Résumé présentation
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RSE, culture d’entreprise et développement territorial Analyse monographique d’une entreprise publique marocaine: l’OCP Myriam DONSIMONI 25 octobre 2012 Les dirigeants de l’Office Chérifien des Phosphates (OCP) ont accepté qu’une équipe interdisciplinaire (économie, gestion, sociologie, sciences de l’ingénieur), composée de chercheurs de nationalités différentes (française, belge, tunisienne, marocaine) observent, avec leurs grilles de lectures théorique et empirique, la « grande transformation » de l’OCP. Engagée depuis 2006, celle-ci touche aussi bien les activités opérationnelles que les fonctions support de l’entreprise. Le thème de cette recherche porte sur la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE). Cette notion est la déclinaison, au niveau des entreprises, du concept plus général de développement durable. Nous avions trois questions de recherche : • Quels sont les facteurs d’engagement des managers publics de l’OCP en faveur de la RSE ? • Quelle cohérence entre RSE et culture d’entreprise au sein de l’OCP ? • RSE de l’OCP : vers un nouveau modèle de développement territorial durable ? Pour répondre à ces questions nous avons mobilisé une panoplie de moyens : • Entretiens ouverts avec l’ensemble des membres du top management et des personnes représentatives du personnel de l’entreprise. Une douzaine de déplacements au siège social ou sur les sites de production minière et chimique a été organisée. • Entretiens ouverts auprès d’acteurs de la société civile (responsables d’associations, élus de communes, directeurs de services dans une wilaya, Gouverneurs…) dans les sites de Benguerir, Youssoufia, Safi et Khouribga. Une vingtaine d’entretiens a été menée ; • Administration d’une enquête de perception des actions OCP auprès des populations des communes d’El Jadida, Benguerir, Youssoufia, Safi et Khouribga. Plus de 1200 questionnaires ont été administrés sur la base d'un tirage aléatoire. • Etude de la communication institutionnelle interne de l’OCP, de documents émanant d’institutions marocaines, d’articles parus dans la presse nationale ou internationale. • Echanges fréquents avec le responsable scientifique de l’étude pour l’OCP, Monsieur Mohamed Soual. Une trentaine de rencontres, formelles ou informelles, de grande qualité, a ainsi eu lieu. Les dirigeants d’entreprises sont de plus en plus conscients des responsabilités qu’ils doivent assumer concernant l’impact de leurs décisions et activités sur la société et l’environnement. Leur stratégie est évaluée aujourd’hui à l’aune de leur performance qui n’est plus seulement économique mais devient globale avec la prise en compte des conséquences de leurs choix managériaux sur l’équilibre des écosystèmes et sur l’équité sociale. Cette prise de conscience passe, notamment, par la mise en œuvre d’une politique de Responsabilité Sociale des Entreprises, politique qui se traduit par un comportement éthique et transparent, contribue au développement durable, prend en compte les attentes des parties prenantes, respecte les lois en vigueur et s’accorde avec les normes internationales de comportement 1. Dans la tradition des grandes entreprises minières, les dirigeants de l’OCP ont, de tout temps, pratiqué une politique RSE sans se demander si cette pratique correspondait à cette dénomination. Il était naturel pour eux de se préoccuper de l’impact environnemental et social de l’activité minière et chimique sur les territoires d’implantation de l’OCP. Pour cette raison, ils ont consacré des sommes souvent importantes en actions citoyennes destinées aux populations proches des centres d’activités de l’OCP ou dans des opérations de protection de l’environnement. Les dirigeants actuels poursuivent ces actions. Mais la stratégie de développement durable (DD) s’intègre à présent dans un vaste mouvement de restructuration des activités de l’OCP et dans un nouveau dispositif stratégique axé sur la recherche de la performance globale. Parler aujourd’hui de la stratégie DD et RSE de l’OCP c’est donc étudier cette vaste reconfiguration stratégique mise en œuvre depuis quelques années au sein de l’OCP. Les changements intervenus font suite à la nomination de Monsieur Mostafa Terrab comme Directeur Général de l’OCP, en 2006. Une nouvelle vision de l’entreprise va s’imposer, des axes stratégiques vont être redéfinis, des plans d’action vont être mis en œuvre. Au sein de cette refondation, le DD et la RSE de l’OCP apparaissent complémentaires à d’autres composantes du système stratégique de l’OCP, système dont la mise en cohérence des éléments contribue aujourd’hui à la performance recouvrée de l’OCP. Si parler de la stratégie DD et RSE actuelle de l’OCP nécessite d’évoquer les changements intervenus au sein de l’Office, aborder ces changements impose de tenter de comprendre pourquoi ils ont été si nécessaires au point de s’imposer comme un impératif vital pour cette entreprise, et donc pour le Maroc, à partir de la deuxième moitié de la décennie 2000. La réponse à cette question tient sans doute au fait que l’OCP est une entreprise profondément « encastrée » dans l’environnement marocain. Les changements de l’OCP font ainsi écho à ceux intervenus dans l’économie et la société marocaine, celles-ci ayant été confrontées à une demande pressante en faveur de réformes institutionnelles, économiques et sociales. Les changements de l’OCP ont été analysés, de manière pertinente, dans un ouvrage récent de Pascal Croset. L’auteur les interprète comme une « transformation » au 1 La notion de RSE a migré vers celle de Responsabilité Sociétale des Organisations (RSO) à la suite de l’élaboration de la norme ISO 26 000. Capron M., Quairel-Lanoizelée F., Turcotte M-F, ISO 26000 : Une norme « hors norme », Economica, 2012, 223 pages. service d’une « ambition » 2. Il étudie cette transformation comme processus, c'est-àdire comme mouvement au fil duquel l’OCP s’est modifié en profondeur, et non comme résultat, c’est-à-dire comme constat des changements avérés. Pour notre part, nous reprendrons l’expression de « transformation » pour parler de la restructuration récente des activités de l’OCP. Nous l’examinons comme processus et comme résultats car notre travail s’est déroulé sur une période d’étude postérieure à celle de l’auteur. Nous avons bénéficié ainsi de plus de recul analytique et de davantage de données statistiques pour évaluer l’impact économique et social des changements intervenus. Toutefois, quand nous parlons de la « transformation » de l’OCP, nous proposons de lui appliquer le qualificatif de « grande ». Ici, c’est moins l’appétence pour les superlatifs qui nous anime qu’une volonté de faire référence à un auteur qui a inspiré notre réflexion sur l’OCP. Si l’on veut parler de « transformations » au sein d’une entreprise qui est, rappelons-le, profondément encastrée dans son environnement, autant emprunter le titre de l’ouvrage de Polanyi : The Great Transformation 3 . Cet auteur théorise dans son ouvrage le concept « d’encastrement » (embeddedness) qu’il définit comme l’appartenance à un système de relations. Tout comportement économique serait ainsi « encastré » dans un réseau de relations sociales sans lesquelles il ne pourrait ni exister ni trouver les ressources nécessaires à son action. Pour une entreprise, cette notion d’encastrement pose la question du processus d’interactions socio-politiques dans lequel elle est engagée. Entre le modèle d’une entreprise dominante qui ne se préoccupe pas des attentes de ses parties prenantes et celui d’une entreprise dominée qui subirait les pressions de son environnement, il y a un modèle intermédiaire qui repose sur les interactions de l’entreprise avec la diversité et la richesse de son environnement économique et social. Pour l’OCP, la question sera de savoir si sa « grande transformation » lui a permis de se « ré-encastrer » dans l’environnement marocain après une phase où l’entreprise a pu être perçue comme repliée sur elle-même et sur ses intérêts propres. Nous avons traité ces questions de la « grande transformation » et du réencastrement de l’OCP de manière transversale à travers les différents chapitres de notre rapport de recherche. Ce rapport, en dix chapitres, commence part une synthèse des réformes au Maroc, et montre que l’OCP, en tant qu’établissement public, est appelé à jouer un rôle de premier plan dans l’accompagnement institutionnel, économique, social et territorial de ces réformes (Chapitre 1). Nous étudions ensuite la place qu’occupe l’OCP au sein des entreprises et établissements publics (EEP) marocains et le poids qu’il représente dans l’économie marocaine. Si l’activité de l’OCP exerce des effets positifs sur l’ensemble de l’économie, des effets adverses, négatifs, peuvent également intervenir. Nous mobilisons la théorie économique pour souligner les responsabilités macroéconomiques et macro-financières que l’OCP doit assumer au risque de perturber les grands équilibres économiques et sociaux du pays (Chapitre 2). Après ces deux approches de nature statique et comparative, qui positionnent l’OCP dans son environnement institutionnel et économique, nous étudions, dans une 2 3 Croset P, L’ambition au cœur de la transformation. Une leçon de management venue du Sud. Dunod, 2012, 242 pages. Polanyi K. The Great Transformation (1944). Traduction française : La Grande Transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, 1983, 420 pages. démarche plus dynamique, les ressorts du développement de l’OCP depuis quelques années. C’est ici que nous présentons la « grande transformation industrielle » de l’OCP avec pour objectif la compréhension d’ensemble des réformes engagées et la cohérence de leur implémentation. Nous proposons notre « représentation » de cette grande transformation et nous examinons la congruence des stratégies mises en œuvre par l’OCP dans les domaines industriel, financier, juridique, social, de développement durable et commercial (Chapitre 3). Cette « grande transformation » a entraîné de profonds bouleversements au sein de l’Office. Nous cherchons à mettre en évidence la dimension organisationnelle de ces changements. Changements qui s’incarnent dans la nature de l’organisation, dans sa culture et dans sa démarche de responsabilité sociale (Chapitre 4). Concernant la question de la responsabilité sociale, nous proposons une réflexion théorique sur les enjeux de la RSE dans les EEP. De quelle responsabilité parle-ton et vis-à-vis de qui cette responsabilité doit-elle s’exercer ? Selon quelle modalité, ou quels canaux de transmission, cette responsabilité doit-elle jouer ? Nous tentons d’apporter des réponses à chacune de ces questions en soulignant les défis qu’elles représentent pour l’OCP (Chapitre 5). La responsabilité économique et sociale de l’OCP est particulièrement engagée dans ses territoires d’implantation. À partir du cas de la province de Khouribga, nous proposons un bilan des rapports micro-économiques et sociaux que l’OCP entretient avec ce territoire. Ce bilan apparaît en demi-teinte, positif sur le plan social mais décevant sur le plan économique. Nous tentons d’expliquer ce découplage économique et social et nous plaidons pour que l’OCP adopte une démarche moins « normative » et plus « positive » qui déboucherait sur une nouvelle approche du management territorial de l’OCP (Chapitre 6). Face à ces résultats mitigés, évalués sur la base d’éléments statistiques quantitatifs, nous avons cherché à savoir quelle était la perception, forcément subjective, que se font les parties prenantes de l’OCP des actions qu’il conduit sur ses territoires d’implantation. Nous rendons compte de nos entretiens et de notre enquête de perception conduite auprès des populations des communes avoisinant les sites de production minière et chimique. Nous constatons que l’image de l’OCP n’est pas forcément positive et suggérons le type de levier sur lequel l’OCP pourrait agir pour relever son image et améliorer sa contribution au développement territorial (Chapitre 7). Une amélioration de cette contribution passera, selon nous, par l’approfondissement du modèle de développement territorial durable que l’OCP est en train d’élaborer. Ce modèle comprend deux formes : le projet partenarial de Jorf Phosphate Hub (JPH) et la démarche d’écologie industrielle mise en œuvre par l’OCP sur cette aire industrialo-portuaire. Nous mobilisons la théorie économique pour montrer que le JPH s’inscrit dans une démarche de constructions d’avantages comparatifs endogènes. Cette démarche peut permettre à l’OCP et aux investisseurs étrangers présents sur le site de bénéficier d’externalités positives liées aux effets d’agglomération décrits par la « nouvelle économie géographique ». En gagnant en productivité et en avantages concurrentiels, le site de JPH peut devenir une locomotive industrielle et contribuer, par « effet de ruissellement » au développement territorial (Chapitre 8). L’écologie industrielle et territoriale vise à optimiser les cycles de matières et d’énergie en créant des synergies entre industries. Elle nécessite et initie de nouveaux schémas de gouvernance et de partenariat entre acteurs au sein des territoires. Nous montrons à travers le métabolisme global de l’OCP, sur le site de JPH, que l’Office développe un modèle d’écologie industrielle novateur et ambitieux. Nous soulignons les synergies créées qui révèlent le potentiel élevé d’interactions et de coopérations économiques et sociales que l’OCP peut développer avec ses différents partenaires territoriaux (Chapitre 9). Nous terminons ce rapport de recherche par une ouverture sur des pistes de recherches complémentaires à notre travail qui permettraient d’approfondir notre réflexion sur des voies nouvelles que nous n’avons pas pu explorer faute de temps.
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