certaines de ces distilleries ont mis en place des initiatives spiritouristiques particulièrement intéressantes et novatrices. C'est par exemple le cas de la distillerie de Glenturret (propriété du groupe Edrington), qui se targue d'être la plus ancienne distillerie d'Écosse. L'établissement, situé dans la région du Speyside, propose depuis 2002 une visite unique baptisée « The Famous Grouse Experience » en référence à la marque du célèbre blend qu'elle produit. Il s'agit de la distillerie la plus visitée d’Écosse, grâce notamment à son attraction phare, un simulateur 3D où le visiteur se retrouve dans la peau de la mascotte de la distillerie et peut survoler le territoire écossais, les mouvements de ses bras correspondant aux battements des ailes de l'oiseau. It's Scotch, but the owners live elsewhere, disponible sur http://www.nytimes.com/2013/02/16/business/global/itsscotch-but-the-owners-live-elsewhere.html (consulté le 12/02/2014) 21 Who owns our whisky ?, disponible sur http://www.heraldscotland.com/who-owns-our-whisky-1.826391 (consulté le 12/02/2014) 20 44 Sur les quelques 105 distilleries que possède le territoire écossais, seulement une vingtaine sont détenues par de petits embouteilleurs indépendants ou des structures familiales. C'est par exemple le cas du Glenfarclas, produit par la famille Grant depuis près de 150 ans ou encore du Drambuie, fruit du travail de Jonathan Brown. Malgré leur petite taille, cela n'a pas empêché ces embouteilleurs indépendants de surfer sur la tendance du spiritourisme et d'ouvrir leur propre « visitor centres » (centres d'accueil de visiteurs). En effet, la distillerie de Glenfarclas fut l'une des premières à initier ce type de démarche dès 1973 en permettant aux visiteurs de découvrir la fabrication de son single malt. Aujourd'hui, l'activité s'est diversifiée puisque la distillerie propose différents formats de visite allant de la simple découverte du produit pour les novices aux dégustations plus complexes destinées à un public connaisseur. Leur petite taille s'avère finalement être un véritable avantage qui leur permet de se démarquer de leur concurrents (35 distilleries sont présentes autour de l'établissement de la famille Grant dans un rayon de 30 miles) puisqu'il leur est possible de communiquer sur la tradition ancestrale de leur malt ainsi que sur les valeurs familiales qui entourent la fabrication de celui-ci. Les embouteilleurs indépendants réussissent donc à « jouer dans la cours des grands » grâce à des stratégies marketing bien rodées. 1.1.3 Des formats de séjour variés Suite à l'engouement des visiteurs pour les visites des sites de fabrication du Scotch Whisky, de nombreux tour-opérateurs se sont positionnés sur ce marché et proposent divers formats de découverte du célèbre spiritueux écossais. 1.1.3.1 Des séjours thématiques entièrement dédiés au Whisky Whisky Tours Scotland propose par exemple des séjours sur-mesure de plusieurs jours (2 à 8 jours) entièrement dédiés à la découverte du Scotch Whisky via la visite de diverses distilleries tout au long du voyage. Il est possible de choisir de ne visiter qu'une seule région de production ou plusieurs selon les désirs du client qui est seul maître de son itinéraire. Ce type de séjour correspond à une tendance grandissante à l'hyperpersonnalisation des voyages. 45 Rabbie's, l'un des plus importants tour-opérateurs présent sur le territoire écossais, propose quant à lui un circuit « Islay and the Whisky Coast » sur 4 jours permettant au touriste de découvrir la côte ouest écossaise et ses célèbres malts (229£). 1.1.3.2 L'excursion L’excursion constitue le format le plus répandu en termes de spiritourisme en Écosse. Celui-ci, proposé par la plupart des tour-opérateurs, offre au visiteur la possibilité de découvrir le Whisky à travers la visite d'une distillerie spécifique (voire deux) avec départ le matin et retour le soir même dans la ville de départ (la plupart du temps Edimbourg ou Glasgow). A titre d'exemple, Scotline Tours organise tous les lundis et jeudis une excursion d'une journée, appelée « one-day tour » vers la distillerie de Glenkinchie pour la somme de 20£ par personne. Ce format est de loin le plus consommé car le plus flexible et le moins onéreux. 1.1.3.3 Des séjours multi-activités Malgré l'attrait grandissant des touristes pour le Whisky, très peu sont ceux qui souhaitent se contenter d'un itinéraire trop spécialisé. Afin de répondre à cette demande, la quasitotalité des tours opérateurs présents sur le marché du spiritourisme en Écosse proposent des séjours alliant visites d'une ou plusieurs distilleries et découverte des grands sites écossais tels que le Loch Ness, les Highlands (Glencoe, Ben Nevis, Inverness, Fort William...) ou encore l'île de Skye. Il s'agit également ici de séjours pouvant durer de deux à huit jours et se déroulant en petit groupe. Highland Explorer Tours propose par exemple un séjour de 5 jours appelé « The Whisky Explorer ». Celui-ci comprend la visite d'une distillerie, de l'île de Skye, du Loch Ness, du château Doune, de Glencoe, un tour à bord du fameux Jacobite Steam Train et une traversée en bateau sur la mer d'Irlande. 1.1.3.4 City-breaks Il paraît par ailleurs intéressant de se demander comment Édimbourg et Glasgow parviennent-elles à proposer une offre touristique liée à la découverte du whisky ? 46 Outre les soirées de dégustation se tenant régulièrement dans divers bars et restaurants et la multiplication des « whisky shops » (boutiques vendant du whisky) sur les grandes artères touristiques, Edimbourg et Glasgow n'ont de cesse de rivaliser d'imagination afin de se distinguer comme destination de découverte du whisky, malgré leur caractère éminemment urbain. Les deux plus grandes villes du pays multiplient ainsi les initiatives visant à faire découvrir au touriste, souvent venu pour quelques jours dans le cadre de ce que l'on appelle aujourd'hui un « city break », sa fameuse boisson nationale. Selon la Direction du Tourisme : « on désigne par city-break des « escapades » réalisée en milieu urbain, (souvent par d'autres urbains), c'est-à-dire un tourisme d'évasion du quotidien effectué dans un temps bref (moins de quatre nuits passées hors domicile pour la définition statistique internationale du « court séjour »), et le plus souvent adossé à un week-end. Cette brièveté permet sa multiplication (leurs adeptes en France les pratiquent au moins trois à quatre fois par an). Il en résulte une fragmentation du temps de vacances » Ainsi, Mark Connelly organise par exemple à Glasgow, une fois par an au mois de mai, le Glasgow's Whisky Festival (Festival du whisky de Glasgow) afin comme le rappelle le site internet de l'événement, de permettre à la ville de Glasgow de se distinguer en tant qu'acteur majeur du secteur du Whisky écossais. « The event aims to put Glasgow back on the whisky map » Par ailleurs, la ville a mis en place un réseau de bars, de restaurants et de boutiques spécialisées afin de permettre au touriste qui n'a pas le temps de partir à la découverte des distilleries, de pouvoir néanmoins découvrir le Scotch Whisky. Nous avons eu l'occasion de rencontrer l'un des membres de ce réseau lors d'un entretien qualitatif où celui-ci nous expliquait comment ce programme connaissait un énorme succès et permettait à son établissement de diversifier sa clientèle. « Il n'est pas rare que nous servions des whiskies d'exception à une clientèle nouvelle, principalement asiatique ou américaine, qui ne serait jamais venue si ce réseau n'avait pas existé. Je suis vraiment content que la ville ait mis en place une telle initiative ! » Franck M., propriétaire et manager d'un bar à whisky à Glasgow. Édimbourg, quant à elle, a réussi un pari osé, celui de créer une attraction touristique ludique et tout public à deux pas de son célèbre château au cœur de la vieille ville historique. Il s'agit d'un lieu unique baptisé « The Scotch Whisky Experience » qui emmène 47 le visiteur tout le long de la fabrication du Scotch Whisky via une approche particulièrement innovante et originale. Nous reviendrons plus en détails sur cette attraction dans le chapitre suivant. 1.1.4 Les agences réceptives Une agence réceptive, ou « réceptif », également connue sous le terme anglo-saxon de « Destination Management Company » (ou « incoming tour-operator ») est une agence de voyage locale spécialiste du territoire où elle est implantée. Ses rôles sont variés et vont de la production de séjours (contact et négociations avec les prestataires sur place, conception d'itinéraires etc.) à l'organisation des activités sur place en passant par la distribution de ses produits.22 L'agence réceptive se fait souvent sous-traitante de plus importants tour-opérateurs en prenant en main les réservations sur son territoire d'implantation et se fait également garante du bon déroulement du séjour du client (individuels ou groupes) sur place. Le territoire écossais possède pléthore d'agences réceptives allant d'agences spécifiquement dédiées au domaine du tourisme d'affaires aux agences grand luxe en passant par des réceptifs hyper-spécialisés implantés sur des marchés de niche tels que les séjours sportifs liés au golf. Cependant, nous n'avons recensé aucune agence réceptive écossaise spécialisée dans les séjours spiritouristiques. En effet, la plupart des DMC préfèrent proposer une offre surmesure (appelée « tailor-made ») à leurs clients, leur permettant ainsi de s'adapter aux demandes spécifiques de ces derniers. Encore une fois, la tendance est à l'hyperpersonnalisation des séjours et la plupart des DMC traitent les demandes au cas par cas. L'agence réceptive Exclusively Scotland précise par exemple sur la page d'accueil de son site web : « We are a Destination Management Company (DMC) who offer a fully bespoke service for travel to Scotland. Whether you are planning a Scottish conference or incentive trip, product launch, a weekend of teambuilding, a specially themed golf or whisky tour or a luxury stay for a group, our team will take your brief and design the perfect itinerary for you »23 Voyages, congrès... Les agences réceptives pour vous servir, disponible sur http://www.anjoueco.fr/document-15482251-Voyages-congres-les-agences-receptives-pour-vous-servir.html (consulté le 12/02/2014) 23 http://exclusively-scotland.com/ (consulté le 12/02/2014) 22 48 traduction : « Nous sommes une agence réceptive offrant un service entièrement surmesure pour votre voyage en Écosse. Que vous désiriez organiser une conférence, un voyage d'incentive, le lancement d'un produit, un weekend de team building, un séjour thématique autour du whisky ou du golf ou encore une escapade luxueuse, notre équipe prendra en compte votre demande et concevra l'itinéraire parfait pour répondre à vos attentes » 1.2 Des acteurs publics 1.2.1 Un réseau d'institutionnels particulièrement dynamique C'est à partir de 1997 que le gouvernement britannique a délégué au parlement écossais la compétence spécifique en matière de tourisme sur son territoire. Celui-ci a donc largement contribué à la mise en place d'un réseau public d'information et d'observation touristique via un savant maillage du territoire écossais. En effet, l'organe national chargé de la promotion de la destination Écosse à travers le monde, Visitscotland, possède de nombreuses branches disséminées à travers le pays sous la forme de centres d'informations sobrement baptisés « information centres ». Ceux-ci possèdent des fonctions similaires aux offices de tourisme que nous connaissons sur le territoire français (accueil des touristes, documentation, information...). VisitScotland possède trois fonctions principales : Une fonction marketing via la promotion du territoire écossais sur le marché mondial et l'organisation d'événements. Une fonction « d'assurance qualité ». Une fonction informative et d'observatoire du tourisme via la distribution de documentation, le regroupement d'informations pertinentes et l'élaboration de statistiques et de rapports.24 L'organisme se montre particulièrement dynamique et créatif en termes de communication via une omniprésence sur tous types de médias allant des réseaux sociaux Tourism is everyone's business, disponible sur http://www.scotland.gov.uk/Topics/Business-Industry/Tourism (consulté le 18/02/2014) 24 49 (Instagram, Twitter, Facebook...) aux magazines traditionnels en passant par la télévision et la radio. En effet, le pays vient d'entamer la deuxième année de sa grande campagne de communication lancée en début d'année 2013 intitulée « Scotland Welcomes the World » (l'Écosse accueille le Monde) via le projet « Homecoming Scotland » qui a permis à la destination de se distinguer sur le marché touristique mondial en se plaçant en tête des classements de certains grands guides touristiques comme Lonely Planet. 1.2.2 Un organisme dédié au spiritourisme En ce qui concerne le secteur spécifique du spiritourisme, Visitscotland a lancé en août 2003 une initiative ayant pour but de développer le tourisme de découverte du whisky via un organisme entièrement dédié à la question : ScotlandWhisky. Le but de cette démarche était alors de profiter de la réputation du Scotch whisky à travers le monde afin d'encourager davantage de touristes à venir découvrir L'Écosse.25 Les principaux objectifs de ScotlandWhisky sont : Soutenir l'Écosse en tant que destination de qualité en utilisant la renommée du Scotch Whisky. Développer l'expérience touristique autour du Scotch Whisky afin d'améliorer le positionnement de l'Écosse sur le marché touristique mondial et faire du Scotch Whisky un facteur de motivation pour les touristes à venir découvrir le pays. Faire du Scotch Whisky un élément clef de l'expérience touristique écossaise. 1.2.3 Une stratégie nationale : « Tourism Scotland 2020 » Le but de la stratégie mise en place par le gouvernement en juin 2012 est de faire de l'Écosse une destination de premier choix à l'horizon 2020 et ainsi de faire croître les dépenses des visiteurs sur place. Le pays s'est donc donné moins de dix ans pour améliorer ScotlandWhisky, disponible sur http://www.visitscotland.org/what_we_do/partnership_initiatives/tourism_initia (consulté le 18/02/2014) 25 50 certains aspects de son offre en matière de tourisme et pouvoir ainsi attirer davantage de touristes sur son territoire. Il s'agit de corréler les attentes du marché avec les capacités du territoire écossais via un plan d'action en plusieurs phases. Le marché a ainsi été segmenté en quatre catégories : -Marché domestique : Angleterre, Écosse, Pays de Galles, Irlande du nord. Voisins proches : Scandinavie, Allemagne, France, Irlande, Italie, Pays-Bas. Cousins éloignés : États-Unis, Canada, Australie. Marchés émergents : Brésil, Russie, Inde, Chine. C'est cette dernière catégorie qui nous intéresse plus particulièrement dans le cadre de notre recherche, puisque le marché chinois fait partie de ce segment. En ce qui concerne ces pays, l'Alliance Écossaise du Tourisme déclare : « Longer term however, their contribution to Scottish tourism does look set to grow more markedly. If we want to be in a position to service and capitalise fully on these and other emerging markets we need to act now by aligning our tourism offer with what our market intelligence tells us about them. » Traduction : « Bien qu'à plus long terme, leur contribution au tourisme écossais est vouée à croître de manière plus significative. Si nous souhaitons être capables de capitaliser pleinement sur ces marchés, nous devons agir maintenant en adaptant notre offre touristique en fonction de notre analyse de ces marchés » Cette stratégie se concentre spécifiquement sur les forces de la destination Écosse (ici vue comme un produit à part entière) qu'il sera nécessaire de renforcer afin de créer une véritable valeur ajoutée (voir schéma à la page suivante). La stratégie du gouvernement écossais repose inévitablement sur le Scotch Whisky, ici inclus dans la catégorie « Food & Drink Experience », mais également sur le tourisme durable, les événements culturels et le tourisme d'affaires et de MICE.26 MICE est l’acronyme de Meetings, Incentive, Convention & Events. (Réunions, Incentive, Congrès et événementiel). 26 51 Figure 5: Une stratégie pour promouvoir l'Ecosse (THE SCOTTISH TOURISM ALLIANCE) 1.3 Une collaboration des acteurs privés et publics : vers le cluster « Le concept de cluster est né de la prise de conscience que la concentration, sur un territoire, d’entreprises du même secteur d’activité engendre une dynamique particulière, liée à la fertilisation croisée, à l’émulation, au partenariat… Un cluster associe donc des acteurs (entreprises, universités, laboratoires de recherche, organismes publics et parapublics…) œuvrant dans un même domaine économique sur un même territoire. » (Revue Espaces, n°312) 52 Afin de créer des effets de synergie et de développer l'activité spiritouristique, l'organe en charge du tourisme de découverte du whisky, ScotlandWhisky, a mis en place un cluster via un réseau d'ambassades comprenant une centaine d'hôtels, des terrains de golf, des bars et des restaurants. Il s'agit d'un regroupement sélectif scrupuleusement mené par l'organisme, en partenariat avec VisitScotland, au sein duquel chaque membre doit être capable de remplir des critères spécifiques et de répondre à certaines exigences : Chaque ambassadeur doit posséder un personnel parfaitement formé au Scotch Whisky via un diplôme délivré par « The Scotch Whisky Training School » lui permettant de savoir conseiller et orienter au mieux le consommateur. Afin de préserver son statut d'ambassade, l'établissement doit être capable de remplacer un membre du personnel sur le départ par une personne parfaitement formée dans un délai maximum de deux mois. Fournir une carte des whiskies détaillée aux consommateurs comprenant des conseils de dégustation, des anecdotes historiques ou encore des commentaires sur la palette de saveurs de chaque single malt proposé. Utiliser le logo « ScotlandWhisky » afin de gagner en visibilité auprès des consommateurs, de se différencier de la concurrence et de prouver que son établissement est accrédité et donc gage de qualité. Afin de maximiser la réussite de ce projet, ScotlandWhisky a mis en place la visite annuelle d'un consultant spécialiste du Scotch Whisky dans chacune des ambassades afin que ces dernières puissent profiter de son expertise pour optimiser leur profit. Par ailleurs, afin de contrôler le succès de l'initiative, chaque établissement ambassadeur doit remplir une enquête de satisfaction tous les trois mois dont le résultat est ensuite diffusé à tout le réseau. 53 Cette initiative a permis à des organismes privés comme publics de travailler ensemble puisque cette dernière est soutenue par ViisitScotland, l'office de tourisme national, The Scotch Whisky Experience (organisme privé), Highlands and Islands Enterprise, Scottish Enterprise et The Scotch Whisky Association.27 Selon une enquête menée auprès de 18 de ces ambassades en 2011, 71 % ont déclaré que le spiritourisme participait de l'attraction des consommateurs vers leurs établissements. En effet, près de la moitié des répondants affirmait que leurs clients visitaient également les distilleries de whisky aux alentours. Ces résultats prouvent que le réseau d'ambassades créé par ScotlandWhisky et les distilleries constituent une offre spiritouristique complémentaire. Figure 6 : L'impact du Scotch whisky sur les ambassades (4-CONSULTING) Who is behind the ScotlandWhisky ?, disponible sur http://www.scotlandwhisky.com/about-us/ (consulté le 18/02/2014) 27 54 CHAPITRE 2 NOUVELLES TENDANCES ET PRATIQUES TOURISTIQUES CHINOISES 1 SOCIAL MEDIA TOURISME Les réseaux sociaux chinois représentent aujourd'hui un eldorado en termes de communication digitale pour les entreprises du monde du tourisme souhaitant attirer les touristes chinois sur leur territoire. En effet, plus de 90 % des touristes chinois sont présents sur au moins un de ces réseaux et partagent de l'information à la fois avant, pendant et après leur voyage. « Pour un touriste chinois, il n’y a pas de meilleur conseil que celui d’un autre touriste chinois. »28 S'agissant la plupart du temps de « first-time travellers » (personnes voyageant pour la première fois), ceux-ci sont obligés d'aller piocher de l'information sur les destinations et les activités qu'elles proposent ailleurs que par les recommandations de la famille ou des amis. Il s'agit d'un marché particulièrement connecté et sensible au bouche-à-oreille digital que peuvent représenter les réseaux sociaux et autres blogs. Ceci est d'autant plus vrai si l'on souhaite cibler une population appartenant à la classe moyenne supérieure chinoise. La communication virale via les réseaux sociaux s'avérerait donc être un des facteurs essentiels de la réussite d'une campagne de promotion d'une destination touristique. 1.1 La spécificité des réseaux sociaux en Chine Il est important de préciser que malgré les contraintes apposées par le gouvernement chinois ayant mis en place un internet fermé via ce que l'on appelle le « Great Firewall »29, les célèbres réseaux Facebook, Twitter et Google+ ne sont pas à négliger dans l'élaboration Social Media Tourisme, disponible sur http://www.touristes-chinois.com/social-media-tourisme-tripshow/, (consulté le 21/02/2014) 29 Le Grand Firewall de Chine, dénommé par analogie avec la Grande Muraille de Chine (the Great Wall of China), est le nom usuel du projet bouclier doré, un projet de surveillance et de censure d'Internet. Le projet a débuté en 1998 et a commencé ses activités en novembre 2003. 28 55 d'une stratégie digitale car beaucoup de ressortissants chinois arrivent, via certaines manœuvres, à y accéder. En effet, on compterait par exemple 70 millions de chinois inscrits sur Facebook. 1.1.1 Deux grands réseaux 1.1.1.1 Sina Weibo Il s'agit d'une plate-forme de microblogging similaire à Twitter qui permet à ses utilisateurs de partager du contenu en temps réel. Weibo est né en 2009 et comptait alors 8 millions d'utilisateurs. Aujourd'hui, la plate-forme regroupe plus de 500 millions d'internautes chinois. Ainsi, la proportion d'internautes chinois à posséder un microblog Weibo s'élève à 90 % ce qui en fait le terrain de chasse favori des communicants de tous secteurs. Le Royaume-Uni tente de s'adapter à l'avènement de ce réseau : l'office de tourisme VisitBritain (dont dépend l'organe de promotion écossais VisitScotland) a récemment ouvert un blog sur Weibo. Il s'agissait en septembre 2013 du second blog gouvernemental le plus populaire sur la plate-forme après celui de Singapour. « However, Britain is the most talked about (68.2 million people) oversea tourist destination for the Chinese Weibo users in 2012 » Traduction « Cependant, La Grande-Bretagne représente la destination touristique étrangère qui a le plus fait parler d'elle (68,2 millions de personnes) parmi les utilisateurs de Weibo en 2012 » En réalité, une présence sur Weibo ne suffit plus à constituer un réel facteur de différenciation visant à se démarquer de la concurrence. Il s'agit désormais d'un simple facteur clef de succès, puisque à l'heure actuelle, 90 % des offices de tourisme nationaux à travers le globe ont ouvert un compte sur la plate-forme. Les campagnes de communication via Weibo ont été rendues d'autant plus faciles que le géant de l'Internet chinois a mis en place un outil de publicité permettant de cibler un public spécifique (âge, sexe, intérêts, lieu de résidence...) en fonction de son offre. En ce qui concerne l'industrie du whisky, les deux géants Pernod-Ricard et Diageo se 56 distinguent encore une fois de leurs concurrents. Cependant, malgré la présence de Pernod-Ricard sur le réseau depuis presque deux ans, c'est bien son concurrent britannique qui a su s'imposer en tant que leader en terme de communication digitale via sa marque Johnnie Walker. « La marque a lancé en Chine la campagne sur les réseaux sociaux intitulée « Mots du voyage », qui raconte l’histoire de 12 pionniers chinois. Cette campagne a stimulé la visibilité de Johnnie Walker en Chine tout en rendant la marque plus accessible qu’elle ne l’était. Dans son dernier rapport sur la puissance digitale des marques internationales de spiritueux, le think tank L2 classe la marque Johnnie Walker en quatrième position avec un QI digital de 120 (surdoué). »30 Figure 7: Compte Weibo de la marque Johnnie Walker (MARKETING-CHINE.COM) 1.1.1.2 Tripshow Il s'agit d'une plate-forme spécifiquement destinée aux touristes chinois qui permet à ses utilisateurs de partager leurs expériences de voyage. Par ailleurs, en plus de fonctionner comme un réseau social classique, le site regroupe du contenu spécifique relatif au tourisme qu'il collecte sur d'autres réseaux et sites web chinois. La communication digitale des marques de whisky en Chine, disponible sur http://www.marketing-chine.com/analysemarketing/communication-digitale-des-marques-de-whisky-chine (consulté le 21/02/2014) 30 57 Il s'agit par conséquent « d'une ressource inestimable pour tous les internautes chinois qui préparent leurs voyages. Tripshow est d’autant plus important que la recommandation et le partage entre internautes est l’un des principaux leviers en matière de tourisme. Or, le site est aussi ouvert aux marques, aux établissements ou encore aux destinations touristiques. C’est donc un outil essentiel pour interagir avec les touristes chinois, faire connaître sa marque, maîtriser son e-reputation sur le net chinois, proposer des promotions… » L'un des intérêts principaux pour les marques ou les destinations présentes sur Tripshow est évidemment de pouvoir interagir directement avec une communauté de voyageurs chinois en constante augmentation. Ceux-ci peuvent même être mis à contribution par les marques dans un but de co-production visant à faire du consommateur un « consom'acteur » en lui permettant de participer à l'élaboration d'un produit, d'un circuit touristique etc. Figure 8: Schéma du principe des flux chez Tripshow (CLAUDE BENARD) « Son poids est tel que le Canada est devenue la 22ème destination préférée des internautes chinois après une très bonne campagne centralisée sur Tripshow, alors que le tourisme chinois au Canada était quasiment inexistant auparavant. »31 Le social media tourisme en Chine, disponible sur http://blog.alerti.com/fr/2013/10/social-media-tourisme-chine/ 31 58 Figure 9 : Tripshow au coeur de l'internet chinois (CLAUDE BENARD) 1.2 Les leaders d'opinion au cœur des stratégies digitales Comme nous l'avons vu précédemment, l'e-touriste chinois est particulièrement sensible au contenu diffusé sur les médias sociaux. Il s'avère d'autant plus sensible aux recommandations postées par ce que l'on appelle des « leaders d'opinion ». Un leader d'opinion (ou « KOL » pour « Key Opinion Leader ») est un « individu, qui par sa notoriété, son activité sociale ou professionnelle est susceptible d’influencer les opinions ou les actions d’un grand nombre d’individus. L’approche des leaders d’opinion est une forme de relation publique ou de marketing viral. » (Définition du Glossaire Marketing, Business et MD, e-marketing.fr, consulté le 21/02/2014) Ces personnes ayant le statut de prescripteurs, c'est-à-dire d'influenceurs, communiquent généralement via les médias sociaux. Les marques et/ou les destinations utilisent ces leaders d'opinion à des fins de communication et de marketing. (consulté le 21/04/2013) 59 En effet, la marque de whisky Johnnie Walker a par exemple fait appel en 2011 au célèbre blogueur Han Han pour que celui-ci devienne un ambassadeur de ses produits en Chine. Le blogueur a été mis en scène lors d'un court métrage réalisé par Johnnie Walker, intitulé « Sentiments Road » (la route des sentiments), film relatant les rêves d'ambition de la nouvelle jeunesse chinoise, largement partagé sur les réseaux sociaux chinois. Le blogueur a ainsi permis à la marque de gagner en visibilité. Il s'agissait alors en Chine d'une forme de communication novatrice, puisque Han Han se trouve être le premier blogueur ambassadeur d'une marque. Il est également possible pour une destination de faire appel à des acteurs ou encore des chanteurs populaires en Chine pour promouvoir son territoire. La Nouvelle-Zélande est un parfait exemple de ce type de stratégie. En effet, la destination océanique a choisi de faire appel à la célèbre actrice chinoise Yao Chen, star des réseaux sociaux en Chine (celle-ci comptabilise plus de fans que Barack Obama sur Weibo et est même devenue l'égérie officielle de la plate-forme de microblogging). L'office de tourisme national de Nouvelle-Zélande a en effet lancé une campagne de promotion en Chine en 2011 (« 100 % Revival Tour of New Zealand » et « 100 % Revive Your Emotions ») en partenariat avec l'actrice en tant qu'ambassadrice du territoire. Les résultats sont probants : le pays assisterait à une augmentation de 30 % de touristes chinois par an depuis 2011. Finalement, l'Écosse n'est pas en reste, puisque celle-ci a mis en place un plan en 5 ans (« a five year strategy for engagement between Scotland and the People's Republic of China », tradution : « une stratégie d'engagement sur 5 ans entre l'Écosse et la République Populaire de Chine ») dont l'une des priorités est de promouvoir le territoire écossais comme une destination de choix pour trois segments cibles de clientèle chinoise : Les personnes disposant d'un revenu très élevé Les classes moyennes émergentes Les étudiants et personnes venant rendre visite à des amis ou de la famille. L'objectif de cette stratégie est de gagner en notoriété auprès du public chinois via différentes démarches complémentaires. Parmi celles-ci, on note la prépondérance des dépenses en termes de marketing et de communication sur les médias sociaux chinois. Le plan envisage également le recours à des leaders d'opinion. 60 Deux des principaux objectifs à court terme qu'implique la stratégie sont les suivant : « Making more use of digital, print and social media in communicating key messages about Scotland in China, including greater understanding and appreciation of Scotland's distinct identity » (Utiliser davantage les médias sociaux, digitaux et papiers pour communiquer des messages clefs à propos de l'Écosse sur le marché chinois. Améliorer la compréhension et la reconnaissance de l'identité spécifique de la destination Écosse) « Making maximum use of new media to promote Scotland » (Utiliser au maximum les nouveaux médias afin de promouvoir le territoire écossais) Depuis 2006, VisitScotland a mis en place une liste d'actions visant à promouvoir la destination Écosse sur le marché chinois. L'une de ses actions concerne directement le domaine des relations publiques et implique une large campagne de communication via d'importants KOL que sont les journalistes spécialisés. Dans le cadre de cette campagne menée par VisitScotland en 2011, 550 de ces leaders d'opinion ont été invité sur le territoire écossais pour des « familiarisation trips » (voyages de familiarisation). Selon l'Alliance Écossaise du Tourisme, l'expérience de ces journalistes, relayée sur les supports numériques, a permis au pays d'attirer près de 50 000 touristes chinois de plus depuis 2007. 61 2 LUXE ET SHOPPING COMME FACTEURS D'ATTRACTIVITE ESSENTIELS 2.1 La notion de cadeau en Chine Les cadeaux sont omniprésents en Chine, au quotidien, et ne se limitent pas à quelques rares occasions dans l'année. Offrir des cadeaux est particulièrement important dans la culture chinoise puisqu'ils permettent d'entretenir ses relations à la fois amicales, familiales, sentimentales et professionnelles. Sa signification dépasse même son utilité. Les chinois ont ainsi pour habitude de ramener des cadeaux-souvenirs de leurs voyage. L'une des spécificités chinoises en matière de cadeau est de ne jamais retirer l'étiquette du prix de celui-ci, gage de qualité et de la valeur que vous portez au destinataire de votre présent. Les cadeaux d'affaires sont une manière de faciliter la signature de contrats, via la notion chinoise de « guanxi ». Cette notion renvoie à la façon dont sont gérées les relations professionnelles en Chine, sous la forme d'un réseau dont les membres « travaillent ensemble à la recherche d'un bénéfice et d'un intérêt commun, habituellement par l'échange de faveurs ou de cadeaux »32. « Enraciné dans la façon de brasser des affaires en Chine, les fonctions et avantages du guanxi sont multiples : faciliter les activités d’affaires, générer de nouveaux clients ou retenir la clientèle établie, trouver des partenaires d’affaires, réseauter et trouver des sources d’information. » Aude-Marie Roux, lesaffaires.com Il est également important d'adapter la valeur du cadeau au statut hiérarchique du destinataire, sans pour autant offrir un bien trop onéreux qui serait susceptible de faire « perdre la face » à votre interlocuteur, alors incapable de vous rendre la pareille. « Partout où les chinois voyagent, ils se doivent de ramener des cadeaux à leurs proches, et aiment pour une question de prestige revenir avec des accessoires de luxe. » David, CFA voyages, spécialiste du tourisme en Chine. Les cadeaux en Chine, disponible sur http://www.marketing-chine.com/conseils-business-en-chine/les-cadeaux-enchine (consulté le 22/02/2014) 32 62 Autre que la tradition et la notion de « face » et de statut social vu précédemment, la pratique du shopping de produits de luxe à l'étranger s'explique également par deux autres facteurs : a) La Chine est le pays de la contrefaçon et les chinois n'ont donc pas confiance dans les produits qu'ils achètent dans leur pays. En achetant un sac de grande marque en Europe, ils sont sûrs de ramener un produit de qualité en lequel ils peuvent avoir confiance. Il en va de même pour les bouteilles de vin et autres spiritueux, qui n'échappent pas à la contrefaçon chinoise, menant souvent à d'importants scandales alimentaires. b) Les produits de luxe importés en Chine sont fortement taxés et donc 20 à 30 % plus cher qu'en Europe. La plupart des touristes chinois préfèrent donc acheter ces produits à l'étranger plutôt que dans leur pays d'origine. Le cadeau-souvenir ramené d'un voyage à l'étranger doit pouvoir contenir l'âme de la région ou du pays visité. Les chinois sont particulièrement sensibles aux souvenirs possédant un sens profond, philosophique, spirituel ou culturel. Ainsi, un objet d'art sur lequel serait inscrite une citation particulière sera par exemple plus apprécié qu'une cravate. Plus que son utilité, c'est donc ce que représente le cadeau offert qui revêt davantage l'importance. « Ainsi les Chinois sont-ils friands d’Histoire, d’authenticité, de symbolisme, particulièrement respectueux des lieux et objets qui incarnent la culture et l’Histoire d’un pays, à la recherche de cadeaux-souvenir rares, précieux, et surtout inscrits dans une tradition remarquable… »33 Le Scotch whisky s'intègre parfaitement dans cette quête d'authenticité, de rareté, de culture et d'Histoire du consommateur chinois et représente donc un parfait cadeausouvenir pour le touriste chinois se rendant en Écosse. La plupart des acteurs écossais du spiritourisme s'adapte depuis quelques années voire quelques mois à cette tendance. La boutique de la fameuse attraction édimbourgeoise « The Scotch Whisky Experience » s'est par exemple équipée de documentation en langue chinoise et possède des conseillers de vente bilingues pour vanter les mérites de ses produits. La culture du cadeau en Chine : la valeur de l'authentique, disponible sur http://www.editionsleconte.com/blog/culture-du-cadeau-en-chine-valeur-l-authentique/ (consulté le 22/02/2014) 33 63 Cependant, malgré une volonté d'adaptation de certains établissements, nombre de distilleries ne possèdent toujours pas d'information en Mandarin, ni de personnel qualifié. En sus de l'activité de distribution directe, les grandes compagnies doivent s'adapter à ce nouveau marché. Celles-ci ont pris le parti du haut de gamme, faisant de leurs whiskies de réels produits « premiums » dans l'esprit des consommateurs chinois à grands renforts de campagnes de communication. 2.2 La « premiumisation » des marques de whisky en Chine « The China opportunity for Scotland is naturally becoming an area of interest for luxurysegment producers, particularly in the whisky market. In recent years, as Chinese drinkers have moved beyond the stereotypical “Chivas and green tea” concoction into premium single-malts and niche distilleries, high-end whisky exports have ballooned. »34 Traduction : « Le marché chinois gagne en intérêt pour les producteurs installés sur le segment du luxe, particulièrement pour les industriels du whisky. Depuis quelques années, on assiste à un glissement des consommateurs chinois vers des whiskies plus rares, plus onéreux, provenant de micro-distilleries, participant ainsi à l'explosion des exportations de whisky haut de gamme. » Les consommateurs chinois sont particulièrement attirés par les étiquettes clinquantes comme celles de la marque Chivas Regal, qui grâce à son packaging attractif, se trouve être le whisky le plus consommé en Chine. En effet, la marque a connu une croissance annuelle moyenne de +30 % en termes de volume au cours des cinq dernières années. Pour le groupe Pernod-Ricard (présent dans 450 villes en Chine), qui a réalisé plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2012 sur le territoire chinois, le pays est devenu son deuxième marché après les États-Unis. La recette de son succès passe par une démarche de « premiumisation » de ses produits visant à satisfaire les attentes de consommateurs chinois particulièrement soucieux des questions de prestige, de luxe et d'ostentation. China's luxury appetite a boon for Scotland, disponible sur http://jingdaily.com/chinas-luxury-appetite-a-boon-forscotland/20431/ (consulté le 22/01/2014) 34 64 En effet, vendue minimum 50€, la bouteille de Chivas Regal est considérée comme un whisky « super premium » dont l'image s'est construite en partie grâce à deux films publicitaires produits par la marque. L'un de ces films, dont le but était de promouvoir le Chivas 25 ans d'âge (produit particulièrement onéreux) a uniquement été diffusé dans les villes de Pékin et Shanghai (cibles stratégiques puisque c'est dans ces deux villes que les salaires sont le plus élevés). Il s'agissait d'un court métrage baptisé « DEJAVU » (diffusé au festival de Cannes en 2012) qui mettait en scène la légende du Chivas Regal via une intrigue sentimentale tournée dans un prestigieux palais indien. Pernod-Ricard a également souhaité positionner son whisky Ballentine's sur le segment du haut de gamme en utilisant les mêmes recettes qui avaient fait la réussite de son produit star. En effet, le groupe a ainsi réalisé le spot publicitaire intitulé « Leave an impression » (laisse une impression) mettant en scène un cadre chinois trentenaire ayant réussi professionnellement et qui n'a pas peur de relever des défis. Une campagne visant à montrer le consommateur de whisky Ballentine's comme un fin connaisseur, ambitieux et doté d'une certaine élégance. « Le scotch whisky est la catégorie la plus profitable du groupe. Et plus les marques sont premium, plus les taux de croissance sont importants ! » Pierre Pringuet – Pernod-Ricard Figure 10 : ¨Part des spiritueux de catégorie Premium au sein des pays du BRIC (IPSOS - 2013) 65 La premiumisation des marques passe par une adaptation aux attentes des consommateurs chinois qui souhaitent désormais satisfaire des besoins plus élevés si on prend en référence la célèbre pyramide de Maslow. Figure 11 : Pyramide de Maslow (MARC ARBOUR - 2013) Les marques premium symbolisent ainsi les idées de succès et de réalisation de soi qui se situent au sommet de la pyramide. Il s'agirait également d'une sorte de voyage à travers les différents niveaux de besoins puisque la consommation de whisky premium commence par la satisfaction d'un besoin de base, boire, et gravit ensuite les échelons en passant d'un produit permettant un sentiment d'appartenance à une certaine classe sociale ( il s'agirait ici presque d'un produit « tribal ») à un produit vecteur d'estime de soi, c'est-àdire, conférant au consommateur une certaine valeur. Selon une enquête réalisée par Ipsos sur le marché mondial des spiritueux en 2013, les marques premium sont considérées par les consommateurs des pays émergents comme un « luxe abordable » gage de qualité pour lequel ils acceptent de payer plus cher. 66 2.3 Une consommation ostentatoire de produits de luxe Le luxe est une notion particulièrement subjective dont les seuls dénominateurs communs semblent être les notions de qualité et de rareté synonymes d'un savoir-faire unique. Il est souvent rattaché dans l'esprit du consommateur à un produit ou service possédant un caractère élégant voire raffiné. Les vins et spiritueux font donc ainsi partie intégrante de l'univers du luxe puisqu'il s'agit de produits issus d'un savoir-faire unique de qualité s'apparentant à de l'artisanat d'art. Si en occident le luxe se veut plus émotionnel, personnel, secret et profondément ancré dans une tradition lointaine, il s'agit en Chine d'une notion récente et les consommateurs chinois ont donc un tout autre rapport à la notion d'ostentation. Alors que le client occidental sera plus dans une quête d'hédonisme 35 lorsqu'il consomme un produit de luxe, son homologue chinois recherchera lui à prouver sa réussite financière et donc professionnelle aux yeux de la société.36 « L’argent est devenu un paramètre fiable pour se situer socialement et le luxe est donc moins un plaisir privé qu’un indicateur de puissance. » Jonathan Siboni Il s'agit également de prouver que l'on a participé à la réussite de la communauté, une approche qui tranche avec la vision individualiste occidentale. En effet, la culture chinoise se veut interpersonnelle et encourage la démonstration d'une appartenance. « Consommer du luxe en Asie relève du sacrifice qui n’est pas tant destiné à produire un plus qu’à échapper à un moins. Le produit de luxe s’enracine dans la crainte du déclassement, protège du risque social. C’est un impôt qui permet de ne pas rater sa vie. » Eric Fouquier – sociologue du luxe Le terme « ostentation » viendrait du latin « ostentio » qui signifie « l'action de montrer avec insistance ». Quant au dictionnaire Larousse, il définit la notion comme « l'étalage indiscret d'un avantage ou d'une qualité ». L’hédonisme est une doctrine philosophique grecque selon laquelle la recherche du plaisir et l'évitement du déplaisir constituent l'objectif de l'existence humaine. 36 Luxe : les surprises de l'eldorado chinois, disponible sur http://www.paristechreview.com/2012/07/11/luxe-eldoradochinois/ (consulté le 23/02/2014) 35 67 Les chinois préfèrent ainsi investir dans un luxe transmissible et perceptible, d'où un rapport très fort à la notion d'ostentation participant d'une sorte de parade sociale. « Les objets, comme l'argent, ont une fonction première de signification du statut de leur possesseur, avant les fonctions de satisfaction des besoins » (Jean Baudrillard, la consommation des signes, 1976). En ce qui concerne la consommation ostentatoire de spiritueux en tant que produits de luxe, les consommateurs chinois s'adonnent à des comportements spécifiques. Nous avons eu l'occasion de discuter longuement avec Thomas M., expatrié à Shanghai depuis plusieurs années et serveur dans un bar branché de la métropole. Celui-ci nous raconte : « Lors d'un dîner au restaurant ou d'une sortie dans un bar ou une boîte branchée il n'est pas rare d'assister à certains comportements, qui en France paraîtraient insensés. Par exemple, si mon voisin commande une bouteille, je vais en commander une plus cher pour prouver que j'en ai la capacité financière. Une, puis deux, puis trois bouteilles. De par mon travail, il m'arrive souvent d'être témoin de ce genre de compétition. C'est toujours plus de surenchère ! » Cette consommation ostentatoire à la chinoise découlant directement de l'augmentation récente du niveau de vie des consommateurs chinois n'a pas échappé aux industriels du tourisme. En effet, l'Écosse, lieu de naissance du golf, communique beaucoup sur le marché chinois en faisant la promotion de ses terrains de golf, de ses palaces hébergés dans des demeures historiques (souvent d'anciens châteaux) et évidemment de ses produits de luxe tels que le cachemire, le saumon et le whisky. « Shoppers from mainland China and Hong Kong account for about 30% of the luxury goods market in Britain » (Jonathan De Mello, CB Richard Ellis Consultancy) Traduction : « Les acheteurs originaires de Chine et de Hong Kong comptent pour 30 % du marché des produits de luxe en Grande-Bretagne. » Le nombre de magasins de luxe et d'hôtels cinq étoiles a ainsi augmenté ces dernières années en Écosse pour satisfaire ce nouveau type de clientèle, qui aujourd'hui représente les touristes qui dépensent le plus lors d'un voyage sur le territoire écossais (770£ en moyenne par personne en 2012). 68 « While our Chinese visitors are interested in our stunning scenery and our castles, they also tend to be big spenders, interested in big brands and designer clothes. Many wealthy visitors also want to come to Scotland to play golf and buy luxury items such as whisky. » Mike Cantlay, Président de VisitScotland. Traduction « Intéressés à la fois par nos magnifiques paysages et nos châteaux, les visiteurs chinois dépensent de façon considérable et montrent un intérêt pour les grandes marques et les vêtements de créateurs. Beaucoup de riches touristes souhaitent également venir en Écosse pour jouer au golf et acheter des produits de luxe comme le whisky » Outre le luxe de produits que représente l'achat d'une bouteille de single malt, nous assistons depuis quelques années à l'émergence d'une nouvelle forme de luxe : le luxe d'expérience. 3 L'EXPERIENCE TOURISTIQUE AU CŒUR DES STRATEGIES Dans son livre « Le nouveau luxe : expérience, arrogance, authenticité », Yves Michaud nous rappelle les fondamentaux historiques de cette notion « d'expérience » apparue dans les années 1990 grâce à l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il cite les grands théoriciens du marketing, Pine et Gilmore, qui se placent en tant que précurseurs de l'analyse d'une nouvelle économie qu'ils nomment « l'économie de l'expérience » : « Leur constat était simple : il ne suffit plus aujourd'hui de vendre des biens et des services ayant une utilité par rapport à des besoins. Les consommateurs veulent des « expériences » qui aient du sens pour eux et leur donnent du plaisir. » (Yves Michaud, Le nouveau luxe, p. 81) Les stratégies de marketing expérientiel s'appuient ainsi sur l'impact émotionnel qu'un produit, un service, ou une expérience peuvent générer sur le consommateur. Il s’agit de rendre cet impact particulièrement stimulant. Nombre de chercheurs ont prouvé que la décision d'achat était en réalité plus le fruit d'une décision émotionnelle que rationnelle. Les professionnels du tourisme rivalisent donc de créativité afin de faire vivre au client 69 une expérience de consommation unique. L'impact émotionnel généré par l'expérience touristique passe inévitablement par la stimulation des sens du consommateur : la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher. Ce type d'approche est plus connu sous le nom de « marketing sensoriel » ou « poly-sensoriel ». 3.1 The Scotch Whisky Experience La notion d'expérience est au cœur du concept mis en place par l'attraction édimbourgeoise. En effet, différents formats de visites (Silver tour, Gold tour, Platinum tour et The Taste of Scotland) permettent au visiteur de partir à la découverte du célèbre spiritueux écossais dans ce qui semble s'apparenter à une distillerie reconstituée en plein cœur du centre historique de la capitale écossaise. Tous les formats incluent le « barrel-ride », une balade en fûts de chêne motorisés se déplaçant le long d'un circuit sur rails à travers différents espaces représentant chacun une étape de la fabrication du Scotch whisky. La visite est commentée par un guide on ne peut plus original, il s'agit d'un fantôme sous la forme d'un hologramme, rappelant au visiteur le caractère légendaire voire hanté du territoire. La visite permet au visiteur de découvrir le whisky via la stimulation de l'intégralité de ses sens : La vue est stimulée à grands renforts d'effets d'optiques, d'une ambiance lumineuse particulière, de la diffusion de vidéos ou encore à travers le design de l'attraction. L'odorat est quant à lui stimulé via une large gamme d'odeurs allant de la senteur de la tourbe à celle de la levure en ébullition. L'ouïe se veut en exergue grâce aux vidéos diffusées, aux explications du guidefantôme mais également par le crépitement reconstitué du feu. Le goût est au cœur de l'attraction puisque celle-ci se termine évidemment sur une dégustation du produit. Cette approche sensorielle est exacerbée au cours de la suite de la visite. Ainsi, après ce parcours en fût de chêne, le visiteur assiste à un cours magistral présentant les différentes 70 régions de production écossaises ainsi que les goûts et senteurs associés à chacune d'elles. Un support papier est distribué à chaque participant, représentant une roue à quatre couleurs. Chaque couleur correspond à une des quatre régions de production principales et lorsque l'on gratte la surface colorée, l'odeur associée à la région se dévoile. L'odorat du participant est ainsi sollicité à chaque étape de l'expérience. La dégustation du whisky de son choix (choisi grâce aux explications du cours précédent) a lieu au sein d'une grande salle à l'ambiance lumineuse tamisée abritant la plus grande collection de whiskies au monde. Chaque bouteille est soigneusement disposée derrière d'immenses vitrines de verre allant du sol au plafond et recouvrant tous les murs de la pièce, rendant l'endroit particulièrement impressionnant. La visite se termine dans le bar de l'établissement où sont exposées des bouteilles de collection rares et des fresques murales retraçant l'histoire du spiritueux et ses caractéristiques. Selon le forfait choisi, le visiteur pourra terminer sa visite au restaurant de l'établissement (le Amber Restaurant) où l'accord mets-whisky est mis à l'honneur. Finalement, l'endroit dispose évidemment d'une boutique attenante où le visiteur pourra acheter whiskies (à tous les prix), livres et autres gadgets. « The Scotch Whisky Experience » représente donc un véritable exemple de la mise en place d'une démarche de marketing expérientiel au sein d'une attraction touristique liée à la découverte du whisky. L'établissement réussit à faire vivre au consommateur une réelle expérience autour du produit sans que celui-ci n'ait besoin de se déplacer dans une quelconque distillerie, située à l'extérieur de la ville et donc plus difficile d'accès aux personnes en court séjour. Selon la directrice marketing du lieu, les récents investissements ont permis de développer la clientèle de l’établissement, et particulièrement d’attirer ces nouveaux touristes chinois (voir l’article de presse en Annexe B). Par ailleurs, en sus d’une augmentation du nombre de tickets vendus, cette dernière fait état d’un chiffre d’affaires en nette croissance en ce qui concerne les ventes de produits dans la boutique, et particulièrement des produits haut de gamme. En somme, le succès de l’attraction auprès des voyageurs chinois permet ainsi de prouver la pertinence de la stratégie de marketing expérientiel mise en place par l’établissement. 71 Figure 12 : Roue à gratter (SCOTCH WHISKY EXPERIENCE) 3.2 Stratégie expérientielle en Chine Comme nous l'avons vu précédemment, le consommateur de whisky chinois est encore novice et se réfère la plupart du temps uniquement à l'étiquette d'une bouteille pour décider de la valeur d'un whisky. Diageo a donc décidé de prendre totalement le contrepied de cette tendance en ouvrant à Shanghai en mai 2011, un établissement de trois étages uniquement dédié à sa marque Johnnie Walker dans le but d'éduquer les consommateurs chinois aux subtilités de son blend. L'endroit est accessible uniquement sur invitation et cible les riches hommes d'affaires, les entrepreneurs et autres célébrités ou leaders d'opinion. La somme moyenne dépensée par les visiteurs de la Johnnie Walker House pour l'achat d'une bouteille s'élèverait à 1500£. Le premier étage de la structure présente la reconstitution d'une distillerie miniature et du processus de fabrication du whisky sous forme de maquette. Cette étape permet aux visiteurs de rentrer progressivement dans l'univers de Johnnie Walker. C'est à l'étage supérieur que la marque permet au consommateur de vivre une expérience unique et novatrice grâce à l'utilisation des nouvelles technologies. Le groupe a ainsi installé une table numérique ludo-éducative visant à faire découvrir au visiteur les spécificités de son produit. Les murs entourant la pièce sont entièrement recouverts des différents whiskies proposés par la marque dont toutes les étiquettes ont été retirées afin de déstabiliser le consommateur chinois, trop habitué à se fier uniquement à celles-ci. L'art du blend lui est ainsi enseigné via un réel apprentissage de 72 la dégustation de whisky effectué dans les règles de l'art. Le visiteur apprend ainsi à reconnaître un vrai bon whisky autrement qu'en se fiant à son design ou à son prix. Diageo bouleverse ainsi les codes et les habitudes de ces consommateurs (voir article de presse en Annexe E). Comme le rappelle le représentant de Diageo en Chine lors d’une interview pour l'émission Thoughful China, l'objectif de la marque est de créer de vrais « glentlemen » chinois. La campagne baptisée « keep walking » (continue de marcher) évoque les notions d'ambition et de réussite auxquelles les consommateurs chinois sont particulièrement sensibles. Ainsi, la stratégie de Diageo pour développer le marché du Scotch whisky en Chine passe par la création d'un univers autour de la marque. Il s'agit de partir d'un produit et de ses valeurs associées pour développer autour de celui-ci une expérience unique visant à faire « ressentir la marque » au consommateur. Il s'agit pour le moment d'une stratégie gagnante puisque les exportations de Scotch whisky vers l'Empire du Milieu ne cessent de croître en volume et en valeur ainsi que la proportion de touristes effectuant des séjours spiritouristiques en Écosse. Figure 13: Table numérique de la Johnnie Walker House (JING DAILY - 2011) 73 4 STORYTELLING ET TOURISME : UNE APPROCHE NARRATIVE INDISPENSABLE Le storytelling est une forme de communication narrative visant à générer de l'émotion chez le consommateur via la stimulation de son imagination. Ainsi, ce type d'approche jouera sur les notions de mythe, de représentation et d'imaginaire. Selon Jean-Marc Blancherie, « un storytelling efficace est celui qui permet à chacun de se construire intérieurement, plus ou moins consciemment, une histoire qui lui correspond. L'histoire proposée est avant tout un cadre et un stimulant pour se projeter, rêver, construire ou faire revenir ses propres souvenirs et représentations mentales. C'est donc une question d'imaginaire et de liens subconscients. » (Revue Espaces n°292, p10) Les touristes chinois, sensibles à la symbolique véhiculée par un produit, se montrent particulièrement réceptifs à ce type de démarche marketing . En effet, en axant leur stratégie sur le storytelling, les marques parviennent à se créer un réel « capital symbolique » (Jean-Marc Blancherie) par le biais de légendes. Ainsi, la marque Chivas Regal, numéro un des ventes de whisky en Chine s'est entièrement réinventée : « Chivas c'était un whisky que votre père buvait, quelque chose que vous offriez en cadeau, mais que vous ne buviez pas vous-même […] Nous voulions renforcer et nourrir l'essence de notre marque, riche et généreuse. Pour cela, rien de mieux qu'une bonne histoire. Les marketeurs de Chivas décident alors de réécrire l'histoire de la marque. Un journaliste est embauché pour raconter ses heures de gloire : The Chivas Legend est un récit dans lequel viennent s'emboîter douze épisodes de la vie multiséculaire du whisky douze ans d'âge » (Christian SALMON, Storytelling : la machine à fabriquer des histoires et à formater des esprits). Dans le domaine du tourisme, il s'agit pour une destination, un territoire, de réussir à faire rêver le touriste par le récit. Le but ultime du storytelling étant d'arriver à construire une réelle relation entre la marque et le consommateur. « Rien n'est plus storytelling, en soi, que le voyage, la rencontre de nouveaux espaces et paysages, de nouvelles personnes, habitudes, gastronomie, événements culturels... » « La composante immatérielle est essentielle dans la consommation de produits de luxe […], de voyage... Elle est liée au rêve, aux représentations mentales et projections de chacun, mais aussi à l'expérientiel, au vécu d'une expérience personnelle attendue ; à 74 l'individualisation, au sentiment de la personne d'exister de plus en plus en fonction d'elle-même ». (Jean-Marc Blancherie, Revue Espaces n°292, p13) Le storytelling se veut ainsi bâtir une relation profonde chez le consommateur faisant appel à tous ses sens à la manière d'un « outil cognitif puissant »(J.M Blancherie, Revue Espaces n°292, p15). Isabelle Thellier résume parfaitement l'idée selon laquelle le storytelling peut être un outil marketing puissant faisant partie intégrante de la décision d'achat du consommateur potentiel : « Le récit capte l'attention et provoque l'adhésion au discours avec plus d'efficacité qu'une litanie d'arguments rationnels. Pour parler à la tête, il faut d'abord parler au cœur. Autrement dit, il faut passer par l'émotion pour atteindre la raison. » (Revue Espaces, n°292, p32) De nombreuses distilleries ont ainsi pris le parti de communiquer sur l’histoire de leur établissement et par conséquent sur la tradition, souvent ancestrale, qui entoure leur produit. C’est par exemple le cas de l’établissement Macallan, propriété du groupe Edrington, qui propose sur son site web un document illustré de 27 pages retraçant le passé historique de son whisky. Figure 14: frise chronologique de la distillerie Macallan (THEMACALLAN.COM - 2014) Sur le territoire écossais, nombre de distilleries tirent parti de cette tendance et n'hésitent pas à communiquer et attirer les touristes via des soirées spéciales « whisky and tales » (whisky et contes) ne lésinant pas sur les anecdotes historiques. Certains guides en ont même fait leur spécialité et de plus en plus de micro-entreprises surfant sur la vague du storytelling ont vu le jour ces dernières années. 75 Figure 15 : Flyer promotionnel de l'entreprise Storytelling Scotland 76 PARTIE 3 ÉTUDE COMPARATIVE 77 INTRODUCTION Dans cette troisième et dernière partie, nous avons choisi d'analyser les stratégies mises en place par deux territoires spécifiques : le Speyside et la Côte Ouest écossaise. Il s'agit de deux régions choisies pour leur offre en matière de tourisme de découverte du whisky ainsi que pour leur dynamisme et leur capacité d'innovation. Dans un premier temps, nous analyserons le territoire de chacune de ces deux régions et ferons ainsi l'inventaire de leurs principaux atouts en matière de spiritourisme. Finalement, dans une démarche purement méthodologique, nous tenterons de mettre en place un outil de recherche nous permettant d'appréhender les attentes des touristes chinois envers ces deux régions spécifiques. Il s'agira par conséquent de poser les bases d'un futur travail de recherche. 78 CHAPITRE 1 DEUX REGIONS CONCURRENTES : LE SPEYSIDE ET LA COTE OUEST 1 SPEYSIDE : UNE PUISSANCE SPIRITOURISTIQUE 1.1 Une terre de contrastes La région du Speyside se situe au nord-est du territoire écossais. Géographiquement parlant, selon le morcellement territorial de l'Écosse, celle-ci se retrouve à cheval sur deux districts parmi les 32 que compte le pays : Moray et Badenoch-Strathspey. Paradoxalement, malgré sa superficie restreinte, c'est dans cette région que se concentre le plus grand nombre de distilleries de whisky au monde, faisant de cette partie du pays le berceau du Scotch whisky. Comme son nom l'indique, le Speyside renvoie aux terres longeant la vallée du fleuve Spey (« side » signifiant ici « à côté de ») qui coule dans cette partie nord des Highlands. Figure 16 : Localisation du Speyside (THESPIRITSBUSINESS.COM) 79 Figure 17 : Principales villes et axes (PARKLANDGROUP.COM) Bien que relativement petite en terme de superficie, la région propose néanmoins une offre de single malts très diversifiée : « Pas une route, pas un chemin sans que se dresse l'oriflamme d'une marque prestigieuse de whisky claquant dans le vent des Highlands. Le Speyside n'est-elle pas le berceau du whisky écossais ? Toutes les conditions requises pour faire un bon whisky sont ici réunies : l'eau pure de la Spey et de ses affluents (la Fiddich, l'Avon et la Livet), la proximité des champs d'orge et une expérience séculaire de distillation qui remonte aux débuts de l'histoire du whisky » (Oliver Page) Pour notre recherche, il apparaît plus pertinent de classer ces whiskies en plusieurs catégories en prenant comme point de référence les principaux cours d'eau que compte la région et dont les vertus entrent pleinement en considération dans l'élaboration des malts qui y sont produits. a) DEVERON : Cette vallée compte deux grands noms du Scotch whisky, les distilleries de Glendronach et de Macduff. Le territoire compte en tout six distilleries relativement dispersées. Le whisky qui y est produit est décrit comme particulièrement fort. b) ISLA : (à ne pas confondre avec l'île de Islay). La légende raconte que c'est ici qu'au cours du XIIe ou XIIIe siècle, des moines ont apporté la technique de la distillation en Écosse. Isla est le berceau de la plus vieille distillerie du pays, Strathisla, fondée en 1786 dans la ville de Keith. Isla compte en tout cinq distilleries et la plupart de ses malts sont secs. 80 c) FIDDICH AND DULLAN : Ces deux cours d'eau se croisent dans la ville de Dufftown, s'autoproclamant capitale écossaise du whisky. « As the saying goes " Rome was built with seven hills, Dufftown was built with seven stills" ».37 (traduction : Selon la légende « Rome a été construit avec sept collines, Dufftown a été construit avec sept alambics »). Il existe encore six distilleries en état de fonctionnement dans la région malgré la perte de Pittyvaich en 2002. Quelques autres établissements existent mais ne sont plus en activité. Quelques-uns des célèbres malts qui ont fait la réputation du Speyside sont produits dans cette région, parmi lesquels, le fameux Mortlach. d) LIVET : La distillerie la plus célèbre du coin tire directement son nom de la vallée ellemême : il s'agit de la distillerie de Glenlivet. Il existe quatre autres distilleries dans cette région, produisant toutes un whisky léger, doux et délicat. e) SPEY : Terre d'appartenance des plus grands noms du Scotch whisky : Macallan, Aberlour ou encore Glenfarclas. Il existe douze distilleries concentrées dans un rayon de quelques kilomètres. En effet, en moyenne, moins d'un kilomètre sépare chaque distillerie de sa voisine. f) ROTHES BURN : Ce cours d'eau croise la Spey dans la ville de Rothes, une autre ville s'étant proclamée « capitale du whisky ». Cette petite bourgade rurale possède à elle seule cinq distilleries dont les malts possèdent une saveur de noisette. Deux grands noms de la région sont Speyburn et Glen Grant. g) LOSSIE : Terre d'accueil des moines bénédictins il y a plusieurs siècles, les malts produits dans ce coin de la région sont décrits comme doucereux et maltés. Quelques distilleries reconnues : Miltonduff, Longmorn ou encore Linkwood. La ville la plus importante de la vallée se trouve être Elgin, où la boutique Gordon & MacPhail se targue d'être le magasin de whiskies le plus célèbre du monde. Elgin est également le chef-lieu du Moray et un endroit particulièrement touristique servant de base aux visiteurs du Speyside. h) FINDHORN : La célèbre distillerie de Benromach se situe dans la ville de Forres. Son malt possède un goût crémeux et fleuri. Parmi les plus importantes attractions spiritouristiques du coin, on compte le musée de la distillerie de Dallas Dhu et la distillerie de Tomatin. Speyside, the home of Whisky, disponible sur http://www.speysidetours.co.uk/pages/whisky.html (consulté le 05/03/2014) 37 81 Cette description permet de mettre en lumière l'aspect fortement contrasté du Speyside, une région entre mer et montagne dont la géographie permet aux différentes distilleries présentes sur le territoire de proposer des whiskies uniques, faisant ainsi sa notoriété auprès des touristes. 1.2 Deux initiatives maîtresses 1.2.1 The Malt Whisky Trail ou la Route du Whisky The Malt Whisky Trail est une initiative touristique locale permettant de visiter huit distilleries de la région du Speyside ainsi qu'une tonnellerie. L'initiative vise à développer le spiritourisme dans la région et à promouvoir le patrimoine écossais lié au Scotch whisky. Le circuit permet de visiter dans l'ordre : Benromach Cardhu Dallas Dhu Glenfiddich Glen Grant The Glenlivet Glen Moray La tonellerie du Speyside (Speyside Cooperage) Strathisla Figure 18 : Itinéraire de la Route du Whisky (ROBROYTOURS.COM) 82 The Malt Whisky Trail est en réalité une initiative permettant une coopération entre des entreprises publiques et privées. Il s'agit en effet d'une entreprise collaborative entre les offices de tourisme d'Aberdeen et Grampian, The Local Enterprise Company, sept distilleries et une tonnellerie de la région du Speyside. S'inspirant du modèle de la route des Châteaux de la Loire en France, les premières distilleries de la route du whisky ont ouvert leurs portes au public en 1972. Aujourd'hui, l'initiative consiste en la mise en place de panneaux d'indication le long de la route, d'un itinéraire spécifique et de documentation sur les différentes distilleries à visiter. Figure 19 : panneau indiquant l'itinéraire (GREATER-SPEYSIDE.COM) Le célèbre magazine américain Forbes a par ailleurs élu « The Malt Whisky Trail » parmi « the world's best whiskey tours » (les meilleurs itinéraires de découverte du whisky au monde),38 une consécration pour la région, qui a permis d'attirer encore plus de touristes. Une étude de 2007 montrait que le nombre de visiteurs chinois à venir visiter la distillerie de Glenfiddich avait augmenté de 37.5 % en un an. Une telle augmentation a poussé l'établissement a employé une guide maîtrisant le Mandarin et le Cantonnais (Ines Hiu Ting Shek), faisant de cette dernière la première guide parlant chinois dans la région. Elizabeth Lafferty, en charge des relations publiques pour la distillerie déclarait alors: The world's best whiskey tours, disponible sur http://www.forbes.com/2002/08/29/0829feat.html (consulté le 05/03/2014) 38 83 « China is a major emerging market for single malt Scotch whisky and also, as the Chinese are now free to travel around more easily, we are seeing increasing numbers coming to visit malt whisky country ! » 39 Traduction : « La Chine est un marché émergent majeur pour le Scotch whisky, et puisque les Chinois peuvent désormais voyager plus librement, nous assistons à une nette augmentation de touristes chinois venant découvrir le pays du malt whisky ! » (ici, l'expression « pays du malt whisky » renvoie à la région du Speyside et non à l'Écosse dans son intégralité.) 1.2.2 Spirit of Speyside Festival Événement majeur en Écosse et dans le monde, le Spirit of Speyside Festival vise à promouvoir le patrimoine matériel et immatériel de la région écossaise du Speyside depuis 1999. Le festival a généralement lieu la première semaine du mois de mai chaque année et dure cinq jours. Cinq jours pendant lesquels ont lieu divers événements liés à la culture écossaise et principalement à son or liquide : le Scotch whisky. En 2013, les festivaliers ont par exemple pu prendre part à 370 activités parmi lesquelles la plus populaire reste le Whisky Awards Judging qui permet de décerner un prix aux meilleurs Scotchs présentés. L'édition 2013 a permis de regrouper 32 000 visiteurs pour un montant total dépensé durant les festivités de £1.65 million.40 Les différentes activités proposées ont lieu dans diverses villes de la région. La remise des prix des meilleurs whiskies se déroule par exemple à Keith alors que l'exposition artistique « Colour of Whisky » a lieu dans la ville d'Aberlour. Le festival permet au visiteur, novice comme connaisseur, de découvrir le whisky sous différents aspects alliant musique traditionnelle, arts graphiques, arts culinaires, excursions guidées, concours, sport et même éducation puisque la « Whisky School » (école du whisky) permet à celui qui le souhaite de connaître tous les secrets de la boisson nationale grâce à un programme de cours sur trois jours pendant le festival. Speyside's guide to the Orient, disponible sur http://www.northern-scot.co.uk/Features/People-and-Places/Speysidesguide-to-the-Orient-2149.htm (consulté le 05/03/2014) 40 Another bumper year for the Spirit of Speyside Whisky Festival, disponible sur http://www.eventscotland.org/news/2013/7/another-bumper-year-for-the-spirit-of-speyside-whisky-festival (consulté le 05/03/2014) 39 84 Figure 20 : Spirit of Speyside Festival (WHISKYSHOPDUFFTOWN.COM) Le festival a permis à la région du Speyside de gagner en visibilité à l'international puisque l'événement a connu une augmentation de 30 % sur les ventes de tickets en 2013 par rapport à l'année précédente. Une augmentation qui serait en partie due à la part de plus en plus importante des touristes internationaux. A cette occasion, le directeur du festival, James Campbell, déclarait : « There was a marked increase in visitors from the USA and Canada, and visitors also travelled from as far afield as BRIC countries. Scandinavian visitors continued to represent the keenest Speyside whisky fans who were attracted by the exceptional choice of whisky-based events and activities. » traduction : « Il y a une augmentation marquée des visiteurs en provenance des ÉtatsUnis et du Canada, mais également des visiteurs originaires des pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Les Scandinaves représentent encore les plus grands fans de whisky du Speyside, attirés par le choix exceptionnel et l'offre en matière d'activités et d'événements en rapport avec le whisky » Mary Hemsworth ajoutait : «Year after year the Festival continues to attract visitors from around the globe, with many having attended five or more times. » traduction : « Année après année, le festival continue d'attirer des visiteurs venus des quatre coins du monde, dont beaucoup étaient déjà venus cinq fois ou plus. » Le festival représente donc pour la région une opportunité pour attirer des touristes chinois via une offre en matière d'événements et d'activités particulièrement complète et désormais adaptée à ce marché exigeant. 85 1.3 Diagnostic interne et externe de la région Afin d'analyser le potentiel d'attractivité du Speyside auprès des touristes chinois, nous avons établi une matrice SWOT (Strenghts, Weaknesses, Opportunities, Threats ou Forces, Faiblesses, Opportunités, Menaces) de la région. Celle-ci décline quatre facteurs clefs : a) Les forces sont les aspects internes positifs contrôlés par l'entreprise ou dans notre cas, par le territoire, et sur lesquels celui-ci peut agir. b) Les faiblesses sont également des aspects internes, mais contrairement aux forces, ceux-ci sont négatifs. Les faiblesses sont elles aussi sous le contrôle du territoire et celuici peut ainsi mettre en œuvre des mesures d'amélioration. Ces deux facteurs représentent le diagnostic interne, qui dans le cadre d'une analyse SWOT est inévitablement subjectif. Certains outils d'investigation plus approfondis peuvent être nécessaires comme par exemple la mise en place d'un réel audit des ressources du territoire. c) Les opportunités représentent les aspects externes positifs dont le territoire peut tirer profit. Elle ne sont pas contrôlées par le territoire, qui ne peut donc guère les influencer. d) Les menaces sont les limites ou obstacles extérieurs qui empêchent le développement du territoire. Tout comme les opportunités, le territoire n'a aucun contrôle sur elles. Ces deux derniers facteurs constituent le diagnostic externe.41 L'analyse SWOT, disponible sur http://ec.europa.eu/europeaid/evaluation/methodology/examples/too_swo_res_fr.pdf (consulté le 25/03/2014) 41 86 FORCES OPPORTUNITÉS dynamisme. innovation. authenticité. offre touristique variée. tradition multiséculaire. berceau du Scotch whisky et particulièrement de marques renommées. réputation. FAIBLESSES MENACES Homecoming Scotland 2014. croissance du secteur touristique écossais auprès des pays émergents. Ryder Cup. Commonwealth Games. stratégies de communication menées en Chine à la fois par l'Écosse mais également par les grands groupes de spiritueux. augmentation des exports de Scotch whisky à l'international et particulièrement en Chine → visibilité. publicité de la région grâce au cinéma (Ken Loach – primé à Cannes en 2012). augmentation des dépenses des touristes chinois sur le territoire écossais et particulièrement pour les produits de luxe. notoriété à l'international. situation géographique éloignée des grandes villes. mal desservie par les transports en commun. concurrence d'autres régions. concurrence des grandes villes écossaises comme Edimbourg et Glasgow. concurrence d'autres pays producteurs de spiritueux. problématique du VISA pour les ressortissants chinois. rapide évolution des pratiques touristiques chinoises nécessité d'adaptation des attractions touristiques et des établissements d'hébergement. Figure 21: analyse SWOT du Speyside (ANNE-SOPHIE BIGOT) 87 2 LA COTE OUEST : UNE REGION PARTICULIEREMENT DYNAMIQUE 2.1 Un ensemble géographique unique Figure 22: localisation de la Côte ouest (WHISKYCOAST.CO.UK) La Côte Ouest écossaise ne possède pas de limites officielles mais dans le cadre de cette étude, nous situerons ses limites à Dumfries et Galloway au Sud et Scourie au Nord. La région comprend toutes les îles de la Côte Ouest dont : a) Arran : septième plus grande île d'Écosse avec 432km² de superficie pour une population totale de 5058 habitants. On la surnomme souvent « Écosse miniature » car elle concentre sur une superficie restreinte toutes les spécificités du territoire écossais. Sa capitale n'est autre que la ville de Brodick. La principale source de revenu de l'île se trouve être le tourisme. En effet, les visiteurs aiment venir y jouer au golf, y admirer la faune et la flore, y randonner et évidemment découvrir le whisky produit sur ses terres. Le premier spiritueux distillé dans la distillerie de Isle of Arran située à Lochranza date de 1995, il s'agit en effet d'un des établissements les plus récents sur le territoire écossais. Ses alambics produisent une boisson crémeuse rehaussée par quelques touches subtiles inhérentes à son caractère insulaire. 88 b) Skye : île faisant partie de l'Archipel des Hébrides, il s'agit de la seconde île la plus importante d'Écosse en terme de superficie (1656 km²). Elle abrite 9232 habitants et la ville la plus importante de la région se trouve être Portree. Son relief est marqué par la chaîne des Cuillin (culminant à 962 mètres) et une ancienne activité volcanique. Au Sud de l'île, on retrouve une multitude de péninsules parmi lesquelles Minginish, Watermish ou encore Trotternish. Le tourisme est sans surprise le principal levier économique de l'île ainsi que la pêche, la pisciculture et l'élevage. C'est ici que se trouve la célèbre distillerie de Talisker à l'Ouest de l'île, établissement datant du début du XIX e siècle et produisant le fameux whisky baptisé « isle of Skye ». IL s'agit d'un whisky explosif en bouche, poivré, presque volcanique. Par ailleurs, une seconde distillerie devrait voir le jour en 2015 à Torabhaig. c) Jura : L'île du Jura fait également partie de l'Archipel des Hébrides, elle couvre une superficie de 368km² pour une population ne dépassant pas les 200 habitants. Il s'agit d'une région particulièrement enclavée et rurale dont la bourgade principale, Craighouse, ne possède en réalité que très peu d'infrastructures. Néanmoins, la région n'en reste pas moins très visitée par les spiritouristes, puisque la distillerie Isle of Jura, propriété du groupe Whyte and Mackay, propose un produit très apprécié des amateurs de malt. En effet, il s'agit d'un whisky particulièrement doux et non tourbé contrairement à ce que pourrait impliquer son territoire de fabrication. d) Mull : Il s'agit de la deuxième plus grande île des Hébrides intérieures (875,35 km²). Elle compte une population d'environ 2500 habitants et la ville la plus importante du territoire se trouve être Tobermory. Ses spécificités géographiques incluent la présence de lochs (lacs) et de glens (vallées) formés au cours de l'ère glaciaire. Néanmoins, l'île abrite de belles plages de sable bordées de falaises rocheuses. La distillerie Tobermory, en activité depuis 1798, produit un single malt fumé baptisé Ledaig. e) Islay : l'île fait également partie de l'Archipel des Hébrides et possède d'ailleurs le surnom de « Reine des Hébrides ». Islay s'étend sur 619,56 km² et compte 3457 habitants. La population se concentre principalement dans la ville principale, Bowmore. Bien que la production de whisky soit la plus célèbre de l'île, cette dernière vit également de l'élevage et de l'écotourisme. 89 Le territoire compte huit distilleries en activité : Bowmore, Lagavulin, Ardbeg, Caol Ila, Laphroaig, Bruichladdich, Bunnahabhain et Kilchoman. 2.2 D'importantes initiatives pour développer le spiritourisme 2.2.1 The Classic Malt Cruise Initiée en 1994 pour fêter le 200e anniversaire de la distillerie d'Oban, la Classic Malt Cruise devait être un événement exceptionnel organisé une seule fois. Aujourd'hui, il s'agit néanmoins de la croisière annuelle la plus importante en Écosse. Gérée par le World Cruising Club mais sponsorisée par l'entreprise United Distillers and Vinters (UDV), la croisière couvre deux semaines de navigation dans les Hébrides intérieures avec des arrêts programmés dans diverses distilleries où des visites, dégustations, repas et autres divertissements sont proposés. A l’époque, 100 bateaux participaient à la traversée pour un équipage de 4 à 5 personnes par embarcation. En 2006, on comptait alors 23 embarcations étrangères. L'une des spécificités de ce type d'initiative réside dans sa clientèle, en grande partie constituée de consommateurs possédant un pouvoir d'achat particulièrement élevé. Les participants sont guidés vers des distilleries se situant pour la plupart « hors des sentiers battus », faisant ainsi de ces croisières un « must-do » (« à faire absolument ») pour les passionnés de Scotch whisky. L'ambiance autour de cet événement est particulièrement conviviale et chaleureuse, comme le décrit un de ses participants : « The atmosphere of camaraderie was infectious.... Here we all were, in the surroundings of a world class distillery in an absolutely idyllic location, enjoying first class hospitality and wonderful company » (Jones, 2004) Traduction : « L'atmosphère de camaraderie était contagieuse... Nous étions tous là, dans les environs d'une distillerie mondialement connue, dans un lieu absolument idyllique, profitant d'un accueil exceptionnel et d'une compagnie merveilleuse » 90 Cette ambiance de festivité et de franche « camaraderie » permet de créer une réelle association dans l'esprit du visiteur, faisant ainsi le lien inconscient entre les produits des distilleries et la notion de « bon moment ». Aujourd'hui, presque la moitié des équipages sont étrangers, permettant ainsi aux visiteurs internationaux de découvrir les différents whiskies proposés dans les meilleures circonstances possibles. D'un point de vue marketing, il s'agit d'une stratégie particulièrement intéressante. Les touristes chinois, bien qu'encore très peu présents sur l'événement, pourraient aisément y trouver leur compte puisqu'il s'agit d'une initiative favorisant les interactions sociales entre personnes provenant de milieux sociaux souvent similaires. Le « niveau » de la croisière symbolise en effet l'appartenance à un statut social élevé et véhicule une image de prestige. Il s'agirait par conséquent d'une activité répondant parfaitement aux besoins des nouvelles classes moyennes supérieures chinoises, mêlant tous les attributs qu'elles recherchent dans une activité touristique : découverte de la gastronomie locale, des paysages, du patrimoine culturel, détente, shopping et produits de luxe. Figure 23 : de l'attribut à la valeur pour le client par rapport à chaque activité proposée (GEOFF MCBOY - 2008) 91 En 2014, la croisière aura lieu du 11 au 24 juillet et son itinéraire passera par les points d'intérêts suivants : Plockton Tobermory La vieille forge d'Inverie Coll (port) Loch Moidart Les plages d'Arisaig Loch Scresort Loch Scavaig (Skye) Le port de Soay Les communautés de Canna, Eigg et Muck Loch Maddy Les formations rocheuses de Treshnish islands Iona La vieille auberge de Carbost 2.2.2 The Whisky Coast : la naissance d'un cluster Au cours de la seconde moitié des années 2000, 16 des distilleries les plus emblématiques de la Côte Ouest écossaise ont pris la décision d'unir leurs forces, pour la première fois, dans le but de créer une entreprise à part entière entièrement dédiée à la promotion de la région en tant que destination touristique de premier choix. Baptisée « The Whisky Coast » (La Côte du Whisky), la firme est le résultat d'une alliance stratégique entre les distilleries concurrentes, trois tours-opérateurs (Rabbie's Trail, Scotsell et Perry Golf), 18 hôtels, des restaurants, des terrains de golf et autres attractions touristiques installés dans la région. L'initiative a également été rendue possible grâce au financement de l'organe de promotion national VisitScotland ainsi que de la structure privée Highlands and Islands Enterprise. Cette initiative a pour but premier de faire monter en gamme la région et ses distilleries associées afin d'y attirer davantage de « highspending visitors » (touristes dépensant beaucoup) et les encourager à y rester plus 92 longtemps. La Whisky Coast s'étend ainsi de la distillerie de Springbank à Campbeltown au sud jusqu'à celle de Talisker sur l'île de Skye au nord. Lors d'une interview donnée à la distillerie écossaise de Laphroaig au moment du lancement de l'initiative, Chris Conway, l'un des directeurs de ScotlandWhisky, précisait que le projet consistait à capitaliser sur le rôle primordial que jouait déjà le Scotch Whisky dans l'industrie du tourisme en Écosse (selon un rapport de Frank Urquhart pour The Scotsman, consulté le 12/03/2014) : « Over one million tourists visit a distillery every year according to the Scotch Whisky Association and distillery visitor centres generate £17.3 million in economic benefit from ticket and gift sales. Whisky is a fantastic icon for Scotland and internationally recognised. Being able to tap into its global reach is an amazingly powerful marketing tool for the West Coast of Scotland. Its single malts are known throughout the world, and now its tourism experience should be celebrated in the same way. » Traduction « Plus d'un million de touristes visitent une distillerie chaque année selon la Scotch Whisky Association et les centres d'accueil de visiteurs des distilleries génèrent un bénéfice sur les ventes de tickets et de cadeaux de 17,3 millions de livres Sterling. Le whisky est une incroyable icône pour l'Écosse, internationalement reconnu. Etre capable de toucher cette audience globale représente un outil marketing particulièrement puissant pour la Côte Ouest écossaise. Ses single malts sont connus dans le monde entier et désormais, il devrait en être de même pour son offre en matière d'expérience touristique. ». Mark Reynier, l'un des fondateurs de la société et directeur de la distillerie de Bruichladdich à Islay, déclarait quant à lui que l'entreprise représentait un exemple parfait de la collaboration des secteurs privés et publics, travaillant ensemble pour le bénéfice de la région. «The Whisky Coast is a project designed to benefit the whole economy. It’s about much more than trying to encourage people to visit one or more distilleries. We’re encouraging them to explore further and see more of this dramatic, wild, indented coast, to stay longer and spend more. Whisky may be the most tangible of the initiative, but it’s the misty harbours and moonlit mountains which add the drama and live on in memories. » Traduction : « The Whisky Coast est un projet créé dans le but de bénéficier à l'économie dans son intégralité. Il ne s'agit pas uniquement d'essayer d'encourager les gens à visiter 93 une ou plusieurs distilleries. Nous essayons de les encourager à aller voir plus loin et explorer davantage cette côte spectaculaire, sauvage et escarpée, ainsi qu'à rester plus longtemps et dépenser plus. Bien que le whisky représente la part la plus tangible de l'initiative, ce sont les ports brumeux et les montagnes éclairées par la lune qui ajoutent de l'intensité et constituent des souvenirs. » Il s'agit là d'une initiative novatrice en Écosse : communiquer sur le whisky et créer un produit touristique dédié à celui-ci pour en réalité promouvoir une région entière auprès des touristes. Longtemps boudée par les spiritouristes de passage qui lui préféraient bien souvent sa rivale du Speyside, la région de la Côte Ouest écossaise a pu, grâce à cette stratégie de cluster de tourisme, retrouver une certaine notoriété auprès des visiteurs locaux comme internationaux. L'initiative participe également à l'objectif du gouvernement écossais d'atteindre une croissance de 50 % entre 2005 et 2015 ainsi qu'aux collectivités locales qui souhaitent développer économiquement certaines régions rurales particulièrement enclavées. Les industriels du whisky collaborent ainsi avec ceux du tourisme afin de toucher de nouvelles cibles particulièrement rentables pour la région. La campagne de communication mise en place à la suite de l'officialisation du cluster mettait ainsi en avant les principales caractéristiques de la région : une atmosphère mystique, un environnement théâtral, une côte escarpée, des distilleries renommées construites dans des bâtiments uniques et au centre de l'identité visuelle de la région, une figure féminine affublée d'un costume d'ange, représentant ce que l'on appelle « la part des anges »42 et permettant également de communiquer en se servant de l'imaginaire véhiculé par le célèbre film de Ken Loach. 42 Le chêne dont est fabriqué le fût est poreux. Il laisse donc s'évaporer une partie du whisky qu'il contient. On compte qu'il s'évapore ainsi entre 1 et 2% du contenu du tonneau par an. C'est ce qu'on appelle "la part des anges" (Jean-Marie Putz) 94 Figure 24 : Identité visuelle de la Côte du whisky (SCOTLANDWHISKY.COM) Finalement, malgré des atouts indéniables et une importante capacité d'innovation, les régions du Speyside et de la Côte d'Ouest n'attirent chaque année qu'une faible proportion de touristes chinois, ceux-ci préférant rester aux environs des grandes villes écossaises. Notre recherche nous amène donc inévitablement à essayer de comprendre les raisons qui font que ces deux régions ne parviennent pas à attirer davantage de visiteurs originaires de Chine, malgré les stratégies mises en place par chacune d'elle. 95 Diagnostic interne et externe de la région 2.3 FORCES FAIBLESSES dynamisme innovation communication situation géographique (plages, îles etc.) distilleries renommées hétérogénéité du territoire (diversification de l'offre touristique) événements uniques (Classic Malt Cruise) certaines distilleries proposent des visites en Mandarin OPPORTUNITÉS saisonnalité de l'activité touristique (été) distance entre les différentes distilleries certaines zones difficiles d'accès hétérogénéité du territoire (risque de manque de cohérence dans la stratégie. MENACES cluster de tourisme proximité de l'Irlande extension des transports en commun vers la région (train) Homecoming Scotland 2014 Ryder Cup stratégies de communication déployées en Chine par les grands groupes de spiritueux et par la destination Écosse. croissance du secteur touristique écossais auprès des pays émergents. augmentation des exports de Scotch whisky à l'international et particulièrement en Chine → visibilité. augmentation des dépenses des touristes chinois sur le territoire écossais et particulièrement pour les produits de luxe. concurrence des autres régions écossaises concurrence d'autres pays producteurs (Irlande) concurrence des grandes villes écossaises problématique du VISA pour les ressortissants chinois rapide évolution des pratiques touristiques chinoises nécessité d'adaptation des attractions touristiques et des établissements d'hébergement. Figure 25 : Analyse SWOT de la Côte Ouest écossaise (ANNE-SOPHIE BIGOT) 96 CHAPITRE 2 MISE EN PLACE D'UN OUTIL DE RECHERCHE 1 UNE METHODE QUALITATIVE Afin de comprendre les raisons qui font des deux régions précédemment étudiées des zones non attractives pour les touristes chinois, nous avons décidé de mettre en place une étude basée sur une méthode d'entretiens qualitatifs semi-directifs. L'objectif principal de cette enquête étant d'identifier les problèmes et pouvoir ainsi y apporter les améliorations nécessaires selon les besoins évoqués par les répondants. « L’entretien semi-directif est une technique qualitative de recueil d’informations permettant de centrer le discours des personnes interrogées autour de thèmes définis préalablement et consignés dans un guide d’entretien. Contrairement à l’entretien directif, l’entretien semi-directif n’enferme pas le discours de l’interviewé dans des questions prédéfinies, ou dans un cadre fermé. Il lui laisse la possibilité de développer et d’orienter son propos, les différents thèmes devant être intégrés dans le fil discursif de l’interviewé. L’entretien semi-directif permet de recueillir des informations de différents types : des faits et des vérifications de faits, des opinions et des points de vue, des analyses, des propositions, des réactions aux premières hypothèses et conclusions des évaluateurs. »43 AVANTAGES INCONVÉNIENTS recueil d'informations complètes et approfondies sur différents aspects (représentations, imaginaire, pratiques réelles.) vision personnelle prise en compte du langage nonverbal (gestes, regard...) vision subjective approche relativement longue pour réussir à regrouper des informations pertinentes. le choix des répondants est très important puisque les résultats dépendent de leur connaissance du sujet. Figure 26 : avantages et inconvénients de l'analyse qualitative (EUREVAL.FR) Qu'est-ce qu'un entretien semi-directif ?, disponible sur http://www.eureval.fr/IMG/File/FT_Entretien.pdf (consulté le 13/03/2014) 43 97 La mise en place d'une telle démarche passe par plusieurs étapes : a) L'échantillonnage : une sélection rigoureuse des interviewés en fonction du thème abordé. Ici nous choisirons à la fois des touristes chinois qui n'ont jamais visité le territoire écossais (que l'on appellerait « first-time travellers ») ainsi que des touristes chinois connaissant le pays (que l'on appellerait « repeaters »). De plus, l'enquête pourrait être enrichie grâce à diverses entrevues à la fois avec des experts du secteur touristique et du comportement des touristes chinois : universitaires ou professionnels. b) La conception du plan d'entretien et donc la rédaction d'un guide d'entretien destiné à guider la discussion et précisant les thèmes à aborder. Évidemment celui-ci devra rappeler le but de l'étude et préciser les détails juridiques liés à la confidentialité des propos du répondant. c) Le déroulement de l'entretien, idéalement enregistré avec l'accord du répondant, s'effectue en toute neutralité de la part de l'enquêteur de manière à ne pas influencer les réponses du répondant. d) L'analyse des résultats peut être faite par thème, par mot clef ou de façon transversale via des analyses croisées après l'élaboration d'une grille d'analyse permettant de classer et de comparer les informations recueillies. 2 CONSTRUCTION D'UN GUIDE D'ENTRETIEN Il est nécessaire de préciser que le guide d’entretien servira uniquement de trame de fond à l’interview et que les questions présentées sont susceptibles de changer à tout moment au cours de l’entrevue. En somme, il ne s’agit que d’un outil de repère permettant au chercheur d’orienter son propos. 2.1 Un premier guide destiné à la catégorie « first-time travellers » Introduction générale Tout d'abord je tiens à vous remercier pour avoir répondu favorablement à ma requête et 98 me consacrer un peu de votre temps. En quelques mots, l'entretien d'aujourd'hui est réalisé dans un cadre purement académique de recherche universitaire menée par l'Université de Toulouse II et plus particulièrement par l'Institut Supérieur du Tourisme, de l'Hôtellerie et de l'Alimentation. Cette recherche a pour objectif d'analyser les comportements touristiques des voyageurs chinois en Écosse, et particulièrement dans les régions du Speyside et de la Côte Ouest écossaise. L'objectif est de recueillir votre avis, votre opinion et vos remarques quant à certains thèmes spécifiques. Sachez donc qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Bien entendu, Les propos que vous tiendrez durant cet entretien resteront confidentiels. Par ailleurs, afin d'éviter les erreurs de prise de notes et permettre une discussion plus libre, acceptez-vous que cet entretien soit enregistré ? Finalement, la durée de cet entretien devrait être environ de 45 minutes. Avez-vous des questions ? Informations générales Sexe, âge ? (Ne pas poser la question au répondant pour le sexe et faire attention à la question de l'âge qui pourrait refroidir d'entrée certaines personnes – préférer poser la question en fin d'entretien, une fois que l'interviewé est plus à l'aise.) Ville de résidence ? Activité professionnelle ? Thème 1 : Expérience touristique Que représente pour vous la notion de voyage ? Avez-vous déjà voyagé ? Voyagez-vous souvent ? A quelle fréquence environ ? Comment choisissez-vous votre destination ? (Critères, recherche d'information, réservation...) Avec qui voyagez-vous ? Voyagez-vous seul ? Pourquoi ? Voyagez-vous dans le cadre de votre travail ? 99 Où aimeriez-vous vous rendre pour votre prochain voyage ? Pourquoi ? Rencontrez-vous certaines difficultés pour voyager ? Quel type de voyage souhaiteriez-vous effectuer ? Comment partagez-vous vos expériences de voyage avec vos amis/familles/proches ? Thème 2 : La destination Écosse Avez-vous déjà entendu parler de l'Écosse ? Que connaissez-vous à propos de ce pays ? Comment voyez-vous ce pays, qu'est-ce qu'il vous inspire ? Connaissez-vous des produits écossais ? Souhaiteriez-vous visiter l'Écosse ? Comment aimeriez-vous visiter l'Écosse ? Quels types de lieux seraient susceptibles de vous intéresser en Écosse ? Combien de temps souhaiteriez-vous y rester ? Quels types d'activités souhaiteriez-vous y faire ? Comment imaginez-vous l'accueil des écossais ? La nourriture locale ? Thème 3 : Le whisky Nous allons maintenant nous pencher sur un produit spécifique, le whisky. Connaissez-vous le whisky ? Qu'est-ce que ce produit vous inspire ? Avez-vous déjà consommé du whisky ? A quelle occasion ? Comment l'avez-vous consommé ? (association avec d'autres boissons?) Appréciez-vous le whisky ? Comment décririez-vous le whisky ? Selon vous, s'agit-t-il d'un produit haut de gamme/bas de gamme ? Souhaitez-vous en savoir plus sur le whisky (devenir connaisseur) ? 100 Thème 4 : Le spiritourisme Avez-vous déjà effectué des visites de lieux de fabrication de boissons alcoolisées ou d'attractions touristiques en relation avec ce type de produits ? (Vins ? Spiritueux?) Si non, souhaiteriez- vous effectuer ce type d'activité ? Pourquoi ? Comment imaginez-vous le déroulement de ce type de visite ? Qu'apprécieriez-vous trouver comme information ou comme activité lors de ces visites ? Si oui, où et pourquoi avez-vous choisi d'effectuer ce type de visite ? Comment décririez-vous ces visites ? Qu'avez-vous aimé/moins aimé ? Quel souvenir en gardez-vous ? Si l'occasion se présentait, réitéreriez-vous l'expérience ? Pourquoi ? Qu’avez-vous appris durant cette visite ? Quelles améliorations amèneriez-vous pour faire de cette visite une expérience encore plus mémorable ? Thème 5 : Speyside et Côte Ouest Lors de votre voyage en Écosse, souhaiteriez-vous visiter une ou plusieurs attractions touristiques liées au whisky ? Pourquoi ? Quel type de format favoriseriez-vous ? Visites de distilleries sous forme d'excursion, dégustations dans des bars/restaurants, masterclasses, séjours thématiques etc ? Qu'attendez-vous de ces activités/visites ? Combien de temps et quel budget souhaiteriez-vous consacrer à la découverte du whisky sur l'ensemble de votre séjour ? Qu'évoque pour vous la notion de cadeau-souvenir ? Souhaitez-vous rapporter des souvenirs de votre voyage ? Pour qui ? Pourquoi ? Quel budget 101 y consacreriez-vous ? Seriez-vous prêt à vous éloigner des grandes métropoles (Edimbourg et Glasgow) pour découvrir des zones plus rurales ? Quel type d'activité rechercheriez-vous dans ce type de lieu ? Avez-vous déjà entendu parler du Speyside ou de la Côte Ouest écossaise (énumérer quelques grands lieux type île de Skye, Islay etc.) ? Si oui, que vous inspirent ces régions ? Souhaiteriez-vous vous y rendre ? Pourquoi ? Quels types d'activités rechercheriez-vous dans ces régions ? Si non, il s'agit de deux régions écossaises proposant une offre touristique variée alliant les attraits de la nature, des paysages et du patrimoine avec une offre spiritouristique très développée autour de grands noms du whisky écossais. (Montrer des images des lieux et de la documentation quant aux activités proposées par chacune des régions.) Maintenant que vous connaissez un peu plus ces deux régions, souhaiteriez-vous vous y rendre lors d'un voyage en Ecosse ? Pourquoi ? Une des deux régions a-t-elle plus particulièrement attiré votre attention ? Pourquoi ? Quels sont selon vous les avantages/inconvénients de ces deux régions ? Quelles améliorations y apporteriez-vous en termes d'offre touristique ? Selon vous, rencontreriez-vous des difficultés particulières pour vous rendre sur ces lieux ? (Transport, logement, restauration, documentation, langage...). Finalisation Nous sommes arrivés à la fin de notre discussion, je vous remercie une fois de plus pour votre implication et le temps que vous m'avez consacré. Avez-vous quelque chose à ajouter ? Pour finir, je souhaiterais savoir comment vous avez vécu cet entretien ? Merci encore, au revoir. 102 2.2 Une méthodologie pertinente Afin que notre étude soit la plus pertinente possible, il apparaît nécessaire d'interroger des personnes appartenant à diverses catégories : Touristes chinois n'ayant jamais voyagé en Écosse (voir guide ci-dessus). Touristes chinois s'étant déjà rendus en Écosse. Professionnels du secteur spiritouristique écossais (provenant de structures publiques comme privées). Universitaires et autres experts du comportement touristique chinois. Il sera alors primordial de créer un guide d'entretien spécifique à chaque catégorie, en fonction de la personne à qui nous nous adresserons. Finalement, une étude quantitative pourra venir préciser notre travail de recherche en mettant par exemple en place une étude de satisfaction auprès des touristes chinois s'étant déjà rendus sur l'une des deux régions étudiées, ou les deux. « Une étude quantitative est une étude des comportements, attentes ou opinions réalisée par questionnaire auprès d’un échantillon de la population étudiée et dont les résultats chiffrés sont ensuite extrapolés à l’ensemble de la population étudiée. Les études quantitatives sont généralement menées auprès de quelques centaines à quelques milliers d’individus. »44 Il sera cependant nécessaire de connaître les résultats de l'étude qualitative avant d'initier cette démarche puisque les questionnaires devront être élaborés en fonction de ces résultats. Nous préconisons tout de même un mode d'administration en face à face pour obtenir les réponses les plus fiables possibles et ainsi réduire au maximum l'intervalle de confiance45. Définition étude quantitative, disponible sur http://www.definitions-marketing.com/Definition-Etude-quantitative (consulté le 27/03/2014) 45 En mathématiques, un intervalle de confiance permet de définir une marge d'erreur entre les résultats d'un sondage et un relevé exhaustif de la population totale. Plus généralement, l'intervalle de confiance permet d'évaluer la précision de l'estimation d'un paramètre statistique sur un échantillon. 44 103 CONCLUSION Le but de notre étude était de mettre en relation différents univers qui d'habitude ne sont pas traiter de manière conjointe. En effet, rares sont les publications mêlant les thèmes du tourisme, des spiritueux et des comportements de consommation des classes émergentes chinoises. Si beaucoup de choses ont été écrites à propos de la relation entre oenotourisme et marché chinois, ce n'est pas le cas pour le spiritourisme, cette pratique polymorphe qui pourtant représente à l'heure actuelle un secteur en pleine croissance économique. En somme, il s'agit de la mise en relation de deux phénomènes récents, complexes et en perpétuelle évolution. Si notre première partie nous a amené à comprendre les fondements de ce type de tourisme ainsi que l'évolution du tourisme émetteur chinois vers l'Europe et plus particulièrement vers l'Écosse, notre second volet nous a permis de comprendre plus spécifiquement l'organisation d'un secteur éminemment traditionnel dominé par quelques multinationales. Il s'agissait également d'analyser les stratégies de développement mises en œuvre par ces différents acteurs afin d'attirer une clientèle chinoise, de plus en plus riche mais surtout de plus en plus exigeante. Pour ce faire, nous avons construit notre travail autour de deux hypothèses maîtresses : Une multiplicité d’acteurs, de structures et de formats au service de l’innovation organisationnelle du secteur spiritouristique écossais. Comment les acteurs du secteur spiritouristique écossais utilisent-ils les nouvelles tendances marketing afin de s’adapter aux pratiques touristiques chinoises : l’exemple des réseaux sociaux, du marketing polysensoriel, des stratégies de premiumisation et du storytelling. 104 Finalement, nous avons souhaité nous attarder sur deux régions écossaises intrinsèquement concurrentes, le Speyside et la Côte Ouest, afin d'en souligner les atouts en matière d'offre spiritouristique mais surtout dans le but de mettre en place un outil de recherche permettant de comprendre les raisons qui font de ces deux territoires des destinations non-attractives auprès des touristes chinois. Au fur et à mesure de l’avancement de ce mémoire, nous nous sommes heurtés à diverses difficultés inhérentes à notre sujet. Tout d’abord, le problème le plus fréquemment rencontré s’est avéré d’ordre purement technique, puisque beaucoup d’écrits pertinents n’étaient disponibles qu’en langue chinoise, nécessitant un travail de traduction particulièrement chronophage que nous n’avons malheureusement pas pu mener, malgré de solides bases en Mandarin. Finalement, nous regrettons de ne pas avoir pu traiter plus en profondeur certains sujets comme le marketing expérientiel ou le storytelling, qui mériteraient une approche plus poussée. Notre travail s'achève donc sur la mise en place d'une étude qualitative qu'il nous semble pertinent de réaliser au cours de notre prochain travail de recherche de seconde année de Master à l'ISTHIA. Nous espérons également pouvoir poursuivre nos recherches dans les domaines vus précédemment afin de pouvoir fournir des réponses plus complètes à notre problématique. Ainsi, ce mémoire constituerait les fondations nécessaires à de futurs travaux plus ambitieux. 105 BIBLIOGRAPHIE PRODUCTION SCIENTIFIQUE OUVRAGES ET ÉTUDES AUSTRALIAN GOVERNMENT, ADS Code of business standards and ethics, version 2, publiée en 2012, 42 p. BASTIEN Vincent, Luxe oblige, 2ème édition, Editions Eyrolles, 2012, 472 p. BUXTON Ian, COLDICOTT Nicholas, MACLEAN Charles, MCCORMICK Jonny, OFFRINGA Hans, RIDLEY Neil, ROSKROW Dominic et SMITH D. Gavin, Malt Whisky year book 2014, Big Media Limited, 2013, 298 p. CHEVALIER Michel, Le luxe en Chine : potentiel économique et approche marketing, Editions Eska, 2011, 242 p. FROCHOT Isabelle et LEGOHEREL Patrick, Marketing du tourisme, 2ème édition, Edition Dunod, 2010, 367 p. 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GUO Huafeng, Le comportement des touristes chinois en Europe, thèse de doctorat, Université Paris XIII. JULES Hélène, Stratégie oenotouristique en Gaillacois, les vignobles Jérôme Bezios, Mémoire de master 1 Management des industries du Tourisme, Toulouse : Université de Toulouse II – Le Mirail, département CETIA, 2012-2013, 150p). KETARI E, L’Adaptation de l’offre au tourisme chinois dans les régions françaises, Mémoire de Master 2, Université d’Angers SUN Qianyan, Les pratiques touristiques en voyage auto-organisé en Chine, thèse de doctorat, Université d'Angers. TAUNAY Benjamin, Comment les chinois sont-ils devenus touristes, thèse de doctorat, Université d'Angers. 109 TABLE DES ANNEXES Annexe A : tableau récapitulatif des entretiens exploratoires menés Annexe B : Article de presse « Scotch Whisky Experience expands its global audience » Annexe C : Carte des distilleries écossaises Annexe D : Carte des arômes Annexe E : Article de presse « Johnnie Walker House immerses Shanghai in whisky culture » 110 Annexe A - tableau récapitulatif des entretiens exploratoires menés N° Durée Catégorie d'acteur Sexe Lieu de résidence Fonction 1 35 min Expert universitaire H Angers (FR) Maître de conférences 2 40 min Professionnel H Glasgow (UK) Propriétaire et manager d'un bar à whisky 3 63 min Professionnel H Shanghaï (CHINE) Serveur dans une boîte branchée 4 36 min Touriste chinoise F Chengdu (CHINE) First-time traveller 5 23 min Touriste chinois H Bordeaux (FR) Repeater 111 Annexe B – Article de presse Scotch Whisky Experience expands its global audience Traduction : The Scotch Whisky Experience développe son public international Samedi 4 janvier 2014 With Scotch whisky maintaining its trajectory for world domination, it is no surprise to hear a tourism attraction dedicated to Scotland's national drink is thriving in Edinburgh. Illustration 27: Julie Trevisan-Hunter, directrice marketing de The Scotch Whisky Experience The Scotch Whisky Experience, in the midst of celebrating its 25th anniversary, welcomes visitors from an increasingly broad geographical base, its growth reflecting the soaring performance of whisky in established and emerging markets around the globe. The attraction on Castlehill, near the top of the Royal Mile, now cites China and Brazil as two of its top five markets for visitors, though it reports that enthusiasts are steadily coming from former Soviet republics such as Kazakhstan, as well as Africa and elsewhere in South America. 112 Julie Trevisan-Hunter, its deputy director and marketing manager, said almost every week a foreign film crew or journalist arrives to file a dispatch from the home of the "water of life". This is partly because the Experience now houses the world's biggest collection of Scotch whisky, but also because it is arguably a more accessible venue than distilleries, where health and safety factors often come into play. Ms Trevisan-Hunter said: « This will be our biggest year ever. Everyone looks back at '95, '96 as the year of Braveheart and Rob Roy and talks about [the period] up to '98 as being the boom years of Scottish tourism. But we have seen growth in the last four years, which maybe sits against a lot of other things in terms of spend within the UK and other sectors. » "We have seen really significant growth in visitor numbers and income and profitability in the last four years, far more than in the past." The export performance of Scotch whisky has undoubtedly helped drive visitors to the attraction, which reported pre-tax profits of £504,357 in its most recent accounts, but it is only part of the story. The Experience, which enjoys a five-star rating from VisitScotland, raised £3 million to fund a major refurbishment in 2009, an investment that saw it revamp its whisky tours. Ms Trevisan-Hunter said it made such an impact the business has since been able to invest in other aspects of the attraction. The shop was then refurbished, during the financial year to November 30, 2012, to incorporate some of the tour's interactive features, while its tasting bar and restaurant were renovated last year. Although the Experience was set up with industry funding and continues to be owned by 22 shareholders across the sector, it functions as an independent, standalone commercial entity. Ms Trevisan-Hunter said: "That [initial investment] was the thing that had the biggest impact in terms of visitor numbers and profitability. » « We have had quite a number of different events because it is our 25th anniversary 113 and everybody who comes in says it is unrecognisable as an experience and a business from what it was - even six or seven years ago and certainly from way back 25 years ago. » Other touches, such as teaching its courses in Mandarin, have further boosted the centre's global appeal. Ms Trevisan-Hunter said the Experience has benefited as Scotland has come on to the radar of tourists from emerging markets, people who now have the resources to travel and are developing an appreciation of Scotch as a luxury product. She explained: « Scotland has a lot of kudos and desirability to visit. We do very well in these emerging markets. China and Brazil, for example, are in our top five international markets, whereas five years ago they wouldn't have featured anywhere. » The rise in overseas visitors has fed through to the numbers attending the centre's one-day course, which presents the opportunity to gain a certificate of expertise in Scotch whisky. While staff from licensed premises around Scotland dominated course places in the early days, Ms Trevisan-Hunter noted it was now attracting delegates from Canada and the Nordic countries. Many make the Experience their first port of call when they visit Scotland, equipping themselves with some whisky know-how before going on to visit distilleries around the country. They are also buying whisky from the centre's revamped shop, which Ms TrevisanHunter notes is selling increasing amounts of luxury products. She said sales have risen by 25% each year since the shop's refurbishment took place, with aged and luxury whiskies selling increasingly well. Ms Trevisan-Hunter said: « It's up in a lot of higher-end products, which is interesting. More so than we have ever seen before. » « The whole point with the shop was to make it more experiential, with things people can engage in, find out more about the distilleries and look at flavour 114 profiles so it has a feel of the experience within the shop. We have put as much as we can in there to bring everything to life, predominantly for the visitors that might not do for the attraction. » Meanwhile, as Scotland prepares itself for the events of this year, when it will finally host the Commonwealth Games, Ryder Cup and the tourism industry's year of Homecoming, it might be assumed that it will bring further visitors to the Scotch Whisky Experience. But while Ms Trevisan-Hunter expects to see some uplift in visitors during Whisky Month in May, an event that will bring the curtain down on the attraction's 25th birthday celebrations, she suspects the full benefits will be realised in the long run. She noted: « A lot of things happen as part of Homecoming that happen in a guise or at a level on an annual basis anyway. » « It is just a really good way of profiling the product and getting a bit of buzz and excitement about it. We'd anticipate seeing more people, especially around May, but to be honest one of our issues during the summer months is that we are close to capacity now anyway » As for her own position, Ms Trevisan-Hunter said she has lost none of her love for the role and an industry that has seen her spend the last 17 years with the Scotch Whisky Experience. She noted: « Folk that get into whisky don't then get out of it and go and do something different. They stay in whisky and they love it. Similarly, people in the tourism industry maybe move up through the ranks, but they stay doing that. There's a real sense of community, camaraderie and sharing good practice and just helping one other out in both industries. There is just a really nice feeling about it. » Scott Wright pour Herald Scotland. 115 Annexe C – Carte des distilleries écossaises 116 Annexe D – Carte des arômes 117 Annexe E – Article de presse JING DAILY – 25 Octobre 2011 INTERVIEW : JOHNNIE WALKER HOUSE IMMERSES SHANGHAI IN WHISKY CULTURE Launched this past May at Shanghai’s Sinan Mansions, the first Johnnie Walker House built outside of Scotland is nothing if not a shrine to the history, culture and appreciation of whisky. Built to educate local drinkers, many of whom have long been accustomed to watering down whisky with sweetened green tea, or seeing cognac as the only premium imported spirit on the market, the three-story Johnnie Walker House takes visitors on a step-by-step tour through the production and enjoyment of whisky. Beginning with an introduction to the raw materials of whisky — barley, water and peat — upon entering, guests to the Johnnie Walker House are taken through an “experience” that includes a detailed copper scale model of a Scottish distillery and high-tech, interactive sensory table that teaches visitors the fundamental aromatic and tasting notes of Scotch whisky. Finally, after having been filled in on the basics of whisky appreciation, guests are led to the third-floor lounge for a tasting session led by one of the House’s resident experts. For the Johnnie Walker House, owners Diageo have spared no expense. The dimly lit spaces emulate a private residence, albeit one with floors lain with re-purposed oak barrels and chandeliers fashioned from crystal highball glasses. But with whisky still more widely known as a mixer more than a premium spirit in China, and well-heeled Chinese still regularly opting for cognac or rare wines for personal enjoyment or giftgiving, can the Johnnie Walker House change perceptions of whisky and transform whisky culture in China? Jing Daily recently made a trip down to Sinan Mansions to put these questions to Lawrence Law, brand director at Moët Hennessy Diageo, at the Johnnie Walker House. 118 Jing Daily (JD): As Johnnie Walker entered, or rather re-entered, China quite recently, what’s been the biggest obstacle here in terms of competition? What’s your strategy for turning cognac drinkers into Scotch drinkers? Lawrence Law (LL): I think from a cognac perspective, cognac has been here for the longest time, far longer than whisky historically. A lot of the imported spirits culture in China is largely driven by the Hong Kongers and Taiwanese who ring along the coastline. So you’ll notice in the north, for example, people are often still drinking baijiu rather than whisky. From our point of view, one reason for building the House is to bring Scotch into China and give Chinese a different perspective of it. If you look at the last 10 years, Scotch has been relatively unknown in China. It’s largely consumed by younger drinkers in bars. But what I think the strategy with the House is, aside from giving people the chance to learn about whisky in its purest form outside of Scotland, is it gives us the ability to give Scotch a much more premium image. And not just for Johnnie Walker. I think, obviously, building a place like this is really making a statement, that we are one of the leading whisky houses in the world, and we have a wide range apart from the commonly known Black Label. We have highly limited editions that cost as much as premium cognacs. So I think that this place is a way to “premium-ize” our brand in China as well as educate consumers about whisky in general. JD: You’re located at Sinan Mansions, surrounded by many higher-end restaurants and shops, which to some visitors could be somewhat intimidating. Is that part of the reason tours are laid out in stages, to make guests more comfortable? LL: We chose Sinan Mansions because, from a location perspective, we think that this is the next up-and-coming Xintiandi. I think right now Xintiandi is becoming a lot more commonly known as a tourist spot. [Sinan Mansions] is one of the few places that has been recently done up as a historical area, preserving some of the old Shanghai houses. In terms of intimidation, we haven’t experienced that. And partly, I think, that’s because this is more of a destination than a place for people to just 119 walk in. Over the last two months, we have had maybe 500 or 600 guests here, trade customers as well as friends bringing friends. I think what we’ve done here is to compartmentalize the experience, from the first floor to the second floor to the third floor. I think this helps them absorb it in the right way, rather than throwing all of the information at them in one go. JD: The way the stages go, starting with the raw materials of whisky and ending up on the third floor actually drinking the finished product, do you think that’s something the local customers appreciate? Is that kind of sense-heavy approach something critical for the premium spirits market in China? LL: When we built this place, we spoke to many guests and what we found is that when you take them through the stages, if you just let them taste the whisky and that’s it, they’ll say “Yes.” That’s very Chinese in nature — saying, “Yeah, I know.” But they don’t actually know. So if you look at the process, going through the raw materials and teaching them what a distillery looks like inside and out with a model, taking them to the second floor to open their senses at the scent table, by the time they get to the third floor and taste the whisky, they can actually taste a lot more because their minds have opened up. And I think that’s extremely important when we talk about a premium whisky. Here, we talk about the craftsmanship behind whisky, we talk about the 10 million casks in Scotland that we can take advantage of for blending custom bottles. Visitors get the full spectrum here. So we’ve been right with our strategy so far, I think, because the way we lead guests through the House teaches them to appreciate the differences between standard and premium Scotch. JD: What are your observations on the tastes of different people who come here from different places in China? How do tastes broadly differ? LL: If you look at the dinners we do here, the food that we pair the whiskies with, we tend to use Shanghainese food as the baseline. But there are definitely different perspectives when you go to other areas in the south, like Xiamen or Guangzhou, 120 where people are broadly lovers of seafood. We have educational programs there in restaurants where we teach people how to pair with seafood. Since people still mostly drink cognac in the north, we’re exploring how to educate people on pairing with food in the north. We haven’t yet looked too much into pairing Scotch with the hot and spicy flavors in places like Chengdu, because cuisine there can be quite strong and a lot of people still like to pair that kind of food with baijiu. So our focus is still mostly in the south and the more cosmopolitan cities like Beijing and Shanghai. In the south there’s a large drinking culture during dinner, and it’s a combination of whisky, cognac and baijiu, while in the north it’s still mostly baijiu. Right now the low-hanging fruit is in the south, where we can educate people on how to bring whisky into their dining occasions. In the north we have to start somewhere, but our priorities are still positioning ourselves in the current drinking culture rather than trying to change the drinking culture itself. JD: In terms of generational differences, which are pretty noticeable in most segments of the luxury industry here, are you targeting younger drinkers? Or are you mostly focusing on middle-aged consumers, as Scotch makers often do in the US and UK? LL: If you look at the segmentation strata in China, it can be quite complex, because you’ve got [outliers like] the young entrepreneurs and the “second generation rich” kids. I guess to put it into perspective, if you look at the younger generation, they’re trying to experiment with imported spirits, and we don’t usually take them through the full experience [at the Johnnie Walker House]. We tend to use more fun, energetic marketing for them. For example, we recently did the Yulu campaign, which was energetic and thought-provoking for the younger generation. And it’s been the most successful campaign we’ve ever run in China. It’s been seen by something like 20 million people online, and that’s going to reposition the brand as a whole. If you look at the premium side, this location is a lot more for — we don’t talk about age, we talk about affordability — anybody who can afford Blue Label and above. Essentially, we have two different experiences we’re going for in China, one more 121 energetic and another more premium. If you look at cognac, for example, the older generation don’t really drink whisky as much because they’re still drawn to cognac. So we’re trying to educate customers about the craftsmanship and flavors of whisky. You kind of have to have whisky, you can’t just have cognac as a pleasure in life. JD: Do you find now that whisky is becoming a more accepted business drink in China? LL: It’s still in the early stages. If you look at the House itself, we do allow people to buy and consume immediately, and when we have business occasions here and bring people together, they’ll easily open a bottle of 1910 and drink it on the spot. But all of this takes a bit of time, we don’t expect it to accelerate to [the level of cognac] so quickly. As long as we bear in mind that what we’re trying to do here is build a whisky culture, whether it’s in leisure and business, people will start to follow. So the answer, I would say, is that it’s in the early stages, but we expect to see that start changing. If you look at the recent [Mid-Autumn Festival] gifting season, we had more orders of limited editions than ever before, because people are giving whisky as a business gift, not just for personal gifts. It’s a very important entry point. I think gifting is still one of the key channels to making us more widespread. JD: In addition to building the house and educating consumers, what, like getting gift boxes right, has been the biggest challenge in terms of getting mobilized for the Shanghai market? LL: I’m not sure if there have been challenges, more than anything it’s been insightful for us. Because many times when we create new experiences or gift packages, it’s seen through the lens of a Chinese luxury consumer. And one of the luxuries we’ve had is that even though we’re a global brand, what we’re doing is very much for local consumers. And based on what we’ve found through talking with people here who’ve come by, I think we can say we’ve hit upon the right formula. The recent festival sales have been a good proof point that what we’ve done here in 122 terms of limited editions and packaging has been good. And I think it’s quite basic. If make a good drink and have good packaging, it will move here. If we’ve got the right elements, the right insights, the right price points, business will be good. JD: What do you think it is about Scotland that is so appealing to luxury consumers here? Golf, cashmere, whisky — it’s almost like Scotland is a counterpoint to France in the Chinese luxury industry. I’d be curious to get your thoughts on that concept. LL: Well, I think Scotland is a relatively unknown destination, and I think a lot of people here just know Scotland in terms of cashmere and whisky, these are the two main exports we see. And I think that the way we talk about Scotland has changed perceptions of it being more of an industrial place than a destination that has the right landscapes, scenery, and experiences. In fact, we do customized tours to Scotland as a service for some of our more premium customers, because we have a Scottish heritage team that sits on the global team. I think a lot of things we’re doing is helping consumers understand what Scotland is all about. If you look at New Zealand, for a long time it has been considered a luxurious destination in China, and I think Scotland will be seen as a premium location in China in coming years as well. JD: Earlier on the tour, you mentioned that you often encourage local visitors to experiment with drinking whisky with a bit of water to open up the aromas. Do you find that after going through the experience here, that people still like to mix whisky with sweet green tea or other things? LL: I’m confident that what we’re doing is changing the way people are consuming whisky. And I don’t think we’re changing it for everybody, but I think the people who’ve gone through the tour are teaching their friends how to appreciate whisky. I know we’re making positive changes, at least among the people who come here and regularly come back. They never ask for Scotch mixed with green tea anymore. I’ve gotten to the point where I’ll say, if you want to mix something into your drink, don’t even bother with Scotch, try vodka, which is alcohol in its purest form. And on the tour, we explain how visitors can try it in different ways, like on its own, with one 123 cube of ice, two cubes of ice, with water, with soda. The different spectrums of the flavors come out, and every individual will find the one he or she likes the best. I’m confident we’re changing the culture. The people we bring here do have influence over their friends and social circles, so it will help. Also, if you look at the promotions we work on with partners and bars, it’s moving away from green tea. If we talk about Gold Label, we know we can’t change mixing culture, but we give people tools to mix drinks in correct proportions. Like we have glasses that explain how much Gold Label to add, and how much water and ice. I think this is very fresh news for people interested in whisky, and getting them away from mixing with green tea or other mixers. It really helps us position away from our competitors. We’re not saying you can’t do it, we’re just saying the best way to drink it is up to you. JD: How do you feel that whisky consumption at this level fits into the broader China luxury market, in terms of consumer taste and development? LL: We’re doing our part to change the premium image of Scotch as a whole in China, and we’re changing our packaging for this market as well, even for our standard Scotch bottles and packaging. If you look at our 1910 limited edition, the bottle is standard but the box is special. We also have changed our Blue Label bottle to make it heavier and weightier, because these are luxury cues we know the Chinese consumers want. If we keep using standard packaging, it’s not going to work in China. This helps us reposition our products in the luxury space according to luxury trends in China. There are definitely luxury cues we look to here. One very interesting point about Chinese consumers is [the product still] has to look European. You look at our packaging and it’s very European. They like that for some reason. When we talk about Johnnie Walker in China, especially our luxury labels, we talk about the rarity of the liquids in the bottles, they’re over 50-60 years old, and we mention the three 124 C’s — the character of the liquid, the cask, and the craftsmanship behind it. These are cues the Chinese consumers like to hear. Chinese consumers have accelerated very quickly. If you look at just five years ago it was still very bling. Now people are asking, “What’s inside?” and it’s not just the packaging, it’s much more discerning than before. 125 TABLE DES FIGURES Figure 1: Une division en cinq régions (WHISKIESOFSCOTLAND.COM) ................. 18 Figure 2: Importations mondiales de Scotch whisky en valeur (QUARTZ - SCOTCH WHISKY ASSOCIATION) ........................................................................ 24 Figure 3 : Estimations du nombre de visiteurs et dépenses associées (4CONSULTING) .................................................................................. 25 Figure 4 : Une division en trois segments (ATOUT FRANCE) ............................ 30 Figure 5: Une stratégie pour promouvoir l'Ecosse (THE SCOTTISH TOURISM ALLIANCE) ...................................................................................... 52 Figure 6 : L'impact du Scotch whisky sur les ambassades (4-CONSULTING) .......... 54 Figure 7: Compte Weibo de la marque Johnnie Walker (MARKETING-CHINE.COM) .. 57 Figure 8: Schéma du principe des flux chez Tripshow (CLAUDE BENARD) ............. 58 Figure 9 : Tripshow au coeur de l'internet chinois (CLAUDE BENARD) ................. 59 Figure 10 : Part des spiritueux de catégorie Premium au sein des pays du BRIC (IPSOS - 2013) .................................................................................. 65 Figure 11 : Pyramide de Maslow (MARC ARBOUR - 2013) ................................ 66 Figure 12 : Roue à gratter (SCOTCH WHISKY EXPERIENCE) .............................. 72 Figure 13: Table numérique de la Johnnie Walker House (JING DAILY - 2011) ....... 73 Figure 14: frise chronologique de la distillerie Macallan (THEMACALLAN.COM - 2014) ................................................................................................... 75 Figure 15 : Flyer promotionnel de l'entreprise Storytelling Scotland ................. 76 Figure 16 : Localisation du Speyside (THESPIRITSBUSINESS.COM) ..................... 79 Figure 17 : Principales villes et axes (PARKLANDGROUP.COM) .......................... 80 Figure 18 : Itinéraire de la Route du Whisky (ROBROYTOURS.COM) ................... 82 Figure 19 : panneau indiquant l'itinéraire (GREATER-SPEYSIDE.COM) ................. 83 126 Figure 20 : Spirit of Speyside Festival (WHISKYSHOPDUFFTOWN.COM) ............... 85 Figure 21: analyse SWOT du Speyside (ANNE-SOPHIE BIGOT) .......................... 87 Figure 22: localisation de la Côte ouest (WHISKYCOAST.CO.UK) ....................... 88 Figure 23 : de l'attribut à la valeur pour le client par rapport à chaque activité proposée (GEOFF MCBOY - 2008) ........................................................... 91 Figure 24 : Identité visuelle de la Côte du whisky (SCOTLANDWHISKY.COM) ......... 95 Figure 26 : Analyse SWOT de la Côte Ouest écossaise (ANNE-SOPHIE BIGOT) ....... 96 Figure 27 : avantages et inconvénients de l'analyse qualitative (EUREVAL.FR) ..... 97 127 TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS …………………………………………………………………………………. 3 SOMMAIRE ……………………………………………………………………………………………. 5 INTRODUCTION ……………………………………………………………………………………. 6 PARTIE 1 : TOURISME ET SPIRITUEUX ………………………………………………….8 INTRODUCTION ……………………………………………………………………………………..9 CHAPITRE 1 SPIRITOURISME ET TERRITOIRE ECOSSAIS.................... 10 1 2 3 L'ÉCOSSE, UN TERRITOIRE D'HISTOIRE ET D'HISTOIRES. ........................... 10 1.1 Situation géographique et climat .............................................. 10 1.2 Population ......................................................................... 11 1.3 Situation politique ................................................................ 11 1.4 Situation économique ............................................................ 11 1.5 Langues............................................................................. 12 1.6 Culture ............................................................................. 12 UN PRODUIT CULTUREL FORT : LE WHISKY ......................................... 13 2.1 Brève histoire du Scotch Whisky ................................................ 13 2.2 Processus de fabrication du whisky ............................................ 15 2.3 Typologie du whisky .............................................................. 16 2.4 Les spécificités du Scotch Whisky .............................................. 16 WHISKY ET TOURISME ................................................................. 20 3.1 Qu'est-ce que le spiritourisme ? ................................................ 20 3.2 Poids du tourisme lié au whisky en Écosse .................................... 23 CHAPITRE 2 TOURISME ÉMETTEUR CHINOIS ET SPIRITOURISME .......... 27 1 2 CARACTERISTIQUES ET EVOLUTION ................................................. 27 1.1 Des débuts timides : 1978 - 1996 ............................................... 27 1.2 Les prémices d'un tourisme émetteur de masse : 1997 - 2003 ............. 28 1.3 L'avènement du tourisme émetteur chinois : 2004 - 2014 .................. 29 L'ATTRACTIVITE DE LA DESTINATION EUROPE ...................................... 33 2.1 Le développement d'une relation Sino-européenne ......................... 33 2.2 Principaux critères d'attractivité de l'Europe ................................. 34 128 2.3 3 Le tourisme émetteur chinois vers la destination Écosse ................... 35 MARCHE CHINOIS ET SPIRITOURISME ................................................ 36 PARTIE 2 : STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT ……………………………………40 INTRODUCTION …………………………………………………………………………………..41 CHAPITRE 1 ACTEURS, STRUCTURES ET FORMATS AU SERVICE DE L'INNOVATION ORGANISATIONNELLE ......................................... 42 1 UN RESEAU D'ACTEURS COMPLEXE .................................................. 42 1.1 Des acteurs privés ................................................................ 42 1.2 Des acteurs publics ............................................................... 49 1.3 Une collaboration des acteurs privés et publics : vers le cluster.......... 52 CHAPITRE 2 NOUVELLES TENDANCES ET PRATIQUES TOURISTIQUES CHINOISES ....................................................................... 55 1 2 SOCIAL MEDIA TOURISME ............................................................. 55 1.1 La spécificité des réseaux sociaux en Chine .................................. 55 1.2 Les leaders d'opinion au cœur des stratégies digitales ..................... 59 LUXE ET SHOPPING COMME FACTEURS D'ATTRACTIVITE ESSENTIELS ........... 62 2.1 La notion de cadeau en Chine .................................................. 62 2.2 La « premiumisation » des marques de whisky en Chine ................... 64 2.3 Une consommation ostentatoire de produits de luxe ....................... 67 3 L'EXPERIENCE TOURISTIQUE AU CŒUR DES STRATEGIES ......................... 69 4 STORYTELLING ET TOURISME : UNE APPROCHE NARRATIVE INDISPENSABLE .. 74 PARTIE 3 : ETUDE COMPARATIVE ……………………………………………………….77 INTRODUCTION …………………………………………………………………………………..78 CHAPITRE 1 DEUX REGIONS CONCURRENTES : LE SPEYSIDE ET LA COTE OUEST ............................................................................ 79 1 2 SPEYSIDE : UNE PUISSANCE SPIRITOURISTIQUE .................................... 79 1.1 Une terre de contrastes ......................................................... 79 1.2 Deux initiatives maîtresses ...................................................... 82 1.3 Diagnostic interne et externe de la région ................................... 86 LA COTE OUEST : UNE REGION PARTICULIEREMENT DYNAMIQUE ............... 88 2.1 Un ensemble géographique unique ............................................ 88 2.2 D'importantes initiatives pour développer le spiritourisme ................ 90 129 2.3 Diagnostic interne et externe de la région ................................... 96 CHAPITRE 2 MISE EN PLACE D'UN OUTIL DE RECHERCHE.................. 97 1 UNE METHODE QUALITATIVE ......................................................... 97 2 CONSTRUCTION D'UN GUIDE D'ENTRETIEN.......................................... 98 2.1 Un premier guide destiné à la catégorie « first-time travellers » ......... 98 2.2 Une méthodologie pertinente ................................................ 103 CONCLUSION ………………………………………………………………………………………104 BIBILIOGRAPHIE …………………………………………………………………………………105 TABLE DES ANNEXES ………………………………………………………………………….110 TABLE DES FIGURES …………………………………………………………………………. 127 TABLES DES MATIERES ……………………………………………………………………… 129 130 Si en France le spiritourisme représente une tendance encore récente, il s’agit dans certains pays producteurs d’une pratique profondément ancrée dans le paysage touristique. L’Ecosse constitue ainsi un eldorado pour les spiritouristes du monde entier venant découvrir le Scotch whisky. Une tendance qui n’a pas échappé à l’aire asiatique puisque les flux de touristes en provenance de Chine sont en nette croissance depuis quelques années, le whisky constituant le lien tangible entre ces neo-consommateurs et la destination. Il apparaît donc aujourd’hui primordial pour les acteurs du secteur de s’adapter aux attentes de cette nouvelle clientèle, particulièrement rentable pour le territoire. En écho à ce constat, nous avons décidé de nous intéresser aux stratégies de développement mises en place par les différents acteurs du secteur spiritouristique écossais. Nous avons ainsi cherché à comprendre comment ceux-ci parvenaient, par divers outils marketing, à attirer mais également à fidéliser les consommateurs chinois. Cette étude nous a amené à analyser plus spécifiquement deux régions écossaises, le Speyside et la Côte ouest. Deux territoires qui malgré leur dynamisme et leur positionnement marqué, ne parviennent pas à attirer les touristes chinois. Mots clés : whisky, spiritourisme, stratégie, classes émergentes chinoises, Ecosse Although whisky tourism has not yet spread over the French territory, this practice has been deeply established in some spirit-producing countries. Scotland is often seen as an eldorado for whisky tourists pouring into its world-famous distilleries to discover Scotch whisky. Asia has not escaped the trend as Chinese tourists flows have seen stellar growth over the last decade, whisky serving as a tangible connection between those new consumers and the destination. Today, it appears vitally important for all the stakeholders in the Scotch whisky industry to adapt to this brand new customers, particularly profitable for the territory. As a result, we decided to analyse the growth strategies implemented by the different players in the Scottish whisky tourism industry. Therefore, we have tried to understand how those stakeholders succeeded in attracting and satisfying Chinese consumers. Our work lead us to examine more specifically two Scottish areas, the Speyside region and the West Coast of Scotland. Indeed, despite their dynamism and a pronounced positioning, those two territories can’t achieve to attract Chinese tourists. Keywords : whisky tourism, Scotland, Chinese middle classes, strategy, marketing