Oxmo Puccino - Théâtre Louis Aragon
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Oxmo Puccino - Théâtre Louis Aragon
Date : 02/05/2012 Pays : FRANCE Page(s) : 3 Rubrique : quoi encore? Diffusion : 39112 Périodicité : Hebdomadaire quoiencore? j'ai enregistré en studio avec Oxmo Puccino En ..f pénétrant dans le studio enfumé, on s'excuse de déranger. "Au contraire, la jubilation suscite lajubilation... Installe-toi", sourit Oxmo, placide et énigmatique. Dans tes baffles, puise un groove alourdi téléguidé par Vincent Taeger (Poni Hoax, Feist...) de l'autre côté de la vitre. Un beat à la ?uestlove, solide et cool, qui servira d'interlude au sixième album qu'Oxmo enregistre ici. En régie, le réalisateur Renaud Letang (Manu Chao, Gonzales...) s'affaire sur un clavier; Vincent Segal IM, Blackalicious...), qui complète le casting, écoute, yeux fermés. Lorsqu'on évoque cette équipe de rêve rarement réunie autour d'un rappeur, Oxmo rallume son joint : "Renaud ou Vincent sont des pointures, c'est clair; des gens avec qui on travaille quand ils ont le temps. Mais c'est une petite équipe, on n'a pas pris dix musiciens ou quinze featurings. Mai Lan est la seule invitée. " Mais cette luxueuse présence est surtout le signe qu'Oxmo est ailleurs, parti du rap il y a quinze ans pour devenir autre chose. Plongé dans son fauteuil, il surveille tout. Calme et volubile dans un même souffle, il est partout, discrètement présent à tous tes postes, demande à réécouter un break en pianotant sur son mini-PC, vanne ses compères, réajuste le volume d'une piste et accueille avec ferveur une poignée de potes venus dire bonjour : "Putain, les gars, vous déchirez! Ah, vous déchirez, vous déchirez!" Puis retourne à ses tweets, adoubant le beat d'un head nodding discret : "Putain, il est bon ce beat, ouais..." Un vocabulaire de rappeur, mais des manières hors cadre qui ne lui ont pas valu que des louanges dans te milieu. On se souvient de L'amour est mort, chef-d'œuvre incompris, et des railleries qui accompagnaient alors le rimeur chez son prof de chant : "La voix est un instrument, non ?Bien sûr que j'ai pris des cours ! Dans le rap, c'était très mal " vu, mais bon... Puis retourne à son ordi et à ce joint qui s'éteint constamment. Théâtral jusque dans ses silences, il semble ce souverain tordu d'un univers qui n'existait pas avant lui. Son ouverture musicale et sa curiosité ont fait du bien 'putain, les gars, vous déchirez ! !" Ah, vous déchirez, vous déchirez à son rap, mais ses stigmates urbains et ses manières fortes en ont fait autant aux genres auxquels il s'est frotté. Quitte à décevoir quelques puristes; ils s'en remettront. Composé par lui-même, ce Roi sans carrosse, qui paraîtra fin septembre, connecte encore mille territoires. Des électricités sensuelles de la Danse couchée au rétrofuturisme de Pam-Paname, te son griffe, se tord, s'invente; on est ailleurs. Le seul dénominateur reste un lyrisme noirci, et ce chant brisé par des intonations secrètes pillées chez Brel ou chez Renaud. Ce roi sans carrosse, c'est lui. Le roi en bus, le roi avec une carte orange, le roi qui s'en fout. Le roi têtu qui ne fait que ce qu'il veut mais le fait sans prétention, avec un mélange de science novice et d'enthousiasme électrique : "Attention, là on est avec des grands... Moi, je suis assez petit face à cette équipe... C'est fou, Thomas, c'est fou... ", sourit-il en désignant Vincent Segal. Dans le studio, le son tourne et les images s'effacent. Oxmo plane loin des origines, des machines qui lui ont longtemps servi de carcan, à défaut d'armure. A l'étroit entre la table de mixage et le fauteuil dont il s'est levé d'un bond, te géant noir se la donne dans l'ombre, invective gratuitement et révise à voix haute : "On fait c'qu'on peut/Nul n'est parfait/ Je suis heureux, du mat quej'n ai pas fait... " Et disparaît brusquement en cabine : " "OK, c'est bon, je suis prêt. Derrière la vitre, diction théâtrale et éclats de voix signent des origines tenaces, mais le rap se distend ; on se gardera d'y coller une étiquette de peur qu'il ne la perde encore en route. Thomas Blondeau photo Thierry Masson Tous droits de reproduction réservés