Note2
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Le projet de la nouvelle Constitution marocaine : Lecture générale dans un modèle exemplaire de gouvernance politique et socio-économique Le peuple marocain est appelé à se prononcer le 1er juillet prochain , par voie de référendum , sur le projet de la nouvelle Constitution , réforme annoncée par le Roi dans un important discours le 9 mars dernier . Dans ce discours jugé historique par de nombreux acteurs et observateurs politiques, le Roi avait défini les grandes orientations de la réforme constitutionnelle projetée ainsi que la démarche à suivre en vue de réaliser cette réforme. Quant aux orientations ou fondements, le Roi a défini la portée de nombreuses mesures touchant les aspects fondamentaux de l’organisation constitutionnelle du Royaume relatifs aussi bien aux différents pouvoirs et aux droits et libertés des citoyens qu’aux mécanismes et institutions de bonne gouvernance et de démocratie participative. En ce qui concerne, par ailleurs, la démarche entreprise pour la conception de la réforme, le Roi évitant de recourir à la méthode de l’assemblée constituante certes démocratique, mais complexe et parfois conflictuelle, a été fidèle à son approche participative et inclusive suivie pour la conduite de nombreux chantiers structurants depuis son accession au Trône en 1999. En effet, après la constitution d’une Instance de l’équité et de la réconciliation (IER), d’une commission pour l’élaboration d’un Code de la famille avant‐gardiste, d’une commission consultative de la régionalisation, le Roi a pour ce chantier fondamental de réforme politico‐institutionnelle, constitué une Commission consultative de la réforme de la Constitution, composée d’importantes personnalités universitaires ou agissant dans le domaine des droits de l’homme ou de la gouvernance socio‐économique et dont la présidence a été confiée à un éminent juriste marocain spécialisé en droit constitutionnel et disposant d’une grande expérience politique et en matière de justice constitutionnelle en tant qu’ancien membre du Conseil constitutionnel qui sera érigé en une Cour constitutionnelle. Outre cette commission à dominante juridico‐technique, le Roi a mis parallèlement en place une instance d’accompagnement dite Mécanisme politique de suivi et de dialogue regroupant la quasi‐totalité des partis politiques aussi bien représentés que non représentés au Parlement ainsi que les centrales syndicales les plus représentatives. La présidence de cette autre instance a été confiée également à un autre éminent constitutionnaliste marocain occupant de surcroit la fonction extrêmement importante de Conseiller du Roi. L’interaction entre ces deux espaces, différents mais naturellement complémentaires, explique dans une large mesure la qualité du produit soumis au Roi et ensuite à la consultation populaire. En effet, l’approche inclusive et participative a pertinemment impliqué, non seulement les formations politiques et les acteurs socioéconomiques, mais aussi la société civile. Outre 1 la remise à la commission consultative des traditionnels mémorandums, ces acteurs ont été auditionnés et ont exprimé librement leurs doléances, attentes et opinions. Le projet de Constitution, in fine, représente incontestablement un texte de grande qualité, audacieux et novateur par rapport à l’environnement du Royaume et au contexte régional, voire international. Il érige le Royaume en une monarchie parlementaire tout en lui préservant ses spécificités en tant que monarchie citoyenne. Son optimisation est toutefois tributaire de certaines mesures d’accompagnement indispensables. Le régime constitutionnel du Royaume est fondé sur la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative, et les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes. En outre, Les prérogatives Royales sont clairement définies et mieux encadrées. I- Une meilleure définition du Statut du Roi et des prérogatives de la Royauté Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect de l’Islam. Il est le Garant du libre exercice des cultes. Le Roi exerce par dahirs les prérogatives religieuses inhérentes à l’institution d’Imarat Al Mouminine qui lui sont conférées de manière exclusive par le présent article. Le Roi, chef de l’Etat, son représentant suprême, symbole de l’unité de la Nation, garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat et arbitre suprême entre ses institutions, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions, à la protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens, et des collectivités, et au respect des engagements internationaux du Royaume. A cet effet, le Roi accomplit ces missions au moyen de pouvoirs qui lui sont expressément dévolus par la Constitution et qu’il exerce par dahir. La personne du Roi est inviolable, et respect lui est dû, ainsi toute référence à la sacralité est abandonnée, bien que cette qualité demeure retenue par certaines monarchies de l’Europe du Nord. II- Le Premier ministre devient le chef effectif du gouvernement Le gouvernement exerce un pouvoir exécutif effectif. Sous l’autorité du chef du gouvernement, le gouvernement met en œuvre son programme gouvernemental, assure l’exécution des lois, dispose de l’administration et supervise l’action des entreprises et établissements publics. Le Chef du Gouvernement exerce le pouvoir réglementaire et peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres. Le Roi nomme le Chef du gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des Représentants, et au vu de leurs résultats. Sur proposition du Chef du Gouvernement, Il nomme les membres du gouvernement. Le Roi peut, à son initiative, et après consultation du Chef du Gouvernement, mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement. 2 Le Chef du Gouvernement peut à son initiative demander au Roi de mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement ou du fait de leur démission individuelle ou collective. Le Roi peut, sur la base d’un ordre du jour déterminé, déléguer au Chef du Gouvernement la présidence d’une réunion du Conseil des ministres. Les actes réglementaires du chef du gouvernement sont contresignés par les ministres chargés de leur exécution. Désormais, le chef du gouvernement nomme à de nombreux emplois civils dans les administrations publiques et aux hautes fonctions des établissements et entreprises publics. Les ministres sont responsables, chacun dans le secteur dont il a la charge et dans le cadre de la solidarité gouvernementale, de la mise en œuvre de la politique du gouvernement. Le Chef du Gouvernement peut également dissoudre la Chambre des Représentants, par décret pris en Conseil des ministres, après avoir consulté le Roi, le président de cette Chambre et le président de la cour constitutionnelle. Il présente devant la Chambre des Représentants une déclaration portant notamment sur les motifs et les buts de cette décision. III- Le Parlement avec une prééminence reconnue à la 1ère Chambre voit ses prérogatives renforcées Du point de vue organisation, le Parlement demeure bicaméral avec la Chambre des Représentants et la Chambre des Conseillers. La Chambre des Conseillers représentant les collectivités territoriales, les chambres professionnelles et les organisations professionnelles des employeurs les plus représentatives, comprend entre 90 membres et 120. Le Parlement exerce à titre exclusif le pouvoir législatif. Il vote les lois, contrôle l’action du gouvernement et évalue les politiques publiques. Le domaine de la loi est nettement élargi et clarifié. Les projets de loi sont déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des Représentants. Toutefois, les projets de loi relatifs notamment aux Collectivités territoriales, au développement régional et aux affaires sociales sont déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des Conseillers. IV- Un véritable statut de l’opposition Composante essentielle du Parlement, l’opposition participe aux fonctions de législation et de contrôle. La Constitution garantit à l’opposition parlementaire un statut lui conférant des droits à même de lui permettre de s’acquitter convenablement de ses missions afférentes au travail parlementaire et à la vie politique. Elle garantit, notamment, à l’opposition les droits un temps d’antenne au niveau des médias officiels, proportionnel à leur représentativité, la participation effective au contrôle du travail gouvernemental, à travers notamment les 3 motions de censure et l’interpellation du Gouvernement, ainsi que des questions orales adressées au Gouvernement et dans le cadre des commissions d’enquête parlementaires, la présidence de la commission en charge de la législation à la Chambre des Représentants. V- L’élévation de la justice en véritable pouvoir indépendant au lieu d’une simple autorité Le Roi est le garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire. Désormais est proscrite toute intervention dans les affaires soumises à la justice. Dans sa fonction judiciaire, le juge ne saurait recevoir d’injonction ou instruction, ni être soumis à une quelconque pression. La loi sanctionne toute personne qui tente d’influencer le juge de manière illicite. Les magistrats dont le statut est fixé par une loi organique, jouissent de la liberté d’expression, en compatibilité avec leur devoir de réserve et l’éthique judiciaire. A cet effet, ils peuvent appartenir à des associations ou créer des associations professionnelles, dans le respect des devoirs d’impartialité et d’indépendance et dans les conditions prévues par la loi. Un Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire remplace le Conseil supérieur de la magistrature. Il dispose de l’autonomie administrative et financière et Il veille à l’application des garanties accordées aux magistrats, notamment quant à leur indépendance, leur nomination, leur avancement, leur mise à la retraite et leur discipline. A son initiative, il élabore des rapports sur l’état de la justice et du système judiciaire, et présente des recommandations appropriées en la matière. A la demande du Roi, du Gouvernement ou du Parlement, le Conseil émet des avis circonstanciés sur toute question se rapportant à la justice, sous réserve du principe de la séparation des pouvoirs. Désormais les décisions individuelles du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir devant la plus haute juridiction administrative. Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire présidé par le Roi et ayant comme Président‐ délégué le Premier‐président de la Cour de Cassation (qui se substitue à la Cour Suprême) voit sa composition élargie, ouverte sur son environnement et garantissant une réelle représentativité des femmes magistrats. VI- Du Conseil constitutionnel à la Cour constitutionnelle Une Cour Constitutionnelle remplacera le Conseil constitutionnel actuel. Le Président de cette Cour et ses membres sont choisis parmi les personnalités disposant d’une haute formation dans le domaine juridique et d’une compétence judiciaire, doctrinale ou administrative, ayant exercé leur profession depuis plus de quinze ans, et reconnues pour leur impartialité et leur probité. Outre le contrôle de la constitutionnalité des lois, de la régularité de l’élection des membres du Parlement et des opérations de référendum, la Cour statuera sur les engagements internationaux qui lui seront déférés avant leur promulgation ou leur ratification, par le Roi, le Chef du Gouvernement, le Président de la Chambre des 4 Représentants, le Président de la Chambre des Conseillers, ou par le cinquième des membres de la Chambre des Représentants ou quarante membres de la Chambre des Conseillers. Autre innovation de taille, la Cour Constitutionnelle est désormais compétente pour connaître d’une exception d’inconstitutionnalité soulevée au cours d’un procès, lorsqu’il est soutenu par l’une des parties que la loi dont dépend l’issue du litige, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. VII- La proclamation d’une véritable Charte des droits fondamentaux La nouvelle constitution consacre une véritable Charte des libertés et droits fondamentaux des citoyens dans leur corrélation avec les obligations de citoyenneté. Les principaux droits nouveaux peuvent se résumer ainsi : ‐ ‐ ‐ ‐ L’Etat marocain œuvrera à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes et Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination. Les citoyens auront le droit d’accéder à l’information détenue par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public. La liberté de la presse est garantie et ne peut être limitée par aucune forme de censure préalable. La loi prévoit des dispositions de nature à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives. Outre les nationaux, les étrangers jouiront des libertés fondamentales reconnues aux citoyens marocains. Ceux d’entre eux qui résident au Maroc peuvent participer aux élections locales en vertu de la loi, de l’application de conventions internationales ou de pratiques de réciprocité. ‐ ‐ L’Etat œuvre à garantir par la loi la protection de la famille sur les plans juridique, social et économique, de manière à garantir son unité, sa stabilité et sa préservation. Il est créé un Conseil consultatif de la famille et de l’enfance. Les pouvoirs publics devront prendre toutes les mesures appropriées en vue d’étendre et généraliser la participation de la jeunesse au développement social, économique, culturel et politique du pays et faciliter l’accès des jeunes à la culture, à la science, à la technologie, à l’art, au sport et aux loisirs, tout en créant les conditions propices au plein déploiement de leur potentiel créatif et innovant dans tous ces domaines. Un Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative contribuera à la mise en œuvre de cette politique. L’Etat œuvrera à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. A cet effet, Il est créé une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination. III- Constitutionnalisation de nombreuses institutions et instances de protection des droits et libertés, de la bonne gouvernance, du développement humain et durable et de la démocratie participative : outre les instances déjà citées, Conseil 5 national des droits de l’Homme , Médiateur , Conseil de la concurrence, Instance de lutte contre la corruption … VIII- Une place de choix réservée à la région dans le cadre de l’organisation territoriale L’organisation territoriale du Royaume repose sur les principes de libre administration, de coopération et de solidarité. Elle assure la participation des populations concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur contribution au développement humain intégré et durable. A cet effet, Les régions et les autres collectivités territoriales participent à la mise en œuvre de la politique générale de l’Etat et à l’élaboration des politiques territoriales à travers leurs représentants à la Chambre des Conseillers. Des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation seront mis en place par les Conseils des régions et les Conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser l’implication des citoyens, et des associations dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement. A cet égard, les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition en vue de demander l’inscription à l’ordre du jour du Conseil, d’une question relevant de sa compétence. Sur la base du principe de subsidiarité, les collectivités territoriales ont des compétences propres, des compétences partagées avec l’Etat et celles qui leur sont transférables par ce dernier. Les régions et les autres collectivités territoriales disposent de ressources financières propres et de ressources financières affectées par l’Etat et tout transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales doit s’accompagner d’un transfert des ressources correspondantes. 6