Téléchargez - Herstal Group

Transcription

Téléchargez - Herstal Group
SOMMAIRE
Juin 2014
HORS-SÉRIE JOURS DE CHASSE
l
18
La légende
Browning
et le
mythe Herstal
1, rue Lulli, 75002 Paris
Pour obtenir votre correspondant, composez directement
le 01.40.54 suivi des quatre chiffres entre parenthèses.
www.joursdechasse.com
Président-Fondateur
Olivier Dassault
RÉDACTION
Rédacteur en chef : Bruno de Cessole (11.35)
8
L’histoire
industrielle
du pays de Liège
Responsable éditorial : Vincent Piednoir
Ont collaboré à ce Hors-Série :
Jean-Pierre Decourt, Michel Moreau, Joël Serre
et Francis Zimmermann
36
Rédacteur en chef Internet : Louis de Raguenel (11.09)
Webmaster : Marie Vercelletto (11.96)
Maquette : PJ Paris création, Roland Riou
Iconographie : Browning Hersal, Fondation Ars Mechanica,
Francis Zimmermann, Marc Verpoorten (p.2), Alain Janssens
(p.2), Musée de Reims (p.8), Ito Josué (p.11), F. Niffle (p.12),
Cockerill (p.14), Grand Curtius (11, 15, 20, 44, 67, 80, 81) ,
US Department of Defense (p.62).
Responsable couverture : Éric Lerouge (11.91)
Responsable production : Nicolas Gigaud (11.87)
Responsable photogravure : Denis de Amorin (11.48)
ADMINISTRATION GESTION
DÉVELOPPEMENT
1, rue Lulli - 75002 Paris
Tél. : 01.40.54.11.00 - Fax : 01.40.54.11.81
Secrétaire général, directeur
de la diffusion : Antoine Broutin (11.62)
Directrice déléguée : Ariel Fouchard
PUBLICITÉ
Directeur commercial : Jérôme Pinel
(Tél. : 06.08.77.99.89 ; [email protected])
Numéro de commission paritaire : 0618 K 79921 - ISSN 1622-8979
DIFFUSION ET ABONNEMENTS
Service diffusion : Valérie Dubuy (11.59),
Corinne Landry (11.58)
Ventes au numéro : Gilles Marti (12.19)
([email protected] )
ADMINISTRATION
Directeur administratif et financier : Éric Baracassa (11.30)
Services généraux : Catherine Delange (11.13)
SERVICE
ABONNEMENT
17, route des Boulangers 78926 Yvelines Cedex 9
Tél. : 01.55.56.70.94.
Fax : 01.40.54.11.81.
Imprimé par Arti Grafiche Boccia en CEE.
GROUPE VALMONDE
Président : François d’Orcival
Vice-président : Olivier Dassault
Directeur général, directeur de la publication : Yves de Kerdrel
Valmonde et Cie, SA au capital de 1 526 926 euros
Actionnaire majoritaire : PFF
RCS : Paris B 775 658 412.
Siret : 77565841200157.
Copyright 2014 - Jours de Chasse. Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus.
Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales,
toute reproduction totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
ADAGP, Paris 2014, pour les œuvres de ses membres.
P
5 par
Olivier Dassault
E
6 Administrateur
Philippe Claessens
délégué
L’histoire industrielle
8 du pays de Liège
Browning
18 18Laet Lalelégende
mythe Herstal
naissance de la Fabrique Nationale
RÉFACE
Les armes mythiques
De l’Auto-5 à l’A5 :
une révolution
dans l’arme
semi-automatique
à usage civil
DITO
22 Rencontre avec John Moses Browning
26 Coups durs
autres secteurs d’activité :
30 Les
du vélo à la fusée
armes mythiques
36 36Lesdans
De l’Auto-5 à l’A5 : une révolution
l’arme semi-automatique
à usage civil
41 Le fusil superposé Browning B25
43 Le Browning B725
44 Les carabines 22 LR BROWNING
47 Les carabines BROWNING BAR :
origines et descendants
50 La carabine Winchester modèle 70
54 etLalesFabrique
armes militaires
Herstal
64 etLelesGroupe
grands de ce monde
Le Groupe Herstal
68 68aujourd’hui
et demain
Une aventure humaine
30
Les autres secteurs
d’activité :
du vélo à la fusée
68
Le Groupe
Herstal
aujourd’hui
et demain
79
Browning Custom Shop
L’atelier d’armes de luxe
71 Portraits
75 Entretien avec Robert Sauvage
de la Fondation Ars Mechanica
Browning
79 Custom
Shop
L’atelier d’armes de luxe
86 E
N GUISE
DE CONCLUSION
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
3
4
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
PRÉFACE
U
n chasseur n’oublie jamais l’arme de ses débuts,
qu’il l’ait acquise ou qu’elle lui ait été offerte. Il
garde en mémoire l’émotion qui fut la sienne
quand il l’a, pour la première fois, tenue entre ses
mains, quand il l’a épaulée, quand il l’a mise en joue, et,
bien sûr, quand il l’a étrennée face au gibier et que la réussite fut au bout du fusil. Cette première arme, pour moi,
fut un Browning.
Depuis, au cours de ma déjà
longue carrière de chasseur, j’ai
eu l’occasion d’utiliser ou d’essayer de nombreux fusils,de tous
labels, mais je suis resté fidèle à
la marque avec laquelle j’ai fait
mon apprentissage de chasseur
et de tireur.
A telle enseigne qu’une
demi-douzaine de B 25 et de
leurs successeurs sont rangés
dans mon râtelier d’armes aux
côtés d’une douzaine de Winchester,autre marque liée à l’histoire d’Herstal.
Cet attachement va bien audelà des qualités intrinsèques du
fusil le plus emblématique de
la manufacture belge,le premier
superposé de l’histoire de l’armurerie et, sans doute, le plus
vendu au monde : harmonie de
la ligne, fiabilité, précision,
perfection de l’équilibre… A la
lecture de ce hors-série, j’ai découvert que plus de 155 interventions manuelles étaient requises pour garantir un ajustage
irréprochable et que 2310 opérations de contrôle garantissaient la qualité des pièces qui le constituent.Sans doute estce la raison pour laquelle j’éprouve tant de confiance dans
mes fusils : ils n’ont jamais trahi ni déçu mes exigences, et
je leur demande beaucoup !
Entre un chasseur et son arme préférée existe une relation particulière, une sorte d’intimité ou de connivence qui
cautionne la justesse et la régularité du tir. Mes Browning
sont un prolongement de moi-même, de mon œil directeur
Jours de C HASSE u
par Olivier Dassault
et de mon bras. Avec eux, grâce à eux, la montée à l’épaule
est aisée et le tir instinctif. Combien d’oiseaux difficiles à
décrocher, combien de doublés ou de coups du roi n’ont-ils
pas favorisés ! Davantage qu’une arme ils sont, à mes yeux,
des compagnons loyaux et, je dirai même plus, une œuvre
d’art, alliance parfaite de l’esthétique et de l’efficacité.
Mon grand-père, Marcel Dassault, avait coutume de
dire qu’un bon avion doit être
beau, et que sa beauté contribue
à ses performances. En ce sens,
comme j’ai pu m’en apercevoir
au cours de mes visites à Herstal, je discerne comme une
parenté entre l’armurerie fine et
l’industrie aéronautique, à laquelle le nom de ma famille est
indéfectiblement attaché. Génie
des premiers inventeurs, sens
de l’innovation technologique,
constamment renouvelée,qualité
des matériaux, précision millimétrique des ajustages,nécessité
d’un contrôle minutieux à toutes
les étapes de la fabrication : autant d’impératifs communs à ces
deux branches industrielles de
haute précision. De même que
le pilote doit faire corps avec son
avion, de même le chasseur doitil faire corps avec son arme. Aux
commandes d’un Falcon ou à la
chasse avec mon Browning,
j’éprouve ce sentiment à la fois
grisant et rassurant.
L’histoire des marques,
Browning ou Dassault, se
confond avec l’épopée industrielle du XXe siècle. En cette
année 2014 où Herstal-Browning célèbre son cent-vingt-cinquième anniversaire, qu’il me soit permis de souhaiter à
cette firme centenaire un avenir digne de son glorieux passé.
HORS SÉRIE
5
Edito par
PHILIPPE CLAESSENS
ADMINISTRATEUR DÉLÉGUÉ
N
ous célébrons aujourd’hui le
125e anniversaire du Groupe
Herstal, dont l’ancêtre historique, la Fabrique Nationale
d’Armes de Guerre, vit le jour en 1889
– afin d’honorer une commande de fusils Mauser émise par l’État belge. La
même année, on inaugurait à Paris l’un
des plus célèbres monuments de la modernité,à la fois chef-d’œuvre artistique
et joyau de l’industrie métallurgique :
la Tour Eiffel. Comment ne verrait-on
pas,dans cette heureuse coïncidence,un
symbole, et presque un signe ? L’une
et l’autre firent du temps leur allié : tel
est bien le propre des grandes entreprises
humaines…
Dès sa naissance – et avec une fidélité exemplaire – la FN contribua à
perpétuer l’excellence d’un savoir-faire
armurier vieux de cinq siècles en terre
liégeoise. Garants de ce précieux héritage, ses fondateurs furent également
très sensibles aux vertus conjuguées
du travail collectif et de l’inventivité personnelle : sans doute seraient-ils fiers de
constater que l’odyssée herstalienne
continue de s’écrire en 2014… Tant il
est vrai que le glorieux passé de l’entreprise n’a cessé de nourrir son présent – en inspirant son avenir.
Au départ, l’activité « Défense » fut
au cœur de la production : c’était, en
quelque sorte, sa raison d’être. Néanmoins, certaines circonstances ont vite
incité les acteurs de la FN à exercer
leur créativité dans d’autres domaines
industriels : la confection d’armes de
chasse et de tir – bien entendu – mais
aussi de bicyclettes, de motos, de voi-
6
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
tures,de camions,de matériels agricoles,
de moteurs d’avion, etc. Prodigieuse
diversité, où la FN mit toujours le
meilleur d’elle-même !
Répondant aux besoins d’époques
précises, les anticipant même quelquefois, ces productions offrirent à la société l’opportunité de développer et
d’approfondir ses multiples compétences – son expertise mécanique, notamment. Aussi la richesse de son portefeuille d’activités fut-elle – et
représente-t-elle encore – un atout inestimable : l’amplitude de son expérience, comme la qualité de ses techniciens, en attestent.
Mais si l’on se souvient avec bonheur des nombreux succès et records
remportés par la FN au cours de son histoire, nous n’oublions pas, pour autant,
les résultats plus mitigés auxquels elle
dut parfois faire face – et dont elle s’efforça, constamment, de tirer leçon. Le
destin d’une grande entreprise n’est-il
pas, en vérité, tributaire des obstacles
qu’elle aura su dépasser ? En tout état
de cause, les valeurs fondamentales qui
ont jadis présidé à l’évolution de la FN
sont demeurées intactes : une volonté
d’entreprendre et un désir d’innovation
à toute épreuve.Aujourd’hui recueillies
et conservées par la Fondation Ars Mechanica,les traces matérielles de ce passé
original constituent un patrimoine emblématique, mieux : un témoignage extraordinairement vivant.
A la fois patiente et audacieuse, la
Fabrique a peu à peu franchi les frontières de la Belgique pour épouser les
contours d’une véritable épopée mondiale – avant de devenir, au début des
années quatre-vingt-dix, le Groupe
Herstal, propriété de la Région Wallonne.Ce dernier excelle ainsi autour de
deux pôles :
 Défense / sécurité avec la marque FN
Herstal ;
 Chasse / tir sportif avec les marques
Browning, Winchester (licence Olin)
et Miroku (partenaire japonais).
En moyenne,l’un et l’autre pôles représentent respectivement 60 % et 40 %
du chiffre d’affaires annuel.
Grâce à une politique d’innovation
intensive, au déploiement toujours soutenu de ses gammes et au très haut niveau d’exigence qu’il attache à la qualité de ses fabrications,le Groupe Herstal
se situe parmi les leaders mondiaux dans
ses deux domaines d’activité propres.
Telle reste son ambition pour l’avenir.
Socle historique de l’entreprise,l’activité Défense et Sécurité n’a cessé de
se développer au gré de produits devenus incontournables à l’échelle internationale – qu’il s’agisse de pistolets,
de fusils ou de mitrailleuses,sans omettre
les munitions qui leur sont associées.Aujourd’hui, nos efforts sont plus que jamais orientés vers la création de nouvelles générations d’armes, de nouvelles
applications (tels les systèmes aéroportés et terrestres), de nouveaux créneaux
(comme le Less Lethal).
L’histoire du Groupe est par ailleurs
indissociable de la confection d’armes
de chasse.Dès la fin du XIXe siècle,cellesci jouèrent un rôle éminent dans le développement de l’entreprise et dans la
consolidation de sa renommée. De cette
époque datent en effet les premiers Browning – du nom du génial inventeur mormon John Moses Browning, armurier
à Ogden (Utah), puis Liégeois d’adoption,qui effectua soixante-et-un voyages
à Herstal au cours de sa vie… La rencontre de l’ingéniosité Browning et du
savoir-faire FN fut d’une rare fécondité :
7.62 Browning, Auto5, B25, 9mm High
Power – parmi tant d’autres… Dans
l’univers de l’armurerie,qui donc ignore
encore ces « classiques » ? Ils illustrent
à eux seuls l’esprit du Groupe – un esprit naturellement tourné vers les ressources techniques et humaines qu’offre
la mondialisation.
Ancrée autour de Liège, la mondialisation de notre société s’est progressivement accentuée : Marketing,
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
R&D, Production, Contrôle Qualité,
Commerce et Distribution, etc., s’appuient dorénavant sur les sites et équipes
de Herstal (Belgique), Viana do Castelo (Portugal), Morgan (Utah), Columbia (Caroline du Sud), Washington
(Virginie), Kochi (Japon)… et sur ceux
de nos multiples partenaires à travers le
monde. Rendue possible par la révolution des médias, cette internationalisation des efforts et des cultures est une
chance pour l’entreprise – tant sur le plan
industriel,commercial et technique que
social.
Toujours est-il que les amateurs de
chasse et de tir sportif découvriront assurément, parmi nos produits, de quoi
satisfaire leurs désirs et leurs exigences
de qualité : des armes prestigieuses aux
technologies innovantes (fusil B725,
Maxus, SXP, Carabine BAR), des munitions, des équipements outdoor – tous
synonymes de confort,de sécurité,de fiabilité. Sans oublier, bien entendu, les
somptueuses finitions exécutées demain
de maître par le Custom Shop, l’atelier
haut de gamme de la marque Browning !
Chasseurs et tireurs connaissent la
devise qui unit les équipes Browning à
leurs armuriers partenaires : The Best
There Is. Expression de la confiance que
nous accordons à nos produits, elle résume aussi – surtout – la charte de valeurs à laquelle nous souscrivons depuis toujours,afin de répondre au mieux
aux attentes de nos clients. Bien plus
qu’une simple affirmation de compétences,elle est un guide :notre guide – pour
l’avenir !

7
par Jean-Pierre Decourt - photographies : Francis Zimmermann
L’HISTOIRE
INDUSTRIELLE
DU PAYS DE LIÈGE
Vue de Liège en 1567. Copie ancienne du tableau de Lucas van Valckenborgh, aujourd’hui détruit.
8
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
C
omme une figure de proue
sur l’île Monsin, la statue
du roi des Belges, dressée,
entre la Meuse et le Canal
Albert, au sommet de sa haute colonne
de pierre semble toujours veiller sur
le destin de Liège et du troisième port
fluvial européen. A Seraing, Chertal
ou Herstal, partout où porte le regard,
des usines et des fabriques s’étendent.
Certaines en pleine activité, comme le
Groupe Herstal,d’autres éteintes et peu
à peu transformées en décors pour les
films des frères Dardenne. Ce matin
la lumière est splendide et illumine
les barres grises striées de rouille des
quais de déchargement. Sur les hauteurs, derrière les longues rues où s’alignent des dizaines de maisons de
briques rouges,on distingue le stade de
football du « Standard de Liège ». Et
toujours, omniprésentes, comme enchâssées dans le paysage,les façades des
anciennes manufactures qui ont fait
la richesse du bassin… Toutes ces entreprises ont en commun la même histoire : celle du grand commerce fluvial,
de l’armurerie, des houillères, de la sidérurgie, de la cristallerie, du haut artisanat et des innombrables inventions
technologiques qui, portées par la Révolution industrielle des XVIIIe et
XIXe siècles, ont fait du pays liégeois
l’un des plus grands centres économiques d’Europe.
Comprendre l’univers industriel de
Liège, c’est d’abord se plonger dans la
géographie intime du pays mosan et
les méandres d’un fleuve navigable qui,
très tôt,ouvre de nouvelles routes commerciales.A l’époque antique,Liège est
déjà le siège d’un important domaine
agricole. Une villa qui deviendra cheflieu de diocèse. Ici, la batellerie et le
trafic fluvial attirent très vite une classe
marchande de plus en plus présente
dans le système politique et religieux.
C’est le début de l’essor des villes mo-
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
sanes à la fin de l’Empire Romain et
au début du Moyen Âge. Grâce à l’action des évêques Éracle, Notger et Wazon, au Xe siècle, Liège profite de l’activité économique locale et devient la
capitale d’une puissante principauté
épiscopale. Ses écoles sont célèbres.
C’est le temps de la naissance de l’orfèvrerie,de la miniature,de la sculpture
sur ivoire,de l’architecture religieuse et
des « trente-deux métiers ». La sidérurgie, aussi, commence à se développer, comme dans le bourg de Spa, par
exemple, qui a su faire de la métallurgie un atout. Située à proximité des
mines, des gisements de fer et des forêts,riche en bois,cette commune a particulièrement contribué à l’émergence
9
L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGE
La S.A. des Charbonnages et hauts fourneaux d’Ougrée,
près de Liège, vers 1850.
Cockerill
meuse en attribue l’origine à un forgeron de Plainevaux nommé Hullos.
Mais d’après les historiens, son exploitation intensive débute véritablement à la fin du XIIe siècle, quand la
demande en bois s’accroît à mesure que
les forêts disparaissent,transformées en
charpentes pour la construction et en
fagots pour le chauffage. C’est elle qui
contribue aussi à la renommée du bassin liégeois, ainsi qu’à sa prospérité
durant des siècles. Le mineur est alors
roi.Et c’est son savoir-faire qui conduit
les armées du Moyen Âge à recruter des
sapeurs liégeois dans les guerres de
siège, comme en 1430 devant Compiègne où ils furent enrôlés par le duc
de Bourgogne. La houille, bien évidemment, révolutionne aussi les technologies de forge.Le développement de
l’artisanat et l’industrialisation des
techniques, grâce au charbon et au fer
des Ardennes apportent une prospérité
sans égale. Les fabriques d’armes tournent à plein régime et la ville profite
de son soutien à Charles Quint.Au XVI
et au XVIIe siècles, la région est de
plus en plus réputée pour son savoirfaire mécanique et particulièrement ses
armes à feu.
des grandes familles de maîtres de
forges. Les fabriques utilisent alors
l’énergie hydraulique et les moulins
comme force motrice. En plus du travail de finition du fer, l’industrie de la
clouterie est florissante, notamment
dans la commune lainière de Verviers.
Aidée par un climat économique favorable, la région multiplie les corps
de métiers de la métallurgie. Favorisée
par les affluents de la Meuse, propice
à l’établissement de roues hydrauliques,
les forges et fourneaux connaissent une
prospérité sans précédent. Le battage
du cuivre, le travail de l’étain et du fer
deviennent les clés d’une industrie florissante et bientôt connue dans toute
l’Europe. Puis, les évolutions technologiques de production, comme la fenderie et l’invention des premiers laminoirs, permettent aux clouteries et aux
10
forges d’augmenter leur productivité
et de se tourner vers une nouvelle spécialité : les armes blanches et surtout,
la canonnerie, de siège, d’abord avec
les bouches à feu, puis portative avec
l’apparition de l’arquebuse à la fin du
XVe siècle.
Et puis il y a la houille et ses mineurs. L’histoire de Liège et celle de ce
précieux combustible minéral sont si
intimement liées, que la région revendique la priorité de sa découverte sur
le continent européen.Une affirmation
corroborée en partie par des fouilles archéologiques qui ont permis, en 1907,
la découverte de morceaux de houille
destinés au chauffage dans une villa antique. On dit même que le mot houille
proviendrait d’un très ancien mot local,« hoye »,signifiant « fragment,éclat,
motte ». Dans ses écrits, Jean d’Outre-
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Siège de la ville de Liège par le duc
de Bourgogne et le roi de France
en 1468. Gravure sur bois de 1498.
Cassette de pistolets à silex, par
J. Lambert dit Biron, à Liège, offerte
en 1813 par l’empereur Napoléon 1er
au feld-maréchal comte de Wurben Littitz, ambassadeur extraordinaire
de l’empire d’Autriche.
La fabrication d’armes apparaît
très tôt dans la principauté liégeoise
et les chroniques attestent déjà de l’existence, vers 1350, de bouches à feu coulées en bronze et en fer forgé dans les
environs de Liège. A cette époque la
métropole mosane est déjà réputée
pour la très grande compétence de ses
artisans canonniers, fondeurs de boulets, et fournisseurs de poudre à canon. En 1430, confiant dans la qualité
et l’expertise des forgerons liégeois,Phi-
lippe le Bon, Duc de Bourgogne, engage à son service trois « faiseurs de
coulevrines » de la région : Georges Thibaut,Gérard Oudriet et Jean Detaille.
En 1520, en Wallonie, dans la province de Luxembourg, le capitaine de cavalerie Sébastien de
Corbion met au point une
arme à canon court, se tirant
d’une seule main qu’il baptise
« Pistolet ». Le premier prototype des
armes d’arçon de la cavalerie et de
Un atelier d’armuriers au XVIIe siècle.
Fusil dit de Louis XIV réalisé
par Gilles Massin, fabricant d’armes
à Liège (vers 1730).
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
toutes les
armes de poing
vient d’être inventé. C’est
une révolution. Puis, autour de 1550,
apparaissent à Liège les premières platines à Rouet. C’est ainsi que fut créé à
Goffontaine, en 1578, dans le duché de
Limbourg, l’un des premiers ateliers
d’armurerie et de forge spécialisé du bassin liégeois. Le nombre d’armes fabriquées ne cesse d’augmenter et les artisans se perfectionnent. Issues des
« trente-deux métiers » de l’époque médiévale, les corporations armurières se
spécialisent. Les « faiseurs de bois d’arquebuse » font partie des Charpentiers.
Les « faiseurs de Canons » sont issus des
forgerons, les fameux « Févres », tandis que les « horlogers » produisent aussi
des platines. La fabrication d’armes à
feu portatives connaît un essor fulgurant.Liège commence à livrer dans l’Europe entière des armes ou des pièces
d’armes. Il n’est pas rare, alors, de trouver un pistolet signé d’un grand maître
allemand, italien, suisse, hollandais, espagnol,portugais,anglais ou même français, mais assemblé avec des éléments
d’armes fabriqués et fournis par des
artisans liégeois dont la notoriété est
presque sans rivale. La principauté exporte également en Afrique du nord,
aux Indes ou en Turquie, des armes de
luxe gravées, ou de chasse, souvent exceptionnelles.
Les artisans armuriers travaillent
de façon indépendante, souvent à domicile et se spécialisent dans certaines
opérations,dans des petits ateliers composés d’une simple pièce équipée d’une
11
L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGE
Planche d’ornements d’arquebuserie,
publiée à Paris, en 1743,
par le Liégeois Demarteau.
ment d’une profonde culture armurière
dont le Groupe Herstal est aujourd’hui
l’héritier direct.
C’est le temps de Jean de Corte.Industriel, marchand et munitionnaire
liégeois, mais aussi trésorier et fournisseur des armées du roi d’Espagne
aux Pays-Bas.Plus connu sous son nom
latinisé de Curtius, il est l’homme qui
relance et vivifie l’ensemble du tissu industriel de la principauté au XVIIe
siècle.Construit entre 1600 et 1610,son
domicile, « La maison Curtius », aussi
appelée « Palais Curtius » par la population de l’époque, très impressionnée par les dimensions du bâtiment,est
l’exemple le plus représentatif de l’architecture Renaissance dans la région
mosane.Devenue aujourd’hui le « Musée Grand Curtius » et classée « Patri-
moine majeur de Wallonie », « La Maison Curtius », symbole de la prospérité liégeoise,est l’un des plus beaux témoignages de l’esprit de la Renaissance
et du courant humaniste local. Une
période où artistes, marchands, artisans, poètes, mathématiciens et philosophes insufflent une riche vie culturelle et intellectuelle à Liège. Pourtant,
les XVIe et XVIIe siècles sont éprouvants pour la Principauté, car elle subit de plein fouet la scission des PaysBas espagnols, ainsi que les guerres
de Louis XIV. Mais l’industrie continue à tourner à plein régime.Vers 1615,
l’extraction de la houille est si développée que Philippe de Hurge, grand
voyageur et l’un des échevins de la
ville de Tournai, décrit un paysage
creusé de si nombreuses galeries de
mines, que le versant gauche de la
Meuse apparaît presque entièrement
dominé de « huttes de bure », ces
constructions qui abritaient les puits.
Puis avec la révolution industrielle et
son appétit insatiable en énergies, apparaissent des techniques nouvelles
pour exploiter plus rationnellement les
ressources régionales. Ainsi, c’est à Jemeppe en 1720, que la « pompe à feu »
du mécanicien anglais Thomas New-
L’ancien «palais » de Jean Curtius à Liège.
Ancien registre des Métiers de Liège (XVIIIe siècle).
baie vitrée.Chacun produit un élément
spécifique du lever du jour au coucher du soleil. Ainsi, au cours de sa fabrication, il n’est pas rare qu’un canon passe de main en main avant d’être
achevé. Au sommet de la pyramide se
trouvent les fabricants qui reçoivent les
commandes et confient la fabrication
des canons aux « Fèvres », chargés de
la soudure du canon. Puis, mouleurs,
foreurs et brunisseurs passent aux garnisseurs qui, à leur tour, donnent en
sous-traitance la réalisation de différents éléments aux monteurs à bois et
aux platineurs, chargés de réaliser le
mécanisme de mise à feu. Viennent
ensuite les limeurs qui ouvragent
chaque pièce pour les fondeurs. Puis
sont employés les faiseurs de sousgarde, les faiseurs de baguette, les faiseurs à bois qui réalisent les crosses,
puis les graveurs, les ciseleurs, les damasquineurs, les argenteurs, etc. Un
univers artisanal à part entière qui crée
pour les cinq siècles à venir les conditions intellectuelles,industrielles et économiques nécessaires à l’épanouisse-
12
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Portrait représentant Napoléon
Bonaparte, Premier Consul,
lors de sa viste à Liège (1803),
par Dominique Ingres.
Cockerill
comen trouve sa pleine application dans
l’industrie extractive de la houille. Des
hommes d’importance, comme le
bourgmestre Mathias-Guillaume de
Louvrex, étudient le savoir et l’expérience des maîtres de fosses liégeois
pour le transmettre aux autres pays
d’Europe.
A cette époque,les armes produites
à Liège sont faites « à l’œil » sans calibre
ni étalon, en « copiant » souvent l’existant.Il faut attendre la commande française de fabrication du modèle 1777,
qui impose une norme de réception
pour voir apparaître la première standardisation. Cette nouvelle approche
fait franchir à une grande partie de
l’industrie armurière liégeoise un véritable seuil technologique. A tel point
que,pour qualifier un ouvrier de valeur
on dira de lui : « C’est un bon, il a fait
des 77 » ! Le basculement sous régime
français, après la « Révolution Liégeoise » en 1794, puis en 1801, suite
au « Traité de Lunéville » signé entre
la France et l’Autriche, fait bientôt de
l’ancienne principauté du Cercle de
Westphalie le fer de lance de la technologie industrielle de la République
Française, puis de l’Empire qui espère
rattraper son retard sur l’Angleterre.
Après le rattachement à la France,Liège
se voit imposer un contrôle sur les armes
par l’administration française, de plus
en plus tatillonne. La fabrication est
soumise aux militaires de « l’Agence de
vérification, de réception et de paiement des armes » et toutes les armes qui
sont trouvées chez les fabricants sont
réquisitionnées. En 1797 l’exportation est interdite.Pendant cette période
Liège produit seulement des pièces
pour toutes les manufactures françaises. La manufacture impériale de
Liège est fondée en 1799 par Jean Gosuin, l’homme qui mobilisa une partie
des ouvriers armuriers, leur donna la
cocarde nationale jaune et rouge et
s’empara de l’hôtel de ville le 18 août
1789, puis par son fils Jean-Jacques.
En 1801 il obtient, avec la bénédiction
de Napoléon, le « privilège exclusif »
de fournir la nation française en armes
pour six ans.Ce monopole lui permettra
d’écraser ses concurrents. Les armuriers liégeois,rassemblés près de la place
Coronmeuse à Herstal,se plaignent auprès de l’Empereur, qui répond : « Assurez-moi une fabrication de 30 à
35.000 fusils par an, et je délierai Gosuin, et ses ouvriers pourront alors être
répartis entre tous les fabricants ». Privés de leurs débouchés d’autrefois dans
les armes de luxe et de chasse,beaucoup
d’artisans liégeois vivent misérablement
et la plupart n’ont pas d’autres choix
que le travail pour les manufactures
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
d’État.L’atmosphère est morose.Pourtant,la production industrielle ne cesse
de se perfectionner et de profiter des
dernières innovations technologiques.
Dès 1810, le procédé de la distillation
de la houille permet la fabrication du
gaz d’éclairage qui sert, en 1811, à illuminer les rues de Liège pour célébrer
la naissance du petit roi de Rome. De
1810 à 1829, le bassin s’apprête à devenir la seconde puissance industrielle
du monde après l’Angleterre grâce à
la houille. Mais c’est au prix de conditions de travail très difficiles pour les
adultes, comme pour les enfants employés dans les mines.
Pendant la même période, peu
après la découverte de charbon à Ougrée, la ville de Seraing va progressivement se transformer en cité industrielle. L’arrivée de John Cockerill,
encouragée par Guillaume Ier des PaysBas, souverain de Belgique après 1815,
qui lui a vendu le château de Seraing
pour y installer ses usines métallurgiques, va faire de l’agglomération la
« Ville de l’acier ». William Cockerill
est né en 1759 dans le Lancashire, en
Angleterre.Il débute sa carrière comme
forgeron,puis comme ingénieur en mécanique. Grand voyageur et visionnaire, il commence par s’intéresser à
l’autre grand secteur d’activité de la
région : l’industrie lainière de Liège et
de Verviers.Grâce à sa connaissance des
méthodes de mécanisation expérimentées au Royaume-Uni, il s’établit
à Verviers et commence la fabrication
de machines pour le filage et le cardage de la laine. En 1807, il déménage
à Liège et y crée une usine avec ses
trois fils. A cette époque, l’Europe n’a
pas accès aux produits industriels britanniques en raison du blocus continental instauré par Napoléon Ier. Les
machines Cockerill deviennent célèbres
et modifient durablement le modèle
économique établi. En 1842, son fils
John fonde la Société Anonyme Cockerill, implante ses activités sidérurgiques à Ougrée et Longdoz, en plus
13
Moteurs à gaz Cockerill de 10 000 chevaux.
L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGE
de Seraing. La famille dispose désormais des plus importantes usines d’Europe,actives dans le textile,les machines
à vapeur, les mines de fer, l’armurerie,
la construction métallique, les locomotives… Un rayonnement mondial…
Ainsi sur le pont de chemin de fer de
Kanchanaburi,en Thaïlande (qui a inspiré le film « Le Pont de la rivière
Kwaï »),se trouvent des rails estampillés
« made by John Cockerill, 1911 ». Fusion après fusion Cockerill devient
« Cockerill-Sambr » en 1981 avant son
déclin progressif, puis son rachat, en
1998, par Usinor (devenu « groupe Arcelor », en 2001, et « ArcelorMittal »
en 2006).
Guillaume Ier va aussi attirer le chimiste François Kemlin et le polytechnicien Auguste Lelièvre, formés aux
cristalleries de Vonêche, dans la province de Namur,pour créer dans le château et l’ancienne abbaye cistercienne
du Val-Saint-Lambert,les célèbres cristalleries qui sont toujours actives. Le
site est idéal. Le combustible pour les
fours est abondant, il y a des carrières
de calcaire non loin, la région est active dans la métallurgie des métaux ferreux et non-ferreux. Se procurer le
plomb nécessaire à la fabrication du
cristal est un jeu d’enfant. Le 6 juin
1826, la « Société Anonyme des Verreries et Établissements du Val Saint-
La première locomotive belge construite en 1835 par John Cockerill.
14
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Lambert » est créée. Kemlin en sera le
directeur général jusqu’en 1838. Rapidement, les fours à bois sont remplacés par des fours plus performants
et fonctionnant au charbon.Au départ,
le Val Saint-Lambert produit surtout
des bouteilles, du verre à vitre et de la
gobeleterie en demi-cristal. En 1836,
la « Société Générale de Belgique » rachète l’entreprise et Léopold Ier, roi
des Belges, en devient un actionnaire
important. La société connaît un succès immédiat. En 1839, le catalogue
est imprimé en cinq langues, ses produits sont exportés dans le monde entier. Une chaudière à vapeur est installée pour actionner les tours des
tailleurs. En 1843, des services qui deviendront célèbres apparaissent. En
1880, le Val occupe 2 800 personnes et
produit 120 000 pièces par jour, soit
cinquante millions par an ! Au début
du XXe siècle, ce sont plus de 160 000
objets qui sont fabriqués par jour ; 90 %
de la production est exportée.5 000 personnes y travaillent…
« Val-Saint-Lambert », comme la
« Société de la Vieille-Montagne », est
aussi à l’origine de conceptions nouvelles dans la gestion sociale du monde
ouvrier.Dès le début,les dirigeants sont
convaincus qu’une production de qualité passe par le bien-être des ouvriers.
Ainsi, l’entreprise s’implique-t-elle
dans diverses actions, assimilées aujourd’hui au courant paternaliste,
comme la création d’une école primaire
pour les enfants des ouvriers, la
construction de logements, la mise en
place d’une caisse d’épargne, de sociétés d’économie,d’une caisse de secours
alimentée par un prélèvement à la
source et de sociétés de secours mutuels.Mais aussi d’une caisse de retraite
et de pension,de magasins alimentaires
et de sociétés d’agrément.
Une nouvelle fois, l’activité armurière de Liège explose. Depuis 1815 et
la fin des manufactures impériales, la
région s’est remise à produire des armes
dites « de luxe » et ne cesse d’inventer
Spécimen de canon de fusil en damas fabriqué près de Liège au XIXe siècle.
des modèles et des systèmes nouveaux.
Vers 1830-1840 Liège « percussionne »,
c’est-à-dire transforme massivement
des armes à silex en armes à capsules
de fulminate. Une façon de moderniser les productions anciennes et d’écouler les stocks. La canonnerie ne cesse
d’évoluer. C’est la vogue du « Damas »
et des plus beaux canons d’armes
longues jamais réalisés. Vers 1850, la
mise au point de la « fonte malléable »
permet la fabrication en quantité industrielle des premiers revolvers à
broche et/ou de poche. Liège se spécialise de plus en plus dans la production sous licence des « Colt », des
« Adams », des « Lefaucheux » ou des
« Smith et Wesson »… voire de leurs
« copies » bon marché. Parallèlement,
les armuriers donnent libre cours à leur
ingéniosité en inventant,en simplifiant
et en mélangeant divers systèmes.C’est
l’époque des poivrières Mariette, des
grands noms tels Comblain, Rissack,
Marck, Decortis, Deprez, Ghaye, Colleye, Herman, Fagard, Desvigne, Simonis,Polain,Spirlet,Warnant,Pirotte,
etc.
Dans le bassin mosan la ville devient une métropole économique, por-
tée encore et toujours par son industrie sidérurgique et ses houillères.A titre
d’exemple, un rapport sur la condition des ouvriers au milieu du XIXe
siècle fait état de 565 établissements industriels nouveaux établis en moins
de vingt ans. Victor Hugo qui sillonne
alors l’Europe, est fasciné par l’activité industrielle du pays de Liège. Près
de Seraing,aux alentours de 1842,dans
« Le Rhin,lettres à un ami,(lettre VII) »,
il écrit : « Nous serons à Liège dans
une heure.C’est dans ce moment-là que
le paysage prend tout à coup un aspect extraordinaire.Là-bas,dans les futaies, au pied des collines brunes et
velues de l’occident, deux rondes prunelles de feu éclatent et resplendissent
comme des yeux de tigre. Ici, au bord
de la route, voici un effrayant chandelier de quatre-vingts pieds de haut qui
flambe dans le paysage et qui jette sur
les rochers, les forêts et les ravins, des
réverbérations sinistres.Plus loin,à l’entrée de cette vallée enfouie dans
l’ombre, il y a une gueule pleine de
braise qui s’ouvre et se ferme brusquement et d’où sort par instants avec
d’affreux hoquets une langue de
flamme. Ce sont les usines qui s’allu-
ment. Quand on a passé le lieu appelé
la Petite-Flemalle, la chose devient inexprimable et vraiment magnifique.
Toute la vallée semble trouée de cratères en éruption. Quelques-uns dégorgent derrière les taillis des tourbillons de vapeur écarlate étoilée
d’étincelles ; d’autres dessinent lugubrement sur un fond rouge la noire
silhouette des villages ; ailleurs les
flammes apparaissent à travers les crevasses d’un groupe d’édifices. On croirait qu’une armée ennemie vient de traverser le pays, et que vingt bourgs mis
à sac vous offrent à la fois dans cette
nuit ténébreuse tous les aspects et toutes
les phases de l’incendie, ceux-là embrasés,ceux-ci fumants,les autres flamboyants. Ce spectacle de guerre est
donné par la paix ; cette copie effroyable
de la dévastation est faite par l’industrie. Vous avez tout simplement là sous
les yeux les hauts fourneaux de M.Cockerill (…) Liège n’a plus l’énorme cathédrale des princes-évêques bâtie en
l’an 1000, et démolie en 1795 par on
ne sait qui; mais elle a l’usine de M.Cockerill. »
C’est aussi la grande période de
l’exploitation et de la transformation
Tronçonnage d’une grappe de pièces obtenues par moulage de précision.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
15
L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGE
La dynamo
de Z. Gramme.
du zinc. En 1835, Alfred Mosselman
fait l’acquisition, à Angleur, le long de
l’Ourthe,d’un terrain pour y construire
une usine à zinc, des bureaux et une
maison. En 1837, avec ses enfants et la
Banque de Belgique, il crée la société
anonyme : « Société des Mines et Fonderies de zinc de la Vieille Montagne ».
Trois sites de production sont actifs :
Moresnet, Saint-Léonard et Angleur.
Le zinc est laminé à Tilff,facilement accessible via le canal de l’Ourthe et à Bray,
en France.La production s’élève à 1 833
tonnes.Vieille Montagne est le seul producteur de zinc du pays. Une manne.
En 1912,avec une production de 40 000
tonnes, c’est l’usine de zinc la plus importante du monde. Le site sera définitivement abandonné en 1982, mais
il aura donné naissance à un empire
européen comprenant essentiellement
des usines en France et en Allemagne.
En 1989, les activités de la « Société
de la Vieille Montagne » seront intégrées au groupe industriel « Union minière », connu depuis 2001 sous le nom
d’Umicore et coté sur Euronext Belgique…
Entre 1850 et 1900, dans le bassin
liégeois, de grandes inventions, comme
la première dynamo à courant continu,
point de départ de l’industrie électrique
16
moderne, inventée par Zénobe Théophile Gramme en 1868, continuent à
révolutionner l’industrie. Liège est devenu un centre mondial de production et de transformation des armes,
loin devant Saint-Etienne en France.
La plupart des armes militaires désuètes, transformées en fusil de traite
avec un système du type Snider, ou de
chasse par recalibrage type « Chassepot », passent par la ville. Vers 1875, la
machine-outil va permettre de réaliser des armes de qualité, mais aussi
d’autres produits manufacturés à prix
réduit. De nombreuses sociétés industrielles sont créées, dont beaucoup se
développent ensuite à l’international :
comme la « Fabrique Nationale d’armes
de guerre », à Herstal, qui rassemble
de nombreux artisans et ouvriers issus de la tradition armurière liégeoise,
bien sûr, mais aussi « Englebert », la
compagnie de manufacture de pneumatiques fondée par Oscar Englebert
à Liège en 1877, qui prendra part à 61
Grands Prix de Formule 1, de 1950 à
1958, et remportera huit victoires avec
la Scuderia Ferrari. « Impéria », créée
par Adrien Piedbœuf en 1904 à Liège,
rue de Fragnée, puis dans l’usine de
Nessonvaux,l’une des marques les plus
prestigieuses de l’histoire de l’auto-
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
mobile belge.La « Société des Pieux Armés Frankignoul », fondée par Edgard
Frankignoul en 1911, qui atteint son
apogée dans les années soixante. Implantée dans quarante-quatre pays,elle
prospère jusqu’en 1970.Une ère de difficultés, puis de restructurations qui
s’achève par son démantèlement en
1998.Citons aussi la « Société Anonyme
des Ateliers de construction de La
Meuse », qui produit du matériel ferroviaire et des constructeurs de locomotives à vapeur dès 1872 sous l’impulsion de Charles Marcellis,un Maître
de forges liégeois. L’entreprise existe
toujours, concentrée sur la chaudronnerie et la mécanique. Et puis il y a la
« S.A. des Usines à Cuivre et à Zinc
de Liège » ou « Cuivre et Zinc », issue
de la fusion des usines Francotte,Chaudoir et Pirlot, en 1882. Une société qui
a marqué profondément les consciences
à Liège, en Belgique, mais aussi dans
toute l’Europe. Tout autour de Liège,
d’immenses corps de bâtiments semblent attendre la reprise,misant sur l’expertise et le savoir-faire des hommes
pour s’adapter aux nouveaux enjeux du
marché. De part et d’autre de la ville,
le long de la Meuse,ce fleuve qui a marqué l’histoire, tous continuent à croire
en l’avenir.

Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
17
La gare de Liège-Guillemins, œuvre de l’architecte Santiago Calatrava.
par Vincent Piednoir
La LÉGENDE
BROWNING
et le MYTHE
HERSTAL
La naissance
de la Fabrique Nationale
R
iche d’une tradition remontant au XIVe siècle, le Pays
liégeois constitue à lui seul,
à la fin du XIXe, un véritable
arsenal où se fournissent des Etats venus du monde entier. D’abord organisés selon le principe de la corporation, les héritiers des forges de Vulcain
y sont nombreux : à cette époque, on
répertorie, rien qu’à Liège, environ
4000 armuriers – et plus de 2000 à
Herstal… Effet de l’extrême spécialisation du travail artisanal,la confection
d’une arme reste alors soumise à un circuit de fabrication fort complexe et surtout inadapté à l’essor de la produc-
18
tion industrielle moderne. Aussi
conçoit-on, peu avant le début de la
guerre franco-prussienne,l’impérieuse
nécessité de collaborer plus étroitement. Dès 1870, différentes maisons
créèrent donc l’atelier du Petit Syndicat – d’où sortirent les fusils à un coup
Comblain que la Belgique, puis plusieurs pays, achetèrent. La même année, sur la base du Petit Syndicat, un
autre regroupement vit le jour : visant
à décrocher des commandes et à les
répartir elle-même pour gagner en efficacité, l’association livra notamment
des milliers de Chassepot à la France –
avant de se dissoudre,à la fin du conflit.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Une commande de
cent cinquante mille
fusils à répétition,
un savoir-faire
ancestral, de
l’audace et beaucoup
de volonté : ainsi
naquit, en 1889, la
Fabrique Nationale
d’Armes de Guerre
de Herstal. Retour
sur les débuts d’une
aventure industrielle
unique.
Vue aérienne de la F N en 1911
Plus tard, en novembre 1886, sept armuriers réitérèrent l’initiative : malgré
quelques réussites, les Fabricants
d’Armes Réunis subirent partout la
concurrence du puissant groupe allemand Loewe, dont les usines inondaient le marché de fusils Mauser ou
Mannlicher. Cependant, avec le recul,
les Fabricants font aujourd’hui figure
de visionnaires.
En effet, à la fin des années 1880,
le Ministère de la Guerre belge souhaita acquérir pour l’équipement de
ses troupes un fusil à répétition plus
perfectionné que l’Albini-Braendlin
à un coup alors de rigueur. Le 28 août
1888, un appel d’offres fut lancé : il
s’agissait d’un lot de 150.000 unités,
et dont le modèle restait à définir ; on
indiquait, par ailleurs, que priorité
serait donnée aux entreprises liégeoises. Or, pour faire face aux investissements requis, les Fabricants promurent auprès de leurs concurrents les
vertus de l’union : non sans peine parfois, ils rallièrent à leur cause nombre
de ces derniers et, le 3 juillet 1889, la
Fabrique Nationale d’Armes de Guerre
fut officiellement fondée. Toutefois,
derrière l’unité affichée, des dissensions sont déjà palpables parmi les
membres. Certains veulent parier sur
la pérennisation de la Fabrique ;
d’autres, dès le départ, limitent l’existence de celle-ci à l’exécution et à la
livraison de la commande. En outre,
pour obtenir l’outillage nécessaire,
on décide de se rapprocher du groupe
Loewe – ce qui aura,là aussi,des conséquences.
Toujours est-il que, le 12 juillet
1889, le fameux contrat est signé. Le
modèle choisi, après maints débats,
est le dernier né de Paul Mauser (Mauser 1889 à répétition, calibre 7,65 mm).
Quelques mois plus tard, la construction de l’usine débute ; les bâtiments,
chose encore peu répandue, sont alimentés électriquement. Le 31 décembre 1891, les trois premiers fusils
de l’histoire de la FN sont montés –
tandis qu’en décembre 1894 l’ensemble
de la commande est achevée. A y bien
regarder, l’affaire fut rondement menée : au 30 juin 1893, 42 000 Mauser
avaient déjà été livrés à l’Etat belge et
la production journalière était alors
de 250 armes, ce qui est considérable.
D’autant qu’en février 1891 une autre
opportunité s’était entre-temps présentée : le Ministère de la Guerre avait
besoin de 30 millions de cartouches…
pour le Mauser, précisément. Peu expérimentés dans ce domaine, les dirigeants de la FN relevèrent pourtant le
défi – érigeant,à côté de l’usine d’armes,
une fabrique de munitions militaires.
Le rendement puis le succès furent, là
encore, au rendez-vous.
Grâce à cette double commande,
l’entreprise herstalienne amortit pro-
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
gressivement les investissements
initiaux de ses membres. Mieux, sa
naissante notoriété sur la scène internationale fit converger vers elle de nouveaux contrats venus par exemple du
Brésil, de la Chine, de la Norvège ou
du Costa-Rica. Cependant, un problème essentiel ne tarda pas à resurgir :
les associés qui, depuis sa création,
réduisaient l’existence de la FN à la
livraison des 150.000 Mauser redoutaient de la voir se développer aux
dépens de leurs propres affaires. Redevenus indépendants, n’auraient-ils
pas à affronter une concurrence d’autant plus préjudiciable qu’ils avaient
eux-mêmes contribué à son apparition ? De fait, entre novembre 1895 et
février 1896, il y eut quelques retraits
remarquables parmi les cadres ; mais
surtout l’on découvrit, dans le même
temps, que la Compagnie allemande
Loewe avait racheté plus de la moitié
des titres de la société, devenant ainsi
majoritaire. De nouveaux dirigeants
furent désignés. Le sort de la FN était
dorénavant lié aux décisions d’un cartel étranger.
Certes, la Fabrique apprit beaucoup au contact de cette Allemagne
alors résolument engagée dans la voie
de sa révolution industrielle.D’abord,
grâce au concours de capitaux bancaires
venus d’outre-Rhin (mais aussi de Bel-
19
La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL
Ensuite, inspirée par les États-Unis (alors à la pointe
de l’industrie des machines-outils et cycles), la FN se lança,
la même année, dans la réalisation de bicyclettes.
Mauser Esp 1893
FN Mauser 1889
gique), la situation financière
de la société fut rapidement rétablie.
Ensuite, on modernisa les méthodes
de production en faisant appel à des
ingénieurs spécialisés et à des
techniciens issus des grandes écoles
(certains avaient été formés dans les
usines des Deutsche Waffen und Munitionsfabriken (DWM) ou celles de la
Mauser Waffenfabrik). En 1899, on créa
deux directions : l’une, commerciale
et administrative ; l’autre,technique.En
1904, des fonds furent spécialement
affectés à la construction d’un laboratoire de recherche destiné au contrôle
des matières premières – initiative très
novatrice, à l’époque. La division du
travail fut rationalisée, optimisée. En
somme, comme l’écrit Auguste Francotte dans Le grand livre de la FN, l’entreprise passa,durant cette période,« de
l’empirisme à la méthode scientifique ».
A la veille de la guerre, elle employait
environ 3500 personnes.
Un seul problème se posait – mais
de taille : l’appartenance de la FN au
groupe Loewe affaiblissait considérablement ses marges de manœuvre, en
particulier dans le domaine de la prospection commerciale. Ses contacts directs avec les gouvernements étrangers
étaient désormais réduits parce que soumis aux stratégies globales d’un cartel
qui favorisait volontiers les firmes allemandes. Dès 1896, la FN fut contrainte
d’accepter la stricte répartition, imposée par Loewe,des commandes relatives
à l’équipement militaire (armes comme
munitions).Certains marchés lui furent
totalement interdits ; pour d’autres,
20
elle devait partager le travail avec les
différentes usines liées au groupe :
DWM, Steyr Waffenwerke, Mauser Waffenfabrik– un partage,il va de soi,presque
toujours arrêté en sa défaveur. Cependant, pour remédier à cet état de forte
dépendance (qui durera jusqu’à la fin
de la Première Guerre), la FN fit tôt
preuve – notamment sous l’impulsion
de son directeur général, Henri Frenay
– d’une grande créativité : elle explora
d’autres voies.
La confection d’armes de chasse et
de sport, d’abord. Les fondateurs
s’étaient interdit ce secteur, par crainte
d’instituer une concurrence supplémentaire ; les nouveaux dirigeants,eux,
encouragèrent d’autant plus l’idée
qu’elle permettait de réaffecter une partie du matériel initialement voué à la
fabrication d’armes militaires.
Aussi décida-t-on, dès novembre
1896, de produire et de commercialiser 50.000 carabines de sport de calibre 22. Un nombre important de fusils de chasse fut également usiné, mais
exclusivement sous forme de pièces détachées. Ensuite, inspirée par les ÉtatsUnis (alors à la pointe de l’industrie
des machines-outils et cycles), la FN
se lança, la même année, dans la réalisation de bicyclettes.Elle conçut même,
en 1898,un judicieux modèle dépourvu
de chaîne de transmission : le fameux
vélo acatène… Ce secteur d’activité sera
exploité, avec beaucoup de succès, durant trois décennies.
En se diversifiant de la sorte, la
Fabrique fit montre, dès ses débuts,
d’une grande faculté d’adaptation.Mais
elle sut aussi, quand elle se présenta,
saisir sa chance et
la faire fructifier.
Vélo acatène version militaire, équipant l’armée belge aux postes frontières,
flanqué de son fusil Mauser fixé au cadre.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Le laboratoire central.
La cartoucherie en 1908.
Le bureau de contrôle des armes finies en 1914. Ici, des fusils Mauser 1889.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Vélo de course FN (1920).
Détails de la selle, des poignées de freins
« allégées », de la plaque FN fixée sur le
cadre et des deux pignons de roue arrière
de développement différent.
21
La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL
Rencontre avec John
Moses Browning
L
e hasard, a-t-on coutume de
dire, fait parfois bien les
choses. Lorsqu’au cours du
printemps 1897, le Conseil
d’Administration de la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre de Herstal
décide d’envoyer aux Etats-Unis son
directeur commercial, Hart O. Berg,
afin de s’informer des nouvelles techniques utilisées outre-Atlantique dans
la fabrication des bicyclettes – on ignore
encore qu’à défaut d’honorer pleinement sa mission première,l’homme fera
là-bas la rencontre qui marquera pour
toujours le destin de la célèbre fabrique
belge : celle d’un certain John Moses
Browning.
Le grand inventeur (qui réduira
modestement la formule de son talent
à la dilution d’« une goutte de génie
dans un tonneau de transpiration »)
naquit le 23 janvier 1855,à Ogden – petite ville située non loin de Salt Lake
City, dans l’Utah. Issu d’une famille
de colons anglais (l’un de ses aïeux, le
capitaine John Browning, s’établit en
Virginie dès 1622),il apparaît au milieu
de ce dix-neuvième siècle américain
rendu depuis quasi-mythique par le cinéma et l’imaginaire collectif : c’est
en effet l’époque de la conquête de
l’Ouest, de la Ruée vers l’Or, des pionniers, des sectes religieuses et des cow-
22
boys ; celle des grands espaces, de la
« Liberté », de la « Prospérité » et des
fabricants d’armes aux noms légendaires (Winchester,Colt,Remington) ;
celle, surtout, de l’esclavagisme et des
déchirements politico-historiques qui
culmineront lors de la guerre de Sécession. L’Union du pays est alors loin
d’être réalisée (l’Utah ne sera officiellement incorporé qu’en 1896) et bien
des territoires, sur cet immense continent, demeurent encore méconnus ou
inexploités parce que notoirement hostiles.
En 1780, Edmund Browning,
grand-père de John Moses, avait déjà
bâti une ferme dans le Tennessee. Cinquante-quatre ans plus tard, son fils,
Jonathan (1805-1879), fonda une petite armurerie dans l’Illinois.Assumant
également la fonction de Juge de Paix,
il se lia d’amitié avec un jeune homme
de loi qui allait devenir, en 1860, le
seizième Président des Etats-Unis :
Abraham Lincoln. Converti par un
missionnaire mormon, Jonathan rejoignit les adeptes de l’Eglise de JésusChrist des saints des derniers jours ; il
pratiqua le mariage plural, cumulant
trois épouses et vingt-deux enfants –
dont John Moses. Durant toute cette
période, les Mormons furent l’objet
d’exclusions, voire de persécutions qui
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
les contraignirent à émigrer souvent.
Rappelons à titre d’exemple qu’en 1838
le gouverneur du Missouri publia un
ordre d’extermination contre les Mormons vivant dans cet Etat – ordre qui
aboutira au massacre de Haun’s Mill.
Jonathan lui-même émigra avec sa famille à Nauvoo – une ville du sud-ouest
de l’Illinois, construite par les Mormons en 1839 sur une zone marécageuse et qui leur servit un temps de
refuge. Quand, en juin 1844, leur prophète Joseph Smith fut incarcéré puis
assassiné dans les locaux de la prison
de Carthage, les Mormons quittèrent
Nauvoo et empruntèrent à nouveau
la route de l’ouest ; en 1846-47 – après
un long périple qui coûta la vie à plusieurs centaines de personnes – ils s’installèrent dans un endroit désertique,
fort peu accueillant et accolé aux Rocheuses : la vallée du Grand Lac Salé.
C’est ici que fut érigée la future capitale de l’Utah, Salt Lake City.
Après un passage dans l’Iowa, le
Mormon Jonathan Browning posa à
son tour ses bagages dans l’Utah – en
1852.A Ogden,son petit atelier fut surtout destiné à la réparation des armes
et à l’exécution de menus travaux relatifs à la mécanique générale ; cependant, le père de John Moses était déjà
un inventeur chevronné : parmi ses
créations, deux carabines à répétition
(l’une à barillet ; l’autre avec un chargeur de type « harmonica »).C’est donc
dans une atmosphère particulièrement
propice à l’épanouissement de ses dons
naturels que John Moses fait, si j’ose
L’atelier magasin
des frères Browning
à Ogden, Utah,
vers 1882.
carabine à un coup que John Moses
vient d’inventer. L’arme, qui se charge
par la culasse, est un succès ; elle attire
surtout l’attention de Winchester, lequel obtient le droit de la produire luimême. Et ce n’est qu’un début.
En 1884, Browning mit au point
une carabine à répétition dotée d’un
levier fixé à l’arrière du pontet ; celleci fut, là encore, fabriquée par la Compagnie de New Haven et commercialisée sous le nom de Winchester 1886.
Le principe de cette arme indissociable
de la culture « western » sera par la
suite décliné en plusieurs Modèles –
dont le célèbre 1894, cher à Buffalo
Bill et John Wayne. Entre 1883 et 1887,
Winchester fera l’acquisition d’une
vingtaine de brevets auprès de Browning ; leur collaboration durera jusqu’en
1902.Ce fut d’ailleurs en observant l’action des gaz dégagés par la bouche du
canon d’une Winchester 1873 que l’inventeur réalisa leur utilité potentielle
pour la création d’armes automatiques.
Ainsi exploita-t-il le principe dit de
récupération des gaz à partir duquel il
conçut, en 1890, le prototype de sa
première mitrailleuse.
dire,ses premières armes.Autodidacte,
le jeune homme fréquente moins les
bancs de l’école que l’atelier paternel
où il manie déjà, avec dextérité, les outils qui lui permettront bientôt de réaliser ses propres prototypes. La facilité avec laquelle il s’initie aux subtilités
de la mécanique (armurière ou autre)
enchante son entourage et contribue
à sa naissante réputation – comme
l’illustre joliment la B.D. que lui ont
consacrée, en 1978, l’historien Claude
Gaier et le dessinateur Emjy (La vie
passionnante de J.M. Browning). Inventeur précoce,il dépose à vingt-trois ans
son premier brevet, reprenant progressivement le flambeau de l’entreprise familiale avec l’aide de son frère
Matthew qui s’occupe,lui,du pan commercial de l’affaire.
Le 10 mai 1869, le Transcontinental reliant Sacramento à Omaha est opé-
rationnel : 3000 km de voies entre la
Californie et le Nebraska. A partir de
cette date, la liaison ferroviaire entre la
côte Pacifique et le réseau est des EtatsUnis est assurée – désenclavant par
conséquent l’Utah : une aubaine pour
le développement économique de la région, à laquelle le pouvoir fédéral n’a
encore accordé, à cette époque, que le
statut restreint de territoire. L’atelier
d’Ogden saura,bien entendu,tirer profit de cette véritable révolution que
représenta le Transcontinental : de fait,
en 1878, les frères Browning créent la
firme qui porte leur nom et qui s’impose rapidement, nous apprend Gaier,
comme « le plus grand centre de réparation d’armes de l’ouest. » En 1880,
forts de ces débuts prometteurs, ils
construisent un nouvel atelier au sein
duquel ils installent une machine à vapeur afin de fabriquer eux-mêmes la
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
J. M. Browning
avec son Auto-5
en 1926.
23
La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL
tils adéquates. En janvier 1899, les
premiers Browning Modèle 1900 sont
prêts. Vendue 30 fr. belges l’unité,
l’arme est un succès commercial : en
1910, le nombre d’exemplaires produits dépassera les 724.000… Et, dès
1900,l’Etat belge adoptera l’arme pour
l’équipement de ses officiers. Enfin,
le Browning 1900 aura plusieurs descendants, dont les Modèles 1906 et
1910 – ce dernier étant « entré » dans
l’histoire, puisqu’on sait, aujourd’hui,
que c’est au moyen de ce pistolet que
le nationaliste serbe Gavrilo Princip
assassina l’archiduc François-Ferdinand et la duchesse Sophie de Hohenberg, le 28 juin 1914, à Sarajevo.
Browning et son pistolet. Caricature de Jacques Ochs (1914).
Cette fois,ce fut la Compagnie Colt qui
lui acheta l’idée ; du reste, la mitrailleuse Browning Modèle Colt 1895
sera d’emblée adoptée par l’US Army,
et du nouveau mariage contracté à cette
occasion par la firme d’Ogden naîtront
bien d’autres réalisations couronnées
de succès (songeons par exemple au
Colt.45 – qui fut le pistolet de l’armée américaine de 1911 à 1985).
Le hasard, disions-nous, fait parfois bien les choses… Lorsque le directeur commercial de la FN rencontre
les frères Browning,en avril 1897,John
Moses vient justement de faire breveter un pistolet automatique 7,65 de
sa conception ; au demeurant, tout
porte à croire qu’il cherche déjà, à
cette époque, d’autres collaborateurs
susceptibles d’être intéressés par ses
inventions. Browning propose donc
la licence de fabrication de son dernier né à Hart O. Berg, lequel, de
retour en Belgique, fait part de son
enthousiasme au Conseil d’Administration de la FN. Le contrat est signé
en juillet ; une année sera cependant
nécessaire pour préparer la production
et mettre au point les machines-ou-
24
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Quoi qu’il en soit,le Browning 1900
représenta le point de départ d’une
aventure industrielle et humaine
unique en son genre. En février 1902,
John Moses soumit à la FN le prototype d’un fusil de chasse automatique
auquel il travaillait depuis quatre ans
et qui allait encore constituer,à lui seul,
un véritable événement dans l’histoire armurière. Préalablement refusé
par Winchester et Remington, l’Auto5 (qui fonctionne par long recul du
canon) fera, le 24 mars de cette même
année, l’objet d’un nouveau contrat
entre Browning et la FN. Cerise sur
le gâteau : l’accord est assorti,de la part
de l’Américain, d’une commande
Reçu signé de John Moses et Matthew Browning (26 juillet 1897).
Les quatre champions de tir
de l’Utah en 1892.
John Moses Browning
est le deuxième
en partant de la gauche.
Browning propose donc la licence de fabrication de son dernier
né à Hart O. Berg, lequel, de retour en Belgique, fait part de son
enthousiasme au Conseil d’Administration de la FN.
Vue en coupe du fusil automatique 5 coups
et schéma de fonctionnement.
nité. Autre aspect non négligeable de
cette complémentarité : l’extension et
la diversification des marchés.Lorsque
la carabine automatique .22 est lancée, en 1913, Browning en commande
immédiatement 50.000 unités destinées à la clientèle américaine ; idem pour
un fusil de calibre 20 qui devait sortir
la même année (25.000 exemplaires)…
A telle enseigne que, dès 1907, il autorisa la FN à faire usage de son nom
comme marque de fabrique et de commerce (ce qu’il n’avait accordé à personne auparavant), resserrant des liens
Chapelle ardente de JM. Browning à la FN,
salle du conseil (1926).
ferme de dix mille fusils ! Ils seront
écoulés aux Etats-Unis en l’espace
d’un an… La FN,quant à elle,produira
plusieurs millions d’Auto-5 au cours
des décennies suivantes.
Prodigieusement féconde, cette
collaboration fut une chance réciproque que les deux partis surent saisir avec lucidité : l’entreprise herstalienne offrant un savoir-faire attesté par
des siècles d’armurerie wallonne,Browning disposant – outre sa créativité personnelle – d’une intuition très juste à
l’égard des besoins issus de la moder-
qui allaient se transmettre de génération en génération.Rappelons d’ailleurs
qu’au cours de sa carrière Browning
ne déposera pas moins de 128 brevets
portant sur 80 armes différentes – devenant ainsi « l’inventeur le plus prolifique, tous secteurs industriels
confondus » (A.Francotte,Le grand livre
de la FN)…
La créativité de J.M. Browning a
marqué de son empreinte aussi bien
le domaine des armes de sport ou de
chasse que celui des armes de guerre
(pensons notamment à son fusil-mitrailleur à prise de gaz de 1917, adopté
par l’US Army et utilisé sur le front français). A sa mort, survenue le 26 novembre 1926 à Herstal (tandis qu’il
effectue son soixante-et-unième voyage
à la FN), le « Maître » vient d’achever
la mise au point de son ultime chefd’œuvre : le fusil de chasse superposé
B25, legs fameux que la postérité déclinera en de multiples modèles. Dans
la salle du Conseil, où l’on a dressé
une chapelle ardente, le personnel défile devant le corps de celui qui reçut,
en 1914, la croix de chevalier de l’ordre
de Léopold.

John M. Browning pose pour la photo officielle de sa mitrailleuse modèle 1895.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
25
La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL
Le jeudi 24 octobre 1929, alors que les cours de la Bourse
s’effondrent à New York et que la crise se mondialise,
le talon d’Achille de la FN est durement touché.
Coups durs
J
usqu’en 1914, la FN est une société prospère. Son coup de
maître est d’avoir su diversifier
ses productions afin de supporter les très lourdes contraintes que faisait peser sur elle, dans le domaine de
l’armement militaire,son appartenance
au groupe Loewe. Au tournant du
siècle, elle s’était lancée, avec brio, dans
la construction d’automobiles et de
motocyclettes. Entre 1902 et 1904, six
mille de ces dernières avaient été vendues ; entre 1911 et 1914, neuf mille.
Les modèles proposés, toujours plus
perfectionnés, étaient nombreux. Une
succursale commerciale avait même été
implantée en Grande-Bretagne, et, devant le développement rapide de la division des engins motorisés, la FN
s’était dotée, dès 1906, d’une fonderie.Conséquences appréciables de cette
réussite (à une époque où la condition ouvrière était d’une extrême dureté en Europe, et singulièrement en
Belgique) : l’entreprise créa différentes
structures fondées sur le mutualisme
(santé, retraite, épargne) et destinées à
ses employés – tandis que de confortables dividendes étaient distribués aux
actionnaires.
L’attentat de Sarajevo puis le déclenchement de la guerre par le jeu
des alliances mirent brusquement fin
à cette situation. Le 4 août 1914, les
Allemands violèrent la neutralité de
la Belgique ; le 16, après dix jours de
résistance, Liège tomba. Très vite, les
autorités occupantes firent savoir à la
FN qu’elles souhaitaient la voir reprendre le travail. Songeant que celui-ci bénéficierait, à court ou moyen
terme, à l’ennemi, le Conseil répondit
en fermant l’usine (alors même que la
majorité de ses administrateurs étaient
allemands) et en allouant des subsides
et des avances au personnel. En guise
de représailles, des machines-outils
furent réquisitionnées. Cependant,
26
comme la guerre se prolongeait,le gouvernement impérial se fit plus pressant : face à la résistance unanime du
Conseil, il condamna à la prison, pour
refus de collaborer, le directeur général de la FN, Alfred Andri, puis, plus
tard, renonçant à l’idée d’une contribution volontaire à l’effort de guerre,
décréta la mise sous séquestre de la
société (1917). Les troupes allemandes
transformèrent elles-mêmes la fabrique
en un vaste atelier de réparation de
véhicules. Le personnel de la FN encore présent fut surtout affecté à la
construction de machines-outils.Dans
le hall d’usinage, on avait installé, dès
1914, un hôpital dédié aux soldats du
Kaiser.
Peu avant la signature de l’Armistice, la Société Générale de Belgique
fonda, avec plusieurs banques belges,
l’Union Financière et Industrielle Liégeoise. Le but de cette Union était de
constituer un capital suffisant pour
racheter les titres de la FN détenus,
depuis 1896, par les DWM. En mars
1919, ce fut chose faite : la Fabrique
se libérait définitivement de l’emprise
du groupe Loewe. Néanmoins, quatre
années de guerre et d’occupation
avaient profondément bouleversé la situation. La fragilité du contexte politique liée au démantèlement des empires, le protectionnisme ambiant et
l’instabilité monétaire limitaient considérablement la liberté des échanges.Or
la FN vivait, pour l’essentiel, d’exportations. En outre, l’éviction de Loewe
eut pour conséquence de provoquer
une importante pénurie parmi les
cadres ; la plupart d’entre eux, en effet, étaient allemands. Et la maind’œuvre qualifiée, inévitablement,
manquait…
Là encore, la Fabrique misa sur
son inventivité. Sous la direction
d’Alexandre Galopin (figure historique
de la FN, il sera assassiné en 1944 par
des Belges acquis au nazisme), elle
embaucha de jeunes ingénieurs et techniciens belges, ouvrit une école de for-
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
mation professionnelle à l’intérieur
de l’usine, créa un centre de sélection
psychotechnique pour améliorer les
méthodes de recrutement, restaura
et modernisa ses installations. La
conjoncture internationale n’étant
plus, et pour cause, propice au commerce des armes militaires, il fut surtout décidé de renouer avec les véhicules à moteur : l’automobile et la
motocyclette remirent si bien l’entreprise sur les rails qu’il fallut construire,
en 1928, une nouvelle usine exclusivement destinée à leur production !
La même année, une autre succursale
commerciale voyait le jour – en Suède…
Entre 1919 et 1929, priorité fut certes
donnée aux engins motorisés. Cependant, plusieurs gros contrats d’armement militaire furent signés avec les
gouvernements brésilien, mexicain et
surtout serbe, entre 1923 et 1927. Par
ailleurs,après avoir absorbé deux firmes
spécialisées dans les munitions, la FN
construisit, à Bruges, une cartoucherie dotée d’un laboratoire de balistique (1929).Enfin,n’oublions pas que
J. M. Browning continuait de lui soumettre ses inventions. Chassez le naturel…
Mais si les investissements colossaux engagés depuis 1919 offrirent
d’abord à la FN un souffle nouveau,
ils la fragilisaient également en profondeur. Le jeudi 24 octobre 1929,
alors que les cours de la bourse s’effondrent à New York et que la crise se
mondialise, le talon d’Achille de la FN
est durement touché. Réduits au marché belge, tous les départements sont
frappés, en particulier la division des
voitures (qui sera abandonnée en 1935).
La vente des motos est en chute libre.
En 1929, l’usine de Herstal emploie
9000 personnes ; en 1934, 2500. Financièrement, elle est au bord de la
faillite : de 1930 à 1934, le découvert
bancaire de l’entreprise passe de 52 à
101 millions de francs belges. Et le 30
mai 1934, la valeur du titre est de…
89 francs. Dès 1932, la FN se réoriente
L’entrée principale de la FN durant l’occupation allemande. La mission de réparation de véhicules y est manifeste.
Montage et réparations des motocyclettes. On remarque la prédominance des militaires allemands, en uniformes et en tenue de travail.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
27
La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL
Une des cours de la FN durant l’occupation allemande.
vers la fabrication de véhicules dits
« spéciaux » (camions, camionnettes,
trolleybus). Mais les produits civils ne
suffisent pas.
rey
Asp
GP
Canons automatiques Bofors pour le tir aérien.
Il faudra
attendre
1935-36 pour observer
une véritable amélioration. En dépit des préconisations de la SDN,
et face, notamment, aux
dispositions belliqueuses du nouveau
régime allemand, l’heure est alors, en
Europe, au réarmement. Au début des
années ’30, déjà, le recentrement de la
FN sur son domaine de prédilection
est perceptible : Dieudonné Saive,chef
du bureau d’études,perfectionne le fusil-mitrailleur Browning, crée un pistolet modèle réduit (le Baby 6,35mm),
puis un autre à grande puissance (le GP
9mm). La cartoucherie fabrique de son
côté balles perforantes,traçantes ou encore incendiaires. En 1934, la Belgique
a acheté à la FN l’équivalent de 100 millions de cartouches, adopté le FM
Browning et acquis 630 mitrailleuses
d’avion. Très vite, on comprend que le
redressement de l’entreprise exige un
retour radical aux sources : armes légères, munitions, mais aussi canons
anti-aériens, grosse artillerie, systèmes
embarqués. Entre 1935 et 1939, une
clientèle venue du monde entier se
bouscule : Grèce, Yougoslavie, Portugal, Pays-Bas, Finlande, Pérou, Paraguay, Bolivie, Roumanie, etc. La Chine
de Tchang Kaï-Chek effectue d’ailleurs
les plus grosses commandes.A la veille
de la Seconde Guerre mondiale, la
Fabrique est redevenue, en un temps
record, un arsenal. La valeur boursière
de son titre oscille maintenant entre
400 et 900 francs.Elle emploie quelque
11.000 personnes.
Le 10 mai 1940, l’Allemagne viola,
pour la seconde fois, la neutralité de
la Belgique. Deux jours plus tard, la
Wehrmacht prit Liège et, le 28, l’armée
28
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
belge capitula. Un an auparavant, des
dispositions avaient été prises concernant la FN : pressentant que l’on ne
pourrait défendre Herstal en cas d’attaque, on avait décidé de transférer
les machines de la Fabrique à Bruges
d’abord, puis à Toulouse. En vain : la
progression allemande s’avéra trop rapide, et, quoiqu’une partie de l’équipement fût bel et bien déménagée
vers la France – celle-ci signa,le 22 juin,
l’armistice… A l’instar du Luxembourg, la Belgique fut alors soumise au
régime de l’occupation militaire. Le 17
mai, les Allemands exigèrent des dirigeants de l’usine la reprise de leurs
activités. Comme en 1914, les intéressés s’y refusèrent – mais, dès le 5
juillet, les autorités nommèrent Franz
Scharpinet (directeur des DWM) séquestre curateur de la FN. Investi de
tous les pouvoirs, ce dernier remit immédiatement les ateliers au travail,
après avoir recruté la main-d’œuvre
nécessaire (car seuls 10 % des ouvriers
étaient restés au service de l’occupant).
Entre-temps, plusieurs figures importantes de la FN – dont Dieudonné
Saive et Gustave Joassart,directeur général « déchu » – avaient clandestinement gagné la Grande-Bretagne et
offert, là-bas, leur aide technique.
Placée sous séquestre, la Fabrique
est intégrée au complexe militaroindustriel du IIIe Reich qui répartit,
pour des raisons stratégiques, la
confection de l’armement entre ses différents sites. A partir de 1942-43, l’afflux de personnel réquisitionné par
le service obligatoire (jusqu’à 12.000
travailleurs) augmente fortement ses
capacités de production – malgré les
actes de sabotage qui se traduisent, le
plus souvent, par la défectuosité des
pièces. Durant la guerre, l’usine
Montage des pistolets-mitrailleurs M3 - groupe 48 (Août 1945).
construisit notamment des centaines
de milliers de GP, des canons et des
verrous pour carabines Mauser 98K,
des munitions, des éléments pour véhicules terrestres et aériens mais également, nous dit Auguste Francotte,
« douze pièces du canon Mark 108, calibre 30mm, pour l’armement du premier avion à réaction de l’histoire : le
Messerschmidt 262 », avion qui ne
sera opérationnel qu’à la fin des hostilités.
Lorsqu’en septembre 1944 les
Américains libèrent la Belgique, les
troupes d’occupation ont, depuis plusieurs mois, commencé à évacuer vers
l’Allemagne une somme considérable
d’équipements en tous genres. Le 7,
la direction de la FN reprend possession de l’usine, mesurant l’étendue des
pertes : sur plus de 8000 machines-outils, près de 2000 ont été détruites ou
ont disparu. Humainement, matériellement, financièrement – la Fabrique
est à l’image de l’Europe. La situation est d’autant plus désastreuse que,
tout au long de l’hiver 1944-45, la région liégeoise sera la cible d’intenses
pilonnages de représailles : les bombes
volantes V1 et V2 causeront d’énormes
dommages à la Fabrique, comme en
témoignent les photographies. Pourtant, avant même l’arrêt définitif des
combats, ses dirigeants parvinrent à
remettre certains ateliers en route :
on réalisa alors des pièces spécifiques
pour les chenilles des chars américains,
ainsi que des armes légères… Une
époque se terminait. Il fallait maintenant, malgré les coups durs, songer
à demain.

Destructions causées à la FN
par les bombes volantes V1
et V2 à la fin de la Seconde
Guerre mondiale.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
29
par Vincent Piednoir
LesAUTRES
SECTEURS
D’ACTIVITÉ :
duVÉLO à la FUSÉE
A
u cours de son histoire, la
Fabrique Nationale n’a pas
seulement confectionné des
armes à feu, loin s’en faut.
Elle fut parfois amenée – pour
s’adapter aux exigences de la modernité, mais aussi par l’effet de son dynamisme propre – à étendre ses champs
de compétences à des secteurs d’activité très éloignés de sa vocation initiale. Retracer les moments essentiels
de cette extraordinaire diversité de productions, c’est peut-être d’abord souligner l’audace dont cette entreprise
fit sans cesse preuve pour se développer, s’imposer, ou simplement résister
aux vents contraires. Car elle n’a pas
sept ans lorsqu’elle relève ses premiers
défis. Nous sommes en 1896 : la Fabrique, qui a notamment honoré une
30
commande de 150.000 fusils Mauser
destinés à l’Etat belge,appartient à présent au groupe allemand Ludwig
Loewe.Soumise aux décisions de ce cartel, elle ne jouit plus d’un accès direct
au marché mondial de l’armement militaire. Aussi décide-t-elle, pour s’assurer quelque indépendance,
de se tourner vers la fabrication de bicyclettes. Parmi
les très nombreux modèles qui seront
commercialisés
avec succès jusqu’en 1926, il
convient surtout
de mentionner
l’élégant vélo
acatène – dont la
chaîne de transmis-
sion est remplacée par un pignon conique et dont certaines déclinaisons
équiperont la gendarmerie belge dès
le début du XXe siècle. Il est d’ailleurs
intéressant d’observer que les premières armes de chasse
usinées par la
FN datent de
cette époque
Vélo acatène militaire avec support pour fusil Mauser.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Affiche 1907, style Art nouveau représentant la diversification civile, par Raymond Tournon.
et procèdent de la même volonté de se
diversifier.
Une volonté qui s’appliqua très
tôt aux engins motorisés – et d’abord
aux automobiles. En octobre 1897,
les ingénieurs de la FN avaient déjà
étudié la possibilité de concevoir ce
type de produits voués, on le sait désormais, à un brillant avenir. Deux
ans plus tard, une série de cent voitures dotées d’un moteur de deux cylindres voyait le jour. Rudimentaires,
ces étranges véhicules à l’allure de
fiacres dépourvus d’attelage sont encore livrés sans carrosserie. Mais les
modèles suivants gagneront vite en
technologie et en puissance – témoignant de l’extrême fécondité de leurs
constructeurs : FN 2000 (1906), FN
1400 (1907), FN 1600 (1911), FN 1250
(dont pas moins de 300 exemplaires
seront vendus au Salon de Paris de
1913), etc. Les connaisseurs apprécieront… De fait, jusqu’au début des
années 1930, le département des voitures accumulera les réussites commerciales comme les exploits sportifs :
Coupe du Roi aux 24 heures de Francorchamps (1925, 1926, 1932 et 1933),
Tour de France (1926), Liège-Madrid-
Liège (1930), Coupe des Alpes (1931),
Liège-Rome-Liège (1933)… En 1928,
deux automobiles FN joignaient
Herstal au Cap, lors d’un raid de 105
jours à travers le continent africain !
Aussi est-il aisé de se figurer l’amertume qu’inspira, en 1935, la décision
d’abandonner cette production qui
avait hissé la Fabrique au rang de
constructeur incontournable. La crise
de 1929 était passée par là. En 1934,
après trois décennies de réalisations
mémorables dans un domaine qui lui
était à l’origine parfaitement étranger,
l’entreprise herstalienne présenta son
ultime voiture : la FN 42, dite « Prince
Albert » – ainsi nommée en l’honneur du futur roi des Belges…
Autre engin conçu dès 1901 dans
les ateliers de la Fabrique : la motocyclette.Aux premiers exemplaires, équipés d’un moteur à un cylindre, succédèrent des modèles toujours plus
perfectionnés – telle la FN 4 cylindres
(1905) dont la réputation fut d’emblée
excellente, singulièrement en GrandeBretagne.Avant 1917,l’armée impériale
russe acheta à la FN de grosses quantités de motos adaptées aux besoins militaires ; l’armée belge également. A la
vérité, il serait fastidieux d’évoquer ici
dans le détail l’impressionnante variété de ces machines qui furent commercialisées jusqu’en 1964
et qui procurèrent
à la F N une immense notoriété.
Moto FN
« Oiseau bleu »
125 cc (1954)
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
31
Les AUTRES SECTEURS D’ACTIVITÉ : DU VÉLO À LA FUSÉE
Raid sur motos FN. Paris-Dakar, 1927.
A la fin des années 1920, le succès des
motos herstaliennes était tel qu’on porta
à cent unités leur production journalière.Par ailleurs,en 1928,on érigea,aux
côtés des anciennes installations, une
nouvelle usine où l’ensemble de la
division des engins motorisés fut
concentré. A l’instar de leurs cousines
à quatre roues, les cylindrées FN offrirent à la société wallonne un palmarès éloquent : en 1927, la première traversée du Sahara à moto (reliant Paris
à Dakar : 7000 km) fut accomplie sans
incident sur des M70 – modèle qui,l’année suivante,remporta le Grand prix de
Rabat ; en 1931, une jeune femme de
vingt-et-un ans effectua seule un périple de 22 000 km entre Saigon et Paris, sur une M70 Touring Standard ; en
1934, le pilote René Milhoux et sa FN
500 établirent un nouveau record de vitesse pure à 224,019 km/h… Et lorsqu’on sait qu’en octobre 1935 quatrevingt-un records du monde sur motos
FN étaient officiellement répertoriés
– on se dit que les dirigeants de la Fabrique avaient été bien inspirés de créer,
dès 1902, un logo FN représentant le
célèbre Mauser 1889 associé à un pédalier de vélo… Il est vrai que la di-
Raid Saigon-Paris par une jeune femme de 21 ans
sur moto FN, 1931.
versification des productions initiée autour de 1900 avait, depuis, largement
outrepassé le secteur des bicyclettes.
Mais l’aventure était alors loin d’être
terminée.
Lorsque la division des voitures
fut fermée, en 1935, et que le contexte
politique incita les pays du monde entier à se réarmer, la Fabrique opéra un
premier et très sensible retour à son métier de base. Pour autant, les engins à
moteur ne furent pas abandonnés.
Outre les motocyclettes, qui continuaient d’être produites en grand
nombre, des véhicules dits « spéciaux »
firent leur apparition dans les ateliers :
plusieurs modèles de camions (dont
un de trois tonnes et qui bénéficiait,
chose peu répandue à l’époque, de
quatre roues motrices), des camionnettes destinées à l’usage militaire mais
aussi civil, des side-cars, des tricars
tout terrain, des trolleybus (qui furent
mis en service à Liège et à Anvers), des
tracteurs à chenilles en caoutchouc (fabriqués sous licence Citroën-Kégresse),
etc. Entre 1951 et 1954, la FN fournit
plus de 4000 camions à l’armée belge
et, multipliant les
versions adaptées, conçut quelques années plus tard le modèle « Ardennes »
– qui fit date dans les annales des véhicules militaires. Trop restreinte au
marché intérieur, la production de ces
poids lourds prit cependant fin après
une ultime livraison de véhicules blindés à la gendarmerie belge, en 1967.
Par ailleurs, durant l’immédiat aprèsguerre,un département « matériel agricole » fut créé : on y fabriqua notamment des machines à traire, des cruches
à lait en aluminium, des armoires frigorifiques et des surgélateurs. Mieux :
au début des années 60 (qui allaient
renouer avec la prospérité des années
20), la FN se lança dans la conception
de… métiers à tricoter – explorant, là
encore, un secteur industriel nouveau
pour elle.Devenues trop peu rentables,
l’une et l’autre activités cessèrent respectivement en 1975 et 1978.
Il va de soi que cette extrême diversification s’effectua toujours parallèlement au développement de la
production armurière. A cet égard,
plusieurs événements méritent d’être
ici évoqués : la
mise au
point,
1934 : Record du monde de vitesse pure sur moto FN 500 (224 km/h). Moto militaire avec side-car équipée d’un fusil mitrailleur
Browning (1935).
32
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
FN 1200 du directeur général,
A. Andri, photographiée
le 26 novembre 1910.
p a r
Dieudonné
Saive, du prototype
de son FAL, en 1947 ; l’homologation,
en 1957, du calibre 7,62 mm proposé
par la FN dans le cadre de la standardisation des munitions de l’OTAN ; la
création, la même année, de la mitrailleuse à gaz MAG 7,62 mm par Ernest Vervier ; la mise au point de la mitrailleuse légère MINIMI à la fin des
années 60 puis sa fabrication en série ;
les multiples déclinaisons du B25 et surtout la sortie, en 1967, du deux millionième Auto-5 usiné à Herstal depuis
la fin de la guerre ; la mise au point
par Bruce Browning (petit-fils du
« Maître ») de la désormais mythique
carabine automatique BAR, en 1966…
On pourrait cumuler les exemples : au
plus fort de sa politique de diversification, la FN ne perdit jamais de vue son
domaine de prédilection. Même lorsqu’elle convoita de conquérir le ciel.
Les premiers pas de la
Fabrique dans l’aéronautique
remontent en réalité à la fin des
années 40. A cette époque, elle
construisit – sous licence Rolls-Royce
– une série de mille moteurs Derwent
destinés aux avions de chasse Météor
des forces aériennes belges. La formation de techniciens spécialisés et l’achat
du matériel adéquat obligèrent à des investissements très conséquents ; néanmoins, au regard des contrats qui suivirent, ces efforts se révélèrent pour le
moins féconds. En 1954, la FN fabriqua pour Rolls-Royce les turboréacteurs Avon qui allaient bientôt équiper les Hunter belges et néerlandais. A
partir de 1960, elle fut associée à
la construction des turboréacteurs General Electric J79 – pour
les chasseurs-bombardiers F104 G
Starfighter de plusieurs pays –
assurant également, à
l’échelle internationale, différents services de
maintenance et
de réparation.
P ro g re s s ive -
ment, le département des véhicules fut
supplanté par l’aéronautique et ce qu’on
appellera, plus tard, la « Division Moteurs ». Rappelons qu’en 1964 treize
mille personnes travaillaient à la FN…
Le contrat portant sur les J79 prit
fin en 1968. Il avait permis à la société
de gagner en expérience et en réputation dans un domaine où l’excellence
comme le gigantisme sont habituellement de mise.La même année,elle commença à collaborer avec la Snecma à la
conception de moteurs Atar 9C voués
aux Mirage 5 de l’armée belge. Les relations avec le motoriste français se
poursuivront jusqu’en 1989. Au cours
des années 70, la division aéronautique
FN 2400 (1911-1913).
Salon de l’automobile, Paris 1908.
FN 1300 Sport (1925).
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
33
Les AUTRES SECTEURS D’ACTIVITÉ : DU VÉLO À LA FUSÉE
Il va de soi que cette extrême diversification
s’effectua toujours parallèlement au développement
de la production armurière.
Cannes à pêche Browning
connut un développement très important, marqué par de fructueux accords
de coopération. En 1976, par exemple,
elle participa à la production du moteur
F100 de Pratt et Whitney pour le chasseur General Dynamics F16 qu’avaient
notamment adopté le Danemark, les
Pays-Bas, la Norvège et la Belgique.
Et comment ne pas évoquer,pour illustrer l’ampleur de la diversification dans
laquelle s’était engagée la FN,le fameux
contrat que celle-ci avait signé,en 1975,
avec la Société Européenne de Propulsion ? Il s’agissait ni plus ni moins
de la confection de certains éléments du
moteur Viking de la fusée Ariane ellemême. Du ciel à l’espace, il n’y a manifestement qu’un pas…
Hélas, la récession généralisée des
années 80 survint. Il y eut bien encore,
à cette époque, de grands projets avec
Boeing, Airbus et la Snecma. Mais le
pôle Défense et Sécurité ne parvenait
plus à contrebalancer les investissements colossaux de la FN en matière
aéronautique.D’autant que la Fabrique
avait entre-temps multiplié les filiales
– FN Industry, FN Sports, FN Formétal, etc – et pris, en 1977, le contrôle
de son plus ancien collaborateur : la société Browning. Directement ou non,
elle avait au fil des ans diversifié encore ses domaines de production : traitement des déchets, recyclage du plastique, technologie de pointe mais aussi
fabrication d’articles dits « non gun »
– vêtements, clubs de golf, raquettes
de tennis, cannes à pêche, planches à
voiles, etc. En sorte que le ralentissement économique de cette période l’af-
Montage du turboréacteur SNECMA Atar 9C destiné à l’avion Mirage V de la Force
Aérienne Belge.
34
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
fecta de plein fouet, enrayant sa stratégie d’expansion. En 1981, 12600 personnes y travaillaient ; en 1985, 10700 ;
en 1987, 8400.
En 1989, alors que FN Moteurs
était cédé à la Snecma et que l’entreprise manquait cruellement de capitaux, la Société Générale de Belgique
– tutelle financière de la FN depuis la
fin de la Première Guerre – se désengagea au profit du groupe Giat Industries, lui-même propriété du Ministère de la Défense français et fabricant
de matériel militaire.Peu avant cette reprise, il fut décidé de renouer radicalement avec la vocation initiale de la
FN : conception, fabrication et vente
d’armes légères de haute qualité. La diversification sans doute excessive des
produits avait montré ses limites et menacé l’existence même de la société.
Le rachat, en 1987, de la marque Winchester et des ateliers historiques de
New Haven par le Groupe Herstal fut,
à cet égard, un véritable symbole. Malheureusement, en dépit d’investissements importants incluant l’érection
sur place d’une nouvelle usine, celle-ci
dut être fermée,en 2006.Ajoutons pour
terminer que lorsque Giat Industries,
mobilisé sur d’autres activités, se retira à son tour, en 1997, sa participation au sein du Groupe Herstal fut reprise par le Gouvernement de la Région
Wallonne. Aujourd’hui, exclusivement
recentrée sur son métier de base, l’entreprise belge figure parmi les leaders
mondiaux dans ses deux secteurs d’activité propres : le pôle Défense-Sécurité et le pôle Civil.

Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
35
Vue aérienne des installations à Herstal.
LesARMES
MYTHIQUES
Chasse au léopard avec fusil Auto 5
cal. 16 (1924).
par Joël Serre
De l’Auto-5 à l’A 5 : une révolution
dans l’arme semi-automatique
à usage civil
L
a société Browning Arms
Company est née en 1927 aux
USA, dans Utah. Elle a créé
et produit une grande variété
d’armes militaires, de carabines et
fusils de chasse, de pistolets et révolvers, acquérant ainsi la renommée internationale que l’on sait. Elle fut
fondée sur la base des inventions et
du savoir-faire de John Moses Brow-
36
ning, l’un des inventeurs les plus créatifs de son époque en matière d'armes
à feu. De nombreux autres fabricants
d’armes ont bénéficié de ses inventions – tels Colt, FN Herstal, Miroku,
Remington ou encore Winchester. Les
armes les plus connues de John Moses
Browning sont le fusil semi-automatique Auto-5, la carabine Browning
Automatic Rifle (BAR), ainsi que le
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
pistolet GP-35 en calibre 9 mm Parabellum (GP pour « Grande Puissance » ; en Anglais HP 35 pour « High
Power »). C’est sans doute avec le fusil semi-automatique Auto-5 que John
Moses Browning a atteint le sommet
de son art. C’est en effet avec lui qu’il
connut l’un des plus grands succès
commerciaux de sa carrière.
Tableau de chasse aux canards en Corée. Browning Auto-5 coups (1928).
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
37
Les ARMES MYTHIQUES
Auto-5
Auto-5-dr-gravMasque
FN/Browning Auto-5
L
’Auto-5 est le premier fusil
semi-automatique de chasse
apparu sur le marché international. En 96 ans de production, pas moins de 4 000 000
d’exemplaires de cette arme furent
vendus.Un chiffre record,inégalé dans
le domaine de l’armement civil. La
fabrication de l’Auto-5, en Belgique
puis au Japon, s’étend de 1903 à 1999
– année au cours de laquelle le dernier Auto-5 est sorti d’usine. Aux
Etats-Unis, une licence de fabrication fut vendue à Remington ainsi qu’à
Savage-Stevens, ce qui donna naissance aux fusils semi-automatiques
Remington M11 et Savage 720, deux
armes qui connurent également un
grand succès. L’Auto-5 fonctionne
grâce à un système mécanique simple,
qui a souvent été repris par d’autres
fabricants. Le système mécanique
trouve la base de son fonctionnement
dans le court recul du canon à l’intérieur du boîtier de culasse. L’Auto-5 a
été fabriqué dans quatre calibres de référence : le 12/76 mm ; le 12/70 mm ;
le 16/70 mm ; le 20/70 mm. Sa simplicité et sa fiabilité lui ont offert une
immense notoriété. Elles expliquent
aussi pourquoi l’Auto-5 a pu, si longtemps, perdurer.

Fonctionnement
de l’Auto-5
T
out d’abord, il convient d’ouvrir la culasse en la tirant vers l’arrière et de permettre à l’arrêtoir
de la maintenir en position pour
introduire une cartouche dans la
chambre, puis de ramener la culasse en
position fermée. On introduit alors les
cartouches suivantes dans le magasin tubulaire. Bien entendu, cette opération
peut être répétée plusieurs fois pour
réapprovisionner le magasin.Après le tir
de la dernière cartouche, la culasse reste
en position ouverte, ce qui permet de
recharger l’arme sans perdre de temps.
Pour décharger, il suffit d’extraire la
cartouche qui se trouve dans la chambre
en tirant la culasse vers l’arrière, puis
de répéter l’opération autant de fois
que l’arme contient de cartouches. Une
autre phase consiste à extraire la cartouche qui se trouve dans la chambre,
à ramener la culasse en position avant,
et à faire revenir l’arrêtoir du magasin
également vers l’avant. Il convient ensuite de retourner l’arme puis, avec l’in-
38
dex, d’appuyer à fond sur le transporteur.En relâchant ce dernier,la cartouche
est poussée hors du boîtier de culasse.
Il suffit de répéter l’opération autant
de fois que le magasin contient de cartouches. La simplicité de ce fonctionnement a très rapidement séduit un large
public de chasseurs et tireurs,mais aussi
certaines forces de police.
Autre avantage de l’Auto-5:il offrait
la possibilité de tirer n’importe quelle
cartouche de calibre correspondant au
moyen d’un simple réglage du mécanisme de recul.Pour le tir des cartouches
standard, la bague-frein située à l’extrémité du magasin dispose d’une partie biseautée qui doit être placée vers
l’avant,c'est-à-dire engagée dans le guide
du canon. L’autre extrémité enserrée
dans la bague-ressort s’appuie sur le ressort de recul et la partie plane de la bague
régulatrice. Pour le tir des cartouches à
forte pression, la bague régulatrice est
placée derrière la bague-frein, sa partie
conique vers l’avant.
Jours de C HASSE u H O R S
SÉRIE
Auto-5 droit
Auto-5 gauche
En définitive, l’Auto-5 est le seul
et unique semi-automatique au monde
à offrir la technologie « SPEED LOAD
ING ». Inventée par John Moses
Browning, cette technologie de chargement/déchargement rapide sera, par
la suite, proposée sur tous les modèles
de semi-automatiques créés par la
marque à la tête de cerf (à l’exception
du modèle Phoenix). Breveté, ce système de chargement envoie la première
cartouche du magasin directement
dans la chambre – et c’est grâce à la
rapidité du dispositif de déchargement
que ces opérations sont exécutées avec
une telle facilité : en effet, la phase
qui consiste à envoyer chaque cartouche dans la chambre au moyen du
verrou est ainsi évitée.
L’Auto-5 « Modèle Chasse » était
proposé dans différentes longueurs de
canons : 61, 66, 71, 76 ou 81 cm – ce
qui faisait varier sa longueur totale
de 110 à 130 cm. Sa carcasse pouvait
être d’acier ou d’aluminium (pour la
version allégée). La masse du fusil vide
variait donc de 2,80 kg (pour une carcasse alliage ; canon de 61 cm) à 4,10
kg (pour une carcasse acier ; canon de
81 cm). La masse de l’arme chargée va-
riait également en fonction du nombre
de cartouches contenues dans le tube
magasin : selon la législation nationale en vigueur, de 2 à 4 cartouches –
plus une dans la chambre. Le modèle
FN « Spécial Police » utilisait la munition de calibre 12, exclusivement ;
d’une longueur totale de 100 cm,il était
doté d’un boîtier de culasse en acier
qui lui permettait d’accuser une masse
totale à vide de 3,60 kg. Sa capacité
était de quatre cartouches, plus une
dans la chambre. Enfin, la crosse et le
devant de l’Auto-5 ont toujours été
en bois.

De l’Auto-5 à l’A5
L
’histoire continue avec le nouvel A5. L’Auto-5 (pour
« Automatic-5 ») est certainement l’un des fusils de
chasse les plus reconnaissables entre
tous, grâce à la forme particulière de
l’arrière de son boîtier de culasse. Son
apparition sur le marché civil a totalement révolutionné le monde de la
chasse en proposant un fusil aux performances inégalées pour son époque.
L’Auto-5 était innovant ; c’était aussi
le premier fusil de calibre 12, 16 ou 20
à fonctionnement semi-automatique
pour la chasse et le tir ; la qualité de sa
fabrication et sa fiabilité étaient, du
reste, exemplaires. L’Auto-5 a régné
en maître pendant plus de 50 ans, et
sa production a duré presque un siècle,
ce qui constitue un record absolu dans
le monde de l’armurerie civile. A l’instar de l’Auto-5, le nouveau Browning
A5 a été créé afin de conquérir de nouvelles parts de marché dans le secteur
des fusils de chasse semi-automatiques.
Il reprend les concepts qui ont fait le
A5 Standard
A5 Ultimate Ducks
A5 Ultimate Partridges
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
succès de l’Auto-5 : une perfection mécanique, une fiabilité et une qualité
de gerbe de grenaille de haut niveau.
Certes,l’A5 ressemble fort à l’Auto5… mais cette ressemblance s’arrête,
en vérité, à la forme du boîtier de culasse. Le boîtier de culasse à bosse
(« Humpback ») fait une nouvelle apparition ; cette forme particulière à l’arrière prononcé était, à l’origine, liée
au système de fonctionnement à court
recul du canon (cela permettait à ce dernier d’y trouver sa place lors de la phase
de recul). Le nouveau Browning A5,
quant à lui, rompt totalement avec le
principe mécanique d’origine, en lui
substituant un système plus moderne
mais tout aussi fiable : le principe dit
à inertie. Plus rapide, ce nouveau mécanisme – qui affaiblit en outre la sensation de recul – a largement fait ses
preuves depuis de nombreuses années.
Témoignage de la confiance qui
l’anime,Browning offre,pour son nouvel A5, une incroyable garantie de
100 000 cartouches tirées ou 7 ans…
39
Les ARMES MYTHIQUES
Maxus Ultimate Partridges
40
Jours de C HASSE u
Maxus Sporting
carbon fiber
Camo Max 4
super magnum
par une crosse et un gardemain en noyer grade 2, poncé
huilé pour son modèle de base ;
cependant, il est décliné en six versions
proposant chacune des niveaux de finition différents et ayant pour seul
point commun le concept mécanique.
L’A5 allie savamment innovation et esthétique, ce qui en fait une belle réussite. Dans sa version Standard, on retrouve l’esprit général de l’Auto-5,avec
une carcasse entièrement noire. Dans
les versions Ultimate Ducks et Ultimate Partridges, la carcasse est nickelée et reçoit une décoration spécifique. Pour le modèle Ultimate Ducks,
la carcasse est ornée d'une gravure fine
représentant des canards au vol alors
que, pour le modèle Ultimate ParA5 Composite
super magnum
Maxus Premium
Grade 3
Maxus Composite
Maxus Camo Infinity
Cette garantie de fiabilité repose
avant tout sur le nouveau (et robuste)
mécanisme à inertie appelé Kinematic Drive System, composante essentielle de l’A5. Plusieurs autres innovations techniques de l'A5 peuvent
être relevées : les nouveaux chokes
amovibles Invector DS montés sur de
nouveaux canons sur-alésés nommés
Back-Bored Vector Pro ; le système de
plaque de couche Inflex II, qui permet de réduire les effets de recul ; le
système de chargement et de déchargement express Speed Load Plus System, particulièrement simple et efficace…
L'A5 standard est un fusil au boîtier de culasse sobre, qui conserve l’esprit de l’Auto-5 ; il est mis en valeur
HORS SÉRIE
tridges, ce
sont des faisans. Pour ces deux
modèles, les crosses sont
réalisées en noyer grade 3,
avec une finition poncée huilée. Pour la version A5 Composite Super Magnum, la crosse et le
devant garde-main sont en matière
synthétique noire – caractéristique
technique qui n’avait jamais été employée pour l’Auto-5, lequel a toujours
conservé une crosse et un devant en
noyer.
Par ailleurs, les modèles A5 Camo
Max4 Super Magnum et A5 Camo
Infinity Super Magnum bénéficient
de la dernière génération de film de camouflage Realtree, particulièrement
efficace.Chambrés en super-magnum,
ces deux modèles sont idéaux pour le
tir à billes d'acier de 70 mm à 89 mm.
Browning propose également un
autre fusil de chasse semi-automatique, tout aussi fiable, mais qui fonctionne, lui, par emprunt de gaz : le
Maxus. Décliné en sept niveaux de finition, il ne revendique pas l’héritage
de l’Auto-5 ; cependant, il constitue
une arme de chasse de très haut niveau
et apporte, lui aussi, sa pierre à l’édifice Browning. Bien qu’aucun système
mécanique de réduction du recul ne
puisse échapper aux lois de la physique,le Maxus assure des tirs très doux
et parvient même à modifier le regard que l’on porte sur la notion de
contrôle du recul. Elaborés par Browning, le concept technologique Gas
System Power Drive, la plaque de
couche technologique Inflex,le concept
de canon Back-Bored Vector Pro technology sont combinés dans le but exclusif d’apporter un meilleur confort
de tir : grâce à eux, les effets de l’énergie cinétique liée à l’impulsion du recul sont réduits d’environ 18 % par
rapport à tout autre fusil de chasse
semi-automatique.

B25-cal12-B2G-N
B25 - Bonaparte
Le fusil superposé
Browning B25
E
B25 - Diana - 2001
n 1925, John Moses Browning finalisa le prototype
d'un fusil superposé qui allait transformer l’univers de
l’arme de chasse traditionnelle. Il baptisa son invention B25 – pour Browning 1925. Celui-ci fut le premier fusil à canons superposés de l’histoire
des armes de chasse et de tir.
Le fusil de chasse B25 est aussi
l’ultime création de John M. Browning, génial inventeur d’armes à feu,
l’un des plus doués au monde. Le
concept mécanique du B25 concentre
un savoir-faire acquis au fil de plusieurs décennies d’ingéniosité et d’expérience en matière armurière. Le B25
est, à ce jour, l’un des fusils de chasse
à canons superposés qui comptent
parmi les plus raffinés et les plus admirés. Certains propriétaires de B25
assimilent d’ailleurs la possession de
cette arme à celle d’une véritable
œuvre d’art. Le succès obtenu par la
société Browning à travers la commercialisation du B25 montre que
John Moses avait parfaitement saisi
les attentes des chasseurs et tireurs
de son temps, qu’il avait même anticipé sur l’avenir. John Moses Browning avait compris que les utilisateurs de fusils de chasse et les adeptes
du tir sportif préféraient un plan de
visée réparti sur un seul axe, joint à
une détente sélective unique. Un équilibre parfait et un design harmonieux
ne pouvaient que contribuer au succès du B25 – lequel est, en outre, toujours entièrement fabriqué en Belgique depuis 1931. Au cours de sa
confection, le B25 supporte 2310 opérations de contrôle destinées à garantir la qualité et la précision de ses
pièces. Son assemblage nécessite un
minimum de 155 interventions manuelles vouées à assurer un ajustage
irréprochable – ajustage qui surclasse
les machines-outils les plus élaborées.
L’apport des nouvelles technologies
numériques sur les machines-outils
a changé quelque peu la donne. C’est
d’ailleurs ce paramètre technologique
ultra-performant qui a permis au B25
d’évoluer favorablement au fil des
ans et de donner naissance à plusieurs
générations de fusils.

Les évolutions du B25
L
B25 customisé
es superposés Browning modernes sont donc tous les héritiers légitimes du légendaire B25. Le premier fusil
qui succédera au B25 est le Browning
B125 ; présenté en 1985, ce produit
de l’évolution connut un large succès. Si toutes les versions postérieures
ont été, d’une manière ou d’une autre,
améliorées, l’architecture générale du
fusil Browning B25 – qui a révolutionné
le monde de l’armurerie – demeure
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
la même. Les modèles successifs ont
cependant tous contribué à asseoir la
légende de la marque. Le B325 (1991)
ou le B425 (1995) ont également été
appréciés par de nombreux chasseurs
et tireurs. Mais toutes les versions de
cette arme ont, de près ou de loin,
participé à l’apparition du B525 – l’un
des fusils superposés de chasse à bascule acier les plus affectionnés et les
plus vendus à travers le monde.

41
B525-Game One
Les ARMES MYTHIQUES
L’histoire
continue
Hunter 28
A
ujourd’hui, 89 ans après
la commercialisation du
Browning B25, le Browning B525 incarne l’une
des dernières évolutions technologiques significatives contribuant
au perfectionnement de son auguste ancêtre. Le fusil B525 en est
à la fois l’héritier et la version moderne la plus aboutie. Il bénéficie
du progrès technologique que
Browning a,depuis son origine,apporté à la conception de ses armes
de tir et de chasse superposées.
Le fusil Browning B525 a été commercialisé en 2003 ; il matérialise la cinquième génération de superposés Browning au sein de la
famille B25.
Lorsqu’on fait l’acquisition d’un
Browning B525, on hérite d’une
expérience de plus de 89 ans dans
l'excellence. Mais le Browning
B525 est probablement plus
que le digne descendant d’un
fusil d'exception :il est devenu
une référence incontestée.
Avec ses nombreuses évolutions techniques – tels les
chokes Invector, la frette
monobloc massive, le
concept mono-détente
sélective réglable à trois
positions sur certains modèles, entre autres choses –
le B525 reste fidèle aux
principes de John Moses
Browning, garantissant
solidité,fiabilité et performances accrues.
La bascule en acier
forgé est garantie
10 ans – preuve de
la confiance de
Browning en son
produit…
42
Au reste, le B525 recouvre
deux familles d’armes : l’une pour le
tir, l’autre pour la chasse – ce qui représente 21 modèles en tout,quatre calibres, quatre longueurs de canons,
deux types de bascules, soit alliage léger,soit acier,avec des dizaines de combinaisons possibles permettant de trouver le fusil qui répond précisément à
ses attentes. Dans sa version chasse
(HUNTER), le B525 est décliné en
douze modèles (sur la base de quatre
calibres : 12, 20, 28 et 410 Mag) répertoriés au catalogue fabricant : B525
Game 1 2014 ; B525 Game 1 Light ;
B525 Hunter 20M ; B525 Hunter
Straight ; B525 Hunter 28 ; B525
Hunter 410M ; B525 Hunter Prestige
Ultra-XS-Prestige-12M
Jours de C HASSE u H O R S
SÉRIE
20M ; B525 Hunter Light 12M ; B525
Hunter Light Elite ; B525 Hunter
Light 20M ; B525 Hunter Light
28 ; B525 Game 1. Dans sa version
Sporter, le B525 est décliné en six modèles (sur la base de deux calibres : 12
et 20) répertoriés au catalogue fabricant: B525 Sporter 1 ; B525 Sporter
20M ; B525 Sporter Prestige 20M ;
B525 Trap ; B525 Trap Advance Inv+
Briley ; B525 Sporter One.

B725 Hunter
Le Browning B725
I
nnovation à l'état pur,le Browning
B725 – septième génération du
B25 – bénéficie des dernières
avancées en matière de technologie. Spécialement étudié pour la
chasse et le tir sportif, c’est une révolution esthétique et technique dans
l'univers des fusils superposés. Conçu
sur la base du B25, il présente de nombreuses innovations tout en préservant
les éléments majeurs de sa lignée : sans
doute est-ce le fusil superposé le plus
performant au monde. Il est un savant mélange de fiabilité et d’innovations technologiques exclusives « made
in Browning ». Mettons en avant son
nouveau système de départ mécanique
plus court et léger, sa plaque de couche
interchangeable Inflex II et ses
canons suralésés Backbored Vector Pro. Le
Browning B725 est décliné en six versions
chasse : B725 Hunter ;
B725 Hunter UK ;
B725 Hunter Grade 5 ;
le B725 Hunter 20M ;
B725 Hunter UK 20M ; B725 Hunter light. Pour la gamme tir, le B725
est proposé en trois versions : B725
Sporter ; B725 Sporter Adjustable ;
B725 Sporter Grade 5. Hormis la ver-
sion Hunter light, tous les Browning
B725 sont dotés d’une bascule acier et bénéficient du système Invector DS.

B725 Hunter
B725 Sporter Black Édition
La version
HÉRITAGE
Heritage Sporter 12M
L
e modèle Héritage porte son
nom en qualité de digne héritier du B25 à contre-platines. La gamme Héritage est
composée de deux modèles en version
chasse et d’un modèle en version tir
sportif. L'équilibre, l'ergonomie et la
prise en main résument parfaitement
la lignée des autres superposés de tirs
sportifs B525, Grand Prix, Ultra X et
GTS.
Tous les fusils de tir sportif et la
majorité des fusils de chasse que nous
connaissons aujourd’hui ne sont que
des descendants plus ou moins directs
du Browning B25.

Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
43
Les ARMES MYTHIQUES
J
ohn Moses Browning ne fut pas
seulement un visionnaire ; il fut
surtout un travailleur acharné,
en quête permanente de nouveautés et de défis mécaniques. Il
vivait de et pour sa passion – ce qui
faisait de lui un esprit d’avant-garde,
capable de déterminer avec justesse
les besoins contemporains et futurs en matière d’armes civiles ou
militaires. Il souhaitait être sur tous
les fronts, et il l’était toujours, grâce
à l’ingéniosité sans faille de son esprit à la fois très productif et inventif. Il ne détenait certes pas les
diplômes exigés aujourd’hui pour
exercer le métier d’armurier – mais,
inventeur talentueux, ses qualités intellectuelles étaient telles qu’il pouvait se permettre d’afficher une certaine indifférence à l’égard des
reconnaissances d’ordre officiel.
Il considérait en effet son chemin de parfait autodidacte
comme sa plus grande fierté :
aussi refusa-t-il tout titre honorifique universitaire, arguant
« qu'il avait pour règle de ne
jamais rien accepter qui
ne soit dû à son propre
travail. » Probablement
un dernier pied de nez
pour souligner qu’il avait
plus appris de l’expérience que des heures
passées sur les bancs
de l’école…
Il inventa quasiment tout ce qui
pouvait
l’être
dans le domaine
des armes. Sa
créativité était
si grande
que nombre
de ses innovations firent longtemps
autorité – jusqu'à l’arrivée des technologies modernes. John Moses Browning savait repousser les limites de l’esprit et de la technologie de son temps,
et c’est bien ce qui lui valut une réussite sans égal.
John Moses Browning a très vite
compris qu’il y avait une place sur le
marché de l’armement civil pour une
carabine d’entrainement de petit calibre économique. Précisons qu’à cette
époque la cartouche de calibre 22 LR
était déjà très répandue (car elle était
utilisée pour la destruction des petits nuisibles). Cela l’incita à inventer
une carabine semi-automatique en calibre 22 LR, alors que les armes utilisant ce calibre étaient toutes à un
coup. La cartouche de 22 Long Rifle
(5,6x15 mm R), d’un diamètre réel
de 5,5 millimètres, soit 22/100 de
pouce, était apparue en 1887 et
connaissait un certain succès. La cartouche de 22 LR avait été directement extrapolée du 22 Court (sorti
en 1855) et du 22 Long (développé sur
cette base en 1871 sous l'impulsion de
la Arms & Tool Company, et fabriqué
par Peters aux Etats-Unis pour la
Carabine incrustée d’or (chiens de prairie).
SA-22 Semi-automatique Grade 1
44
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
John M. Browning pose avec, en mains, la carabine
automatique 22 de son invention.
Les carabines
22 LR BROWNING
manufacture d'armes Stevens). Ces
trois munitions étaient elles mêmes
directement dérivées des premières
munitions à percussion annulaire jamais réalisées : la 22 Bosquette et la
6 mm Bosquette – inventions de l'armurier parisien Louis Nicolas Flobert
(1845).

Commercialisation
des carabines
BROWNING
en calibre 22 LR
C
e fut à partir de sa propre expérience de l’arme semi-automatique que John Moses
Browning développa le
concept de sa première carabine de
petit calibre. Elle connaîtra un large
succès, encore palpable aujourd’hui.
L’homme était particulièrement fier de
sa nouvelle création. Le principe de
fonctionnement de cette dernière restait simple : il comportait une culasse
non calée et actionnée par le gaz, une
éjection, un armement et un chargement automatiques. En 1913, la première carabine semi-automatique
Browning vit donc le jour dans les ateliers du même nom, sous l’appellation
SA.22 – pour « Semi-automatique
22 », tout simplement. La SA.22 se
charge par un orifice taillé dans le flanc
de la crosse qui abrite un magasin tubulaire retirable par l’arrière au niveau de la plaque de couche. L’éjection des douilles s’effectue par le
dessous du boîtier de culasse, dont la
partie saillante et mobile sert également
de « doigt » d’armement. En outre, la
SA.22 présente la particularité de se
démonter facilement en deux parties
distinctes au niveau du canon – lequel
dispose d’un rattrapage de jeu automatique. Elle fut jadis fabriquée en
22 Court et 22 Long, mais ces versions ont disparu avec le temps pour
laisser place au modèle 22 LR, exclusivement.
Actuellement, le catalogue Browning propose trois niveaux de finition
pour la SA.22, à savoir :
La Browning SA.22 Semi Auto
Grade 1.
Cette carabine légendaire,très souvent copiée mais jamais égalée, est fabriquée sans interruption depuis 1924.
Ses caractéristiques exclusives – chargement par la crosse, éjection par le
bas et possibilité d’être démontée –
en font une arme d'exception.
La Browning SA.22 Semi Auto
Grade 2 & 3.
Il s’agit de la même arme que la
Grade 1.Elle est fabriquée par le Browning Custom Shop à partir de pièces
originales sélectionnées ; elle est, en
outre, ornée de gravures spécifiques.
Les bois en sont minutieusement choisis, afin de proposer une arme de haute
qualité.
La seconde arme en calibre 22 LR
qui a permis à la société Browning de
franchir un nouveau seuil dans le perfectionnement de son savoir-faire est la
carabine T Bolt, sortie en 1965. Cette
arme a connu plusieurs évolutions et
a été déclinée en différents niveaux de
finition. Aujourd’hui, elle est encore
présente au catalogue Browning sous
les appellations suivantes :
SA22 grade3
T-BOLT Sporter Threaded
T-BOLT composite Sporter Threaded
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
45
Les ARMES MYTHIQUES
T-BOLT Sporter MG5
BL Grade 2
BUCK Mark Sporter Rifle
T-Bolt Sporter Composite
Threaded.
Cette version est équipée d'une
crosse en composite ergonomique très
résistante et permettant une utilisation
intensive dans toutes les conditions.Elle
présente également l’avantage de disposer d’un chargeur supplémentaire,
intégré dans la plaque de couche de la
crosse.
T-Bolt Sporter Threaded.
Réédition d’un best-seller, cette
carabine vintage est une légende.
Disponible en calibres 22LR,
22 Magnum et 17HMR,elle est
esthétiquement très proche
de son aînée, la première
T-Bolt.
Cependant, elle a bénéficié d’une modernisation
considérable sur le plan mécanique. Elle se singularise par un
verrouillage en ligne, dit Straight-pull,
qui chambre les cartouches depuis un
chargeur rotatif exclusif.
Ces deux modèles – précisons-le
– sont importés pour la France ; néanmoins, deux autres sont présentés dans
le catalogue général de Browning : les
carabines T-Bolt Sporter et T-Bolt
Sporter MG5. Leurs particularités
techniques et mécaniques sont identiques à celles des modèles précédemment évoqués.
La troisième arme de calibre 22 LR
qui fit une entrée remarquée fut la carabine BL. Dotée d’un levier de sousgarde, elle n’était pas sans rappeler la
BL Grade 2 MG9
Buck Mark Rifle
46
Jours de C HASSE u H O R S
SÉRIE
célèbre Winchester 94. Ce modèle a été
créé et breveté par la FN dès 1956 ;
toutefois, il n’a été mis en fabrication
qu'à partir de 1969, principalement
au Japon. Son apparition en Europe
ne s’est véritablement effectuée qu’à
partir de 1970. Plusieurs niveaux de
finition furent proposés au fil des
époques ; à ce jour, une seule version
subsiste :
La carabine Browning BL
Grade 2 MG9.
Carabine à levier de sous-garde,elle
est la digne héritière des carabines de
type Winchester façon Browning pour
le calibre 22 LR.
La quatrième série d’armes en calibre 22 LR est sortie en 1980, avec le
concept innovant des pistolets et de la
carabine Buck Mark Sporter Rifle.
La carabine Buck Mark
Sporter Rifle.
Il s’agit d’une carabine hors norme
par son design, compacte, précise et
fiable, qui offre un éventail de possibilités d'utilisation très vaste. Ses organes de visée sont composés d'une
hausse réglable et d'un guidon en fibre
optique,ainsi que d'un rail intégré pour
le montage d'une optique.
La société Browning compte donc
aujourd’hui une large gamme d’armes
en calibre 22 LR, une gamme capable
de satisfaire les tireurs les plus exigeants. Un seul regret toutefois, les
contraintes liées à la législation française sur les armes qui ne permet pas
de pouvoir acquérir et utiliser librement la carabine Browning SA.22
semi-automatique qui a fait la joie de
nombreuses générations.

La carabine BROWNING BAR :
origines et descendants
L
e fusil-mitrailleur BrowningBAR a derrière lui une
longue histoire, qui commence en 1918. Le concept
mécanique de base de cette arme est à
l’origine de différentes variantes
d’armes que nous connaissons aujourd’hui. Conçu par John Moses
Browning en 1916, le Browning BAR
(pour « Browning Automatic Rifle »)
M1918 fut adopté dès ses débuts par
l'US ARMY, remplaçant opportunément le fusil-mitrailleur Chauchat
M1918 qui avait été acquis, en 1917,
pour pallier certains besoins urgents,
sans manifestement y parvenir.
Entre 1917 et 1918, le fusil-mitrailleur BAR M1918 fut fabriqué sous
licence par Winchester, Marlin et Colt,
à quelque 85 000 exemplaires. Après
la Première Guerre mondiale,les firmes
FN Herstal et Colt – détentrices des
brevets Browning pour l'Europe –
continuèrent sa production.Ensuite,au
début des années 1920, l'US Cavalerie adopta une version allégée de cette
arme (le BAR M1922), avant que l’armée américaine ne la fasse encore évoluer, en 1937, par l’ajout d’un bipied :
naquit alors le BAR M1918A1…
A partir de 1940, apparait la version 1918A2 – massivement utilisée durant la Seconde Guerre mondiale, la
guerre de Corée et celle du Vietnam.
Reconnu pour son efficacité et sa fiabilité, le Browning BAR fut présent dans
le monde entier à travers ses multiples
variantes : ce fut notamment le cas pour
le FM Modèle 30/Type D (Belgique),
le 21/KSP Modèle 37 (Suède) ou encore le RKM WZ 28 (Pologne) – tous
ces modèles ayant été développés sur
la base du BAR M1918. Rappelons
enfin que le FM BAR fut, des années
vingt aux années cinquante, l'arme
d’appui privilégiée des forces armées
américaines…
Les différentes
versions
réglementaires
et commerciales
Le Browning BAR Modèle 1918 :
Cette arme est à l’origine de toutes
les carabines BAR dérivées du concept
technique dit « à emprunt de gaz » – mécanisme fameux mis au point par John
Moses Browning. Tout au long de sa
carrière, elle a fait preuve d’une fiabilité absolument exemplaire.Le fusil mitrailleur Browning BAR M1918 dispose d’une crosse demi-pistolet et d’un
devant garde-main en noyer quadrillé.
Son canon est muni d’un cache-flamme
tubulaire qui supporte un guidon à lame
protégé latéralement. Située à l'arrière
du boîtier de culasse, sa hausse réglable
est de type « œilleton ». Jadis, on pouvait avec cette arme tirer en rafale ou
au coup par coup – sans que jamais
son niveau de fiabilité ne s’en trouve
altéré.
Le Browning BAR M1918A1.
Il s’agit d’un reconditionnement
des M1918. Sur le tube d'emprunt de
gaz, on avait monté un nouveau bipied
rabattable à platines,muni d’une pointe
d'ancrage. La plaque de couche comportait un crochet métallique d'attache
à l'épaule et le devant avait été légèrement réduit.
Le Browning BAR 1918A2 et T34.
Le fusil Browning BAR 1918A2 fut
sans doute le fusil BAR le plus fabriqué. Il se distingue des précédents par
l'adjonction d'un support tubulaire
monté sur la crosse, en arrière de la
grenadière. Le bipied, fixé en avant du
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
guidon, sur le cache-flamme, est doté
de patins.Sur le devant,une plaque métallique de dissipation thermique est incorporée. La hausse réglable est empruntée à la mitrailleuse Browning –
tandis que le sélecteur des M1918 et
M1918A1 est remplacé par un régulateur de cadence de tir.
Le Browning BAR Modèle 1922 :
Le Browning BAR Modèle 1922 est
une variante du M1918 ; il fut utilisé
de 1924 à 1940. Très prisé pour ses
qualités mécaniques, il présente un canon raccourci muni d'ailettes de refroidissement. Par ailleurs, il dispose
d’un bipied fixé sur le canon ainsi que
d’un support tubulaire bridé au niveau de sa poignée demi-pistolet – ce
qui le distingue notablement du
M1918.
Le Fusil Mitrailleur Mle 30
et FN Type D
En 1923, la FN obtint les licences
de fabrication et d'exportation relatives
au BAR M1918. En modifiant celuici, elle donna naissance au FM30 – que
l’armée belge utilisa (en remplacement
du Lewis Mk de rigueur) durant de
nombreuses années. En fait, le FM30
est issu des travaux de Dieudonné Saive,
célèbre inventeur d’armes de la FN,collaborateur du « Maître » Browning et
directeur historique du Bureau
d’études de la Fabrique.Pour concevoir
le FM30, Saive modifia le calibre du
BAR M1918 et l'emplacement de son
ressort récupérateur ; il opta pour une
poignée-pistolet,puis redessina la forme
de la crosse et du garde-main. Largement exportée, l’arme cessa d’être fabriquée en 1940 – pour l’être à nouveau entre 1945 et 1946.
Après la Seconde Guerre mondiale,
des FM FN D30 seront par ailleurs usinés en Belgique, adaptés au calibre 30-
47
Les ARMES MYTHIQUES
BAR Affût acier
06 à chargement .30 CTN (munition
disposant d’une quantité de poudre
légèrement supérieure au .30 BDR,
utilisé pour les fusils d'infanterie).
Notons enfin que,suite à l’adoption par
l’OTAN du calibre 7,62 dans les années
cinquante, des FM FN DA1 furent
commercialisés dans ce même calibre.
Jusqu’en 1988,le FM FN D30 était
encore en usage au sein de l’armée de
l’air belge.
Une technologie
qui a donné
naissance à d’autres
gammes d’armes…
Le FM BAR avait montré l’extrême
fiabilité du système à emprunt de gaz
dans le domaine des armes militaires.
Il ne restait plus,naturellement,qu’à en
faire bénéficier les produits civils… Dès
les années soixante, cette évolution fut
accomplie: Browning proposa la toute
première carabine de chasse semi-automatique à emprunt de gaz – la désormais célébrissime « Browning Automatic Rifle ». Devenue une référence
incontournable dès sa sortie en 1967,
cette arme connaît, depuis, un succès
qui ne s’est jamais démenti : en 2011,
on comptait en effet plus d’un million
d’exemplaires vendus… Destinée au tir
des grands mammifères d’Amérique et
d’Europe, la « BAR » – comme la surnomment affectueusement ses admirateurs – est sans nul doute l’arme semiautomatique à usage civil la plus
répandue à travers le monde. Au demeurant, son modèle de base a eu une
riche descendance,comme en témoigne
le catalogue Browning – une descendance composée, chronologiquement,
des versions suivantes :
La BAR Acier Affût.
Il s’agit du modèle original de la carabine BAR : depuis longtemps avéré,
son succès se passe de commentaire…
Cette version est dotée d'une hausse réglable en site et en azimut avec précision.Le guidon métallique fin complète
parfaitement la précision de la visée ;
il est protégé par un tunnel métallique
amovible.
La BAR Acier Affût Boss.
L'ajout du système BOSS à cette
carabine eut deux effets particulièrement intéressants : une réduction du
recul de l'ordre de 30 à 50 % ; une amélioration très appréciable de la précision.Notons que,sur des tirs de longues
distances, les performances de la BAR
sont encore optimisées par le recours
à l’optique.
BAR Zenith Affût
Hand Cocking
La BAR Zenith Wood Hand
Cocking.
La BAR Zenith Wood Hand Cocking dispose d’un armeur manuel astucieusement situé sur le dessus de la
poignée pistolet – permettant ainsi de
rendre la carabine fonctionnelle en une
fraction de seconde. Aussi peut-on,
grâce à ce système d’armement très
simple, se déplacer et chasser en toute
sécurité…
BAR Zenith Hand Cocking
48
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
La BAR Zenith Ultimate Hand
Cocking.
Il s’agit du modèle le plus haut de
gamme de la famille « Zénith ». Cette
carabine est dotée d'une superbe gravure entièrement exécutée à la main
et rehaussée d'incrustations or. Sur la
joue gauche sont représentés des sangliers ; sur la droite, un combat de
cerfs…
La BAR Zenith Big Game Hand
Cocking.
Celle-ci présente des plaquettes
gravées interchangeables. Du point de
vue esthétique,chaque Bar Zénith peut
d’ailleurs être personnalisée.
La BAR Zenith Prestige Wood Affût Hand Cocking.
La BAR Zenith Wood Affût Hand
Cocking est munie d’un canon flûté
plus long, ce qui permet de disposer
d’une ligne de visée d’autant plus précise. L’armeur manuel situé sur le dessus de la poignée pistolet est toujours
présent ; il offre un niveau de sécurité
accru.
La BAR Short Trac-Longtrac
Eclipse Gold.
Raffinement et élégance : telles
sont les deux caractéristiques de la BAR
Eclipse Gold.Les joues brossées de cette
arme superbe, à la carcasse nickelée,
exhibent une magnifique scène de
chasse gravée et rehaussée d'or.
La BAR Short-Longtrac Eclipse
Gold Left Handed.
Il s’agit en fait de la BAR Eclipse
Gold… sauf que cette version est spécifiquement adaptée aux exigences des
tireurs gauchers. La fenêtre d'éjection
et la sécurité ont ainsi été inversées.C’est
l'unique carabine semi-automatique
véritablement et intégralement conçue
pour gaucher.
BAR Short Trac-Longtrac Eclipse Gold
La BAR Short /
Longtrac Hunter.
C’est une carabine élégante et très
ergonomique.Son boîtier de culasse est
orné d’une gravure à la fois sobre et
raffinée, rehaussée d’un « Buck Mark »
doré sur nickelage type vieil argent.
La BAR Longtrac Composite
Fluted Hand Cocking.
Cette version de la BAR est dotée
d'un canon fluté et du système d'armeur manuel « Hand Cocking » garantissant une sécurité totale à l'affût,
à l’approche, ou même en battue.
La BAR Short/Longtrac
Composite Tracker Hand
Cocking.
Ce modèle a été conçu pour résister aux conditions de chasse en battue
les plus extrêmes. Les inserts oranges
fluo au niveau de la poignée pistolet et
du devant garde-main garantissent une
excellente visibilité, même en terrain
difficile. Les organes de visée type battue sont munis d’une fibre optique de
dernière génération.
La BAR Longtrac Composite
Fluted.
La crosse et le garde-main sont réalisés dans un matériau composite qui
confère à cette arme une robustesse
unique.La BAR Composite Fluted dispose par ailleurs d’un canon flûté offrant un meilleur équilibre – pour une
plus grande efficacité sur le terrain.
La BAR Longtrac Hunter Nero
Fluted.
Cette version classique de la BAR
Hunter possède un canon flûté. Sa carcasse noire est pourvue d'une décoration sobre, rehaussée d’un « Buck
Mark » doré représentant le logo de la
marque.
BAR Match
La BAR Match.
En calibre 308 Winchester, ce modèle de carabine BAR muni d’un canon
de 51 cm de qualité Match est destiné
au tir de longues distances. Il conserve
le traditionnel système d’emprunt de
gaz, tout en garantissant une précision
de haut niveau. S’il ne présente aucun
organe de visée, il est en revanche
pourvu d’un rail Picatiny permettant
le montage d’une visée optique.
Au-delà de cette gamme dont on
appréciera la variété et l’inventivité tant
technique qu’esthétique, Browning
vient tout récemment de faire encore
évoluer le concept original de la BAR.
Cette nouvelle création, c’est la MARAL.
La carabine MARAL
Événement majeur dans le monde
de l’armement de chasse contemporain,
la carabine Maral est sortie en 2013.
Basée sur le principe du boîtier de culasse de la BAR, cette nouveauté signée
Browning procure au tireur une rapidité et un confort de tir sans précédent. Elle présente – élément inédit qui
mérite d’être souligné – un judicieux
rappel de culasse automatique, couplé
à un chargeur indépendant : c’est, en
vérité, la pièce maîtresse du système.
Ce « Quick Reloading System » allie
rapidité de manœuvre, sécurité et efficacité optimales. Ainsi le gain de temps
provoqué par le rappel de culasse assisté
permet-il au tireur de concentrer davantage son attention sur l’action de
tir elle-même.
Par ailleurs, la Maral est équipée
d’une tête de culasse comportant un verrou rotatif à sept tenons qui a fait ses
preuves depuis plus de quarante ans.De
plus, point important, la culasse reste
entièrement confinée à l’intérieur du
boîtier, ce qui élimine toute forme de
gêne et donc de risque lors du tir.La Maral dispose également d’un armeur manuel indépendant (« Hand Cocking »),
lequel accroît encore le niveau de sécurité. Son canon est réalisé par martelage à froid et la carabine est dotée
d’une plaque de couche anti-recul entièrement interchangeable. Enfin, le
transport de la Maral est particulièrement simple car sa crosse peut être démontée à l’aide d’un outil spécifique et
fourni à l’achat.
A travers la Maral, Browning associe, une fois de plus, son expertise technologique à son exigence séculaire en
matière de sécurité.
Pour Browning, donc, l’histoire
continue…

MARAL
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
49
Les ARMES MYTHIQUES
La carabine Winchester
modèle 70
L
a carabine Winchester Modèle 70 est apparue sur le marché nord américain en 1936.
A l’origine, elle fut conçue
pour être une carabine à verrou destinée à la chasse et au tir sportif. Elle a
cependant prospéré à travers des développements inattendus, ce qui lui a
valu d’hériter du surnom suivant : « the
Rifle of the Rifleman » (« la carabine
du tireur »).Son système de culasse original présente un certain nombre de
similitudes avec celui de la culasse
Mauser – dont découle également la
première culasse Winchester modèle
54.La première génération de carabines
Winchester Modèle 70 a été fabriquée
par la Société Winchester Repeating
Arms jusqu’en 1980 ; ensuite, jusqu'à
fin 2006, cette arme a été produite par
l’US Repeating Arms, conformément
à un accord avec la société Olin Corporation. Fin 2006, la production a été
interrompue ; néanmoins, pour faire
face à une demande croissante, la FN
Herstal a annoncé, en 2007, que la carabine serait de nouveau fabriquée.Depuis 2012,de nouvelles carabines à verrou Winchester Modèle 70 sont donc
fabriquées par la FN Herstal.
La Winchester
Modèle 70
08 Rem,300 WSM,325 WSM,338 Win
Mag, 264 Win Mag, 25-06 Rem. Tous
ces calibres ne sont cependant pas importés en Europe.
Technologie
de la Winchester
Modèle 70
La Winchester Modèle 70 à verrou dérive du système Mauser 1898.
Le canon peut être en acier carbone
ou en acier inoxydable.La crosse de type
monobloc est réalisée dans du noyer
américain ou en polymère, selon la version. Les organes de visée sont classiques, avec hausse réglable ou bande
de battue et guidon réglable doté d’une
fibre optique pour les versions modernes.Du reste,l’arme peut facilement
être équipée d’une lunette de visée.
Elle possède par ailleurs un magasin fixe
à fond basculant.
Dans sa fabrication moderne, elle
est proposée en différentes versions
sur le marché européen : Ultimate Shadow, Classic Hunter, Safari Express et
Coyote Light. Elle dispose d’une sécurité à trois positions très pratique et empêchant toute possibilité de percussion accidentelle. Lorsque le poussoir
de la sécurité est en position centrale,
Modèle 70, détail du boitier de culasse.
Au cours de son histoire, la carabine
Winchester Modèle 70 a été proposée
en de multiples déclinaisons et chambrée pour un nombre considérable de
calibres. Aujourd’hui, les calibres suivants sont disponibles : les calibres 243
Winchester ; 270 WSM ; 308 Winchester ; 30-06 Springfield ; 300 Winchester Magnum ; 375 H&H Magnum ; 416 Remington Magnum ; 458
Winchester Magnum, 22-250, 7mm-
50
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
la culasse peut être actionnée,ce qui permet d’éjecter les cartouches contenues
dans le magasin en mode sécurité. La
Winchester Modèle 70 possède un système de détente MOA qui fonctionne
suivant le principe du levier. Tous les
composants internes du système mécanique, axes et ressorts, sont réalisés
avec rigueur et précision dans de l’acier
inoxydable. Afin d’augmenter la résistance à la corrosion, la gâchette et l’actionneur ont reçu un traitement de surface nickel téflon. La culasse est dotée
d’un solide éjecteur à lame qui permet
de conserver un contrôle complet lors
de l’éjection d’une douille, soit de manière délicate afin de la récupérer sans
la projeter au sol, soit de manière plus
vive en action de tir, où elle est vivement expulsée à plusieurs dizaines de
centimètres de l’arme.
Cette arme remarquable présente
également un large extracteur – qui a
contribué à l’élever au rang de « Carabine à verrou du siècle ». Cet extracteur à griffe coulisse sans à-coup et s’appuie sur un quart de la base de la
cartouche, ce qui permet un contrôle
parfait de son mouvement dès qu’elle
sort du magasin pour être poussée dans
la chambre. Elle est ensuite totalement
immobilisée jusqu’à la phase d’éjection.
Culasse Modèle 70 à rotation contrôlée CRF et culasse à poussoir CRPF (en bas).
Winchester Modèle 70 détail entrée de chambre en forme de cône protégeant la pointe de la balle lors du chargement vers
la chambre.
Détail de l’éjecteur à lame assurant une fiabilité à toute épreuve.
Détail de la sécurité à trois positions de la carabine Winchester Modèle 70.
La particularité de cette conception,
c’est qu’elle permet d’extraire une cartouche non tirée, même si elle n’est pas
encore complètement chambrée. Précisons enfin que le canon de la Winchester Modèle 70 est martelé à froid à
partir d’une barre d’acier massive afin
d’obtenir une excellente précision et garantir sa longévité.
La Winchester
modèle 70, ses débuts
La Winchester Modèle 70 a bien entendu évolué au fil du temps. Les modèles pré-64/70 (c’es-à-dire ceux fabriqués entre 1936 et 1963) sont
généralement les plus cotés auprès des
utilisateurs. Ils possédaient plusieurs
caractéristiques techniques appréciées :
une alimentation de type Mauser totalement contrôlée par une culasse offrant une manœuvre fluide, un large
extracteur fonctionnant dans toutes
les conditions, un éjecteur à lame fixe,
une crosse en noyer de qualité dotée
d’un superbe quadrillage… Ces carabines peuvent d’ailleurs être identifiées par leur numéro de série (inférieur à 700 000) et par la présence d'une
vis servant à maintenir le canon sur la
crosse.
Winchester pré64/70 action CRF
extracteur indépendant et non pivotant
à large griffe. L'éjecteur à lame fixe est
comparable à celui du Mauser 98 ; peutêtre même lui est-il supérieur. Le principal avantage de l'extracteur large de
type Mauser par rapport aux versions
ultérieures, c’est qu'il saisit fermement
le bourrelet du culot de la cartouche
sur un important rayon. La cartouche
est alors maintenue par poussée vers le
haut à partir de la palette élévatrice du
magasin qui contrôle sa marche en avant
jusque dans la chambre de l'arme. Ce
mouvement dynamique est appelé
« Controlled Round Feeding » (Alimentation Circulaire Contrôlée) ; le
concept technique qui lui est associé est
notamment recommandé par les
adeptes de la chasse des animaux dangereux. Contrairement au système
Mauser,la fente du passage de l’éjecteur
a été usinée dans la face de culasse audessous du tenon de verrouillage, laissant les deux tenons avant intègres et
donc plus solides.Les principaux avantages de l’éjecteur à lame sont sa simplicité et sa fiabilité.
Les autres caractéristiques mécaniques importantes de ce concept technologique sont les suivantes : une sécurité à trois positions (conservée tout
au long de la production du Modèle 70) ;
un système de rampe d’alimentation à
La carabine Winchester Modèle
70 d'origine s’est rapidement taillée une
excellente réputation auprès des tireurs
sportifs américains. Elle possédait un
fonctionnement de haute qualité lié à
un solide système de verrouillage comportant deux tenons en tête,ainsi qu’un
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
cône évasé qui contribue à protéger la
pointe de la balle ; un magasin en acier
usiné,tout comme le pontet et la plaque
de fond de magasin; la culasse construite
d’un seul bloc, ainsi qu’une détente de
type MOA réglable avec précision.
Winchester
Modèle 70,
évolution de 1964
à 1991
Le Modèle 70 ayant été détrôné
sur le marché militaire par la carabine
Remington 700 (un dérivé simplifié),
des modifications substantielles furent
apportées à l’arme,dès 1964.Le concept
de « Controlled Round Feeding » (Alimentation Circulaire Contrôlée : CRF)
fut abandonné ; on changea la forme
et la conception de base du magasin ;
le quadrillage de la crosse fut désormais exécuté mécaniquement. Le
concept technologique de la culasse
fut simplifié ; il perdit son large extracteur ; le pontet et la plaque de fond
de magasin furent fabriqués d’une seule
pièce d’aluminium embouti.
Certes, le nouveau système inspira
un peu de scepticisme aux amateurs
de ce type d’armes. Ils voyaient là une
tête de culasse modifiée renfermant
totalement le culot de la douille au niveau du bourrelet, dotée d’un petit extracteur à griffe… Somme toute,l’arme
était bien faite, mais probablement pas
adaptée aux conditions extrêmes…
Pourtant, ce nouveau modèle n’a que
très rarement posé de véritables problèmes d’alimentation ou d’éjection.
Il permet en effet de refermer la culasse par inadvertance sur une chambre
vide et, ainsi, de ne pas réengager un
51
Les ARMES MYTHIQUES
Winchester Modèle 70 Coyote-Light
Winchester Modèle 70 Ultimate-Shadow
Winchester Modèle 70 Safari Express
Winchester Modèle 70 Classic Hunter
Winchester Modèle 70 Stealth II CRPF
nouveau cycle s'il est employé sous
contrainte ou stress, par exemple si
l'arme est tenue à l'envers ou de côté.
Winchester
Modèle 70,
évolution de 1992
à 2006
A partir de 1992,Winchester décide
de réintroduire certaines caractéristiques des carabines modèle 70 pré-64
dans ses nouvelles fabrications. Les
modèles de carabines post-92 reprennent en effet la plupart des spécificités
du modèle d’origine et bénéficient, en
plus, d’autres adaptations – tel le poussoir de sécurité à trois positions. Certaines variantes sont dotées d’une crosse
en résine synthétique noire :l’arme,sans
perdre nullement en qualité mécanique,
devient à la fois plus résistante à l’usure
et moins coûteuse. D’autres carabines
sont munies de crosses à hautes performances (de type Mc Millan, Bell ou
encore Carlson en fibre de verre).
D’autres encore disposent de canons
flutés qui réduisent le poids de l’arme
et permettent une ventilation optimisée du tube. Certaines crosses en noyer
possèdent une finition satinée et stra-
52
tifiée conférant une meilleure stabilité
structurelle au bois dans des conditions extrêmes.
Par ailleurs, la Winchester modèle
70 a été fabriquée dans tous les calibres
que proposait la version originale, dont
la gamme est maintenant complétée par
de nombreux calibres plus modernes
comme les Winchester Short Magnum
(WSM) et Winchester Super Short Magnum (WSSM). Ces cartouches sont
plus courtes et possèdent un diamètre
de douille plus large, ce qui permet un
temps de chargement et d’éjection
moindre. Ajoutons que Winchester
commença également, en 1992, à produire un Modèle 70 à « Action Circulaire Contrôlée », modèle commercialisé sous le nom de « Classique ».
L'utilisation de techniques de fabrication modernes et performantes permit
ainsi à Winchester de réintroduire la
fonction CRF à un prix compétitif.
Winchester
Modèle 70,
évolution de 2006
à nos jours
En Octobre 2007, suite à la fermeture – l’année précédente – de
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
l'usine historique de New Haven,la FN
Herstal annonça qu'elle produirait la
Winchester Modèle 70 à culasse pré64 (CRF) dans son usine de Columbia,
en Caroline du Sud. En décembre
2012, il fut décidé que la production
serait transférée au Portugal à partir
de 2013.En fait,les composants de cette
carabine sont toujours fabriqués en
Caroline du Sud, mais l'assemblage
final est effectué au Portugal.
Les carabines Modèle 70 de série
sont commercialisées pour les forces
militaires et les organismes gouvernementaux comme des armes de sniper.
La carabine FN Spécial Police possède
la culasse, le boîtier de culasse et le
magasin de la carabine Winchester Modèle 70 standard ; toutefois, elle est
équipée d'un canon lourd et d’une
crosse Mc Millan de type tactique. La
carabine Bolt Patrol FN dispose, elle
aussi, des spécificités de la Winchester Modèle 70 standard ; néanmoins,
conçue pour être employée par des
policiers à l’intérieur des voitures de
patrouille, elle est munie d’un canon
court et compact. La carabine Bolt Patrol FN est également commercialisée avec un frein de bouche.
Winchester
Modèle 70,
Versions Chasse
La carabine Winchester Modèle 70
a été déclinée dans un grand nombre
de finitions ; sa version moderne
« Chasse » est actuellement proposée
selon les critères généraux suivants : calibres 243 Winchester ; 270 WSM ; 308
Winchester ; 30-06 Springfield ; 300
Winchester Magnum ; 375 H&H Magnum ; 416 Remington Magnum ; 458
Winchester Magnum, 22-250, 7mm08 Rem,300 WSM,325 WSM,338 Win
Mag, 264 Win Mag, 25-06 Rem. Tous
ces calibres ne sont cependant pas importés en Europe. Longueur du canon de 56 cm à 66 cm, selon calibre ;
longueur totale de la carabine : 108 à
118 cm, selon calibre ; masse de l'arme
à vide : 2,9 kg à 4,1 kg, selon calibre ;
capacité du magasin : de 3+1 à 5+1,
selon calibre.
Winchester
Modèle 70,
version Sniper
La carabine Winchester Modèle 70
est avant tout une arme de chasse ; toutefois, grâce à ses qualités exceptionnelles, elle a été détournée de sa vocation première pour un usage militaire,
notamment dans sa version sniper.
Cette carabine de précision est également utilisée par de nombreux SWAT
Teams, mais aussi par la police néozélandaise. Enfin, une version à
canon court servit de carabine de survie à la Gendarmerie Royale canadienne.
La Marine des Etats-Unis a acheté
373 carabines Winchester Modèle 70
en mai 1942. Bien que la Marine n’ait
utilisé officiellement que le Garand M1
et le Springfield M1903 comme armes
de sniper au cours de la Seconde
Guerre mondiale, il n’en demeure pas
moins que de nombreuses Winchester Modèle 70 ont été fournies à des
camps d'entraînement mais aussi utilisées sur le terrain au cours de la campagne du Pacifique. Ces carabines disposaient d’un canon de type sport
d’une longueur de 61 cm en calibre 3006 Springfield. Ces carabines présentent des numéros de série compris
entre 41000 et 50000.Aujourd’hui,différents corps d’armées à travers le
monde continuent d’acquérir des Winchester Modèle 70 afin d’équiper certaines unités de tireurs d’élite…

Buffalo Bill et Sitting Bull en 1885.
L’utilisation
militaire
de la Winchester
modèle 70
L'EXCELLENCE WINCHESTER, RECONNUE MÊME CHEZ LES CHASSEURS... DE VAMPIRES
« ICI, QUINCEY MORRIS INTERVINT :
- JE CROIS COMPRENDRE QUE LE LOUP [C’EST-À-DIRE DRACULA, QUE LES PERSONNAGES
POURCHASSENT] VIENT D’UNE RÉGION OÙ IL Y A DES LOUPS, ET IL PEUT Y ARRIVER AVANT
NOUS. JE SUPPOSE QUE NOUS AJOUTERONS DES WINCHESTER À NOTRE ARMEMENT. J’AI
UNE SORTE DE FOI EN LA VERTU D’UNE WINCHESTER QUAND IL Y A AUX ENVIRONS DES
ENNUIS DE CE GENRE. VOUS VOUS RAPPELEZ, ART, QUAND NOUS AVIONS TOUTE CETTE
BANDE À NOS TROUSSES À TOBOLSK ? QUE N’AURIONS-NOUS PAS DONNÉ L’UN ET
L’AUTRE POUR AVOIR CHACUN UN FUSIL À RÉPÉTITION ?
- PARFAIT, DIT VAN HELSING, IL Y AURA DES WINCHESTER. »
BRAM STOKER, DRACULA, 1897
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
53
par Mic hel Moreau
La FABRIQUE
et les ARMES
MILITAIRES
Browning 1900 version luxe
La « Belle époque » se modernise :
tir à l’épaule du pistolet 9 mm
«Grand Modèle» à l’aide
de la gaine-crosse
(1911).
54
E
n 1897,John Moses Browning
rencontre l’un des directeurs
commerciaux de la FN chargé
de développer les ventes de
bicyclettes FN aux États-Unis, Hart
Berg. Il lui propose alors son dernier
brevet, qui couvre la fabrication d’un
nouveau modèle de pistolet automatique de poche en calibre .32 (7,65 mm).
Enthousiaste, Hart Berg rapporte en
Belgique le prototype du nouveau pistolet – qui sera soumis à un tir de 500
cartouches sans incident ! Après cet essai très concluant, le contrat de fabrication est signé, en juillet 1897, tandis
que le premier pistolet Browning sort
des chaînes en janvier 1899,un an avant
que Colt ne sorte, à son tour, son premier pistolet Browning breveté (le pistolet Colt modèle 1900).
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Ce premier pistolet Browning (modèle 1899) connut un énorme succès,
à telle enseigne que le vocable « Browning » désigna très vite n’importe quel
pistolet automatique. L’armée belge
ne s’y trompa pas, qui l’adopta, après
quelques modifications, lui conférant
au passage son millésime : Browning
1900. Au reste, les forces armées de la
Russie Impériale, du Danemark, de la
Norvège, de la Finlande et de la France
l’imitèrent. Mais si l’arme était à la
fois simple et fiable, la cartouche mise
au point par Browning pour son pistolet (le 7,65 Browning ou 7,65 x 17
SR) fut aussi très largement diffusée.
Notons enfin que, dans les mains
de l’anarchiste Bonnot, le pistolet va
défrayer la chronique de l’époque… et,
par réaction, intégrer l’armement des
Auto-5
premiers services de police étatisés,notamment celui des célèbres Brigades
du tigre.
Le 16 octobre 1900, Browning dépose aux États-Unis un nouveau brevet pour une carabine semi-automatique fonctionnant par long recul du
canon. La « FN 1900 » (ou « fusil semiautomatique Browning calibre .35 »)
sera d’abord fabriquée et vendue par
la FN, puis, à la suite d’un accord commercial, par Remington aux USA pour
les seuls marchés américain et canadien sous le nom de « Remington Modèle 8 ». Cette carabine de chasse sera
mise en service, pendant la guerre, dans
l’armée française ; elle équipera les premiers avions d’observation (98 carabines en service en octobre 1915).
En 1901, à la demande de la FN,
Browning proposa un autre pistolet destiné à concurrencer le nouveau pistolet Luger allemand, lequel était chambré pour la puissante cartouche de
9 mm parabellum. Le FN Browning
1903 Modèle de Guerre (ou Grand Modèle) sera ainsi conçu pour une toute
nouvelle cartouche de 9 mm : la 9 mm
Browning long. Si l’armée belge
n’adopta pas cette arme – la Suède,l’Estonie, le Salvador, le Paraguay, la Hollande, la Russie Impériale et la Turquie en équiperont soit leur armée soit
leurs forces de police.
En 1902, John Moses Browning
se décide à visiter la FN.Mais il ne vient
pas les mains vides : son prototype de
fusil semi-automatique de chasse – qui
emploie le même principe de fonctionnement que la carabine FN 1900
– vient d’être refusé par Winchester
et Remington. Il le propose donc à la
FN, qui lui fait signer immédiatement
un contrat exclusif de fabrication (y
compris pour les États-Unis), le 24
mars 1902. L’Auto-5 est né. Les premiers fusils sortiront de la manufacture au cours de 1903 : 10 000 exemplaires seront vendus dans l’année !
L’armée française l’utilisera pendant et après la Première Guerre (les
derniers modèles ont été réformés en
1990) au sein de l’« Aéronautique militaire » (future Armée de l’air) : l’arme
servira alors à l’entraînement des pilotes
(ball-trap), à l’effarouchement de la
faune sauvage aux abords des terrains
d’aviation et à la destruction des pigeons
voyageurs ennemis.
En 1905, un nouveau pistolet – réduction du modèle 1903 – voit le jour.
Ce pistolet de poche, chambré dans le
nouveau calibre 6,35 Browning, amplifie encore les ventes. Colt le fabriquera également (pour le marché américain) sous l’appellation Colt modèle
1908, dans le même calibre (.25 acp
aux Etats-Unis).
En 1906, 250 000 pistolets Browning auront été fabriqués et vendus
par la FN. En 1908, 500 000 pistolets
auront été produits et la FN célébrera
le millionième exemplaire le 31 janvier 1914. Cette même année, un nouveau brevet de pistolet est proposé à la
FN par Browning. Destiné à remplacer le Browning 1900, l’arme apporte
à ce dernier des innovations intéressantes. Le Browning Nouveau Modèle
(ou Browning modèle 1910) sera breveté en Belgique le 28 juillet 1909. Sa
production démarrera en 1910.
let est adopté par le Royaume en 1923
(60 000 exemplaires). Cette adoption
sera par ailleurs suivie d’une commande
de 50 000 fusils Mauser et de 50 millions de cartouches.
Le traité de Versailles interdisant
la fabrication d’armes de guerre à l’Allemagne (et donc à ses firmes : Mauser,etc.),la FN va proposer une variante
du fusil modèle 1898 plus connue sous
le nom Modèle 1924.L’arme intéressera
de nombreux États (Colombie, Pérou,
Venezuela, etc.), y compris la Belgique,
laquelle modernisera son équipement
en adoptant, en 1935, un nouveau fusil dont 20 000 exemplaires seront
délivrés avant l’occupation allemande.
En 1923, la FN acquiert les droits
pour la fabrication du fusil mitrailleur
modèle 1918 (Browning BAR 1918),
arme conçue par Browning et mise au
point sur le front par son fils (le lieutenant Val Browning de la 79e division
US). Ce fusil mitrailleur est adopté
par l’armée belge en 1930 (FM30),après
les modifications apportées par l’ingénieur en chef de la FN, Dieudonné
Saive. Il connaîtra un certain succès à
l’exportation,notamment en Chine (calibre 7,92 Mauser) et au Chili (calibre
7 mm Mauser).
Pistolet
semi-automatique
FN Browning
Dès la fin de la Première Guerre,
la FN reprit la fabrication du pistolet
1910 et de l’Auto-5. En 1922, à la demande du Royaume de Croatie, Serbie et Slovénie (plus tard Yougoslavie), le pistolet 1910 est aménagé afin
de recevoir un canon plus long et d’augmenter sa capacité. Ce nouveau pisto-
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
FM Browning
modèle 30
55
La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES
Fusil FN semi-automatique SAFN
Depuis 1921, à la requête de l’étatmajor de l’armée française, un nouveau pistolet est étudié dont les caractéristiques ne cesseront d’évoluer au
cours de la décennie suivante. D’abord
chambré pour la cartouche 9 mm parabellum, il sera finalement proposé
en calibre 7,65 long aux essais de 1936…
mais sans succès, la France préférant
une fabrication nationale. Initié par J.
M. Browning, le dessin de ce pistolet
« à grand rendement » est finalisé par
Dieudonné Saive en 1929. L’arme est
mise en vente la même année.
Le crack de 1929 va certes ralentir
les commandes ; néanmoins, l’armée
belge achètera environ 1000 exemplaires de ce nouveau pistolet en calibre
9 mm parabellum pour évaluation.
Après certaines modifications, le pistolet change de nom : désormais, on
parle du Browning GP ou « Grande
Puissance » (High Power).
Le pistolet est définitivement
adopté par la Belgique en 1935, sous
l’appellation GP35 ; 38 190 exemplaires sont livrés à son armée avant juin
1940. L’Estonie en commande 5658
en 1936, la Lituanie 7000 en 1937, la
police argentine 1600 la même année,
la Finlande 2400 en 1939,etc.Le GP35,
au même titre que le Colt 1911 (le célèbre Colt 45, autre création de Browning), sera l’archétype même des pistolets de combat modernes jusqu’au
début des années 1980. Enfin, la FN
construira, sous licence, l’excellent canon antiaérien Bofors M/36 de 20 mm
pour l’armée belge.
Pendant l’Occupation, deux modèles de pistolets sont fabriqués pour
l’armée allemande : le 1922 (367 300
exemplaires) et le 1935 GP (310 000).
Sous la pression des Alliés, les Allemands quittent l’usine le 30 juillet 1944.
Les machines destinées à la fabrication des pistolets 1922 et GP35 sont
abandonnées.Cette décision permettra
à la FN de reprendre leur production
dès la libération de l’usine. Après la
capitulation du IIIe Reich, la FN est
56
Jours de C HASSE u
employée par le gouvernement US à
la remise en état des armes légères américaines avant leur rapatriement en
Amérique. 2,1 millions d’armes seront
ainsi réparées,nettoyées et préparées au
stockage.
La forte demande d’armes qui marqua l’immédiat après-guerre est assez
surprenante... au vu des quantités gigantesques produites pendant le conflit.
En effet, de nombreux pays se tournent alors vers la FN afin d’acquérir des
armes de poing pour équiper leurs
forces militaires ou de police (la France
commandera ainsi 30 000 pistolets
modèle 1922). Ceci permet à la société
herstalienne de retrouver rapidement
une santé financière.
Les recherches entreprises par
Dieudonné Saive avant et pendant la
guerre vont aboutir à l’adoption, par
l’armée belge, du fusil semi-automatique EXP-1 (en calibre 30-06) qui
deviendra le SAFN modèle 1949. Ce
fusil sera également produit pour
l’Argentine, le Congo Belge, le Brésil,
la Colombie, l’Égypte, l’Indonésie, le
Luxembourg et le Venezuela.
En 1952, l’Auto-5 est remis en fabrication : il sera largement utilisé dans
les conflits de la décolonisation, notamment par les Britanniques.
A la fin des années 1950, la FN
propose la candidature du GP35 à la
standardisation OTAN. En 1956, la
Grande-Bretagne et la majorité des
États du Commonwealth adoptent le
pistolet sous l’appellation L9A1, suivies par les armées ou les forces de
police du Danemark, des Pays Bas, de
Fusil automatique léger (FAL)
HORS SÉRIE
Pistolet FN GP35
l’Autriche, de la Grèce, de l’Inde, de
Formose, du Luxembourg, de l’Australie, du Paraguay, de l’Allemagne de
l’Ouest, du Pakistan, de l’Indonésie,
du Venezuela,de l’Argentine,de la Nouvelle-Zélande, du Pérou, de l’Irak, de
la Syrie, de l’Irlande, de la Colombie,
du Nicaragua, de la Jordanie et d’Israël... Le GP35 (ou HP35 en anglais)
s’impose comme la référence des pistolets de combat.
Le FAL : « Le bras armé
du monde libre »
(Winston Churchill) :
Saive continue la mise au point d’un
fusil automatique (pas encore fusil
d’assaut) et propose de nombreux prototypes aux armées belge et britannique
en calibre réduit (7 mm ou .280). En
mars 1950, un brevet est déposé pour
une arme automatique désignée comme
« carabine universelle » en calibre .280.
Mitrailleuse FN MAG modèle coaxial.
Le Fusil Automatique Léger (FAL)
est né.
Mais les Américains, sans en référer à leurs alliés,vont imposer une nouvelle munition en standardisation
OTAN : la T65E3 ou 7,62 x 51. Qu’a
cela ne tienne ! Les Britanniques vont
adopter en 1954 le FAL chambré pour
ce nouveau calibre sous l’acronyme
LAR (Light Automatic Rifle),suivis ou
devancés par les pays du Commonwealth ainsi que beaucoup d’autres :
Canada (1953), Etats-Unis (19541957) – mais ceux-ci préféreront
finalement le M14 qui ne laissera pas
un impérissable souvenir –, Australie,
Belgique, Venezuela (1954), Israël,
Argentine, Congo Belge (1955),
Luxembourg, Paraguay, RFA, Qatar
(1956),Koweït (1957),Autriche,Pérou,
Indonésie, Cuba (1958), Afrique du
Sud, Chili, Arabie Saoudite, Équateur
(1960), Pays-Bas, Portugal, Thaïlande
(1961), Brésil (1964), Grèce (1965),
Bolivie (1968)… En tout, plus de 90
pays pour une production de 2 millions
de fusils à la FN et toujours en service actuellement.
Mitrailleuse FN MAG
modèle infanterie.
Le fonctionnement de cette mitrailleuse fait appel au système d’emprunt des gaz, système parfaitement
maîtrisé à la FN avec la fabrication
du FM modèle 30. Testée par l’armée
suédoise puis l’armée britannique en
1957, la résistance de l’arme est sans
commune mesure avec ses concurrents.
Elle sera adoptée… par 80 pays, et fabriquée sous licence en Argentine, en
Égypte, en Inde et en Angleterre. Les
États-Unis vont également l’adopter,
La FN MAG
ou « Mitrailleuse à Gaz
ou d’Appui Général » :
En 1954, Dieudonné Saive quitte
la FN pour une retraite méritée. Il est
remplacé par Ernest Vervier à qui est
confiée l’étude d’une nouvelle mitrailleuse utilisant soit une bande
d’alimentation métallique à maillons
désintégrables, soit les chargeurs du
FAL. Cette caractéristique sera vite
abandonnée mais réapparaîtra, plus
tard,avec la mitrailleuse FN MINIMI.
en 1977, comme mitrailleuse coaxiale
de char sous l’appellation M240 (une
première dans l’histoire de l’équipement militaire de l’armée US) puis la
fabriquer sous licence. En 2011, le Ministère français de la Défense a com-
mandé 10.881 Mitrailleuses à Gaz
(MAG) auprès de la FN,pour un montant de 100 millions d’euros, afin de
remplacer les modèles ANF-1 en dotation au sein de l’Armée de terre. Les
500 premières FN MAG seront livrées dès 2011 ; le reste de la commande
étant étalée sur plusieurs années.
La carabine BAR :
Plus connue dans sa version chasse,
la carabine semi-automatique BAR a
également été produite pour les forces
de police. Conçue à la FN en 1966,
elle est mise en fabrication l’année suivante. Confectionnée en Belgique, son
montage est transféré à la fin des années 1970 dans la nouvelle usine Browning de Viana, au Portugal.
En 1970, une version est réalisée
spécifiquement pour les forces de
l’ordre,avec ou sans chargeur amovible,
en calibre 7,62 x 51. La police nationale française va acquérir quelques
dizaines de ces carabines au profit de
la Police Judiciaire et des Groupes d’Intervention de la Police Nationale
(GIPN).
La mitrailleuse .50
(mitrailleuses M2 et M3) :
Brevetée par J. M. Browning en
1923, la FN entreprendra sa fabrication en 1930. Son fonctionnement est
similaire à celui de la mitrailleuse modèle 1919 en 30-06, mais le nouveau
Fusil FALO ou FAL lourd
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
57
La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES
Carabine FNC 5.56 x 45 mm OTAN
FN MINIMI 5.56 Mk3 (2013)
FN MINIMI 7.62 Mk3 (2013)
La FNC :
Mitrailleuse MK46 cal.5.56
Mitrailleuse MINIMI M249 SAW des forces américaines
58
calibre utilisé (12,7 x 99) permet le tir
à plus de 1500 m. Pendant et après la
Seconde Guerre, cette mitrailleuse va
définitivement s’imposer, surtout
comme mitrailleuse d’aviation et de
blindés. La FN sera la première compagnie à proposer un système de changement rapide du canon (QCB ou
Quick Change Barrel) qui évite le difficile ajustage de la feuillure du canon.
A partir de 1978, la FN développe
une nouvelle ligne de produits qui
connaîtra un succès sans précédent.
Non seulement la société fabrique les
armes, mais elle les intègre à présent à
des systèmes montés sur affûts ou des
systèmes pods qui permettent leur
adaptation sur une large gamme de
porteurs : hélicoptères, avions subsoniques,navires,véhicules terrestres.Cette
nouvelle ligne de produits nécessitera
le développement par FN Herstal de la
mitrailleuse FN M3, qui se caractérise
par une très haute cadence de tir (1.100
coups à la minute). Cette mitrailleuse
est encore aujourd’hui fabriquée par l’armurier belge.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Cette carabine a été développée
entre 1975 et 1977 autour des spécifications OTAN sur l’arme d’infanterie
future.Les essais de l’OTAN permirent
la résolution de nombreux problèmes
et les tests effectués par l’armée suédoise en 1981-1982 démontrèrent les
grandes qualités de ce nouveau modèle.
En 1986, une version adaptée aux
conditions arctiques est commandée sous
la dénomination AK5, puis adoptée par
l’armée suédoise sous licence.
La FNC sera finalement adoptée
en 1989 par l’armée belge en remplacement du mythique FAL (vieillissant
depuis son adoption en 1954 et chambrant l’ancienne munition de 7,62).
L’Indonésie en achètera également
10 000 exemplaires en 1982,puis acquerra
la licence de fabrication pour ses forces
armées (par la firme PT Pindad).
Le pistolet FN Five-seveN
La FN MINIMI :
En 1980, une nouvelle mitrailleuse
légère de calibre 5,56 – fonctionnant
par emprunt des gaz et culasse ouverte
– vient compléter la gamme d’armes en
5,56 de la FN.Adoptée par l’armée belge,
elle sera construite sous deux versions –
version standard (M1) et version para
(M3) – puis adoptée en 1984 par l’armée US sous l’appellation M249 SAW
(Squad Automatic Weapon) et fabriquée
à 10 000 exemplaires à l’usine FN de
Columbia,en Caroline du Sud.En 1994,
l’arme est améliorée (protection du canon, notamment) et rebaptisée M249
LMG (Light Machine Gun). Cette mitrailleuse légère sera l’un des grands
succès de la FN ; de nombreuses armées s’en équiperont à travers le monde
(45 pays dont le Royaume-Uni – L108A1
pour la version standard et L110A1 pour
la version para – et la France). Elle sera
fabriquée sous licence par 6 pays.
Désormais proposée dans sa troisième
version, la FN MINIMI 5.56 accroît
encore son efficacité opérationnelle :l’ergonomie et la maniabilité de l’arme,
ainsi que l’intégration des accessoires sur
celle-ci, ont été optimisées.
Munitions 5.7
historique de la Fabrique depuis la fin
de la Première Guerre, la FN passe, en
1991, sous le contrôle du groupe français GIAT industries (Groupement Industriel des Armements Terrestres), lequel
fut fondé à partir de la fusion des diverses industries d’armement du Ministère de la Défense. Le GIAT réorganise alors les activités de ses
établissements français autour de certains domaines (chars, véhicules blindés,
systèmes d’artillerie, munitions, systèmes
d’information terminaux) et transfère l’activité armement léger à la FN.
Le rapprochement va se traduire immédiatement par
l’union des bureaux
d’études de la MAS et
de la FN avec un partenariat qui entraînera à terme...la disparition de la MAS !
Soucieux
d’afficher
de nouveaux produits, GIAT met en
avant le projet de PDW de la FN.
L’APDW (Advanced Personal Defense Weapons) ou PDW est un projet
de l’OTAN visant à équiper les personnels « non fantassin » (pilotes d’hélicoptères ou de chars,servants d’armes,etc.)
d’un moyen de protection individuelle
lorsqu’ils sont directement menacés
par l’ennemi. Il est destiné à remplacer
les armes de poing et les pistolets-mitrailleurs actuellement en service (généralement en calibre 9 mm parabellum)
par une arme dont les munitions permettraient de traverser les protections
balistiques au moins jusqu’à 200 m.
Le projet de la FN est articulé autour d’une cartouche d’un
nouveau calibre, le 5,7
x 28, développée
par FN Herstal et
dont les performances vont être
complétées par
La période GIAT industries
(aujourd’hui NEXTER) :
Suite au désengagement de la Société Générale de Belgique, actionnaire
Pistolet-mitrailleur FN P90
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
59
La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES
Mais la Région wallonne, avec sa minorité de blocage,refuse. Elle craint une
délocalisation vers les États-Unis et en
organise donc le rachat.
La FN aujourd’hui :
Mitrailleuse FN M3M (calibre .50) sur affût
le projectile – destiné à la cartouche de
5,7 x 22 – réalisé par la manufacture
de munitions du Mans, munition élaborée pour le projet ADR (Arme de défense rapprochée) de la MAS... Au
terme de longs tests comparatifs entre
la munition 5.7 et la 4.6 de Heckler &
Koch, la recommandation de l’OTAN
pour le nouveau calibre PDW s’est portée sur la 5.7.
Le projet ADR n’y survivra pas et
l’arme de la FN, un pistolet-mitrailleur
compact aux formes futuristes,sera propulsée en 1991 sur le devant de la scène
mondiale (et des écrans de cinéma)
sous l’appellation de FN P90 (prononcez : « P nonante »).
Le système 5.7 est aujourd’hui en
service dans plus de 65 pays (armées
régulières, forces de polices, forces spéciales et services de protection rapprochée de VIP).
En 1990, la gendarmerie nationale
publie un appel d’offres
pour la fourniture d’un riotgun (fusil à
pompe en calibre 12).
La FN va proposer une version modifiée de son Browning BPS (Browning
Pump Shotgun), introduit en 1984.
Après de longs essais, le BPS-SP sera
finalement acquis en 1994 à environ
9000 exemplaires.
En 1996,c’est un nouveau fusil d’assaut en 5,56 qui est présenté. Le FN
F2000 est un fusil Bullpup (comme le
Famas) dont la principale caractéristique
est l’éjection des étuis vers l’avant plutôt que de côté, particularité provenant, encore une fois, du projet ADR
de la MAS. Ce système permet au fusil de demeurer ambidextre sans nécessiter de démontage.Il n’y a pas d’éjection au sens propre, les étuis étant
poussés dans un tube situé dans la carcasse, au-dessus du canon, et tombant
par gravité juste avant la bouche du canon du côté droit.Ce fusil est adopté par
quelques armées dont l’armée belge
(dans sa version avec lance-grenades
de 40 mm – FN F2000 STD).
En 1997, Giat (qui
détient 92 % des parts
de la FN Herstal) veut
vendre l’entreprise aux
Américains Colt.
Fusil d'assaut FN F2000 Tactical
équipé d'un lance-grenades 40 mm LV, d'une
conduite de tir FN FCU et d'une lunette de précision.
60
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
En 1998, un pistolet (le FN FiveseveN) chambré pour la cartouche de
5,7 x 28 du FN P90 est proposé avec
un chargeur de 20 coups. Il intéressera
tous les utilisateurs précédents du FN
P90 et prendra rapidement du service
auprès des pilotes de l’Armée de l’air
belge.
Conjointement,le remplacement du
GP35 (et de ces diverses évolutions)
s’impose au regard des nouveaux matériaux désormais utilisés et réclamés
par les acheteurs potentiels (carcasses
polymères, aciers inoxydables, etc.).
En 2003, la FN répondra également aux nouvelles exigences de maintien de l’ordre en développant un système à létalité réduite inédit qui s’articule
autour d’un lanceur à air comprimé, le
FN 303, et d’un projectile à effet cinétique. La FN Herstal développera
quelques années plus tard le FN 303 P,
qui utilise les mêmes projectiles. Plus
compact, ce lanceur convient parfaitement à une utilisation dans des endroits
confinés telles les cellules de prison.
En 2010, une version de la FN MINIMI en 7,62 est proposée. Rappelons que la première version de cette
célèbre mitrailleuse était déjà dans ce
calibre avant d’être adaptée au calibre
5,56.
L’Armée de terre française, parallèlement à ses mitrailleuses FN MAG,
acquiert, en 2011, 200 mitrailleuses FN
MINIMI 7,62 pour ses forces d’infanterie en Afghanistan. La FN MINIMI en 7,62,tout comme la 5,56,vient
d’être adaptée pour mieux correspondre
aux besoins opérationnels actuels.
Toutes les mitrailleuses de la FN
bénéficient également de plateformes
d’intégration pour être servies dans
les trois dimensions (air, terre et mer).
Lanceur à létalité réduite FN 303
Lanceur à létalité réduite FN 303 P
Ces systèmes d’armes embarqués sont
universellement reconnus et utilisés à
travers le monde.
La famille FN SCAR (ou Special
Operations Forces Combat Assault
Rifle) a été développée par le Bureau
d’études de la FN pour répondre à la
demande de l’US SOCOM (United
States Special Operations Command)
en 2004. La famille se compose de fu-
sils d’assaut modulaires disponibles
en 5.56x45mm (FN SCAR-L) ou en
7.62x51mm (FN SCAR-H) et d’un
lance-grenades 40 mm FN40GL. En
2007, l’arme est testée par l’USSOCOM et déployée au combat en 2009
pour évaluation. Plus d’un million de
cartouches seront tirées pendant cette
évaluation.En 2010,le Commandement
des Opérations Spéciales des États-
Unis (USSOCOM) autorise officiellement la mise en
service opérationnelle des fusils SCAR-L et H ainsi que du lancegrenades de 40 mm FN40GL, respectivement sous les appellations US
MK16, MK17 et MK 13.
Le FN SCAR remporte un franc
succès au niveau mondial et est adopté
par de nombreuses unités (armées régulières et forces spéciales) dans le
monde,en plus des USSOCOM,et notamment la Belgique.
Le FN SCAR dispose d’une architecture ouverte qui permet au soldat d’adapter son arme à la mission
puisque, pour chaque calibre, il a le
choix entre deux canons, soit standard soit court, rapidement interchangeables.
Sa crosse est pliable et réglable en
hauteur et en longueur pour adapter
l’arme à la morphologie de l’utilisateur,
sa tenue et son matériel.
Quant au lance-grenades 40 mm
de la famille FN SCAR, appelé
FN40GL, il vient se fixer très facilement sur le rail inférieur du fusil 5,56
Station téléopérée deFNder,
ici équipée de la mitrailleuse FN M3R
(calibre .50).
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
61
La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES
ou 7,62 ou sur une crosse auxiliaire
télescopique pour une utilisation en
version autonome.L’utilisateur dispose
ainsi d’une capacité de tir supplémentaire.
L’architecture ouverte à la base du
FN SCAR a permis de développer,
sur le principe de la même plateforme,
un fusil de précision équipé soit d’une
crosse identique à celle du fusil d’assaut, soit d’une crosse fixe de type sniper, garantissant un réglage fin en longueur et en hauteur.
Grâce à leurs ergonomies rigoureusement identiques et leurs nombreux composants communs, les
fusils de la famille FN SCAR permettent de réaliser des économies substantielles en termes de formation (utilisateur et armurière), d’entretien et
de soutien.
Les développements
récents :
Afin de compléter sa gamme d’armes,
la FN mit au point une gamme de
produits associant à l’arme un système
électronique capable d’accroître son
efficacité opérationnelle : cette gamme
est connue sous l’appellation FN Armatronics. En 2005, elle développa –
en collaboration avec la société finlandaise Noptel, dont elle fera l’acquisition en 2011 – une conduite de
tir appelée FN FCU et destinée à optimiser la probabilité d’atteinte d’une
cible avec un lance-grenades de 40 mm.
La FN FCU est équipée entre autres
d’un télémètre laser qui calcule la distance exacte entre le tireur et la cible,
d’un clinomètre qui mesure l’angle
d’élévation ou de dépression entre le
FN SCAR-L CQC
(5,56 x 45 mm OTAN)
avec lance-grenades
40 mm LV.
62
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
tireur et la cible et d’un calculateur balistique qui prend en compte la trajectoire du projectile en vol.L’ensemble
de ces éléments seront pris en compte
pour indiquer au tireur le bon angle
de tir, affiché sur l’optique de visée à
réticule mobile. Il existe à ce jour deux
versions de conduites de tir : la FN
FCU-850N et la FN FCU-1.5M,cette
dernière disposant d’un télémètre laser à sécurité oculaire et indétectable.
Autre produit de la gamme FN Armatronics : le compteur de coups FN
SmartCore. Intégré à l’arme, le FN
SmartCore enregistre les cadences,
les régimes et le nombre de tirs (à balles
réelles et à blanc).
Poursuivant les développements
initiés avec la conduite de tir FN FCU
et le compteur de coups FN SmartCore, FN Herstal dévoilera, en 2014,
de nouvelles solutions basées sur l’intégration, dans l’arme portable, de
technologies de pointe. Ces solutions
ont un double objectif : d’une part,
augmenter les performances de tirs du
soldat ainsi que ses capacités de communication en opération ; d’autre part,
permettre une meilleure gestion de
maintenance et une meilleure gestion
logistique du parc d’armes.

FN SmartCore
Munitions
Systèmes d’armes embarqués
(sur affûts, pods ou stations
opérées)
Intégrer des systèmes d’armes sur
affûts ou des systèmes pods requiert
une connaissance approfondie des
armes et de leur utilisation sur le terrain.Une attention particulière doit être
portée aux exigences de l’opérateur et
à son environnement. Le système doit
être facile à utiliser et ne pas interférer
avec les systèmes propres de l’appareil ;
dans certains cas – pour un montage
en porte par exemple – le système ne
doit pas gêner le passage et doit pouvoir se ranger facilement à l’intérieur
de l’hélicoptère pour permettre la fermeture de la porte.
FN Herstal propose également,
pour les applications aéronautiques,des
systèmes pods qui intègrent tous la
mitrailleuse FN M3P de calibre .50.
Différents modèles sont possibles : le
FN HMP250 peut contenir 250 munitions,le FN HMP400 en contient jusqu’à 400.
Autre version : le FN RMP, qui allie la FN M3P avec 250 munitions et
trois tubes de lance-roquettes de 70mm.
Pour garantir une parfaite intégration
des systèmes d’armes sur les porteurs
pour toutes les applications (aéronautiques,terrestres et navales),une étroite
coopération avec les OEM européens
et, en particulier, plusieurs OEM français de références air / terre / mer,est primordiale.Depuis son entrée sur ce marché, la FN connaît un vif succès : plus
de 4000 avions et hélicoptères ont été
équipés à ce jour de systèmes d’armes
embarqués.Cette activité est un pan important pour la FN, qui ne cesse de
travailler à des innovations pour répondre aux nouveaux besoins opérationnels du marché.
Montage sur affût
Les systèmes aéronautiques sur affût ont été conçus pour être montés
au niveau des portes, des fenêtres, des
Dans les années 1950, la Fabrique
inventa la 7,62x51mm : élaborée en
un temps record et soumise à des
tests rigoureux, cette munition
destinée aux mitrailleuses standard
de l’OTAN devint, par la suite, la
munition de référence.
Massivement produite aujourd’hui
encore, elle se présente sous différentes formes : ball, traçante, perforante, à blanc.
Deux décennies plus tard, la FN mit au point la SS109 5.56x45 mm (adoptée par l’OTAN
dès 1981). De nos jours, elle est encore largement utilisée pour les fusils d’assaut et
les mitrailleuses légères. Dans les années 1990, la société herstalienne conçut également
la munition 5,7 x 28 mm pour pistolets, disponible en de nombreuses variantes : ball,
traçante, subsonique, soft, frangible et à blanc. Cette munition 5,7, avec la balle SS190,
deviendra le calibre recommandé par l’OTAN pour les armes de défense personnelle.
Précisons qu’outre ces trois calibres de munitions, la FN offre des munitions 9x19 mm
pour pistolets ainsi qu’une gamme de calibre .50 (12.7 mm), dont l’APEI (perforante,
explosive, incendiaire) destinée aux mitrailleuses lourdes et fusils snipers.
L’activité munition est et reste un pan important d’innovations pour FN Herstal, qui est
le seul armurier au monde à également fabriquer des munitions dans tous les calibres
de ses armes depuis plus d’un siècle. Pour preuve, le développement récent d’une
nouvelle munition .50 à portée réduite, aujourd’hui sous contrat avec une armée OTAN.
rampes de chargement arrière des hélicoptères, ou encore sur des supports
externes. La société collabore avec le
constructeur d’hélicoptères et/ou l’utilisateur final dans le but d’assurer une
intégration parfaite,tout en fournissant
un service après vente haut de gamme.
Le montage sur affût pour hélicoptères est entièrement mécanique ; la
berce élastique absorbe le recul de
l’arme (FN MAG en 7,62 ou FN M3M
en .50), en sorte que l’équilibre est préservé pour une précision exceptionnelle. FN Herstal propose également
une gamme de systèmes sur affûts pour
véhicules,équipés de la mitrailleuse FN
MAG (7,62),FN M2HB-QCB (.50) ou
FN M3M (.50 à haute cadence de tir).
Stations téléopérées
Au milieu des années 2000, la FN
mit au point – en partenariat avec
Rheinmetall Canada – sa première station d’armement à distance : le FN
ARROWS, qui fut l’objet de trois programmes majeurs (MPPV,AIV,VBCI).
Dans ce cadre, les armées belge et française firent l’acquisition de plus de 400
stations d’armement à distance.Le succès rencontré avec le FN ARROWS
incita par la suite la FN à développer
ses propres RWS (Remote Weapon Station, Station d’armement à distance) :
la deFNder. Plusieurs contrats importants ont été signés pour la fabrication
et la livraison de plus de 1000 deFNder Light et deFNder Medium dans
le monde. Précisons qu’au cours du
second semestre 2014, la société herstalienne lancera sa station d’armement
à distance pour applications navales :
la Sea deFNder, déjà sous contrat avec
la Marine d’un pays OTAN.
Le programme fusils pour la
France : les perspectives à court
terme
L’armée française, dont la capacité
de développement du FAMAS a été réduite en raison de l’abandon des études
par GIAT (désormais NEXTER), doit
faire face au renouvellement de son
fusil d’assaut,programmé entre 2015 et
2020. Intégrée au système FELIN
(Fantassin à Equipement et Liaisons
Intégrés), l’AIF (Arme Individuelle
Future) équipera les combattants de
l’infanterie légère ou débarquée ainsi
que les forces spéciales. Elle sera également, dans une version moins équipée, l’arme de dotation de tous les militaires disposant d’un fusil. Dans cette
perspective, le FN SCAR, développé
par l’armurier belge, parait être un bon
candidat pour le futur fusil de l’armée française.

Toutes les marques de fabrique, marques de services et noms de marques utilisés ici sont des marques commerciales ou des
marques commerciales enregistrées appartenant à FN HERSTAL, S.A.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
63
par Vincent Piednoir
Le GROUPE HERSTAL
et les GRANDS
T
de ce MONDE
Giacomo Puccini dans le side-car d’une moto FN 4 cylindres (1913).
64
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
êtes couronnées, figures
historiques,dirigeants politiques, grands industriels,
noms légendaires de la compétition sportive… Nombreux furent
celles et ceux qui, au fil des décennies,
visitèrent ou côtoyèrent la « Dame respectable et centenaire » de Herstal –
partageant ainsi,avec elle,l’éclat de leur
prestige respectif. Cependant, au-delà
des enjeux médiatiques et commerciaux qu’ils impliquent d’ordinaire,
de tels « événements » – soulignons-le
– constituent d’abord et avant tout
d’importants témoignages de reconnaissance – sinon d’admiration – pour
le Groupe Herstal, ses produits, ses
hommes, son histoire. A cet égard, les
mots de Churchill qui furent gravés par
la FN sur l’exemplaire du FAL dont
celle-ci lui fit cadeau au cours des
années cinquante – en remerciement
de la confiance décisive que le Premier Ministre britannique avait placée dans ce fusil – en sont une belle
illustration : « J’ai été très heureux de
constater, avait en effet déclaré Churchill, que l’arme était conforme à certaines conceptions pratiques et tactiques auxquelles ma longue expérience
personnelle m’a conduit. » Hommage
aux personnalités qui croisèrent le destin du Groupe Herstal et contribuèrent
à sa renommée, cette sélection photographique n’est, il va sans dire, aucunement exhaustive…

S.A.I. Hailé Sélassié, Prince héritier d’Éthiopie (1924).
S.M. le Roi de Grèce Georges II (1938).
FAL personnalisé offert par la FN à Winston Churchill (1955).
S.A.R. Edouard, Prince de Galles (1930).
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
65
Le GROUPE HERSTAL et les GRANDS de ce MONDE
Léopold de Belgique essayant le fusil mitrailleur FN Browning (1931).
L’empereur d’Éthiopie et le Roi Baudouin (1959).
S.M. le Roi Carol II de Roumanie (1938).
S.M. le Roi Fouad I d’Egypte (1927).
66
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Réplique du Fusil de chasse FN customisé, offert par la ville
de Liège au Maréchal Montgomery (1946).
Photo en haut à droite : Le champion cycliste Eddy Merckx
essaie l’ancien vélo acatène de la FN (1974).
Photo ci-dessus : le général Mobutu Sese Seko, Président
de la République du Zaïre (1964).
Photo ci-contre : Georges Pompidou, Président de la
République Française (1971).
Photo en bas à gauche : Prince Philippe d’Edimbourg
et Prince de Liège (1966).
Photo en bas à droite : Démonstration d’un FAL FN
au Shah d’Iran (1958).
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
67
par Vincent Piednoir
Le GROUPE
HERSTAL
AUJOURD’HUI
et DEMAIN
Une aventure humaine
A
maints égards, l’histoire
d’une entreprise se déploie
comme la « grande Histoire » : par ruptures, sur
fond de continuité. Si les valeurs qu’elle
défend – la passion du métier, la transmission de savoir-faire éprouvés, l’aspiration à une prospérité partagée –
concourent à l’inscrire dans la durée,
sa puissance d’innovation lui permet
en revanche de s’adapter aux exigences
du présent – en anticipant celles de
l’avenir. De sorte que l’existence d’une
entreprise est toujours tributaire de
ce subtil équilibre où elle puise inspiration et force – un équilibre que seul
68
le facteur humain est susceptible d’assurer concrètement. Modeste ou tentaculaire, ancienne ou de fraîche date,
elle n’est donc pas autre chose que l’ensemble des hommes qui la composent et
l’incarnent. Ainsi en fut-il jadis de la
Fabrique Nationale ; ainsi en est-il,
aujourd’hui, du Groupe Herstal.
Au cours des cent vingt-cinq dernières années,le personnel de la FN fut
souvent photographié. Plus ou moins
officiels, et donc spontanés, ces clichés ont – outre leur intérêt documentaire – le précieux mérite de susciter l’émotion en interpelant la
mémoire collective. L’un d’eux, par
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
exemple, fut pris à la sortie des ateliers – le 29 février 1912. Nous sommes
face à l’entrée principale de la Fabrique ; il est midi. Une foule nombreuse d’employés,hommes et femmes
confondus, vient de quitter le travail…
Certains discutent, fument, flânent à
proximité des grilles ouvertes ; d’autres
s’efforcent visiblement d’adopter une
pose avantageuse en souriant à l’objectif ; d’autres, enfin, essayent de se
frayer un chemin parmi les groupes qui
se sont formés ici ou là… Témoignage
d’une scène somme toute banale, cette
photographie a – comme tant d’autres
– fixé pour la postérité l’existence ano-
nyme de celles et ceux qui contribuèrent à bâtir la renommée de la FN.
Elle nous rappelle avec beaucoup d’àpropos cette vérité que le passage du
temps n’a jamais pu effacer : loin d’être
une entité abstraite, l’entreprise est
avant tout le lieu privilégié d’une extraordinaire conjugaison de volontés et
de compétences individuelles. Aussi
songe-t-on, avec une certaine fascination, à la multitude de destins qui croisèrent et fécondèrent celui de la FN depuis ses origines…
Fleuron incontournable de l’industrie liégeoise, la Fabrique fut toujours, on le sait, à la pointe de l’innovation et du progrès techniques. Sans
même évoquer le cœur historique de
son métier – la confection d’armes civiles et militaires – il suffit de se souvenir qu’à plusieurs reprises elle poussa
loin, très loin la diversification de ses
productions. Ce faisant, elle fut rapidement amenée à développer et à entretenir chez tous ses acteurs une faculté d’adaptation hors du commun –
le goût, j’aillais dire l’instinct d’imprimer au présent des formes nouvelles,
de créer la surprise, de perfectionner
ce qui devait l’être. Sans doute est-ce
là le propre des grandes organisations
manufacturières – le secret qui les fait
s’imposer et perdurer… Cependant,
reflet des évolutions structurelles de
la modernité, l’entreprise herstalienne
ne négligea pas non plus l’importance
des mutations sociologiques et psychologiques qui marquèrent le XXe
siècle européen avec une force jusquelà inédite.Si certaines de ces mutations
réformèrent sans heurts des mentalités ou des pratiques professionnelles
devenues obsolètes,d’autres aboutirent
à des conflits plus ou moins sévères :
je pense, par exemple, à la désormais
célèbre grève des femmes qui eut lieu
à la FN en 1966, et dont le mot d’ordre
initial était : « A travail égal, salaire
égal ! » Rétrospectivement, on comprend que la signification de tels événements était en réalité inséparable
d’un contexte sociologique beaucoup
plus large – et c’est d’ailleurs pourquoi ces manifestations ont fait date.
On comprend aussi que leur dépassement a fini par enrichir la FN – au
sens où cette dernière eut ainsi l’opportunité d’incorporer à ses propres
valeurs celles qui travaillaient en profondeur le reste de la société. Mais ces
La sortie des ateliers à midi
le 29 février 1912.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
expériences – qui font désormais partie de l’histoire – permettent surtout
de comprendre que l’entreprise est un
organisme vivant, composé de volontés plurielles et cependant animées
par la perspective d’une finalité commune : prospérer durablement et pour tous.
Cinq quarts de siècle se sont écoulés
depuis la naissance de la Fabrique : une
telle longévité ne saurait être le fruit
du hasard…
Lorsqu’on s’efforce de poser sur
l’ensemble de ce passé un regard englobant, plus affectif qu’objectif, on
ne peut s’empêcher d’être impressionné par ces générations d’ouvriers
et d’artisans qui – chacune à leur manière, chacune en leur temps – insufflèrent force et vie à la FN. Anonymes,
ces milliers d’individus dont il importe
de préserver le souvenir constituent
en vérité le socle humain sur lequel furent patiemment érigés l’identité et
l’avenir de la célèbre Fabrique belge.
Cela dit, cette identité fut aussi le résultat de l’investissement personnel des
grandes figures qui se sont succédé à
la tête de l’entreprise depuis 1889 –
mettant ainsi leurs talents au service
d’une collectivité qui ne manqua pas
d’esprits audacieux et visionnaires.Ingénieur formé à l’Université de Liège,
Alexandre Galopin (1879-1944) fut par
exemple de ceux-là. Chef du Laboratoire central qu’on venait de créer pour
assurer le contrôle des matières premières, il rejoignit la FN dès 1904 (il
a alors vingt-cinq ans), fut Directeur
général de celle-ci de 1919 à 1923, Président du Conseil à partir de 1932 puis
Gouverneur de la Société Générale
de Belgique de 1935 jusqu’à sa mort.
Au sortir de la Première Guerre mondiale, Galopin avait estimé nécessaire
de réorienter radicalement l’activité de
la FN vers la fabrication de produits
civils. Sous son impulsion, la division
des engins motorisés avait été considérablement modernisée et développée. C’était un pari ! Il fut relevé avec
brio – et l’on se souvient, aujourd’hui
69
Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN
encore,des nombreux succès dont il fut
cause… Bien entendu,il serait trop fastidieux d’évoquer ici le rôle que jouèrent – et les paris que relevèrent – respectivement et en leur temps les Henri
Frenay, Alfred Andri, Jean Jadot, Gustave Joassart, Georges et René Laloux… pour ne citer, parmi les dirigeants historiques de la FN, que ces
quelques noms anciens et bien connus.
A l’instar de Dieudonné Saive et d’Ernest Vervier (dignes héritiers du génial inventeur John Moses Browning),
à l’instar également des maîtres graveurs Félix Funken et Louis Vrancken – tous ces hommes marquèrent
de leur empreinte le devenir de l’entreprise et montrèrent, dans leur domaine de prédilection, la voie qu’il
convenait à leurs yeux de suivre. Néanmoins,si le chef d’orchestre donne toujours le la, l’harmonie de l’ensemble
reste en définitive l’affaire de tous les
musiciens… La réussite est à ce prix.
Au début des années 1990, la Fabrique Nationale devint le Groupe
Herstal. Exclusivement recentrés sur
leurs activités de base – les armes de
défense et sécurité, d’une part ; les
armes de chasse et tir sportif, de l’autre
– le Groupe et ses partenaires privilégiés représentent aujourd’hui quelque
deux mille sept cents collaborateurs répartis à travers le monde. Des ÉtatsUnis (Utah,Caroline du Sud,Virginie)
au Japon (Kochi, sur l’île de Shikoku),
en passant par le Portugal (Viana do
Castelo) et bien sûr la Belgique – ces
hommes et ces femmes forment une
collectivité à la fois hétérogène et complémentaire, riche de langues, de cultures, de savoir-faire et de techniques
diversifiés. Un tel éclectisme est d’autant plus fécond qu’il fait depuis longtemps partie de l’identité de l’entreprise : les premiers contacts entre
l’Américain Browning et la grande
Dame herstalienne ne remontent-ils
pas au printemps… 1897 ? Exponentiels, le progrès technique contemporain et le développement des moyens
70
Une classe de l’École FN en 1924 (formation des ouvriers).
Le centre de formation de la FN dans les années quatre-vingt.
de communication – au sens large – ont
certes contribué à mondialiser la production et les échanges d’une entreprise naturellement déconcentrée,
tournée vers l’extérieur. Cependant,
de même qu’un bloc de noyer et une
buse d’acier ne se transformeront jamais spontanément en B25, de même
ordinateurs et machines ne se substi-
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
tueront-ils jamais à la créativité et à l’esprit de celles et ceux qui les utilisent…
« Deux choses n’apparaissent pas au bilan d’une entreprise : sa réputation et
ses hommes », déclarait Henry Ford
au cours des années 1920. Cette formule, le Groupe Herstal met aujourd’hui un point d’honneur à la faire
mentir.

Portraits
A
Herstal même, la FN emploie aujourd’hui environ
mille trois cents personnes,
tous secteurs confondus.
Pour pallier l’importante pénurie de
main-d’œuvre provoquée par la Première Guerre mondiale, elle s’était dotée, dès 1921, d’une école de formation
professionnelle destinée à fournir à ses
ateliers les ouvriers qualifiés et spécialisés dont ils avaient besoin, transmettant ainsi aux jeunes générations
connaissances et savoir-faire selon des
méthodes d’enseignement modernes,
rationalisées. Installée dans l’enceinte
de l’entreprise, l’Ecole FN contribua à
préserver la renommée ancestrale de la
région – notamment dans le domaine de
la mécanique – couvrant,par ailleurs,un
grand nombre de disciplines relatives
à la production industrielle. Devenue
plus tard le Centre de Formation FN,
elle quitta Herstal même en 1980 pour
rejoindre le Parc d’activités économiques des Hauts-Sarts. Là, elle collabora plus étroitement avec les différents
réseaux d’enseignement officiels et privés existant, dans le but de préparer
son personnel aux nouveaux défis de
l’époque.Si elle n’existe plus en tant que
telle aujourd’hui, elle participa significativement à la création du CFPM
(Centre de Formation et de Perfectionnement à la Maîtrise),ainsi qu’à celle
du Centre de Compétences Technifutur,auquel elle fut intégrée lors de la crise
de 1988-89.
Mais puisque la vie concrète d’une
entreprise ne saurait être mieux approchée que par le témoignage des personnes qui en font partie, voici le portrait de cinq d’entre elles – toutes
originaires de Liège ou de ses environs :
pour avoir accepté de se prêter de bonne
grâce à nos questions, évoquant leurs
parcours et partageant avec nous leurs
points de vue respectifs, qu’elles soient
ici remerciées.
Eric Quaedpeerds,
Chef de projet Armes
(R&D Browning)
« J’ai fait la carrière que je voulais,
je n’ai aucun regret ! »
Après des études en « A2 mécanique », Eric Quaedpeerds est entré en
1980 à la Fabrique Nationale. Pendant
deux ans, il a suivi des cours d’apprentissage spécifique et de perfectionnement à l’Ecole FN. Sorti premier de sa promotion, il a été orienté
vers la Section RDI (Recherche et Développement Industriel) ; cependant,
comme il n’y avait pas de place disponible en RDI Défense, il a tout
d’abord rejoint la division FN Sports
– où il a travaillé, en tant qu’ouvrier,
à la construction de prototypes liés aux
différentes activités Browning : armes,
pêche, tennis, golf, planches à voile.
Puis, après s’être occupé de la mise
au point et du test des armes au sein
de la cellule technique, il est passé
par l’industrialisation.
Il a notamment travaillé, durant
de longues périodes, à l’usine portugaise de Viana do Castelo : là-bas, il a
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
coordonné l’installation des lignes de
production destinées à la fabrication
du superposé Winchester Select, et
formé le personnel. « Tant sur le plan
technique qu’humain, cette expérience a été pour moi très riche : elle
m’est encore utile aujourd’hui ! » résume-t-il. Ensuite, il a travaillé pendant quelques années au Bureau
d’Etudes (mise en plan sous logiciel
Autocad 3D, dimensionnement des
pièces) et a enfin été nommé Chef de
projet Armes au sein du secteur Recherche et Développement Browning.
A partir d’éléments issus du Marketing et des retours clients, il s’occupe
ainsi de la conception d’armes et d’accessoires, accompagne la production
et assure le suivi technique ainsi que
la formation des équipes Marketing,
Sales, SAV, etc.
Intellectuellement, Eric se sent
« épanoui » ; il est fier de son parcours (ouvrier, employé, puis cadre).
« J’ai fait la carrière que je voulais, je
n’ai aucun regret ! » En saisissant
toutes les possibilités qui s’offraient
à lui pour sans cesse évoluer, il a acquis une grande polyvalence. L’envie
de bien faire les choses l’a toujours
animé et il éprouve du respect à l’égard
de l’entreprise à laquelle il appartient. A travers elle, il a eu l’opportunité de voyager, de rencontrer des fournisseurs de tous horizons – ce qui lui
a permis de nouer de nombreuses relations à l’échelle internationale. En
interne, il est proche du Marketing
et, de ce fait, des clients. Il a aussi de
fréquents contacts avec les journalistes, en particulier lors des présentations de produits ou des béta tests.
« Browning, c’est une PME dans un
grand groupe : on y cultive le respect
mutuel et la convivialité. »
En dépit des années de restructuration – qui ont jadis affecté tous
les niveaux de la société – Eric estime que la FN a su préserver l’excellence de sa culture armurière, en
protégeant et en valorisant les com-
71
Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN
pétences qui ont bâti sa renommée.
« Nous nous sommes recentrés sur
notre core business, explique-t-il également, et nous sommes restés fidèles
à notre savoir-faire originel : celui de
la mécanique. » Par ailleurs, à ceux qui
seraient tentés de stigmatiser la spécificité des produits fabriqués à Herstal – on parlait en effet de « complexe
militaro-industriel » dans les années
1970 – il répond, à juste titre : « Ils sont
bien contents d’avoir des armes pour
défendre leurs libertés et la démocratie, non ? »
Personnellement, il n’est ni chasseur ni tireur sportif – mais cela s’entend : dans le cadre de son métier, il
tire plus de… 30 000 cartouches par
an ! Et puis, nombre de ses amis ou
collègues pratiquent ces sports, certains même au plus haut niveau :
championnat d’Europe et du Monde,
Jeux Olympiques… Le seul petit regret qu’il nourrit relève d’une nostalgie plus douce qu’amère : « Pour
moi, ç’aurait été extraordinaire de travailler sur les voitures et les motos »,
confie ce passionné de sports moteurs qui a, du reste, participé plusieurs
fois aux 24 heures de Francorchamps
(en « tourisme »). Lui-même a eu une
écurie qu’il ne demande qu’à « réveiller »…
Son arme favorite ? « Chacune a
ses qualités… En fait, celle qui aurait
ma préférence est encore à concevoir :
toujours ce besoin d’innover, de
créer ! » Une réponse de perfectionniste, assurément.
72
Christiane Neuforge,
Agent UP
(Unité de Production)
« C’est comme si tu rentrais dans une
grande famille »
Christiane Neuforge a quitté
l’école après le primaire. Elle enchaînait les « petits boulots » lorsqu’un
jour sa belle-mère lui a dit : « Viens
travailler à la FN… » Elle s’est alors
présentée au bureau d’embauche et a
passé les tests requis, avec succès.
Depuis qu’elle a rejoint la FN, en
1973, Christiane a toujours travaillé
à la production. Elle a commencé sur
de petites machines (comme la Cincinnati), réalisant des opérations de
fraisage, de forage, etc., sur des pièces
destinées notamment aux MAG et aux
FAL. Elle a également travaillé à la
presse, sur la « carcasse GP » ou encore au sein du groupe pilote chargé
de la « carcasse BAR ». « A ce momentlà, se rappelle-t-elle, le travail était
organisé selon le principe des trois
pauses – ou trois-huit. Cependant, le
personnel féminin n’avait pas le droit
d’exercer de nuit ; pour nous, c’était :
6h/14h ou 14h/22h… »
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Christiane a par ailleurs travaillé
sur la « glissière GP ». A ce titre, elle
a suivi une formation à l’Ecole FN.
Elle y a appris, entre autres, à redresser des pièces et à faire des chanfreins. L’un des exercices consistait à
limer certaines pièces pour qu’elles
puissent, tel un puzzle, être parfaitement emboîtées… Elle a d’ailleurs
conservé ses travaux de l’époque. Aujourd’hui, elle fait partie de l’atelier
Mécanisage, où elle s’occupe de la finition des « petites pièces » qui seront ensuite ajustées.
Quarante-et-un ans de carrière au
sein de la FN ont bien sûr tissé des
liens profonds : « C’est comme si tu
rentrais dans une grande famille, avec
des plus jeunes, des plus âgés. On passe
pas mal d’heures au travail, par rapport au temps passé avec nos ‘‘vraies’’
familles… »
A la vérité, Christiane n’aime pas
les armes pour elles-mêmes ; en tout état
de cause, elle n’en veut pas à la maison car elle craint les accidents. Néanmoins, ayant eu l’occasion d’essayer
plusieurs d’entre elles au cours d’une
formation, elle reconnaît avoir beaucoup apprécié le P90 – pour sa légèreté et son peu de recul. Plus généralement, elle convient qu’une société
moderne ne peut pas faire l’économie d’un armement adapté pour garantir la paix. « Il suffit de regarder autour de soi… La gratuité des actes de
violence, c’est ça qui est choquant »
dit-elle. Il y a près de deux mille ans,
Tacite n’affirmait pas autre chose lorsqu’il écrivait : « Les nations ne peuvent avoir de tranquillité sans une armée. »
Lucien Manfredi,
Responsable Équipe
« Démonstrations et Support
Clients »
« J’ai beaucoup de respect
pour Monsieur Browning »
« C’est ici que je veux travailler ! »
Telle fut l’exclamation – aussi prémonitoire que vigoureuse – de Lucien
Manfredi lorsqu’il découvrit les établissements de la FN, il y a plus de
trente-cinq ans, à l’occasion d’une visite scolaire… Aussitôt dit,aussitôt fait :
en 1978, il passe l’examen d’entrée, le
réussit et intègre l’Ecole de l’entreprise.
« La journée,se souvient l’intéressé,était
composée de huit heures d’atelier et
de trois heures de cours du soir… »
Au terme d’un cursus de deux ans,
Lucien obtient un graduat en mécanique et rejoint tout naturellement les
Ateliers Mécaniques où il s’occupe de
l’outillage (fraises et calibres). De 1985
à 1989, il travaille à la division Essais
Armes – cellule qui dépend de la section Recherche et Développement –
avant de devenir ATE, c’est-à-dire Démonstrateur et Support Client, au dé-
partement Marketing FN. Ce poste le
conduit à voyager beaucoup et à établir de nombreux contacts avec la clientèle internationale afin de promouvoir
les produits – qu’il maîtrise tous, il va
sans dire.Aujourd’hui,il dirige l’équipe
chargée des démonstrations « live » –
avec tirs réels – de toute la gamme FN
Herstal, tant en Belgique qu’à l’étranger. Il participe aux foires, expositions,
salons. Il dispense les formations destinées aux clients, assurant également
la mise en service des armes. Enfin,
Lucien accueille les VIP, pour lesquels
il organise et commente la visite guidée du Showroom (vitrine complète
des produits Défense, Law Enforcement
et Systèmes).
A ses yeux, la FN véhicule une valeur essentielle : celle du respect, singulièrement entre les membres du personnel. « Un respect qui paraît
indispensable, précise-t-il, étant donné
la nature de nos produits. » S’il n’émet
pas de commentaire particulier sur la
finalité de ce que fabrique la FN, ni
sur l’usage qui en est fait, il tient à souligner – pour la connaître de l’intérieur – la prodigieuse capacité de développement et d’innovation technique
qui préside au devenir de l’entreprise.
Au demeurant,Lucien ne cache pas
son admiration pour la figure historique
de John Moses Browning : « Sans sa venue en Belgique, la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre n’existerait
tout simplement plus… C’est grâce à
lui que la FN – mais aussi bien d’autres
fabricants d’armes – ont pu développer et développent encore des produits
de plus en plus perfectionnés. L’ingéniosité de ses inventions continue d’être
une source d’inspiration.J’ai beaucoup
de respect pour ce Monsieur. »
Et si vous lui demandez quelle
arme, parmi celles de la FN, emporte
en définitive son adhésion, il vous répond assez logiquement : « La mitrailleuse .50 ! Conçue par John Moses
Browning autour de 1920, c’est une
merveille de mécanique. A l’époque, il
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
disposait de moyens techniques qui
nous sembleraient aujourd’hui rudimentaires… Pourtant, en 2014, nous
produisons toujours la même arme.
Rien n’a pu la supplanter ! »
Marie-Rose Ciomek,
Assistante du Directeur
Industriel Groupe Herstal
et du Directeur Production
FNH / ULZ
« Toutes les périodes heureuses ou moins
heureuses que nous avons traversées ont
créé des liens »
Titulaire d’un graduat « secrétariat
langues » (anglais, néerlandais, allemand), Marie-Rose Ciomek avait, en
1979, adressé son CV à la FN car son
père y travaillait. Sa candidature ayant
été retenue, elle a passé et réussi les tests
d’embauche. « J’avais le choix simultanément entre trois jobs ; si j’ai opté pour
la FN, c’est parce que la bonne réputation d’employeur de la société m’inspirait confiance. » Une confiance manifestement bien placée, comme en
témoigne le parcours de cette salariée qui
a su s’adapter aux mutations structu-
73
Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN
relles dont l’entreprise herstalienne a fait
l’objet au cours de son histoire récente…
Lorsqu’elle rejoint la Fabrique –
en tant qu’assistante du responsable du
service Innovation Produits (R&D) –
le sport et les loisirs font encore partie
des activités de la FN. « On travaillait
alors aux ‘‘protos’’ et au développement
de cannes à pêche télescopiques en carbone, de moulinets, de clubs de golf, de
planches à voile, de moteurs rotatifs… »
Mais bientôt elle est nommée assistante
du Contrôleur de Gestion de la filiale
Formétal (« Fonderie aéronautique à
modèle perdu »), avant d’intégrer le
Contrôle de Gestion de FN Sports,
puis de devenir l’assistante du Directeur
Manufacturing. Elle se rappelle la filiale de Bruges, où l’on produisait les
raquettes de tennis.
Lors de la création de Browning SA,
la fonction du Directeur Manufacturing
s’est étendue à l’ensemble du groupe
Browning (Browning North America,
usine de Viana do Castelo, etc.) – l’occasion, pour Marie-Rose, d’avoir de
nombreux contacts au-delà de son bureau situé aux Hauts-Sarts, car FN
Sports avait alors quitté la rue LargeVoie pour s’installer au sein du nouveau zoning industriel herstalien. En y
repensant, elle éprouve une certaine
« nostalgie » pour la période Browning
et ses produits (leur variété, leur beauté,
leur réputation).Cependant,elle est aussi
très admirative des concepteurs des produits actuels, ainsi que de la haute technologie mobilisée.
En 1989 – au moment du désengagement de la Société Générale de Belgique au profit de Giat Industries –
Marie-Rose est « redescendue » à Herstal afin de suivre son « patron » devenu
Directeur Industriel du Groupe Herstal. Celui-ci avait désormais sous sa responsabilité la R&D, les RH, l’Informatique et les filiales – dont FN Tech.
Aujourd’hui, elle est encore l’assistante
du Directeur Industriel,mais également
celle du Directeur de Production FNHULZ (FN Herstal-Zutendaal).
74
Pour Marie-Rose, le fait que la FN
soit restée implantée en ville est une
excellente chose. « Cela lui donne un
caractère plus chaleureux, plus humain.
La plupart d’entre nous sommes originaires de la région ;les anciens se connaissent bien. C’est un peu comme une famille… Toutes les périodes heureuses
ou moins heureuses que nous avons
traversées ont créé des liens. » Et puis,
il y a la fierté d’appartenir à la maisonmère d’un groupe international, le plaisir de « voyager » à travers les filiales étrangères – même par procuration…
Elle ne pratique ni la chasse ni le tir
sportif, mais lit volontiers des revues
ou des magazines consacrés à l’art cynégétique. « Les chasseurs sont respectueux de l’environnement,déclare-t-elle.
Ils jouent un rôle essentiel dans la gestion de la nature. »
Ses produits préférés ? « Les armes
de grand luxe, bien sûr, pour leur
beauté ! »
Vincenzo Carapezza,
Responsable Equipe magasiniers
« Fier de travailler pour la célèbre marque
à la tête de cerf »
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Originaire de Liège, Vincenzo Carapezza est ajusteur machines-outils de
formation.Entré à la FN en 1980 comme
ouvrier opérateur Machines, il est devenu, quatre ans plus tard, préparateur
aux expéditions chez Browning.
Depuis 2000, il dirige une équipe
de dix personnes sur le plan logistique :
préparation des commandes journalières, picking, emballage et expédition.
Il s’occupe également de la réception des
marchandises.
Cet ancien tireur au clays – ainsi désigne-t-on, en Belgique, l’amateur de
ball-trap – apprécie tout particulièrement la faculté d’adaptation et de développement dont fait constamment
preuve l’entreprise. Il éprouve une véritable « fierté » à travailler pour la célèbre « marque à la tête de cerf » : son
attachement à l’égard de celle-ci n’a cessé
de grandir au fil des années, proportionnellement à son expérience.Mieux :
« Je passe plus de temps au bureau que
chez moi,reconnaît-il.Mes collègues deviennent en quelque sorte ma seconde famille. »
Point n’est besoin de l’observer longtemps pour constater que Vincenzo a
l’allure et le regard d’un John Wayne.
De fait,lorsqu’on évoque avec lui l’« emblématique » John Moses – dont il aime
par-dessus tout l’Auto-5– et sa rencontre
avec les fondateurs de la FN au tournant du XIXe siècle, il déclare : « Pour
moi, cela représente le rapprochement
de deux univers à l’origine très différents
du point de vue culturel : celui du Far
West et celui de la vieille Europe. 125
ans plus tard, à travers les produits et le
nom Browning, l’esprit de cette rencontre est toujours présent ! »

Entretien
avec Robert Sauvage
Administrateur délégué
de la Fondation
Ars Mechanica
« Ars mechanica [ars mekanika] locution latine d’origine grecque : (a) ars (lat. ars, artis), manière de faire quelque
chose selon les règles, (b) mechanica (du gr. mêkhanê, machine). (1) Connaissances et savoir-faire en matière de mécanique appliquée, d’appareils et de machines. (2) Par extension : les métiers manuels en général. (3) Hist. On a pu dire des
Liégeois, au XVIIIe siècle déjà : ‘‘Il n’est point de peuple qui ait poussé aussi loin qu’eux l’invention dans ce qui regarde les ouvrages mécaniques.’’ (4) Le Groupe Herstal trouve ses origines dans ce terreau fertile, qu’il n’a cessé de faire fructifier depuis 1889 en y apportant les perfectionnements et les talents qu’exige l’évolution constante de la technique et des besoins. »
Le Grand Livre de la FN, page 1
L
a Fondation Ars Mechanica
est en quelque sorte la mémoire
vivante du Groupe Herstal.Sa
devise : « Le passé est un présent pour l’avenir » – exploite opportunément la polysémie du mot présent,
dévoilant ainsi une approche dynamique de l’histoire de l’entreprise, des
enjeux industriels, techniques et humains qui lui sont attachés. Si elle se
donne pour mission d’identifier, de
conserver et de valoriser un patrimoine
liégeois considérablement enrichi par
de multiples rencontres à l’échelle internationale, ce n’est point seulement,
loin s’en faut, par l’effet d’une nostalgie que d’aucuns jugeraient purement
esthétique,sinon vaine.L’attention portée par la Fondation à toutes les dimensions du passé du Groupe Herstal a pour finalité première de féconder
le présent de celui-ci en guidant son
avenir. Cent vingt-cinq années d’une
histoire déclinée sous les formes les plus
diverses – véhicules, armes, archives,
etc. – sont ainsi patiemment revisitées
et répertoriées pour que, de génération en génération, chacun sache que
le passé qui lui échoit est un précieux
cadeau pour demain et pour tous. Naturellement,une tâche de cette envergure
requiert de solides compétences, ainsi
qu’une énergie à toute épreuve. Mais
l’homme qui en a la charge,Robert Sauvage,n’en manque assurément pas : responsable des relations publiques et de
la communication du Groupe Herstal
durant plus de trente ans, ce passionné
de voiture, de moto et de jazz s’occupe aujourd’hui,avec un dévouement
sans faille, de la Fondation dont il est
l’administrateur délégué. Rencontre
avec un amoureux de l’« Ars Mechanica » – de l’art de la mécanique ou de
la mécanique… touchant à l’art.
Quand la Fondation Ars Mechanica a-t-elle été créée ? Pourriezvous décrire le contexte de cette
création – et ce qui l’a motivée ?
La Fondation Ars Mechanica, fondation d’utilité publique, a été créée
en 2008 par le Français Philippe Tenneson, ancien Président Administrateur délégué du Groupe Herstal. Cependant, elle n’est gérée par du
personnel à plein temps que depuis
deux ans (2012). Le nom de la Fondation s’inspire de celui du Grand Livre
de la FN. Publié en 2008, ce livre avait
pour objectif de préserver la mémoire
de l’entreprise en la fixant dans un
ouvrage à vocation à la fois historique
et de relations publiques,voire d’image
pour l’entreprise.La Fondation trouve
son origine dans le constat que trop peu
avait été fait jusqu’alors pour sauve-
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
garder la mémoire d’une Dame respectable et centenaire, dont l’histoire
était pourtant riche d’hommes, d’événements, de produits fabuleux, et qu’il
était en somme grand temps de s’atteler à la tâche. Ce patrimoine avait
été dispersé, sinon dilapidé – en tout
cas, jamais conservé ni exploité de façon structurée et professionnelle, au
service de l’entreprise et des régions
75
Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN
dans lesquelles elle est installée.Ce sont
précisément ce constat et la parution
du Grand Livre qui ont fait office de
déclic pour lancer un vaste projet de
sauvegarde et de valorisation du patrimoine du Groupe Herstal…
Quelle est aujourd’hui la fonction première de la Fondation,sa finalité ?
La raison d’être et les missions de
la Fondation sont parfaitement résumées dans cet extrait de ses statuts : « La
Fondation Ars Mechanica a pour but
de rassembler, conserver, gérer, protéger et mettre en valeur un patrimoine
composé de pièces ou documents d’intérêt historique, industriel, technologique, commercial ou culturel, fabriqués, conçus ou ayant un lien avec les
sociétés du Groupe Herstal passées,
présentes ou à venir, afin d’y conserver des témoignages du riche passé industriel liégeois et plus largement mondial auquel ces sociétés ont fortement
contribué. » Il s’agit donc de définir et
de mettre en œuvre une politique de
gestion structurée du patrimoine du
Groupe Herstal afin de sauvegarder
les traces matérielles et immatérielles
de ce patrimoine et d’en perpétuer la
mémoire pour les générations actuelles
et futures ; d’instaurer,d’exploiter et de
faire vivre, dans le Groupe et hors de
lui, une culture d’entreprise basée sur
la richesse de son passé séculaire ; d’en
faire un outil de motivation en interne
et d’image en externe, dans les régions
du monde où le Groupe est historiquement implanté ; puis, last but not
least, de protéger ce patrimoine contre
tout risque de perte, de dégradation,
de disparition ou d’appropriation étrangère au Groupe, pour le conserver définitivement dans les régions d’origine
du Groupe. Concernant ce dernier
point,de nombreux exemples montrent
en effet que, dans le monde « globalisé » de l’industrie contemporaine, la
prise de contrôle d’entreprises par des
actionnariats étrangers s’accompagne
souvent d’une perte d’identité et de
76
racines.Le « placement » du patrimoine
du Groupe Herstal au sein d’une entité juridique extérieure à l’entreprise
a justement pour fonction d’empêcher
toute velléité d’appropriation ou de
valorisation financière de ce patrimoine
en dehors de ses régions d’origine.
Concrètement, comment la
Fondation a-t-elle démarré ? Par
ailleurs,comment se situe-t-elle par
rapport au Groupe Herstal ? Quels
publics vise-t-elle ?
Concrètement, en 2009, nous
sommes partis d’une feuille blanche
pour, progressivement (mais la route
est encore très longue !), définir et
mettre en œuvre, au sein du Groupe
Herstal, les outils de gestion pérennes
et les moyens nécessaires à la reconstitution, à la sauvegarde et à la promotion d’un patrimoine représentatif
de l’histoire du Groupe, de ses activités, de ses produits, des hommes qui y
ont œuvré. Il s’agissait de constituer
une encyclopédie de témoignages humains,documentaires,matériels et immatériels susceptible d’inspirer l’entreprise afin de crédibiliser son présent,
d’accompagner son futur et de maintenir vivants l’enthousiasme et la
confiance dans le Groupe, tout en assurant l’expression collective de la « tradition armurière et mécanique liégeoise ». L’idée était d’exploiter ce
patrimoine non seulement dans une
perspective strictement historique et
mémorielle – de façon « désintéressée »,
en quelque sorte – mais aussi,plus prosaïquement, pour développer, véhiculer et entretenir une image positive du
Groupe,une identité,une culture et une
mémoire collectives, tant vis-à-vis des
publics internes à l’entreprise – au premier rang desquels son personnel – que
de son environnement économique,politique, culturel et social (clients, autorités locales et internationales, grand
public). En somme, notre ambition
est de faire du passé et du présent de
l’entreprise une source de valeurs partagées pour construire ensemble son
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
futur. Par conséquent, et afin d’atteindre ce double objectif,la Fondation
s’est dotée d’un Conseil d’Administration pluridisciplinaire et d’un Comité de gestion paritaire au sein de la
Fondation Roi Baudouin,qui assurent,
pour l’un, l’adéquation des actions de
la Fondation avec les stratégies et les
politiques du Groupe, et pour l’autre,
le caractère d’institution culturelle nécessaire pour bénéficier de l’exonération fiscale dans le chef du donateur,
l’entreprise. Comme la Fondation entend faire adhérer à son projet les publics internes et externes à l’entreprise
afin qu’ils le partagent, voire qu’ils se
l’approprient – elle assure elle-même
la promotion de ses activités par tous
les moyens de communication internes
auprès du personnel et externes auprès
de publics cibles : périodiques, flashs
d’information, interviews dans les médias, conférences, colloques, événements.Sur un plan plus global,elle s’attache aussi à promouvoir la notion
même de mémoire industrielle auprès
des entreprises régionales dans l’optique de créer, plus tard, une « Association Régionale du Patrimoine Industriel ».
Venons-en au contenu du patrimoine lui-même. Que recouvre-til en termes de documents, objets,
etc. ? Où sont principalement stockées toutes ces pièces ?
Les archives que nous traitons sont
constituées de milliers de documents
de tous les types (contrats, documents
administratifs, publicitaires, informatifs,manuels,modes d’emploi,affiches,
extraits de presse,ouvrages historiques,
iconographie, filmographie, etc.), de
pièces issues de la production (armes,
véhicules, items publicitaires, tout objet faisant référence à l’entreprise et à
son histoire) et de témoignages humains. Ce matériel doit être localisé,
identifié, nommé, répertorié, classé,
stocké et finalement numérisé pour une
sauvegarde doublée. Une partie est
disséminée un peu partout dans l’en-
Le premier FAL produit en série dans les ateliers
de Herstal fut offert au Roi des Belges. Le modèle
présenté ici porte le numéro 2.
Dieudonné Saive, inventeur d’armes
de la FN (1888-1970).
treprise alors que les autres – la part
peut-être la plus importante, quantitativement parlant – se trouve dans divers centres d’archives (musées, universités, archives de l’Etat). Cette
dimension du travail est immense : des
années seront sans nul doute nécessaires
pour en faire le tour dans les sites belges
du Groupe, avant d’entamer le même
travail dans les entités du Groupe installées à l’étranger… En outre,la conservation des pièces elle-même pose
d’énormes problèmes – que nous apprenons progressivement à résoudre,au
cas par cas. Prenez l’exemple d’une
simple photographie : si vous ne respectez pas certaines procédures très
strictes, indispensables à la conservation de ce type d’objets – vous êtes assuré de la perdre à court ou moyen
terme… Songez à présent qu’il en est
de même pour nombre de pièces acquises par la Fondation : véhicules,
armes, etc. C’est un art subtil et complexe, dont la maîtrise est aussi nécessaire que délicate.
Pourriez-vous maintenant nous
donner quelques exemples concrets
de pièces conservées par la Fondation ? Certaines, j’imagine, sont
rares, uniques…
Nous disposons d’une très riche
collection armurière, évidemment. A
titre d’exemple,j’évoquerai ici deux acquisitions symboliquement très fortes.
La première concerne le Fusil Automatique Léger (FAL) inventé par Dieudonné Saive dans les années cinquante.
En calibre 7,62mm (calibre mis au point
par la FN et adopté durant cette période par l’OTAN comme calibre de référence : événement considérable !), le
FAL fut l’arme la plus vendue parmi les
pays du « monde libre ». Eh bien, il y a
quelque temps, nous avons pu racheter le numéro 2 de la toute première
série jamais produite de cette arme !
Le numéro 1, quant à lui, avait été offert, à l’époque, au Roi des Belges…
La seconde acquisition dont je souhaiterais parler est plus récente : il s’agit
du numéro 1 d’une série spéciale fabriquée à l’occasion du centenaire de
la Winchester 1894, arme désormais
mythique – ce fut celle de John Wayne,
des cow-boys et de la Conquête de
l’Ouest. Cette série commémorative
comptait en tout cent exemplaires. Naturellement, le numéro 1 est luxueusement décoré,magnifique,comme il sied
à ce type de carabine légendaire…
Il y a les armes, mais il y a aussi
les véhicules…
Absolument.Au-delà des pièces armurières,nous avons souhaité,pour différentes raisons, mettre l’accent sur la
reconstitution du patrimoine lié aux véhicules.Ces derniers représentent à eux
seuls une part très importante du passé
du Groupe Herstal. Pour ne mentionner que ces trois catégories « maîtresses », rappelons que la FN a produit des bicyclettes de 1895 à 1927,
des motos de 1901 à 1965 et des voitures de 1901 à 1935.Ces milliers de véhicules, qui ont également contribué –
au même titre que les armes – à la renommée de la FN, ont disparu au fil
du temps et il s’agit pour nous de leur
rendre la place et la visibilité qui leur
reviennent. Ce qui manque le plus à
notre collection, ce sont assurément
les véhicules automobiles. Personnellement, je suis passionné par ces en-
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
gins – d’aucuns diront même qu’ils sont
un peu ma « marotte »… Cependant,
rendez-vous compte : les voitures,
comme les motos FN, ont accompli
un nombre considérable d’exploits
sportifs au cours de leur histoire ! Et
puis,outre l’aspect purement technique
ou même l’importance commerciale
qu’elles ont pu revêtir jadis,ces voitures
nous touchent aujourd’hui par leur
beauté, tout simplement – une beauté
à laquelle il est difficile de rester insensible et qui constitue, en soi, un véritable spectacle. De fait, le 28 juin prochain, nous organiserons à la FN une
journée portes ouvertes destinée au personnel et aux familles de l’entreprise.
A cette occasion, nous allons faire circuler trois automobiles et deux motos
FN,pour que chacun puisse approcher,
goûter ce passé qui lui appartient
aussi…
Lorsqu’on s’efforce de faire revenir dans le giron herstalien certaines pièces représentatives du
passé de la FN, on peut parfois avoir
quelques surprises, n’est-ce pas ?
Bien entendu : de bonnes, comme
de moins bonnes… Par exemple, en
décembre 2012, j’ai été contacté par
un jeune collectionneur de produits FN
– surtout de véhicules. Ce monsieur
me proposait un vélo FN de… 1895 !
L’un des tout premiers vélos confectionnés par la Fabrique,en somme.Mon
restaurateur et moi-même observons
donc la bicyclette sous toutes ses coutures : elle était authentique ; aucun
doute n’était permis.Mais soudain nous
réalisons que sur les pièces maîtresses
du vélo figure un logo FN qui nous
est absolument inconnu ! Il représentait une roue au centre de laquelle s’entrecroisaient deux fusils Mauser et qui
était entourée, à droite et à gauche, des
lettres « F » et « N » – le tout dans un
style un peu « art déco ».Après quelques
recherches dans nos archives et certains
recoupements,l’historien Claude Gaier
et moi-même avons conclu que, très
probablement, l’existence de ce mys-
77
Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN
FN two-seater
1600 cc de 1912,
dernière acquisition
de la Fondation.
térieux logo était liée à l’appartenance
de la FN de l’époque au Groupe allemand Ludwig Loewe – Groupe qui
avait alors souhaité harmoniser le style
des logos de ses différentes entreprises… Mais il y a aussi de moins
« agréables » découvertes. Un jour, j’ai
été contacté par quelqu’un qui disait
posséder une FN Super Sport. Evidemment, j’étais très impatient de voir
cette merveille fabriquée à Herstal autour de 1925. Arrivé sur place, quelle
ne fut pas ma déception ! La voiture
était certes sublime,et superbement restaurée. Sauf qu’elle l’était si bien qu’il
ne restait presque plus rien de la FN
Super Sport d’origine ! Le tableau de
bord avait été « bouchonné », les sièges
étaient maintenant en cuir… Elle était
très belle,mais c’était une autre voiture.
Or, l’idée de la Fondation est d’acquérir des pièces qui soient aussi proches
que possible de leur état originel.
Lorsque nous restaurons des véhicules,
nous essayons toujours de respecter ce
principe.Du reste,en ce moment même,
nous sommes en train de restaurer une
pièce unique : une voiturette FN 1901
– là encore, l’une des toute premières
automobiles construites par la Fabrique
Nationale.Le châssis et les boiseries sont
désormais terminés mais il nous
manque encore, hélas, certaines pièces
mécaniques… Ce qui est fort dommage,car notre intention était de la présenter au public à l’occasion des festivités du 125e anniversaire.
La reconstitution et la sauvegarde d’un tel patrimoine représentent, on le voit, un travail colossal. Combien de personnes œuvrent
aujourd’hui à cette tâche, à vos côtés ?
Nous sommes actuellement deux
personnes à gérer à temps plein la Fondation :Anny Hendriks,mon assistante
depuis trente-cinq ans, et moi-même.
Nous souhaitons cependant engager
un(e) historien(ne) pour nous aider et
prendre la relève le moment venu. Entretemps, nous pouvons compter sur
78
l’aide ponctuelle de membres du personnel spécialisés dans un domaine particulier, les statuts de la Fondation prévoyant qu’une telle aide soit possible,
dans le cadre du contrat de travail et
pendant les heures de travail. Mais cela
reste très marginal… Nous nous faisons
également aider par les services internes
de l’entreprise – selon leurs compétences,services financiers et juridiques,
essentiellement. Nous faisons par
ailleurs appel, selon nos besoins, à des
sociétés de services (communication,
événementiel) et, régulièrement, à raison de deux jours par semaine,à une société partenaire qui nous accompagne
dans toutes nos missions.Enfin,concernant les acquisitions et les restaurations
d’objets patrimoniaux,nous faisons appel aux équipes internes pour les armes
et à un indépendant qui acquiert et/ou
restaure pour nous les véhicules FN, à
raison de deux jours par semaine.
En dehors des activités de
conservation, la Fondation assure
également un important travail de
valorisation. Quels en sont les principaux vecteurs ?
Nous occupons des locaux mis à
disposition par l’entreprise et situés
dans l’enceinte de celle-ci. Plus tard,
lorsque cela sera possible, nous souhaiterions vivement ouvrir, au sein de
ces locaux, un centre d’interprétation
destiné au personnel comme au public extérieur – un « musée vivant », en
quelque sorte. Nous publions en outre
une revue trimestrielle – intitulée « Mémoires de la FN » – laquelle, à partir
d’archives et de nos propres recherches,
développe à chaque parution un thème
particulier de l’histoire de l’entreprise,
et ce, plus largement qu’il n’a jamais
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
été fait par le passé. Dans la mesure du
possible, nous essayons toujours de
mettre en relation ce passé (homme,
événement,produit,anecdote,etc.) avec
le présent de l’entreprise, comme ce
fut le cas dans le numéro consacré à l’invention de l’Auto-5 de Browning, où
nous présentons son digne successeur,
l’A5. Nous publions également des
« News » relatives à des sujets qui touchent l’actualité de la Fondation. Nous
donnons des conférences à la demande,
sur l’histoire de l’entreprise, ou sur un
thème particulier qui relève des compétences de la Fondation.Nous sommes
présents dans divers musées auxquels
nous prêtons ou confions en dépôt des
pièces ou des documents appartenant
à la Fondation, soit de manière temporaire – comme actuellement à l’occasion des commémorations de la
guerre 14-18 – soit de manière plus permanente,comme au musée Grand Curtius (armes) ou au Musée du Circuit
de Spa-Francorchamps (autos-motos).
Nous collaborons aux ouvrages d’étudiants, chercheurs, historiens, auteurs,
universitaires, etc., en mettant nos archives gratuitement à disposition.Nous
répondons enfin aux demandes de renseignements émises par les collectionneurs, chercheurs, restaurateurs – sept
cents requêtes par an, en moyenne…
J’aimerais, pour terminer, vous
poser une question… « difficile » : à
titre personnel,à quelle pièce du patrimoine de la Fondation êtes-vous
plus particulièrement attaché ?
A celle que je n’ai pas encore acquise,bien entendu ! D’ailleurs,en vous
répondant, je pense à ceci : dernièrement, j’ai découvert l’existence d’une
voiture FN 1912 qui se trouve en Angleterre. Bientôt, accompagné de mon
restaurateur, je vais me rendre là-bas
afin d’authentifier cette automobile et
d’étudier les conditions de son possible rachat. C’est une voiture magnifique et, dans l’attente, je ne vous cache
pas que je bous littéralement d’impatience!

par Vincent Piednoir
Pistolet de salon, système
Flobert (Liège, 1854).
BROWNING
CUSTOM SHOP
L’atelier d’armes de luxe
S
i la valeur d’une arme se mesure d’ordinaire à l’aune de sa
robustesse et de son efficacité
létale, seule sa qualité esthétique est à proprement parler capable
de l’élever au rang de véritable œuvre
d’art. A partir de la fin du XVIe siècle,
d’illustres familles européennes éprouvèrent le besoin d’aménager un lieu qui
rendît spécifiquement hommage à la
beauté intrinsèque de cet objet. Ainsi
naquirent et essaimèrent les fameux
Cabinets d’armes qui font, aujourd’hui
encore, la joie des amateurs éclairés. A
l’époque, il ne s’agissait pas tant d’accumuler fusils et pistolets que de collectionner,tels des tableaux de maîtres,
ces ouvrages luxueusement décorés
que l’on se transmettait de génération
en génération – mêlant ainsi art et mémoire, plaisir des yeux et symbole de
puissance. A la mort de son auguste
propriétaire, en 1643, le cabinet de
Louis XIII – inauguré à la naissance
de celui-ci par son père, Henri IV –
comptait quelque trois cent quarante
créations d’arquebuserie : il ne cessera d’accueillir de nouvelles armes jusqu’à la Révolution. Dans son Dictionnaire amoureux de la Chasse,Dominique
Venner nous apprend que le duché germanique de Pfalz-Zweibrücken détenait (selon un inventaire de 1777) une
riche collection de huit cent quatrevingts neuf pièces – dont certaines portaient d’ailleurs la signature d’arquebusiers français… Au cours des XVII
et XVIIIe siècles, le raffinement des
armes de chasse acquit en Europe un
prestige et une signification sociale
considérables, à tel point que les souverains et la noblesse fortunée s’atta-
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
Ainsi naquirent
et essaimèrent
les fameux Cabinets
d’armes qui font,
aujourd’hui
encore, la joie
des amateurs
éclairés.
79
Planche d’ornements d’arquebuserie du XVIIIe siècle.
BROWNING CUSTOM SHOP
chèrent tôt les services personnels de
fabricants renommés – ainsi que cela
se pratiquait, depuis longtemps, dans
les domaines de la peinture et de la musique. En de telles circonstances, on
comprend que la créativité des corporations armurières fut singulièrement
stimulée, et que chacune d’elles s’efforça d’imprimer à l’époque l’excellence de son style. Or si, en cette matière, les débuts furent italiens et
allemands – le XVIIIe et le XIXe siècles
de l’arme fine furent respectivement,
au dire des spécialistes, français et anglais.Du reste,à ceux qui souhaiteraient
se faire une idée plus précise de ce
phénomène culturel si original, nous
recommandons vivement de visiter
l’extraordinaire Cabinet du Musée de
la Chasse et de la Nature de Paris : patiemment constituée par François et
80
Jacqueline Sommer, cette collection
unique au monde recèle des trésors et
rend merveilleusement compte de la
place éminente que l’on réservait, jadis, à la réalisation des belles armes.
Non content d’être l’une des capitales mondiales de la production armurière,le Pays de Liège fut également,
dès le XVIe siècle, un ambassadeur incontournable de la décoration de luxe.
A cet égard, on ne saurait faire ici l’économie de quelques noms illustres qui
marquèrent à jamais l’histoire de la gravure et de l’ornement : Théodore de
Bry et ses fils, Jean Valdor (père et
fils), Jean Varin, Jean Duvivier, Gilles
et Joseph Demarteau… Autant d’artistes nés dans la principauté épiscopale liégeoise et qui, par leur talent,
contribuèrent à sceller le mariage désormais ancestral de l’arme et de la
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
beauté. Néanmoins, si certains d’entre
eux œuvrèrent en Italie et en France
au cours des XVII et XVIIIe siècles,
exerçant ainsi sur l’Europe une influence technique et esthétique décisive,il faudra attendre la première moitié du XIXe siècle pour que Liège devînt
un temple sacré de l’arquebuserie fine.
Evoquant les planches de modèles qui
circulaient jadis d’un atelier à l’autre
et établissaient, en quelque sorte, la
norme du bon goût, Auguste Francotte
écrit dans Le grand livre de la FN : « Alors
que précédemment c’était à Paris
qu’étaient composés les ornements
dont s’inspiraient les armuriers, c’est
à Liège qu’en 1856 Charles Claesen
publie le recueil le plus remarquable de
l’époque. Les graveurs les plus habiles
et les ornemanistes les plus doués du
moment ont collaboré à cet ouvrage
dont l’originalité étourdissante apparaît parfois un peu excessive. » Et il
suffit en effet d’observer le détail de
certains fusils abrités par le Musée
d’Armes de Liège pour comprendre
que l’exubérante richesse des sculptures, ciselures et autres incrustations
avait, sous le Second Empire, assigné
à la fonctionnalité de l’objet un rôle parfaitement mineur.L’arme conçue comme
œuvre était alors à son apogée.
Toujours est-il qu’à l’aube du XXe
siècle – au moment où la production
industrielle était à peu près partout
de rigueur – les graveurs sur armes et
les fabricants liégeois jouissaient d’une
réputation qui outrepassait très largement les frontières belges. Gardiens
d’une tradition ancienne, ces artisans
rompus au maniement du burin, du
marteau et de la pointe étaient cependant menacés,à court ou moyen terme,
par l’avènement brutal de la Modernité et par son credo foncièrement utilitariste. Aussi la FN eut-elle la bonne
inspiration de créer, dès 1926, un atelier spécifiquement voué à la confection manuelle de belles armes (fusils
et pistolets à usage civil). Situé dans
l’enceinte de l’entreprise, il se donna
pour mission de sauvegarder un art ancestral seul capable de concilier solidité, efficacité et exigence esthétique de
haut niveau ; l’équipe de graveurs qu’il
abritait fut d’abord dirigée par le maître
graveur Félix Funken (1888-1965).
L’arme était alors entièrement façonnée au sein de la Fabrique ; chaque
étape (polissage, garnissage, dressage
des canons,etc.),confiée aux bons soins
d’ouvriers spécialisés. Et que dire du
travail ornemental ? Les œuvres – signées Funken,Vrancken,Watrin,Baerten, parmi tant d’autres – parlent
d’elles-mêmes. Ici un Auto-5 de style
‘‘Art déco’’ représentant une harde de
cerfs en fuite au milieu d’un bois et
sur fond argenté ; là, un superbe pistolet automatique calibre .22 long rifle,
gravé et sculpté dans le style ‘‘Renaissance’’ ; là encore, un B25 figurant –
jusque sur la surface ténue de son
pontet – des canards et des roseaux
finement incrustés d’or, d’argent, de
palladium et de cuivre… A la vérité,
on ne se lasse pas d’admirer la créativité et la variété de ces réalisations
innombrables qui firent, à juste titre,
la fierté de la FN.Dans les années 1970,
l’atelier comptait, rien que pour l’activité gravure, quelque cent quatrevingts personnes travaillant quotidiennement à l’étau, et conformément
aux techniques séculaires ; c’était, de
loin, le plus important du genre au
Arquebuserie de luxe (1815-1914).
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
81
BROWNING CUSTOM SHOP
monde… Cependant,en 1987,décision
fut prise de fermer ce temple de la
gravure : le coût de la main-d’œuvre
hautement qualifiée qu’il nécessitait
s’avéra trop élevé (surtout dans le
contexte difficile de cette période).Pour
perpétuer son savoir-faire et répondre
aux commandes, une société coopérative indépendante fut néanmoins
constituée, dotée d’un effectif réduit.
Tel que nous le connaissons aujourd’hui, le Browning Custom Shop de
Herstal se présente comme le digne héritier de l’atelier fondé en 1926. Certes,
afin de s’adapter aux conditions du
marché moderne,quelques techniques
d’exécution y ont depuis évolué – très
peu nombreuses, et surtout liées à l’interdiction d’utiliser telle substance ou
machine réputée dangereuse. Pour autant,la vocation fondamentale de ce lieu
d’exception n’a pas changé : confectionner, dans la plus pure tradition
liégeoise, des armes à la fois robustes,
performantes et élégantes. Vingt artisans triés sur le volet en produisent
ici une centaine par an. Sont ainsi proposés aux amateurs des CCS (carabines
double express),des BAR,des pistolets
GP (Grande Puissance) – tous luxueusement customisés et de différents modèles. Mais la « star » du lieu reste
incontestablement l’ultime invention
de John Moses Browning, laquelle fut,
au fil des décennies,déclinée en de multiples versions : le célèbre superposé
B25. A lui seul, il représente 70 % des
82
Le maître graveur Félix Funken (1888-1965).
Sont ainsi proposés aux amateurs des CCS (carabines double
express), des BAR, des pistolets GP (Grande Puissance) –
tous luxueusement customisés et de différents modèles.
créations annuelles du Custom Shop.
Entièrement conçu à Herstal,il est réalisé sur mesure et selon le goût particulier du client. Le choix des crosses
disponibles est varié (pistolet,anglaise,
prince de Galles, etc.) – comme celui
des gardes-mains ou des métaux précieux que l’on souhaiterait faire
incruster, par exemple. Chose pour le
moins originale : la personnalisation esthétique de l’arme peut parfaitement
s’inspirer du catalogue de gravures
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
existant ; cependant, libre à chacun
d’imaginer le B25 de ses rêves… en soumettant son propre projet à l’équipe du
Custom Shop. Le fusil fini sera, en
tout état de cause, unique.
Comme tout ce qui est grand, la
beauté ne s’improvise pas. Pour que
naisse un superposé B25,une douzaine
d’étapes seront nécessaires – chacune
relevant bien sûr d’artisans aux compétences spécifiques. Actuellement en
provenance de France, l’acier utilisé
pour la confection des buses inférieure
et supérieure est travaillé à chaud, afin
d’accroître sa résistance.Plusieurs opérations distinctes sont alors exécutées :
perçage et honage de la barre d’acier
(jusqu’à obtenir, pour le calibre 12, un
diamètre régulier de 18,4 mm) ; tournage extérieur de la barre ; martelage
du choke ; tournage extérieur de finition et fraisage des blocs. Ensuite, la
paire de canons (demi-bloc pour les calibres 12 et 20 ; frettés pour les 16 et 28)
est assemblée par brasage à l’argent –
tandis que les bandes latérales et la
bande de visée sont, elles, soudées à
l’étain.Puis on place les tire-cartouches,
avant d’aléser la chambre, de procéder au fraisage final de la tête de canon et au reforage au plomb de son
âme (partie située entre la chambre et
le choke). A l’aide de rabots de sa
conception, le garnisseur élimine alors
tous les résidus de brasure hérités des
interventions précédentes, et confère
leur profil définitif aux canons.
A cette tâche délicate et entièrement effectuée à la main,succède l’ajustage de la bascule, des canons et de la
longuesse – que l’armurier exécute au
moyen du noir de fumée produit par la
flamme d’une lampe à pétrole. Cette
technique ancestrale (précise au millième de millimètre) consiste à appliquer le noir de fumée sur les pièces,
puis à assembler, et désassembler sèchement celles-ci – en sorte que les
points de frictions, rendus visibles par
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
la disparition du noir, puissent être
identifiés et retouchés. Il va de soi que
l’opération sera répétée jusqu’à ce que
l’ajustage soit parfait.« Le mouvement
de basculage (ouverture et fermeture
du fusil) doit être gras et sans nœud » :
telle est en effet la norme Browning.
Le choix du bois répond aussi à des
critères très stricts. Pour sa beauté naturelle et sa qualité matérielle, seul le
noyer est ici utilisé ; il provient de Turquie.Au départ,chaque bloc – toujours
extrait de la racine de l’arbre – pèse
environ 3 kg : après façonnage de la
crosse et du garde-main, il n’en subsistera plus que 600 grammes… Grâce
à une technique similaire à celle du noir
de fumée, on ajuste – lors de la mise à
bois – les pièces d’acier (bascule, pontet, longuesse) aux pièces de noyer
(crosse, garde-main). Le travail de relime peut alors commencer : il confèrera leur forme définitive au busc, à la
83
BROWNING CUSTOM SHOP
poignée et à l’ensemble de la crosse.L’artisan réparera également les menues imperfections du bois, avant de teinter et
d’imperméabiliser celui-ci par saturation à l’huile de lin. On exécutera ensuite manuellement le quadrillage des
zones de préhension, tant pour satisfaire à la sécurité qu’à l’esthétique.
Suit un nouveau travail de relime (le
dernier) sur la bascule, la longuesse et
les canons, accompli à l’aide de burins
et de limes. Puis, lorsque le polissage –
au papier abrasif fin – des pièces vouées
à être décorées est achevé, un autre artiste – et non des moindres – entre en
scène : le graveur. A la pointe sèche, il
va d’abord réaliser l’esquisse qui lui servira de guide ; ensuite, avec patience
et minutie, il fera sourdre du métal les
formes désirées,maniant burins et marteaux comme le peintre ses pinceaux…
Naturellement, la gravure d’une
arme fine Browning porte toujours la
signature de son auteur. De même,
chaque fusil ainsi conçu est-il livré numéroté, et accompagné d’un certificat
d’authenticité et de qualité.
Peu avant le remontage final de
l’arme,on procèdera encore au bronzage
du canon – qui traitera celui-ci contre
la corrosion et lui donnera cet aspect
noir « aile de corbeau » typique de certains Browning.La bascule,la longuesse
et le pontet seront, quant à eux, trempés (« jaspés ») dans des bains de cyanure ; la « couleur » de jaspage sera par
la suite enlevée à l’acide.
84
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
A la vérité,l’excellence du Browning
Custom Shop de Herstal ne doit rien
au hasard. Formés à l’Ecole d’Armurerie Léon Mignon de Liège – qui abrite
une section gravure-ciselure réputée –
ces artisans perpétuent brillamment un
savoir-faire unique en son genre. Et
quand on contemple la haute tenue et
l’élégance de leurs créations, le subtil
mélange de modernité et de tradition
qui s’en dégage – on se dit que l’esprit
des Cabinets d’antan est resté, malgré
les siècles, intact.

« L’ART DES HOMMES QUE J’AI VU
À L’ŒUVRE DANS CES LIEUX M’A
TOUJOURS SEMBLÉ RELEVER QUELQUE
PEU DE LA MAGIE.
CE N’EST PAS
EN VAIN QUE LES FORGERONS
D’AUTREFOIS ÉTAIENT EN RELATIONS
AVEC LES DIEUX OU LES GÉNIES
DE LA TERRE.
ET COMMENT NE PAS
ÊTRE EMPLI D’ADMIRATION ET DE
RESPECT POUR LES GRANDS OUVRIERS,
CES ARTISTES, QUI TRANSFORMENT
DE LEURS MAINS LES SOMBRES
MATÉRIAUX BRUTS QUE L’ON VOIT
ENTRER DANS LEURS ATELIERS
EN CES INSTRUMENTS ÉLÉGANTS
ET PARFAITS QUE SONT LES FUSILS
OU LES CARABINES DE CHASSE
?»
DOMINIQUE VENNER,
DICTIONNAIRE AMOUREUX DE LA CHASSE.
Jours de C HASSE u
HORS SÉRIE
85
par Vincent Piednoir
EN GUISE
de
CONCLUSION
P
our venir à bout des 125 bougies qu’exige la tradition,il faut assurément du souffle… Mais le Groupe
Herstal, ainsi qu’en témoigne ce hors-série, n’en
manque pas. Fort d’un passé qui fait à juste titre
sa fierté, riche d’expériences à la fois variées et singulières,
c’est avec l’énergie de la jeunesse et la clairvoyance de l’âge
mûr qu’il envisage aujourd’hui l’avenir et contemple, en
même temps, le chemin parcouru depuis le 3 juillet 1889 –
date à laquelle la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre,
son ancêtre,fut officiellement créée.Dès l’origine,la FN avait
fort joliment illustré le fameux adage selon lequel l’union
fait in fine la force : n’était-elle pas le produit d’une libre association, d’une mise en commun des talents et des volontés ? Pleine de promesses, cette valeur fondatrice avait guidé
les premiers pas de la Fabrique. En 2014, à travers le Groupe
Herstal, elle n’a pas pris une ride.
125 ans… Qu’est-ce à dire ? Des hauts et des bas,
certes ; des flux et des reflux ; des succès légendaires et des
épreuves ; des paris, des défis – mais aussi d’innombrables
réalisations, inventions, décisions, audaces, rencontres…
Comment évoquerait-on, sans verser dans la simplification,
les multiples évolutions d’un destin tracé à l’encre indélébile,d’un destin qui relève autant de l’histoire industrielle que
de l’histoire humaine ? Les grandes entreprises ne contreviennent point aux irréductibilités du temps : à l’inverse,
elles puisent sans cesse dans les enseignements du passé de
quoi conjuguer leur présent au futur. Cela s’appelle créer.
Le désormais célèbre logo « FN » qui associait jadis le
fusil Mauser 1889 à un pédalier de vélo revêt aujourd’hui la
valeur d’un profond symbole. Qu’avaient en commun ces
deux objets emblématiques ? Mieux : qu’avaient en commun
les armes et les véhicules, les produits agricoles et les métiers à tisser, les raquettes de tennis et les moteurs d’avion ?
Rien de prime abord… et tout en réalité : l’inventivité et le
savoir-faire de ceux qui les mirent au point ; leur volonté d’entreprendre, de perfectionner, de proposer de nouvelles solu-
86
Jours de C HASSE u
tions… Un tel dénominateur confère à l’histoire des produits FN une puissante cohérence interne : en ce haut-lieu
de l’art mécanique, le souci de mettre la technique au service de l’homme fut – et demeure encore – absolument premier. Au reste, le recentrage du Groupe Herstal sur la fabrication d’armes civiles et militaires décidé au tout début des
années quatre-vingt-dix fut bien plus,à cet égard,qu’un simple
retour aux sources – car la longue expérience stratégique et
technologique qu’il avait acquise durant ces décennies d’une
production très diversifiée était désormais inscrite en lui,
disponible, comme un atout supplémentaire…
En redevenant exclusivement armuriers, le Groupe
Herstal et ses partenaires privilégiés ont montré qu’à l’heure
de la mondialisation des échanges et des superstructures
économiques, il est encore possible de concilier tradition
et modernité, culture ancestrale et innovation de pointe. A
telle enseigne que nombre de leurs créations historiques
continuent d’inspirer celles d’aujourd’hui et de demain :
qu’on songe par exemple aux descendants du B25 ou aux
héritiers de l’Auto-5… Afin d’y répondre au mieux, la
logique du Groupe est d’anticiper – par une minutieuse
observation des réalités du terrain – les besoins que tout
changement d’époque fait nécessairement éclore : d’où l’importance capitale que la société herstalienne accorde à sa
section Recherche-Développement ; d’où, également, l’attention particulière qu’elle porte à l’adaptation et au renouvellement de ses gammes de produits.Une approche qui
fonde en somme son statut de leader à l’échelle internationale et dont, il va sans dire, bénéficient indistinctement ses
deux Pôles d’activités propres : défense/sécurité,d’une part,
chasse/tir sportif, de l’autre.
Sur les bords de la Meuse, cent-vingt-cinq bougies ont
été soufflées.
Sous le regard bienveillant et protecteur du dieu Vulcain,
les hommes et les femmes du Groupe Herstal rendent hommage à leurs prédécesseurs. En poursuivant leur œuvre. 
HORS SÉRIE