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SOMMAIRE Juin 2014 HORS-SÉRIE JOURS DE CHASSE l 18 La légende Browning et le mythe Herstal 1, rue Lulli, 75002 Paris Pour obtenir votre correspondant, composez directement le 01.40.54 suivi des quatre chiffres entre parenthèses. www.joursdechasse.com Président-Fondateur Olivier Dassault RÉDACTION Rédacteur en chef : Bruno de Cessole (11.35) 8 L’histoire industrielle du pays de Liège Responsable éditorial : Vincent Piednoir Ont collaboré à ce Hors-Série : Jean-Pierre Decourt, Michel Moreau, Joël Serre et Francis Zimmermann 36 Rédacteur en chef Internet : Louis de Raguenel (11.09) Webmaster : Marie Vercelletto (11.96) Maquette : PJ Paris création, Roland Riou Iconographie : Browning Hersal, Fondation Ars Mechanica, Francis Zimmermann, Marc Verpoorten (p.2), Alain Janssens (p.2), Musée de Reims (p.8), Ito Josué (p.11), F. Niffle (p.12), Cockerill (p.14), Grand Curtius (11, 15, 20, 44, 67, 80, 81) , US Department of Defense (p.62). Responsable couverture : Éric Lerouge (11.91) Responsable production : Nicolas Gigaud (11.87) Responsable photogravure : Denis de Amorin (11.48) ADMINISTRATION GESTION DÉVELOPPEMENT 1, rue Lulli - 75002 Paris Tél. : 01.40.54.11.00 - Fax : 01.40.54.11.81 Secrétaire général, directeur de la diffusion : Antoine Broutin (11.62) Directrice déléguée : Ariel Fouchard PUBLICITÉ Directeur commercial : Jérôme Pinel (Tél. : 06.08.77.99.89 ; [email protected]) Numéro de commission paritaire : 0618 K 79921 - ISSN 1622-8979 DIFFUSION ET ABONNEMENTS Service diffusion : Valérie Dubuy (11.59), Corinne Landry (11.58) Ventes au numéro : Gilles Marti (12.19) ([email protected] ) ADMINISTRATION Directeur administratif et financier : Éric Baracassa (11.30) Services généraux : Catherine Delange (11.13) SERVICE ABONNEMENT 17, route des Boulangers 78926 Yvelines Cedex 9 Tél. : 01.55.56.70.94. Fax : 01.40.54.11.81. Imprimé par Arti Grafiche Boccia en CEE. GROUPE VALMONDE Président : François d’Orcival Vice-président : Olivier Dassault Directeur général, directeur de la publication : Yves de Kerdrel Valmonde et Cie, SA au capital de 1 526 926 euros Actionnaire majoritaire : PFF RCS : Paris B 775 658 412. Siret : 77565841200157. Copyright 2014 - Jours de Chasse. Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute reproduction totale ou partielle du présent numéro est interdite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. ADAGP, Paris 2014, pour les œuvres de ses membres. P 5 par Olivier Dassault E 6 Administrateur Philippe Claessens délégué L’histoire industrielle 8 du pays de Liège Browning 18 18Laet Lalelégende mythe Herstal naissance de la Fabrique Nationale RÉFACE Les armes mythiques De l’Auto-5 à l’A5 : une révolution dans l’arme semi-automatique à usage civil DITO 22 Rencontre avec John Moses Browning 26 Coups durs autres secteurs d’activité : 30 Les du vélo à la fusée armes mythiques 36 36Lesdans De l’Auto-5 à l’A5 : une révolution l’arme semi-automatique à usage civil 41 Le fusil superposé Browning B25 43 Le Browning B725 44 Les carabines 22 LR BROWNING 47 Les carabines BROWNING BAR : origines et descendants 50 La carabine Winchester modèle 70 54 etLalesFabrique armes militaires Herstal 64 etLelesGroupe grands de ce monde Le Groupe Herstal 68 68aujourd’hui et demain Une aventure humaine 30 Les autres secteurs d’activité : du vélo à la fusée 68 Le Groupe Herstal aujourd’hui et demain 79 Browning Custom Shop L’atelier d’armes de luxe 71 Portraits 75 Entretien avec Robert Sauvage de la Fondation Ars Mechanica Browning 79 Custom Shop L’atelier d’armes de luxe 86 E N GUISE DE CONCLUSION Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 3 4 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE PRÉFACE U n chasseur n’oublie jamais l’arme de ses débuts, qu’il l’ait acquise ou qu’elle lui ait été offerte. Il garde en mémoire l’émotion qui fut la sienne quand il l’a, pour la première fois, tenue entre ses mains, quand il l’a épaulée, quand il l’a mise en joue, et, bien sûr, quand il l’a étrennée face au gibier et que la réussite fut au bout du fusil. Cette première arme, pour moi, fut un Browning. Depuis, au cours de ma déjà longue carrière de chasseur, j’ai eu l’occasion d’utiliser ou d’essayer de nombreux fusils,de tous labels, mais je suis resté fidèle à la marque avec laquelle j’ai fait mon apprentissage de chasseur et de tireur. A telle enseigne qu’une demi-douzaine de B 25 et de leurs successeurs sont rangés dans mon râtelier d’armes aux côtés d’une douzaine de Winchester,autre marque liée à l’histoire d’Herstal. Cet attachement va bien audelà des qualités intrinsèques du fusil le plus emblématique de la manufacture belge,le premier superposé de l’histoire de l’armurerie et, sans doute, le plus vendu au monde : harmonie de la ligne, fiabilité, précision, perfection de l’équilibre… A la lecture de ce hors-série, j’ai découvert que plus de 155 interventions manuelles étaient requises pour garantir un ajustage irréprochable et que 2310 opérations de contrôle garantissaient la qualité des pièces qui le constituent.Sans doute estce la raison pour laquelle j’éprouve tant de confiance dans mes fusils : ils n’ont jamais trahi ni déçu mes exigences, et je leur demande beaucoup ! Entre un chasseur et son arme préférée existe une relation particulière, une sorte d’intimité ou de connivence qui cautionne la justesse et la régularité du tir. Mes Browning sont un prolongement de moi-même, de mon œil directeur Jours de C HASSE u par Olivier Dassault et de mon bras. Avec eux, grâce à eux, la montée à l’épaule est aisée et le tir instinctif. Combien d’oiseaux difficiles à décrocher, combien de doublés ou de coups du roi n’ont-ils pas favorisés ! Davantage qu’une arme ils sont, à mes yeux, des compagnons loyaux et, je dirai même plus, une œuvre d’art, alliance parfaite de l’esthétique et de l’efficacité. Mon grand-père, Marcel Dassault, avait coutume de dire qu’un bon avion doit être beau, et que sa beauté contribue à ses performances. En ce sens, comme j’ai pu m’en apercevoir au cours de mes visites à Herstal, je discerne comme une parenté entre l’armurerie fine et l’industrie aéronautique, à laquelle le nom de ma famille est indéfectiblement attaché. Génie des premiers inventeurs, sens de l’innovation technologique, constamment renouvelée,qualité des matériaux, précision millimétrique des ajustages,nécessité d’un contrôle minutieux à toutes les étapes de la fabrication : autant d’impératifs communs à ces deux branches industrielles de haute précision. De même que le pilote doit faire corps avec son avion, de même le chasseur doitil faire corps avec son arme. Aux commandes d’un Falcon ou à la chasse avec mon Browning, j’éprouve ce sentiment à la fois grisant et rassurant. L’histoire des marques, Browning ou Dassault, se confond avec l’épopée industrielle du XXe siècle. En cette année 2014 où Herstal-Browning célèbre son cent-vingt-cinquième anniversaire, qu’il me soit permis de souhaiter à cette firme centenaire un avenir digne de son glorieux passé. HORS SÉRIE 5 Edito par PHILIPPE CLAESSENS ADMINISTRATEUR DÉLÉGUÉ N ous célébrons aujourd’hui le 125e anniversaire du Groupe Herstal, dont l’ancêtre historique, la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre, vit le jour en 1889 – afin d’honorer une commande de fusils Mauser émise par l’État belge. La même année, on inaugurait à Paris l’un des plus célèbres monuments de la modernité,à la fois chef-d’œuvre artistique et joyau de l’industrie métallurgique : la Tour Eiffel. Comment ne verrait-on pas,dans cette heureuse coïncidence,un symbole, et presque un signe ? L’une et l’autre firent du temps leur allié : tel est bien le propre des grandes entreprises humaines… Dès sa naissance – et avec une fidélité exemplaire – la FN contribua à perpétuer l’excellence d’un savoir-faire armurier vieux de cinq siècles en terre liégeoise. Garants de ce précieux héritage, ses fondateurs furent également très sensibles aux vertus conjuguées du travail collectif et de l’inventivité personnelle : sans doute seraient-ils fiers de constater que l’odyssée herstalienne continue de s’écrire en 2014… Tant il est vrai que le glorieux passé de l’entreprise n’a cessé de nourrir son présent – en inspirant son avenir. Au départ, l’activité « Défense » fut au cœur de la production : c’était, en quelque sorte, sa raison d’être. Néanmoins, certaines circonstances ont vite incité les acteurs de la FN à exercer leur créativité dans d’autres domaines industriels : la confection d’armes de chasse et de tir – bien entendu – mais aussi de bicyclettes, de motos, de voi- 6 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE tures,de camions,de matériels agricoles, de moteurs d’avion, etc. Prodigieuse diversité, où la FN mit toujours le meilleur d’elle-même ! Répondant aux besoins d’époques précises, les anticipant même quelquefois, ces productions offrirent à la société l’opportunité de développer et d’approfondir ses multiples compétences – son expertise mécanique, notamment. Aussi la richesse de son portefeuille d’activités fut-elle – et représente-t-elle encore – un atout inestimable : l’amplitude de son expérience, comme la qualité de ses techniciens, en attestent. Mais si l’on se souvient avec bonheur des nombreux succès et records remportés par la FN au cours de son histoire, nous n’oublions pas, pour autant, les résultats plus mitigés auxquels elle dut parfois faire face – et dont elle s’efforça, constamment, de tirer leçon. Le destin d’une grande entreprise n’est-il pas, en vérité, tributaire des obstacles qu’elle aura su dépasser ? En tout état de cause, les valeurs fondamentales qui ont jadis présidé à l’évolution de la FN sont demeurées intactes : une volonté d’entreprendre et un désir d’innovation à toute épreuve.Aujourd’hui recueillies et conservées par la Fondation Ars Mechanica,les traces matérielles de ce passé original constituent un patrimoine emblématique, mieux : un témoignage extraordinairement vivant. A la fois patiente et audacieuse, la Fabrique a peu à peu franchi les frontières de la Belgique pour épouser les contours d’une véritable épopée mondiale – avant de devenir, au début des années quatre-vingt-dix, le Groupe Herstal, propriété de la Région Wallonne.Ce dernier excelle ainsi autour de deux pôles : Défense / sécurité avec la marque FN Herstal ; Chasse / tir sportif avec les marques Browning, Winchester (licence Olin) et Miroku (partenaire japonais). En moyenne,l’un et l’autre pôles représentent respectivement 60 % et 40 % du chiffre d’affaires annuel. Grâce à une politique d’innovation intensive, au déploiement toujours soutenu de ses gammes et au très haut niveau d’exigence qu’il attache à la qualité de ses fabrications,le Groupe Herstal se situe parmi les leaders mondiaux dans ses deux domaines d’activité propres. Telle reste son ambition pour l’avenir. Socle historique de l’entreprise,l’activité Défense et Sécurité n’a cessé de se développer au gré de produits devenus incontournables à l’échelle internationale – qu’il s’agisse de pistolets, de fusils ou de mitrailleuses,sans omettre les munitions qui leur sont associées.Aujourd’hui, nos efforts sont plus que jamais orientés vers la création de nouvelles générations d’armes, de nouvelles applications (tels les systèmes aéroportés et terrestres), de nouveaux créneaux (comme le Less Lethal). L’histoire du Groupe est par ailleurs indissociable de la confection d’armes de chasse.Dès la fin du XIXe siècle,cellesci jouèrent un rôle éminent dans le développement de l’entreprise et dans la consolidation de sa renommée. De cette époque datent en effet les premiers Browning – du nom du génial inventeur mormon John Moses Browning, armurier à Ogden (Utah), puis Liégeois d’adoption,qui effectua soixante-et-un voyages à Herstal au cours de sa vie… La rencontre de l’ingéniosité Browning et du savoir-faire FN fut d’une rare fécondité : 7.62 Browning, Auto5, B25, 9mm High Power – parmi tant d’autres… Dans l’univers de l’armurerie,qui donc ignore encore ces « classiques » ? Ils illustrent à eux seuls l’esprit du Groupe – un esprit naturellement tourné vers les ressources techniques et humaines qu’offre la mondialisation. Ancrée autour de Liège, la mondialisation de notre société s’est progressivement accentuée : Marketing, Jours de C HASSE u HORS SÉRIE R&D, Production, Contrôle Qualité, Commerce et Distribution, etc., s’appuient dorénavant sur les sites et équipes de Herstal (Belgique), Viana do Castelo (Portugal), Morgan (Utah), Columbia (Caroline du Sud), Washington (Virginie), Kochi (Japon)… et sur ceux de nos multiples partenaires à travers le monde. Rendue possible par la révolution des médias, cette internationalisation des efforts et des cultures est une chance pour l’entreprise – tant sur le plan industriel,commercial et technique que social. Toujours est-il que les amateurs de chasse et de tir sportif découvriront assurément, parmi nos produits, de quoi satisfaire leurs désirs et leurs exigences de qualité : des armes prestigieuses aux technologies innovantes (fusil B725, Maxus, SXP, Carabine BAR), des munitions, des équipements outdoor – tous synonymes de confort,de sécurité,de fiabilité. Sans oublier, bien entendu, les somptueuses finitions exécutées demain de maître par le Custom Shop, l’atelier haut de gamme de la marque Browning ! Chasseurs et tireurs connaissent la devise qui unit les équipes Browning à leurs armuriers partenaires : The Best There Is. Expression de la confiance que nous accordons à nos produits, elle résume aussi – surtout – la charte de valeurs à laquelle nous souscrivons depuis toujours,afin de répondre au mieux aux attentes de nos clients. Bien plus qu’une simple affirmation de compétences,elle est un guide :notre guide – pour l’avenir ! 7 par Jean-Pierre Decourt - photographies : Francis Zimmermann L’HISTOIRE INDUSTRIELLE DU PAYS DE LIÈGE Vue de Liège en 1567. Copie ancienne du tableau de Lucas van Valckenborgh, aujourd’hui détruit. 8 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE C omme une figure de proue sur l’île Monsin, la statue du roi des Belges, dressée, entre la Meuse et le Canal Albert, au sommet de sa haute colonne de pierre semble toujours veiller sur le destin de Liège et du troisième port fluvial européen. A Seraing, Chertal ou Herstal, partout où porte le regard, des usines et des fabriques s’étendent. Certaines en pleine activité, comme le Groupe Herstal,d’autres éteintes et peu à peu transformées en décors pour les films des frères Dardenne. Ce matin la lumière est splendide et illumine les barres grises striées de rouille des quais de déchargement. Sur les hauteurs, derrière les longues rues où s’alignent des dizaines de maisons de briques rouges,on distingue le stade de football du « Standard de Liège ». Et toujours, omniprésentes, comme enchâssées dans le paysage,les façades des anciennes manufactures qui ont fait la richesse du bassin… Toutes ces entreprises ont en commun la même histoire : celle du grand commerce fluvial, de l’armurerie, des houillères, de la sidérurgie, de la cristallerie, du haut artisanat et des innombrables inventions technologiques qui, portées par la Révolution industrielle des XVIIIe et XIXe siècles, ont fait du pays liégeois l’un des plus grands centres économiques d’Europe. Comprendre l’univers industriel de Liège, c’est d’abord se plonger dans la géographie intime du pays mosan et les méandres d’un fleuve navigable qui, très tôt,ouvre de nouvelles routes commerciales.A l’époque antique,Liège est déjà le siège d’un important domaine agricole. Une villa qui deviendra cheflieu de diocèse. Ici, la batellerie et le trafic fluvial attirent très vite une classe marchande de plus en plus présente dans le système politique et religieux. C’est le début de l’essor des villes mo- Jours de C HASSE u HORS SÉRIE sanes à la fin de l’Empire Romain et au début du Moyen Âge. Grâce à l’action des évêques Éracle, Notger et Wazon, au Xe siècle, Liège profite de l’activité économique locale et devient la capitale d’une puissante principauté épiscopale. Ses écoles sont célèbres. C’est le temps de la naissance de l’orfèvrerie,de la miniature,de la sculpture sur ivoire,de l’architecture religieuse et des « trente-deux métiers ». La sidérurgie, aussi, commence à se développer, comme dans le bourg de Spa, par exemple, qui a su faire de la métallurgie un atout. Située à proximité des mines, des gisements de fer et des forêts,riche en bois,cette commune a particulièrement contribué à l’émergence 9 L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGE La S.A. des Charbonnages et hauts fourneaux d’Ougrée, près de Liège, vers 1850. Cockerill meuse en attribue l’origine à un forgeron de Plainevaux nommé Hullos. Mais d’après les historiens, son exploitation intensive débute véritablement à la fin du XIIe siècle, quand la demande en bois s’accroît à mesure que les forêts disparaissent,transformées en charpentes pour la construction et en fagots pour le chauffage. C’est elle qui contribue aussi à la renommée du bassin liégeois, ainsi qu’à sa prospérité durant des siècles. Le mineur est alors roi.Et c’est son savoir-faire qui conduit les armées du Moyen Âge à recruter des sapeurs liégeois dans les guerres de siège, comme en 1430 devant Compiègne où ils furent enrôlés par le duc de Bourgogne. La houille, bien évidemment, révolutionne aussi les technologies de forge.Le développement de l’artisanat et l’industrialisation des techniques, grâce au charbon et au fer des Ardennes apportent une prospérité sans égale. Les fabriques d’armes tournent à plein régime et la ville profite de son soutien à Charles Quint.Au XVI et au XVIIe siècles, la région est de plus en plus réputée pour son savoirfaire mécanique et particulièrement ses armes à feu. des grandes familles de maîtres de forges. Les fabriques utilisent alors l’énergie hydraulique et les moulins comme force motrice. En plus du travail de finition du fer, l’industrie de la clouterie est florissante, notamment dans la commune lainière de Verviers. Aidée par un climat économique favorable, la région multiplie les corps de métiers de la métallurgie. Favorisée par les affluents de la Meuse, propice à l’établissement de roues hydrauliques, les forges et fourneaux connaissent une prospérité sans précédent. Le battage du cuivre, le travail de l’étain et du fer deviennent les clés d’une industrie florissante et bientôt connue dans toute l’Europe. Puis, les évolutions technologiques de production, comme la fenderie et l’invention des premiers laminoirs, permettent aux clouteries et aux 10 forges d’augmenter leur productivité et de se tourner vers une nouvelle spécialité : les armes blanches et surtout, la canonnerie, de siège, d’abord avec les bouches à feu, puis portative avec l’apparition de l’arquebuse à la fin du XVe siècle. Et puis il y a la houille et ses mineurs. L’histoire de Liège et celle de ce précieux combustible minéral sont si intimement liées, que la région revendique la priorité de sa découverte sur le continent européen.Une affirmation corroborée en partie par des fouilles archéologiques qui ont permis, en 1907, la découverte de morceaux de houille destinés au chauffage dans une villa antique. On dit même que le mot houille proviendrait d’un très ancien mot local,« hoye »,signifiant « fragment,éclat, motte ». Dans ses écrits, Jean d’Outre- Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Siège de la ville de Liège par le duc de Bourgogne et le roi de France en 1468. Gravure sur bois de 1498. Cassette de pistolets à silex, par J. Lambert dit Biron, à Liège, offerte en 1813 par l’empereur Napoléon 1er au feld-maréchal comte de Wurben Littitz, ambassadeur extraordinaire de l’empire d’Autriche. La fabrication d’armes apparaît très tôt dans la principauté liégeoise et les chroniques attestent déjà de l’existence, vers 1350, de bouches à feu coulées en bronze et en fer forgé dans les environs de Liège. A cette époque la métropole mosane est déjà réputée pour la très grande compétence de ses artisans canonniers, fondeurs de boulets, et fournisseurs de poudre à canon. En 1430, confiant dans la qualité et l’expertise des forgerons liégeois,Phi- lippe le Bon, Duc de Bourgogne, engage à son service trois « faiseurs de coulevrines » de la région : Georges Thibaut,Gérard Oudriet et Jean Detaille. En 1520, en Wallonie, dans la province de Luxembourg, le capitaine de cavalerie Sébastien de Corbion met au point une arme à canon court, se tirant d’une seule main qu’il baptise « Pistolet ». Le premier prototype des armes d’arçon de la cavalerie et de Un atelier d’armuriers au XVIIe siècle. Fusil dit de Louis XIV réalisé par Gilles Massin, fabricant d’armes à Liège (vers 1730). Jours de C HASSE u HORS SÉRIE toutes les armes de poing vient d’être inventé. C’est une révolution. Puis, autour de 1550, apparaissent à Liège les premières platines à Rouet. C’est ainsi que fut créé à Goffontaine, en 1578, dans le duché de Limbourg, l’un des premiers ateliers d’armurerie et de forge spécialisé du bassin liégeois. Le nombre d’armes fabriquées ne cesse d’augmenter et les artisans se perfectionnent. Issues des « trente-deux métiers » de l’époque médiévale, les corporations armurières se spécialisent. Les « faiseurs de bois d’arquebuse » font partie des Charpentiers. Les « faiseurs de Canons » sont issus des forgerons, les fameux « Févres », tandis que les « horlogers » produisent aussi des platines. La fabrication d’armes à feu portatives connaît un essor fulgurant.Liège commence à livrer dans l’Europe entière des armes ou des pièces d’armes. Il n’est pas rare, alors, de trouver un pistolet signé d’un grand maître allemand, italien, suisse, hollandais, espagnol,portugais,anglais ou même français, mais assemblé avec des éléments d’armes fabriqués et fournis par des artisans liégeois dont la notoriété est presque sans rivale. La principauté exporte également en Afrique du nord, aux Indes ou en Turquie, des armes de luxe gravées, ou de chasse, souvent exceptionnelles. Les artisans armuriers travaillent de façon indépendante, souvent à domicile et se spécialisent dans certaines opérations,dans des petits ateliers composés d’une simple pièce équipée d’une 11 L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGE Planche d’ornements d’arquebuserie, publiée à Paris, en 1743, par le Liégeois Demarteau. ment d’une profonde culture armurière dont le Groupe Herstal est aujourd’hui l’héritier direct. C’est le temps de Jean de Corte.Industriel, marchand et munitionnaire liégeois, mais aussi trésorier et fournisseur des armées du roi d’Espagne aux Pays-Bas.Plus connu sous son nom latinisé de Curtius, il est l’homme qui relance et vivifie l’ensemble du tissu industriel de la principauté au XVIIe siècle.Construit entre 1600 et 1610,son domicile, « La maison Curtius », aussi appelée « Palais Curtius » par la population de l’époque, très impressionnée par les dimensions du bâtiment,est l’exemple le plus représentatif de l’architecture Renaissance dans la région mosane.Devenue aujourd’hui le « Musée Grand Curtius » et classée « Patri- moine majeur de Wallonie », « La Maison Curtius », symbole de la prospérité liégeoise,est l’un des plus beaux témoignages de l’esprit de la Renaissance et du courant humaniste local. Une période où artistes, marchands, artisans, poètes, mathématiciens et philosophes insufflent une riche vie culturelle et intellectuelle à Liège. Pourtant, les XVIe et XVIIe siècles sont éprouvants pour la Principauté, car elle subit de plein fouet la scission des PaysBas espagnols, ainsi que les guerres de Louis XIV. Mais l’industrie continue à tourner à plein régime.Vers 1615, l’extraction de la houille est si développée que Philippe de Hurge, grand voyageur et l’un des échevins de la ville de Tournai, décrit un paysage creusé de si nombreuses galeries de mines, que le versant gauche de la Meuse apparaît presque entièrement dominé de « huttes de bure », ces constructions qui abritaient les puits. Puis avec la révolution industrielle et son appétit insatiable en énergies, apparaissent des techniques nouvelles pour exploiter plus rationnellement les ressources régionales. Ainsi, c’est à Jemeppe en 1720, que la « pompe à feu » du mécanicien anglais Thomas New- L’ancien «palais » de Jean Curtius à Liège. Ancien registre des Métiers de Liège (XVIIIe siècle). baie vitrée.Chacun produit un élément spécifique du lever du jour au coucher du soleil. Ainsi, au cours de sa fabrication, il n’est pas rare qu’un canon passe de main en main avant d’être achevé. Au sommet de la pyramide se trouvent les fabricants qui reçoivent les commandes et confient la fabrication des canons aux « Fèvres », chargés de la soudure du canon. Puis, mouleurs, foreurs et brunisseurs passent aux garnisseurs qui, à leur tour, donnent en sous-traitance la réalisation de différents éléments aux monteurs à bois et aux platineurs, chargés de réaliser le mécanisme de mise à feu. Viennent ensuite les limeurs qui ouvragent chaque pièce pour les fondeurs. Puis sont employés les faiseurs de sousgarde, les faiseurs de baguette, les faiseurs à bois qui réalisent les crosses, puis les graveurs, les ciseleurs, les damasquineurs, les argenteurs, etc. Un univers artisanal à part entière qui crée pour les cinq siècles à venir les conditions intellectuelles,industrielles et économiques nécessaires à l’épanouisse- 12 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Portrait représentant Napoléon Bonaparte, Premier Consul, lors de sa viste à Liège (1803), par Dominique Ingres. Cockerill comen trouve sa pleine application dans l’industrie extractive de la houille. Des hommes d’importance, comme le bourgmestre Mathias-Guillaume de Louvrex, étudient le savoir et l’expérience des maîtres de fosses liégeois pour le transmettre aux autres pays d’Europe. A cette époque,les armes produites à Liège sont faites « à l’œil » sans calibre ni étalon, en « copiant » souvent l’existant.Il faut attendre la commande française de fabrication du modèle 1777, qui impose une norme de réception pour voir apparaître la première standardisation. Cette nouvelle approche fait franchir à une grande partie de l’industrie armurière liégeoise un véritable seuil technologique. A tel point que,pour qualifier un ouvrier de valeur on dira de lui : « C’est un bon, il a fait des 77 » ! Le basculement sous régime français, après la « Révolution Liégeoise » en 1794, puis en 1801, suite au « Traité de Lunéville » signé entre la France et l’Autriche, fait bientôt de l’ancienne principauté du Cercle de Westphalie le fer de lance de la technologie industrielle de la République Française, puis de l’Empire qui espère rattraper son retard sur l’Angleterre. Après le rattachement à la France,Liège se voit imposer un contrôle sur les armes par l’administration française, de plus en plus tatillonne. La fabrication est soumise aux militaires de « l’Agence de vérification, de réception et de paiement des armes » et toutes les armes qui sont trouvées chez les fabricants sont réquisitionnées. En 1797 l’exportation est interdite.Pendant cette période Liège produit seulement des pièces pour toutes les manufactures françaises. La manufacture impériale de Liège est fondée en 1799 par Jean Gosuin, l’homme qui mobilisa une partie des ouvriers armuriers, leur donna la cocarde nationale jaune et rouge et s’empara de l’hôtel de ville le 18 août 1789, puis par son fils Jean-Jacques. En 1801 il obtient, avec la bénédiction de Napoléon, le « privilège exclusif » de fournir la nation française en armes pour six ans.Ce monopole lui permettra d’écraser ses concurrents. Les armuriers liégeois,rassemblés près de la place Coronmeuse à Herstal,se plaignent auprès de l’Empereur, qui répond : « Assurez-moi une fabrication de 30 à 35.000 fusils par an, et je délierai Gosuin, et ses ouvriers pourront alors être répartis entre tous les fabricants ». Privés de leurs débouchés d’autrefois dans les armes de luxe et de chasse,beaucoup d’artisans liégeois vivent misérablement et la plupart n’ont pas d’autres choix que le travail pour les manufactures Jours de C HASSE u HORS SÉRIE d’État.L’atmosphère est morose.Pourtant,la production industrielle ne cesse de se perfectionner et de profiter des dernières innovations technologiques. Dès 1810, le procédé de la distillation de la houille permet la fabrication du gaz d’éclairage qui sert, en 1811, à illuminer les rues de Liège pour célébrer la naissance du petit roi de Rome. De 1810 à 1829, le bassin s’apprête à devenir la seconde puissance industrielle du monde après l’Angleterre grâce à la houille. Mais c’est au prix de conditions de travail très difficiles pour les adultes, comme pour les enfants employés dans les mines. Pendant la même période, peu après la découverte de charbon à Ougrée, la ville de Seraing va progressivement se transformer en cité industrielle. L’arrivée de John Cockerill, encouragée par Guillaume Ier des PaysBas, souverain de Belgique après 1815, qui lui a vendu le château de Seraing pour y installer ses usines métallurgiques, va faire de l’agglomération la « Ville de l’acier ». William Cockerill est né en 1759 dans le Lancashire, en Angleterre.Il débute sa carrière comme forgeron,puis comme ingénieur en mécanique. Grand voyageur et visionnaire, il commence par s’intéresser à l’autre grand secteur d’activité de la région : l’industrie lainière de Liège et de Verviers.Grâce à sa connaissance des méthodes de mécanisation expérimentées au Royaume-Uni, il s’établit à Verviers et commence la fabrication de machines pour le filage et le cardage de la laine. En 1807, il déménage à Liège et y crée une usine avec ses trois fils. A cette époque, l’Europe n’a pas accès aux produits industriels britanniques en raison du blocus continental instauré par Napoléon Ier. Les machines Cockerill deviennent célèbres et modifient durablement le modèle économique établi. En 1842, son fils John fonde la Société Anonyme Cockerill, implante ses activités sidérurgiques à Ougrée et Longdoz, en plus 13 Moteurs à gaz Cockerill de 10 000 chevaux. L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGE de Seraing. La famille dispose désormais des plus importantes usines d’Europe,actives dans le textile,les machines à vapeur, les mines de fer, l’armurerie, la construction métallique, les locomotives… Un rayonnement mondial… Ainsi sur le pont de chemin de fer de Kanchanaburi,en Thaïlande (qui a inspiré le film « Le Pont de la rivière Kwaï »),se trouvent des rails estampillés « made by John Cockerill, 1911 ». Fusion après fusion Cockerill devient « Cockerill-Sambr » en 1981 avant son déclin progressif, puis son rachat, en 1998, par Usinor (devenu « groupe Arcelor », en 2001, et « ArcelorMittal » en 2006). Guillaume Ier va aussi attirer le chimiste François Kemlin et le polytechnicien Auguste Lelièvre, formés aux cristalleries de Vonêche, dans la province de Namur,pour créer dans le château et l’ancienne abbaye cistercienne du Val-Saint-Lambert,les célèbres cristalleries qui sont toujours actives. Le site est idéal. Le combustible pour les fours est abondant, il y a des carrières de calcaire non loin, la région est active dans la métallurgie des métaux ferreux et non-ferreux. Se procurer le plomb nécessaire à la fabrication du cristal est un jeu d’enfant. Le 6 juin 1826, la « Société Anonyme des Verreries et Établissements du Val Saint- La première locomotive belge construite en 1835 par John Cockerill. 14 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Lambert » est créée. Kemlin en sera le directeur général jusqu’en 1838. Rapidement, les fours à bois sont remplacés par des fours plus performants et fonctionnant au charbon.Au départ, le Val Saint-Lambert produit surtout des bouteilles, du verre à vitre et de la gobeleterie en demi-cristal. En 1836, la « Société Générale de Belgique » rachète l’entreprise et Léopold Ier, roi des Belges, en devient un actionnaire important. La société connaît un succès immédiat. En 1839, le catalogue est imprimé en cinq langues, ses produits sont exportés dans le monde entier. Une chaudière à vapeur est installée pour actionner les tours des tailleurs. En 1843, des services qui deviendront célèbres apparaissent. En 1880, le Val occupe 2 800 personnes et produit 120 000 pièces par jour, soit cinquante millions par an ! Au début du XXe siècle, ce sont plus de 160 000 objets qui sont fabriqués par jour ; 90 % de la production est exportée.5 000 personnes y travaillent… « Val-Saint-Lambert », comme la « Société de la Vieille-Montagne », est aussi à l’origine de conceptions nouvelles dans la gestion sociale du monde ouvrier.Dès le début,les dirigeants sont convaincus qu’une production de qualité passe par le bien-être des ouvriers. Ainsi, l’entreprise s’implique-t-elle dans diverses actions, assimilées aujourd’hui au courant paternaliste, comme la création d’une école primaire pour les enfants des ouvriers, la construction de logements, la mise en place d’une caisse d’épargne, de sociétés d’économie,d’une caisse de secours alimentée par un prélèvement à la source et de sociétés de secours mutuels.Mais aussi d’une caisse de retraite et de pension,de magasins alimentaires et de sociétés d’agrément. Une nouvelle fois, l’activité armurière de Liège explose. Depuis 1815 et la fin des manufactures impériales, la région s’est remise à produire des armes dites « de luxe » et ne cesse d’inventer Spécimen de canon de fusil en damas fabriqué près de Liège au XIXe siècle. des modèles et des systèmes nouveaux. Vers 1830-1840 Liège « percussionne », c’est-à-dire transforme massivement des armes à silex en armes à capsules de fulminate. Une façon de moderniser les productions anciennes et d’écouler les stocks. La canonnerie ne cesse d’évoluer. C’est la vogue du « Damas » et des plus beaux canons d’armes longues jamais réalisés. Vers 1850, la mise au point de la « fonte malléable » permet la fabrication en quantité industrielle des premiers revolvers à broche et/ou de poche. Liège se spécialise de plus en plus dans la production sous licence des « Colt », des « Adams », des « Lefaucheux » ou des « Smith et Wesson »… voire de leurs « copies » bon marché. Parallèlement, les armuriers donnent libre cours à leur ingéniosité en inventant,en simplifiant et en mélangeant divers systèmes.C’est l’époque des poivrières Mariette, des grands noms tels Comblain, Rissack, Marck, Decortis, Deprez, Ghaye, Colleye, Herman, Fagard, Desvigne, Simonis,Polain,Spirlet,Warnant,Pirotte, etc. Dans le bassin mosan la ville devient une métropole économique, por- tée encore et toujours par son industrie sidérurgique et ses houillères.A titre d’exemple, un rapport sur la condition des ouvriers au milieu du XIXe siècle fait état de 565 établissements industriels nouveaux établis en moins de vingt ans. Victor Hugo qui sillonne alors l’Europe, est fasciné par l’activité industrielle du pays de Liège. Près de Seraing,aux alentours de 1842,dans « Le Rhin,lettres à un ami,(lettre VII) », il écrit : « Nous serons à Liège dans une heure.C’est dans ce moment-là que le paysage prend tout à coup un aspect extraordinaire.Là-bas,dans les futaies, au pied des collines brunes et velues de l’occident, deux rondes prunelles de feu éclatent et resplendissent comme des yeux de tigre. Ici, au bord de la route, voici un effrayant chandelier de quatre-vingts pieds de haut qui flambe dans le paysage et qui jette sur les rochers, les forêts et les ravins, des réverbérations sinistres.Plus loin,à l’entrée de cette vallée enfouie dans l’ombre, il y a une gueule pleine de braise qui s’ouvre et se ferme brusquement et d’où sort par instants avec d’affreux hoquets une langue de flamme. Ce sont les usines qui s’allu- ment. Quand on a passé le lieu appelé la Petite-Flemalle, la chose devient inexprimable et vraiment magnifique. Toute la vallée semble trouée de cratères en éruption. Quelques-uns dégorgent derrière les taillis des tourbillons de vapeur écarlate étoilée d’étincelles ; d’autres dessinent lugubrement sur un fond rouge la noire silhouette des villages ; ailleurs les flammes apparaissent à travers les crevasses d’un groupe d’édifices. On croirait qu’une armée ennemie vient de traverser le pays, et que vingt bourgs mis à sac vous offrent à la fois dans cette nuit ténébreuse tous les aspects et toutes les phases de l’incendie, ceux-là embrasés,ceux-ci fumants,les autres flamboyants. Ce spectacle de guerre est donné par la paix ; cette copie effroyable de la dévastation est faite par l’industrie. Vous avez tout simplement là sous les yeux les hauts fourneaux de M.Cockerill (…) Liège n’a plus l’énorme cathédrale des princes-évêques bâtie en l’an 1000, et démolie en 1795 par on ne sait qui; mais elle a l’usine de M.Cockerill. » C’est aussi la grande période de l’exploitation et de la transformation Tronçonnage d’une grappe de pièces obtenues par moulage de précision. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 15 L’HISTOIRE INDUSTRIELLE du PAYS DE LIÈGE La dynamo de Z. Gramme. du zinc. En 1835, Alfred Mosselman fait l’acquisition, à Angleur, le long de l’Ourthe,d’un terrain pour y construire une usine à zinc, des bureaux et une maison. En 1837, avec ses enfants et la Banque de Belgique, il crée la société anonyme : « Société des Mines et Fonderies de zinc de la Vieille Montagne ». Trois sites de production sont actifs : Moresnet, Saint-Léonard et Angleur. Le zinc est laminé à Tilff,facilement accessible via le canal de l’Ourthe et à Bray, en France.La production s’élève à 1 833 tonnes.Vieille Montagne est le seul producteur de zinc du pays. Une manne. En 1912,avec une production de 40 000 tonnes, c’est l’usine de zinc la plus importante du monde. Le site sera définitivement abandonné en 1982, mais il aura donné naissance à un empire européen comprenant essentiellement des usines en France et en Allemagne. En 1989, les activités de la « Société de la Vieille Montagne » seront intégrées au groupe industriel « Union minière », connu depuis 2001 sous le nom d’Umicore et coté sur Euronext Belgique… Entre 1850 et 1900, dans le bassin liégeois, de grandes inventions, comme la première dynamo à courant continu, point de départ de l’industrie électrique 16 moderne, inventée par Zénobe Théophile Gramme en 1868, continuent à révolutionner l’industrie. Liège est devenu un centre mondial de production et de transformation des armes, loin devant Saint-Etienne en France. La plupart des armes militaires désuètes, transformées en fusil de traite avec un système du type Snider, ou de chasse par recalibrage type « Chassepot », passent par la ville. Vers 1875, la machine-outil va permettre de réaliser des armes de qualité, mais aussi d’autres produits manufacturés à prix réduit. De nombreuses sociétés industrielles sont créées, dont beaucoup se développent ensuite à l’international : comme la « Fabrique Nationale d’armes de guerre », à Herstal, qui rassemble de nombreux artisans et ouvriers issus de la tradition armurière liégeoise, bien sûr, mais aussi « Englebert », la compagnie de manufacture de pneumatiques fondée par Oscar Englebert à Liège en 1877, qui prendra part à 61 Grands Prix de Formule 1, de 1950 à 1958, et remportera huit victoires avec la Scuderia Ferrari. « Impéria », créée par Adrien Piedbœuf en 1904 à Liège, rue de Fragnée, puis dans l’usine de Nessonvaux,l’une des marques les plus prestigieuses de l’histoire de l’auto- Jours de C HASSE u HORS SÉRIE mobile belge.La « Société des Pieux Armés Frankignoul », fondée par Edgard Frankignoul en 1911, qui atteint son apogée dans les années soixante. Implantée dans quarante-quatre pays,elle prospère jusqu’en 1970.Une ère de difficultés, puis de restructurations qui s’achève par son démantèlement en 1998.Citons aussi la « Société Anonyme des Ateliers de construction de La Meuse », qui produit du matériel ferroviaire et des constructeurs de locomotives à vapeur dès 1872 sous l’impulsion de Charles Marcellis,un Maître de forges liégeois. L’entreprise existe toujours, concentrée sur la chaudronnerie et la mécanique. Et puis il y a la « S.A. des Usines à Cuivre et à Zinc de Liège » ou « Cuivre et Zinc », issue de la fusion des usines Francotte,Chaudoir et Pirlot, en 1882. Une société qui a marqué profondément les consciences à Liège, en Belgique, mais aussi dans toute l’Europe. Tout autour de Liège, d’immenses corps de bâtiments semblent attendre la reprise,misant sur l’expertise et le savoir-faire des hommes pour s’adapter aux nouveaux enjeux du marché. De part et d’autre de la ville, le long de la Meuse,ce fleuve qui a marqué l’histoire, tous continuent à croire en l’avenir. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 17 La gare de Liège-Guillemins, œuvre de l’architecte Santiago Calatrava. par Vincent Piednoir La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL La naissance de la Fabrique Nationale R iche d’une tradition remontant au XIVe siècle, le Pays liégeois constitue à lui seul, à la fin du XIXe, un véritable arsenal où se fournissent des Etats venus du monde entier. D’abord organisés selon le principe de la corporation, les héritiers des forges de Vulcain y sont nombreux : à cette époque, on répertorie, rien qu’à Liège, environ 4000 armuriers – et plus de 2000 à Herstal… Effet de l’extrême spécialisation du travail artisanal,la confection d’une arme reste alors soumise à un circuit de fabrication fort complexe et surtout inadapté à l’essor de la produc- 18 tion industrielle moderne. Aussi conçoit-on, peu avant le début de la guerre franco-prussienne,l’impérieuse nécessité de collaborer plus étroitement. Dès 1870, différentes maisons créèrent donc l’atelier du Petit Syndicat – d’où sortirent les fusils à un coup Comblain que la Belgique, puis plusieurs pays, achetèrent. La même année, sur la base du Petit Syndicat, un autre regroupement vit le jour : visant à décrocher des commandes et à les répartir elle-même pour gagner en efficacité, l’association livra notamment des milliers de Chassepot à la France – avant de se dissoudre,à la fin du conflit. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Une commande de cent cinquante mille fusils à répétition, un savoir-faire ancestral, de l’audace et beaucoup de volonté : ainsi naquit, en 1889, la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre de Herstal. Retour sur les débuts d’une aventure industrielle unique. Vue aérienne de la F N en 1911 Plus tard, en novembre 1886, sept armuriers réitérèrent l’initiative : malgré quelques réussites, les Fabricants d’Armes Réunis subirent partout la concurrence du puissant groupe allemand Loewe, dont les usines inondaient le marché de fusils Mauser ou Mannlicher. Cependant, avec le recul, les Fabricants font aujourd’hui figure de visionnaires. En effet, à la fin des années 1880, le Ministère de la Guerre belge souhaita acquérir pour l’équipement de ses troupes un fusil à répétition plus perfectionné que l’Albini-Braendlin à un coup alors de rigueur. Le 28 août 1888, un appel d’offres fut lancé : il s’agissait d’un lot de 150.000 unités, et dont le modèle restait à définir ; on indiquait, par ailleurs, que priorité serait donnée aux entreprises liégeoises. Or, pour faire face aux investissements requis, les Fabricants promurent auprès de leurs concurrents les vertus de l’union : non sans peine parfois, ils rallièrent à leur cause nombre de ces derniers et, le 3 juillet 1889, la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre fut officiellement fondée. Toutefois, derrière l’unité affichée, des dissensions sont déjà palpables parmi les membres. Certains veulent parier sur la pérennisation de la Fabrique ; d’autres, dès le départ, limitent l’existence de celle-ci à l’exécution et à la livraison de la commande. En outre, pour obtenir l’outillage nécessaire, on décide de se rapprocher du groupe Loewe – ce qui aura,là aussi,des conséquences. Toujours est-il que, le 12 juillet 1889, le fameux contrat est signé. Le modèle choisi, après maints débats, est le dernier né de Paul Mauser (Mauser 1889 à répétition, calibre 7,65 mm). Quelques mois plus tard, la construction de l’usine débute ; les bâtiments, chose encore peu répandue, sont alimentés électriquement. Le 31 décembre 1891, les trois premiers fusils de l’histoire de la FN sont montés – tandis qu’en décembre 1894 l’ensemble de la commande est achevée. A y bien regarder, l’affaire fut rondement menée : au 30 juin 1893, 42 000 Mauser avaient déjà été livrés à l’Etat belge et la production journalière était alors de 250 armes, ce qui est considérable. D’autant qu’en février 1891 une autre opportunité s’était entre-temps présentée : le Ministère de la Guerre avait besoin de 30 millions de cartouches… pour le Mauser, précisément. Peu expérimentés dans ce domaine, les dirigeants de la FN relevèrent pourtant le défi – érigeant,à côté de l’usine d’armes, une fabrique de munitions militaires. Le rendement puis le succès furent, là encore, au rendez-vous. Grâce à cette double commande, l’entreprise herstalienne amortit pro- Jours de C HASSE u HORS SÉRIE gressivement les investissements initiaux de ses membres. Mieux, sa naissante notoriété sur la scène internationale fit converger vers elle de nouveaux contrats venus par exemple du Brésil, de la Chine, de la Norvège ou du Costa-Rica. Cependant, un problème essentiel ne tarda pas à resurgir : les associés qui, depuis sa création, réduisaient l’existence de la FN à la livraison des 150.000 Mauser redoutaient de la voir se développer aux dépens de leurs propres affaires. Redevenus indépendants, n’auraient-ils pas à affronter une concurrence d’autant plus préjudiciable qu’ils avaient eux-mêmes contribué à son apparition ? De fait, entre novembre 1895 et février 1896, il y eut quelques retraits remarquables parmi les cadres ; mais surtout l’on découvrit, dans le même temps, que la Compagnie allemande Loewe avait racheté plus de la moitié des titres de la société, devenant ainsi majoritaire. De nouveaux dirigeants furent désignés. Le sort de la FN était dorénavant lié aux décisions d’un cartel étranger. Certes, la Fabrique apprit beaucoup au contact de cette Allemagne alors résolument engagée dans la voie de sa révolution industrielle.D’abord, grâce au concours de capitaux bancaires venus d’outre-Rhin (mais aussi de Bel- 19 La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL Ensuite, inspirée par les États-Unis (alors à la pointe de l’industrie des machines-outils et cycles), la FN se lança, la même année, dans la réalisation de bicyclettes. Mauser Esp 1893 FN Mauser 1889 gique), la situation financière de la société fut rapidement rétablie. Ensuite, on modernisa les méthodes de production en faisant appel à des ingénieurs spécialisés et à des techniciens issus des grandes écoles (certains avaient été formés dans les usines des Deutsche Waffen und Munitionsfabriken (DWM) ou celles de la Mauser Waffenfabrik). En 1899, on créa deux directions : l’une, commerciale et administrative ; l’autre,technique.En 1904, des fonds furent spécialement affectés à la construction d’un laboratoire de recherche destiné au contrôle des matières premières – initiative très novatrice, à l’époque. La division du travail fut rationalisée, optimisée. En somme, comme l’écrit Auguste Francotte dans Le grand livre de la FN, l’entreprise passa,durant cette période,« de l’empirisme à la méthode scientifique ». A la veille de la guerre, elle employait environ 3500 personnes. Un seul problème se posait – mais de taille : l’appartenance de la FN au groupe Loewe affaiblissait considérablement ses marges de manœuvre, en particulier dans le domaine de la prospection commerciale. Ses contacts directs avec les gouvernements étrangers étaient désormais réduits parce que soumis aux stratégies globales d’un cartel qui favorisait volontiers les firmes allemandes. Dès 1896, la FN fut contrainte d’accepter la stricte répartition, imposée par Loewe,des commandes relatives à l’équipement militaire (armes comme munitions).Certains marchés lui furent totalement interdits ; pour d’autres, 20 elle devait partager le travail avec les différentes usines liées au groupe : DWM, Steyr Waffenwerke, Mauser Waffenfabrik– un partage,il va de soi,presque toujours arrêté en sa défaveur. Cependant, pour remédier à cet état de forte dépendance (qui durera jusqu’à la fin de la Première Guerre), la FN fit tôt preuve – notamment sous l’impulsion de son directeur général, Henri Frenay – d’une grande créativité : elle explora d’autres voies. La confection d’armes de chasse et de sport, d’abord. Les fondateurs s’étaient interdit ce secteur, par crainte d’instituer une concurrence supplémentaire ; les nouveaux dirigeants,eux, encouragèrent d’autant plus l’idée qu’elle permettait de réaffecter une partie du matériel initialement voué à la fabrication d’armes militaires. Aussi décida-t-on, dès novembre 1896, de produire et de commercialiser 50.000 carabines de sport de calibre 22. Un nombre important de fusils de chasse fut également usiné, mais exclusivement sous forme de pièces détachées. Ensuite, inspirée par les ÉtatsUnis (alors à la pointe de l’industrie des machines-outils et cycles), la FN se lança, la même année, dans la réalisation de bicyclettes.Elle conçut même, en 1898,un judicieux modèle dépourvu de chaîne de transmission : le fameux vélo acatène… Ce secteur d’activité sera exploité, avec beaucoup de succès, durant trois décennies. En se diversifiant de la sorte, la Fabrique fit montre, dès ses débuts, d’une grande faculté d’adaptation.Mais elle sut aussi, quand elle se présenta, saisir sa chance et la faire fructifier. Vélo acatène version militaire, équipant l’armée belge aux postes frontières, flanqué de son fusil Mauser fixé au cadre. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Le laboratoire central. La cartoucherie en 1908. Le bureau de contrôle des armes finies en 1914. Ici, des fusils Mauser 1889. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Vélo de course FN (1920). Détails de la selle, des poignées de freins « allégées », de la plaque FN fixée sur le cadre et des deux pignons de roue arrière de développement différent. 21 La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL Rencontre avec John Moses Browning L e hasard, a-t-on coutume de dire, fait parfois bien les choses. Lorsqu’au cours du printemps 1897, le Conseil d’Administration de la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre de Herstal décide d’envoyer aux Etats-Unis son directeur commercial, Hart O. Berg, afin de s’informer des nouvelles techniques utilisées outre-Atlantique dans la fabrication des bicyclettes – on ignore encore qu’à défaut d’honorer pleinement sa mission première,l’homme fera là-bas la rencontre qui marquera pour toujours le destin de la célèbre fabrique belge : celle d’un certain John Moses Browning. Le grand inventeur (qui réduira modestement la formule de son talent à la dilution d’« une goutte de génie dans un tonneau de transpiration ») naquit le 23 janvier 1855,à Ogden – petite ville située non loin de Salt Lake City, dans l’Utah. Issu d’une famille de colons anglais (l’un de ses aïeux, le capitaine John Browning, s’établit en Virginie dès 1622),il apparaît au milieu de ce dix-neuvième siècle américain rendu depuis quasi-mythique par le cinéma et l’imaginaire collectif : c’est en effet l’époque de la conquête de l’Ouest, de la Ruée vers l’Or, des pionniers, des sectes religieuses et des cow- 22 boys ; celle des grands espaces, de la « Liberté », de la « Prospérité » et des fabricants d’armes aux noms légendaires (Winchester,Colt,Remington) ; celle, surtout, de l’esclavagisme et des déchirements politico-historiques qui culmineront lors de la guerre de Sécession. L’Union du pays est alors loin d’être réalisée (l’Utah ne sera officiellement incorporé qu’en 1896) et bien des territoires, sur cet immense continent, demeurent encore méconnus ou inexploités parce que notoirement hostiles. En 1780, Edmund Browning, grand-père de John Moses, avait déjà bâti une ferme dans le Tennessee. Cinquante-quatre ans plus tard, son fils, Jonathan (1805-1879), fonda une petite armurerie dans l’Illinois.Assumant également la fonction de Juge de Paix, il se lia d’amitié avec un jeune homme de loi qui allait devenir, en 1860, le seizième Président des Etats-Unis : Abraham Lincoln. Converti par un missionnaire mormon, Jonathan rejoignit les adeptes de l’Eglise de JésusChrist des saints des derniers jours ; il pratiqua le mariage plural, cumulant trois épouses et vingt-deux enfants – dont John Moses. Durant toute cette période, les Mormons furent l’objet d’exclusions, voire de persécutions qui Jours de C HASSE u HORS SÉRIE les contraignirent à émigrer souvent. Rappelons à titre d’exemple qu’en 1838 le gouverneur du Missouri publia un ordre d’extermination contre les Mormons vivant dans cet Etat – ordre qui aboutira au massacre de Haun’s Mill. Jonathan lui-même émigra avec sa famille à Nauvoo – une ville du sud-ouest de l’Illinois, construite par les Mormons en 1839 sur une zone marécageuse et qui leur servit un temps de refuge. Quand, en juin 1844, leur prophète Joseph Smith fut incarcéré puis assassiné dans les locaux de la prison de Carthage, les Mormons quittèrent Nauvoo et empruntèrent à nouveau la route de l’ouest ; en 1846-47 – après un long périple qui coûta la vie à plusieurs centaines de personnes – ils s’installèrent dans un endroit désertique, fort peu accueillant et accolé aux Rocheuses : la vallée du Grand Lac Salé. C’est ici que fut érigée la future capitale de l’Utah, Salt Lake City. Après un passage dans l’Iowa, le Mormon Jonathan Browning posa à son tour ses bagages dans l’Utah – en 1852.A Ogden,son petit atelier fut surtout destiné à la réparation des armes et à l’exécution de menus travaux relatifs à la mécanique générale ; cependant, le père de John Moses était déjà un inventeur chevronné : parmi ses créations, deux carabines à répétition (l’une à barillet ; l’autre avec un chargeur de type « harmonica »).C’est donc dans une atmosphère particulièrement propice à l’épanouissement de ses dons naturels que John Moses fait, si j’ose L’atelier magasin des frères Browning à Ogden, Utah, vers 1882. carabine à un coup que John Moses vient d’inventer. L’arme, qui se charge par la culasse, est un succès ; elle attire surtout l’attention de Winchester, lequel obtient le droit de la produire luimême. Et ce n’est qu’un début. En 1884, Browning mit au point une carabine à répétition dotée d’un levier fixé à l’arrière du pontet ; celleci fut, là encore, fabriquée par la Compagnie de New Haven et commercialisée sous le nom de Winchester 1886. Le principe de cette arme indissociable de la culture « western » sera par la suite décliné en plusieurs Modèles – dont le célèbre 1894, cher à Buffalo Bill et John Wayne. Entre 1883 et 1887, Winchester fera l’acquisition d’une vingtaine de brevets auprès de Browning ; leur collaboration durera jusqu’en 1902.Ce fut d’ailleurs en observant l’action des gaz dégagés par la bouche du canon d’une Winchester 1873 que l’inventeur réalisa leur utilité potentielle pour la création d’armes automatiques. Ainsi exploita-t-il le principe dit de récupération des gaz à partir duquel il conçut, en 1890, le prototype de sa première mitrailleuse. dire,ses premières armes.Autodidacte, le jeune homme fréquente moins les bancs de l’école que l’atelier paternel où il manie déjà, avec dextérité, les outils qui lui permettront bientôt de réaliser ses propres prototypes. La facilité avec laquelle il s’initie aux subtilités de la mécanique (armurière ou autre) enchante son entourage et contribue à sa naissante réputation – comme l’illustre joliment la B.D. que lui ont consacrée, en 1978, l’historien Claude Gaier et le dessinateur Emjy (La vie passionnante de J.M. Browning). Inventeur précoce,il dépose à vingt-trois ans son premier brevet, reprenant progressivement le flambeau de l’entreprise familiale avec l’aide de son frère Matthew qui s’occupe,lui,du pan commercial de l’affaire. Le 10 mai 1869, le Transcontinental reliant Sacramento à Omaha est opé- rationnel : 3000 km de voies entre la Californie et le Nebraska. A partir de cette date, la liaison ferroviaire entre la côte Pacifique et le réseau est des EtatsUnis est assurée – désenclavant par conséquent l’Utah : une aubaine pour le développement économique de la région, à laquelle le pouvoir fédéral n’a encore accordé, à cette époque, que le statut restreint de territoire. L’atelier d’Ogden saura,bien entendu,tirer profit de cette véritable révolution que représenta le Transcontinental : de fait, en 1878, les frères Browning créent la firme qui porte leur nom et qui s’impose rapidement, nous apprend Gaier, comme « le plus grand centre de réparation d’armes de l’ouest. » En 1880, forts de ces débuts prometteurs, ils construisent un nouvel atelier au sein duquel ils installent une machine à vapeur afin de fabriquer eux-mêmes la Jours de C HASSE u HORS SÉRIE J. M. Browning avec son Auto-5 en 1926. 23 La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL tils adéquates. En janvier 1899, les premiers Browning Modèle 1900 sont prêts. Vendue 30 fr. belges l’unité, l’arme est un succès commercial : en 1910, le nombre d’exemplaires produits dépassera les 724.000… Et, dès 1900,l’Etat belge adoptera l’arme pour l’équipement de ses officiers. Enfin, le Browning 1900 aura plusieurs descendants, dont les Modèles 1906 et 1910 – ce dernier étant « entré » dans l’histoire, puisqu’on sait, aujourd’hui, que c’est au moyen de ce pistolet que le nationaliste serbe Gavrilo Princip assassina l’archiduc François-Ferdinand et la duchesse Sophie de Hohenberg, le 28 juin 1914, à Sarajevo. Browning et son pistolet. Caricature de Jacques Ochs (1914). Cette fois,ce fut la Compagnie Colt qui lui acheta l’idée ; du reste, la mitrailleuse Browning Modèle Colt 1895 sera d’emblée adoptée par l’US Army, et du nouveau mariage contracté à cette occasion par la firme d’Ogden naîtront bien d’autres réalisations couronnées de succès (songeons par exemple au Colt.45 – qui fut le pistolet de l’armée américaine de 1911 à 1985). Le hasard, disions-nous, fait parfois bien les choses… Lorsque le directeur commercial de la FN rencontre les frères Browning,en avril 1897,John Moses vient justement de faire breveter un pistolet automatique 7,65 de sa conception ; au demeurant, tout porte à croire qu’il cherche déjà, à cette époque, d’autres collaborateurs susceptibles d’être intéressés par ses inventions. Browning propose donc la licence de fabrication de son dernier né à Hart O. Berg, lequel, de retour en Belgique, fait part de son enthousiasme au Conseil d’Administration de la FN. Le contrat est signé en juillet ; une année sera cependant nécessaire pour préparer la production et mettre au point les machines-ou- 24 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Quoi qu’il en soit,le Browning 1900 représenta le point de départ d’une aventure industrielle et humaine unique en son genre. En février 1902, John Moses soumit à la FN le prototype d’un fusil de chasse automatique auquel il travaillait depuis quatre ans et qui allait encore constituer,à lui seul, un véritable événement dans l’histoire armurière. Préalablement refusé par Winchester et Remington, l’Auto5 (qui fonctionne par long recul du canon) fera, le 24 mars de cette même année, l’objet d’un nouveau contrat entre Browning et la FN. Cerise sur le gâteau : l’accord est assorti,de la part de l’Américain, d’une commande Reçu signé de John Moses et Matthew Browning (26 juillet 1897). Les quatre champions de tir de l’Utah en 1892. John Moses Browning est le deuxième en partant de la gauche. Browning propose donc la licence de fabrication de son dernier né à Hart O. Berg, lequel, de retour en Belgique, fait part de son enthousiasme au Conseil d’Administration de la FN. Vue en coupe du fusil automatique 5 coups et schéma de fonctionnement. nité. Autre aspect non négligeable de cette complémentarité : l’extension et la diversification des marchés.Lorsque la carabine automatique .22 est lancée, en 1913, Browning en commande immédiatement 50.000 unités destinées à la clientèle américaine ; idem pour un fusil de calibre 20 qui devait sortir la même année (25.000 exemplaires)… A telle enseigne que, dès 1907, il autorisa la FN à faire usage de son nom comme marque de fabrique et de commerce (ce qu’il n’avait accordé à personne auparavant), resserrant des liens Chapelle ardente de JM. Browning à la FN, salle du conseil (1926). ferme de dix mille fusils ! Ils seront écoulés aux Etats-Unis en l’espace d’un an… La FN,quant à elle,produira plusieurs millions d’Auto-5 au cours des décennies suivantes. Prodigieusement féconde, cette collaboration fut une chance réciproque que les deux partis surent saisir avec lucidité : l’entreprise herstalienne offrant un savoir-faire attesté par des siècles d’armurerie wallonne,Browning disposant – outre sa créativité personnelle – d’une intuition très juste à l’égard des besoins issus de la moder- qui allaient se transmettre de génération en génération.Rappelons d’ailleurs qu’au cours de sa carrière Browning ne déposera pas moins de 128 brevets portant sur 80 armes différentes – devenant ainsi « l’inventeur le plus prolifique, tous secteurs industriels confondus » (A.Francotte,Le grand livre de la FN)… La créativité de J.M. Browning a marqué de son empreinte aussi bien le domaine des armes de sport ou de chasse que celui des armes de guerre (pensons notamment à son fusil-mitrailleur à prise de gaz de 1917, adopté par l’US Army et utilisé sur le front français). A sa mort, survenue le 26 novembre 1926 à Herstal (tandis qu’il effectue son soixante-et-unième voyage à la FN), le « Maître » vient d’achever la mise au point de son ultime chefd’œuvre : le fusil de chasse superposé B25, legs fameux que la postérité déclinera en de multiples modèles. Dans la salle du Conseil, où l’on a dressé une chapelle ardente, le personnel défile devant le corps de celui qui reçut, en 1914, la croix de chevalier de l’ordre de Léopold. John M. Browning pose pour la photo officielle de sa mitrailleuse modèle 1895. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 25 La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL Le jeudi 24 octobre 1929, alors que les cours de la Bourse s’effondrent à New York et que la crise se mondialise, le talon d’Achille de la FN est durement touché. Coups durs J usqu’en 1914, la FN est une société prospère. Son coup de maître est d’avoir su diversifier ses productions afin de supporter les très lourdes contraintes que faisait peser sur elle, dans le domaine de l’armement militaire,son appartenance au groupe Loewe. Au tournant du siècle, elle s’était lancée, avec brio, dans la construction d’automobiles et de motocyclettes. Entre 1902 et 1904, six mille de ces dernières avaient été vendues ; entre 1911 et 1914, neuf mille. Les modèles proposés, toujours plus perfectionnés, étaient nombreux. Une succursale commerciale avait même été implantée en Grande-Bretagne, et, devant le développement rapide de la division des engins motorisés, la FN s’était dotée, dès 1906, d’une fonderie.Conséquences appréciables de cette réussite (à une époque où la condition ouvrière était d’une extrême dureté en Europe, et singulièrement en Belgique) : l’entreprise créa différentes structures fondées sur le mutualisme (santé, retraite, épargne) et destinées à ses employés – tandis que de confortables dividendes étaient distribués aux actionnaires. L’attentat de Sarajevo puis le déclenchement de la guerre par le jeu des alliances mirent brusquement fin à cette situation. Le 4 août 1914, les Allemands violèrent la neutralité de la Belgique ; le 16, après dix jours de résistance, Liège tomba. Très vite, les autorités occupantes firent savoir à la FN qu’elles souhaitaient la voir reprendre le travail. Songeant que celui-ci bénéficierait, à court ou moyen terme, à l’ennemi, le Conseil répondit en fermant l’usine (alors même que la majorité de ses administrateurs étaient allemands) et en allouant des subsides et des avances au personnel. En guise de représailles, des machines-outils furent réquisitionnées. Cependant, 26 comme la guerre se prolongeait,le gouvernement impérial se fit plus pressant : face à la résistance unanime du Conseil, il condamna à la prison, pour refus de collaborer, le directeur général de la FN, Alfred Andri, puis, plus tard, renonçant à l’idée d’une contribution volontaire à l’effort de guerre, décréta la mise sous séquestre de la société (1917). Les troupes allemandes transformèrent elles-mêmes la fabrique en un vaste atelier de réparation de véhicules. Le personnel de la FN encore présent fut surtout affecté à la construction de machines-outils.Dans le hall d’usinage, on avait installé, dès 1914, un hôpital dédié aux soldats du Kaiser. Peu avant la signature de l’Armistice, la Société Générale de Belgique fonda, avec plusieurs banques belges, l’Union Financière et Industrielle Liégeoise. Le but de cette Union était de constituer un capital suffisant pour racheter les titres de la FN détenus, depuis 1896, par les DWM. En mars 1919, ce fut chose faite : la Fabrique se libérait définitivement de l’emprise du groupe Loewe. Néanmoins, quatre années de guerre et d’occupation avaient profondément bouleversé la situation. La fragilité du contexte politique liée au démantèlement des empires, le protectionnisme ambiant et l’instabilité monétaire limitaient considérablement la liberté des échanges.Or la FN vivait, pour l’essentiel, d’exportations. En outre, l’éviction de Loewe eut pour conséquence de provoquer une importante pénurie parmi les cadres ; la plupart d’entre eux, en effet, étaient allemands. Et la maind’œuvre qualifiée, inévitablement, manquait… Là encore, la Fabrique misa sur son inventivité. Sous la direction d’Alexandre Galopin (figure historique de la FN, il sera assassiné en 1944 par des Belges acquis au nazisme), elle embaucha de jeunes ingénieurs et techniciens belges, ouvrit une école de for- Jours de C HASSE u HORS SÉRIE mation professionnelle à l’intérieur de l’usine, créa un centre de sélection psychotechnique pour améliorer les méthodes de recrutement, restaura et modernisa ses installations. La conjoncture internationale n’étant plus, et pour cause, propice au commerce des armes militaires, il fut surtout décidé de renouer avec les véhicules à moteur : l’automobile et la motocyclette remirent si bien l’entreprise sur les rails qu’il fallut construire, en 1928, une nouvelle usine exclusivement destinée à leur production ! La même année, une autre succursale commerciale voyait le jour – en Suède… Entre 1919 et 1929, priorité fut certes donnée aux engins motorisés. Cependant, plusieurs gros contrats d’armement militaire furent signés avec les gouvernements brésilien, mexicain et surtout serbe, entre 1923 et 1927. Par ailleurs,après avoir absorbé deux firmes spécialisées dans les munitions, la FN construisit, à Bruges, une cartoucherie dotée d’un laboratoire de balistique (1929).Enfin,n’oublions pas que J. M. Browning continuait de lui soumettre ses inventions. Chassez le naturel… Mais si les investissements colossaux engagés depuis 1919 offrirent d’abord à la FN un souffle nouveau, ils la fragilisaient également en profondeur. Le jeudi 24 octobre 1929, alors que les cours de la bourse s’effondrent à New York et que la crise se mondialise, le talon d’Achille de la FN est durement touché. Réduits au marché belge, tous les départements sont frappés, en particulier la division des voitures (qui sera abandonnée en 1935). La vente des motos est en chute libre. En 1929, l’usine de Herstal emploie 9000 personnes ; en 1934, 2500. Financièrement, elle est au bord de la faillite : de 1930 à 1934, le découvert bancaire de l’entreprise passe de 52 à 101 millions de francs belges. Et le 30 mai 1934, la valeur du titre est de… 89 francs. Dès 1932, la FN se réoriente L’entrée principale de la FN durant l’occupation allemande. La mission de réparation de véhicules y est manifeste. Montage et réparations des motocyclettes. On remarque la prédominance des militaires allemands, en uniformes et en tenue de travail. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 27 La LÉGENDE BROWNING et le MYTHE HERSTAL Une des cours de la FN durant l’occupation allemande. vers la fabrication de véhicules dits « spéciaux » (camions, camionnettes, trolleybus). Mais les produits civils ne suffisent pas. rey Asp GP Canons automatiques Bofors pour le tir aérien. Il faudra attendre 1935-36 pour observer une véritable amélioration. En dépit des préconisations de la SDN, et face, notamment, aux dispositions belliqueuses du nouveau régime allemand, l’heure est alors, en Europe, au réarmement. Au début des années ’30, déjà, le recentrement de la FN sur son domaine de prédilection est perceptible : Dieudonné Saive,chef du bureau d’études,perfectionne le fusil-mitrailleur Browning, crée un pistolet modèle réduit (le Baby 6,35mm), puis un autre à grande puissance (le GP 9mm). La cartoucherie fabrique de son côté balles perforantes,traçantes ou encore incendiaires. En 1934, la Belgique a acheté à la FN l’équivalent de 100 millions de cartouches, adopté le FM Browning et acquis 630 mitrailleuses d’avion. Très vite, on comprend que le redressement de l’entreprise exige un retour radical aux sources : armes légères, munitions, mais aussi canons anti-aériens, grosse artillerie, systèmes embarqués. Entre 1935 et 1939, une clientèle venue du monde entier se bouscule : Grèce, Yougoslavie, Portugal, Pays-Bas, Finlande, Pérou, Paraguay, Bolivie, Roumanie, etc. La Chine de Tchang Kaï-Chek effectue d’ailleurs les plus grosses commandes.A la veille de la Seconde Guerre mondiale, la Fabrique est redevenue, en un temps record, un arsenal. La valeur boursière de son titre oscille maintenant entre 400 et 900 francs.Elle emploie quelque 11.000 personnes. Le 10 mai 1940, l’Allemagne viola, pour la seconde fois, la neutralité de la Belgique. Deux jours plus tard, la Wehrmacht prit Liège et, le 28, l’armée 28 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE belge capitula. Un an auparavant, des dispositions avaient été prises concernant la FN : pressentant que l’on ne pourrait défendre Herstal en cas d’attaque, on avait décidé de transférer les machines de la Fabrique à Bruges d’abord, puis à Toulouse. En vain : la progression allemande s’avéra trop rapide, et, quoiqu’une partie de l’équipement fût bel et bien déménagée vers la France – celle-ci signa,le 22 juin, l’armistice… A l’instar du Luxembourg, la Belgique fut alors soumise au régime de l’occupation militaire. Le 17 mai, les Allemands exigèrent des dirigeants de l’usine la reprise de leurs activités. Comme en 1914, les intéressés s’y refusèrent – mais, dès le 5 juillet, les autorités nommèrent Franz Scharpinet (directeur des DWM) séquestre curateur de la FN. Investi de tous les pouvoirs, ce dernier remit immédiatement les ateliers au travail, après avoir recruté la main-d’œuvre nécessaire (car seuls 10 % des ouvriers étaient restés au service de l’occupant). Entre-temps, plusieurs figures importantes de la FN – dont Dieudonné Saive et Gustave Joassart,directeur général « déchu » – avaient clandestinement gagné la Grande-Bretagne et offert, là-bas, leur aide technique. Placée sous séquestre, la Fabrique est intégrée au complexe militaroindustriel du IIIe Reich qui répartit, pour des raisons stratégiques, la confection de l’armement entre ses différents sites. A partir de 1942-43, l’afflux de personnel réquisitionné par le service obligatoire (jusqu’à 12.000 travailleurs) augmente fortement ses capacités de production – malgré les actes de sabotage qui se traduisent, le plus souvent, par la défectuosité des pièces. Durant la guerre, l’usine Montage des pistolets-mitrailleurs M3 - groupe 48 (Août 1945). construisit notamment des centaines de milliers de GP, des canons et des verrous pour carabines Mauser 98K, des munitions, des éléments pour véhicules terrestres et aériens mais également, nous dit Auguste Francotte, « douze pièces du canon Mark 108, calibre 30mm, pour l’armement du premier avion à réaction de l’histoire : le Messerschmidt 262 », avion qui ne sera opérationnel qu’à la fin des hostilités. Lorsqu’en septembre 1944 les Américains libèrent la Belgique, les troupes d’occupation ont, depuis plusieurs mois, commencé à évacuer vers l’Allemagne une somme considérable d’équipements en tous genres. Le 7, la direction de la FN reprend possession de l’usine, mesurant l’étendue des pertes : sur plus de 8000 machines-outils, près de 2000 ont été détruites ou ont disparu. Humainement, matériellement, financièrement – la Fabrique est à l’image de l’Europe. La situation est d’autant plus désastreuse que, tout au long de l’hiver 1944-45, la région liégeoise sera la cible d’intenses pilonnages de représailles : les bombes volantes V1 et V2 causeront d’énormes dommages à la Fabrique, comme en témoignent les photographies. Pourtant, avant même l’arrêt définitif des combats, ses dirigeants parvinrent à remettre certains ateliers en route : on réalisa alors des pièces spécifiques pour les chenilles des chars américains, ainsi que des armes légères… Une époque se terminait. Il fallait maintenant, malgré les coups durs, songer à demain. Destructions causées à la FN par les bombes volantes V1 et V2 à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 29 par Vincent Piednoir LesAUTRES SECTEURS D’ACTIVITÉ : duVÉLO à la FUSÉE A u cours de son histoire, la Fabrique Nationale n’a pas seulement confectionné des armes à feu, loin s’en faut. Elle fut parfois amenée – pour s’adapter aux exigences de la modernité, mais aussi par l’effet de son dynamisme propre – à étendre ses champs de compétences à des secteurs d’activité très éloignés de sa vocation initiale. Retracer les moments essentiels de cette extraordinaire diversité de productions, c’est peut-être d’abord souligner l’audace dont cette entreprise fit sans cesse preuve pour se développer, s’imposer, ou simplement résister aux vents contraires. Car elle n’a pas sept ans lorsqu’elle relève ses premiers défis. Nous sommes en 1896 : la Fabrique, qui a notamment honoré une 30 commande de 150.000 fusils Mauser destinés à l’Etat belge,appartient à présent au groupe allemand Ludwig Loewe.Soumise aux décisions de ce cartel, elle ne jouit plus d’un accès direct au marché mondial de l’armement militaire. Aussi décide-t-elle, pour s’assurer quelque indépendance, de se tourner vers la fabrication de bicyclettes. Parmi les très nombreux modèles qui seront commercialisés avec succès jusqu’en 1926, il convient surtout de mentionner l’élégant vélo acatène – dont la chaîne de transmis- sion est remplacée par un pignon conique et dont certaines déclinaisons équiperont la gendarmerie belge dès le début du XXe siècle. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que les premières armes de chasse usinées par la FN datent de cette époque Vélo acatène militaire avec support pour fusil Mauser. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Affiche 1907, style Art nouveau représentant la diversification civile, par Raymond Tournon. et procèdent de la même volonté de se diversifier. Une volonté qui s’appliqua très tôt aux engins motorisés – et d’abord aux automobiles. En octobre 1897, les ingénieurs de la FN avaient déjà étudié la possibilité de concevoir ce type de produits voués, on le sait désormais, à un brillant avenir. Deux ans plus tard, une série de cent voitures dotées d’un moteur de deux cylindres voyait le jour. Rudimentaires, ces étranges véhicules à l’allure de fiacres dépourvus d’attelage sont encore livrés sans carrosserie. Mais les modèles suivants gagneront vite en technologie et en puissance – témoignant de l’extrême fécondité de leurs constructeurs : FN 2000 (1906), FN 1400 (1907), FN 1600 (1911), FN 1250 (dont pas moins de 300 exemplaires seront vendus au Salon de Paris de 1913), etc. Les connaisseurs apprécieront… De fait, jusqu’au début des années 1930, le département des voitures accumulera les réussites commerciales comme les exploits sportifs : Coupe du Roi aux 24 heures de Francorchamps (1925, 1926, 1932 et 1933), Tour de France (1926), Liège-Madrid- Liège (1930), Coupe des Alpes (1931), Liège-Rome-Liège (1933)… En 1928, deux automobiles FN joignaient Herstal au Cap, lors d’un raid de 105 jours à travers le continent africain ! Aussi est-il aisé de se figurer l’amertume qu’inspira, en 1935, la décision d’abandonner cette production qui avait hissé la Fabrique au rang de constructeur incontournable. La crise de 1929 était passée par là. En 1934, après trois décennies de réalisations mémorables dans un domaine qui lui était à l’origine parfaitement étranger, l’entreprise herstalienne présenta son ultime voiture : la FN 42, dite « Prince Albert » – ainsi nommée en l’honneur du futur roi des Belges… Autre engin conçu dès 1901 dans les ateliers de la Fabrique : la motocyclette.Aux premiers exemplaires, équipés d’un moteur à un cylindre, succédèrent des modèles toujours plus perfectionnés – telle la FN 4 cylindres (1905) dont la réputation fut d’emblée excellente, singulièrement en GrandeBretagne.Avant 1917,l’armée impériale russe acheta à la FN de grosses quantités de motos adaptées aux besoins militaires ; l’armée belge également. A la vérité, il serait fastidieux d’évoquer ici dans le détail l’impressionnante variété de ces machines qui furent commercialisées jusqu’en 1964 et qui procurèrent à la F N une immense notoriété. Moto FN « Oiseau bleu » 125 cc (1954) Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 31 Les AUTRES SECTEURS D’ACTIVITÉ : DU VÉLO À LA FUSÉE Raid sur motos FN. Paris-Dakar, 1927. A la fin des années 1920, le succès des motos herstaliennes était tel qu’on porta à cent unités leur production journalière.Par ailleurs,en 1928,on érigea,aux côtés des anciennes installations, une nouvelle usine où l’ensemble de la division des engins motorisés fut concentré. A l’instar de leurs cousines à quatre roues, les cylindrées FN offrirent à la société wallonne un palmarès éloquent : en 1927, la première traversée du Sahara à moto (reliant Paris à Dakar : 7000 km) fut accomplie sans incident sur des M70 – modèle qui,l’année suivante,remporta le Grand prix de Rabat ; en 1931, une jeune femme de vingt-et-un ans effectua seule un périple de 22 000 km entre Saigon et Paris, sur une M70 Touring Standard ; en 1934, le pilote René Milhoux et sa FN 500 établirent un nouveau record de vitesse pure à 224,019 km/h… Et lorsqu’on sait qu’en octobre 1935 quatrevingt-un records du monde sur motos FN étaient officiellement répertoriés – on se dit que les dirigeants de la Fabrique avaient été bien inspirés de créer, dès 1902, un logo FN représentant le célèbre Mauser 1889 associé à un pédalier de vélo… Il est vrai que la di- Raid Saigon-Paris par une jeune femme de 21 ans sur moto FN, 1931. versification des productions initiée autour de 1900 avait, depuis, largement outrepassé le secteur des bicyclettes. Mais l’aventure était alors loin d’être terminée. Lorsque la division des voitures fut fermée, en 1935, et que le contexte politique incita les pays du monde entier à se réarmer, la Fabrique opéra un premier et très sensible retour à son métier de base. Pour autant, les engins à moteur ne furent pas abandonnés. Outre les motocyclettes, qui continuaient d’être produites en grand nombre, des véhicules dits « spéciaux » firent leur apparition dans les ateliers : plusieurs modèles de camions (dont un de trois tonnes et qui bénéficiait, chose peu répandue à l’époque, de quatre roues motrices), des camionnettes destinées à l’usage militaire mais aussi civil, des side-cars, des tricars tout terrain, des trolleybus (qui furent mis en service à Liège et à Anvers), des tracteurs à chenilles en caoutchouc (fabriqués sous licence Citroën-Kégresse), etc. Entre 1951 et 1954, la FN fournit plus de 4000 camions à l’armée belge et, multipliant les versions adaptées, conçut quelques années plus tard le modèle « Ardennes » – qui fit date dans les annales des véhicules militaires. Trop restreinte au marché intérieur, la production de ces poids lourds prit cependant fin après une ultime livraison de véhicules blindés à la gendarmerie belge, en 1967. Par ailleurs, durant l’immédiat aprèsguerre,un département « matériel agricole » fut créé : on y fabriqua notamment des machines à traire, des cruches à lait en aluminium, des armoires frigorifiques et des surgélateurs. Mieux : au début des années 60 (qui allaient renouer avec la prospérité des années 20), la FN se lança dans la conception de… métiers à tricoter – explorant, là encore, un secteur industriel nouveau pour elle.Devenues trop peu rentables, l’une et l’autre activités cessèrent respectivement en 1975 et 1978. Il va de soi que cette extrême diversification s’effectua toujours parallèlement au développement de la production armurière. A cet égard, plusieurs événements méritent d’être ici évoqués : la mise au point, 1934 : Record du monde de vitesse pure sur moto FN 500 (224 km/h). Moto militaire avec side-car équipée d’un fusil mitrailleur Browning (1935). 32 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE FN 1200 du directeur général, A. Andri, photographiée le 26 novembre 1910. p a r Dieudonné Saive, du prototype de son FAL, en 1947 ; l’homologation, en 1957, du calibre 7,62 mm proposé par la FN dans le cadre de la standardisation des munitions de l’OTAN ; la création, la même année, de la mitrailleuse à gaz MAG 7,62 mm par Ernest Vervier ; la mise au point de la mitrailleuse légère MINIMI à la fin des années 60 puis sa fabrication en série ; les multiples déclinaisons du B25 et surtout la sortie, en 1967, du deux millionième Auto-5 usiné à Herstal depuis la fin de la guerre ; la mise au point par Bruce Browning (petit-fils du « Maître ») de la désormais mythique carabine automatique BAR, en 1966… On pourrait cumuler les exemples : au plus fort de sa politique de diversification, la FN ne perdit jamais de vue son domaine de prédilection. Même lorsqu’elle convoita de conquérir le ciel. Les premiers pas de la Fabrique dans l’aéronautique remontent en réalité à la fin des années 40. A cette époque, elle construisit – sous licence Rolls-Royce – une série de mille moteurs Derwent destinés aux avions de chasse Météor des forces aériennes belges. La formation de techniciens spécialisés et l’achat du matériel adéquat obligèrent à des investissements très conséquents ; néanmoins, au regard des contrats qui suivirent, ces efforts se révélèrent pour le moins féconds. En 1954, la FN fabriqua pour Rolls-Royce les turboréacteurs Avon qui allaient bientôt équiper les Hunter belges et néerlandais. A partir de 1960, elle fut associée à la construction des turboréacteurs General Electric J79 – pour les chasseurs-bombardiers F104 G Starfighter de plusieurs pays – assurant également, à l’échelle internationale, différents services de maintenance et de réparation. P ro g re s s ive - ment, le département des véhicules fut supplanté par l’aéronautique et ce qu’on appellera, plus tard, la « Division Moteurs ». Rappelons qu’en 1964 treize mille personnes travaillaient à la FN… Le contrat portant sur les J79 prit fin en 1968. Il avait permis à la société de gagner en expérience et en réputation dans un domaine où l’excellence comme le gigantisme sont habituellement de mise.La même année,elle commença à collaborer avec la Snecma à la conception de moteurs Atar 9C voués aux Mirage 5 de l’armée belge. Les relations avec le motoriste français se poursuivront jusqu’en 1989. Au cours des années 70, la division aéronautique FN 2400 (1911-1913). Salon de l’automobile, Paris 1908. FN 1300 Sport (1925). Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 33 Les AUTRES SECTEURS D’ACTIVITÉ : DU VÉLO À LA FUSÉE Il va de soi que cette extrême diversification s’effectua toujours parallèlement au développement de la production armurière. Cannes à pêche Browning connut un développement très important, marqué par de fructueux accords de coopération. En 1976, par exemple, elle participa à la production du moteur F100 de Pratt et Whitney pour le chasseur General Dynamics F16 qu’avaient notamment adopté le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège et la Belgique. Et comment ne pas évoquer,pour illustrer l’ampleur de la diversification dans laquelle s’était engagée la FN,le fameux contrat que celle-ci avait signé,en 1975, avec la Société Européenne de Propulsion ? Il s’agissait ni plus ni moins de la confection de certains éléments du moteur Viking de la fusée Ariane ellemême. Du ciel à l’espace, il n’y a manifestement qu’un pas… Hélas, la récession généralisée des années 80 survint. Il y eut bien encore, à cette époque, de grands projets avec Boeing, Airbus et la Snecma. Mais le pôle Défense et Sécurité ne parvenait plus à contrebalancer les investissements colossaux de la FN en matière aéronautique.D’autant que la Fabrique avait entre-temps multiplié les filiales – FN Industry, FN Sports, FN Formétal, etc – et pris, en 1977, le contrôle de son plus ancien collaborateur : la société Browning. Directement ou non, elle avait au fil des ans diversifié encore ses domaines de production : traitement des déchets, recyclage du plastique, technologie de pointe mais aussi fabrication d’articles dits « non gun » – vêtements, clubs de golf, raquettes de tennis, cannes à pêche, planches à voiles, etc. En sorte que le ralentissement économique de cette période l’af- Montage du turboréacteur SNECMA Atar 9C destiné à l’avion Mirage V de la Force Aérienne Belge. 34 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE fecta de plein fouet, enrayant sa stratégie d’expansion. En 1981, 12600 personnes y travaillaient ; en 1985, 10700 ; en 1987, 8400. En 1989, alors que FN Moteurs était cédé à la Snecma et que l’entreprise manquait cruellement de capitaux, la Société Générale de Belgique – tutelle financière de la FN depuis la fin de la Première Guerre – se désengagea au profit du groupe Giat Industries, lui-même propriété du Ministère de la Défense français et fabricant de matériel militaire.Peu avant cette reprise, il fut décidé de renouer radicalement avec la vocation initiale de la FN : conception, fabrication et vente d’armes légères de haute qualité. La diversification sans doute excessive des produits avait montré ses limites et menacé l’existence même de la société. Le rachat, en 1987, de la marque Winchester et des ateliers historiques de New Haven par le Groupe Herstal fut, à cet égard, un véritable symbole. Malheureusement, en dépit d’investissements importants incluant l’érection sur place d’une nouvelle usine, celle-ci dut être fermée,en 2006.Ajoutons pour terminer que lorsque Giat Industries, mobilisé sur d’autres activités, se retira à son tour, en 1997, sa participation au sein du Groupe Herstal fut reprise par le Gouvernement de la Région Wallonne. Aujourd’hui, exclusivement recentrée sur son métier de base, l’entreprise belge figure parmi les leaders mondiaux dans ses deux secteurs d’activité propres : le pôle Défense-Sécurité et le pôle Civil. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 35 Vue aérienne des installations à Herstal. LesARMES MYTHIQUES Chasse au léopard avec fusil Auto 5 cal. 16 (1924). par Joël Serre De l’Auto-5 à l’A 5 : une révolution dans l’arme semi-automatique à usage civil L a société Browning Arms Company est née en 1927 aux USA, dans Utah. Elle a créé et produit une grande variété d’armes militaires, de carabines et fusils de chasse, de pistolets et révolvers, acquérant ainsi la renommée internationale que l’on sait. Elle fut fondée sur la base des inventions et du savoir-faire de John Moses Brow- 36 ning, l’un des inventeurs les plus créatifs de son époque en matière d'armes à feu. De nombreux autres fabricants d’armes ont bénéficié de ses inventions – tels Colt, FN Herstal, Miroku, Remington ou encore Winchester. Les armes les plus connues de John Moses Browning sont le fusil semi-automatique Auto-5, la carabine Browning Automatic Rifle (BAR), ainsi que le Jours de C HASSE u HORS SÉRIE pistolet GP-35 en calibre 9 mm Parabellum (GP pour « Grande Puissance » ; en Anglais HP 35 pour « High Power »). C’est sans doute avec le fusil semi-automatique Auto-5 que John Moses Browning a atteint le sommet de son art. C’est en effet avec lui qu’il connut l’un des plus grands succès commerciaux de sa carrière. Tableau de chasse aux canards en Corée. Browning Auto-5 coups (1928). Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 37 Les ARMES MYTHIQUES Auto-5 Auto-5-dr-gravMasque FN/Browning Auto-5 L ’Auto-5 est le premier fusil semi-automatique de chasse apparu sur le marché international. En 96 ans de production, pas moins de 4 000 000 d’exemplaires de cette arme furent vendus.Un chiffre record,inégalé dans le domaine de l’armement civil. La fabrication de l’Auto-5, en Belgique puis au Japon, s’étend de 1903 à 1999 – année au cours de laquelle le dernier Auto-5 est sorti d’usine. Aux Etats-Unis, une licence de fabrication fut vendue à Remington ainsi qu’à Savage-Stevens, ce qui donna naissance aux fusils semi-automatiques Remington M11 et Savage 720, deux armes qui connurent également un grand succès. L’Auto-5 fonctionne grâce à un système mécanique simple, qui a souvent été repris par d’autres fabricants. Le système mécanique trouve la base de son fonctionnement dans le court recul du canon à l’intérieur du boîtier de culasse. L’Auto-5 a été fabriqué dans quatre calibres de référence : le 12/76 mm ; le 12/70 mm ; le 16/70 mm ; le 20/70 mm. Sa simplicité et sa fiabilité lui ont offert une immense notoriété. Elles expliquent aussi pourquoi l’Auto-5 a pu, si longtemps, perdurer. Fonctionnement de l’Auto-5 T out d’abord, il convient d’ouvrir la culasse en la tirant vers l’arrière et de permettre à l’arrêtoir de la maintenir en position pour introduire une cartouche dans la chambre, puis de ramener la culasse en position fermée. On introduit alors les cartouches suivantes dans le magasin tubulaire. Bien entendu, cette opération peut être répétée plusieurs fois pour réapprovisionner le magasin.Après le tir de la dernière cartouche, la culasse reste en position ouverte, ce qui permet de recharger l’arme sans perdre de temps. Pour décharger, il suffit d’extraire la cartouche qui se trouve dans la chambre en tirant la culasse vers l’arrière, puis de répéter l’opération autant de fois que l’arme contient de cartouches. Une autre phase consiste à extraire la cartouche qui se trouve dans la chambre, à ramener la culasse en position avant, et à faire revenir l’arrêtoir du magasin également vers l’avant. Il convient ensuite de retourner l’arme puis, avec l’in- 38 dex, d’appuyer à fond sur le transporteur.En relâchant ce dernier,la cartouche est poussée hors du boîtier de culasse. Il suffit de répéter l’opération autant de fois que le magasin contient de cartouches. La simplicité de ce fonctionnement a très rapidement séduit un large public de chasseurs et tireurs,mais aussi certaines forces de police. Autre avantage de l’Auto-5:il offrait la possibilité de tirer n’importe quelle cartouche de calibre correspondant au moyen d’un simple réglage du mécanisme de recul.Pour le tir des cartouches standard, la bague-frein située à l’extrémité du magasin dispose d’une partie biseautée qui doit être placée vers l’avant,c'est-à-dire engagée dans le guide du canon. L’autre extrémité enserrée dans la bague-ressort s’appuie sur le ressort de recul et la partie plane de la bague régulatrice. Pour le tir des cartouches à forte pression, la bague régulatrice est placée derrière la bague-frein, sa partie conique vers l’avant. Jours de C HASSE u H O R S SÉRIE Auto-5 droit Auto-5 gauche En définitive, l’Auto-5 est le seul et unique semi-automatique au monde à offrir la technologie « SPEED LOAD ING ». Inventée par John Moses Browning, cette technologie de chargement/déchargement rapide sera, par la suite, proposée sur tous les modèles de semi-automatiques créés par la marque à la tête de cerf (à l’exception du modèle Phoenix). Breveté, ce système de chargement envoie la première cartouche du magasin directement dans la chambre – et c’est grâce à la rapidité du dispositif de déchargement que ces opérations sont exécutées avec une telle facilité : en effet, la phase qui consiste à envoyer chaque cartouche dans la chambre au moyen du verrou est ainsi évitée. L’Auto-5 « Modèle Chasse » était proposé dans différentes longueurs de canons : 61, 66, 71, 76 ou 81 cm – ce qui faisait varier sa longueur totale de 110 à 130 cm. Sa carcasse pouvait être d’acier ou d’aluminium (pour la version allégée). La masse du fusil vide variait donc de 2,80 kg (pour une carcasse alliage ; canon de 61 cm) à 4,10 kg (pour une carcasse acier ; canon de 81 cm). La masse de l’arme chargée va- riait également en fonction du nombre de cartouches contenues dans le tube magasin : selon la législation nationale en vigueur, de 2 à 4 cartouches – plus une dans la chambre. Le modèle FN « Spécial Police » utilisait la munition de calibre 12, exclusivement ; d’une longueur totale de 100 cm,il était doté d’un boîtier de culasse en acier qui lui permettait d’accuser une masse totale à vide de 3,60 kg. Sa capacité était de quatre cartouches, plus une dans la chambre. Enfin, la crosse et le devant de l’Auto-5 ont toujours été en bois. De l’Auto-5 à l’A5 L ’histoire continue avec le nouvel A5. L’Auto-5 (pour « Automatic-5 ») est certainement l’un des fusils de chasse les plus reconnaissables entre tous, grâce à la forme particulière de l’arrière de son boîtier de culasse. Son apparition sur le marché civil a totalement révolutionné le monde de la chasse en proposant un fusil aux performances inégalées pour son époque. L’Auto-5 était innovant ; c’était aussi le premier fusil de calibre 12, 16 ou 20 à fonctionnement semi-automatique pour la chasse et le tir ; la qualité de sa fabrication et sa fiabilité étaient, du reste, exemplaires. L’Auto-5 a régné en maître pendant plus de 50 ans, et sa production a duré presque un siècle, ce qui constitue un record absolu dans le monde de l’armurerie civile. A l’instar de l’Auto-5, le nouveau Browning A5 a été créé afin de conquérir de nouvelles parts de marché dans le secteur des fusils de chasse semi-automatiques. Il reprend les concepts qui ont fait le A5 Standard A5 Ultimate Ducks A5 Ultimate Partridges Jours de C HASSE u HORS SÉRIE succès de l’Auto-5 : une perfection mécanique, une fiabilité et une qualité de gerbe de grenaille de haut niveau. Certes,l’A5 ressemble fort à l’Auto5… mais cette ressemblance s’arrête, en vérité, à la forme du boîtier de culasse. Le boîtier de culasse à bosse (« Humpback ») fait une nouvelle apparition ; cette forme particulière à l’arrière prononcé était, à l’origine, liée au système de fonctionnement à court recul du canon (cela permettait à ce dernier d’y trouver sa place lors de la phase de recul). Le nouveau Browning A5, quant à lui, rompt totalement avec le principe mécanique d’origine, en lui substituant un système plus moderne mais tout aussi fiable : le principe dit à inertie. Plus rapide, ce nouveau mécanisme – qui affaiblit en outre la sensation de recul – a largement fait ses preuves depuis de nombreuses années. Témoignage de la confiance qui l’anime,Browning offre,pour son nouvel A5, une incroyable garantie de 100 000 cartouches tirées ou 7 ans… 39 Les ARMES MYTHIQUES Maxus Ultimate Partridges 40 Jours de C HASSE u Maxus Sporting carbon fiber Camo Max 4 super magnum par une crosse et un gardemain en noyer grade 2, poncé huilé pour son modèle de base ; cependant, il est décliné en six versions proposant chacune des niveaux de finition différents et ayant pour seul point commun le concept mécanique. L’A5 allie savamment innovation et esthétique, ce qui en fait une belle réussite. Dans sa version Standard, on retrouve l’esprit général de l’Auto-5,avec une carcasse entièrement noire. Dans les versions Ultimate Ducks et Ultimate Partridges, la carcasse est nickelée et reçoit une décoration spécifique. Pour le modèle Ultimate Ducks, la carcasse est ornée d'une gravure fine représentant des canards au vol alors que, pour le modèle Ultimate ParA5 Composite super magnum Maxus Premium Grade 3 Maxus Composite Maxus Camo Infinity Cette garantie de fiabilité repose avant tout sur le nouveau (et robuste) mécanisme à inertie appelé Kinematic Drive System, composante essentielle de l’A5. Plusieurs autres innovations techniques de l'A5 peuvent être relevées : les nouveaux chokes amovibles Invector DS montés sur de nouveaux canons sur-alésés nommés Back-Bored Vector Pro ; le système de plaque de couche Inflex II, qui permet de réduire les effets de recul ; le système de chargement et de déchargement express Speed Load Plus System, particulièrement simple et efficace… L'A5 standard est un fusil au boîtier de culasse sobre, qui conserve l’esprit de l’Auto-5 ; il est mis en valeur HORS SÉRIE tridges, ce sont des faisans. Pour ces deux modèles, les crosses sont réalisées en noyer grade 3, avec une finition poncée huilée. Pour la version A5 Composite Super Magnum, la crosse et le devant garde-main sont en matière synthétique noire – caractéristique technique qui n’avait jamais été employée pour l’Auto-5, lequel a toujours conservé une crosse et un devant en noyer. Par ailleurs, les modèles A5 Camo Max4 Super Magnum et A5 Camo Infinity Super Magnum bénéficient de la dernière génération de film de camouflage Realtree, particulièrement efficace.Chambrés en super-magnum, ces deux modèles sont idéaux pour le tir à billes d'acier de 70 mm à 89 mm. Browning propose également un autre fusil de chasse semi-automatique, tout aussi fiable, mais qui fonctionne, lui, par emprunt de gaz : le Maxus. Décliné en sept niveaux de finition, il ne revendique pas l’héritage de l’Auto-5 ; cependant, il constitue une arme de chasse de très haut niveau et apporte, lui aussi, sa pierre à l’édifice Browning. Bien qu’aucun système mécanique de réduction du recul ne puisse échapper aux lois de la physique,le Maxus assure des tirs très doux et parvient même à modifier le regard que l’on porte sur la notion de contrôle du recul. Elaborés par Browning, le concept technologique Gas System Power Drive, la plaque de couche technologique Inflex,le concept de canon Back-Bored Vector Pro technology sont combinés dans le but exclusif d’apporter un meilleur confort de tir : grâce à eux, les effets de l’énergie cinétique liée à l’impulsion du recul sont réduits d’environ 18 % par rapport à tout autre fusil de chasse semi-automatique. B25-cal12-B2G-N B25 - Bonaparte Le fusil superposé Browning B25 E B25 - Diana - 2001 n 1925, John Moses Browning finalisa le prototype d'un fusil superposé qui allait transformer l’univers de l’arme de chasse traditionnelle. Il baptisa son invention B25 – pour Browning 1925. Celui-ci fut le premier fusil à canons superposés de l’histoire des armes de chasse et de tir. Le fusil de chasse B25 est aussi l’ultime création de John M. Browning, génial inventeur d’armes à feu, l’un des plus doués au monde. Le concept mécanique du B25 concentre un savoir-faire acquis au fil de plusieurs décennies d’ingéniosité et d’expérience en matière armurière. Le B25 est, à ce jour, l’un des fusils de chasse à canons superposés qui comptent parmi les plus raffinés et les plus admirés. Certains propriétaires de B25 assimilent d’ailleurs la possession de cette arme à celle d’une véritable œuvre d’art. Le succès obtenu par la société Browning à travers la commercialisation du B25 montre que John Moses avait parfaitement saisi les attentes des chasseurs et tireurs de son temps, qu’il avait même anticipé sur l’avenir. John Moses Browning avait compris que les utilisateurs de fusils de chasse et les adeptes du tir sportif préféraient un plan de visée réparti sur un seul axe, joint à une détente sélective unique. Un équilibre parfait et un design harmonieux ne pouvaient que contribuer au succès du B25 – lequel est, en outre, toujours entièrement fabriqué en Belgique depuis 1931. Au cours de sa confection, le B25 supporte 2310 opérations de contrôle destinées à garantir la qualité et la précision de ses pièces. Son assemblage nécessite un minimum de 155 interventions manuelles vouées à assurer un ajustage irréprochable – ajustage qui surclasse les machines-outils les plus élaborées. L’apport des nouvelles technologies numériques sur les machines-outils a changé quelque peu la donne. C’est d’ailleurs ce paramètre technologique ultra-performant qui a permis au B25 d’évoluer favorablement au fil des ans et de donner naissance à plusieurs générations de fusils. Les évolutions du B25 L B25 customisé es superposés Browning modernes sont donc tous les héritiers légitimes du légendaire B25. Le premier fusil qui succédera au B25 est le Browning B125 ; présenté en 1985, ce produit de l’évolution connut un large succès. Si toutes les versions postérieures ont été, d’une manière ou d’une autre, améliorées, l’architecture générale du fusil Browning B25 – qui a révolutionné le monde de l’armurerie – demeure Jours de C HASSE u HORS SÉRIE la même. Les modèles successifs ont cependant tous contribué à asseoir la légende de la marque. Le B325 (1991) ou le B425 (1995) ont également été appréciés par de nombreux chasseurs et tireurs. Mais toutes les versions de cette arme ont, de près ou de loin, participé à l’apparition du B525 – l’un des fusils superposés de chasse à bascule acier les plus affectionnés et les plus vendus à travers le monde. 41 B525-Game One Les ARMES MYTHIQUES L’histoire continue Hunter 28 A ujourd’hui, 89 ans après la commercialisation du Browning B25, le Browning B525 incarne l’une des dernières évolutions technologiques significatives contribuant au perfectionnement de son auguste ancêtre. Le fusil B525 en est à la fois l’héritier et la version moderne la plus aboutie. Il bénéficie du progrès technologique que Browning a,depuis son origine,apporté à la conception de ses armes de tir et de chasse superposées. Le fusil Browning B525 a été commercialisé en 2003 ; il matérialise la cinquième génération de superposés Browning au sein de la famille B25. Lorsqu’on fait l’acquisition d’un Browning B525, on hérite d’une expérience de plus de 89 ans dans l'excellence. Mais le Browning B525 est probablement plus que le digne descendant d’un fusil d'exception :il est devenu une référence incontestée. Avec ses nombreuses évolutions techniques – tels les chokes Invector, la frette monobloc massive, le concept mono-détente sélective réglable à trois positions sur certains modèles, entre autres choses – le B525 reste fidèle aux principes de John Moses Browning, garantissant solidité,fiabilité et performances accrues. La bascule en acier forgé est garantie 10 ans – preuve de la confiance de Browning en son produit… 42 Au reste, le B525 recouvre deux familles d’armes : l’une pour le tir, l’autre pour la chasse – ce qui représente 21 modèles en tout,quatre calibres, quatre longueurs de canons, deux types de bascules, soit alliage léger,soit acier,avec des dizaines de combinaisons possibles permettant de trouver le fusil qui répond précisément à ses attentes. Dans sa version chasse (HUNTER), le B525 est décliné en douze modèles (sur la base de quatre calibres : 12, 20, 28 et 410 Mag) répertoriés au catalogue fabricant : B525 Game 1 2014 ; B525 Game 1 Light ; B525 Hunter 20M ; B525 Hunter Straight ; B525 Hunter 28 ; B525 Hunter 410M ; B525 Hunter Prestige Ultra-XS-Prestige-12M Jours de C HASSE u H O R S SÉRIE 20M ; B525 Hunter Light 12M ; B525 Hunter Light Elite ; B525 Hunter Light 20M ; B525 Hunter Light 28 ; B525 Game 1. Dans sa version Sporter, le B525 est décliné en six modèles (sur la base de deux calibres : 12 et 20) répertoriés au catalogue fabricant: B525 Sporter 1 ; B525 Sporter 20M ; B525 Sporter Prestige 20M ; B525 Trap ; B525 Trap Advance Inv+ Briley ; B525 Sporter One. B725 Hunter Le Browning B725 I nnovation à l'état pur,le Browning B725 – septième génération du B25 – bénéficie des dernières avancées en matière de technologie. Spécialement étudié pour la chasse et le tir sportif, c’est une révolution esthétique et technique dans l'univers des fusils superposés. Conçu sur la base du B25, il présente de nombreuses innovations tout en préservant les éléments majeurs de sa lignée : sans doute est-ce le fusil superposé le plus performant au monde. Il est un savant mélange de fiabilité et d’innovations technologiques exclusives « made in Browning ». Mettons en avant son nouveau système de départ mécanique plus court et léger, sa plaque de couche interchangeable Inflex II et ses canons suralésés Backbored Vector Pro. Le Browning B725 est décliné en six versions chasse : B725 Hunter ; B725 Hunter UK ; B725 Hunter Grade 5 ; le B725 Hunter 20M ; B725 Hunter UK 20M ; B725 Hunter light. Pour la gamme tir, le B725 est proposé en trois versions : B725 Sporter ; B725 Sporter Adjustable ; B725 Sporter Grade 5. Hormis la ver- sion Hunter light, tous les Browning B725 sont dotés d’une bascule acier et bénéficient du système Invector DS. B725 Hunter B725 Sporter Black Édition La version HÉRITAGE Heritage Sporter 12M L e modèle Héritage porte son nom en qualité de digne héritier du B25 à contre-platines. La gamme Héritage est composée de deux modèles en version chasse et d’un modèle en version tir sportif. L'équilibre, l'ergonomie et la prise en main résument parfaitement la lignée des autres superposés de tirs sportifs B525, Grand Prix, Ultra X et GTS. Tous les fusils de tir sportif et la majorité des fusils de chasse que nous connaissons aujourd’hui ne sont que des descendants plus ou moins directs du Browning B25. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 43 Les ARMES MYTHIQUES J ohn Moses Browning ne fut pas seulement un visionnaire ; il fut surtout un travailleur acharné, en quête permanente de nouveautés et de défis mécaniques. Il vivait de et pour sa passion – ce qui faisait de lui un esprit d’avant-garde, capable de déterminer avec justesse les besoins contemporains et futurs en matière d’armes civiles ou militaires. Il souhaitait être sur tous les fronts, et il l’était toujours, grâce à l’ingéniosité sans faille de son esprit à la fois très productif et inventif. Il ne détenait certes pas les diplômes exigés aujourd’hui pour exercer le métier d’armurier – mais, inventeur talentueux, ses qualités intellectuelles étaient telles qu’il pouvait se permettre d’afficher une certaine indifférence à l’égard des reconnaissances d’ordre officiel. Il considérait en effet son chemin de parfait autodidacte comme sa plus grande fierté : aussi refusa-t-il tout titre honorifique universitaire, arguant « qu'il avait pour règle de ne jamais rien accepter qui ne soit dû à son propre travail. » Probablement un dernier pied de nez pour souligner qu’il avait plus appris de l’expérience que des heures passées sur les bancs de l’école… Il inventa quasiment tout ce qui pouvait l’être dans le domaine des armes. Sa créativité était si grande que nombre de ses innovations firent longtemps autorité – jusqu'à l’arrivée des technologies modernes. John Moses Browning savait repousser les limites de l’esprit et de la technologie de son temps, et c’est bien ce qui lui valut une réussite sans égal. John Moses Browning a très vite compris qu’il y avait une place sur le marché de l’armement civil pour une carabine d’entrainement de petit calibre économique. Précisons qu’à cette époque la cartouche de calibre 22 LR était déjà très répandue (car elle était utilisée pour la destruction des petits nuisibles). Cela l’incita à inventer une carabine semi-automatique en calibre 22 LR, alors que les armes utilisant ce calibre étaient toutes à un coup. La cartouche de 22 Long Rifle (5,6x15 mm R), d’un diamètre réel de 5,5 millimètres, soit 22/100 de pouce, était apparue en 1887 et connaissait un certain succès. La cartouche de 22 LR avait été directement extrapolée du 22 Court (sorti en 1855) et du 22 Long (développé sur cette base en 1871 sous l'impulsion de la Arms & Tool Company, et fabriqué par Peters aux Etats-Unis pour la Carabine incrustée d’or (chiens de prairie). SA-22 Semi-automatique Grade 1 44 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE John M. Browning pose avec, en mains, la carabine automatique 22 de son invention. Les carabines 22 LR BROWNING manufacture d'armes Stevens). Ces trois munitions étaient elles mêmes directement dérivées des premières munitions à percussion annulaire jamais réalisées : la 22 Bosquette et la 6 mm Bosquette – inventions de l'armurier parisien Louis Nicolas Flobert (1845). Commercialisation des carabines BROWNING en calibre 22 LR C e fut à partir de sa propre expérience de l’arme semi-automatique que John Moses Browning développa le concept de sa première carabine de petit calibre. Elle connaîtra un large succès, encore palpable aujourd’hui. L’homme était particulièrement fier de sa nouvelle création. Le principe de fonctionnement de cette dernière restait simple : il comportait une culasse non calée et actionnée par le gaz, une éjection, un armement et un chargement automatiques. En 1913, la première carabine semi-automatique Browning vit donc le jour dans les ateliers du même nom, sous l’appellation SA.22 – pour « Semi-automatique 22 », tout simplement. La SA.22 se charge par un orifice taillé dans le flanc de la crosse qui abrite un magasin tubulaire retirable par l’arrière au niveau de la plaque de couche. L’éjection des douilles s’effectue par le dessous du boîtier de culasse, dont la partie saillante et mobile sert également de « doigt » d’armement. En outre, la SA.22 présente la particularité de se démonter facilement en deux parties distinctes au niveau du canon – lequel dispose d’un rattrapage de jeu automatique. Elle fut jadis fabriquée en 22 Court et 22 Long, mais ces versions ont disparu avec le temps pour laisser place au modèle 22 LR, exclusivement. Actuellement, le catalogue Browning propose trois niveaux de finition pour la SA.22, à savoir : La Browning SA.22 Semi Auto Grade 1. Cette carabine légendaire,très souvent copiée mais jamais égalée, est fabriquée sans interruption depuis 1924. Ses caractéristiques exclusives – chargement par la crosse, éjection par le bas et possibilité d’être démontée – en font une arme d'exception. La Browning SA.22 Semi Auto Grade 2 & 3. Il s’agit de la même arme que la Grade 1.Elle est fabriquée par le Browning Custom Shop à partir de pièces originales sélectionnées ; elle est, en outre, ornée de gravures spécifiques. Les bois en sont minutieusement choisis, afin de proposer une arme de haute qualité. La seconde arme en calibre 22 LR qui a permis à la société Browning de franchir un nouveau seuil dans le perfectionnement de son savoir-faire est la carabine T Bolt, sortie en 1965. Cette arme a connu plusieurs évolutions et a été déclinée en différents niveaux de finition. Aujourd’hui, elle est encore présente au catalogue Browning sous les appellations suivantes : SA22 grade3 T-BOLT Sporter Threaded T-BOLT composite Sporter Threaded Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 45 Les ARMES MYTHIQUES T-BOLT Sporter MG5 BL Grade 2 BUCK Mark Sporter Rifle T-Bolt Sporter Composite Threaded. Cette version est équipée d'une crosse en composite ergonomique très résistante et permettant une utilisation intensive dans toutes les conditions.Elle présente également l’avantage de disposer d’un chargeur supplémentaire, intégré dans la plaque de couche de la crosse. T-Bolt Sporter Threaded. Réédition d’un best-seller, cette carabine vintage est une légende. Disponible en calibres 22LR, 22 Magnum et 17HMR,elle est esthétiquement très proche de son aînée, la première T-Bolt. Cependant, elle a bénéficié d’une modernisation considérable sur le plan mécanique. Elle se singularise par un verrouillage en ligne, dit Straight-pull, qui chambre les cartouches depuis un chargeur rotatif exclusif. Ces deux modèles – précisons-le – sont importés pour la France ; néanmoins, deux autres sont présentés dans le catalogue général de Browning : les carabines T-Bolt Sporter et T-Bolt Sporter MG5. Leurs particularités techniques et mécaniques sont identiques à celles des modèles précédemment évoqués. La troisième arme de calibre 22 LR qui fit une entrée remarquée fut la carabine BL. Dotée d’un levier de sousgarde, elle n’était pas sans rappeler la BL Grade 2 MG9 Buck Mark Rifle 46 Jours de C HASSE u H O R S SÉRIE célèbre Winchester 94. Ce modèle a été créé et breveté par la FN dès 1956 ; toutefois, il n’a été mis en fabrication qu'à partir de 1969, principalement au Japon. Son apparition en Europe ne s’est véritablement effectuée qu’à partir de 1970. Plusieurs niveaux de finition furent proposés au fil des époques ; à ce jour, une seule version subsiste : La carabine Browning BL Grade 2 MG9. Carabine à levier de sous-garde,elle est la digne héritière des carabines de type Winchester façon Browning pour le calibre 22 LR. La quatrième série d’armes en calibre 22 LR est sortie en 1980, avec le concept innovant des pistolets et de la carabine Buck Mark Sporter Rifle. La carabine Buck Mark Sporter Rifle. Il s’agit d’une carabine hors norme par son design, compacte, précise et fiable, qui offre un éventail de possibilités d'utilisation très vaste. Ses organes de visée sont composés d'une hausse réglable et d'un guidon en fibre optique,ainsi que d'un rail intégré pour le montage d'une optique. La société Browning compte donc aujourd’hui une large gamme d’armes en calibre 22 LR, une gamme capable de satisfaire les tireurs les plus exigeants. Un seul regret toutefois, les contraintes liées à la législation française sur les armes qui ne permet pas de pouvoir acquérir et utiliser librement la carabine Browning SA.22 semi-automatique qui a fait la joie de nombreuses générations. La carabine BROWNING BAR : origines et descendants L e fusil-mitrailleur BrowningBAR a derrière lui une longue histoire, qui commence en 1918. Le concept mécanique de base de cette arme est à l’origine de différentes variantes d’armes que nous connaissons aujourd’hui. Conçu par John Moses Browning en 1916, le Browning BAR (pour « Browning Automatic Rifle ») M1918 fut adopté dès ses débuts par l'US ARMY, remplaçant opportunément le fusil-mitrailleur Chauchat M1918 qui avait été acquis, en 1917, pour pallier certains besoins urgents, sans manifestement y parvenir. Entre 1917 et 1918, le fusil-mitrailleur BAR M1918 fut fabriqué sous licence par Winchester, Marlin et Colt, à quelque 85 000 exemplaires. Après la Première Guerre mondiale,les firmes FN Herstal et Colt – détentrices des brevets Browning pour l'Europe – continuèrent sa production.Ensuite,au début des années 1920, l'US Cavalerie adopta une version allégée de cette arme (le BAR M1922), avant que l’armée américaine ne la fasse encore évoluer, en 1937, par l’ajout d’un bipied : naquit alors le BAR M1918A1… A partir de 1940, apparait la version 1918A2 – massivement utilisée durant la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée et celle du Vietnam. Reconnu pour son efficacité et sa fiabilité, le Browning BAR fut présent dans le monde entier à travers ses multiples variantes : ce fut notamment le cas pour le FM Modèle 30/Type D (Belgique), le 21/KSP Modèle 37 (Suède) ou encore le RKM WZ 28 (Pologne) – tous ces modèles ayant été développés sur la base du BAR M1918. Rappelons enfin que le FM BAR fut, des années vingt aux années cinquante, l'arme d’appui privilégiée des forces armées américaines… Les différentes versions réglementaires et commerciales Le Browning BAR Modèle 1918 : Cette arme est à l’origine de toutes les carabines BAR dérivées du concept technique dit « à emprunt de gaz » – mécanisme fameux mis au point par John Moses Browning. Tout au long de sa carrière, elle a fait preuve d’une fiabilité absolument exemplaire.Le fusil mitrailleur Browning BAR M1918 dispose d’une crosse demi-pistolet et d’un devant garde-main en noyer quadrillé. Son canon est muni d’un cache-flamme tubulaire qui supporte un guidon à lame protégé latéralement. Située à l'arrière du boîtier de culasse, sa hausse réglable est de type « œilleton ». Jadis, on pouvait avec cette arme tirer en rafale ou au coup par coup – sans que jamais son niveau de fiabilité ne s’en trouve altéré. Le Browning BAR M1918A1. Il s’agit d’un reconditionnement des M1918. Sur le tube d'emprunt de gaz, on avait monté un nouveau bipied rabattable à platines,muni d’une pointe d'ancrage. La plaque de couche comportait un crochet métallique d'attache à l'épaule et le devant avait été légèrement réduit. Le Browning BAR 1918A2 et T34. Le fusil Browning BAR 1918A2 fut sans doute le fusil BAR le plus fabriqué. Il se distingue des précédents par l'adjonction d'un support tubulaire monté sur la crosse, en arrière de la grenadière. Le bipied, fixé en avant du Jours de C HASSE u HORS SÉRIE guidon, sur le cache-flamme, est doté de patins.Sur le devant,une plaque métallique de dissipation thermique est incorporée. La hausse réglable est empruntée à la mitrailleuse Browning – tandis que le sélecteur des M1918 et M1918A1 est remplacé par un régulateur de cadence de tir. Le Browning BAR Modèle 1922 : Le Browning BAR Modèle 1922 est une variante du M1918 ; il fut utilisé de 1924 à 1940. Très prisé pour ses qualités mécaniques, il présente un canon raccourci muni d'ailettes de refroidissement. Par ailleurs, il dispose d’un bipied fixé sur le canon ainsi que d’un support tubulaire bridé au niveau de sa poignée demi-pistolet – ce qui le distingue notablement du M1918. Le Fusil Mitrailleur Mle 30 et FN Type D En 1923, la FN obtint les licences de fabrication et d'exportation relatives au BAR M1918. En modifiant celuici, elle donna naissance au FM30 – que l’armée belge utilisa (en remplacement du Lewis Mk de rigueur) durant de nombreuses années. En fait, le FM30 est issu des travaux de Dieudonné Saive, célèbre inventeur d’armes de la FN,collaborateur du « Maître » Browning et directeur historique du Bureau d’études de la Fabrique.Pour concevoir le FM30, Saive modifia le calibre du BAR M1918 et l'emplacement de son ressort récupérateur ; il opta pour une poignée-pistolet,puis redessina la forme de la crosse et du garde-main. Largement exportée, l’arme cessa d’être fabriquée en 1940 – pour l’être à nouveau entre 1945 et 1946. Après la Seconde Guerre mondiale, des FM FN D30 seront par ailleurs usinés en Belgique, adaptés au calibre 30- 47 Les ARMES MYTHIQUES BAR Affût acier 06 à chargement .30 CTN (munition disposant d’une quantité de poudre légèrement supérieure au .30 BDR, utilisé pour les fusils d'infanterie). Notons enfin que,suite à l’adoption par l’OTAN du calibre 7,62 dans les années cinquante, des FM FN DA1 furent commercialisés dans ce même calibre. Jusqu’en 1988,le FM FN D30 était encore en usage au sein de l’armée de l’air belge. Une technologie qui a donné naissance à d’autres gammes d’armes… Le FM BAR avait montré l’extrême fiabilité du système à emprunt de gaz dans le domaine des armes militaires. Il ne restait plus,naturellement,qu’à en faire bénéficier les produits civils… Dès les années soixante, cette évolution fut accomplie: Browning proposa la toute première carabine de chasse semi-automatique à emprunt de gaz – la désormais célébrissime « Browning Automatic Rifle ». Devenue une référence incontournable dès sa sortie en 1967, cette arme connaît, depuis, un succès qui ne s’est jamais démenti : en 2011, on comptait en effet plus d’un million d’exemplaires vendus… Destinée au tir des grands mammifères d’Amérique et d’Europe, la « BAR » – comme la surnomment affectueusement ses admirateurs – est sans nul doute l’arme semiautomatique à usage civil la plus répandue à travers le monde. Au demeurant, son modèle de base a eu une riche descendance,comme en témoigne le catalogue Browning – une descendance composée, chronologiquement, des versions suivantes : La BAR Acier Affût. Il s’agit du modèle original de la carabine BAR : depuis longtemps avéré, son succès se passe de commentaire… Cette version est dotée d'une hausse réglable en site et en azimut avec précision.Le guidon métallique fin complète parfaitement la précision de la visée ; il est protégé par un tunnel métallique amovible. La BAR Acier Affût Boss. L'ajout du système BOSS à cette carabine eut deux effets particulièrement intéressants : une réduction du recul de l'ordre de 30 à 50 % ; une amélioration très appréciable de la précision.Notons que,sur des tirs de longues distances, les performances de la BAR sont encore optimisées par le recours à l’optique. BAR Zenith Affût Hand Cocking La BAR Zenith Wood Hand Cocking. La BAR Zenith Wood Hand Cocking dispose d’un armeur manuel astucieusement situé sur le dessus de la poignée pistolet – permettant ainsi de rendre la carabine fonctionnelle en une fraction de seconde. Aussi peut-on, grâce à ce système d’armement très simple, se déplacer et chasser en toute sécurité… BAR Zenith Hand Cocking 48 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE La BAR Zenith Ultimate Hand Cocking. Il s’agit du modèle le plus haut de gamme de la famille « Zénith ». Cette carabine est dotée d'une superbe gravure entièrement exécutée à la main et rehaussée d'incrustations or. Sur la joue gauche sont représentés des sangliers ; sur la droite, un combat de cerfs… La BAR Zenith Big Game Hand Cocking. Celle-ci présente des plaquettes gravées interchangeables. Du point de vue esthétique,chaque Bar Zénith peut d’ailleurs être personnalisée. La BAR Zenith Prestige Wood Affût Hand Cocking. La BAR Zenith Wood Affût Hand Cocking est munie d’un canon flûté plus long, ce qui permet de disposer d’une ligne de visée d’autant plus précise. L’armeur manuel situé sur le dessus de la poignée pistolet est toujours présent ; il offre un niveau de sécurité accru. La BAR Short Trac-Longtrac Eclipse Gold. Raffinement et élégance : telles sont les deux caractéristiques de la BAR Eclipse Gold.Les joues brossées de cette arme superbe, à la carcasse nickelée, exhibent une magnifique scène de chasse gravée et rehaussée d'or. La BAR Short-Longtrac Eclipse Gold Left Handed. Il s’agit en fait de la BAR Eclipse Gold… sauf que cette version est spécifiquement adaptée aux exigences des tireurs gauchers. La fenêtre d'éjection et la sécurité ont ainsi été inversées.C’est l'unique carabine semi-automatique véritablement et intégralement conçue pour gaucher. BAR Short Trac-Longtrac Eclipse Gold La BAR Short / Longtrac Hunter. C’est une carabine élégante et très ergonomique.Son boîtier de culasse est orné d’une gravure à la fois sobre et raffinée, rehaussée d’un « Buck Mark » doré sur nickelage type vieil argent. La BAR Longtrac Composite Fluted Hand Cocking. Cette version de la BAR est dotée d'un canon fluté et du système d'armeur manuel « Hand Cocking » garantissant une sécurité totale à l'affût, à l’approche, ou même en battue. La BAR Short/Longtrac Composite Tracker Hand Cocking. Ce modèle a été conçu pour résister aux conditions de chasse en battue les plus extrêmes. Les inserts oranges fluo au niveau de la poignée pistolet et du devant garde-main garantissent une excellente visibilité, même en terrain difficile. Les organes de visée type battue sont munis d’une fibre optique de dernière génération. La BAR Longtrac Composite Fluted. La crosse et le garde-main sont réalisés dans un matériau composite qui confère à cette arme une robustesse unique.La BAR Composite Fluted dispose par ailleurs d’un canon flûté offrant un meilleur équilibre – pour une plus grande efficacité sur le terrain. La BAR Longtrac Hunter Nero Fluted. Cette version classique de la BAR Hunter possède un canon flûté. Sa carcasse noire est pourvue d'une décoration sobre, rehaussée d’un « Buck Mark » doré représentant le logo de la marque. BAR Match La BAR Match. En calibre 308 Winchester, ce modèle de carabine BAR muni d’un canon de 51 cm de qualité Match est destiné au tir de longues distances. Il conserve le traditionnel système d’emprunt de gaz, tout en garantissant une précision de haut niveau. S’il ne présente aucun organe de visée, il est en revanche pourvu d’un rail Picatiny permettant le montage d’une visée optique. Au-delà de cette gamme dont on appréciera la variété et l’inventivité tant technique qu’esthétique, Browning vient tout récemment de faire encore évoluer le concept original de la BAR. Cette nouvelle création, c’est la MARAL. La carabine MARAL Événement majeur dans le monde de l’armement de chasse contemporain, la carabine Maral est sortie en 2013. Basée sur le principe du boîtier de culasse de la BAR, cette nouveauté signée Browning procure au tireur une rapidité et un confort de tir sans précédent. Elle présente – élément inédit qui mérite d’être souligné – un judicieux rappel de culasse automatique, couplé à un chargeur indépendant : c’est, en vérité, la pièce maîtresse du système. Ce « Quick Reloading System » allie rapidité de manœuvre, sécurité et efficacité optimales. Ainsi le gain de temps provoqué par le rappel de culasse assisté permet-il au tireur de concentrer davantage son attention sur l’action de tir elle-même. Par ailleurs, la Maral est équipée d’une tête de culasse comportant un verrou rotatif à sept tenons qui a fait ses preuves depuis plus de quarante ans.De plus, point important, la culasse reste entièrement confinée à l’intérieur du boîtier, ce qui élimine toute forme de gêne et donc de risque lors du tir.La Maral dispose également d’un armeur manuel indépendant (« Hand Cocking »), lequel accroît encore le niveau de sécurité. Son canon est réalisé par martelage à froid et la carabine est dotée d’une plaque de couche anti-recul entièrement interchangeable. Enfin, le transport de la Maral est particulièrement simple car sa crosse peut être démontée à l’aide d’un outil spécifique et fourni à l’achat. A travers la Maral, Browning associe, une fois de plus, son expertise technologique à son exigence séculaire en matière de sécurité. Pour Browning, donc, l’histoire continue… MARAL Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 49 Les ARMES MYTHIQUES La carabine Winchester modèle 70 L a carabine Winchester Modèle 70 est apparue sur le marché nord américain en 1936. A l’origine, elle fut conçue pour être une carabine à verrou destinée à la chasse et au tir sportif. Elle a cependant prospéré à travers des développements inattendus, ce qui lui a valu d’hériter du surnom suivant : « the Rifle of the Rifleman » (« la carabine du tireur »).Son système de culasse original présente un certain nombre de similitudes avec celui de la culasse Mauser – dont découle également la première culasse Winchester modèle 54.La première génération de carabines Winchester Modèle 70 a été fabriquée par la Société Winchester Repeating Arms jusqu’en 1980 ; ensuite, jusqu'à fin 2006, cette arme a été produite par l’US Repeating Arms, conformément à un accord avec la société Olin Corporation. Fin 2006, la production a été interrompue ; néanmoins, pour faire face à une demande croissante, la FN Herstal a annoncé, en 2007, que la carabine serait de nouveau fabriquée.Depuis 2012,de nouvelles carabines à verrou Winchester Modèle 70 sont donc fabriquées par la FN Herstal. La Winchester Modèle 70 08 Rem,300 WSM,325 WSM,338 Win Mag, 264 Win Mag, 25-06 Rem. Tous ces calibres ne sont cependant pas importés en Europe. Technologie de la Winchester Modèle 70 La Winchester Modèle 70 à verrou dérive du système Mauser 1898. Le canon peut être en acier carbone ou en acier inoxydable.La crosse de type monobloc est réalisée dans du noyer américain ou en polymère, selon la version. Les organes de visée sont classiques, avec hausse réglable ou bande de battue et guidon réglable doté d’une fibre optique pour les versions modernes.Du reste,l’arme peut facilement être équipée d’une lunette de visée. Elle possède par ailleurs un magasin fixe à fond basculant. Dans sa fabrication moderne, elle est proposée en différentes versions sur le marché européen : Ultimate Shadow, Classic Hunter, Safari Express et Coyote Light. Elle dispose d’une sécurité à trois positions très pratique et empêchant toute possibilité de percussion accidentelle. Lorsque le poussoir de la sécurité est en position centrale, Modèle 70, détail du boitier de culasse. Au cours de son histoire, la carabine Winchester Modèle 70 a été proposée en de multiples déclinaisons et chambrée pour un nombre considérable de calibres. Aujourd’hui, les calibres suivants sont disponibles : les calibres 243 Winchester ; 270 WSM ; 308 Winchester ; 30-06 Springfield ; 300 Winchester Magnum ; 375 H&H Magnum ; 416 Remington Magnum ; 458 Winchester Magnum, 22-250, 7mm- 50 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE la culasse peut être actionnée,ce qui permet d’éjecter les cartouches contenues dans le magasin en mode sécurité. La Winchester Modèle 70 possède un système de détente MOA qui fonctionne suivant le principe du levier. Tous les composants internes du système mécanique, axes et ressorts, sont réalisés avec rigueur et précision dans de l’acier inoxydable. Afin d’augmenter la résistance à la corrosion, la gâchette et l’actionneur ont reçu un traitement de surface nickel téflon. La culasse est dotée d’un solide éjecteur à lame qui permet de conserver un contrôle complet lors de l’éjection d’une douille, soit de manière délicate afin de la récupérer sans la projeter au sol, soit de manière plus vive en action de tir, où elle est vivement expulsée à plusieurs dizaines de centimètres de l’arme. Cette arme remarquable présente également un large extracteur – qui a contribué à l’élever au rang de « Carabine à verrou du siècle ». Cet extracteur à griffe coulisse sans à-coup et s’appuie sur un quart de la base de la cartouche, ce qui permet un contrôle parfait de son mouvement dès qu’elle sort du magasin pour être poussée dans la chambre. Elle est ensuite totalement immobilisée jusqu’à la phase d’éjection. Culasse Modèle 70 à rotation contrôlée CRF et culasse à poussoir CRPF (en bas). Winchester Modèle 70 détail entrée de chambre en forme de cône protégeant la pointe de la balle lors du chargement vers la chambre. Détail de l’éjecteur à lame assurant une fiabilité à toute épreuve. Détail de la sécurité à trois positions de la carabine Winchester Modèle 70. La particularité de cette conception, c’est qu’elle permet d’extraire une cartouche non tirée, même si elle n’est pas encore complètement chambrée. Précisons enfin que le canon de la Winchester Modèle 70 est martelé à froid à partir d’une barre d’acier massive afin d’obtenir une excellente précision et garantir sa longévité. La Winchester modèle 70, ses débuts La Winchester Modèle 70 a bien entendu évolué au fil du temps. Les modèles pré-64/70 (c’es-à-dire ceux fabriqués entre 1936 et 1963) sont généralement les plus cotés auprès des utilisateurs. Ils possédaient plusieurs caractéristiques techniques appréciées : une alimentation de type Mauser totalement contrôlée par une culasse offrant une manœuvre fluide, un large extracteur fonctionnant dans toutes les conditions, un éjecteur à lame fixe, une crosse en noyer de qualité dotée d’un superbe quadrillage… Ces carabines peuvent d’ailleurs être identifiées par leur numéro de série (inférieur à 700 000) et par la présence d'une vis servant à maintenir le canon sur la crosse. Winchester pré64/70 action CRF extracteur indépendant et non pivotant à large griffe. L'éjecteur à lame fixe est comparable à celui du Mauser 98 ; peutêtre même lui est-il supérieur. Le principal avantage de l'extracteur large de type Mauser par rapport aux versions ultérieures, c’est qu'il saisit fermement le bourrelet du culot de la cartouche sur un important rayon. La cartouche est alors maintenue par poussée vers le haut à partir de la palette élévatrice du magasin qui contrôle sa marche en avant jusque dans la chambre de l'arme. Ce mouvement dynamique est appelé « Controlled Round Feeding » (Alimentation Circulaire Contrôlée) ; le concept technique qui lui est associé est notamment recommandé par les adeptes de la chasse des animaux dangereux. Contrairement au système Mauser,la fente du passage de l’éjecteur a été usinée dans la face de culasse audessous du tenon de verrouillage, laissant les deux tenons avant intègres et donc plus solides.Les principaux avantages de l’éjecteur à lame sont sa simplicité et sa fiabilité. Les autres caractéristiques mécaniques importantes de ce concept technologique sont les suivantes : une sécurité à trois positions (conservée tout au long de la production du Modèle 70) ; un système de rampe d’alimentation à La carabine Winchester Modèle 70 d'origine s’est rapidement taillée une excellente réputation auprès des tireurs sportifs américains. Elle possédait un fonctionnement de haute qualité lié à un solide système de verrouillage comportant deux tenons en tête,ainsi qu’un Jours de C HASSE u HORS SÉRIE cône évasé qui contribue à protéger la pointe de la balle ; un magasin en acier usiné,tout comme le pontet et la plaque de fond de magasin; la culasse construite d’un seul bloc, ainsi qu’une détente de type MOA réglable avec précision. Winchester Modèle 70, évolution de 1964 à 1991 Le Modèle 70 ayant été détrôné sur le marché militaire par la carabine Remington 700 (un dérivé simplifié), des modifications substantielles furent apportées à l’arme,dès 1964.Le concept de « Controlled Round Feeding » (Alimentation Circulaire Contrôlée : CRF) fut abandonné ; on changea la forme et la conception de base du magasin ; le quadrillage de la crosse fut désormais exécuté mécaniquement. Le concept technologique de la culasse fut simplifié ; il perdit son large extracteur ; le pontet et la plaque de fond de magasin furent fabriqués d’une seule pièce d’aluminium embouti. Certes, le nouveau système inspira un peu de scepticisme aux amateurs de ce type d’armes. Ils voyaient là une tête de culasse modifiée renfermant totalement le culot de la douille au niveau du bourrelet, dotée d’un petit extracteur à griffe… Somme toute,l’arme était bien faite, mais probablement pas adaptée aux conditions extrêmes… Pourtant, ce nouveau modèle n’a que très rarement posé de véritables problèmes d’alimentation ou d’éjection. Il permet en effet de refermer la culasse par inadvertance sur une chambre vide et, ainsi, de ne pas réengager un 51 Les ARMES MYTHIQUES Winchester Modèle 70 Coyote-Light Winchester Modèle 70 Ultimate-Shadow Winchester Modèle 70 Safari Express Winchester Modèle 70 Classic Hunter Winchester Modèle 70 Stealth II CRPF nouveau cycle s'il est employé sous contrainte ou stress, par exemple si l'arme est tenue à l'envers ou de côté. Winchester Modèle 70, évolution de 1992 à 2006 A partir de 1992,Winchester décide de réintroduire certaines caractéristiques des carabines modèle 70 pré-64 dans ses nouvelles fabrications. Les modèles de carabines post-92 reprennent en effet la plupart des spécificités du modèle d’origine et bénéficient, en plus, d’autres adaptations – tel le poussoir de sécurité à trois positions. Certaines variantes sont dotées d’une crosse en résine synthétique noire :l’arme,sans perdre nullement en qualité mécanique, devient à la fois plus résistante à l’usure et moins coûteuse. D’autres carabines sont munies de crosses à hautes performances (de type Mc Millan, Bell ou encore Carlson en fibre de verre). D’autres encore disposent de canons flutés qui réduisent le poids de l’arme et permettent une ventilation optimisée du tube. Certaines crosses en noyer possèdent une finition satinée et stra- 52 tifiée conférant une meilleure stabilité structurelle au bois dans des conditions extrêmes. Par ailleurs, la Winchester modèle 70 a été fabriquée dans tous les calibres que proposait la version originale, dont la gamme est maintenant complétée par de nombreux calibres plus modernes comme les Winchester Short Magnum (WSM) et Winchester Super Short Magnum (WSSM). Ces cartouches sont plus courtes et possèdent un diamètre de douille plus large, ce qui permet un temps de chargement et d’éjection moindre. Ajoutons que Winchester commença également, en 1992, à produire un Modèle 70 à « Action Circulaire Contrôlée », modèle commercialisé sous le nom de « Classique ». L'utilisation de techniques de fabrication modernes et performantes permit ainsi à Winchester de réintroduire la fonction CRF à un prix compétitif. Winchester Modèle 70, évolution de 2006 à nos jours En Octobre 2007, suite à la fermeture – l’année précédente – de Jours de C HASSE u HORS SÉRIE l'usine historique de New Haven,la FN Herstal annonça qu'elle produirait la Winchester Modèle 70 à culasse pré64 (CRF) dans son usine de Columbia, en Caroline du Sud. En décembre 2012, il fut décidé que la production serait transférée au Portugal à partir de 2013.En fait,les composants de cette carabine sont toujours fabriqués en Caroline du Sud, mais l'assemblage final est effectué au Portugal. Les carabines Modèle 70 de série sont commercialisées pour les forces militaires et les organismes gouvernementaux comme des armes de sniper. La carabine FN Spécial Police possède la culasse, le boîtier de culasse et le magasin de la carabine Winchester Modèle 70 standard ; toutefois, elle est équipée d'un canon lourd et d’une crosse Mc Millan de type tactique. La carabine Bolt Patrol FN dispose, elle aussi, des spécificités de la Winchester Modèle 70 standard ; néanmoins, conçue pour être employée par des policiers à l’intérieur des voitures de patrouille, elle est munie d’un canon court et compact. La carabine Bolt Patrol FN est également commercialisée avec un frein de bouche. Winchester Modèle 70, Versions Chasse La carabine Winchester Modèle 70 a été déclinée dans un grand nombre de finitions ; sa version moderne « Chasse » est actuellement proposée selon les critères généraux suivants : calibres 243 Winchester ; 270 WSM ; 308 Winchester ; 30-06 Springfield ; 300 Winchester Magnum ; 375 H&H Magnum ; 416 Remington Magnum ; 458 Winchester Magnum, 22-250, 7mm08 Rem,300 WSM,325 WSM,338 Win Mag, 264 Win Mag, 25-06 Rem. Tous ces calibres ne sont cependant pas importés en Europe. Longueur du canon de 56 cm à 66 cm, selon calibre ; longueur totale de la carabine : 108 à 118 cm, selon calibre ; masse de l'arme à vide : 2,9 kg à 4,1 kg, selon calibre ; capacité du magasin : de 3+1 à 5+1, selon calibre. Winchester Modèle 70, version Sniper La carabine Winchester Modèle 70 est avant tout une arme de chasse ; toutefois, grâce à ses qualités exceptionnelles, elle a été détournée de sa vocation première pour un usage militaire, notamment dans sa version sniper. Cette carabine de précision est également utilisée par de nombreux SWAT Teams, mais aussi par la police néozélandaise. Enfin, une version à canon court servit de carabine de survie à la Gendarmerie Royale canadienne. La Marine des Etats-Unis a acheté 373 carabines Winchester Modèle 70 en mai 1942. Bien que la Marine n’ait utilisé officiellement que le Garand M1 et le Springfield M1903 comme armes de sniper au cours de la Seconde Guerre mondiale, il n’en demeure pas moins que de nombreuses Winchester Modèle 70 ont été fournies à des camps d'entraînement mais aussi utilisées sur le terrain au cours de la campagne du Pacifique. Ces carabines disposaient d’un canon de type sport d’une longueur de 61 cm en calibre 3006 Springfield. Ces carabines présentent des numéros de série compris entre 41000 et 50000.Aujourd’hui,différents corps d’armées à travers le monde continuent d’acquérir des Winchester Modèle 70 afin d’équiper certaines unités de tireurs d’élite… Buffalo Bill et Sitting Bull en 1885. L’utilisation militaire de la Winchester modèle 70 L'EXCELLENCE WINCHESTER, RECONNUE MÊME CHEZ LES CHASSEURS... DE VAMPIRES « ICI, QUINCEY MORRIS INTERVINT : - JE CROIS COMPRENDRE QUE LE LOUP [C’EST-À-DIRE DRACULA, QUE LES PERSONNAGES POURCHASSENT] VIENT D’UNE RÉGION OÙ IL Y A DES LOUPS, ET IL PEUT Y ARRIVER AVANT NOUS. JE SUPPOSE QUE NOUS AJOUTERONS DES WINCHESTER À NOTRE ARMEMENT. J’AI UNE SORTE DE FOI EN LA VERTU D’UNE WINCHESTER QUAND IL Y A AUX ENVIRONS DES ENNUIS DE CE GENRE. VOUS VOUS RAPPELEZ, ART, QUAND NOUS AVIONS TOUTE CETTE BANDE À NOS TROUSSES À TOBOLSK ? QUE N’AURIONS-NOUS PAS DONNÉ L’UN ET L’AUTRE POUR AVOIR CHACUN UN FUSIL À RÉPÉTITION ? - PARFAIT, DIT VAN HELSING, IL Y AURA DES WINCHESTER. » BRAM STOKER, DRACULA, 1897 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 53 par Mic hel Moreau La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES Browning 1900 version luxe La « Belle époque » se modernise : tir à l’épaule du pistolet 9 mm «Grand Modèle» à l’aide de la gaine-crosse (1911). 54 E n 1897,John Moses Browning rencontre l’un des directeurs commerciaux de la FN chargé de développer les ventes de bicyclettes FN aux États-Unis, Hart Berg. Il lui propose alors son dernier brevet, qui couvre la fabrication d’un nouveau modèle de pistolet automatique de poche en calibre .32 (7,65 mm). Enthousiaste, Hart Berg rapporte en Belgique le prototype du nouveau pistolet – qui sera soumis à un tir de 500 cartouches sans incident ! Après cet essai très concluant, le contrat de fabrication est signé, en juillet 1897, tandis que le premier pistolet Browning sort des chaînes en janvier 1899,un an avant que Colt ne sorte, à son tour, son premier pistolet Browning breveté (le pistolet Colt modèle 1900). Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Ce premier pistolet Browning (modèle 1899) connut un énorme succès, à telle enseigne que le vocable « Browning » désigna très vite n’importe quel pistolet automatique. L’armée belge ne s’y trompa pas, qui l’adopta, après quelques modifications, lui conférant au passage son millésime : Browning 1900. Au reste, les forces armées de la Russie Impériale, du Danemark, de la Norvège, de la Finlande et de la France l’imitèrent. Mais si l’arme était à la fois simple et fiable, la cartouche mise au point par Browning pour son pistolet (le 7,65 Browning ou 7,65 x 17 SR) fut aussi très largement diffusée. Notons enfin que, dans les mains de l’anarchiste Bonnot, le pistolet va défrayer la chronique de l’époque… et, par réaction, intégrer l’armement des Auto-5 premiers services de police étatisés,notamment celui des célèbres Brigades du tigre. Le 16 octobre 1900, Browning dépose aux États-Unis un nouveau brevet pour une carabine semi-automatique fonctionnant par long recul du canon. La « FN 1900 » (ou « fusil semiautomatique Browning calibre .35 ») sera d’abord fabriquée et vendue par la FN, puis, à la suite d’un accord commercial, par Remington aux USA pour les seuls marchés américain et canadien sous le nom de « Remington Modèle 8 ». Cette carabine de chasse sera mise en service, pendant la guerre, dans l’armée française ; elle équipera les premiers avions d’observation (98 carabines en service en octobre 1915). En 1901, à la demande de la FN, Browning proposa un autre pistolet destiné à concurrencer le nouveau pistolet Luger allemand, lequel était chambré pour la puissante cartouche de 9 mm parabellum. Le FN Browning 1903 Modèle de Guerre (ou Grand Modèle) sera ainsi conçu pour une toute nouvelle cartouche de 9 mm : la 9 mm Browning long. Si l’armée belge n’adopta pas cette arme – la Suède,l’Estonie, le Salvador, le Paraguay, la Hollande, la Russie Impériale et la Turquie en équiperont soit leur armée soit leurs forces de police. En 1902, John Moses Browning se décide à visiter la FN.Mais il ne vient pas les mains vides : son prototype de fusil semi-automatique de chasse – qui emploie le même principe de fonctionnement que la carabine FN 1900 – vient d’être refusé par Winchester et Remington. Il le propose donc à la FN, qui lui fait signer immédiatement un contrat exclusif de fabrication (y compris pour les États-Unis), le 24 mars 1902. L’Auto-5 est né. Les premiers fusils sortiront de la manufacture au cours de 1903 : 10 000 exemplaires seront vendus dans l’année ! L’armée française l’utilisera pendant et après la Première Guerre (les derniers modèles ont été réformés en 1990) au sein de l’« Aéronautique militaire » (future Armée de l’air) : l’arme servira alors à l’entraînement des pilotes (ball-trap), à l’effarouchement de la faune sauvage aux abords des terrains d’aviation et à la destruction des pigeons voyageurs ennemis. En 1905, un nouveau pistolet – réduction du modèle 1903 – voit le jour. Ce pistolet de poche, chambré dans le nouveau calibre 6,35 Browning, amplifie encore les ventes. Colt le fabriquera également (pour le marché américain) sous l’appellation Colt modèle 1908, dans le même calibre (.25 acp aux Etats-Unis). En 1906, 250 000 pistolets Browning auront été fabriqués et vendus par la FN. En 1908, 500 000 pistolets auront été produits et la FN célébrera le millionième exemplaire le 31 janvier 1914. Cette même année, un nouveau brevet de pistolet est proposé à la FN par Browning. Destiné à remplacer le Browning 1900, l’arme apporte à ce dernier des innovations intéressantes. Le Browning Nouveau Modèle (ou Browning modèle 1910) sera breveté en Belgique le 28 juillet 1909. Sa production démarrera en 1910. let est adopté par le Royaume en 1923 (60 000 exemplaires). Cette adoption sera par ailleurs suivie d’une commande de 50 000 fusils Mauser et de 50 millions de cartouches. Le traité de Versailles interdisant la fabrication d’armes de guerre à l’Allemagne (et donc à ses firmes : Mauser,etc.),la FN va proposer une variante du fusil modèle 1898 plus connue sous le nom Modèle 1924.L’arme intéressera de nombreux États (Colombie, Pérou, Venezuela, etc.), y compris la Belgique, laquelle modernisera son équipement en adoptant, en 1935, un nouveau fusil dont 20 000 exemplaires seront délivrés avant l’occupation allemande. En 1923, la FN acquiert les droits pour la fabrication du fusil mitrailleur modèle 1918 (Browning BAR 1918), arme conçue par Browning et mise au point sur le front par son fils (le lieutenant Val Browning de la 79e division US). Ce fusil mitrailleur est adopté par l’armée belge en 1930 (FM30),après les modifications apportées par l’ingénieur en chef de la FN, Dieudonné Saive. Il connaîtra un certain succès à l’exportation,notamment en Chine (calibre 7,92 Mauser) et au Chili (calibre 7 mm Mauser). Pistolet semi-automatique FN Browning Dès la fin de la Première Guerre, la FN reprit la fabrication du pistolet 1910 et de l’Auto-5. En 1922, à la demande du Royaume de Croatie, Serbie et Slovénie (plus tard Yougoslavie), le pistolet 1910 est aménagé afin de recevoir un canon plus long et d’augmenter sa capacité. Ce nouveau pisto- Jours de C HASSE u HORS SÉRIE FM Browning modèle 30 55 La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES Fusil FN semi-automatique SAFN Depuis 1921, à la requête de l’étatmajor de l’armée française, un nouveau pistolet est étudié dont les caractéristiques ne cesseront d’évoluer au cours de la décennie suivante. D’abord chambré pour la cartouche 9 mm parabellum, il sera finalement proposé en calibre 7,65 long aux essais de 1936… mais sans succès, la France préférant une fabrication nationale. Initié par J. M. Browning, le dessin de ce pistolet « à grand rendement » est finalisé par Dieudonné Saive en 1929. L’arme est mise en vente la même année. Le crack de 1929 va certes ralentir les commandes ; néanmoins, l’armée belge achètera environ 1000 exemplaires de ce nouveau pistolet en calibre 9 mm parabellum pour évaluation. Après certaines modifications, le pistolet change de nom : désormais, on parle du Browning GP ou « Grande Puissance » (High Power). Le pistolet est définitivement adopté par la Belgique en 1935, sous l’appellation GP35 ; 38 190 exemplaires sont livrés à son armée avant juin 1940. L’Estonie en commande 5658 en 1936, la Lituanie 7000 en 1937, la police argentine 1600 la même année, la Finlande 2400 en 1939,etc.Le GP35, au même titre que le Colt 1911 (le célèbre Colt 45, autre création de Browning), sera l’archétype même des pistolets de combat modernes jusqu’au début des années 1980. Enfin, la FN construira, sous licence, l’excellent canon antiaérien Bofors M/36 de 20 mm pour l’armée belge. Pendant l’Occupation, deux modèles de pistolets sont fabriqués pour l’armée allemande : le 1922 (367 300 exemplaires) et le 1935 GP (310 000). Sous la pression des Alliés, les Allemands quittent l’usine le 30 juillet 1944. Les machines destinées à la fabrication des pistolets 1922 et GP35 sont abandonnées.Cette décision permettra à la FN de reprendre leur production dès la libération de l’usine. Après la capitulation du IIIe Reich, la FN est 56 Jours de C HASSE u employée par le gouvernement US à la remise en état des armes légères américaines avant leur rapatriement en Amérique. 2,1 millions d’armes seront ainsi réparées,nettoyées et préparées au stockage. La forte demande d’armes qui marqua l’immédiat après-guerre est assez surprenante... au vu des quantités gigantesques produites pendant le conflit. En effet, de nombreux pays se tournent alors vers la FN afin d’acquérir des armes de poing pour équiper leurs forces militaires ou de police (la France commandera ainsi 30 000 pistolets modèle 1922). Ceci permet à la société herstalienne de retrouver rapidement une santé financière. Les recherches entreprises par Dieudonné Saive avant et pendant la guerre vont aboutir à l’adoption, par l’armée belge, du fusil semi-automatique EXP-1 (en calibre 30-06) qui deviendra le SAFN modèle 1949. Ce fusil sera également produit pour l’Argentine, le Congo Belge, le Brésil, la Colombie, l’Égypte, l’Indonésie, le Luxembourg et le Venezuela. En 1952, l’Auto-5 est remis en fabrication : il sera largement utilisé dans les conflits de la décolonisation, notamment par les Britanniques. A la fin des années 1950, la FN propose la candidature du GP35 à la standardisation OTAN. En 1956, la Grande-Bretagne et la majorité des États du Commonwealth adoptent le pistolet sous l’appellation L9A1, suivies par les armées ou les forces de police du Danemark, des Pays Bas, de Fusil automatique léger (FAL) HORS SÉRIE Pistolet FN GP35 l’Autriche, de la Grèce, de l’Inde, de Formose, du Luxembourg, de l’Australie, du Paraguay, de l’Allemagne de l’Ouest, du Pakistan, de l’Indonésie, du Venezuela,de l’Argentine,de la Nouvelle-Zélande, du Pérou, de l’Irak, de la Syrie, de l’Irlande, de la Colombie, du Nicaragua, de la Jordanie et d’Israël... Le GP35 (ou HP35 en anglais) s’impose comme la référence des pistolets de combat. Le FAL : « Le bras armé du monde libre » (Winston Churchill) : Saive continue la mise au point d’un fusil automatique (pas encore fusil d’assaut) et propose de nombreux prototypes aux armées belge et britannique en calibre réduit (7 mm ou .280). En mars 1950, un brevet est déposé pour une arme automatique désignée comme « carabine universelle » en calibre .280. Mitrailleuse FN MAG modèle coaxial. Le Fusil Automatique Léger (FAL) est né. Mais les Américains, sans en référer à leurs alliés,vont imposer une nouvelle munition en standardisation OTAN : la T65E3 ou 7,62 x 51. Qu’a cela ne tienne ! Les Britanniques vont adopter en 1954 le FAL chambré pour ce nouveau calibre sous l’acronyme LAR (Light Automatic Rifle),suivis ou devancés par les pays du Commonwealth ainsi que beaucoup d’autres : Canada (1953), Etats-Unis (19541957) – mais ceux-ci préféreront finalement le M14 qui ne laissera pas un impérissable souvenir –, Australie, Belgique, Venezuela (1954), Israël, Argentine, Congo Belge (1955), Luxembourg, Paraguay, RFA, Qatar (1956),Koweït (1957),Autriche,Pérou, Indonésie, Cuba (1958), Afrique du Sud, Chili, Arabie Saoudite, Équateur (1960), Pays-Bas, Portugal, Thaïlande (1961), Brésil (1964), Grèce (1965), Bolivie (1968)… En tout, plus de 90 pays pour une production de 2 millions de fusils à la FN et toujours en service actuellement. Mitrailleuse FN MAG modèle infanterie. Le fonctionnement de cette mitrailleuse fait appel au système d’emprunt des gaz, système parfaitement maîtrisé à la FN avec la fabrication du FM modèle 30. Testée par l’armée suédoise puis l’armée britannique en 1957, la résistance de l’arme est sans commune mesure avec ses concurrents. Elle sera adoptée… par 80 pays, et fabriquée sous licence en Argentine, en Égypte, en Inde et en Angleterre. Les États-Unis vont également l’adopter, La FN MAG ou « Mitrailleuse à Gaz ou d’Appui Général » : En 1954, Dieudonné Saive quitte la FN pour une retraite méritée. Il est remplacé par Ernest Vervier à qui est confiée l’étude d’une nouvelle mitrailleuse utilisant soit une bande d’alimentation métallique à maillons désintégrables, soit les chargeurs du FAL. Cette caractéristique sera vite abandonnée mais réapparaîtra, plus tard,avec la mitrailleuse FN MINIMI. en 1977, comme mitrailleuse coaxiale de char sous l’appellation M240 (une première dans l’histoire de l’équipement militaire de l’armée US) puis la fabriquer sous licence. En 2011, le Ministère français de la Défense a com- mandé 10.881 Mitrailleuses à Gaz (MAG) auprès de la FN,pour un montant de 100 millions d’euros, afin de remplacer les modèles ANF-1 en dotation au sein de l’Armée de terre. Les 500 premières FN MAG seront livrées dès 2011 ; le reste de la commande étant étalée sur plusieurs années. La carabine BAR : Plus connue dans sa version chasse, la carabine semi-automatique BAR a également été produite pour les forces de police. Conçue à la FN en 1966, elle est mise en fabrication l’année suivante. Confectionnée en Belgique, son montage est transféré à la fin des années 1970 dans la nouvelle usine Browning de Viana, au Portugal. En 1970, une version est réalisée spécifiquement pour les forces de l’ordre,avec ou sans chargeur amovible, en calibre 7,62 x 51. La police nationale française va acquérir quelques dizaines de ces carabines au profit de la Police Judiciaire et des Groupes d’Intervention de la Police Nationale (GIPN). La mitrailleuse .50 (mitrailleuses M2 et M3) : Brevetée par J. M. Browning en 1923, la FN entreprendra sa fabrication en 1930. Son fonctionnement est similaire à celui de la mitrailleuse modèle 1919 en 30-06, mais le nouveau Fusil FALO ou FAL lourd Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 57 La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES Carabine FNC 5.56 x 45 mm OTAN FN MINIMI 5.56 Mk3 (2013) FN MINIMI 7.62 Mk3 (2013) La FNC : Mitrailleuse MK46 cal.5.56 Mitrailleuse MINIMI M249 SAW des forces américaines 58 calibre utilisé (12,7 x 99) permet le tir à plus de 1500 m. Pendant et après la Seconde Guerre, cette mitrailleuse va définitivement s’imposer, surtout comme mitrailleuse d’aviation et de blindés. La FN sera la première compagnie à proposer un système de changement rapide du canon (QCB ou Quick Change Barrel) qui évite le difficile ajustage de la feuillure du canon. A partir de 1978, la FN développe une nouvelle ligne de produits qui connaîtra un succès sans précédent. Non seulement la société fabrique les armes, mais elle les intègre à présent à des systèmes montés sur affûts ou des systèmes pods qui permettent leur adaptation sur une large gamme de porteurs : hélicoptères, avions subsoniques,navires,véhicules terrestres.Cette nouvelle ligne de produits nécessitera le développement par FN Herstal de la mitrailleuse FN M3, qui se caractérise par une très haute cadence de tir (1.100 coups à la minute). Cette mitrailleuse est encore aujourd’hui fabriquée par l’armurier belge. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Cette carabine a été développée entre 1975 et 1977 autour des spécifications OTAN sur l’arme d’infanterie future.Les essais de l’OTAN permirent la résolution de nombreux problèmes et les tests effectués par l’armée suédoise en 1981-1982 démontrèrent les grandes qualités de ce nouveau modèle. En 1986, une version adaptée aux conditions arctiques est commandée sous la dénomination AK5, puis adoptée par l’armée suédoise sous licence. La FNC sera finalement adoptée en 1989 par l’armée belge en remplacement du mythique FAL (vieillissant depuis son adoption en 1954 et chambrant l’ancienne munition de 7,62). L’Indonésie en achètera également 10 000 exemplaires en 1982,puis acquerra la licence de fabrication pour ses forces armées (par la firme PT Pindad). Le pistolet FN Five-seveN La FN MINIMI : En 1980, une nouvelle mitrailleuse légère de calibre 5,56 – fonctionnant par emprunt des gaz et culasse ouverte – vient compléter la gamme d’armes en 5,56 de la FN.Adoptée par l’armée belge, elle sera construite sous deux versions – version standard (M1) et version para (M3) – puis adoptée en 1984 par l’armée US sous l’appellation M249 SAW (Squad Automatic Weapon) et fabriquée à 10 000 exemplaires à l’usine FN de Columbia,en Caroline du Sud.En 1994, l’arme est améliorée (protection du canon, notamment) et rebaptisée M249 LMG (Light Machine Gun). Cette mitrailleuse légère sera l’un des grands succès de la FN ; de nombreuses armées s’en équiperont à travers le monde (45 pays dont le Royaume-Uni – L108A1 pour la version standard et L110A1 pour la version para – et la France). Elle sera fabriquée sous licence par 6 pays. Désormais proposée dans sa troisième version, la FN MINIMI 5.56 accroît encore son efficacité opérationnelle :l’ergonomie et la maniabilité de l’arme, ainsi que l’intégration des accessoires sur celle-ci, ont été optimisées. Munitions 5.7 historique de la Fabrique depuis la fin de la Première Guerre, la FN passe, en 1991, sous le contrôle du groupe français GIAT industries (Groupement Industriel des Armements Terrestres), lequel fut fondé à partir de la fusion des diverses industries d’armement du Ministère de la Défense. Le GIAT réorganise alors les activités de ses établissements français autour de certains domaines (chars, véhicules blindés, systèmes d’artillerie, munitions, systèmes d’information terminaux) et transfère l’activité armement léger à la FN. Le rapprochement va se traduire immédiatement par l’union des bureaux d’études de la MAS et de la FN avec un partenariat qui entraînera à terme...la disparition de la MAS ! Soucieux d’afficher de nouveaux produits, GIAT met en avant le projet de PDW de la FN. L’APDW (Advanced Personal Defense Weapons) ou PDW est un projet de l’OTAN visant à équiper les personnels « non fantassin » (pilotes d’hélicoptères ou de chars,servants d’armes,etc.) d’un moyen de protection individuelle lorsqu’ils sont directement menacés par l’ennemi. Il est destiné à remplacer les armes de poing et les pistolets-mitrailleurs actuellement en service (généralement en calibre 9 mm parabellum) par une arme dont les munitions permettraient de traverser les protections balistiques au moins jusqu’à 200 m. Le projet de la FN est articulé autour d’une cartouche d’un nouveau calibre, le 5,7 x 28, développée par FN Herstal et dont les performances vont être complétées par La période GIAT industries (aujourd’hui NEXTER) : Suite au désengagement de la Société Générale de Belgique, actionnaire Pistolet-mitrailleur FN P90 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 59 La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES Mais la Région wallonne, avec sa minorité de blocage,refuse. Elle craint une délocalisation vers les États-Unis et en organise donc le rachat. La FN aujourd’hui : Mitrailleuse FN M3M (calibre .50) sur affût le projectile – destiné à la cartouche de 5,7 x 22 – réalisé par la manufacture de munitions du Mans, munition élaborée pour le projet ADR (Arme de défense rapprochée) de la MAS... Au terme de longs tests comparatifs entre la munition 5.7 et la 4.6 de Heckler & Koch, la recommandation de l’OTAN pour le nouveau calibre PDW s’est portée sur la 5.7. Le projet ADR n’y survivra pas et l’arme de la FN, un pistolet-mitrailleur compact aux formes futuristes,sera propulsée en 1991 sur le devant de la scène mondiale (et des écrans de cinéma) sous l’appellation de FN P90 (prononcez : « P nonante »). Le système 5.7 est aujourd’hui en service dans plus de 65 pays (armées régulières, forces de polices, forces spéciales et services de protection rapprochée de VIP). En 1990, la gendarmerie nationale publie un appel d’offres pour la fourniture d’un riotgun (fusil à pompe en calibre 12). La FN va proposer une version modifiée de son Browning BPS (Browning Pump Shotgun), introduit en 1984. Après de longs essais, le BPS-SP sera finalement acquis en 1994 à environ 9000 exemplaires. En 1996,c’est un nouveau fusil d’assaut en 5,56 qui est présenté. Le FN F2000 est un fusil Bullpup (comme le Famas) dont la principale caractéristique est l’éjection des étuis vers l’avant plutôt que de côté, particularité provenant, encore une fois, du projet ADR de la MAS. Ce système permet au fusil de demeurer ambidextre sans nécessiter de démontage.Il n’y a pas d’éjection au sens propre, les étuis étant poussés dans un tube situé dans la carcasse, au-dessus du canon, et tombant par gravité juste avant la bouche du canon du côté droit.Ce fusil est adopté par quelques armées dont l’armée belge (dans sa version avec lance-grenades de 40 mm – FN F2000 STD). En 1997, Giat (qui détient 92 % des parts de la FN Herstal) veut vendre l’entreprise aux Américains Colt. Fusil d'assaut FN F2000 Tactical équipé d'un lance-grenades 40 mm LV, d'une conduite de tir FN FCU et d'une lunette de précision. 60 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE En 1998, un pistolet (le FN FiveseveN) chambré pour la cartouche de 5,7 x 28 du FN P90 est proposé avec un chargeur de 20 coups. Il intéressera tous les utilisateurs précédents du FN P90 et prendra rapidement du service auprès des pilotes de l’Armée de l’air belge. Conjointement,le remplacement du GP35 (et de ces diverses évolutions) s’impose au regard des nouveaux matériaux désormais utilisés et réclamés par les acheteurs potentiels (carcasses polymères, aciers inoxydables, etc.). En 2003, la FN répondra également aux nouvelles exigences de maintien de l’ordre en développant un système à létalité réduite inédit qui s’articule autour d’un lanceur à air comprimé, le FN 303, et d’un projectile à effet cinétique. La FN Herstal développera quelques années plus tard le FN 303 P, qui utilise les mêmes projectiles. Plus compact, ce lanceur convient parfaitement à une utilisation dans des endroits confinés telles les cellules de prison. En 2010, une version de la FN MINIMI en 7,62 est proposée. Rappelons que la première version de cette célèbre mitrailleuse était déjà dans ce calibre avant d’être adaptée au calibre 5,56. L’Armée de terre française, parallèlement à ses mitrailleuses FN MAG, acquiert, en 2011, 200 mitrailleuses FN MINIMI 7,62 pour ses forces d’infanterie en Afghanistan. La FN MINIMI en 7,62,tout comme la 5,56,vient d’être adaptée pour mieux correspondre aux besoins opérationnels actuels. Toutes les mitrailleuses de la FN bénéficient également de plateformes d’intégration pour être servies dans les trois dimensions (air, terre et mer). Lanceur à létalité réduite FN 303 Lanceur à létalité réduite FN 303 P Ces systèmes d’armes embarqués sont universellement reconnus et utilisés à travers le monde. La famille FN SCAR (ou Special Operations Forces Combat Assault Rifle) a été développée par le Bureau d’études de la FN pour répondre à la demande de l’US SOCOM (United States Special Operations Command) en 2004. La famille se compose de fu- sils d’assaut modulaires disponibles en 5.56x45mm (FN SCAR-L) ou en 7.62x51mm (FN SCAR-H) et d’un lance-grenades 40 mm FN40GL. En 2007, l’arme est testée par l’USSOCOM et déployée au combat en 2009 pour évaluation. Plus d’un million de cartouches seront tirées pendant cette évaluation.En 2010,le Commandement des Opérations Spéciales des États- Unis (USSOCOM) autorise officiellement la mise en service opérationnelle des fusils SCAR-L et H ainsi que du lancegrenades de 40 mm FN40GL, respectivement sous les appellations US MK16, MK17 et MK 13. Le FN SCAR remporte un franc succès au niveau mondial et est adopté par de nombreuses unités (armées régulières et forces spéciales) dans le monde,en plus des USSOCOM,et notamment la Belgique. Le FN SCAR dispose d’une architecture ouverte qui permet au soldat d’adapter son arme à la mission puisque, pour chaque calibre, il a le choix entre deux canons, soit standard soit court, rapidement interchangeables. Sa crosse est pliable et réglable en hauteur et en longueur pour adapter l’arme à la morphologie de l’utilisateur, sa tenue et son matériel. Quant au lance-grenades 40 mm de la famille FN SCAR, appelé FN40GL, il vient se fixer très facilement sur le rail inférieur du fusil 5,56 Station téléopérée deFNder, ici équipée de la mitrailleuse FN M3R (calibre .50). Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 61 La FABRIQUE et les ARMES MILITAIRES ou 7,62 ou sur une crosse auxiliaire télescopique pour une utilisation en version autonome.L’utilisateur dispose ainsi d’une capacité de tir supplémentaire. L’architecture ouverte à la base du FN SCAR a permis de développer, sur le principe de la même plateforme, un fusil de précision équipé soit d’une crosse identique à celle du fusil d’assaut, soit d’une crosse fixe de type sniper, garantissant un réglage fin en longueur et en hauteur. Grâce à leurs ergonomies rigoureusement identiques et leurs nombreux composants communs, les fusils de la famille FN SCAR permettent de réaliser des économies substantielles en termes de formation (utilisateur et armurière), d’entretien et de soutien. Les développements récents : Afin de compléter sa gamme d’armes, la FN mit au point une gamme de produits associant à l’arme un système électronique capable d’accroître son efficacité opérationnelle : cette gamme est connue sous l’appellation FN Armatronics. En 2005, elle développa – en collaboration avec la société finlandaise Noptel, dont elle fera l’acquisition en 2011 – une conduite de tir appelée FN FCU et destinée à optimiser la probabilité d’atteinte d’une cible avec un lance-grenades de 40 mm. La FN FCU est équipée entre autres d’un télémètre laser qui calcule la distance exacte entre le tireur et la cible, d’un clinomètre qui mesure l’angle d’élévation ou de dépression entre le FN SCAR-L CQC (5,56 x 45 mm OTAN) avec lance-grenades 40 mm LV. 62 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE tireur et la cible et d’un calculateur balistique qui prend en compte la trajectoire du projectile en vol.L’ensemble de ces éléments seront pris en compte pour indiquer au tireur le bon angle de tir, affiché sur l’optique de visée à réticule mobile. Il existe à ce jour deux versions de conduites de tir : la FN FCU-850N et la FN FCU-1.5M,cette dernière disposant d’un télémètre laser à sécurité oculaire et indétectable. Autre produit de la gamme FN Armatronics : le compteur de coups FN SmartCore. Intégré à l’arme, le FN SmartCore enregistre les cadences, les régimes et le nombre de tirs (à balles réelles et à blanc). Poursuivant les développements initiés avec la conduite de tir FN FCU et le compteur de coups FN SmartCore, FN Herstal dévoilera, en 2014, de nouvelles solutions basées sur l’intégration, dans l’arme portable, de technologies de pointe. Ces solutions ont un double objectif : d’une part, augmenter les performances de tirs du soldat ainsi que ses capacités de communication en opération ; d’autre part, permettre une meilleure gestion de maintenance et une meilleure gestion logistique du parc d’armes. FN SmartCore Munitions Systèmes d’armes embarqués (sur affûts, pods ou stations opérées) Intégrer des systèmes d’armes sur affûts ou des systèmes pods requiert une connaissance approfondie des armes et de leur utilisation sur le terrain.Une attention particulière doit être portée aux exigences de l’opérateur et à son environnement. Le système doit être facile à utiliser et ne pas interférer avec les systèmes propres de l’appareil ; dans certains cas – pour un montage en porte par exemple – le système ne doit pas gêner le passage et doit pouvoir se ranger facilement à l’intérieur de l’hélicoptère pour permettre la fermeture de la porte. FN Herstal propose également, pour les applications aéronautiques,des systèmes pods qui intègrent tous la mitrailleuse FN M3P de calibre .50. Différents modèles sont possibles : le FN HMP250 peut contenir 250 munitions,le FN HMP400 en contient jusqu’à 400. Autre version : le FN RMP, qui allie la FN M3P avec 250 munitions et trois tubes de lance-roquettes de 70mm. Pour garantir une parfaite intégration des systèmes d’armes sur les porteurs pour toutes les applications (aéronautiques,terrestres et navales),une étroite coopération avec les OEM européens et, en particulier, plusieurs OEM français de références air / terre / mer,est primordiale.Depuis son entrée sur ce marché, la FN connaît un vif succès : plus de 4000 avions et hélicoptères ont été équipés à ce jour de systèmes d’armes embarqués.Cette activité est un pan important pour la FN, qui ne cesse de travailler à des innovations pour répondre aux nouveaux besoins opérationnels du marché. Montage sur affût Les systèmes aéronautiques sur affût ont été conçus pour être montés au niveau des portes, des fenêtres, des Dans les années 1950, la Fabrique inventa la 7,62x51mm : élaborée en un temps record et soumise à des tests rigoureux, cette munition destinée aux mitrailleuses standard de l’OTAN devint, par la suite, la munition de référence. Massivement produite aujourd’hui encore, elle se présente sous différentes formes : ball, traçante, perforante, à blanc. Deux décennies plus tard, la FN mit au point la SS109 5.56x45 mm (adoptée par l’OTAN dès 1981). De nos jours, elle est encore largement utilisée pour les fusils d’assaut et les mitrailleuses légères. Dans les années 1990, la société herstalienne conçut également la munition 5,7 x 28 mm pour pistolets, disponible en de nombreuses variantes : ball, traçante, subsonique, soft, frangible et à blanc. Cette munition 5,7, avec la balle SS190, deviendra le calibre recommandé par l’OTAN pour les armes de défense personnelle. Précisons qu’outre ces trois calibres de munitions, la FN offre des munitions 9x19 mm pour pistolets ainsi qu’une gamme de calibre .50 (12.7 mm), dont l’APEI (perforante, explosive, incendiaire) destinée aux mitrailleuses lourdes et fusils snipers. L’activité munition est et reste un pan important d’innovations pour FN Herstal, qui est le seul armurier au monde à également fabriquer des munitions dans tous les calibres de ses armes depuis plus d’un siècle. Pour preuve, le développement récent d’une nouvelle munition .50 à portée réduite, aujourd’hui sous contrat avec une armée OTAN. rampes de chargement arrière des hélicoptères, ou encore sur des supports externes. La société collabore avec le constructeur d’hélicoptères et/ou l’utilisateur final dans le but d’assurer une intégration parfaite,tout en fournissant un service après vente haut de gamme. Le montage sur affût pour hélicoptères est entièrement mécanique ; la berce élastique absorbe le recul de l’arme (FN MAG en 7,62 ou FN M3M en .50), en sorte que l’équilibre est préservé pour une précision exceptionnelle. FN Herstal propose également une gamme de systèmes sur affûts pour véhicules,équipés de la mitrailleuse FN MAG (7,62),FN M2HB-QCB (.50) ou FN M3M (.50 à haute cadence de tir). Stations téléopérées Au milieu des années 2000, la FN mit au point – en partenariat avec Rheinmetall Canada – sa première station d’armement à distance : le FN ARROWS, qui fut l’objet de trois programmes majeurs (MPPV,AIV,VBCI). Dans ce cadre, les armées belge et française firent l’acquisition de plus de 400 stations d’armement à distance.Le succès rencontré avec le FN ARROWS incita par la suite la FN à développer ses propres RWS (Remote Weapon Station, Station d’armement à distance) : la deFNder. Plusieurs contrats importants ont été signés pour la fabrication et la livraison de plus de 1000 deFNder Light et deFNder Medium dans le monde. Précisons qu’au cours du second semestre 2014, la société herstalienne lancera sa station d’armement à distance pour applications navales : la Sea deFNder, déjà sous contrat avec la Marine d’un pays OTAN. Le programme fusils pour la France : les perspectives à court terme L’armée française, dont la capacité de développement du FAMAS a été réduite en raison de l’abandon des études par GIAT (désormais NEXTER), doit faire face au renouvellement de son fusil d’assaut,programmé entre 2015 et 2020. Intégrée au système FELIN (Fantassin à Equipement et Liaisons Intégrés), l’AIF (Arme Individuelle Future) équipera les combattants de l’infanterie légère ou débarquée ainsi que les forces spéciales. Elle sera également, dans une version moins équipée, l’arme de dotation de tous les militaires disposant d’un fusil. Dans cette perspective, le FN SCAR, développé par l’armurier belge, parait être un bon candidat pour le futur fusil de l’armée française. Toutes les marques de fabrique, marques de services et noms de marques utilisés ici sont des marques commerciales ou des marques commerciales enregistrées appartenant à FN HERSTAL, S.A. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 63 par Vincent Piednoir Le GROUPE HERSTAL et les GRANDS T de ce MONDE Giacomo Puccini dans le side-car d’une moto FN 4 cylindres (1913). 64 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE êtes couronnées, figures historiques,dirigeants politiques, grands industriels, noms légendaires de la compétition sportive… Nombreux furent celles et ceux qui, au fil des décennies, visitèrent ou côtoyèrent la « Dame respectable et centenaire » de Herstal – partageant ainsi,avec elle,l’éclat de leur prestige respectif. Cependant, au-delà des enjeux médiatiques et commerciaux qu’ils impliquent d’ordinaire, de tels « événements » – soulignons-le – constituent d’abord et avant tout d’importants témoignages de reconnaissance – sinon d’admiration – pour le Groupe Herstal, ses produits, ses hommes, son histoire. A cet égard, les mots de Churchill qui furent gravés par la FN sur l’exemplaire du FAL dont celle-ci lui fit cadeau au cours des années cinquante – en remerciement de la confiance décisive que le Premier Ministre britannique avait placée dans ce fusil – en sont une belle illustration : « J’ai été très heureux de constater, avait en effet déclaré Churchill, que l’arme était conforme à certaines conceptions pratiques et tactiques auxquelles ma longue expérience personnelle m’a conduit. » Hommage aux personnalités qui croisèrent le destin du Groupe Herstal et contribuèrent à sa renommée, cette sélection photographique n’est, il va sans dire, aucunement exhaustive… S.A.I. Hailé Sélassié, Prince héritier d’Éthiopie (1924). S.M. le Roi de Grèce Georges II (1938). FAL personnalisé offert par la FN à Winston Churchill (1955). S.A.R. Edouard, Prince de Galles (1930). Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 65 Le GROUPE HERSTAL et les GRANDS de ce MONDE Léopold de Belgique essayant le fusil mitrailleur FN Browning (1931). L’empereur d’Éthiopie et le Roi Baudouin (1959). S.M. le Roi Carol II de Roumanie (1938). S.M. le Roi Fouad I d’Egypte (1927). 66 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Réplique du Fusil de chasse FN customisé, offert par la ville de Liège au Maréchal Montgomery (1946). Photo en haut à droite : Le champion cycliste Eddy Merckx essaie l’ancien vélo acatène de la FN (1974). Photo ci-dessus : le général Mobutu Sese Seko, Président de la République du Zaïre (1964). Photo ci-contre : Georges Pompidou, Président de la République Française (1971). Photo en bas à gauche : Prince Philippe d’Edimbourg et Prince de Liège (1966). Photo en bas à droite : Démonstration d’un FAL FN au Shah d’Iran (1958). Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 67 par Vincent Piednoir Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN Une aventure humaine A maints égards, l’histoire d’une entreprise se déploie comme la « grande Histoire » : par ruptures, sur fond de continuité. Si les valeurs qu’elle défend – la passion du métier, la transmission de savoir-faire éprouvés, l’aspiration à une prospérité partagée – concourent à l’inscrire dans la durée, sa puissance d’innovation lui permet en revanche de s’adapter aux exigences du présent – en anticipant celles de l’avenir. De sorte que l’existence d’une entreprise est toujours tributaire de ce subtil équilibre où elle puise inspiration et force – un équilibre que seul 68 le facteur humain est susceptible d’assurer concrètement. Modeste ou tentaculaire, ancienne ou de fraîche date, elle n’est donc pas autre chose que l’ensemble des hommes qui la composent et l’incarnent. Ainsi en fut-il jadis de la Fabrique Nationale ; ainsi en est-il, aujourd’hui, du Groupe Herstal. Au cours des cent vingt-cinq dernières années,le personnel de la FN fut souvent photographié. Plus ou moins officiels, et donc spontanés, ces clichés ont – outre leur intérêt documentaire – le précieux mérite de susciter l’émotion en interpelant la mémoire collective. L’un d’eux, par Jours de C HASSE u HORS SÉRIE exemple, fut pris à la sortie des ateliers – le 29 février 1912. Nous sommes face à l’entrée principale de la Fabrique ; il est midi. Une foule nombreuse d’employés,hommes et femmes confondus, vient de quitter le travail… Certains discutent, fument, flânent à proximité des grilles ouvertes ; d’autres s’efforcent visiblement d’adopter une pose avantageuse en souriant à l’objectif ; d’autres, enfin, essayent de se frayer un chemin parmi les groupes qui se sont formés ici ou là… Témoignage d’une scène somme toute banale, cette photographie a – comme tant d’autres – fixé pour la postérité l’existence ano- nyme de celles et ceux qui contribuèrent à bâtir la renommée de la FN. Elle nous rappelle avec beaucoup d’àpropos cette vérité que le passage du temps n’a jamais pu effacer : loin d’être une entité abstraite, l’entreprise est avant tout le lieu privilégié d’une extraordinaire conjugaison de volontés et de compétences individuelles. Aussi songe-t-on, avec une certaine fascination, à la multitude de destins qui croisèrent et fécondèrent celui de la FN depuis ses origines… Fleuron incontournable de l’industrie liégeoise, la Fabrique fut toujours, on le sait, à la pointe de l’innovation et du progrès techniques. Sans même évoquer le cœur historique de son métier – la confection d’armes civiles et militaires – il suffit de se souvenir qu’à plusieurs reprises elle poussa loin, très loin la diversification de ses productions. Ce faisant, elle fut rapidement amenée à développer et à entretenir chez tous ses acteurs une faculté d’adaptation hors du commun – le goût, j’aillais dire l’instinct d’imprimer au présent des formes nouvelles, de créer la surprise, de perfectionner ce qui devait l’être. Sans doute est-ce là le propre des grandes organisations manufacturières – le secret qui les fait s’imposer et perdurer… Cependant, reflet des évolutions structurelles de la modernité, l’entreprise herstalienne ne négligea pas non plus l’importance des mutations sociologiques et psychologiques qui marquèrent le XXe siècle européen avec une force jusquelà inédite.Si certaines de ces mutations réformèrent sans heurts des mentalités ou des pratiques professionnelles devenues obsolètes,d’autres aboutirent à des conflits plus ou moins sévères : je pense, par exemple, à la désormais célèbre grève des femmes qui eut lieu à la FN en 1966, et dont le mot d’ordre initial était : « A travail égal, salaire égal ! » Rétrospectivement, on comprend que la signification de tels événements était en réalité inséparable d’un contexte sociologique beaucoup plus large – et c’est d’ailleurs pourquoi ces manifestations ont fait date. On comprend aussi que leur dépassement a fini par enrichir la FN – au sens où cette dernière eut ainsi l’opportunité d’incorporer à ses propres valeurs celles qui travaillaient en profondeur le reste de la société. Mais ces La sortie des ateliers à midi le 29 février 1912. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE expériences – qui font désormais partie de l’histoire – permettent surtout de comprendre que l’entreprise est un organisme vivant, composé de volontés plurielles et cependant animées par la perspective d’une finalité commune : prospérer durablement et pour tous. Cinq quarts de siècle se sont écoulés depuis la naissance de la Fabrique : une telle longévité ne saurait être le fruit du hasard… Lorsqu’on s’efforce de poser sur l’ensemble de ce passé un regard englobant, plus affectif qu’objectif, on ne peut s’empêcher d’être impressionné par ces générations d’ouvriers et d’artisans qui – chacune à leur manière, chacune en leur temps – insufflèrent force et vie à la FN. Anonymes, ces milliers d’individus dont il importe de préserver le souvenir constituent en vérité le socle humain sur lequel furent patiemment érigés l’identité et l’avenir de la célèbre Fabrique belge. Cela dit, cette identité fut aussi le résultat de l’investissement personnel des grandes figures qui se sont succédé à la tête de l’entreprise depuis 1889 – mettant ainsi leurs talents au service d’une collectivité qui ne manqua pas d’esprits audacieux et visionnaires.Ingénieur formé à l’Université de Liège, Alexandre Galopin (1879-1944) fut par exemple de ceux-là. Chef du Laboratoire central qu’on venait de créer pour assurer le contrôle des matières premières, il rejoignit la FN dès 1904 (il a alors vingt-cinq ans), fut Directeur général de celle-ci de 1919 à 1923, Président du Conseil à partir de 1932 puis Gouverneur de la Société Générale de Belgique de 1935 jusqu’à sa mort. Au sortir de la Première Guerre mondiale, Galopin avait estimé nécessaire de réorienter radicalement l’activité de la FN vers la fabrication de produits civils. Sous son impulsion, la division des engins motorisés avait été considérablement modernisée et développée. C’était un pari ! Il fut relevé avec brio – et l’on se souvient, aujourd’hui 69 Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN encore,des nombreux succès dont il fut cause… Bien entendu,il serait trop fastidieux d’évoquer ici le rôle que jouèrent – et les paris que relevèrent – respectivement et en leur temps les Henri Frenay, Alfred Andri, Jean Jadot, Gustave Joassart, Georges et René Laloux… pour ne citer, parmi les dirigeants historiques de la FN, que ces quelques noms anciens et bien connus. A l’instar de Dieudonné Saive et d’Ernest Vervier (dignes héritiers du génial inventeur John Moses Browning), à l’instar également des maîtres graveurs Félix Funken et Louis Vrancken – tous ces hommes marquèrent de leur empreinte le devenir de l’entreprise et montrèrent, dans leur domaine de prédilection, la voie qu’il convenait à leurs yeux de suivre. Néanmoins,si le chef d’orchestre donne toujours le la, l’harmonie de l’ensemble reste en définitive l’affaire de tous les musiciens… La réussite est à ce prix. Au début des années 1990, la Fabrique Nationale devint le Groupe Herstal. Exclusivement recentrés sur leurs activités de base – les armes de défense et sécurité, d’une part ; les armes de chasse et tir sportif, de l’autre – le Groupe et ses partenaires privilégiés représentent aujourd’hui quelque deux mille sept cents collaborateurs répartis à travers le monde. Des ÉtatsUnis (Utah,Caroline du Sud,Virginie) au Japon (Kochi, sur l’île de Shikoku), en passant par le Portugal (Viana do Castelo) et bien sûr la Belgique – ces hommes et ces femmes forment une collectivité à la fois hétérogène et complémentaire, riche de langues, de cultures, de savoir-faire et de techniques diversifiés. Un tel éclectisme est d’autant plus fécond qu’il fait depuis longtemps partie de l’identité de l’entreprise : les premiers contacts entre l’Américain Browning et la grande Dame herstalienne ne remontent-ils pas au printemps… 1897 ? Exponentiels, le progrès technique contemporain et le développement des moyens 70 Une classe de l’École FN en 1924 (formation des ouvriers). Le centre de formation de la FN dans les années quatre-vingt. de communication – au sens large – ont certes contribué à mondialiser la production et les échanges d’une entreprise naturellement déconcentrée, tournée vers l’extérieur. Cependant, de même qu’un bloc de noyer et une buse d’acier ne se transformeront jamais spontanément en B25, de même ordinateurs et machines ne se substi- Jours de C HASSE u HORS SÉRIE tueront-ils jamais à la créativité et à l’esprit de celles et ceux qui les utilisent… « Deux choses n’apparaissent pas au bilan d’une entreprise : sa réputation et ses hommes », déclarait Henry Ford au cours des années 1920. Cette formule, le Groupe Herstal met aujourd’hui un point d’honneur à la faire mentir. Portraits A Herstal même, la FN emploie aujourd’hui environ mille trois cents personnes, tous secteurs confondus. Pour pallier l’importante pénurie de main-d’œuvre provoquée par la Première Guerre mondiale, elle s’était dotée, dès 1921, d’une école de formation professionnelle destinée à fournir à ses ateliers les ouvriers qualifiés et spécialisés dont ils avaient besoin, transmettant ainsi aux jeunes générations connaissances et savoir-faire selon des méthodes d’enseignement modernes, rationalisées. Installée dans l’enceinte de l’entreprise, l’Ecole FN contribua à préserver la renommée ancestrale de la région – notamment dans le domaine de la mécanique – couvrant,par ailleurs,un grand nombre de disciplines relatives à la production industrielle. Devenue plus tard le Centre de Formation FN, elle quitta Herstal même en 1980 pour rejoindre le Parc d’activités économiques des Hauts-Sarts. Là, elle collabora plus étroitement avec les différents réseaux d’enseignement officiels et privés existant, dans le but de préparer son personnel aux nouveaux défis de l’époque.Si elle n’existe plus en tant que telle aujourd’hui, elle participa significativement à la création du CFPM (Centre de Formation et de Perfectionnement à la Maîtrise),ainsi qu’à celle du Centre de Compétences Technifutur,auquel elle fut intégrée lors de la crise de 1988-89. Mais puisque la vie concrète d’une entreprise ne saurait être mieux approchée que par le témoignage des personnes qui en font partie, voici le portrait de cinq d’entre elles – toutes originaires de Liège ou de ses environs : pour avoir accepté de se prêter de bonne grâce à nos questions, évoquant leurs parcours et partageant avec nous leurs points de vue respectifs, qu’elles soient ici remerciées. Eric Quaedpeerds, Chef de projet Armes (R&D Browning) « J’ai fait la carrière que je voulais, je n’ai aucun regret ! » Après des études en « A2 mécanique », Eric Quaedpeerds est entré en 1980 à la Fabrique Nationale. Pendant deux ans, il a suivi des cours d’apprentissage spécifique et de perfectionnement à l’Ecole FN. Sorti premier de sa promotion, il a été orienté vers la Section RDI (Recherche et Développement Industriel) ; cependant, comme il n’y avait pas de place disponible en RDI Défense, il a tout d’abord rejoint la division FN Sports – où il a travaillé, en tant qu’ouvrier, à la construction de prototypes liés aux différentes activités Browning : armes, pêche, tennis, golf, planches à voile. Puis, après s’être occupé de la mise au point et du test des armes au sein de la cellule technique, il est passé par l’industrialisation. Il a notamment travaillé, durant de longues périodes, à l’usine portugaise de Viana do Castelo : là-bas, il a Jours de C HASSE u HORS SÉRIE coordonné l’installation des lignes de production destinées à la fabrication du superposé Winchester Select, et formé le personnel. « Tant sur le plan technique qu’humain, cette expérience a été pour moi très riche : elle m’est encore utile aujourd’hui ! » résume-t-il. Ensuite, il a travaillé pendant quelques années au Bureau d’Etudes (mise en plan sous logiciel Autocad 3D, dimensionnement des pièces) et a enfin été nommé Chef de projet Armes au sein du secteur Recherche et Développement Browning. A partir d’éléments issus du Marketing et des retours clients, il s’occupe ainsi de la conception d’armes et d’accessoires, accompagne la production et assure le suivi technique ainsi que la formation des équipes Marketing, Sales, SAV, etc. Intellectuellement, Eric se sent « épanoui » ; il est fier de son parcours (ouvrier, employé, puis cadre). « J’ai fait la carrière que je voulais, je n’ai aucun regret ! » En saisissant toutes les possibilités qui s’offraient à lui pour sans cesse évoluer, il a acquis une grande polyvalence. L’envie de bien faire les choses l’a toujours animé et il éprouve du respect à l’égard de l’entreprise à laquelle il appartient. A travers elle, il a eu l’opportunité de voyager, de rencontrer des fournisseurs de tous horizons – ce qui lui a permis de nouer de nombreuses relations à l’échelle internationale. En interne, il est proche du Marketing et, de ce fait, des clients. Il a aussi de fréquents contacts avec les journalistes, en particulier lors des présentations de produits ou des béta tests. « Browning, c’est une PME dans un grand groupe : on y cultive le respect mutuel et la convivialité. » En dépit des années de restructuration – qui ont jadis affecté tous les niveaux de la société – Eric estime que la FN a su préserver l’excellence de sa culture armurière, en protégeant et en valorisant les com- 71 Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN pétences qui ont bâti sa renommée. « Nous nous sommes recentrés sur notre core business, explique-t-il également, et nous sommes restés fidèles à notre savoir-faire originel : celui de la mécanique. » Par ailleurs, à ceux qui seraient tentés de stigmatiser la spécificité des produits fabriqués à Herstal – on parlait en effet de « complexe militaro-industriel » dans les années 1970 – il répond, à juste titre : « Ils sont bien contents d’avoir des armes pour défendre leurs libertés et la démocratie, non ? » Personnellement, il n’est ni chasseur ni tireur sportif – mais cela s’entend : dans le cadre de son métier, il tire plus de… 30 000 cartouches par an ! Et puis, nombre de ses amis ou collègues pratiquent ces sports, certains même au plus haut niveau : championnat d’Europe et du Monde, Jeux Olympiques… Le seul petit regret qu’il nourrit relève d’une nostalgie plus douce qu’amère : « Pour moi, ç’aurait été extraordinaire de travailler sur les voitures et les motos », confie ce passionné de sports moteurs qui a, du reste, participé plusieurs fois aux 24 heures de Francorchamps (en « tourisme »). Lui-même a eu une écurie qu’il ne demande qu’à « réveiller »… Son arme favorite ? « Chacune a ses qualités… En fait, celle qui aurait ma préférence est encore à concevoir : toujours ce besoin d’innover, de créer ! » Une réponse de perfectionniste, assurément. 72 Christiane Neuforge, Agent UP (Unité de Production) « C’est comme si tu rentrais dans une grande famille » Christiane Neuforge a quitté l’école après le primaire. Elle enchaînait les « petits boulots » lorsqu’un jour sa belle-mère lui a dit : « Viens travailler à la FN… » Elle s’est alors présentée au bureau d’embauche et a passé les tests requis, avec succès. Depuis qu’elle a rejoint la FN, en 1973, Christiane a toujours travaillé à la production. Elle a commencé sur de petites machines (comme la Cincinnati), réalisant des opérations de fraisage, de forage, etc., sur des pièces destinées notamment aux MAG et aux FAL. Elle a également travaillé à la presse, sur la « carcasse GP » ou encore au sein du groupe pilote chargé de la « carcasse BAR ». « A ce momentlà, se rappelle-t-elle, le travail était organisé selon le principe des trois pauses – ou trois-huit. Cependant, le personnel féminin n’avait pas le droit d’exercer de nuit ; pour nous, c’était : 6h/14h ou 14h/22h… » Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Christiane a par ailleurs travaillé sur la « glissière GP ». A ce titre, elle a suivi une formation à l’Ecole FN. Elle y a appris, entre autres, à redresser des pièces et à faire des chanfreins. L’un des exercices consistait à limer certaines pièces pour qu’elles puissent, tel un puzzle, être parfaitement emboîtées… Elle a d’ailleurs conservé ses travaux de l’époque. Aujourd’hui, elle fait partie de l’atelier Mécanisage, où elle s’occupe de la finition des « petites pièces » qui seront ensuite ajustées. Quarante-et-un ans de carrière au sein de la FN ont bien sûr tissé des liens profonds : « C’est comme si tu rentrais dans une grande famille, avec des plus jeunes, des plus âgés. On passe pas mal d’heures au travail, par rapport au temps passé avec nos ‘‘vraies’’ familles… » A la vérité, Christiane n’aime pas les armes pour elles-mêmes ; en tout état de cause, elle n’en veut pas à la maison car elle craint les accidents. Néanmoins, ayant eu l’occasion d’essayer plusieurs d’entre elles au cours d’une formation, elle reconnaît avoir beaucoup apprécié le P90 – pour sa légèreté et son peu de recul. Plus généralement, elle convient qu’une société moderne ne peut pas faire l’économie d’un armement adapté pour garantir la paix. « Il suffit de regarder autour de soi… La gratuité des actes de violence, c’est ça qui est choquant » dit-elle. Il y a près de deux mille ans, Tacite n’affirmait pas autre chose lorsqu’il écrivait : « Les nations ne peuvent avoir de tranquillité sans une armée. » Lucien Manfredi, Responsable Équipe « Démonstrations et Support Clients » « J’ai beaucoup de respect pour Monsieur Browning » « C’est ici que je veux travailler ! » Telle fut l’exclamation – aussi prémonitoire que vigoureuse – de Lucien Manfredi lorsqu’il découvrit les établissements de la FN, il y a plus de trente-cinq ans, à l’occasion d’une visite scolaire… Aussitôt dit,aussitôt fait : en 1978, il passe l’examen d’entrée, le réussit et intègre l’Ecole de l’entreprise. « La journée,se souvient l’intéressé,était composée de huit heures d’atelier et de trois heures de cours du soir… » Au terme d’un cursus de deux ans, Lucien obtient un graduat en mécanique et rejoint tout naturellement les Ateliers Mécaniques où il s’occupe de l’outillage (fraises et calibres). De 1985 à 1989, il travaille à la division Essais Armes – cellule qui dépend de la section Recherche et Développement – avant de devenir ATE, c’est-à-dire Démonstrateur et Support Client, au dé- partement Marketing FN. Ce poste le conduit à voyager beaucoup et à établir de nombreux contacts avec la clientèle internationale afin de promouvoir les produits – qu’il maîtrise tous, il va sans dire.Aujourd’hui,il dirige l’équipe chargée des démonstrations « live » – avec tirs réels – de toute la gamme FN Herstal, tant en Belgique qu’à l’étranger. Il participe aux foires, expositions, salons. Il dispense les formations destinées aux clients, assurant également la mise en service des armes. Enfin, Lucien accueille les VIP, pour lesquels il organise et commente la visite guidée du Showroom (vitrine complète des produits Défense, Law Enforcement et Systèmes). A ses yeux, la FN véhicule une valeur essentielle : celle du respect, singulièrement entre les membres du personnel. « Un respect qui paraît indispensable, précise-t-il, étant donné la nature de nos produits. » S’il n’émet pas de commentaire particulier sur la finalité de ce que fabrique la FN, ni sur l’usage qui en est fait, il tient à souligner – pour la connaître de l’intérieur – la prodigieuse capacité de développement et d’innovation technique qui préside au devenir de l’entreprise. Au demeurant,Lucien ne cache pas son admiration pour la figure historique de John Moses Browning : « Sans sa venue en Belgique, la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre n’existerait tout simplement plus… C’est grâce à lui que la FN – mais aussi bien d’autres fabricants d’armes – ont pu développer et développent encore des produits de plus en plus perfectionnés. L’ingéniosité de ses inventions continue d’être une source d’inspiration.J’ai beaucoup de respect pour ce Monsieur. » Et si vous lui demandez quelle arme, parmi celles de la FN, emporte en définitive son adhésion, il vous répond assez logiquement : « La mitrailleuse .50 ! Conçue par John Moses Browning autour de 1920, c’est une merveille de mécanique. A l’époque, il Jours de C HASSE u HORS SÉRIE disposait de moyens techniques qui nous sembleraient aujourd’hui rudimentaires… Pourtant, en 2014, nous produisons toujours la même arme. Rien n’a pu la supplanter ! » Marie-Rose Ciomek, Assistante du Directeur Industriel Groupe Herstal et du Directeur Production FNH / ULZ « Toutes les périodes heureuses ou moins heureuses que nous avons traversées ont créé des liens » Titulaire d’un graduat « secrétariat langues » (anglais, néerlandais, allemand), Marie-Rose Ciomek avait, en 1979, adressé son CV à la FN car son père y travaillait. Sa candidature ayant été retenue, elle a passé et réussi les tests d’embauche. « J’avais le choix simultanément entre trois jobs ; si j’ai opté pour la FN, c’est parce que la bonne réputation d’employeur de la société m’inspirait confiance. » Une confiance manifestement bien placée, comme en témoigne le parcours de cette salariée qui a su s’adapter aux mutations structu- 73 Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN relles dont l’entreprise herstalienne a fait l’objet au cours de son histoire récente… Lorsqu’elle rejoint la Fabrique – en tant qu’assistante du responsable du service Innovation Produits (R&D) – le sport et les loisirs font encore partie des activités de la FN. « On travaillait alors aux ‘‘protos’’ et au développement de cannes à pêche télescopiques en carbone, de moulinets, de clubs de golf, de planches à voile, de moteurs rotatifs… » Mais bientôt elle est nommée assistante du Contrôleur de Gestion de la filiale Formétal (« Fonderie aéronautique à modèle perdu »), avant d’intégrer le Contrôle de Gestion de FN Sports, puis de devenir l’assistante du Directeur Manufacturing. Elle se rappelle la filiale de Bruges, où l’on produisait les raquettes de tennis. Lors de la création de Browning SA, la fonction du Directeur Manufacturing s’est étendue à l’ensemble du groupe Browning (Browning North America, usine de Viana do Castelo, etc.) – l’occasion, pour Marie-Rose, d’avoir de nombreux contacts au-delà de son bureau situé aux Hauts-Sarts, car FN Sports avait alors quitté la rue LargeVoie pour s’installer au sein du nouveau zoning industriel herstalien. En y repensant, elle éprouve une certaine « nostalgie » pour la période Browning et ses produits (leur variété, leur beauté, leur réputation).Cependant,elle est aussi très admirative des concepteurs des produits actuels, ainsi que de la haute technologie mobilisée. En 1989 – au moment du désengagement de la Société Générale de Belgique au profit de Giat Industries – Marie-Rose est « redescendue » à Herstal afin de suivre son « patron » devenu Directeur Industriel du Groupe Herstal. Celui-ci avait désormais sous sa responsabilité la R&D, les RH, l’Informatique et les filiales – dont FN Tech. Aujourd’hui, elle est encore l’assistante du Directeur Industriel,mais également celle du Directeur de Production FNHULZ (FN Herstal-Zutendaal). 74 Pour Marie-Rose, le fait que la FN soit restée implantée en ville est une excellente chose. « Cela lui donne un caractère plus chaleureux, plus humain. La plupart d’entre nous sommes originaires de la région ;les anciens se connaissent bien. C’est un peu comme une famille… Toutes les périodes heureuses ou moins heureuses que nous avons traversées ont créé des liens. » Et puis, il y a la fierté d’appartenir à la maisonmère d’un groupe international, le plaisir de « voyager » à travers les filiales étrangères – même par procuration… Elle ne pratique ni la chasse ni le tir sportif, mais lit volontiers des revues ou des magazines consacrés à l’art cynégétique. « Les chasseurs sont respectueux de l’environnement,déclare-t-elle. Ils jouent un rôle essentiel dans la gestion de la nature. » Ses produits préférés ? « Les armes de grand luxe, bien sûr, pour leur beauté ! » Vincenzo Carapezza, Responsable Equipe magasiniers « Fier de travailler pour la célèbre marque à la tête de cerf » Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Originaire de Liège, Vincenzo Carapezza est ajusteur machines-outils de formation.Entré à la FN en 1980 comme ouvrier opérateur Machines, il est devenu, quatre ans plus tard, préparateur aux expéditions chez Browning. Depuis 2000, il dirige une équipe de dix personnes sur le plan logistique : préparation des commandes journalières, picking, emballage et expédition. Il s’occupe également de la réception des marchandises. Cet ancien tireur au clays – ainsi désigne-t-on, en Belgique, l’amateur de ball-trap – apprécie tout particulièrement la faculté d’adaptation et de développement dont fait constamment preuve l’entreprise. Il éprouve une véritable « fierté » à travailler pour la célèbre « marque à la tête de cerf » : son attachement à l’égard de celle-ci n’a cessé de grandir au fil des années, proportionnellement à son expérience.Mieux : « Je passe plus de temps au bureau que chez moi,reconnaît-il.Mes collègues deviennent en quelque sorte ma seconde famille. » Point n’est besoin de l’observer longtemps pour constater que Vincenzo a l’allure et le regard d’un John Wayne. De fait,lorsqu’on évoque avec lui l’« emblématique » John Moses – dont il aime par-dessus tout l’Auto-5– et sa rencontre avec les fondateurs de la FN au tournant du XIXe siècle, il déclare : « Pour moi, cela représente le rapprochement de deux univers à l’origine très différents du point de vue culturel : celui du Far West et celui de la vieille Europe. 125 ans plus tard, à travers les produits et le nom Browning, l’esprit de cette rencontre est toujours présent ! » Entretien avec Robert Sauvage Administrateur délégué de la Fondation Ars Mechanica « Ars mechanica [ars mekanika] locution latine d’origine grecque : (a) ars (lat. ars, artis), manière de faire quelque chose selon les règles, (b) mechanica (du gr. mêkhanê, machine). (1) Connaissances et savoir-faire en matière de mécanique appliquée, d’appareils et de machines. (2) Par extension : les métiers manuels en général. (3) Hist. On a pu dire des Liégeois, au XVIIIe siècle déjà : ‘‘Il n’est point de peuple qui ait poussé aussi loin qu’eux l’invention dans ce qui regarde les ouvrages mécaniques.’’ (4) Le Groupe Herstal trouve ses origines dans ce terreau fertile, qu’il n’a cessé de faire fructifier depuis 1889 en y apportant les perfectionnements et les talents qu’exige l’évolution constante de la technique et des besoins. » Le Grand Livre de la FN, page 1 L a Fondation Ars Mechanica est en quelque sorte la mémoire vivante du Groupe Herstal.Sa devise : « Le passé est un présent pour l’avenir » – exploite opportunément la polysémie du mot présent, dévoilant ainsi une approche dynamique de l’histoire de l’entreprise, des enjeux industriels, techniques et humains qui lui sont attachés. Si elle se donne pour mission d’identifier, de conserver et de valoriser un patrimoine liégeois considérablement enrichi par de multiples rencontres à l’échelle internationale, ce n’est point seulement, loin s’en faut, par l’effet d’une nostalgie que d’aucuns jugeraient purement esthétique,sinon vaine.L’attention portée par la Fondation à toutes les dimensions du passé du Groupe Herstal a pour finalité première de féconder le présent de celui-ci en guidant son avenir. Cent vingt-cinq années d’une histoire déclinée sous les formes les plus diverses – véhicules, armes, archives, etc. – sont ainsi patiemment revisitées et répertoriées pour que, de génération en génération, chacun sache que le passé qui lui échoit est un précieux cadeau pour demain et pour tous. Naturellement,une tâche de cette envergure requiert de solides compétences, ainsi qu’une énergie à toute épreuve. Mais l’homme qui en a la charge,Robert Sauvage,n’en manque assurément pas : responsable des relations publiques et de la communication du Groupe Herstal durant plus de trente ans, ce passionné de voiture, de moto et de jazz s’occupe aujourd’hui,avec un dévouement sans faille, de la Fondation dont il est l’administrateur délégué. Rencontre avec un amoureux de l’« Ars Mechanica » – de l’art de la mécanique ou de la mécanique… touchant à l’art. Quand la Fondation Ars Mechanica a-t-elle été créée ? Pourriezvous décrire le contexte de cette création – et ce qui l’a motivée ? La Fondation Ars Mechanica, fondation d’utilité publique, a été créée en 2008 par le Français Philippe Tenneson, ancien Président Administrateur délégué du Groupe Herstal. Cependant, elle n’est gérée par du personnel à plein temps que depuis deux ans (2012). Le nom de la Fondation s’inspire de celui du Grand Livre de la FN. Publié en 2008, ce livre avait pour objectif de préserver la mémoire de l’entreprise en la fixant dans un ouvrage à vocation à la fois historique et de relations publiques,voire d’image pour l’entreprise.La Fondation trouve son origine dans le constat que trop peu avait été fait jusqu’alors pour sauve- Jours de C HASSE u HORS SÉRIE garder la mémoire d’une Dame respectable et centenaire, dont l’histoire était pourtant riche d’hommes, d’événements, de produits fabuleux, et qu’il était en somme grand temps de s’atteler à la tâche. Ce patrimoine avait été dispersé, sinon dilapidé – en tout cas, jamais conservé ni exploité de façon structurée et professionnelle, au service de l’entreprise et des régions 75 Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN dans lesquelles elle est installée.Ce sont précisément ce constat et la parution du Grand Livre qui ont fait office de déclic pour lancer un vaste projet de sauvegarde et de valorisation du patrimoine du Groupe Herstal… Quelle est aujourd’hui la fonction première de la Fondation,sa finalité ? La raison d’être et les missions de la Fondation sont parfaitement résumées dans cet extrait de ses statuts : « La Fondation Ars Mechanica a pour but de rassembler, conserver, gérer, protéger et mettre en valeur un patrimoine composé de pièces ou documents d’intérêt historique, industriel, technologique, commercial ou culturel, fabriqués, conçus ou ayant un lien avec les sociétés du Groupe Herstal passées, présentes ou à venir, afin d’y conserver des témoignages du riche passé industriel liégeois et plus largement mondial auquel ces sociétés ont fortement contribué. » Il s’agit donc de définir et de mettre en œuvre une politique de gestion structurée du patrimoine du Groupe Herstal afin de sauvegarder les traces matérielles et immatérielles de ce patrimoine et d’en perpétuer la mémoire pour les générations actuelles et futures ; d’instaurer,d’exploiter et de faire vivre, dans le Groupe et hors de lui, une culture d’entreprise basée sur la richesse de son passé séculaire ; d’en faire un outil de motivation en interne et d’image en externe, dans les régions du monde où le Groupe est historiquement implanté ; puis, last but not least, de protéger ce patrimoine contre tout risque de perte, de dégradation, de disparition ou d’appropriation étrangère au Groupe, pour le conserver définitivement dans les régions d’origine du Groupe. Concernant ce dernier point,de nombreux exemples montrent en effet que, dans le monde « globalisé » de l’industrie contemporaine, la prise de contrôle d’entreprises par des actionnariats étrangers s’accompagne souvent d’une perte d’identité et de 76 racines.Le « placement » du patrimoine du Groupe Herstal au sein d’une entité juridique extérieure à l’entreprise a justement pour fonction d’empêcher toute velléité d’appropriation ou de valorisation financière de ce patrimoine en dehors de ses régions d’origine. Concrètement, comment la Fondation a-t-elle démarré ? Par ailleurs,comment se situe-t-elle par rapport au Groupe Herstal ? Quels publics vise-t-elle ? Concrètement, en 2009, nous sommes partis d’une feuille blanche pour, progressivement (mais la route est encore très longue !), définir et mettre en œuvre, au sein du Groupe Herstal, les outils de gestion pérennes et les moyens nécessaires à la reconstitution, à la sauvegarde et à la promotion d’un patrimoine représentatif de l’histoire du Groupe, de ses activités, de ses produits, des hommes qui y ont œuvré. Il s’agissait de constituer une encyclopédie de témoignages humains,documentaires,matériels et immatériels susceptible d’inspirer l’entreprise afin de crédibiliser son présent, d’accompagner son futur et de maintenir vivants l’enthousiasme et la confiance dans le Groupe, tout en assurant l’expression collective de la « tradition armurière et mécanique liégeoise ». L’idée était d’exploiter ce patrimoine non seulement dans une perspective strictement historique et mémorielle – de façon « désintéressée », en quelque sorte – mais aussi,plus prosaïquement, pour développer, véhiculer et entretenir une image positive du Groupe,une identité,une culture et une mémoire collectives, tant vis-à-vis des publics internes à l’entreprise – au premier rang desquels son personnel – que de son environnement économique,politique, culturel et social (clients, autorités locales et internationales, grand public). En somme, notre ambition est de faire du passé et du présent de l’entreprise une source de valeurs partagées pour construire ensemble son Jours de C HASSE u HORS SÉRIE futur. Par conséquent, et afin d’atteindre ce double objectif,la Fondation s’est dotée d’un Conseil d’Administration pluridisciplinaire et d’un Comité de gestion paritaire au sein de la Fondation Roi Baudouin,qui assurent, pour l’un, l’adéquation des actions de la Fondation avec les stratégies et les politiques du Groupe, et pour l’autre, le caractère d’institution culturelle nécessaire pour bénéficier de l’exonération fiscale dans le chef du donateur, l’entreprise. Comme la Fondation entend faire adhérer à son projet les publics internes et externes à l’entreprise afin qu’ils le partagent, voire qu’ils se l’approprient – elle assure elle-même la promotion de ses activités par tous les moyens de communication internes auprès du personnel et externes auprès de publics cibles : périodiques, flashs d’information, interviews dans les médias, conférences, colloques, événements.Sur un plan plus global,elle s’attache aussi à promouvoir la notion même de mémoire industrielle auprès des entreprises régionales dans l’optique de créer, plus tard, une « Association Régionale du Patrimoine Industriel ». Venons-en au contenu du patrimoine lui-même. Que recouvre-til en termes de documents, objets, etc. ? Où sont principalement stockées toutes ces pièces ? Les archives que nous traitons sont constituées de milliers de documents de tous les types (contrats, documents administratifs, publicitaires, informatifs,manuels,modes d’emploi,affiches, extraits de presse,ouvrages historiques, iconographie, filmographie, etc.), de pièces issues de la production (armes, véhicules, items publicitaires, tout objet faisant référence à l’entreprise et à son histoire) et de témoignages humains. Ce matériel doit être localisé, identifié, nommé, répertorié, classé, stocké et finalement numérisé pour une sauvegarde doublée. Une partie est disséminée un peu partout dans l’en- Le premier FAL produit en série dans les ateliers de Herstal fut offert au Roi des Belges. Le modèle présenté ici porte le numéro 2. Dieudonné Saive, inventeur d’armes de la FN (1888-1970). treprise alors que les autres – la part peut-être la plus importante, quantitativement parlant – se trouve dans divers centres d’archives (musées, universités, archives de l’Etat). Cette dimension du travail est immense : des années seront sans nul doute nécessaires pour en faire le tour dans les sites belges du Groupe, avant d’entamer le même travail dans les entités du Groupe installées à l’étranger… En outre,la conservation des pièces elle-même pose d’énormes problèmes – que nous apprenons progressivement à résoudre,au cas par cas. Prenez l’exemple d’une simple photographie : si vous ne respectez pas certaines procédures très strictes, indispensables à la conservation de ce type d’objets – vous êtes assuré de la perdre à court ou moyen terme… Songez à présent qu’il en est de même pour nombre de pièces acquises par la Fondation : véhicules, armes, etc. C’est un art subtil et complexe, dont la maîtrise est aussi nécessaire que délicate. Pourriez-vous maintenant nous donner quelques exemples concrets de pièces conservées par la Fondation ? Certaines, j’imagine, sont rares, uniques… Nous disposons d’une très riche collection armurière, évidemment. A titre d’exemple,j’évoquerai ici deux acquisitions symboliquement très fortes. La première concerne le Fusil Automatique Léger (FAL) inventé par Dieudonné Saive dans les années cinquante. En calibre 7,62mm (calibre mis au point par la FN et adopté durant cette période par l’OTAN comme calibre de référence : événement considérable !), le FAL fut l’arme la plus vendue parmi les pays du « monde libre ». Eh bien, il y a quelque temps, nous avons pu racheter le numéro 2 de la toute première série jamais produite de cette arme ! Le numéro 1, quant à lui, avait été offert, à l’époque, au Roi des Belges… La seconde acquisition dont je souhaiterais parler est plus récente : il s’agit du numéro 1 d’une série spéciale fabriquée à l’occasion du centenaire de la Winchester 1894, arme désormais mythique – ce fut celle de John Wayne, des cow-boys et de la Conquête de l’Ouest. Cette série commémorative comptait en tout cent exemplaires. Naturellement, le numéro 1 est luxueusement décoré,magnifique,comme il sied à ce type de carabine légendaire… Il y a les armes, mais il y a aussi les véhicules… Absolument.Au-delà des pièces armurières,nous avons souhaité,pour différentes raisons, mettre l’accent sur la reconstitution du patrimoine lié aux véhicules.Ces derniers représentent à eux seuls une part très importante du passé du Groupe Herstal. Pour ne mentionner que ces trois catégories « maîtresses », rappelons que la FN a produit des bicyclettes de 1895 à 1927, des motos de 1901 à 1965 et des voitures de 1901 à 1935.Ces milliers de véhicules, qui ont également contribué – au même titre que les armes – à la renommée de la FN, ont disparu au fil du temps et il s’agit pour nous de leur rendre la place et la visibilité qui leur reviennent. Ce qui manque le plus à notre collection, ce sont assurément les véhicules automobiles. Personnellement, je suis passionné par ces en- Jours de C HASSE u HORS SÉRIE gins – d’aucuns diront même qu’ils sont un peu ma « marotte »… Cependant, rendez-vous compte : les voitures, comme les motos FN, ont accompli un nombre considérable d’exploits sportifs au cours de leur histoire ! Et puis,outre l’aspect purement technique ou même l’importance commerciale qu’elles ont pu revêtir jadis,ces voitures nous touchent aujourd’hui par leur beauté, tout simplement – une beauté à laquelle il est difficile de rester insensible et qui constitue, en soi, un véritable spectacle. De fait, le 28 juin prochain, nous organiserons à la FN une journée portes ouvertes destinée au personnel et aux familles de l’entreprise. A cette occasion, nous allons faire circuler trois automobiles et deux motos FN,pour que chacun puisse approcher, goûter ce passé qui lui appartient aussi… Lorsqu’on s’efforce de faire revenir dans le giron herstalien certaines pièces représentatives du passé de la FN, on peut parfois avoir quelques surprises, n’est-ce pas ? Bien entendu : de bonnes, comme de moins bonnes… Par exemple, en décembre 2012, j’ai été contacté par un jeune collectionneur de produits FN – surtout de véhicules. Ce monsieur me proposait un vélo FN de… 1895 ! L’un des tout premiers vélos confectionnés par la Fabrique,en somme.Mon restaurateur et moi-même observons donc la bicyclette sous toutes ses coutures : elle était authentique ; aucun doute n’était permis.Mais soudain nous réalisons que sur les pièces maîtresses du vélo figure un logo FN qui nous est absolument inconnu ! Il représentait une roue au centre de laquelle s’entrecroisaient deux fusils Mauser et qui était entourée, à droite et à gauche, des lettres « F » et « N » – le tout dans un style un peu « art déco ».Après quelques recherches dans nos archives et certains recoupements,l’historien Claude Gaier et moi-même avons conclu que, très probablement, l’existence de ce mys- 77 Le GROUPE HERSTAL AUJOURD’HUI et DEMAIN FN two-seater 1600 cc de 1912, dernière acquisition de la Fondation. térieux logo était liée à l’appartenance de la FN de l’époque au Groupe allemand Ludwig Loewe – Groupe qui avait alors souhaité harmoniser le style des logos de ses différentes entreprises… Mais il y a aussi de moins « agréables » découvertes. Un jour, j’ai été contacté par quelqu’un qui disait posséder une FN Super Sport. Evidemment, j’étais très impatient de voir cette merveille fabriquée à Herstal autour de 1925. Arrivé sur place, quelle ne fut pas ma déception ! La voiture était certes sublime,et superbement restaurée. Sauf qu’elle l’était si bien qu’il ne restait presque plus rien de la FN Super Sport d’origine ! Le tableau de bord avait été « bouchonné », les sièges étaient maintenant en cuir… Elle était très belle,mais c’était une autre voiture. Or, l’idée de la Fondation est d’acquérir des pièces qui soient aussi proches que possible de leur état originel. Lorsque nous restaurons des véhicules, nous essayons toujours de respecter ce principe.Du reste,en ce moment même, nous sommes en train de restaurer une pièce unique : une voiturette FN 1901 – là encore, l’une des toute premières automobiles construites par la Fabrique Nationale.Le châssis et les boiseries sont désormais terminés mais il nous manque encore, hélas, certaines pièces mécaniques… Ce qui est fort dommage,car notre intention était de la présenter au public à l’occasion des festivités du 125e anniversaire. La reconstitution et la sauvegarde d’un tel patrimoine représentent, on le voit, un travail colossal. Combien de personnes œuvrent aujourd’hui à cette tâche, à vos côtés ? Nous sommes actuellement deux personnes à gérer à temps plein la Fondation :Anny Hendriks,mon assistante depuis trente-cinq ans, et moi-même. Nous souhaitons cependant engager un(e) historien(ne) pour nous aider et prendre la relève le moment venu. Entretemps, nous pouvons compter sur 78 l’aide ponctuelle de membres du personnel spécialisés dans un domaine particulier, les statuts de la Fondation prévoyant qu’une telle aide soit possible, dans le cadre du contrat de travail et pendant les heures de travail. Mais cela reste très marginal… Nous nous faisons également aider par les services internes de l’entreprise – selon leurs compétences,services financiers et juridiques, essentiellement. Nous faisons par ailleurs appel, selon nos besoins, à des sociétés de services (communication, événementiel) et, régulièrement, à raison de deux jours par semaine,à une société partenaire qui nous accompagne dans toutes nos missions.Enfin,concernant les acquisitions et les restaurations d’objets patrimoniaux,nous faisons appel aux équipes internes pour les armes et à un indépendant qui acquiert et/ou restaure pour nous les véhicules FN, à raison de deux jours par semaine. En dehors des activités de conservation, la Fondation assure également un important travail de valorisation. Quels en sont les principaux vecteurs ? Nous occupons des locaux mis à disposition par l’entreprise et situés dans l’enceinte de celle-ci. Plus tard, lorsque cela sera possible, nous souhaiterions vivement ouvrir, au sein de ces locaux, un centre d’interprétation destiné au personnel comme au public extérieur – un « musée vivant », en quelque sorte. Nous publions en outre une revue trimestrielle – intitulée « Mémoires de la FN » – laquelle, à partir d’archives et de nos propres recherches, développe à chaque parution un thème particulier de l’histoire de l’entreprise, et ce, plus largement qu’il n’a jamais Jours de C HASSE u HORS SÉRIE été fait par le passé. Dans la mesure du possible, nous essayons toujours de mettre en relation ce passé (homme, événement,produit,anecdote,etc.) avec le présent de l’entreprise, comme ce fut le cas dans le numéro consacré à l’invention de l’Auto-5 de Browning, où nous présentons son digne successeur, l’A5. Nous publions également des « News » relatives à des sujets qui touchent l’actualité de la Fondation. Nous donnons des conférences à la demande, sur l’histoire de l’entreprise, ou sur un thème particulier qui relève des compétences de la Fondation.Nous sommes présents dans divers musées auxquels nous prêtons ou confions en dépôt des pièces ou des documents appartenant à la Fondation, soit de manière temporaire – comme actuellement à l’occasion des commémorations de la guerre 14-18 – soit de manière plus permanente,comme au musée Grand Curtius (armes) ou au Musée du Circuit de Spa-Francorchamps (autos-motos). Nous collaborons aux ouvrages d’étudiants, chercheurs, historiens, auteurs, universitaires, etc., en mettant nos archives gratuitement à disposition.Nous répondons enfin aux demandes de renseignements émises par les collectionneurs, chercheurs, restaurateurs – sept cents requêtes par an, en moyenne… J’aimerais, pour terminer, vous poser une question… « difficile » : à titre personnel,à quelle pièce du patrimoine de la Fondation êtes-vous plus particulièrement attaché ? A celle que je n’ai pas encore acquise,bien entendu ! D’ailleurs,en vous répondant, je pense à ceci : dernièrement, j’ai découvert l’existence d’une voiture FN 1912 qui se trouve en Angleterre. Bientôt, accompagné de mon restaurateur, je vais me rendre là-bas afin d’authentifier cette automobile et d’étudier les conditions de son possible rachat. C’est une voiture magnifique et, dans l’attente, je ne vous cache pas que je bous littéralement d’impatience! par Vincent Piednoir Pistolet de salon, système Flobert (Liège, 1854). BROWNING CUSTOM SHOP L’atelier d’armes de luxe S i la valeur d’une arme se mesure d’ordinaire à l’aune de sa robustesse et de son efficacité létale, seule sa qualité esthétique est à proprement parler capable de l’élever au rang de véritable œuvre d’art. A partir de la fin du XVIe siècle, d’illustres familles européennes éprouvèrent le besoin d’aménager un lieu qui rendît spécifiquement hommage à la beauté intrinsèque de cet objet. Ainsi naquirent et essaimèrent les fameux Cabinets d’armes qui font, aujourd’hui encore, la joie des amateurs éclairés. A l’époque, il ne s’agissait pas tant d’accumuler fusils et pistolets que de collectionner,tels des tableaux de maîtres, ces ouvrages luxueusement décorés que l’on se transmettait de génération en génération – mêlant ainsi art et mémoire, plaisir des yeux et symbole de puissance. A la mort de son auguste propriétaire, en 1643, le cabinet de Louis XIII – inauguré à la naissance de celui-ci par son père, Henri IV – comptait quelque trois cent quarante créations d’arquebuserie : il ne cessera d’accueillir de nouvelles armes jusqu’à la Révolution. Dans son Dictionnaire amoureux de la Chasse,Dominique Venner nous apprend que le duché germanique de Pfalz-Zweibrücken détenait (selon un inventaire de 1777) une riche collection de huit cent quatrevingts neuf pièces – dont certaines portaient d’ailleurs la signature d’arquebusiers français… Au cours des XVII et XVIIIe siècles, le raffinement des armes de chasse acquit en Europe un prestige et une signification sociale considérables, à tel point que les souverains et la noblesse fortunée s’atta- Jours de C HASSE u HORS SÉRIE Ainsi naquirent et essaimèrent les fameux Cabinets d’armes qui font, aujourd’hui encore, la joie des amateurs éclairés. 79 Planche d’ornements d’arquebuserie du XVIIIe siècle. BROWNING CUSTOM SHOP chèrent tôt les services personnels de fabricants renommés – ainsi que cela se pratiquait, depuis longtemps, dans les domaines de la peinture et de la musique. En de telles circonstances, on comprend que la créativité des corporations armurières fut singulièrement stimulée, et que chacune d’elles s’efforça d’imprimer à l’époque l’excellence de son style. Or si, en cette matière, les débuts furent italiens et allemands – le XVIIIe et le XIXe siècles de l’arme fine furent respectivement, au dire des spécialistes, français et anglais.Du reste,à ceux qui souhaiteraient se faire une idée plus précise de ce phénomène culturel si original, nous recommandons vivement de visiter l’extraordinaire Cabinet du Musée de la Chasse et de la Nature de Paris : patiemment constituée par François et 80 Jacqueline Sommer, cette collection unique au monde recèle des trésors et rend merveilleusement compte de la place éminente que l’on réservait, jadis, à la réalisation des belles armes. Non content d’être l’une des capitales mondiales de la production armurière,le Pays de Liège fut également, dès le XVIe siècle, un ambassadeur incontournable de la décoration de luxe. A cet égard, on ne saurait faire ici l’économie de quelques noms illustres qui marquèrent à jamais l’histoire de la gravure et de l’ornement : Théodore de Bry et ses fils, Jean Valdor (père et fils), Jean Varin, Jean Duvivier, Gilles et Joseph Demarteau… Autant d’artistes nés dans la principauté épiscopale liégeoise et qui, par leur talent, contribuèrent à sceller le mariage désormais ancestral de l’arme et de la Jours de C HASSE u HORS SÉRIE beauté. Néanmoins, si certains d’entre eux œuvrèrent en Italie et en France au cours des XVII et XVIIIe siècles, exerçant ainsi sur l’Europe une influence technique et esthétique décisive,il faudra attendre la première moitié du XIXe siècle pour que Liège devînt un temple sacré de l’arquebuserie fine. Evoquant les planches de modèles qui circulaient jadis d’un atelier à l’autre et établissaient, en quelque sorte, la norme du bon goût, Auguste Francotte écrit dans Le grand livre de la FN : « Alors que précédemment c’était à Paris qu’étaient composés les ornements dont s’inspiraient les armuriers, c’est à Liège qu’en 1856 Charles Claesen publie le recueil le plus remarquable de l’époque. Les graveurs les plus habiles et les ornemanistes les plus doués du moment ont collaboré à cet ouvrage dont l’originalité étourdissante apparaît parfois un peu excessive. » Et il suffit en effet d’observer le détail de certains fusils abrités par le Musée d’Armes de Liège pour comprendre que l’exubérante richesse des sculptures, ciselures et autres incrustations avait, sous le Second Empire, assigné à la fonctionnalité de l’objet un rôle parfaitement mineur.L’arme conçue comme œuvre était alors à son apogée. Toujours est-il qu’à l’aube du XXe siècle – au moment où la production industrielle était à peu près partout de rigueur – les graveurs sur armes et les fabricants liégeois jouissaient d’une réputation qui outrepassait très largement les frontières belges. Gardiens d’une tradition ancienne, ces artisans rompus au maniement du burin, du marteau et de la pointe étaient cependant menacés,à court ou moyen terme, par l’avènement brutal de la Modernité et par son credo foncièrement utilitariste. Aussi la FN eut-elle la bonne inspiration de créer, dès 1926, un atelier spécifiquement voué à la confection manuelle de belles armes (fusils et pistolets à usage civil). Situé dans l’enceinte de l’entreprise, il se donna pour mission de sauvegarder un art ancestral seul capable de concilier solidité, efficacité et exigence esthétique de haut niveau ; l’équipe de graveurs qu’il abritait fut d’abord dirigée par le maître graveur Félix Funken (1888-1965). L’arme était alors entièrement façonnée au sein de la Fabrique ; chaque étape (polissage, garnissage, dressage des canons,etc.),confiée aux bons soins d’ouvriers spécialisés. Et que dire du travail ornemental ? Les œuvres – signées Funken,Vrancken,Watrin,Baerten, parmi tant d’autres – parlent d’elles-mêmes. Ici un Auto-5 de style ‘‘Art déco’’ représentant une harde de cerfs en fuite au milieu d’un bois et sur fond argenté ; là, un superbe pistolet automatique calibre .22 long rifle, gravé et sculpté dans le style ‘‘Renaissance’’ ; là encore, un B25 figurant – jusque sur la surface ténue de son pontet – des canards et des roseaux finement incrustés d’or, d’argent, de palladium et de cuivre… A la vérité, on ne se lasse pas d’admirer la créativité et la variété de ces réalisations innombrables qui firent, à juste titre, la fierté de la FN.Dans les années 1970, l’atelier comptait, rien que pour l’activité gravure, quelque cent quatrevingts personnes travaillant quotidiennement à l’étau, et conformément aux techniques séculaires ; c’était, de loin, le plus important du genre au Arquebuserie de luxe (1815-1914). Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 81 BROWNING CUSTOM SHOP monde… Cependant,en 1987,décision fut prise de fermer ce temple de la gravure : le coût de la main-d’œuvre hautement qualifiée qu’il nécessitait s’avéra trop élevé (surtout dans le contexte difficile de cette période).Pour perpétuer son savoir-faire et répondre aux commandes, une société coopérative indépendante fut néanmoins constituée, dotée d’un effectif réduit. Tel que nous le connaissons aujourd’hui, le Browning Custom Shop de Herstal se présente comme le digne héritier de l’atelier fondé en 1926. Certes, afin de s’adapter aux conditions du marché moderne,quelques techniques d’exécution y ont depuis évolué – très peu nombreuses, et surtout liées à l’interdiction d’utiliser telle substance ou machine réputée dangereuse. Pour autant,la vocation fondamentale de ce lieu d’exception n’a pas changé : confectionner, dans la plus pure tradition liégeoise, des armes à la fois robustes, performantes et élégantes. Vingt artisans triés sur le volet en produisent ici une centaine par an. Sont ainsi proposés aux amateurs des CCS (carabines double express),des BAR,des pistolets GP (Grande Puissance) – tous luxueusement customisés et de différents modèles. Mais la « star » du lieu reste incontestablement l’ultime invention de John Moses Browning, laquelle fut, au fil des décennies,déclinée en de multiples versions : le célèbre superposé B25. A lui seul, il représente 70 % des 82 Le maître graveur Félix Funken (1888-1965). Sont ainsi proposés aux amateurs des CCS (carabines double express), des BAR, des pistolets GP (Grande Puissance) – tous luxueusement customisés et de différents modèles. créations annuelles du Custom Shop. Entièrement conçu à Herstal,il est réalisé sur mesure et selon le goût particulier du client. Le choix des crosses disponibles est varié (pistolet,anglaise, prince de Galles, etc.) – comme celui des gardes-mains ou des métaux précieux que l’on souhaiterait faire incruster, par exemple. Chose pour le moins originale : la personnalisation esthétique de l’arme peut parfaitement s’inspirer du catalogue de gravures Jours de C HASSE u HORS SÉRIE existant ; cependant, libre à chacun d’imaginer le B25 de ses rêves… en soumettant son propre projet à l’équipe du Custom Shop. Le fusil fini sera, en tout état de cause, unique. Comme tout ce qui est grand, la beauté ne s’improvise pas. Pour que naisse un superposé B25,une douzaine d’étapes seront nécessaires – chacune relevant bien sûr d’artisans aux compétences spécifiques. Actuellement en provenance de France, l’acier utilisé pour la confection des buses inférieure et supérieure est travaillé à chaud, afin d’accroître sa résistance.Plusieurs opérations distinctes sont alors exécutées : perçage et honage de la barre d’acier (jusqu’à obtenir, pour le calibre 12, un diamètre régulier de 18,4 mm) ; tournage extérieur de la barre ; martelage du choke ; tournage extérieur de finition et fraisage des blocs. Ensuite, la paire de canons (demi-bloc pour les calibres 12 et 20 ; frettés pour les 16 et 28) est assemblée par brasage à l’argent – tandis que les bandes latérales et la bande de visée sont, elles, soudées à l’étain.Puis on place les tire-cartouches, avant d’aléser la chambre, de procéder au fraisage final de la tête de canon et au reforage au plomb de son âme (partie située entre la chambre et le choke). A l’aide de rabots de sa conception, le garnisseur élimine alors tous les résidus de brasure hérités des interventions précédentes, et confère leur profil définitif aux canons. A cette tâche délicate et entièrement effectuée à la main,succède l’ajustage de la bascule, des canons et de la longuesse – que l’armurier exécute au moyen du noir de fumée produit par la flamme d’une lampe à pétrole. Cette technique ancestrale (précise au millième de millimètre) consiste à appliquer le noir de fumée sur les pièces, puis à assembler, et désassembler sèchement celles-ci – en sorte que les points de frictions, rendus visibles par Jours de C HASSE u HORS SÉRIE la disparition du noir, puissent être identifiés et retouchés. Il va de soi que l’opération sera répétée jusqu’à ce que l’ajustage soit parfait.« Le mouvement de basculage (ouverture et fermeture du fusil) doit être gras et sans nœud » : telle est en effet la norme Browning. Le choix du bois répond aussi à des critères très stricts. Pour sa beauté naturelle et sa qualité matérielle, seul le noyer est ici utilisé ; il provient de Turquie.Au départ,chaque bloc – toujours extrait de la racine de l’arbre – pèse environ 3 kg : après façonnage de la crosse et du garde-main, il n’en subsistera plus que 600 grammes… Grâce à une technique similaire à celle du noir de fumée, on ajuste – lors de la mise à bois – les pièces d’acier (bascule, pontet, longuesse) aux pièces de noyer (crosse, garde-main). Le travail de relime peut alors commencer : il confèrera leur forme définitive au busc, à la 83 BROWNING CUSTOM SHOP poignée et à l’ensemble de la crosse.L’artisan réparera également les menues imperfections du bois, avant de teinter et d’imperméabiliser celui-ci par saturation à l’huile de lin. On exécutera ensuite manuellement le quadrillage des zones de préhension, tant pour satisfaire à la sécurité qu’à l’esthétique. Suit un nouveau travail de relime (le dernier) sur la bascule, la longuesse et les canons, accompli à l’aide de burins et de limes. Puis, lorsque le polissage – au papier abrasif fin – des pièces vouées à être décorées est achevé, un autre artiste – et non des moindres – entre en scène : le graveur. A la pointe sèche, il va d’abord réaliser l’esquisse qui lui servira de guide ; ensuite, avec patience et minutie, il fera sourdre du métal les formes désirées,maniant burins et marteaux comme le peintre ses pinceaux… Naturellement, la gravure d’une arme fine Browning porte toujours la signature de son auteur. De même, chaque fusil ainsi conçu est-il livré numéroté, et accompagné d’un certificat d’authenticité et de qualité. Peu avant le remontage final de l’arme,on procèdera encore au bronzage du canon – qui traitera celui-ci contre la corrosion et lui donnera cet aspect noir « aile de corbeau » typique de certains Browning.La bascule,la longuesse et le pontet seront, quant à eux, trempés (« jaspés ») dans des bains de cyanure ; la « couleur » de jaspage sera par la suite enlevée à l’acide. 84 Jours de C HASSE u HORS SÉRIE A la vérité,l’excellence du Browning Custom Shop de Herstal ne doit rien au hasard. Formés à l’Ecole d’Armurerie Léon Mignon de Liège – qui abrite une section gravure-ciselure réputée – ces artisans perpétuent brillamment un savoir-faire unique en son genre. Et quand on contemple la haute tenue et l’élégance de leurs créations, le subtil mélange de modernité et de tradition qui s’en dégage – on se dit que l’esprit des Cabinets d’antan est resté, malgré les siècles, intact. « L’ART DES HOMMES QUE J’AI VU À L’ŒUVRE DANS CES LIEUX M’A TOUJOURS SEMBLÉ RELEVER QUELQUE PEU DE LA MAGIE. CE N’EST PAS EN VAIN QUE LES FORGERONS D’AUTREFOIS ÉTAIENT EN RELATIONS AVEC LES DIEUX OU LES GÉNIES DE LA TERRE. ET COMMENT NE PAS ÊTRE EMPLI D’ADMIRATION ET DE RESPECT POUR LES GRANDS OUVRIERS, CES ARTISTES, QUI TRANSFORMENT DE LEURS MAINS LES SOMBRES MATÉRIAUX BRUTS QUE L’ON VOIT ENTRER DANS LEURS ATELIERS EN CES INSTRUMENTS ÉLÉGANTS ET PARFAITS QUE SONT LES FUSILS OU LES CARABINES DE CHASSE ?» DOMINIQUE VENNER, DICTIONNAIRE AMOUREUX DE LA CHASSE. Jours de C HASSE u HORS SÉRIE 85 par Vincent Piednoir EN GUISE de CONCLUSION P our venir à bout des 125 bougies qu’exige la tradition,il faut assurément du souffle… Mais le Groupe Herstal, ainsi qu’en témoigne ce hors-série, n’en manque pas. Fort d’un passé qui fait à juste titre sa fierté, riche d’expériences à la fois variées et singulières, c’est avec l’énergie de la jeunesse et la clairvoyance de l’âge mûr qu’il envisage aujourd’hui l’avenir et contemple, en même temps, le chemin parcouru depuis le 3 juillet 1889 – date à laquelle la Fabrique Nationale d’Armes de Guerre, son ancêtre,fut officiellement créée.Dès l’origine,la FN avait fort joliment illustré le fameux adage selon lequel l’union fait in fine la force : n’était-elle pas le produit d’une libre association, d’une mise en commun des talents et des volontés ? Pleine de promesses, cette valeur fondatrice avait guidé les premiers pas de la Fabrique. En 2014, à travers le Groupe Herstal, elle n’a pas pris une ride. 125 ans… Qu’est-ce à dire ? Des hauts et des bas, certes ; des flux et des reflux ; des succès légendaires et des épreuves ; des paris, des défis – mais aussi d’innombrables réalisations, inventions, décisions, audaces, rencontres… Comment évoquerait-on, sans verser dans la simplification, les multiples évolutions d’un destin tracé à l’encre indélébile,d’un destin qui relève autant de l’histoire industrielle que de l’histoire humaine ? Les grandes entreprises ne contreviennent point aux irréductibilités du temps : à l’inverse, elles puisent sans cesse dans les enseignements du passé de quoi conjuguer leur présent au futur. Cela s’appelle créer. Le désormais célèbre logo « FN » qui associait jadis le fusil Mauser 1889 à un pédalier de vélo revêt aujourd’hui la valeur d’un profond symbole. Qu’avaient en commun ces deux objets emblématiques ? Mieux : qu’avaient en commun les armes et les véhicules, les produits agricoles et les métiers à tisser, les raquettes de tennis et les moteurs d’avion ? Rien de prime abord… et tout en réalité : l’inventivité et le savoir-faire de ceux qui les mirent au point ; leur volonté d’entreprendre, de perfectionner, de proposer de nouvelles solu- 86 Jours de C HASSE u tions… Un tel dénominateur confère à l’histoire des produits FN une puissante cohérence interne : en ce haut-lieu de l’art mécanique, le souci de mettre la technique au service de l’homme fut – et demeure encore – absolument premier. Au reste, le recentrage du Groupe Herstal sur la fabrication d’armes civiles et militaires décidé au tout début des années quatre-vingt-dix fut bien plus,à cet égard,qu’un simple retour aux sources – car la longue expérience stratégique et technologique qu’il avait acquise durant ces décennies d’une production très diversifiée était désormais inscrite en lui, disponible, comme un atout supplémentaire… En redevenant exclusivement armuriers, le Groupe Herstal et ses partenaires privilégiés ont montré qu’à l’heure de la mondialisation des échanges et des superstructures économiques, il est encore possible de concilier tradition et modernité, culture ancestrale et innovation de pointe. A telle enseigne que nombre de leurs créations historiques continuent d’inspirer celles d’aujourd’hui et de demain : qu’on songe par exemple aux descendants du B25 ou aux héritiers de l’Auto-5… Afin d’y répondre au mieux, la logique du Groupe est d’anticiper – par une minutieuse observation des réalités du terrain – les besoins que tout changement d’époque fait nécessairement éclore : d’où l’importance capitale que la société herstalienne accorde à sa section Recherche-Développement ; d’où, également, l’attention particulière qu’elle porte à l’adaptation et au renouvellement de ses gammes de produits.Une approche qui fonde en somme son statut de leader à l’échelle internationale et dont, il va sans dire, bénéficient indistinctement ses deux Pôles d’activités propres : défense/sécurité,d’une part, chasse/tir sportif, de l’autre. Sur les bords de la Meuse, cent-vingt-cinq bougies ont été soufflées. Sous le regard bienveillant et protecteur du dieu Vulcain, les hommes et les femmes du Groupe Herstal rendent hommage à leurs prédécesseurs. En poursuivant leur œuvre. HORS SÉRIE