Le Journal de l`Institut Curie - n°64

Transcription

Le Journal de l`Institut Curie - n°64
JIC64_1COUV-M7SR2
25/10/05
15:04
Page 1
LE JOURNAL
DE
L’INSTITUT CURIE
COMPRENDRE POUR AGIR CONTRE LE CANCER
ENTRE NOUS
Les comptes 2004
FICHE PRATIQUE
Chimiothérapie
et cancer du sein
DOSSIER
Comprendre la cellule
cancéreuse pour la maîtriser
# 64 - NOVEMBRE 2005 - 1,25 € - ISSN 1145-9131
JIC64_2-3-M7SR2 25/10/05 15:07 Page 2
ACTUALITÉS
INSTITUT CURIE
ÉDITORIAL
h ACTUALITÉS
Institut Curie
Investir dans l’Institut Curie
p. 3
A. Lescure/Institut Curie
« Plus qu’un don… Un investissement »
p. 5
Imagerie : un TEP-scan
à l’Institut Curie
Actualités générales
p. 6
Prévention :
du poisson, s’il vous plaît
FICHE PRATIQUE
h
Chimiothérapie et cancer du sein
p. 7
h DOSSIER
p. 8
Noak/Le bar Floréal/IC
COMPRENDRE
LA CELLULE
CANCÉREUSE
POUR LA
MAÎTRISER
Décryptage
p. 10
Des stratégies pour
vaincre le cancer
De la recherche à l’innovation
p. 12
h ENTRE NOUS
Initiatives
p. 15
p. 19
Amélie Mauresmo, marraine de l’Institut Curie
C. Pereira/Institut Curie
Irène et Frédéric Joliot-Curie,
lauréats du prix Nobel
Depuis plusieurs années, à l’occasion du week-end
contre le cancer, l’Institut Curie vous propose de visiter
son hôpital et son centre de recherche et d’assister
à des conférences. Au-delà de l’intérêt médical
et scientifique de ces journées, une telle ouverture
permet à chacun de constater in situ la bonne utilisation
des fonds issus de la générosité publique. Parallèlement,
certains d’entre vous marquent leur solidarité
Pr Claude Huriet,
en participant à la manifestation Courir pour la Vie,
président
Courir pour Curie que ce soit à pied, à vélo ou même
de l’Institut Curie
en rollers à Paris et en province1.
Ces 8 et 9 octobre dernier, à Paris, aux côtés de nos partenaires2, vous avez
été plusieurs milliers de participants à faire de ce week-end de solidarité contre
le cancer une réussite. Au nom de tous les chercheurs et personnels soignants,
je vous en remercie vivement.
Lors d’une récente enquête, vous avez indiqué que vous souhaitiez voir l’Institut
Curie s’exprimer davantage sur les questions liées aux cancers. Dès ce mois de
novembre, une nouvelle campagne d’appel aux dons sera diffusée à la radio et
dans la presse écrite (lire p. 3). Son thème en sera « l’investissement » : s’investir
moralement aux côtés de ceux qui traversent l’épreuve de la maladie, investir
financièrement pour soutenir le progrès médical. « Investissement » sous-entend
aussi que l’on attend en retour des avancées, mais il faut rester conscient
que ce retour peut ne pas être aussi rapide que nous le souhaiterions tous…
Une preuve récente parmi d’autres que notre investissement porte ses fruits :
pour la seconde fois consécutive, l’Institut Curie figure au palmarès
des hôpitaux du magazine Le Point3. Ces résultats très honorables soulignent
l’engagement de l’Institut Curie en faveur d’une prise en charge sans cesse
améliorée des malades atteints de cancer. Pour continuer de convertir les espoirs
en résultats, nous devons pouvoir compter sur « l’investissement de tous ».
1. En province, de nombreuses dates encore à venir. Renseignements : ww.courirpourcurie.org
2. Nos partenaires leaders sont l’association Courir pour la Vie, Courir pour Curie,
Swiss Life, Caisse d’Épargne Ile-de-France Paris, Truffaut et Décotop.
3. Le Point. 25 août 2005.
Éthique : des règles et
des valeurs en matière de mécénat
Compte d’emploi des
p. 16
ressources 2004 de l’Institut Curie
Rétrospective
,DANS VOS JOURNAUX
Depuis 2004, la championne de tennis apporte bénévolement
son soutien aux chercheurs, aux soignants de l’Institut Curie
et plus encore aux malades du cancer. Marraine de l’Institut,
elle « espère pouvoir leur donner du courage et un peu de bonheur.
Il faut toujours aller de l’avant, se battre. Parfois, on est moins
motivé et, à d’autres moments, on reprend confiance en soi ».
LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE COMPRENDRE POUR AGIR CONTRE LE CANCER EST ÉDITÉ PAR L’INSTITUT CURIE - 26 RUE D’ULM, 75248 PARIS CEDEX 05 - FAX: 01 43 25 17 56 - JOURNAL.
[email protected] - WWW.CURIE.FR - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION: PR CLAUDE HURIET - RÉDACTRICE EN CHEF: NATHALIE BOISSIÈRE - RÉDACTION: CÉLINE GIUSTRANTI, SARAH MELHENAS,
ESTELLE MERCERON - ICONOGRAPHIE: CÉCILE CHARRÉ ET YASMINE BENZOUGAR (01 44 32 40 51) - DONS ET ABONNEMENTS: YOVAN VUJOSEVIC (01 44 32 40 80) - ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO:
L’UMR144 ET GIUSEPPE BALDACCI, DR MYRIAM BENAMOR, PR PIERRE BEY, MICHEL BORNENS, DR FRANÇOIS CAMPANA, CORINNE CUMIN, DR VÉRONIQUE DIERAS, DR MARC ESTEVE, BRUNO
GOUD, PR CLAUDE HURIET, LUDGER JOHANNES, ALEXANDRE LESCURE, PR DANIEL LOUVARD, ALESANDRO MAZAL, DR SYLVIA NEUENSCHWANDER, CHRISTELLE QUESNAY, RENAUD HUYNH,
SIMON SCHEURING, DR BRIGITTE SIGAL-ZAFRANI DE L’INSTITUT CURIE - LE SOMMAIRE, LES TITRES, CHAPÔS, INTERTITRES, ILLUSTRATIONS ET LÉGENDES SONT DE LA RESPONSABILITÉ DE
LA RÉDACTION EN CHEF ET N’ENGAGENT PAS LES AUTEURS - PHOTO DE COUVERTURE : NOAK/LE BAR FLORÉAL/INSTITUT CURIE - ABONNEMENT POUR 4 NUMÉROS/AN : 5 € - CRÉATION ET
RÉALISATION : CITIZEN PRESS (01 53 00 10 00) - FABRICATION : TC GRAPHITE (PARIS) - IMPRESSION : LA GALIOTTE PRENANT - 70/82, RUE AUBER, 94400 VITRY-SUR-SEINE - NUMÉRO DE
COMMISSION PARITAIRE : 0907H82469 - DÉPÔT LÉGAL DU N° 64 : NOVEMBRE 2005 - CE NUMÉRO A ÉTÉ IMPRIMÉ À 270 000 EXEMPLAIRES.
02,
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
« Plus qu’un don... un investissement »
P
our la seconde année
consécutive, l’Institut Curie
lance une campagne
d’appel aux dons invitant les
Français à donner en faveur de
la lutte contre le cancer. Depuis
le début du mois de novembre,
cette campagne s’appuie sur une
quinzaine de journaux et
magazines, ainsi que sur deux
radios. Nombreux sont les médias
à avoir proposé des espaces
publicitaires à coûts réduits, voire
entièrement gratuits. Merci à eux
d’être à nos côtés.
En cohérence avec ses valeurs,
l’Institut a choisi un ton
responsable, sans promesses
démesurées et assorti d’un
message sincère et direct:
«Chaque euro investi compte
double». Gardant pour objectif
de prendre le cancer de vitesse,
cette campagne 2005 explique
que le don constitue un véritable
«investissement». Selon une
enquête réalisée en début
d’année, les donateurs comparent
souvent leurs dons à la recherche
médicale à des investissements à moyen
terme. Aujourd’hui, chacun sait
qu’il faut du temps pour que la recherche
fondamentale débouche sur des avancées
médicales. Néanmoins, qui fait
un «investissement» attend un retour
sur investissement. Les avancées
dont nous bénéficions aujourd’hui sont
le fruit d’efforts financés par le passé.
L’Institut Curie a mis en place une
organisation spécifique associant
chercheurs et soignants agissant
ensemble dans l’objectif unique de
progresser sensiblement dans la lutte
contre le cancer et avec la volonté d’offrir
h
SOMMAIRE
La campagne 2005 montre les deux faces d’un euro : côté
pile, investi au profit des programmes menés dans le centre
de recherche de l’Institut Curie, côté face, investi au profit
des innovations diagnostiques et thérapeutiques mises à la
disposition des patients atteints de cancer, où qu’ils soient.
GRÂCE
À EUX
un retour sur
investissement plus rapide
et plus tangible. En effet,
en réunissant dans une
même démarche,
l’ensemble de la chaîne
de progrès– recherche
fondamentale, recherche
appliquée, prise en charge
médicale et diffusion de
connaissances –, l’Institut
raccourcit les délais de
prise de décision et de
transmission, diminue
les frais de gestion
intermédiaire et optimise
le savoir-faire et l’efficacité
de ses équipes.
La campagne 2004 a
sensibilisé de nombreux
nouveaux donateurs et a
fortement contribué à
accroître les moyens dont
l’Institut dispose pour ses
actions. Nous espérons tous
que nombreux seront ceux
qui, suite à cette nouvelle
campagne, décideront
d’investir à nos côtés pour
prendre le cancer de vitesse.
Christophe Piednoël,
directeur de la communication,
Institut Curie
L’appel aux dons dans les médias
Nombreux sont les médias qui ont accepté de s’associer à l’appel
de l’Institut Curie. Leurs engagements concrétisés en tarifs préférentiels
ou offres gracieuses d’espaces ont permis de diminuer le coût de la campagne
de plus de 60 %, une économie conséquente qui réduit le coût total d’achats
d’espaces publicitaires à moins de 200 000 euros.
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
,03
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ACTUALITÉS
ACTUALITÉS
INSTITUT CURIE
S. Scheuring/Institut Curie
Science, 15 juillet 2005
Un TEP-scan
vont en bénéficier
de patients, venant de France et d’autres
pays européens, l’Institut Curie s’était
fixé une première priorité: augmenter
rapidement sa capacité de traitement par
cette technique. C’est désormais chose
faite! Le 9 novembre 2005 sera inauguré
un nouveau dispositif permettant
désormais de réorienter le faisceau de
protons d’une salle de traitement à une
autre en moins de deux minutes, contre
vingt auparavant. Grâce à ce gain de temps,
les radiothérapeutes traiteront 30% de
malades en plus, passant ainsi de 350 à
450 patients par an. Les coûts d’acquisition
et d’installation de cette amélioration
s’élèvent à 560000 euros. Ils ont été financés
à parts égales par la Ligue nationale
contre le cancer et le Comité de Paris
de la Ligue. D’ici 2008, d’autres projets
permettront d’étendre les indications
notamment chez l’enfant et, à terme,
d’accueillir 650 patients chaque année.
Technologie de pointe, la protonthérapie est
irremplaçable pour venir à bout de certaines tumeurs.
L
e Centre de protonthérapie de
l’Institut Curie (Orsay, Essonne)
est une référence mondiale en matière
de traitement de certaines tumeurs rares
de l’œil et de la base du crâne. En effet,
les protons ont l’avantage de permettre
d’irradier avec précision et fiabilité des
tumeurs localisées à proximité d’organes
sensibles comme le nerf optique
ou certaines parties du cerveau. Pour
en faire bénéficier un nombre croissant
Estelle Merceron
,INNOVATION
Des projets qui aboutissent
04,
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
industriel. L’innovation ne peut en effet
se concevoir sans l’établissement
de partenariats forts avec des industriels.
Pour encourager l’émergence de
tels progrès, l’Institut Curie va plus loin
puisqu’il incite chercheurs et médecins
ayant un projet novateur à créer leur
propre entreprise. Une entreprise,
consacrée au développement de nouvelles
stratégies d’immunothérapie pour
les maladies infectieuses et les cancers,
est ainsi née il y a quelques mois
(lire p. 12) et deux autres sont en cours
de création. Cette démarche dite de
valorisation, dont l’Institut Curie tirera
VERS UNE
RADIOTHÉRAPIE
SUR MESURE
à l’Institut Curie
L
’Institut Curie dispose
désormais d’un TEP
(tomographe à émission de
positons) couplé à un scanner
ou TEP-scan, faisant de
son plateau d’imagerie
un ensemble d’équipements
des plus performants.
La technologie innovante
du TEP-scan repose
sur l’association d’une
imagerie fonctionnelle et
métabolique à une imagerie
Le TEP-scan de l’Institut Curie, un des équipements d’imagerie
morphologique permettant
les plus performants aujourd’hui.
de visualiser précisément le
fonctionnement d’un organe.
de la Santé à travers le Plan hôpital 2007.
Particulièrement utile en cancérologie,
L’augmentation dans l’Hexagone du
le TEP-scan fait apparaître les cellules
nombre d’appareils de diagnostic est une
cancéreuses de manière distincte
mesure du Plan cancer lancé en 2004.
des tissus sains environnants. Il est
Son objectif d’ici 2007 est l’installation
ainsi possible aux médecins de localiser
de 60 TEP, avec au moins un par CHU
efficacement les foyers tumoraux, même
et centre de lutte contre le cancer.
de petite taille, afin d’établir un diagnostic,
En deux ans, 47 appareils ont déjà
mais aussi de mieux suivre l’évolution
été installés et quelques autres sont
de la maladie au cours des traitements.
annoncés, pour le plus grand bénéfice
Cette installation à l’Institut Curie
des patients suivis en cancérologie. E. M.
a bénéficié du soutien du ministère
,SUBVENTION
Noak/Le bar Floréal/Institut Curie
râce à son organisation originale et à
la complémentarité des compétences
qu’il rassemble, l’Institut Curie possède
des capacités uniques pour favoriser
l’émergence d’innovations en cancérologie.
Pour preuve, un nouveau traitement
contre la douleur, mis au point par le
Dr Marc Estève, anesthésiste, chef du
Département anesthésie, réanimation,
douleur de l’Institut Curie, sera bientôt
commercialisé. Il s’agit d’une association
de deux molécules, qui limite l’effet
de somnolence induit par l’antidouleur.
Pour assurer la diffusion de ce traitement,
l’Institut Curie s’est associé à un partenaire
+ 22% pour 2005-2008
L
h
G
CANCER DU SEIN
Dans les laboratoires de l’Institut Curie, un de ces
tubes contient peut-être un traitement pour demain...
des bénéfices, est indispensable pour
assurer la transformation rapide des
découvertes en applications médicales.
Céline Giustranti
e ministère de la
Recherche a confirmé
son soutien à la politique de
recherche de l’Institut Curie
en s’engageant à nouveau
pour quatre ans à ses côtés.
Le financement attribué
au centre de recherche
de l’Institut Curie s’élève
à plus de 960000 euros
par an, soit une hausse
de 22 % par rapport à
la période quadriennale
précédente. Lors de la
signature de ce contrat,
Élisabeth Giacobino,
directrice de la Recherche
au ministère, a souligné
« l’extrême qualité des
travaux menés à l’Institut et la
totale confiance du ministère
dans la capacité de l’Institut
Curie à faire progresser
la lutte contre le cancer ».
A. Lescure/Institut Curie
Grâce à la microscopie à force
atomique, une technique de pointe
d’imagerie, Simon Scheuring
(Inserm), de l’unité CNRS
Physicochimie «Curie» à l’Institut
Curie, a épié une membrane
cellulaire dans son intimité.
Il a ainsi montré que l’organisation
des membranes n’était pas fixe,
mais qu’elle variait en fonction
de leur environnement.
L’imagerie, en faisant plonger les
chercheurs au cœur de la cellule,
est désormais une approche
indispensable pour mieux
comprendre leur fonctionnement.
Plus de patients
EN BREF
h
LES MEMBRANES
SE DÉVOILENT
,IMAGERIE
Noak/Le bar Floréal/Institut Curie
DÉCOUVERTE
,PROTONTHÉRAPIE
h
EN BREF
INSTITUT CURIE
Aujourd’hui, l’un des enjeux
majeurs de la radiothérapie
est de cibler au mieux la zone
à traiter pour réduire les effets
indésirables sur les tissus
environnants. Le Dr François
Campana et des médecins
de l’Institut Curie viennent
pour cela de mettre au point
et de valider une nouvelle
technique permettant une
radiothérapie plus précise
pour les femmes ayant des
seins volumineux et/ou des
antécédents de maladies
cardiaques ou pulmonaires.
En traitant ces patientes dans
une position particulière
– sur le côté, leur sein
reposant sur un support en
carbone de 0,3 millimètre –,
ils réduisent au maximum
les risques d’irradiation du
cœur et des poumons1. Cette
technique vient compléter
l’arsenal très performant dont
dispose déjà l’Institut Curie.
Ces dernières années, la
radiothérapie a en effet connu
de nombreuses avancées
liées au développement de
l’imagerie, de l’informatique
et des équipements. La zone
d’irradiation est désormais
véritablement «sculptée»
en fonction de la forme
du volume à traiter,
préservant au maximum
les tissus sains avoisinants.
C. G.
1. Source : Int. J. Radiat. Oncol. Biol.
Phys., 1er avril 2005.
POUR EN SAVOIR PLUS
h
Lire « les Nouveaux Atouts de
la radiothérapie ». Dossier thématique
de l’Institut Curie (en vente par
correspondance et sur www.curie.fr).
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
,05
FICHE PRATIQUE
TRAITEMENT
Chimiothérapie
et cancer du sein
La chimiothérapie occupe une place importante dans le traitement du cancer du sein.
Il s’agit de traitements qui ont pour objectif de détruire les cellules tumorales dans
tout l’organisme que celles-ci soient effectivement présentes ou supposées l’être.
Il existe plusieurs médicaments, utilisés seuls ou en association.
h LE TRAITEMENT
La chimiothérapie consiste à administrer des substances chimiques
qui détruisent les cellules et particulièrement les cellules
cancéreuses. Elle peut être programmée avant et/ou après
la chirurgie. Avant la chirurgie, on parle de chimiothérapie
néo-adjuvante. Le traitement dure alors trois à quatre mois.
Après la chirurgie, on parle de chimiothérapie adjuvante.
Elle dure habituellement six mois et est destinée à diminuer
au maximum le risque de réapparition de la maladie.
La décision de traitement dépend de la taille, de la localisation
et des caractéristiques biologiques de la tumeur.
Si la maladie récidive, avec des métastases dans d’autres
organes que le sein, le traitement peut être une chimiothérapie.
Dans ce cas, sa durée n’est pas déterminée à l’avance, mais elle
est au minimum de six mois et peut aller jusqu’à un an, ou plus.
h LES MODALITÉS DE DÉLIVRANCE DU TRAITEMENT
Le traitement de chimiothérapie peut être délivré :
• En hospitalisation à l’hôpital de jour, pour une durée
d’une à quelques heures ;
• En hospitalisation classique d’un ou quelques jours ;
• À la maison, dans le cadre d’une hospitalisation à domicile.
Des effets indésirables ?
Les effets secondaires sont liés en partie
aux effets des médicaments anticancéreux sur
les cellules normales. Ils sont variables suivant le
protocole de chimiothérapie et sont transitoires.
Ils disparaîtront à l’arrêt de la chimiothérapie.
Il peut s’agir, par exemple, de :
• nausées, vomissements ;
• chute des cheveux ;
• inflammation, brûlures
de la bouche et de la gorge ; aphtes ;
• baisse des globules blancs,
globules rouges et plaquettes ;
• irrégularité, voire arrêt des règles,
chez les femmes non ménopausées ;
• sensation de sécheresse sur l’ensemble du corps;
Des traitements spécifiques destinés
à empêcher ou amoindrir ces effets
secondaires sont administrés en même temps
que la chimiothérapie (anti-nauséeux, etc.).
Photos : A. Lescure/Institut Curie
Dans la majeure partie des cas, la chimiothérapie est délivrée
par voie intraveineuse en perfusions. Certains médicaments de
chimiothérapie peuvent être donnés par voie orale (comprimés).
Une cure de chimiothérapie, dite « cycle », dure un ou plusieurs
jours ; la cure suivante a lieu deux à quatre semaines après.
h LA POSE D’UN CATHÉTER
Les médicaments de chimiothérapie sont souvent irritants pour
les veines périphériques et il est alors nécessaire de poser
un cathéter central pour perfuser. Il s’agit d’un tube fin, souple,
d’un matériau toléré par l’organisme. Il est introduit sous la peau
dans une veine profonde de l’organisme. La pose d’un cathéter
dure environ trente minutes, sous anesthésie locale.
E. M.
DR BRIGITTE SIGAL-ZAFRANI
RESPONSABLE DU PÔLE DE PILOTAGE
ET D’ÉVALUATION EN SÉNOLOGIE (MÉDECINE DU SEIN).
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
,07
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DOSSIER
COMPRENDRE LA CELLULE
LE DÉFI DE LA BIOLOGIE
h
250 MILLIONS
h
Noak/le Bar Floréal Institut Curie
de cellules environ,
sur les cent mille
milliards que compte
notre organisme, sont
en cours de division
à chaque instant.
Plus petite unité
du vivant, la cellule
recèle encore
des mystères
que les chercheurs
s’attellent à élucider
pour mieux lutter
contre le cancer.
Entrepris dans les années soixante-dix, le déchiffrage des signaux
guidant la destinée des cellules permet désormais d’envisager de nouvelles
stratégies anticancéreuses. En s’attaquant au développement ou à la survie
des cellules cancéreuses, ces traitements innovants rectifieront
les dommages cellulaires ou bloqueront très finement leurs conséquences.
Une nouvelle ère de « traitement de la cellule par la cellule » est amorcée.
F
ace au cancer, les médecins disposent
d’une palette de traitements qui relèvent
de deux approches : supprimer purement et simplement le maximum de la
tumeur en faisant appel aux scalpels
des chirurgiens ; détruire les cellules cancéreuses
grâce aux rayons des radiothérapeutes ou aux
drogues des chimiothérapeutes.
Une troisième approche, nourrie des recherches
fondamentales en biologie cellulaire, immunologie,
génétique et biophysique, fait naître aujourd’hui de
nouveaux espoirs en cancérologie. Elle consiste à
08,
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
mettre à profit les innombrables connaissances
acquises au fil des années sur le comportement et
le fonctionnement de la cellule saine ou – c’est sans
doute de là que viendront les progrès les plus
remarquables – de la cellule ayant déjà amorcé sa
transformation cancéreuse. Au début des années
quatre-vingt-dix dans les laboratoires étrangers,
et depuis précisément dix ans à l’Institut Curie, les
biologistes cellulaires ont retrouvé toute leur place
face aux défis lancés par la médecine aux sciences
du vivant. Leurs découvertes ont déjà participé au
perfectionnement de la radiothérapie et de la chi-
Cellules souches
Cellules
indifférenciées,
capables à la fois
de se renouveler
à l’identique et
d’acquérir des
propriétés spécifiques,
en fonction des
signaux de leur
environnement. Seules
les cellules souches
embryonnaires ont
des capacités
de prolifération et
de spécialisation
illimitées : on ne
les trouve que dans
un embryon de 4 ou
5 jours. Les cellules
souches adultes sont
capables d’engendrer
certains types de
cellules seulement.
Elles existent
dans tout tissu
et organe humain.
miothérapie et ne cessent de stimuler des avancées plus récentes comme l’immunothérapie.
Le cancer étant d’abord une maladie cellulaire, la
cellule s’avère être LE point d’ancrage prometteur des stratégies anti-cancéreuses de demain.
« La cellule apparaît comme un ensemble intégré
de phénomènes régulés dans l’espace et dans le
temps, explique Giuseppe Baldacci1, directeur
scientifique adjoint du centre de recherche à l’Institut Curie. Elle est comme un orchestre, et l’activité cellulaire une grande symphonie, où chaque
instrument compte. Le chercheur tend l’oreille
pour tenter de saisir les partitions de chacun… »
La tâche est ardue, car il n’existe ni première ni dernière note comme dans une symphonie. Un constant va-et-vient de signaux ajuste la contribution de
chacun pour que la cellule, in fine, accomplisse ses
missions : grossir, sécréter, absorber, protéger,
communiquer, se contracter, se diviser, mourir…
Chaque cellule tient un rôle différent selon la place
qu’elle occupe dans l’organisme. Et cette différenciation, quelle que soit l’espèce, démarre d’une
cellule unique, la cellule œuf, non encore spécialisée. « Omnis cellula e cellula » (toute cellule provient d’une cellule) énonçait le pathologiste allemand Rudolf Virchow, il y a cent cinquante ans déjà.
Un excès de signaux de vie est néfaste
« La cellule est en fait LA véritable invention de
l’évolution, rappelle Michel Bornens 2, directeur
de recherche à l’Institut Curie, et à y regarder de
près, sa complexité est supérieure à celle de l’organisme, ou plutôt soulève des difficultés de compréhension plus redoutables. » C’est ainsi que, peu à
peu, on a découvert que toute cellule est programmée pour… mourir (c’est l’apoptose ou suicide
cellulaire), sauf les cellules souches et les cellules
cancéreuses. En se spécialisant, la cellule a abandonné quelques rêves, dont celui de se diviser –
« Le rêve de toute cellule : devenir deux cellules »,
énonça le prix Nobel François Jacob. Il y a en fait
une progression régulière dans le destin cellulaire,
depuis les cellules souches, à division illimitée,
jusqu’aux cellules différenciées, sans division aucune. Entre les deux, les cellules « progénitrices »
se divisent quatre à dix fois. Car les extrémités
de leurs chromosomes (télomères), véritables
compteurs biologiques, veillent au destin cellulaire en se raccourcissant au fil des divisions.
Mais, dans une tumeur, les cellules progénitrices ne
cessent de se multiplier. Aux yeux des chercheurs,
TROIS QUESTIONS À…
Noak/Le bar Floréal/Institut Curie
CANCÉREUSE POUR LA MAÎTRISER
BRUNO GOUD, directeur
de l’Unité de recherche
144 CNRS-Institut Curie
« Compartimentation et
dynamique cellulaires »
Pourquoi la biologie
cellulaire a-t-elle
le vent en poupe?
Parce que la seule connaissance des gènes
ne permettra pas de comprendre le vivant. Une
kyrielle d’acteurs déterminent le comportement
de la cellule, sa forme, ses rapports avec le
voisinage. Le moindre mouvement, un contact,
une modification infime…, et se déclenche une
cascade d’événements. La biologie cellulaire,
réduite aux observations précises mais statiques,
était tombée en désuétude. Elle s’est aujourd’hui
approprié des outils puissants qui saisissent sur
le vif l’ordonnancement dynamique des cellules.
Quels espoirs apporte-t-elle aujourd’hui?
On peut maintenant détecter comment la cellule
réagit lorsqu’on modifie son environnement.
À terme, on espère comprendre le
fonctionnement des tumeurs humaines
qui ne sont en fait que le reflet du dérèglement
d’une société cellulaire. La découverte
des voies de signalisation entre cellules
permettra d’identifier de nouvelles
cibles pour une action thérapeutique.
Comment l’Institut Curie y contribue-t-il?
Comme notre unité de recherche, tout l’Institut
vit de l’équilibre entre ses compartiments,
une douzaine d’équipes, dont il favorise
le turn-over et l’autonomie, ainsi que
les échanges avec l’extérieur. La clef de
sa réussite repose sur cette diversité, et sur
l’interface que l’Institut Curie a su développer
très tôt entre la biologie cellulaire, la physique,
la génétique, l’immunologie, la bioinformatique,
l’imagerie, la recherche préclinique,
et bientôt, la biologie du développement.
Propos recueillis par M.-L. M.
elles ressemblent à des cellules souches d’embryon :
faciles à cultiver, réparant leurs télomères et se
divisant vite… bref, échappant à l’apoptose. Cependant, alors que les cellules souches créent des tissus
et des organes, celles-là sont incapables de se spécialiser et ont un développement anarchique. ■ ■ ■
1. Directeur de l’unité Génotoxicologie et Cycle cellulaire,
UMR 2027 CNRS-Institut Curie.
2. Responsable de l’équipe Biologie du cycle cellulaire
et de la Motilité, UMR 144 CNRS-Institut Curie.
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
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DOSSIER
DÉCRYPTAGE
LE DÉFI DE LA BIOLOGIE
LA CELLULE
Cinq stratégies pour vaincre le cancer
ADN
Présent au cœur
de chaque cellule,
sauf à de rares
exceptions,
l’ADN peut être
comparé à un ruban
moléculaire de plus
de 1 m de long, sur
lequel s’inscrivent
les informations
génétiques. Dans
l’espace réduit
qu’est le noyau, l’ADN
s’enroule autour
de protéines pour
former une structure
hautement organisée,
la chromatine.
Dès que le fonctionnement d’une cellule est altéré, une maladie peut survenir. Gros plan sur une
cellule devenue cancéreuse et que scientifiques et médecins tentent de remettre dans le droit chemin.
5. La cellule
cancéreuse est apte
à circuler et à
envahir
(métastaser)
des tissus voisins
ou lointains.
La chimiothérapie
adjuvante et l’herceptin
sont efficaces dans
un grand nombre de cas
pour prévenir l’apparition
de métastases. De nombreuses
autres recherches sont en cours.
10,
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
2. La cellule cancéreuse dispose
d’un potentiel incontrôlé de division.
Les chimiothérapies classiques
utilisent des médicaments bloquant
de façon non spécifique la
mécanique de la division
cellulaire. Ainsi, les alcaloïdes
(exemples : vinorelbine, vinblastine,
vincristine) et les taxanes
(exemples : docétaxel, paclitaxel)
ciblent les microtubules
indispensables à toute division.
Ces thérapies font l’objet d’essais
cliniques pour
étendre leurs
indications
actuelles.
L’équilibre très fragile entre les gènes
Dans le processus de cancérogenèse, les premiers
dérèglements touchent généralement les gènes de
GRÂCE
À VOUS
4. La cellule cancéreuse attire les vaisseaux
sanguins à son profit. Empêchant cette
vascularisation sanguine, une thérapie
dite anti-angiogénique (bevacizumab) vient
d’obtenir son autorisation de mise sur le marché,
dans le cancer du côlon métastatique. D’autres
anti-VEGF font l’objet d’essais cliniques.
1. Équipe Morphogénèse et Signalisation cellulaire,
UMR 144 CNRS-Institut Curie.
2. Institut néerlandais de biologie du développement,
Uppsalalaan (Hollande).
3. lire Le Journal de l’Institut Curie, août 2005.
Un choix visionnaire
visionnaire, six étages de laboratoires ultra-modernes prennent
forme derrière la façade de l’ancien hôpital, et que cinq équipes
seniors sont créées, ainsi que plusieurs équipes juniors.
Le coût total de cette transformation et de l’investissement
dans les laboratoires Constant-Burg se montait en 1995 à près
de 150 millions de francs (22,5 millions d’euros). Complétant le
financement par l’Institut, et notamment grâce à ses donateurs,
un peu plus d’un million d’euros fut remis par l’Arc, la FRM,
la Région Île-de-France, le CNRS et la Ligue contre le cancer.
Le directeur du centre de recherche de l’Institut Curie,
Daniel Louvard, peut savourer l’événement : si les
laboratoires de la rue Lhomond (Paris 5e) ont fêté leurs
dix ans (lire ci-dessous), c’est grâce à sa perspicacité et
aux soutiens de l’Institut Curie et du CNRS. L’affaire débute
par un manifeste en faveur de la biologie cellulaire 1, signé
par trois chercheurs du CNRS : Michel Bornens, Jean Paul
Thiery et Daniel Louvard, alors professeur à l’Institut Pasteur.
Penser la cellule en 1993 2 expose le rajeunissement de cette
discipline, pourtant ignorée en France. Le gène règne alors
en maître sur la biologie et sur les mannes publiques ; le credo
politiquement correct saute du gène à l’organisme, ignorant
la cellule pourtant incontournable pour comprendre notamment
le cancer. Le trio plaide donc pour la création d’un grand pôle
de biologie cellulaire, à l’instar des viviers scientifiques féconds
de New York, Londres, Lausanne ou Heidelberg. Parmi les
personnalités contactées, seul le président de l’Institut Curie,
le Pr Constant Burg, réagit. L’Institut, fidèle à sa double vocation
de recherches et de soins, ne se devait-il pas d’accueillir
cet ambitieux projet ? C’est ainsi que forts d’un plan stratégique
3. La cellule cancéreuse ne
respecte plus la programmation
de sa mort naturelle, ou
apoptose. De nombreuses
recherches sont en cours.
signalisation cellulaire. Quand ces gènes, mutés,
provoquent une situation propice à l’apparition
d’un cancer, ils sont dits oncogènes. L’équipe de
Daniel Louvard 1 à l’Institut Curie a ainsi identifié
chez la souris un oncogène dont la mutation initie
la progression tumorale dans le côlon. Et, ces
chercheurs ont récemment montré que, dans les
replis intestinaux, un deuxième gène, Notch, est un
interrupteur de la différenciation des cellules
souches. « Allumé », il active leur prolifération ;
« éteint », il les incite à se différencier.
En collaboration avec Sylvie Robine, du même
laboratoire, l’équipe du Hollandais Hans Clevers 2
est même parvenue à rendre aux cellules intestinales tumorales de souris leur état différencié 3.
Cette prouesse laisse rêveur les gastro-entérologues,
qui espèrent un jour pouvoir faire ■ ■ ■
M.-L. M.
1. Lire aussi « 10 ans de progrès pour la cellule »,
Le Journal de l’Institut Curie, juin 2005.
2. Manifeste publié dans la revue scientifique Médecine/Sciences.
h Le 8 septembre 2005, François Goulard (à gauche sur la photo),
ministre délégué à l’Enseignement supérieur et à la Recherche,
a visité les plates-formes d’imagerie de l’Institut à l’occasion
des dix ans de son pôle de biologie cellulaire (lire p. 13).
« La fertilisation croisée, une des marques de l’Institut Curie,
est une formidable source d’efficacité », a-t-il rappelé, avant
d’annoncer l’attribution pour la construction du pôle de biologie
du développement d’une dotation de l’État de 10 millions d’euros.
D. Hamot/Institut Curie
1. La cellule cancéreuse entretient
des signaux de vie ou ignore les facteurs
antiprolifération.
Des traitements existent
qui visent les étapes
défectueuses
(exemples :
l’imatinib et le
cetuximab,
deux « antifacteurs de
croissance »
de la famille
des anti-EGFR; l’herceptin,
un inhibiteur
anti-Her2 ;
etc.). D’autres
thérapies
candidates font
l’objet d’essais
cliniques.
leurs repères. Ces schémas expliquent cinq approches
qui intéressent fortement les cancérologues pour
renforcer les traitements existants. Mais d’autres pistes
restent encore à explorer.
Nathalie Boissière
E. Lamoglia/Institut Curie
À la suite d’agressions répétées, la cellule peut échapper
aux « contrôles qualité », ce qui conduit à la formation
d’une masse cellulaire désorganisée. Les cellules perdent
alors progressivement leurs propriétés spécifiques et
« La cellule saine marche à l’économie,
constate Giuseppe Baldacci. Une lésion entrave la
lecture et la réplication de son ADN en vue de sa
division ? Elle se répare ou s’élimine. C’est la loi
de “marche ou meurt”. » Pour les cellules de l’intestin, des poumons, de la peau… qui sont en première ligne et subissent des agressions fréquentes,
l’évolution a ainsi jugé la mort et le renouvellement
plus rentables que la réparation. Mais les cellules
cancéreuses transgressent cette loi. Elles survivent
malgré des lésions, et les transmettent. Certaines
lésions-mutations engendrent une capacité de division rapide, une surdité aux réactions des cellules
voisines comprimées, une insensibilité aux signaux
de mort, un ravitaillement inhabituel, et enfin une
aptitude à vagabonder en générant des métastases
(lire Décryptage p. 10). C’est l’accumulation de ces
dysfonctionnements qui mène au cancer.
■■■
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
, 11
JIC64_8-14-M7SR2 25/10/05 15:10 Page 12
DOSSIER
DOSSIER
LE DÉFI DE LA BIOLOGIE
LE DÉFI DE LA BIOLOGIE
régresser les polypes cancéreux, à l’image
des hématologues qui soignent déjà certaines
leucémies grâce à l’acide rétinoïque.
Plusieurs laboratoires, à l’Institut Curie notamment, parient sur la biologie du développement
(étude de l’embryon), dont la cancérogenèse est le
miroir inversé. « L’un de nos objectifs est de voir
si les gènes actifs chez l’embryon ne seraient pas
également responsables du développement des
cellules cancéreuses », explique Jacques Samarut,
du Laboratoire de biologie moléculaire de la
cellule, à l’École normale supérieure de Lyon.
On connaît déjà plusieurs oncogènes dont le
dysfonctionnement interdit à la cellule de se différencier et l’induit à proliférer, « tel le gène erbA
identifié chez le poulet, qui active des gènes de
différenciation. Quand erbA est muté, les cellules
progénitrices de cellules sanguines sont bloquées
dans leur différenciation et donnent des cellules
leucémiques. Reste à chercher si le même mécanisme est en jeu dans certains cancers et leucémies
chez l’homme. »
h Un acteur de la défense immunitaire
h Un médicament anticancéreux
Cette fois, le pilote-transporteur sera associé à une
drogue anticancéreuse. Là encore, la drogue atteindra
d’autant plus facilement les cellules tumorales que
dans de multiples cancers (sein, ovaire, lymphome
de Burkitt…), les cellules malades exhibent en grand
nombre le récepteur que le pilote affectionne.
La vie de la cellule sous haute surveillance
D’autres dérèglements touchent l’horloge du cycle
cellulaire. La cellule connaît au cours de sa vie
deux phases essentielles : la synthèse, au cours de
laquelle les chromosomes sont dupliqués, et la
mitose, pendant laquelle la cellule se divise en
deux cellules filles. La survenue de la moindre
Agir sur la cellule, maîtriser ses fonctions,
freiner sa division sont parmi les clés des traitements
du cancer.
h Un produit de diagnostic
1. Lire « Immunothérapie. Sur la piste des vaccins »,
dossier thématique de l’Institut Curie, juin 2005.
LE JOURNAL DE
12 , L’INSTITUT CURIE
Noak/Le bar Floréal/Institut Curie
En entrant de préférence dans les cellules cancéreuses,
toujours grâce au pilote de la toxine de Shiga,
un produit de contraste permettra de les visualiser,
et donc d’évaluer l’efficacité d’un traitement.
ShigaMediX veut désormais montrer que l’imagination
des chercheurs peut une fois encore déboucher
sur des applications thérapeutiques innovantes.
En espérant que les investisseurs seront à la hauteur
de ces ambitions…
M.-L. M.
anomalie non réparée peut conduire à des cellules
anormales, voire cancéreuses. Les rouages du passage à chacune de ces phases ont été identifiés, à
la fin des années quatre-vingt, par trois chercheurs
nobélisés en 2001. L’un des lauréats, Paul Nurse,
membre du Conseil scientifique de l’Institut
Curie et aujourd’hui président de la Rockefeller
University (New York), montra que le contrôle
moléculaire du déclenchement de chaque phase
était universel : le même chez la levure et chez
l’homme, validant une fois encore l’étude de la
levure pour mieux comprendre la cellule humaine.
C’est également sur une levure,
celle du boulanger, que le
Il faut trouver comment deuxième découvreur, Leland
inciter les cellules tumorales Hartwel, a démontré que la
phase de synthèse s’interrompt
à faire marche arrière. sous l’effet d’irradiations perturbantes, introduisant le concept de checkpoint (point de contrôle). Ces arrêts
sont la règle dans une cellule saine : quand un
produit toxique (amiante, UV, etc.) endommage
l’ADN, sa duplication s’arrête et des systèmes de
réparation se mobilisent… Si une « équipe de
secours » est débordée, elle prévient la suivante et,
de proche en proche, de multiples voies de contrôle
détectent, signalent et réparent. C’est l’œuvre des
gènes suppresseurs de tumeur. Dans les cellules
POUR EN SAVOIR PLUS
cancéreuses, ces gènes sont inactifs ; ainsi, le gène
• www.curie.fr
P53 est muté dans plus de 50 % des cancers,
Le détail des
BRCA1 et BRCA2 dans 5 à 10 % des cancers du
recherches menées
sein et de l’ovaire, APC dans 80 % des cancers
à l’Institut Curie
du côlon… À la différence des oncogènes, la
sur la cellule.
mutation sur une seule copie du gène ne suffit
• « D’où vient le
cancer ? », dossier
heureusement pas à déclencher un cancer, mais elle
thématique de
y prédispose. « Comme les gènes suppresseurs
l’Institut Curie
de tumeur contribuent à préserver l’intégrité du
(en vente par
génome, leurs mutations provoquent souvent des
correspondance).
problèmes d’instabilité génétique », résume Giu• www.cnrs.fr/cw/
seppe Baldacci. L’importance de ces gènes ne se
dossiers/doscel/
manifeste qu’en cas de problème.
■■■
accueil2.htm
Toutes les disciplines
scientifiques sont mises
à contribution pour
mener ce combat contre
la maladie : la biologie,
la physique, la chimie,
et désormais l’imagerie
et l’informatique.
h
Le pilote emmènera à l’intérieur des cellules dendritiques, acteurs clés
du système de défense, un antigène tumoral à l’endroit exact où il pourra
déclencher une réaction immunitaire spécifique contre les cellules
cancéreuses. C’est une voie d’immunothérapie ciblée très prometteuse 1.
h
ShigaMediX : sous ce nom mystérieux s’active la première entreprise
dérivée de la recherche à l’Institut Curie. Sa naissance, en juillet 2005,
démontre l’apport de la biologie cellulaire à la lutte contre le cancer.
Le parcours du chercheur à l’origine de cette start-up, Ludger Johannes
(Inserm) – en collaboration avec le Pr Éric Tartour à l’hôpital européen
Georges-Pompidou –, est l’illustration du « modèle Curie » qui associe
étroitement recherche et soins. Accueilli en 1996 à l’Institut Curie,
le jeune post-doctorant allemand rejoint l’équipe de Bruno Goud
« Mécanismes moléculaires du transport intracellulaire ». Dans ses
bagages, une thématique de recherche dont l’importance est vite perçue
par ses responsables qui lui permettent de monter sa propre équipe
« Trafic et signalisation – lipides, toxines et vectorisation ». La thématique
en question porte sur un transport cellulaire peu connu, le « transport
rétrograde ». Ni recyclage ni destruction, cette troisième voie consiste
à diriger, sous bonne escorte, une molécule vers l’endroit idoine. L’espion
choisi pour explorer cette voie est une toxine de la bactérie Shiga connue
pour agir à l’endroit où s’effectue la synthèse des protéines. Heureux
choix. Car la toxine de Shiga est constituée de deux parties, l’une toxique,
l’autre anodine, qui sert de pilote. Celle-ci, non seulement s’ancre à la
surface des cellules sur son récepteur spécifique, mais de plus emmène
la toxine à bon port. L’équipe de Ludger Johannes réussit à élucider
comment le pilote s’y prend pour que la toxine atteigne les effecteurs
de la synthèse protéique sans encombre. Leur idée originale est ensuite
d’exploiter ce mécanisme au profit du patient. Le pilote est conservé,
mais sa cargaison toxique habituelle est remplacée par un acteur de
la défense, un médicament ou un produit de diagnostic :
h
De la recherche à l’innovation
Noak/Le bar Floréal/Institut Curie
■■■
L’imagerie au service
de la recherche
Environ 40 % des publications des
chercheurs de l’Institut font référence
à une technique d’imagerie, preuve s’il en
est de son intérêt. Depuis dix ans, l’Institut
Curie accorde en effet une place majeure
à l’imagerie du vivant et joue désormais
un rôle moteur dans ce domaine. Les
chercheurs y bénéficient d’un ensemble
exceptionnel d’outils performants
et complémentaires cofinancés par
de nombreux partenaires institutionnels
et associatifs. Sans compter les microscopes
« classiques », nombreux sont les
microscopes confocaux, électroniques,
à épifluorescence, les vidéomicroscopes,
les ordinateurs pour la déconvolution
(calculs qui permettent de dépasser les
limites de résolution de la microscopie).
Placée sous la responsabilité de
J.-B. Sibarita et J. Salamero, une plateforme d’imagerie cellulaire et tissulaire,
de 190 m2 au total, est dédiée à l’acquisition
des images, à leur traitement et à l’analyse
des données. Le travail en commun
de biologistes, de physiciens,
d’informaticiens et de mathématiciens
a permis d’aménager les outils d’imagerie
pour les rendre plus performants encore.
Ainsi, un logiciel de déconvolution désormais
commercialisé a été mis au point par
J.-B. Sibarita. Toujours à l’UMR 144,
un laboratoire entier est consacré à
la microscopie électronique, reine pour
« voir » les petits organites cellulaires.
Enfin, installé dans un laboratoire
de l’Institut Curie à Orsay,
un microscope ionique de pointe – le seul
en France à être réservé à la recherche
sur le cancer – intéresse vivement les
pharmacologues, car il permet de suivre
le devenir de molécules, un médicament
anticancéreux par exemple… Cette expertise
en imagerie fait de l’Institut Curie un centre
de référence au niveau européen.
POUR EN SAVOIR PLUS
h
Voyage au cœur de la cellule, exposition inédite
d’images scientifiques réalisées par les chercheurs
de l’unité 144 à l’Institut Curie. Sur les grilles
de l’Institut (rues d’Ulm et Pierre-et-Marie-Curie,
Paris 5e) jusqu’au 15 novembre 2005.
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
, 13
JIC64_8-14-M7SR2 25/10/05 15:10 Page 14
h
Noak/Le bar Floréal/Institut Curie
Les découvertes
naissent souvent
des échanges entre
scientifiques. C’est
pourquoi l’Institut Curie
favorise les collaborations
entre chercheurs
de toutes disciplines.
Découverts fortuitement, les premiers médicaments anticancéreux que sont l’ypérite (ou gaz
moutarde) et le platine visaient l’ADN, puis sont
arrivés les alcaloïdes de la pervenche (vinblastine,
vincristine…) et les taxanes de l’if (docétaxel et le
paclitaxel), visant, quant à eux, le squelette de la
cellule. Ces derniers provoquent une répartition
aberrante des chromosomes entre les deux cellules filles lors de la division, à tel point que même
les cellules cancéreuses, pourtant libres de tout
contrôle, n’y résistent pas. D’autres médicaments
grippent les rouages du cycle cellulaire.
■■■
Épigénétique
Les fluctuations
dans la compaction
de la chromatine
et les modifications
chimiques de ses
protéines facilitent
ou interdisent l’accès
aux gènes. Ainsi,
se superpose
au code génétique,
irréversible, un
code épigénétique,
réversible.
GRÂCE
À VOUS
Couper les vivres aux tumeurs
De nouvelles armes attaquent également la cellule cancéreuse par son métabolisme. Ainsi, à Nice,
l’équipe de Jacques Pouyssegur1, directeur de
recherches CNRS au centre régional de lutte contre
le cancer Antoine-Lacassagne, étudie comment la
cellule se défend et s’adapte quand elle est en
manque d’oxygène et-ou de glucose. « Ce stress
nutritionnel se présente aussi bien pour les cellules
de l’embryon en développement que pour les cellules en croissance au sein d’une tumeur solide. »
En général, la cellule n’en meurt pas car elle sécrète
des facteurs de croissance qui attirent les capillaires
sanguins. Cette nouvelle vascularisation (néoangiogenèse) est une cible récente de la lutte contre
Plus de 14 millions d’euros en cinq ans
2,5 millions d’euros ont été nécessaires en 2004 pour équiper les
laboratoires de recherche de l’Institut Curie, portant à 14,5 millions
la somme investie en cinq ans. Les investissements que réalise chaque
année l’Institut Curie sont très souvent le fruit de cofinancements. C’est en
effet grâce au soutien conjugué des donateurs de l’Institut, des associations,
de la Région Île-de-France et de l’État qu’il peut être doté des matériels
les plus performants que nécessite une recherche de pointe.
LE JOURNAL DE
14 , L’INSTITUT CURIE
le cancer : sans ravitaillement, la cellule meurt
asphyxiée. Un des relais visés par un éventuel
traitement est une protéine, la lacthadérine, objet
de travaux menés à l’Institut Curie 2.
Une autre piste, également étudiée à Nice, est
de conduire les cellules cancéreuses à une mort violente. Cette approche exploite le fait que la cellule
confrontée à un stress nutritionnel puise dans ses
propres réserves. Elle produit alors de l’acide
lactique, substance que la cellule sait normalement
éliminer. « En bloquant spécifiquement les facteurs régulateurs d’acidité, nous créons les conditions qui font “fondre” les tumeurs par nécrose »,
explique Jacques Pouyssegur.
On pourrait multiplier les exemples de recherches
en cours. À l’Institut Curie, les collaborations
entre biologistes et physiciens ont permis de plonger dans l’intimité des différents moteurs, tubes et
colles moléculaires de la cellule. Grâce à l’imagerie
(encadré p. 13), on comprend comment bouge une
cellule, quelle force lui est nécessaire pour se
désolidariser de ses voisines ou de la matrice extracellulaire… Autant de points d’ancrage pour des
actions thérapeutiques. On commence également
à décrypter le code épigénétique. L’équipe de
Geneviève Almouzni 3 a montré qu’un facteur de
compaction de l’ADN est surabondant dans les
cellules cancéreuses du sein, faisant de lui un
marqueur tumoral potentiel pour détecter, voire
traiter le plus fréquent des cancers féminins.
L’apport des nanotechnologies, de la génomique et
de la bioinformatique est inestimable. Les puces
à ADN, laboratoires miniatures de la taille d’un
ticket de métro, permettent ainsi de déterminer la
signature génétique d’un cancer, le comportement
spécifique de ses gènes. Le gigantesque projet
européen MitoCheck prévoit d’étudier un à un
l’effet de l’inactivation de chaque gène… L’espace
encombré de la cellule peut être comparé à un
réseau ferroviaire dense où rien n’est figé, où
chaque gare s’adapte au trafic pour optimiser tous
les aiguillages. Il faut certainement être chercheur
pour s’embarquer dans l’interprétation d’un tel
voyage…
Marie-Laure Moinet
1. Lauréat en 1996 avec le Pr Daniel Louvard, Institut Curie,
du prix Lounsbery, et membre de la Commission scientifique
du centre de recherche de l’Institut Curie de 1995 à 1998.
2. Lire « Coup double contre les tumeurs et l’infarctus »,
Le Journal de l’Institut Curie, août 2005.
3. Équipe Dynamique nucléaire et Plasticité du génome,
UMR 218 CNRS/Institut Curie.
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ENTRE NOUS
INITIATIVES
VOTRE FONDATION
L’Institut Curie dispose de l’expertise, des structures et des ambitions nécessaires pour « prendre
le cancer de vitesse ». La continuité de la recherche et des soins dans un même lieu, unique
en son genre, stimule l’innovation, favorise les échanges et le travail commun des chercheurs,
médecins et soignants pour accélérer la mise à disposition des nouveaux traitements aux patients.
Notre volonté de progresser est encouragée par le soutien et la générosité de nos donateurs et testateurs.
fin d’accroître ses ressources financières dédiées à la recherche et à
une meilleure prise en charge des
patients, l’Institut Curie avait fait connaître
en 2004 son intention de faire appel à la
générosité privée au travers d’actions de
mécénat et de partenariat d’entreprises.
Cette démarche a rencontré un excellent
accueil. Elle a permis de renforcer les
relations avec les jardineries Truffaut,
créateur du jardin de jonquilles disposé
sur le parvis du Panthéon lors de l’opération caritative un Jardin pour la Vie, une
Jonquille pour Curie. De nouveaux partenaires ont par la suite rejoint l’Institut.
Ainsi l’assureur Swiss Life s’est engagé à
nos côtés et fera bénéficier ses assurés de
conseils en matière de prévention et de
A
GÉNÉROSITÉ
Simple, rapide
et économique
En faisant un don en ligne (paiement
sécurisé par carte bancaire),
vous recevrez le reçu fiscal, au choix,
par courriel ou par voie postale.
Avec Internet, vous êtes immédiatement
assuré de l’enregistrement de votre
don et vous permettez à l’Institut Curie
de faire des économies conséquentes
de frais de gestion.
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dépistage. L’un des leaders mondiaux
dans les métiers de l’énergie, Areva,
participe au financement d’installations
de traitement de cancer de l’enfant au
centre de protonthérapie de l’Institut
Curie. Quant à la société Simone Pérèle,
très proche des femmes, elle contribue, à
l’hôpital de l’Institut, à une meilleure prise
en charge psychologique des femmes
atteintes d’un cancer du sein.
Pour respecter, en matière de mécénat
comme dans toute activité, une éthique
digne de l’esprit de ses fondateurs, l’Institut Curie s’est doté d’une commission
consultative Éthique et partenariats. Cette
instance s’assure que chacun de ces
partenariats permet bien à l’Institut de
poursuivre sa mission d’intérêt général
h
DES RÈGLES ET DES VALEURS
EN MATIÈRE DE MÉCÉNAT
Noak/Le bar Floréal/Institut Curie - Swiss Life
,ÉTHIQUE
Truffaut, Swiss Life, Areva, Simone Pérèle,
Caisse d’épargne Île-de-France Paris
et plusieurs PME soutiennent l’Institut Curie.
dans le respect de ses valeurs et en
préservant son indépendance.
Cet engagement commun du tissu économique et des particuliers permet à nos
équipes de recherche et de soins de disposer de davantage de moyens pour favoriser les avancées thérapeutiques.
,FISCALITÉ 2005
MOINS D’IMPÔTS POUR VOUS,
PLUS DE MOYENS POUR L’INSTITUT CURIE
ous avez jusqu’au 31 décembre pour
bénéficier d’une réduction d’impôts
sur vos revenus perçus en 2005, en
faisant un don au profit de l’Institut Curie.
En effet, tout don permet de déduire des
impôts 66 % du montant versé. Et si le
montant total des dons faits en 2005 est
supérieur à 20 % de votre revenu imposable, l’excédent peut être reporté sur les
V
cinq années suivantes. Afin de bénéficier
de ces avantages, l’Institut Curie remet
systématiquement à chacun de ses nombreux donateurs un reçu fiscal à joindre à
la déclaration de revenus. Si la déclaration
est faite sur Internet, ces justificatifs
seront à présenter en cas de demande du
centre des impôts.
E. M.
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
, 15
JIC64_15à19-M7SR2 25/10/05 15:12 Page 16
ENTRE NOUS
ENTRE NOUS
INITIATIVES
INITIATIVES
,TRANSPARENCE
COMPTE D’EMPLOI DES RESSOURCES 2004 DE L’INSTITUT CURIE
e compte d’emploi
présente la totalité
des ressources
gérées par l’Institut Curie,
celles issues de la
générosité publique
en représentant 12 %
en 2004. Les emplois
recouvrent les dépenses
de personnel, de
fonctionnement
et d’investissement.
Les ressources
correspondantes
intègrent en conséquence
les subventions
d’investissement.
Il n’est pas tenu compte
des amortissements
ni des provisions.
Par ailleurs, l’Institut
Curie a des conventions
de collaboration avec
des organismes publics
de recherche (CNRS,
Inserm et universités).
Les activités de recherche
de l’Institut Curie
bénéficient ainsi
d’un apport annuel
complémentaire de
l’ordre de 20 millions
d’euros, géré par ces
organismes et couvrant
des frais de personnel
et de fonctionnement
des laboratoires.
L
JOURNAL DE
16 , LE
L’INSTITUT CURIE
2004
RESSOURCES
en millions
d’euros
2003
en % en millions
d’euros
2004
EMPLOIS
Missions sociales :
Assurance maladie et
autres ressources hospitalières (1)
96,573
68,3
88,600
Subventions publiques (2)
6,120
4,3
6,248
• transférer : de la recherche aux soins
Contrats et conventions de recherche (3)
6,798
4,8
6,386
• soigner : activités hospitalières
17,448
12,3
13,444
• dons (4)
8,397
5,9
5,520
• legs
9,051
6,4
7,923
Produits financiers nets
3,159
2,2
-0,052
Autres ressources (5)
4,091
2,9
4,068
Report de ressources affectées
non utilisées les années antérieures (6)
7,174
5,1
5,249
DÉFICIT APRÈS FINANCEMENT DES
INVESTISSEMENTS EXCEPTIONNELS (10)
Ressources issues de la générosité publique
(lire encadré ci-contre) :
TOTAL DES RESSOURCES
ANNEXE 1
NOTE SUR LE COMPTE D’EMPLOI
ANNUEL DES RESSOURCES
1. NOTES SUR LES RESSOURCES
Note 1 : Assurance maladie
et ressources hospitalières
L’hôpital a le statut d’établissement de santé privé
participant au service public hospitalier ; il est à
ce titre financé majoritairement par le budget
Assurance maladie de la Sécurité sociale.
Note 2 : subventions publiques
L’Institut Curie reçoit des subventions des ministères en charge de la Recherche et de l’Enseignement supérieur. Il a également reçu en 2004
des fonds sur appel d’offres dans le cadre du
Plan cancer.
Note 3 : contrats et conventions de recherche
Ce sont les ressources issues de contrats conclus
avec des industriels ou reçues des organismes
nationaux, internationaux et des associations
caritatives.
Note 4 : dons
Parmi les dons reçus, 0,3 M€ (soit moins de 4 %)
étaient affectés à une action précisée par le
donateur.
141,363
100,0 123,943
Note 5 : autres ressources
Ce sont des recettes d’activités annexes (repas
servis au personnel et aux accompagnants des
malades, abonnements au Journal de l’Institut
Curie, mise à disposition de salles de conférence,
loyers…) et des remboursements de frais (prestations facturées, indemnités journalières…).
Note 6 : report de ressources
affectées non utilisées
En application de la réglementation comptable, ce
poste présente la part de ressources affectées
obtenue les années antérieures et utilisée en 2004.
2. NOTES SUR LES EMPLOIS
Note 7 : frais de fonctionnement
Ils comprennent les dépenses supportées par les
services institutionnels au bénéfice de l’ensemble
des activités, notamment en matière de communication, administration, gestion financière et valorisation des savoir-faire en recherche et en médecine.
En 2004 sont également compris les coûts de gestion
et d’animation du cancéropôle Ile-de-France, temporairement hébergés à l’Institut Curie, et couverts par
une subvention du ministère de la Santé.
Note 8 : frais de collecte
Les coûts directs d’appel à la générosité publique ont
représenté 13 % des dons et legs collectés en 2004.
M€ : millions d’euros
• découvrir : activités de recherche
2003
en millions
d’euros
en % en millions
d’euros
125,971
89,6 114,439
21,607
15,4
19,074
4,814
3,4
3,473
99,551
70,8
91,892
Frais de fonctionnement (7)
4,258
3,0
3,955
Frais de collecte (8)
2,354
1,7
2,443
Emplois réservés aux engagements à réaliser (9)
8,034
5,7
7,706
TOTAL DES EMPLOIS
140,618
100,00 128,542
EXCÉDENT/DÉFICIT DES ACTIVITÉS COURANTES (10)
0,745
-4,599
INVESTISSEMENTS EXCEPTIONNELS
2,415
6,279
-1,670
-10,878
Note 9 : emplois réservés aux engagements
à réaliser
En application de la réglementation comptable, ce
poste indique le montant des engagements à réaliser correspondant aux ressources affectées reçues
en 2004 et qui seront utilisées ultérieurement.
Note 10 : solde des emplois et des ressources
Grâce à la forte progression des dons et legs
(+ 30 %), les activités courantes ressortent en léger
excédent (0,7 M€). Les investissements exceptionnels se sont élevés à 2,4 M€ et n’ont reçu
aucun financement autre que les ressources
propres de l’Institut, si bien que le déficit après
investissement s’élève à 1,7 M€.
ANNEXE 2 – RESSOURCES EN NATURE ET
STOCKS DE PRODUITS À DISTRIBUER
L’Institut Curie ne dispose pas de ressources en
nature, ni de stocks de produits à distribuer.
ANNEXE 3 – ÉTAT DES EFFECTIFS
L’Institut Curie fait appel à des personnels bénévoles
à l’occasion de deux opérations annuelles de collecte de fonds. L’effectif salarié au 31 décembre 2004
est de 1343 personnes. En incluant les personnels
rémunérés par les organismes de recherche d’une
part, les étudiants et post-doctorants, d’autre part,
l’effectif total est de 1911 personnes.
M€ : millions d’euros
ANNEXE 4 – INFORMATIONS
SUR LA VALEUR DES IMMOBILISATIONS
ET DES TITRES DE PLACEMENT
Les immobilisations représentent une valeur nette
comptable de 105,7 M€ au 31 décembre 2004.
Toutes sont affectées aux missions sociales de
l’Institut Curie. Les titres de placement ont une
valeur nette comptable de 113,5 M€ à la
même date, incluant 11,8 M€ correspondant à un
emprunt reçu fin décembre et destiné à financer le
plan d’investissements 2004-2007 de l’hôpital. Les
revenus de ces placements contribuent à financer
le fonctionnement et les missions de l’Institut Curie,
conformément à son statut de Fondation.
GRÂCE
À VOUS
Des moyens
supplémentaires
pour vaincre les cancers
Les dons et legs perçus
en 2004 par l’Institut Curie se sont
élevés à 17,4 millions d’euros, en
croissance de 15 % par rapport à 2003
(hors don exceptionnel de 2 millions
d’euros). Cet élan de générosité
témoigne de la prise de conscience
croissante face à cette maladie dans
la société française. Elle souligne
également la confiance des donateurs
qui, à travers leur générosité,
renforcent le modèle Curie associant
un centre de recherche et un hôpital.
Conscient de la vigilance des
donateurs sur la bonne utilisation
des fonds collectés, l’Institut Curie
s’attache à contrôler strictement
les frais de collecte. Ceux-ci ont été
réduits de 4 % entre 2003 et 2004.
Comme chaque année, les comptes
annuels 2004 de l’Institut Curie1
ont été approuvés par le conseil
d’administration et certifiés par
les commissaires aux comptes.
1. en ligne sur www.curie.fr/comptes-annuels
15,7 M€ DE DONS
ET DE LEGS CONSACRÉS
AUX MISSIONS SOCIALES
10
8
6
4
2
0
Pr Claude Huriet, président
Jacques Thierry, trésorier
Ce document a fait l’objet d’une attestation des commissaires aux comptes.
Pour découvrir
10 M€ versés
pour les
activités
de recherche
Pour transférer
4,2 M€ versés
pour les
activités
d’applications
des découvertes
en soins
Pour soigner
1,5 M€ versés
pour les
activités
hospitalières
h La volonté de l’Institut de faire bénéficier
rapidement les patients des avancées de
la recherche, quel que soit leur lieu de prise
en charge, se traduit concrètement par
un financement de 4,2 M€. À cette hauteur,
cette démarche reste unique en France.
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
, 17
JIC64_15à19-M7SR2 25/10/05 15:12 Page 18
ENTRE NOUS
ENTRE NOUS
INITIATIVES
RÉTROSPECTIVE
L’association Les bagouz’ à Manon et la Donation Lou Salomé ont
offert 10 000 euros au profit de la recherche sur le neuroblastome
à l’Institut Curie. Anne Herbert, de l’association, raconte.
À VOS AGENDAS
• 17 novembre
L’association Phares, qui aide
de jeunes artistes de talent,
apporte de nouveau son soutien
à l’Institut Curie. L’intégralité
de la recette du récital donné à
l’Institut Curie par Nada Loutfi
sera reversée à l’Institut Curie.
La pianiste de renommée
internationale interprétera
des œuvres de Padre Soler,
Chopin, Debussy, Liszt.
h Institut Curie,
12 rue Lhomond, Paris 5e
LE JOURNAL DE
18 , L’INSTITUT CURIE
Propos recueillis par E. M.
Tarif unique : 20 euros
Renseignements :
01 44 32 43 86 et www.curie.fr
• Les 25, 30 novembre
et 1er décembre
Trois concerts « Mozart »
de Piacer’Canto, chœur,
solistes et orchestre dirigés
par Henri Didot, se dérouleront
le 25 novembre à l’église de
la Sainte-Trinité (Paris 9e), le
30 novembre et 1er décembre
à l’église Saint-Honoré d’Eylau
(Paris 16e). Une partie de la
1. Pour se procurer les bijoux en
perles de cristal des Bagouz’ à Manon :
www.lesbagouzamanon.medicalistes.org
ou 06 08 01 00 90.
2. Babeth Becker, la maman
de Lou Salomé et présidente
de la Donation Lou Salomé, retrace
le difficile parcours de sa fille dans
Lou Salomé, notre Merveille,
26 mai 1995 - 8 juillet 1999. Éditions
du Losange, 2005 (364 p., 20 euros), en
ligne sur www.donationlousalome.org
recette sera reversée à l’Institut
par l’association Hubert-Gouin
pour contribuer à la recherche
sur le neuroblastome, un cancer
qui atteint les jeunes enfants.
h Réservation par courrier
(tarif normal: 20 euros,
étudiants: 12 euros) auprès
de B. de Sauveboeuf, 19 rue
Maurice-Pelletier, 92270 BoisColombes; chèque à l’ordre
de l’association Hubert-Gouin,
joindre une enveloppe
timbrée avec vos coordonnées
pour l’envoi des places.
En 1935, le prix Nobel de chimie est remis aux deux physiciens Irène et Frédéric Joliot-Curie,
pour une découverte qui va révolutionner la biologie et la médecine : la radioactivité artificielle.
F
Y. Benzougar/Institut Curie
Les bagouz’ à Manon
h
cher à l’Institut Curie. Malgré le
manque et la douleur de tout
parent “désenfanté”, il faut
garder “la pêche” et le sourire.
Le départ de nos enfants ne doit
pas rester vain. C’est pourquoi,
nous avons lancé le défi de
mettre au pied du sapin de Noël
du Dr Delattre un second chèque
de 10 000 euros ! »
ans le cadre
du centenaire
du Rotary et sous
l’impulsion de
Gérard Isidor du Club
Rotary de Suresnes
(92), des actions
de générosité sont
organisées depuis
plusieurs mois
au profit de l’Institut
Curie. Les quelque
6 000 euros déjà
recueillis grâce aux
ventes de ballotins de
chocolat et à la collecte
lors du Grand Prix
du Rotary, le 26 juin
dernier à l’hippodrome
de Saint-Cloud,
vont financer l’achat
de pompes antidouleur
pour les enfants
hospitalisés.
D
«M
Cinq mamans représentant l’association Les bagouz’ à Manon sont
fières de remettre 10 000 euros pour la recherche sur le neuroblastome.
La vente de bijoux continue, avis aux amateurs1 !
IRÈNE ET FRÉDÉRIC JOLIOT-CURIE,
LAURÉATS DU PRIX NOBEL
POUR QU’ILS
NE SOUFFRENT
PLUS
ille aînée du célèbre couple Curie,
Irène rencontre Frédéric Joliot à
l’Institut du radium en 1925, dans le
laboratoire dirigé par sa mère. Ils se
marient l’année suivante et entament une
collaboration scientifique féconde.
« Nous avons compris que nous pourrions
difficilement nous passer l’un de l’autre.
Nous avions des caractères différents, mais
qui se complétaient. Les bonnes associations, pour le travail comme pour la vie, ne
sont pas celles de caractères identiques,
mais complémentaires »1, écrira plus tard
Frédéric Joliot.
En 1934, bombardant des atomes stables
avec des particules, les Joliot-Curie provoquent artificiellement une transformation nucléaire et parviennent à produire
de nouveaux éléments radioactifs. Ils réalisent ainsi le rêve de transmutation des
À VOS AGENDAS
Vente sur place: 25 euros
Renseignements: www.curie.fr
• Vendredi 2, samedi 3 et
dimanche 4 décembre
4e exposition-vente au profit
de l’Institut Curie organisée
par le service des retraités
du Centre communal d’action
sociale de Charenton-le-Pont
(94). Une idée originale
et généreuse pour vos
cadeaux de fin d’année.
h Renseignements :
01 45 18 36 32 et www.curie.fr
• 9 novembre
Conférence-démonstration inédite des
Mercredis du Musée Curie utilisant
des instruments d’époque, restaurés
pour l’occasion.
h Renseignements : 01 42 34 67 49 et
www.curie.fr
• 13 décembre
Dans le cadre de l’Année mondiale
de la physique, l’opération 36 Candela
organise, avec la participation
de chercheurs de l’Institut Curie,
des conférences grand public dont
une sur Marie Curie, à la Mairie
du 16e arrondissement de Paris.
h http://36.candela.free.fr
« C’est un grand honneur et une grande joie pour
nous de voir l’Académie des sciences de Suède
nous attribuer le prix Nobel pour nos travaux
sur la synthèse des radioéléments, après l’avoir
décerné à Pierre et Marie Curie en 1903,
à Marie Curie en 1911, pour la découverte
des radioéléments. » C’est par ces mots
qu’Irène Joliot-Curie commence sa conférence
Nobel le 12 décembre 1935 à Stockholm (Suède).
Tandis que l’avant-veille,
Frédéric Joliot-Curie, lors
d’un petit discours pendant
le banquet, remerciait
ainsi l’assemblée : « Nous
retournerons bientôt en
France reprendre nos travaux
avec ardeur et nous serons
soutenus dans cette tâche
par le souvenir émouvant
des belles journées que
nous passons parmi vous. »*
* www.nobelprize.org
ACJC
MAMAN-ENGAGEMENT
a fille est décédée le
8 juillet 2002 d’un neuroblastome, une des
tumeurs solides les plus fréquentes de l’enfant. Manon
n’avait pas huit ans. Elle adorait les perles et voulait monter
un stand de bagues devant la
bijouterie de ses grandsparents. Nous ne l’avons jamais
fait… Retrouvant ses perles, je
me suis souvenue de son rêve…
En janvier dernier, nous avons
fondé l’association Les bagouz’
à Manon1. Avec sept mamans
d’enfants dont certains ont dû
se battre contre cette maladie,
nous avons vendu pour
7 000 euros de bijoux en
quelques mois. Soutenant ce
projet, la Donation Lou Salomé2
– en souvenir d’une petite fille
traitée à l’Institut Curie également pour un neuroblastome –
a complété la somme. Et le
10 juin 2005, nous avons remis
10000 euros au profit de recherches sur ce cancer menées par
les Drs Delattre et Schleierma-
, IL Y A 70 ANS
,HAUTS-DE-SEINE
h
,TÉMOIGNAGE
Le roi de Suède, Gustave V, félicite le couple Joliot-Curie.
alchimistes du Moyen Âge et ouvrent de
nouvelles perspectives dans l’exploration
de la matière et l’utilisation des atomes.
Car, bien que le mode de production de ces
radioéléments soit artificiel, leur radioactivité est tout aussi réelle et efficace que
celle de radioéléments naturels comme
l’uranium ou le radium découverts par les
Curie. Les radioéléments artificiels ont
l’avantage d’avoir une durée de vie moins
longue et d’être moins coûteux que leurs
équivalents naturels, leur utilisation en est
d’autant facilitée.
Les conférences Nobel des Joliot-Curie2 en
1935 marquent à la fois la continuité de
l’œuvre de Pierre et de Marie Curie et une
anticipation brillante des applications encore
possibles de la radioactivité artificielle.
Cette découverte trouve rapidement de
nombreuses applications, notamment
dans la recherche biologique et la médecine nucléaire. Les progrès rapides effectués en quelques années permettent de
produire spécifiquement les radioéléments souhaités, en contrôlant à la fois
leur durée de vie dans les tissus vivants et
le type de rayonnement qu’ils émettent.
Les grandes avancées de la biologie et de
la connaissance du vivant, l’exploration
fonctionnelle et clinique, l’imagerie médicale, les utilisations thérapeutiques des
rayonnements, l’analyse biochimique…
sont quelques exemples du bénéfice
considérable retiré de la découverte de la
radioactivité artificielle.
Renaud Huynh
Musée Curie, Institut Curie
1. Frédéric Joliot-Curie. Michel Rouzé, 1957.
2. Conférences consultables sur www.curie.fr/musee
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
, 19