Le Journal de l`Institut Curie - n°64
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Le Journal de l`Institut Curie - n°64
JIC64_1COUV-M7SR2 25/10/05 15:04 Page 1 LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE COMPRENDRE POUR AGIR CONTRE LE CANCER ENTRE NOUS Les comptes 2004 FICHE PRATIQUE Chimiothérapie et cancer du sein DOSSIER Comprendre la cellule cancéreuse pour la maîtriser # 64 - NOVEMBRE 2005 - 1,25 € - ISSN 1145-9131 JIC64_2-3-M7SR2 25/10/05 15:07 Page 2 ACTUALITÉS INSTITUT CURIE ÉDITORIAL h ACTUALITÉS Institut Curie Investir dans l’Institut Curie p. 3 A. Lescure/Institut Curie « Plus qu’un don… Un investissement » p. 5 Imagerie : un TEP-scan à l’Institut Curie Actualités générales p. 6 Prévention : du poisson, s’il vous plaît FICHE PRATIQUE h Chimiothérapie et cancer du sein p. 7 h DOSSIER p. 8 Noak/Le bar Floréal/IC COMPRENDRE LA CELLULE CANCÉREUSE POUR LA MAÎTRISER Décryptage p. 10 Des stratégies pour vaincre le cancer De la recherche à l’innovation p. 12 h ENTRE NOUS Initiatives p. 15 p. 19 Amélie Mauresmo, marraine de l’Institut Curie C. Pereira/Institut Curie Irène et Frédéric Joliot-Curie, lauréats du prix Nobel Depuis plusieurs années, à l’occasion du week-end contre le cancer, l’Institut Curie vous propose de visiter son hôpital et son centre de recherche et d’assister à des conférences. Au-delà de l’intérêt médical et scientifique de ces journées, une telle ouverture permet à chacun de constater in situ la bonne utilisation des fonds issus de la générosité publique. Parallèlement, certains d’entre vous marquent leur solidarité Pr Claude Huriet, en participant à la manifestation Courir pour la Vie, président Courir pour Curie que ce soit à pied, à vélo ou même de l’Institut Curie en rollers à Paris et en province1. Ces 8 et 9 octobre dernier, à Paris, aux côtés de nos partenaires2, vous avez été plusieurs milliers de participants à faire de ce week-end de solidarité contre le cancer une réussite. Au nom de tous les chercheurs et personnels soignants, je vous en remercie vivement. Lors d’une récente enquête, vous avez indiqué que vous souhaitiez voir l’Institut Curie s’exprimer davantage sur les questions liées aux cancers. Dès ce mois de novembre, une nouvelle campagne d’appel aux dons sera diffusée à la radio et dans la presse écrite (lire p. 3). Son thème en sera « l’investissement » : s’investir moralement aux côtés de ceux qui traversent l’épreuve de la maladie, investir financièrement pour soutenir le progrès médical. « Investissement » sous-entend aussi que l’on attend en retour des avancées, mais il faut rester conscient que ce retour peut ne pas être aussi rapide que nous le souhaiterions tous… Une preuve récente parmi d’autres que notre investissement porte ses fruits : pour la seconde fois consécutive, l’Institut Curie figure au palmarès des hôpitaux du magazine Le Point3. Ces résultats très honorables soulignent l’engagement de l’Institut Curie en faveur d’une prise en charge sans cesse améliorée des malades atteints de cancer. Pour continuer de convertir les espoirs en résultats, nous devons pouvoir compter sur « l’investissement de tous ». 1. En province, de nombreuses dates encore à venir. Renseignements : ww.courirpourcurie.org 2. Nos partenaires leaders sont l’association Courir pour la Vie, Courir pour Curie, Swiss Life, Caisse d’Épargne Ile-de-France Paris, Truffaut et Décotop. 3. Le Point. 25 août 2005. Éthique : des règles et des valeurs en matière de mécénat Compte d’emploi des p. 16 ressources 2004 de l’Institut Curie Rétrospective ,DANS VOS JOURNAUX Depuis 2004, la championne de tennis apporte bénévolement son soutien aux chercheurs, aux soignants de l’Institut Curie et plus encore aux malades du cancer. Marraine de l’Institut, elle « espère pouvoir leur donner du courage et un peu de bonheur. Il faut toujours aller de l’avant, se battre. Parfois, on est moins motivé et, à d’autres moments, on reprend confiance en soi ». LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE COMPRENDRE POUR AGIR CONTRE LE CANCER EST ÉDITÉ PAR L’INSTITUT CURIE - 26 RUE D’ULM, 75248 PARIS CEDEX 05 - FAX: 01 43 25 17 56 - JOURNAL. [email protected] - WWW.CURIE.FR - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION: PR CLAUDE HURIET - RÉDACTRICE EN CHEF: NATHALIE BOISSIÈRE - RÉDACTION: CÉLINE GIUSTRANTI, SARAH MELHENAS, ESTELLE MERCERON - ICONOGRAPHIE: CÉCILE CHARRÉ ET YASMINE BENZOUGAR (01 44 32 40 51) - DONS ET ABONNEMENTS: YOVAN VUJOSEVIC (01 44 32 40 80) - ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO: L’UMR144 ET GIUSEPPE BALDACCI, DR MYRIAM BENAMOR, PR PIERRE BEY, MICHEL BORNENS, DR FRANÇOIS CAMPANA, CORINNE CUMIN, DR VÉRONIQUE DIERAS, DR MARC ESTEVE, BRUNO GOUD, PR CLAUDE HURIET, LUDGER JOHANNES, ALEXANDRE LESCURE, PR DANIEL LOUVARD, ALESANDRO MAZAL, DR SYLVIA NEUENSCHWANDER, CHRISTELLE QUESNAY, RENAUD HUYNH, SIMON SCHEURING, DR BRIGITTE SIGAL-ZAFRANI DE L’INSTITUT CURIE - LE SOMMAIRE, LES TITRES, CHAPÔS, INTERTITRES, ILLUSTRATIONS ET LÉGENDES SONT DE LA RESPONSABILITÉ DE LA RÉDACTION EN CHEF ET N’ENGAGENT PAS LES AUTEURS - PHOTO DE COUVERTURE : NOAK/LE BAR FLORÉAL/INSTITUT CURIE - ABONNEMENT POUR 4 NUMÉROS/AN : 5 € - CRÉATION ET RÉALISATION : CITIZEN PRESS (01 53 00 10 00) - FABRICATION : TC GRAPHITE (PARIS) - IMPRESSION : LA GALIOTTE PRENANT - 70/82, RUE AUBER, 94400 VITRY-SUR-SEINE - NUMÉRO DE COMMISSION PARITAIRE : 0907H82469 - DÉPÔT LÉGAL DU N° 64 : NOVEMBRE 2005 - CE NUMÉRO A ÉTÉ IMPRIMÉ À 270 000 EXEMPLAIRES. 02, LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE « Plus qu’un don... un investissement » P our la seconde année consécutive, l’Institut Curie lance une campagne d’appel aux dons invitant les Français à donner en faveur de la lutte contre le cancer. Depuis le début du mois de novembre, cette campagne s’appuie sur une quinzaine de journaux et magazines, ainsi que sur deux radios. Nombreux sont les médias à avoir proposé des espaces publicitaires à coûts réduits, voire entièrement gratuits. Merci à eux d’être à nos côtés. En cohérence avec ses valeurs, l’Institut a choisi un ton responsable, sans promesses démesurées et assorti d’un message sincère et direct: «Chaque euro investi compte double». Gardant pour objectif de prendre le cancer de vitesse, cette campagne 2005 explique que le don constitue un véritable «investissement». Selon une enquête réalisée en début d’année, les donateurs comparent souvent leurs dons à la recherche médicale à des investissements à moyen terme. Aujourd’hui, chacun sait qu’il faut du temps pour que la recherche fondamentale débouche sur des avancées médicales. Néanmoins, qui fait un «investissement» attend un retour sur investissement. Les avancées dont nous bénéficions aujourd’hui sont le fruit d’efforts financés par le passé. L’Institut Curie a mis en place une organisation spécifique associant chercheurs et soignants agissant ensemble dans l’objectif unique de progresser sensiblement dans la lutte contre le cancer et avec la volonté d’offrir h SOMMAIRE La campagne 2005 montre les deux faces d’un euro : côté pile, investi au profit des programmes menés dans le centre de recherche de l’Institut Curie, côté face, investi au profit des innovations diagnostiques et thérapeutiques mises à la disposition des patients atteints de cancer, où qu’ils soient. GRÂCE À EUX un retour sur investissement plus rapide et plus tangible. En effet, en réunissant dans une même démarche, l’ensemble de la chaîne de progrès– recherche fondamentale, recherche appliquée, prise en charge médicale et diffusion de connaissances –, l’Institut raccourcit les délais de prise de décision et de transmission, diminue les frais de gestion intermédiaire et optimise le savoir-faire et l’efficacité de ses équipes. La campagne 2004 a sensibilisé de nombreux nouveaux donateurs et a fortement contribué à accroître les moyens dont l’Institut dispose pour ses actions. Nous espérons tous que nombreux seront ceux qui, suite à cette nouvelle campagne, décideront d’investir à nos côtés pour prendre le cancer de vitesse. Christophe Piednoël, directeur de la communication, Institut Curie L’appel aux dons dans les médias Nombreux sont les médias qui ont accepté de s’associer à l’appel de l’Institut Curie. Leurs engagements concrétisés en tarifs préférentiels ou offres gracieuses d’espaces ont permis de diminuer le coût de la campagne de plus de 60 %, une économie conséquente qui réduit le coût total d’achats d’espaces publicitaires à moins de 200 000 euros. LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE ,03 JIC64_4-7-M7SR2 25/10/05 15:08 Page 4 ACTUALITÉS ACTUALITÉS INSTITUT CURIE S. Scheuring/Institut Curie Science, 15 juillet 2005 Un TEP-scan vont en bénéficier de patients, venant de France et d’autres pays européens, l’Institut Curie s’était fixé une première priorité: augmenter rapidement sa capacité de traitement par cette technique. C’est désormais chose faite! Le 9 novembre 2005 sera inauguré un nouveau dispositif permettant désormais de réorienter le faisceau de protons d’une salle de traitement à une autre en moins de deux minutes, contre vingt auparavant. Grâce à ce gain de temps, les radiothérapeutes traiteront 30% de malades en plus, passant ainsi de 350 à 450 patients par an. Les coûts d’acquisition et d’installation de cette amélioration s’élèvent à 560000 euros. Ils ont été financés à parts égales par la Ligue nationale contre le cancer et le Comité de Paris de la Ligue. D’ici 2008, d’autres projets permettront d’étendre les indications notamment chez l’enfant et, à terme, d’accueillir 650 patients chaque année. Technologie de pointe, la protonthérapie est irremplaçable pour venir à bout de certaines tumeurs. L e Centre de protonthérapie de l’Institut Curie (Orsay, Essonne) est une référence mondiale en matière de traitement de certaines tumeurs rares de l’œil et de la base du crâne. En effet, les protons ont l’avantage de permettre d’irradier avec précision et fiabilité des tumeurs localisées à proximité d’organes sensibles comme le nerf optique ou certaines parties du cerveau. Pour en faire bénéficier un nombre croissant Estelle Merceron ,INNOVATION Des projets qui aboutissent 04, LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE industriel. L’innovation ne peut en effet se concevoir sans l’établissement de partenariats forts avec des industriels. Pour encourager l’émergence de tels progrès, l’Institut Curie va plus loin puisqu’il incite chercheurs et médecins ayant un projet novateur à créer leur propre entreprise. Une entreprise, consacrée au développement de nouvelles stratégies d’immunothérapie pour les maladies infectieuses et les cancers, est ainsi née il y a quelques mois (lire p. 12) et deux autres sont en cours de création. Cette démarche dite de valorisation, dont l’Institut Curie tirera VERS UNE RADIOTHÉRAPIE SUR MESURE à l’Institut Curie L ’Institut Curie dispose désormais d’un TEP (tomographe à émission de positons) couplé à un scanner ou TEP-scan, faisant de son plateau d’imagerie un ensemble d’équipements des plus performants. La technologie innovante du TEP-scan repose sur l’association d’une imagerie fonctionnelle et métabolique à une imagerie Le TEP-scan de l’Institut Curie, un des équipements d’imagerie morphologique permettant les plus performants aujourd’hui. de visualiser précisément le fonctionnement d’un organe. de la Santé à travers le Plan hôpital 2007. Particulièrement utile en cancérologie, L’augmentation dans l’Hexagone du le TEP-scan fait apparaître les cellules nombre d’appareils de diagnostic est une cancéreuses de manière distincte mesure du Plan cancer lancé en 2004. des tissus sains environnants. Il est Son objectif d’ici 2007 est l’installation ainsi possible aux médecins de localiser de 60 TEP, avec au moins un par CHU efficacement les foyers tumoraux, même et centre de lutte contre le cancer. de petite taille, afin d’établir un diagnostic, En deux ans, 47 appareils ont déjà mais aussi de mieux suivre l’évolution été installés et quelques autres sont de la maladie au cours des traitements. annoncés, pour le plus grand bénéfice Cette installation à l’Institut Curie des patients suivis en cancérologie. E. M. a bénéficié du soutien du ministère ,SUBVENTION Noak/Le bar Floréal/Institut Curie râce à son organisation originale et à la complémentarité des compétences qu’il rassemble, l’Institut Curie possède des capacités uniques pour favoriser l’émergence d’innovations en cancérologie. Pour preuve, un nouveau traitement contre la douleur, mis au point par le Dr Marc Estève, anesthésiste, chef du Département anesthésie, réanimation, douleur de l’Institut Curie, sera bientôt commercialisé. Il s’agit d’une association de deux molécules, qui limite l’effet de somnolence induit par l’antidouleur. Pour assurer la diffusion de ce traitement, l’Institut Curie s’est associé à un partenaire + 22% pour 2005-2008 L h G CANCER DU SEIN Dans les laboratoires de l’Institut Curie, un de ces tubes contient peut-être un traitement pour demain... des bénéfices, est indispensable pour assurer la transformation rapide des découvertes en applications médicales. Céline Giustranti e ministère de la Recherche a confirmé son soutien à la politique de recherche de l’Institut Curie en s’engageant à nouveau pour quatre ans à ses côtés. Le financement attribué au centre de recherche de l’Institut Curie s’élève à plus de 960000 euros par an, soit une hausse de 22 % par rapport à la période quadriennale précédente. Lors de la signature de ce contrat, Élisabeth Giacobino, directrice de la Recherche au ministère, a souligné « l’extrême qualité des travaux menés à l’Institut et la totale confiance du ministère dans la capacité de l’Institut Curie à faire progresser la lutte contre le cancer ». A. Lescure/Institut Curie Grâce à la microscopie à force atomique, une technique de pointe d’imagerie, Simon Scheuring (Inserm), de l’unité CNRS Physicochimie «Curie» à l’Institut Curie, a épié une membrane cellulaire dans son intimité. Il a ainsi montré que l’organisation des membranes n’était pas fixe, mais qu’elle variait en fonction de leur environnement. L’imagerie, en faisant plonger les chercheurs au cœur de la cellule, est désormais une approche indispensable pour mieux comprendre leur fonctionnement. Plus de patients EN BREF h LES MEMBRANES SE DÉVOILENT ,IMAGERIE Noak/Le bar Floréal/Institut Curie DÉCOUVERTE ,PROTONTHÉRAPIE h EN BREF INSTITUT CURIE Aujourd’hui, l’un des enjeux majeurs de la radiothérapie est de cibler au mieux la zone à traiter pour réduire les effets indésirables sur les tissus environnants. Le Dr François Campana et des médecins de l’Institut Curie viennent pour cela de mettre au point et de valider une nouvelle technique permettant une radiothérapie plus précise pour les femmes ayant des seins volumineux et/ou des antécédents de maladies cardiaques ou pulmonaires. En traitant ces patientes dans une position particulière – sur le côté, leur sein reposant sur un support en carbone de 0,3 millimètre –, ils réduisent au maximum les risques d’irradiation du cœur et des poumons1. Cette technique vient compléter l’arsenal très performant dont dispose déjà l’Institut Curie. Ces dernières années, la radiothérapie a en effet connu de nombreuses avancées liées au développement de l’imagerie, de l’informatique et des équipements. La zone d’irradiation est désormais véritablement «sculptée» en fonction de la forme du volume à traiter, préservant au maximum les tissus sains avoisinants. C. G. 1. Source : Int. J. Radiat. Oncol. Biol. Phys., 1er avril 2005. POUR EN SAVOIR PLUS h Lire « les Nouveaux Atouts de la radiothérapie ». Dossier thématique de l’Institut Curie (en vente par correspondance et sur www.curie.fr). LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE ,05 FICHE PRATIQUE TRAITEMENT Chimiothérapie et cancer du sein La chimiothérapie occupe une place importante dans le traitement du cancer du sein. Il s’agit de traitements qui ont pour objectif de détruire les cellules tumorales dans tout l’organisme que celles-ci soient effectivement présentes ou supposées l’être. Il existe plusieurs médicaments, utilisés seuls ou en association. h LE TRAITEMENT La chimiothérapie consiste à administrer des substances chimiques qui détruisent les cellules et particulièrement les cellules cancéreuses. Elle peut être programmée avant et/ou après la chirurgie. Avant la chirurgie, on parle de chimiothérapie néo-adjuvante. Le traitement dure alors trois à quatre mois. Après la chirurgie, on parle de chimiothérapie adjuvante. Elle dure habituellement six mois et est destinée à diminuer au maximum le risque de réapparition de la maladie. La décision de traitement dépend de la taille, de la localisation et des caractéristiques biologiques de la tumeur. Si la maladie récidive, avec des métastases dans d’autres organes que le sein, le traitement peut être une chimiothérapie. Dans ce cas, sa durée n’est pas déterminée à l’avance, mais elle est au minimum de six mois et peut aller jusqu’à un an, ou plus. h LES MODALITÉS DE DÉLIVRANCE DU TRAITEMENT Le traitement de chimiothérapie peut être délivré : • En hospitalisation à l’hôpital de jour, pour une durée d’une à quelques heures ; • En hospitalisation classique d’un ou quelques jours ; • À la maison, dans le cadre d’une hospitalisation à domicile. Des effets indésirables ? Les effets secondaires sont liés en partie aux effets des médicaments anticancéreux sur les cellules normales. Ils sont variables suivant le protocole de chimiothérapie et sont transitoires. Ils disparaîtront à l’arrêt de la chimiothérapie. Il peut s’agir, par exemple, de : • nausées, vomissements ; • chute des cheveux ; • inflammation, brûlures de la bouche et de la gorge ; aphtes ; • baisse des globules blancs, globules rouges et plaquettes ; • irrégularité, voire arrêt des règles, chez les femmes non ménopausées ; • sensation de sécheresse sur l’ensemble du corps; Des traitements spécifiques destinés à empêcher ou amoindrir ces effets secondaires sont administrés en même temps que la chimiothérapie (anti-nauséeux, etc.). Photos : A. Lescure/Institut Curie Dans la majeure partie des cas, la chimiothérapie est délivrée par voie intraveineuse en perfusions. Certains médicaments de chimiothérapie peuvent être donnés par voie orale (comprimés). Une cure de chimiothérapie, dite « cycle », dure un ou plusieurs jours ; la cure suivante a lieu deux à quatre semaines après. h LA POSE D’UN CATHÉTER Les médicaments de chimiothérapie sont souvent irritants pour les veines périphériques et il est alors nécessaire de poser un cathéter central pour perfuser. Il s’agit d’un tube fin, souple, d’un matériau toléré par l’organisme. Il est introduit sous la peau dans une veine profonde de l’organisme. La pose d’un cathéter dure environ trente minutes, sous anesthésie locale. E. M. DR BRIGITTE SIGAL-ZAFRANI RESPONSABLE DU PÔLE DE PILOTAGE ET D’ÉVALUATION EN SÉNOLOGIE (MÉDECINE DU SEIN). LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE ,07 JIC64_8-14-M7SR2 25/10/05 15:10 Page 8 DOSSIER COMPRENDRE LA CELLULE LE DÉFI DE LA BIOLOGIE h 250 MILLIONS h Noak/le Bar Floréal Institut Curie de cellules environ, sur les cent mille milliards que compte notre organisme, sont en cours de division à chaque instant. Plus petite unité du vivant, la cellule recèle encore des mystères que les chercheurs s’attellent à élucider pour mieux lutter contre le cancer. Entrepris dans les années soixante-dix, le déchiffrage des signaux guidant la destinée des cellules permet désormais d’envisager de nouvelles stratégies anticancéreuses. En s’attaquant au développement ou à la survie des cellules cancéreuses, ces traitements innovants rectifieront les dommages cellulaires ou bloqueront très finement leurs conséquences. Une nouvelle ère de « traitement de la cellule par la cellule » est amorcée. F ace au cancer, les médecins disposent d’une palette de traitements qui relèvent de deux approches : supprimer purement et simplement le maximum de la tumeur en faisant appel aux scalpels des chirurgiens ; détruire les cellules cancéreuses grâce aux rayons des radiothérapeutes ou aux drogues des chimiothérapeutes. Une troisième approche, nourrie des recherches fondamentales en biologie cellulaire, immunologie, génétique et biophysique, fait naître aujourd’hui de nouveaux espoirs en cancérologie. Elle consiste à 08, LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE mettre à profit les innombrables connaissances acquises au fil des années sur le comportement et le fonctionnement de la cellule saine ou – c’est sans doute de là que viendront les progrès les plus remarquables – de la cellule ayant déjà amorcé sa transformation cancéreuse. Au début des années quatre-vingt-dix dans les laboratoires étrangers, et depuis précisément dix ans à l’Institut Curie, les biologistes cellulaires ont retrouvé toute leur place face aux défis lancés par la médecine aux sciences du vivant. Leurs découvertes ont déjà participé au perfectionnement de la radiothérapie et de la chi- Cellules souches Cellules indifférenciées, capables à la fois de se renouveler à l’identique et d’acquérir des propriétés spécifiques, en fonction des signaux de leur environnement. Seules les cellules souches embryonnaires ont des capacités de prolifération et de spécialisation illimitées : on ne les trouve que dans un embryon de 4 ou 5 jours. Les cellules souches adultes sont capables d’engendrer certains types de cellules seulement. Elles existent dans tout tissu et organe humain. miothérapie et ne cessent de stimuler des avancées plus récentes comme l’immunothérapie. Le cancer étant d’abord une maladie cellulaire, la cellule s’avère être LE point d’ancrage prometteur des stratégies anti-cancéreuses de demain. « La cellule apparaît comme un ensemble intégré de phénomènes régulés dans l’espace et dans le temps, explique Giuseppe Baldacci1, directeur scientifique adjoint du centre de recherche à l’Institut Curie. Elle est comme un orchestre, et l’activité cellulaire une grande symphonie, où chaque instrument compte. Le chercheur tend l’oreille pour tenter de saisir les partitions de chacun… » La tâche est ardue, car il n’existe ni première ni dernière note comme dans une symphonie. Un constant va-et-vient de signaux ajuste la contribution de chacun pour que la cellule, in fine, accomplisse ses missions : grossir, sécréter, absorber, protéger, communiquer, se contracter, se diviser, mourir… Chaque cellule tient un rôle différent selon la place qu’elle occupe dans l’organisme. Et cette différenciation, quelle que soit l’espèce, démarre d’une cellule unique, la cellule œuf, non encore spécialisée. « Omnis cellula e cellula » (toute cellule provient d’une cellule) énonçait le pathologiste allemand Rudolf Virchow, il y a cent cinquante ans déjà. Un excès de signaux de vie est néfaste « La cellule est en fait LA véritable invention de l’évolution, rappelle Michel Bornens 2, directeur de recherche à l’Institut Curie, et à y regarder de près, sa complexité est supérieure à celle de l’organisme, ou plutôt soulève des difficultés de compréhension plus redoutables. » C’est ainsi que, peu à peu, on a découvert que toute cellule est programmée pour… mourir (c’est l’apoptose ou suicide cellulaire), sauf les cellules souches et les cellules cancéreuses. En se spécialisant, la cellule a abandonné quelques rêves, dont celui de se diviser – « Le rêve de toute cellule : devenir deux cellules », énonça le prix Nobel François Jacob. Il y a en fait une progression régulière dans le destin cellulaire, depuis les cellules souches, à division illimitée, jusqu’aux cellules différenciées, sans division aucune. Entre les deux, les cellules « progénitrices » se divisent quatre à dix fois. Car les extrémités de leurs chromosomes (télomères), véritables compteurs biologiques, veillent au destin cellulaire en se raccourcissant au fil des divisions. Mais, dans une tumeur, les cellules progénitrices ne cessent de se multiplier. Aux yeux des chercheurs, TROIS QUESTIONS À… Noak/Le bar Floréal/Institut Curie CANCÉREUSE POUR LA MAÎTRISER BRUNO GOUD, directeur de l’Unité de recherche 144 CNRS-Institut Curie « Compartimentation et dynamique cellulaires » Pourquoi la biologie cellulaire a-t-elle le vent en poupe? Parce que la seule connaissance des gènes ne permettra pas de comprendre le vivant. Une kyrielle d’acteurs déterminent le comportement de la cellule, sa forme, ses rapports avec le voisinage. Le moindre mouvement, un contact, une modification infime…, et se déclenche une cascade d’événements. La biologie cellulaire, réduite aux observations précises mais statiques, était tombée en désuétude. Elle s’est aujourd’hui approprié des outils puissants qui saisissent sur le vif l’ordonnancement dynamique des cellules. Quels espoirs apporte-t-elle aujourd’hui? On peut maintenant détecter comment la cellule réagit lorsqu’on modifie son environnement. À terme, on espère comprendre le fonctionnement des tumeurs humaines qui ne sont en fait que le reflet du dérèglement d’une société cellulaire. La découverte des voies de signalisation entre cellules permettra d’identifier de nouvelles cibles pour une action thérapeutique. Comment l’Institut Curie y contribue-t-il? Comme notre unité de recherche, tout l’Institut vit de l’équilibre entre ses compartiments, une douzaine d’équipes, dont il favorise le turn-over et l’autonomie, ainsi que les échanges avec l’extérieur. La clef de sa réussite repose sur cette diversité, et sur l’interface que l’Institut Curie a su développer très tôt entre la biologie cellulaire, la physique, la génétique, l’immunologie, la bioinformatique, l’imagerie, la recherche préclinique, et bientôt, la biologie du développement. Propos recueillis par M.-L. M. elles ressemblent à des cellules souches d’embryon : faciles à cultiver, réparant leurs télomères et se divisant vite… bref, échappant à l’apoptose. Cependant, alors que les cellules souches créent des tissus et des organes, celles-là sont incapables de se spécialiser et ont un développement anarchique. ■ ■ ■ 1. Directeur de l’unité Génotoxicologie et Cycle cellulaire, UMR 2027 CNRS-Institut Curie. 2. Responsable de l’équipe Biologie du cycle cellulaire et de la Motilité, UMR 144 CNRS-Institut Curie. LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE , 09 JIC64_8-14-M7SR2 25/10/05 15:10 Page 10 DOSSIER DÉCRYPTAGE LE DÉFI DE LA BIOLOGIE LA CELLULE Cinq stratégies pour vaincre le cancer ADN Présent au cœur de chaque cellule, sauf à de rares exceptions, l’ADN peut être comparé à un ruban moléculaire de plus de 1 m de long, sur lequel s’inscrivent les informations génétiques. Dans l’espace réduit qu’est le noyau, l’ADN s’enroule autour de protéines pour former une structure hautement organisée, la chromatine. Dès que le fonctionnement d’une cellule est altéré, une maladie peut survenir. Gros plan sur une cellule devenue cancéreuse et que scientifiques et médecins tentent de remettre dans le droit chemin. 5. La cellule cancéreuse est apte à circuler et à envahir (métastaser) des tissus voisins ou lointains. La chimiothérapie adjuvante et l’herceptin sont efficaces dans un grand nombre de cas pour prévenir l’apparition de métastases. De nombreuses autres recherches sont en cours. 10, LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE 2. La cellule cancéreuse dispose d’un potentiel incontrôlé de division. Les chimiothérapies classiques utilisent des médicaments bloquant de façon non spécifique la mécanique de la division cellulaire. Ainsi, les alcaloïdes (exemples : vinorelbine, vinblastine, vincristine) et les taxanes (exemples : docétaxel, paclitaxel) ciblent les microtubules indispensables à toute division. Ces thérapies font l’objet d’essais cliniques pour étendre leurs indications actuelles. L’équilibre très fragile entre les gènes Dans le processus de cancérogenèse, les premiers dérèglements touchent généralement les gènes de GRÂCE À VOUS 4. La cellule cancéreuse attire les vaisseaux sanguins à son profit. Empêchant cette vascularisation sanguine, une thérapie dite anti-angiogénique (bevacizumab) vient d’obtenir son autorisation de mise sur le marché, dans le cancer du côlon métastatique. D’autres anti-VEGF font l’objet d’essais cliniques. 1. Équipe Morphogénèse et Signalisation cellulaire, UMR 144 CNRS-Institut Curie. 2. Institut néerlandais de biologie du développement, Uppsalalaan (Hollande). 3. lire Le Journal de l’Institut Curie, août 2005. Un choix visionnaire visionnaire, six étages de laboratoires ultra-modernes prennent forme derrière la façade de l’ancien hôpital, et que cinq équipes seniors sont créées, ainsi que plusieurs équipes juniors. Le coût total de cette transformation et de l’investissement dans les laboratoires Constant-Burg se montait en 1995 à près de 150 millions de francs (22,5 millions d’euros). Complétant le financement par l’Institut, et notamment grâce à ses donateurs, un peu plus d’un million d’euros fut remis par l’Arc, la FRM, la Région Île-de-France, le CNRS et la Ligue contre le cancer. Le directeur du centre de recherche de l’Institut Curie, Daniel Louvard, peut savourer l’événement : si les laboratoires de la rue Lhomond (Paris 5e) ont fêté leurs dix ans (lire ci-dessous), c’est grâce à sa perspicacité et aux soutiens de l’Institut Curie et du CNRS. L’affaire débute par un manifeste en faveur de la biologie cellulaire 1, signé par trois chercheurs du CNRS : Michel Bornens, Jean Paul Thiery et Daniel Louvard, alors professeur à l’Institut Pasteur. Penser la cellule en 1993 2 expose le rajeunissement de cette discipline, pourtant ignorée en France. Le gène règne alors en maître sur la biologie et sur les mannes publiques ; le credo politiquement correct saute du gène à l’organisme, ignorant la cellule pourtant incontournable pour comprendre notamment le cancer. Le trio plaide donc pour la création d’un grand pôle de biologie cellulaire, à l’instar des viviers scientifiques féconds de New York, Londres, Lausanne ou Heidelberg. Parmi les personnalités contactées, seul le président de l’Institut Curie, le Pr Constant Burg, réagit. L’Institut, fidèle à sa double vocation de recherches et de soins, ne se devait-il pas d’accueillir cet ambitieux projet ? C’est ainsi que forts d’un plan stratégique 3. La cellule cancéreuse ne respecte plus la programmation de sa mort naturelle, ou apoptose. De nombreuses recherches sont en cours. signalisation cellulaire. Quand ces gènes, mutés, provoquent une situation propice à l’apparition d’un cancer, ils sont dits oncogènes. L’équipe de Daniel Louvard 1 à l’Institut Curie a ainsi identifié chez la souris un oncogène dont la mutation initie la progression tumorale dans le côlon. Et, ces chercheurs ont récemment montré que, dans les replis intestinaux, un deuxième gène, Notch, est un interrupteur de la différenciation des cellules souches. « Allumé », il active leur prolifération ; « éteint », il les incite à se différencier. En collaboration avec Sylvie Robine, du même laboratoire, l’équipe du Hollandais Hans Clevers 2 est même parvenue à rendre aux cellules intestinales tumorales de souris leur état différencié 3. Cette prouesse laisse rêveur les gastro-entérologues, qui espèrent un jour pouvoir faire ■ ■ ■ M.-L. M. 1. Lire aussi « 10 ans de progrès pour la cellule », Le Journal de l’Institut Curie, juin 2005. 2. Manifeste publié dans la revue scientifique Médecine/Sciences. h Le 8 septembre 2005, François Goulard (à gauche sur la photo), ministre délégué à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, a visité les plates-formes d’imagerie de l’Institut à l’occasion des dix ans de son pôle de biologie cellulaire (lire p. 13). « La fertilisation croisée, une des marques de l’Institut Curie, est une formidable source d’efficacité », a-t-il rappelé, avant d’annoncer l’attribution pour la construction du pôle de biologie du développement d’une dotation de l’État de 10 millions d’euros. D. Hamot/Institut Curie 1. La cellule cancéreuse entretient des signaux de vie ou ignore les facteurs antiprolifération. Des traitements existent qui visent les étapes défectueuses (exemples : l’imatinib et le cetuximab, deux « antifacteurs de croissance » de la famille des anti-EGFR; l’herceptin, un inhibiteur anti-Her2 ; etc.). D’autres thérapies candidates font l’objet d’essais cliniques. leurs repères. Ces schémas expliquent cinq approches qui intéressent fortement les cancérologues pour renforcer les traitements existants. Mais d’autres pistes restent encore à explorer. Nathalie Boissière E. Lamoglia/Institut Curie À la suite d’agressions répétées, la cellule peut échapper aux « contrôles qualité », ce qui conduit à la formation d’une masse cellulaire désorganisée. Les cellules perdent alors progressivement leurs propriétés spécifiques et « La cellule saine marche à l’économie, constate Giuseppe Baldacci. Une lésion entrave la lecture et la réplication de son ADN en vue de sa division ? Elle se répare ou s’élimine. C’est la loi de “marche ou meurt”. » Pour les cellules de l’intestin, des poumons, de la peau… qui sont en première ligne et subissent des agressions fréquentes, l’évolution a ainsi jugé la mort et le renouvellement plus rentables que la réparation. Mais les cellules cancéreuses transgressent cette loi. Elles survivent malgré des lésions, et les transmettent. Certaines lésions-mutations engendrent une capacité de division rapide, une surdité aux réactions des cellules voisines comprimées, une insensibilité aux signaux de mort, un ravitaillement inhabituel, et enfin une aptitude à vagabonder en générant des métastases (lire Décryptage p. 10). C’est l’accumulation de ces dysfonctionnements qui mène au cancer. ■■■ LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE , 11 JIC64_8-14-M7SR2 25/10/05 15:10 Page 12 DOSSIER DOSSIER LE DÉFI DE LA BIOLOGIE LE DÉFI DE LA BIOLOGIE régresser les polypes cancéreux, à l’image des hématologues qui soignent déjà certaines leucémies grâce à l’acide rétinoïque. Plusieurs laboratoires, à l’Institut Curie notamment, parient sur la biologie du développement (étude de l’embryon), dont la cancérogenèse est le miroir inversé. « L’un de nos objectifs est de voir si les gènes actifs chez l’embryon ne seraient pas également responsables du développement des cellules cancéreuses », explique Jacques Samarut, du Laboratoire de biologie moléculaire de la cellule, à l’École normale supérieure de Lyon. On connaît déjà plusieurs oncogènes dont le dysfonctionnement interdit à la cellule de se différencier et l’induit à proliférer, « tel le gène erbA identifié chez le poulet, qui active des gènes de différenciation. Quand erbA est muté, les cellules progénitrices de cellules sanguines sont bloquées dans leur différenciation et donnent des cellules leucémiques. Reste à chercher si le même mécanisme est en jeu dans certains cancers et leucémies chez l’homme. » h Un acteur de la défense immunitaire h Un médicament anticancéreux Cette fois, le pilote-transporteur sera associé à une drogue anticancéreuse. Là encore, la drogue atteindra d’autant plus facilement les cellules tumorales que dans de multiples cancers (sein, ovaire, lymphome de Burkitt…), les cellules malades exhibent en grand nombre le récepteur que le pilote affectionne. La vie de la cellule sous haute surveillance D’autres dérèglements touchent l’horloge du cycle cellulaire. La cellule connaît au cours de sa vie deux phases essentielles : la synthèse, au cours de laquelle les chromosomes sont dupliqués, et la mitose, pendant laquelle la cellule se divise en deux cellules filles. La survenue de la moindre Agir sur la cellule, maîtriser ses fonctions, freiner sa division sont parmi les clés des traitements du cancer. h Un produit de diagnostic 1. Lire « Immunothérapie. Sur la piste des vaccins », dossier thématique de l’Institut Curie, juin 2005. LE JOURNAL DE 12 , L’INSTITUT CURIE Noak/Le bar Floréal/Institut Curie En entrant de préférence dans les cellules cancéreuses, toujours grâce au pilote de la toxine de Shiga, un produit de contraste permettra de les visualiser, et donc d’évaluer l’efficacité d’un traitement. ShigaMediX veut désormais montrer que l’imagination des chercheurs peut une fois encore déboucher sur des applications thérapeutiques innovantes. En espérant que les investisseurs seront à la hauteur de ces ambitions… M.-L. M. anomalie non réparée peut conduire à des cellules anormales, voire cancéreuses. Les rouages du passage à chacune de ces phases ont été identifiés, à la fin des années quatre-vingt, par trois chercheurs nobélisés en 2001. L’un des lauréats, Paul Nurse, membre du Conseil scientifique de l’Institut Curie et aujourd’hui président de la Rockefeller University (New York), montra que le contrôle moléculaire du déclenchement de chaque phase était universel : le même chez la levure et chez l’homme, validant une fois encore l’étude de la levure pour mieux comprendre la cellule humaine. C’est également sur une levure, celle du boulanger, que le Il faut trouver comment deuxième découvreur, Leland inciter les cellules tumorales Hartwel, a démontré que la phase de synthèse s’interrompt à faire marche arrière. sous l’effet d’irradiations perturbantes, introduisant le concept de checkpoint (point de contrôle). Ces arrêts sont la règle dans une cellule saine : quand un produit toxique (amiante, UV, etc.) endommage l’ADN, sa duplication s’arrête et des systèmes de réparation se mobilisent… Si une « équipe de secours » est débordée, elle prévient la suivante et, de proche en proche, de multiples voies de contrôle détectent, signalent et réparent. C’est l’œuvre des gènes suppresseurs de tumeur. Dans les cellules POUR EN SAVOIR PLUS cancéreuses, ces gènes sont inactifs ; ainsi, le gène • www.curie.fr P53 est muté dans plus de 50 % des cancers, Le détail des BRCA1 et BRCA2 dans 5 à 10 % des cancers du recherches menées sein et de l’ovaire, APC dans 80 % des cancers à l’Institut Curie du côlon… À la différence des oncogènes, la sur la cellule. mutation sur une seule copie du gène ne suffit • « D’où vient le cancer ? », dossier heureusement pas à déclencher un cancer, mais elle thématique de y prédispose. « Comme les gènes suppresseurs l’Institut Curie de tumeur contribuent à préserver l’intégrité du (en vente par génome, leurs mutations provoquent souvent des correspondance). problèmes d’instabilité génétique », résume Giu• www.cnrs.fr/cw/ seppe Baldacci. L’importance de ces gènes ne se dossiers/doscel/ manifeste qu’en cas de problème. ■■■ accueil2.htm Toutes les disciplines scientifiques sont mises à contribution pour mener ce combat contre la maladie : la biologie, la physique, la chimie, et désormais l’imagerie et l’informatique. h Le pilote emmènera à l’intérieur des cellules dendritiques, acteurs clés du système de défense, un antigène tumoral à l’endroit exact où il pourra déclencher une réaction immunitaire spécifique contre les cellules cancéreuses. C’est une voie d’immunothérapie ciblée très prometteuse 1. h ShigaMediX : sous ce nom mystérieux s’active la première entreprise dérivée de la recherche à l’Institut Curie. Sa naissance, en juillet 2005, démontre l’apport de la biologie cellulaire à la lutte contre le cancer. Le parcours du chercheur à l’origine de cette start-up, Ludger Johannes (Inserm) – en collaboration avec le Pr Éric Tartour à l’hôpital européen Georges-Pompidou –, est l’illustration du « modèle Curie » qui associe étroitement recherche et soins. Accueilli en 1996 à l’Institut Curie, le jeune post-doctorant allemand rejoint l’équipe de Bruno Goud « Mécanismes moléculaires du transport intracellulaire ». Dans ses bagages, une thématique de recherche dont l’importance est vite perçue par ses responsables qui lui permettent de monter sa propre équipe « Trafic et signalisation – lipides, toxines et vectorisation ». La thématique en question porte sur un transport cellulaire peu connu, le « transport rétrograde ». Ni recyclage ni destruction, cette troisième voie consiste à diriger, sous bonne escorte, une molécule vers l’endroit idoine. L’espion choisi pour explorer cette voie est une toxine de la bactérie Shiga connue pour agir à l’endroit où s’effectue la synthèse des protéines. Heureux choix. Car la toxine de Shiga est constituée de deux parties, l’une toxique, l’autre anodine, qui sert de pilote. Celle-ci, non seulement s’ancre à la surface des cellules sur son récepteur spécifique, mais de plus emmène la toxine à bon port. L’équipe de Ludger Johannes réussit à élucider comment le pilote s’y prend pour que la toxine atteigne les effecteurs de la synthèse protéique sans encombre. Leur idée originale est ensuite d’exploiter ce mécanisme au profit du patient. Le pilote est conservé, mais sa cargaison toxique habituelle est remplacée par un acteur de la défense, un médicament ou un produit de diagnostic : h De la recherche à l’innovation Noak/Le bar Floréal/Institut Curie ■■■ L’imagerie au service de la recherche Environ 40 % des publications des chercheurs de l’Institut font référence à une technique d’imagerie, preuve s’il en est de son intérêt. Depuis dix ans, l’Institut Curie accorde en effet une place majeure à l’imagerie du vivant et joue désormais un rôle moteur dans ce domaine. Les chercheurs y bénéficient d’un ensemble exceptionnel d’outils performants et complémentaires cofinancés par de nombreux partenaires institutionnels et associatifs. Sans compter les microscopes « classiques », nombreux sont les microscopes confocaux, électroniques, à épifluorescence, les vidéomicroscopes, les ordinateurs pour la déconvolution (calculs qui permettent de dépasser les limites de résolution de la microscopie). Placée sous la responsabilité de J.-B. Sibarita et J. Salamero, une plateforme d’imagerie cellulaire et tissulaire, de 190 m2 au total, est dédiée à l’acquisition des images, à leur traitement et à l’analyse des données. Le travail en commun de biologistes, de physiciens, d’informaticiens et de mathématiciens a permis d’aménager les outils d’imagerie pour les rendre plus performants encore. Ainsi, un logiciel de déconvolution désormais commercialisé a été mis au point par J.-B. Sibarita. Toujours à l’UMR 144, un laboratoire entier est consacré à la microscopie électronique, reine pour « voir » les petits organites cellulaires. Enfin, installé dans un laboratoire de l’Institut Curie à Orsay, un microscope ionique de pointe – le seul en France à être réservé à la recherche sur le cancer – intéresse vivement les pharmacologues, car il permet de suivre le devenir de molécules, un médicament anticancéreux par exemple… Cette expertise en imagerie fait de l’Institut Curie un centre de référence au niveau européen. POUR EN SAVOIR PLUS h Voyage au cœur de la cellule, exposition inédite d’images scientifiques réalisées par les chercheurs de l’unité 144 à l’Institut Curie. Sur les grilles de l’Institut (rues d’Ulm et Pierre-et-Marie-Curie, Paris 5e) jusqu’au 15 novembre 2005. LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE , 13 JIC64_8-14-M7SR2 25/10/05 15:10 Page 14 h Noak/Le bar Floréal/Institut Curie Les découvertes naissent souvent des échanges entre scientifiques. C’est pourquoi l’Institut Curie favorise les collaborations entre chercheurs de toutes disciplines. Découverts fortuitement, les premiers médicaments anticancéreux que sont l’ypérite (ou gaz moutarde) et le platine visaient l’ADN, puis sont arrivés les alcaloïdes de la pervenche (vinblastine, vincristine…) et les taxanes de l’if (docétaxel et le paclitaxel), visant, quant à eux, le squelette de la cellule. Ces derniers provoquent une répartition aberrante des chromosomes entre les deux cellules filles lors de la division, à tel point que même les cellules cancéreuses, pourtant libres de tout contrôle, n’y résistent pas. D’autres médicaments grippent les rouages du cycle cellulaire. ■■■ Épigénétique Les fluctuations dans la compaction de la chromatine et les modifications chimiques de ses protéines facilitent ou interdisent l’accès aux gènes. Ainsi, se superpose au code génétique, irréversible, un code épigénétique, réversible. GRÂCE À VOUS Couper les vivres aux tumeurs De nouvelles armes attaquent également la cellule cancéreuse par son métabolisme. Ainsi, à Nice, l’équipe de Jacques Pouyssegur1, directeur de recherches CNRS au centre régional de lutte contre le cancer Antoine-Lacassagne, étudie comment la cellule se défend et s’adapte quand elle est en manque d’oxygène et-ou de glucose. « Ce stress nutritionnel se présente aussi bien pour les cellules de l’embryon en développement que pour les cellules en croissance au sein d’une tumeur solide. » En général, la cellule n’en meurt pas car elle sécrète des facteurs de croissance qui attirent les capillaires sanguins. Cette nouvelle vascularisation (néoangiogenèse) est une cible récente de la lutte contre Plus de 14 millions d’euros en cinq ans 2,5 millions d’euros ont été nécessaires en 2004 pour équiper les laboratoires de recherche de l’Institut Curie, portant à 14,5 millions la somme investie en cinq ans. Les investissements que réalise chaque année l’Institut Curie sont très souvent le fruit de cofinancements. C’est en effet grâce au soutien conjugué des donateurs de l’Institut, des associations, de la Région Île-de-France et de l’État qu’il peut être doté des matériels les plus performants que nécessite une recherche de pointe. LE JOURNAL DE 14 , L’INSTITUT CURIE le cancer : sans ravitaillement, la cellule meurt asphyxiée. Un des relais visés par un éventuel traitement est une protéine, la lacthadérine, objet de travaux menés à l’Institut Curie 2. Une autre piste, également étudiée à Nice, est de conduire les cellules cancéreuses à une mort violente. Cette approche exploite le fait que la cellule confrontée à un stress nutritionnel puise dans ses propres réserves. Elle produit alors de l’acide lactique, substance que la cellule sait normalement éliminer. « En bloquant spécifiquement les facteurs régulateurs d’acidité, nous créons les conditions qui font “fondre” les tumeurs par nécrose », explique Jacques Pouyssegur. On pourrait multiplier les exemples de recherches en cours. À l’Institut Curie, les collaborations entre biologistes et physiciens ont permis de plonger dans l’intimité des différents moteurs, tubes et colles moléculaires de la cellule. Grâce à l’imagerie (encadré p. 13), on comprend comment bouge une cellule, quelle force lui est nécessaire pour se désolidariser de ses voisines ou de la matrice extracellulaire… Autant de points d’ancrage pour des actions thérapeutiques. On commence également à décrypter le code épigénétique. L’équipe de Geneviève Almouzni 3 a montré qu’un facteur de compaction de l’ADN est surabondant dans les cellules cancéreuses du sein, faisant de lui un marqueur tumoral potentiel pour détecter, voire traiter le plus fréquent des cancers féminins. L’apport des nanotechnologies, de la génomique et de la bioinformatique est inestimable. Les puces à ADN, laboratoires miniatures de la taille d’un ticket de métro, permettent ainsi de déterminer la signature génétique d’un cancer, le comportement spécifique de ses gènes. Le gigantesque projet européen MitoCheck prévoit d’étudier un à un l’effet de l’inactivation de chaque gène… L’espace encombré de la cellule peut être comparé à un réseau ferroviaire dense où rien n’est figé, où chaque gare s’adapte au trafic pour optimiser tous les aiguillages. Il faut certainement être chercheur pour s’embarquer dans l’interprétation d’un tel voyage… Marie-Laure Moinet 1. Lauréat en 1996 avec le Pr Daniel Louvard, Institut Curie, du prix Lounsbery, et membre de la Commission scientifique du centre de recherche de l’Institut Curie de 1995 à 1998. 2. Lire « Coup double contre les tumeurs et l’infarctus », Le Journal de l’Institut Curie, août 2005. 3. Équipe Dynamique nucléaire et Plasticité du génome, UMR 218 CNRS/Institut Curie. JIC64_15à19-M7SR2 25/10/05 15:12 Page 15 ENTRE NOUS INITIATIVES VOTRE FONDATION L’Institut Curie dispose de l’expertise, des structures et des ambitions nécessaires pour « prendre le cancer de vitesse ». La continuité de la recherche et des soins dans un même lieu, unique en son genre, stimule l’innovation, favorise les échanges et le travail commun des chercheurs, médecins et soignants pour accélérer la mise à disposition des nouveaux traitements aux patients. Notre volonté de progresser est encouragée par le soutien et la générosité de nos donateurs et testateurs. fin d’accroître ses ressources financières dédiées à la recherche et à une meilleure prise en charge des patients, l’Institut Curie avait fait connaître en 2004 son intention de faire appel à la générosité privée au travers d’actions de mécénat et de partenariat d’entreprises. Cette démarche a rencontré un excellent accueil. Elle a permis de renforcer les relations avec les jardineries Truffaut, créateur du jardin de jonquilles disposé sur le parvis du Panthéon lors de l’opération caritative un Jardin pour la Vie, une Jonquille pour Curie. De nouveaux partenaires ont par la suite rejoint l’Institut. Ainsi l’assureur Swiss Life s’est engagé à nos côtés et fera bénéficier ses assurés de conseils en matière de prévention et de A GÉNÉROSITÉ Simple, rapide et économique En faisant un don en ligne (paiement sécurisé par carte bancaire), vous recevrez le reçu fiscal, au choix, par courriel ou par voie postale. Avec Internet, vous êtes immédiatement assuré de l’enregistrement de votre don et vous permettez à l’Institut Curie de faire des économies conséquentes de frais de gestion. https://soutenir.curie.fr. dépistage. L’un des leaders mondiaux dans les métiers de l’énergie, Areva, participe au financement d’installations de traitement de cancer de l’enfant au centre de protonthérapie de l’Institut Curie. Quant à la société Simone Pérèle, très proche des femmes, elle contribue, à l’hôpital de l’Institut, à une meilleure prise en charge psychologique des femmes atteintes d’un cancer du sein. Pour respecter, en matière de mécénat comme dans toute activité, une éthique digne de l’esprit de ses fondateurs, l’Institut Curie s’est doté d’une commission consultative Éthique et partenariats. Cette instance s’assure que chacun de ces partenariats permet bien à l’Institut de poursuivre sa mission d’intérêt général h DES RÈGLES ET DES VALEURS EN MATIÈRE DE MÉCÉNAT Noak/Le bar Floréal/Institut Curie - Swiss Life ,ÉTHIQUE Truffaut, Swiss Life, Areva, Simone Pérèle, Caisse d’épargne Île-de-France Paris et plusieurs PME soutiennent l’Institut Curie. dans le respect de ses valeurs et en préservant son indépendance. Cet engagement commun du tissu économique et des particuliers permet à nos équipes de recherche et de soins de disposer de davantage de moyens pour favoriser les avancées thérapeutiques. ,FISCALITÉ 2005 MOINS D’IMPÔTS POUR VOUS, PLUS DE MOYENS POUR L’INSTITUT CURIE ous avez jusqu’au 31 décembre pour bénéficier d’une réduction d’impôts sur vos revenus perçus en 2005, en faisant un don au profit de l’Institut Curie. En effet, tout don permet de déduire des impôts 66 % du montant versé. Et si le montant total des dons faits en 2005 est supérieur à 20 % de votre revenu imposable, l’excédent peut être reporté sur les V cinq années suivantes. Afin de bénéficier de ces avantages, l’Institut Curie remet systématiquement à chacun de ses nombreux donateurs un reçu fiscal à joindre à la déclaration de revenus. Si la déclaration est faite sur Internet, ces justificatifs seront à présenter en cas de demande du centre des impôts. E. M. LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE , 15 JIC64_15à19-M7SR2 25/10/05 15:12 Page 16 ENTRE NOUS ENTRE NOUS INITIATIVES INITIATIVES ,TRANSPARENCE COMPTE D’EMPLOI DES RESSOURCES 2004 DE L’INSTITUT CURIE e compte d’emploi présente la totalité des ressources gérées par l’Institut Curie, celles issues de la générosité publique en représentant 12 % en 2004. Les emplois recouvrent les dépenses de personnel, de fonctionnement et d’investissement. Les ressources correspondantes intègrent en conséquence les subventions d’investissement. Il n’est pas tenu compte des amortissements ni des provisions. Par ailleurs, l’Institut Curie a des conventions de collaboration avec des organismes publics de recherche (CNRS, Inserm et universités). Les activités de recherche de l’Institut Curie bénéficient ainsi d’un apport annuel complémentaire de l’ordre de 20 millions d’euros, géré par ces organismes et couvrant des frais de personnel et de fonctionnement des laboratoires. L JOURNAL DE 16 , LE L’INSTITUT CURIE 2004 RESSOURCES en millions d’euros 2003 en % en millions d’euros 2004 EMPLOIS Missions sociales : Assurance maladie et autres ressources hospitalières (1) 96,573 68,3 88,600 Subventions publiques (2) 6,120 4,3 6,248 • transférer : de la recherche aux soins Contrats et conventions de recherche (3) 6,798 4,8 6,386 • soigner : activités hospitalières 17,448 12,3 13,444 • dons (4) 8,397 5,9 5,520 • legs 9,051 6,4 7,923 Produits financiers nets 3,159 2,2 -0,052 Autres ressources (5) 4,091 2,9 4,068 Report de ressources affectées non utilisées les années antérieures (6) 7,174 5,1 5,249 DÉFICIT APRÈS FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS EXCEPTIONNELS (10) Ressources issues de la générosité publique (lire encadré ci-contre) : TOTAL DES RESSOURCES ANNEXE 1 NOTE SUR LE COMPTE D’EMPLOI ANNUEL DES RESSOURCES 1. NOTES SUR LES RESSOURCES Note 1 : Assurance maladie et ressources hospitalières L’hôpital a le statut d’établissement de santé privé participant au service public hospitalier ; il est à ce titre financé majoritairement par le budget Assurance maladie de la Sécurité sociale. Note 2 : subventions publiques L’Institut Curie reçoit des subventions des ministères en charge de la Recherche et de l’Enseignement supérieur. Il a également reçu en 2004 des fonds sur appel d’offres dans le cadre du Plan cancer. Note 3 : contrats et conventions de recherche Ce sont les ressources issues de contrats conclus avec des industriels ou reçues des organismes nationaux, internationaux et des associations caritatives. Note 4 : dons Parmi les dons reçus, 0,3 M€ (soit moins de 4 %) étaient affectés à une action précisée par le donateur. 141,363 100,0 123,943 Note 5 : autres ressources Ce sont des recettes d’activités annexes (repas servis au personnel et aux accompagnants des malades, abonnements au Journal de l’Institut Curie, mise à disposition de salles de conférence, loyers…) et des remboursements de frais (prestations facturées, indemnités journalières…). Note 6 : report de ressources affectées non utilisées En application de la réglementation comptable, ce poste présente la part de ressources affectées obtenue les années antérieures et utilisée en 2004. 2. NOTES SUR LES EMPLOIS Note 7 : frais de fonctionnement Ils comprennent les dépenses supportées par les services institutionnels au bénéfice de l’ensemble des activités, notamment en matière de communication, administration, gestion financière et valorisation des savoir-faire en recherche et en médecine. En 2004 sont également compris les coûts de gestion et d’animation du cancéropôle Ile-de-France, temporairement hébergés à l’Institut Curie, et couverts par une subvention du ministère de la Santé. Note 8 : frais de collecte Les coûts directs d’appel à la générosité publique ont représenté 13 % des dons et legs collectés en 2004. M€ : millions d’euros • découvrir : activités de recherche 2003 en millions d’euros en % en millions d’euros 125,971 89,6 114,439 21,607 15,4 19,074 4,814 3,4 3,473 99,551 70,8 91,892 Frais de fonctionnement (7) 4,258 3,0 3,955 Frais de collecte (8) 2,354 1,7 2,443 Emplois réservés aux engagements à réaliser (9) 8,034 5,7 7,706 TOTAL DES EMPLOIS 140,618 100,00 128,542 EXCÉDENT/DÉFICIT DES ACTIVITÉS COURANTES (10) 0,745 -4,599 INVESTISSEMENTS EXCEPTIONNELS 2,415 6,279 -1,670 -10,878 Note 9 : emplois réservés aux engagements à réaliser En application de la réglementation comptable, ce poste indique le montant des engagements à réaliser correspondant aux ressources affectées reçues en 2004 et qui seront utilisées ultérieurement. Note 10 : solde des emplois et des ressources Grâce à la forte progression des dons et legs (+ 30 %), les activités courantes ressortent en léger excédent (0,7 M€). Les investissements exceptionnels se sont élevés à 2,4 M€ et n’ont reçu aucun financement autre que les ressources propres de l’Institut, si bien que le déficit après investissement s’élève à 1,7 M€. ANNEXE 2 – RESSOURCES EN NATURE ET STOCKS DE PRODUITS À DISTRIBUER L’Institut Curie ne dispose pas de ressources en nature, ni de stocks de produits à distribuer. ANNEXE 3 – ÉTAT DES EFFECTIFS L’Institut Curie fait appel à des personnels bénévoles à l’occasion de deux opérations annuelles de collecte de fonds. L’effectif salarié au 31 décembre 2004 est de 1343 personnes. En incluant les personnels rémunérés par les organismes de recherche d’une part, les étudiants et post-doctorants, d’autre part, l’effectif total est de 1911 personnes. M€ : millions d’euros ANNEXE 4 – INFORMATIONS SUR LA VALEUR DES IMMOBILISATIONS ET DES TITRES DE PLACEMENT Les immobilisations représentent une valeur nette comptable de 105,7 M€ au 31 décembre 2004. Toutes sont affectées aux missions sociales de l’Institut Curie. Les titres de placement ont une valeur nette comptable de 113,5 M€ à la même date, incluant 11,8 M€ correspondant à un emprunt reçu fin décembre et destiné à financer le plan d’investissements 2004-2007 de l’hôpital. Les revenus de ces placements contribuent à financer le fonctionnement et les missions de l’Institut Curie, conformément à son statut de Fondation. GRÂCE À VOUS Des moyens supplémentaires pour vaincre les cancers Les dons et legs perçus en 2004 par l’Institut Curie se sont élevés à 17,4 millions d’euros, en croissance de 15 % par rapport à 2003 (hors don exceptionnel de 2 millions d’euros). Cet élan de générosité témoigne de la prise de conscience croissante face à cette maladie dans la société française. Elle souligne également la confiance des donateurs qui, à travers leur générosité, renforcent le modèle Curie associant un centre de recherche et un hôpital. Conscient de la vigilance des donateurs sur la bonne utilisation des fonds collectés, l’Institut Curie s’attache à contrôler strictement les frais de collecte. Ceux-ci ont été réduits de 4 % entre 2003 et 2004. Comme chaque année, les comptes annuels 2004 de l’Institut Curie1 ont été approuvés par le conseil d’administration et certifiés par les commissaires aux comptes. 1. en ligne sur www.curie.fr/comptes-annuels 15,7 M€ DE DONS ET DE LEGS CONSACRÉS AUX MISSIONS SOCIALES 10 8 6 4 2 0 Pr Claude Huriet, président Jacques Thierry, trésorier Ce document a fait l’objet d’une attestation des commissaires aux comptes. Pour découvrir 10 M€ versés pour les activités de recherche Pour transférer 4,2 M€ versés pour les activités d’applications des découvertes en soins Pour soigner 1,5 M€ versés pour les activités hospitalières h La volonté de l’Institut de faire bénéficier rapidement les patients des avancées de la recherche, quel que soit leur lieu de prise en charge, se traduit concrètement par un financement de 4,2 M€. À cette hauteur, cette démarche reste unique en France. LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE , 17 JIC64_15à19-M7SR2 25/10/05 15:12 Page 18 ENTRE NOUS ENTRE NOUS INITIATIVES RÉTROSPECTIVE L’association Les bagouz’ à Manon et la Donation Lou Salomé ont offert 10 000 euros au profit de la recherche sur le neuroblastome à l’Institut Curie. Anne Herbert, de l’association, raconte. À VOS AGENDAS • 17 novembre L’association Phares, qui aide de jeunes artistes de talent, apporte de nouveau son soutien à l’Institut Curie. L’intégralité de la recette du récital donné à l’Institut Curie par Nada Loutfi sera reversée à l’Institut Curie. La pianiste de renommée internationale interprétera des œuvres de Padre Soler, Chopin, Debussy, Liszt. h Institut Curie, 12 rue Lhomond, Paris 5e LE JOURNAL DE 18 , L’INSTITUT CURIE Propos recueillis par E. M. Tarif unique : 20 euros Renseignements : 01 44 32 43 86 et www.curie.fr • Les 25, 30 novembre et 1er décembre Trois concerts « Mozart » de Piacer’Canto, chœur, solistes et orchestre dirigés par Henri Didot, se dérouleront le 25 novembre à l’église de la Sainte-Trinité (Paris 9e), le 30 novembre et 1er décembre à l’église Saint-Honoré d’Eylau (Paris 16e). Une partie de la 1. Pour se procurer les bijoux en perles de cristal des Bagouz’ à Manon : www.lesbagouzamanon.medicalistes.org ou 06 08 01 00 90. 2. Babeth Becker, la maman de Lou Salomé et présidente de la Donation Lou Salomé, retrace le difficile parcours de sa fille dans Lou Salomé, notre Merveille, 26 mai 1995 - 8 juillet 1999. Éditions du Losange, 2005 (364 p., 20 euros), en ligne sur www.donationlousalome.org recette sera reversée à l’Institut par l’association Hubert-Gouin pour contribuer à la recherche sur le neuroblastome, un cancer qui atteint les jeunes enfants. h Réservation par courrier (tarif normal: 20 euros, étudiants: 12 euros) auprès de B. de Sauveboeuf, 19 rue Maurice-Pelletier, 92270 BoisColombes; chèque à l’ordre de l’association Hubert-Gouin, joindre une enveloppe timbrée avec vos coordonnées pour l’envoi des places. En 1935, le prix Nobel de chimie est remis aux deux physiciens Irène et Frédéric Joliot-Curie, pour une découverte qui va révolutionner la biologie et la médecine : la radioactivité artificielle. F Y. Benzougar/Institut Curie Les bagouz’ à Manon h cher à l’Institut Curie. Malgré le manque et la douleur de tout parent “désenfanté”, il faut garder “la pêche” et le sourire. Le départ de nos enfants ne doit pas rester vain. C’est pourquoi, nous avons lancé le défi de mettre au pied du sapin de Noël du Dr Delattre un second chèque de 10 000 euros ! » ans le cadre du centenaire du Rotary et sous l’impulsion de Gérard Isidor du Club Rotary de Suresnes (92), des actions de générosité sont organisées depuis plusieurs mois au profit de l’Institut Curie. Les quelque 6 000 euros déjà recueillis grâce aux ventes de ballotins de chocolat et à la collecte lors du Grand Prix du Rotary, le 26 juin dernier à l’hippodrome de Saint-Cloud, vont financer l’achat de pompes antidouleur pour les enfants hospitalisés. D «M Cinq mamans représentant l’association Les bagouz’ à Manon sont fières de remettre 10 000 euros pour la recherche sur le neuroblastome. La vente de bijoux continue, avis aux amateurs1 ! IRÈNE ET FRÉDÉRIC JOLIOT-CURIE, LAURÉATS DU PRIX NOBEL POUR QU’ILS NE SOUFFRENT PLUS ille aînée du célèbre couple Curie, Irène rencontre Frédéric Joliot à l’Institut du radium en 1925, dans le laboratoire dirigé par sa mère. Ils se marient l’année suivante et entament une collaboration scientifique féconde. « Nous avons compris que nous pourrions difficilement nous passer l’un de l’autre. Nous avions des caractères différents, mais qui se complétaient. Les bonnes associations, pour le travail comme pour la vie, ne sont pas celles de caractères identiques, mais complémentaires »1, écrira plus tard Frédéric Joliot. En 1934, bombardant des atomes stables avec des particules, les Joliot-Curie provoquent artificiellement une transformation nucléaire et parviennent à produire de nouveaux éléments radioactifs. Ils réalisent ainsi le rêve de transmutation des À VOS AGENDAS Vente sur place: 25 euros Renseignements: www.curie.fr • Vendredi 2, samedi 3 et dimanche 4 décembre 4e exposition-vente au profit de l’Institut Curie organisée par le service des retraités du Centre communal d’action sociale de Charenton-le-Pont (94). Une idée originale et généreuse pour vos cadeaux de fin d’année. h Renseignements : 01 45 18 36 32 et www.curie.fr • 9 novembre Conférence-démonstration inédite des Mercredis du Musée Curie utilisant des instruments d’époque, restaurés pour l’occasion. h Renseignements : 01 42 34 67 49 et www.curie.fr • 13 décembre Dans le cadre de l’Année mondiale de la physique, l’opération 36 Candela organise, avec la participation de chercheurs de l’Institut Curie, des conférences grand public dont une sur Marie Curie, à la Mairie du 16e arrondissement de Paris. h http://36.candela.free.fr « C’est un grand honneur et une grande joie pour nous de voir l’Académie des sciences de Suède nous attribuer le prix Nobel pour nos travaux sur la synthèse des radioéléments, après l’avoir décerné à Pierre et Marie Curie en 1903, à Marie Curie en 1911, pour la découverte des radioéléments. » C’est par ces mots qu’Irène Joliot-Curie commence sa conférence Nobel le 12 décembre 1935 à Stockholm (Suède). Tandis que l’avant-veille, Frédéric Joliot-Curie, lors d’un petit discours pendant le banquet, remerciait ainsi l’assemblée : « Nous retournerons bientôt en France reprendre nos travaux avec ardeur et nous serons soutenus dans cette tâche par le souvenir émouvant des belles journées que nous passons parmi vous. »* * www.nobelprize.org ACJC MAMAN-ENGAGEMENT a fille est décédée le 8 juillet 2002 d’un neuroblastome, une des tumeurs solides les plus fréquentes de l’enfant. Manon n’avait pas huit ans. Elle adorait les perles et voulait monter un stand de bagues devant la bijouterie de ses grandsparents. Nous ne l’avons jamais fait… Retrouvant ses perles, je me suis souvenue de son rêve… En janvier dernier, nous avons fondé l’association Les bagouz’ à Manon1. Avec sept mamans d’enfants dont certains ont dû se battre contre cette maladie, nous avons vendu pour 7 000 euros de bijoux en quelques mois. Soutenant ce projet, la Donation Lou Salomé2 – en souvenir d’une petite fille traitée à l’Institut Curie également pour un neuroblastome – a complété la somme. Et le 10 juin 2005, nous avons remis 10000 euros au profit de recherches sur ce cancer menées par les Drs Delattre et Schleierma- , IL Y A 70 ANS ,HAUTS-DE-SEINE h ,TÉMOIGNAGE Le roi de Suède, Gustave V, félicite le couple Joliot-Curie. alchimistes du Moyen Âge et ouvrent de nouvelles perspectives dans l’exploration de la matière et l’utilisation des atomes. Car, bien que le mode de production de ces radioéléments soit artificiel, leur radioactivité est tout aussi réelle et efficace que celle de radioéléments naturels comme l’uranium ou le radium découverts par les Curie. Les radioéléments artificiels ont l’avantage d’avoir une durée de vie moins longue et d’être moins coûteux que leurs équivalents naturels, leur utilisation en est d’autant facilitée. Les conférences Nobel des Joliot-Curie2 en 1935 marquent à la fois la continuité de l’œuvre de Pierre et de Marie Curie et une anticipation brillante des applications encore possibles de la radioactivité artificielle. Cette découverte trouve rapidement de nombreuses applications, notamment dans la recherche biologique et la médecine nucléaire. Les progrès rapides effectués en quelques années permettent de produire spécifiquement les radioéléments souhaités, en contrôlant à la fois leur durée de vie dans les tissus vivants et le type de rayonnement qu’ils émettent. Les grandes avancées de la biologie et de la connaissance du vivant, l’exploration fonctionnelle et clinique, l’imagerie médicale, les utilisations thérapeutiques des rayonnements, l’analyse biochimique… sont quelques exemples du bénéfice considérable retiré de la découverte de la radioactivité artificielle. Renaud Huynh Musée Curie, Institut Curie 1. Frédéric Joliot-Curie. Michel Rouzé, 1957. 2. Conférences consultables sur www.curie.fr/musee LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE , 19