« C`est l`enfer ici !! » - observatoire congolais des droits de l`homme

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« C`est l`enfer ici !! » - observatoire congolais des droits de l`homme
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OCDH
Observatoire congolais
des droits de l’Homme
LES CONDITIONS DE DETENTION
ET DE GARDE A VUE
EN REPUBLIQUE DU CONGO
Rapport final
« C’est l’enfer ici !! »
“Une société se juge à l’état de ses prisons“. Albert Camus
Brazzaville, le 21 novembre 2012
Cette publication a été produite avec le soutien financier de l’Union européenne. Le contenu de la publication est de
l’entière responsabilité de l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH)
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TABLE DES MATIERES
I.
Introduction……………………………………………………………………………………………………..P3
II.
Objectifs et méthodologie…………………………………………………………………………..P5
1. Objectifs du rapport………………………………………………………………………………..P5
2. Méthodologie utilisée ………………………………………………………………………………P6
III.
Présentation de la République du Congo ……………………………………………….P7
1. Situation géographique…………………………………………………………………………….P7
2. Situation démographique…..…………………………………………………………………….P8
3. Organisation administrative et politique………………………………………………P8
4. Les institutions nationales……………………………………………………………………..P10
5. Les juridictions nationales…………………….………………………………………………P10
IV.
Le fonctionnement de l’appareil judiciaire ………………………………………….P10
V. Cadre juridique général sur les conditions de détention…………………..……P11
1. Cadre juridique international ………………………………………………………………P11
2. Cadre juridique régional ………………………………………………………………………P14
3. Cadre juridique national ………………………………………………………………………..P15
VI.
fossé entre la loi et la pratique .......................................................P18
1. Population carcérale………………………………………………………………………………..P19
2. Personnel non qualifié et en sous-effectif………………………………………..P22
3. Vétusté des locaux et mauvaises conditions d’hygiène…………………..P23
4. Sous-alimentation……………………………………………………………………………………P26
5. Système de santé défaillant…………………………………………………………………P26
6. Détention illégale et séquestration de personnes……………………………P27
7. Absence de politique de rééducation et de réinsertion…………………P30
8. Difficultés d’accès aux lieux de détention par les ONG…………………P31
9. Absence d’un système d’aide judicaire……………………………………………….P32
VII. Conclusion et recommandations ………………………………………………………………P34
1. Conclusion………………………………………………………………………………………………….P34
2. Recommandations …………………………………………………………………………………..P35
VIII. Annexe…………………………………………………………………………………………………………… P37
1. Bibliographie …………………………………………………………………………………………..P37
2. Comment contacter l’OCDH………………………………………………………………….p40
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I. INTRODUCTION
Ce rapport fait le bilan des politiques pénales et pénitentiaires mises en œuvre
par les pouvoirs publics et un état des lieux des conditions de détentions et de
garde à vue observées en République du Congo.
L’Observatoire congolais des droits de l’Homme(OCDH), à travers ses activités
réalisées sur le terrain a répertorié les multiples violations des droits de
l’homme lié aux mauvaises conditions de détention. Ces pratiques s’observent
souvent au mépris des dispositions du code de procédure pénale, des textes
portant organisation et fonctionnement de l’administration pénitentiaire et des
conventions internationales réglementant l’administration pénitentiaire et le
traitement des personnes privées de liberté.
L’incarcération est le processus par lequel les individus sont retenus par un
organisme carcéral tel qu’un service correctionnel et ce, dans une prison, une
institution de santé mentale, un centre de détention pour mineurs ou tout autre
établissement carcéral visant à isoler les détenus de la société. Quoique l’origine
de la prison remonte à plusieurs siècles, son utilisation en tant que peine
judiciaire remonte uniquement à la seconde moitié du 19eme siècle.
Quant à la garde à vue, elle est considérée comme une mesure privative de
liberté qui intervient au cours de l’enquête préliminaire d’une procédure pénale.
Il sied de signaler une durée excessive de la garde à vue observée dans les
commissariats de police et brigades de gendarmerie de tous les départements du
pays en violation des dispositions des articles 48 et suivant du code de
procédure pénale. On peut noter aussi le dépassement de la détention
préventive. Plusieurs cas témoignent le non-respect des textes sur la détention
au Congo.
En outre, le traitement carcéral est très mauvais, souvent caractérisé par des
conditions de vie très dures, inhumaines et dégradantes auxquelles sont exposés
les prévenus et les condamnés. L’univers carcéral est aussi caractérisé par le
manque des moyens tant au niveau du personnel que du matériel. Si la prison a
toujours constitué un lieu de sûreté avant d’être un dispositif de redressement,
cette fonction neutralisatrice est assumée par les gouvernements chargés de
mettre en œuvre les politiques pénales.
Il est aussi vrai que les conditions de détention sont mauvaises dans la plupart
des pays du monde, il n’en demeure pas moins que dans notre pays qu’elles sont
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plus mauvaises dans la mesure où le statut de prisonnier fait perdre à l’homme la
dignité qui lui est inhérente à cause d’un traitement inhumain.
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II.
OBJECTIFS ET METHODOLOGIE
1. Les objectifs du rapport
Les visites dans les lieux de détention ont constitué l’une des activités de
surveillance du respect des droits de l’homme en République du Congo menée par
l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH) depuis février 2010 dans
le cadre du projet intitulé « Contribution à l’instauration de l’Etat de droit
par la promotion, la surveillance et la protection des droits de l’homme »
avec l’appui financier de l’Union Européenne (UE).
L’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH) a visité les lieux de
détention en vue de s’assurer d’une part du respect des procédures légales
d’arrestation et de détention et d’autre part des conditions de détention des
personnes privées de libertés conformément aux normes internationales,
régionales et nationales.
Sans présumer la réalité ou non des situations évoquées concernant la condition
carcérale, les visites avaient pour objectifs :
- La surveillance de la situation générale des droits de l’homme dans les
prisons, les brigades de gendarmerie et les commissariats de police;
-
De vérifier le respect des normes régissant les conditions matérielles
dans lesquelles les personnes placées en détention doivent être
incarcérées et qui reposent sur un principe de base qui est l’obligation de
traiter les détenus avec dignité et humanité ;
-
De connaitre la situation judiciaire des personnes détenues et de pouvoir
ainsi vérifier la légalité de leur arrestation et leur détention.
-
D’examiner les conditions de travail et de fonctionnement de l’appareil
judiciaire ;
-
De rassembler les éléments de preuves pour une action de plaidoyer en
faveur de la population carcérale en République du Congo.
-
De faire des recommandations sur le fonctionnement et la
réforme/réhabilitation du système pénitentiaire et aussi de certains
aspects du système judiciaire qui y sont liés notamment en matière de
justice pénale.
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2. La méthodologie utilisée
La visite des prisons constitue l’une des missions de contrôle du respect des
droits de l’homme menée par les organismes des droits de l’homme de par le
monde. Ainsi donc, les activités réalisées sur le terrain ont permis à l’OCDH de
présenter la réalité carcérale en République du Congo. La problématique sur les
solutions envisageables pour remédier aux problèmes récurrents rencontrés dans
les établissements pénitentiaires au Congo a amené l’OCDH à mettre en place une
méthodologie de collecte de données.
Cette méthodologie a porté sur deux phases : la première phase a consisté en
l’examen des normes nationales, régionales et internationales en vigueur au Congo
dans le domaine des droits de l’homme en général et sur les conditions de
détention et les droits des détenus en particulier.
La seconde phase a porté sur le traitement des données recueillies pendant les
missions de terrain. Des données collectées à l’issue des entretiens avec les
détenus et les prévenus, ou lors des entretiens avec les autorités
administratives et judiciaires.
Par ailleurs, les outils utilisés ont varié en fonction des cibles. Les fiches
d’écoute ont été utilisées lors des entretiens avec les anciens détenus. Pour les
missions de terrain, le guide d’enquête et le guide d’entretien élaborés par notre
structure ont été les outils utilisés pour la documentation. Ces missions se sont
opérées dans six départements du pays : les départements de la Sangha, de
Brazzaville, de la Bouenza, de la Cuvette, du Niari et de Pointe Noire.
Le présent rapport ne présente donc pas de manière exhaustive la situation dans
l’ensemble du pays. Mais il décrit sur la base d’un échantillonnage, les conditions
dans lesquelles vivent les personnes privées de liberté en République du Congo.
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III. PRESENTATION DE LA REPUBLIQUE DU CONGO
1. La situation géographique
Subdivision
administrative
Bouenza chef lieu
Madingou ;
Brazzaville chef lieu
Brazzaville ;
Cuvette chef lieu
Owando ;
Cuvette Ouest chef lieu
Ewo ;
Kouilou chef lieu Loango ;
Lékoumou chef lieu
Sibiti ;
Likouala chef lieu
Impfondo ;
Niari chef lieu Dolisie
Plateaux chef lieu
Djambala ;
Pointe – Noire chef lieu
Pointe – Noire ;
Pool chef lieu Kinkala ;
Sangha chef lieu Ouesso
Le Congo est un pays situé au centre du continent africain avec une superficie
totale de 342.000 km². Il partage ses frontières avec la Centrafrique au Nord,
le Cameroun au Nord-Ouest, le Gabon à l'Ouest, le Cabinda (Angola) à l'extrême
Sud-ouest, et la RDC à l'Est.
De par son positionnement stratégique, et avec son port en eau profonde, unique
dans la sous région, le Congo pays de transit, est la plaque tournante idéale des
marchandises destinées à d'autres pays de l'Afrique Centrale comme le
Cameroun, le Tchad, et la Centrafrique, voire même la République Démocratique
du Congo.
La République du Congo, aujourd’hui membre du Conseil des Droits de l’Homme
des Nations unies depuis mai 2O11, est partie au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques (PIDCP) ainsi qu’au Premier protocole facultatif se
rapportant à ce pacte, mais n’a pas encore ratifié le Deuxième protocole
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facultatif se rapportant au PIDCP visant à abolir la peine de mort. Il est aussi
partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
2. La situation démographique
La population congolaise est estimée à prés de 4 243.929 d’habitants pour une
densité de 12,4 hab/Km2 (htt://www.congo-site.com). Elle est composée
majoritairement de bantous et de quelques minorités parmi lesquelles on compte
les populations autochtones. Plus des deux tiers de la population se concentrent
dans le sud du pays.
Les trois quarts de la population habitent les villes, ce qui fait que la République
du Congo est l'un des pays les plus urbanisés d'Afrique. À elles seules, les
agglomérations de Brazzaville et de Pointe-Noire comptent respectivement 990
000 habitants 576 000 habitants, ce qui représente près de la moitié de la
population totale du Congo. Cette concentration pose de sérieux problèmes de
logement et de santé.
Notons aussi que la population congolaise a pour langue officielle le français. Par
ailleurs, le Kituba et le lingala restent des langues nationales.
3. L’organisation administrative et politique
Régi par la constitution du 20 janvier 2002, le Congo est une République avec un
Etat laïc. Cette constitution consacre l'existence de trois (3) pouvoirs distincts :
 Le pouvoir exécutif, incarné par le Président de la République : celui-ci est
élu pour sept ans au suffrage universel direct. Il est rééligible une fois. Le
Président de la République est le chef de l'Etat. Il incarne l'unité
nationale. Le Président de la République est le chef de l'exécutif. Il est le
chef du Gouvernement. Il dispose du pouvoir réglementaire et assure
l'exécution des lois.
 Le pouvoir législatif représenté par un parlement bicaméral (Assemblée et
Sénat) : Le Parlement exerce le pouvoir législatif et contrôle l'action de
l'exécutif. Les députés sont élus au suffrage universel direct.
Les sénateurs sont élus au suffrage indirect par les conseils des collectivités
locales. Ils représentent les collectivités territoriales de la République. Le Sénat
exerce, outre sa fonction législative, celle de modérateur et de conseil de la
Nation.
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 Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême, la Cour des comptes
et de discipline budgétaire, les Cours d'appel et les autres juridictions
nationales. Le pouvoir judiciaire statue sur les litiges nés de l'application
de la loi et du règlement. Le titre VIII de la Constitution du 20 janvier
2002, consacré au pouvoir judiciaire dispose en son article 136 que : « Le
pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir
exécutif. Les juges ne sont soumis dans l’exercice de leurs fonctions qu’à
l’autorité de la loi ».
 La Cour suprême, la Cour des comptes et de discipline budgétaire, les
Cours d'appel et les autres juridictions nationales sont créées par les lois
organiques qui fixent leur organisation, leur composition et leur
fonctionnement. En 2008, d’autres tribunaux de grande instance et cours
d’appel ont été crées pour tenter de rapprocher les services judiciaires.
Malheureusement, le déficit des ces cours et tribunaux sur l’ensemble du
territoire nationale empêche toujours à rapprocher les justiciables de la
justice. On note l'existence d'un tribunal de grande instance dans chaque
chef-lieu de département (qui sont au nombre de douze et quatre (04)
Cours d’appel à Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et Owando.
Les membres de la Cour suprême et les magistrats des autres juridictions
nationales sont nommés par le Président de la République, sur proposition du
Conseil supérieur de la magistrature.
La cour criminelle des mineurs, sa compétence s’étend aux mineurs âgés de seize
ans au moins, accusés de crime. Elle est composée du président de la Cour
d’Appel ou d’un conseiller désigné par lui, de deux assesseurs magistrats dont l’un
est juge des enfants, et de six jurés.
La Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de constitutionnalité de la
loi et garantit les droits fondamentaux de l’homme, ainsi que les libertés
publiques.
La Haute cour de justice est compétente pour juger les membres du Parlement
et du Gouvernement en raison des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans
l’exercice de leurs fonctions, ainsi que leurs complices en cas de complot contre
la sûreté de l’Etat. Elle est également compétente pour juger le Président de la
République en cas de haute trahison.
Le territoire congolais est divisé en 12 départements, subdivisés en 86 souspréfectures et 7 communes urbaines.
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4. Les institutions nationales
Plusieurs institutions étatiques veillent au respect des droits de l’homme. Il s’agit :
 le Ministère de la Justice et des Droits Humains ;
 le Ministère de la Santé et de la population ;
 le Ministère des affaires sociales, de l’action humanitaire et de la
solidarité ;
 le Ministère de la Promotion de la Femme et de l’Intégration de la Femme
au développement ;
 le Médiateur de la République ;
 la Commission Nationale des Droits de l’Homme ;
 le Conseil Supérieur de liberté de communication ;
 la Cour constitutionnelle etc.
Malgré l’existence de quelques institutions juridictionnelles et non
juridictionnelles destinées à assurer le respect et la protection des droits de
l’Homme, les conditions de détention restent une tragédie nationale. Ces
institutions sont incapables de remplir pleinement les missions qui leur sont
assignées.
5. Les juridictions nationales
Les juridictions représentent des mécanismes de surveillance constituées des
tribunaux et cours d’une part, et de la Cour constitutionnelle d’autre part.
La loi n°19-99 du 15 août 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de
la loi n°022-92 du 20 août 1992 portant organisation du pouvoir judiciaire,
dispose en son article 2 : « les citoyens congolais sont égaux devant la loi et
devant les juridictions. Ils peuvent agir et se défendre eux-mêmes verbalement
ou sur mémoire devant toutes les juridictions à l’exception de la Cour Suprême ».
La loi n°001/84 portant réorganisation de l’assistance judiciaire prévoit
l’assistance judiciaire aux personnes démunies. Malheureusement, elle n’est pas
effective.
IV.
LE FONCTIONNEMENT DE L’APPAREIL JUDICIAIRE
De prime à bord, l’appareil judiciaire congolais fonctionne dans un environnement
de sous-équipement qui ne permet pas aux acteurs du système judiciaire d’être à
la hauteur de leurs tâches. Cette situation ne peut qu’entraîner des
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conséquences négatives sur la gestion des détenus et des prisons. Les locaux
judiciaires présentent une image de vétusté et de détérioration.
En outre, dépourvue de fournitures de bureau (papiers en quantité suffisante,
stylos, markers, agrafeuses, classeurs etc.…) de machines (ordinateurs,
imprimante, copieur etc.) et d’équipements meubles, les dossiers sont classés par
terre en l’absence de toutes les normes de sécurité. On note quelquefois la
présence de meubles dans les bureaux de parquets et prisons de grandes villes
dont la plupart généralement sont couverts de poussière exposant ainsi le
personnel aux multiples risques de maladies.
A l’intérieur du pays, cette situation fait que les dossiers du parquet sont gardés
dans les domiciles des agents pour des raisons de “sécurité’’. Le personnel
judiciaire travaille parfois debout à cause du manque de dotation d’équipement
meuble. Il arrive souvent que les dossiers du parquet soient traités à la cité par
les services bureautiques à cause du manque de machine ou d’électricité. Une
situation qui met en cause le secret judiciaire.
Le travail est souvent manuscrit ce qui cause indubitablement une léthargie dans
l’évacuation des dossiers. Cette négligence ne peut qu’occasionner la disparition
des dossiers de procédure. Ce qui met les détenus dans une situation d’abandon,
croupissant en détention sans connaitre le niveau d’évolution de leurs dossiers.
Par ailleurs, l’appareil judiciaire congolais pris dans son ensemble n’est pas
toujours en mesure de rapprocher les justiciables des justiciers en raison du
déficit des cours et tribunaux sur l’ensemble du territoire.
Le fonctionnement de l’appareil judiciaire est aussi tinté de corruption. La République du
Congo fait partie de la boxe des pays corrompus au monde. On peut citer les révélations
du ministre des finances Gibert Ondongo concernant le contrôle des éléments de
rémunération des agents de l’Etat lors du premier conseil des ministre tenu le 28
septembre 2012 à Brazzaville. Ces révélations portaient sur de grandes
irrégularités relatives à ce contrôle qui se rapportent notamment aux indemnités
et primes indument perçues, à l’usage de faux textes d’intégration, à l’usurpation
de grades de militaires et policiers, à l’usage de fausses décisions d’engagement,
ce qui donne un total de faux et fictifs agents civils et militaires de 4909,
représentant une incidence financière annuelle de huit milliards trois cent
douze millions cinq cent soixante quinze mille quatre cent quatre vingt huit
(8.312.575.488) francs CFA au préjudice de l’Etat congolais.
Cette corruption ronge aussi la justice congolaise et constitue une de ses
faiblesses. Plus de corruption entraine moins de structures et infrastructures
viables, moins d’efficacité dans le travail.
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V. LE CADRE LEGAL SUR LES PRISONS ET DROITS DES DETENUS
Le cadre légal en matière des prisons et des conditions de détention concerne
l’ensemble des normes ou instruments juridiques internationaux dument ratifiés
par les Etats et la législation nationale en vigueur.
1. Au niveau international
Nous pouvons citer :
- La Déclaration Universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948
L’article 9 de cette déclaration dispose que : "Nul ne peut être arbitrairement
arrêté, détenu ni exilé".
L’article 10 précise que : "Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa
cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant
et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de
toute accusation en matière pénale dirigée contre elle".
L’article 11 ajoute que : "Toute personne accusée d’un acte délictueux est
présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au
cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui
auront été assurées".
- Le Pacte International relatif aux droits civils et politiques
Adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l’adhésion par l’assemblée
générale dans sa résolution 2200 a (XXI) du 16 décembre 1966.
L’article 9 dudit pacte prévoit que : "Tout individu a droit à la liberté et à la
sécurité de sa personne".
1. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne
peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs, et conformément à la
procédure prévus par la loi.
2. Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons
de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute
accusation portée contre lui.
3. Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit
dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à
exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou
libéré. La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit
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pas être de règle, mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties
assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les autres actes de la
procédure et, le cas échéant, pour l’exécution du jugement.
4. Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit
d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur
la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
5. Tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à
réparation."
L’article 10 complète :
"1. Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et dans le
respect de la dignité inhérente à la personne humaine".
2. a) Les prévenus sont, sauf dans des circonstances exceptionnelles, séparés
des condamnés et sont soumis à un régime distinct, approprié à leur condition de
personnes non condamnées ;
b) Les jeunes prévenus sont séparés des adultes et il est décidé de leur cas aussi
rapidement que possible.
3. Le régime pénitentiaire comporte un traitement des condamnés dont le but
essentiel est leur amendement et leur reclassement social. Les jeunes
délinquants sont séparés des adultes et soumis à un régime approprié à leur âge
et à leur statut légal."
- La Convention contre la torture et autres peines traitements cruels, inhumains
ou dégradants.
L'ayant ratifiée en 2003, la République du Congo fait partie des Etats ayant
l’obligation de respecter et de faire respecter cet instrument qui protège les
droits de l’Homme en général et ceux des détenus en particulier.
L’article 2 de cette convention dispose que « Tout Etat partie prend des mesures
législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour
empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa
juridiction». Cette convention fait une interdiction stricte de recours aux
pratiques ou traitements cruels, inhumains et dégradants.
- Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus
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Ces règles ont été adoptées par le premier Congrès des Nations Unies pour la
prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et
approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV)
du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.
Dans ses observations préliminaires cet instrument de base précise ce qui suit :
1. "Les règles suivantes n'ont pas pour objet de décrire en détail un système
pénitentiaire modèle. Elles ne visent qu'à établir, en s'inspirant des
conceptions généralement admises de nos jours et des éléments essentiels
des systèmes contemporains les plus adéquats, les principes et les règles
d'une bonne organisation pénitentiaire et de la pratique du traitement des
détenus.
2. Il est évident que toutes les règles ne peuvent pas être appliquées en tout
lieu et en tout temps, étant donné la grande variété de conditions
juridiques, sociales, économiques et géographiques que l'on rencontre dans
le monde. Elles devraient cependant servir à stimuler l'effort constant
visant à leur application, en ayant à l'esprit le fait qu'elles représentent,
dans leur ensemble, les conditions minima qui sont admises par les Nations
Unies.
3. D'autre part, ces règles se rapportent à des domaines dans lesquels la
pensée est en évolution constante. Elles ne tendent pas à exclure la
possibilité d'expériences et de pratiques, pourvu que celles-ci soient en
accord avec les principes et les objectifs qui se dégagent du texte de
l'Ensemble de règles. Dans cet esprit, l'administration pénitentiaire
centrale sera toujours fondée à autoriser des exceptions aux règles."
2. Au niveau régional
La charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981, entrée
en vigueur le 21 octobre 1986 est le document de référence. Ce document
coercitif qui fait autorité dans la région Afrique dispose un certains nombre des
droits en faveur de la population carcérale qu’aucun n’Etat ne saurait violer.
L’article 4 : « la personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au
respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut
être privé arbitrairement de ce droit.»
L’article 5 : « tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la
personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes
formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme, notamment l’esclavage, la
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traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants sont interdites ».
L’article 6: « Tout individu a droit à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être
privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement
déterminés par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu
arbitrairement ».
3. Au niveau national
- La Constitution
La Constitution congolaise du 20 janvier 2002 énonce en son article 9 : « La
liberté de la personne humaine est inviolable.
Nul ne peut être arbitrairement accusé, arrêté ou détenu.
Tout prévenu est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie à
la suite d’une procédure lui garantissant les droits de défense.
Tout acte de torture, tout traitement cruel, inhumain ou dégradant est
interdit ».
En plus de la Constitution, il existe tout un arsenal juridique régissant
l’organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires.
Il s’agit des textes généraux notamment des Arrêtés du ministère de la justice
et des droits humains tels que :
- L’arrêté n°12897 du 15 septembre 2011 fixant les attributions et
l’organisation des services et des bureaux de la direction générale de
l’administration pénitentiaire, conformément aux dispositions de l’article
19 de décret n°2011-494 du 29 juillet 2011 ;
- L’arrêté n°12898 du 15 septembre 2011 fixant les attributions et
l’organisation des directions départementales de l’administration
pénitentiaire, conformément aux dispositions de l’article 17 du décret
n°2011-494 du 29 juillet 2011 ;
- L’arrêté n°12899 du 15 septembre 2011 fixant les attributions et
l’organisation des maisons d’arrêt et l’arrêté n°12900 du 15 septembre
2011 portant règlement intérieur des maisons d’arrêt.
Nous allons plus nous atteler sur les deux derniers arrêtés dans le cadre de ce
rapport.
L’article 2 de l’arrêté n°12899 dispose que : "Les maisons d’arrêt sont des lieux
de détention qui reçoivent les prévenus et les condamnés, en vertu d’un titre de
détention légal."
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Il s’agit des 17 maisons d’arrêt ci-après :
 Maison d’arrêt de Brazzaville ;
 Maison d’arrêt de Pointe-Noire ;
 Maison d’arrêt de Dolisie ;
 Maison d’arrêt de Mouyondzi ;
 Maison d’arrêt de Mossendjo ;
 Maison d’arrêt de Sibiti ;
 Maison d’arrêt de Madingou ;
 Maison d’arrêt de Djambala ;
 Maison d’arrêt de Gamboma ;
 Maison d’arrêt d’Oyo ;
 Maison d’arrêt d’Owando ;
 Maison d’arrêt de Mossaka ;
 Maison d’arrêt de Ouesso ;
 Maison d’arrêt d’Impfondo ;
 Maison d’arrêt de Kindamba ;
 Maison d’arrêt de Kinkala ;
 Maison d’arrêt d’Ewo.
Le chapitre 2 sur les attributions prévoit en son article 3 que : "Les maisons
d’arrêt sont des services déconcentrés chargés, notamment, de :
 Appliquer la politique gouvernementale en matière pénitentiaire ;
 Recevoir les personnes placées sous mandat de justice ;
 Faire exécuter les peines privatives de liberté conformément à la
législation et la réglementation en vigueur ;
 Veiller aux conditions humaines de détention ;
 Assurer la formation scolaire professionnelle et technique ;
 Garantir l’hygiène, la santé, la bonne alimentation et l’exercice du culte
religieux des détenus ;
 Favoriser l’équilibre relationnel entre le détenu, la famille et la société ;
 Préparer la resocialisation des détenus ;
 Collaborer avec les personnes, les associations des droits de l’homme et
les organismes humanitaires intéressés aux problèmes des détenus ;
 Suivre les projets d’exécution des peines mis en place par le juge de
l’application des peines."
Chaque maison d’arrêt comprend, suivant les dispositions de l’article 5 du
chapitre 3 de l’organisation :
 le service de la surveillance ;
 le service de la détention ;
 le service du greffe judiciaire et des transfèrements ;
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







le service de l’intendance ;
le service administratif et du personnel ;
le service social ;
le service de l’évaluation et de l’orientation ;
le service de coordination des unités de production ;
le service des enseignements ;
le service de l’animation culturelle et sportive ;
le service médical et d’hygiène.
L’article 11 de la section 6 du même arrêté dispose que : "Le service social est
dirigé et animé par un chef de service qui a rang de chef de bureau.
Il est chargé, notamment, de :
 Accueillir et informer les prévenus sur leurs droits et devoirs ;
 Favoriser l’équilibre relationnel entre le détenu, la famille, les institutions
juridictionnelles, administratives et financières ;
 Préparer la réintégration sociale et professionnelle dans la mesure du
possible ;
 Veiller aux conditions de santé, d’hygiène, de couchage et d’alimentation ;
 Suivre l’évolution des dossiers des prévenus ayant dépassé la durée légale
de détention préventive ;
 Communiquer à la hiérarchie la liste des libérés en précisant les adresses
post-carcérales ;
 Préparer et participer activement à la commission de l’application des
peines ;
 Appliquer l’aide multiforme aux détenus."
Du service médical et d’hygiène traité à l’article 16 de la section 11 nous pouvons
retenir ce qui suit : "Le service médical et d’hygiène est dirigé et animé par un
chef de service qui a rang de chef de bureau.
Il est chargé notamment de :
 D’assurer les premiers soins aux détenus ;
 Dépister les différentes pathologies dont ils sont porteurs ;
 Organiser l’évacuation des détenus malades dans les centres hospitaliers
compétents ;
 Veiller à l’état de propreté des cours, des cellules, des sanitaires, du
matériel de couchage et à la propreté corporelle des détenus ;
 Organiser les séances de désinfection de l’établissement avec le concours
des services d’hygiène ou tout autre organisation non gouvernementale
intéressée à la question ;
 Veiller, de concours avec le service social, à la conservation des aliments."
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L’arrêté n°12900 du 15 septembre 2011 portant règlement intérieur des maisons
d’arrêt est applicable, selon les dispositions de l’article 2, à l’ensemble des
maisons d’arrêt situées sur le territoire national.
Les missions de la force publique sont prévues à la section 2, l’article 5 les
énumère en ces termes : "La force publique a pour mission de :
 Assurer la sécurité de l’établissement en vue de prévenir les agressions,
les intrusions extérieures et les éventuelles et évasions ;
 Assurer la sécurité des personnels de l’administration, des détenus, ainsi
que de leurs biens au sein de l’établissement pénitentiaire ;
 Assurer le maintien de l’ordre dans l’établissement lorsque celui-ci est
troublé ;
 Renforcer les mesures de surveillance dans l’établissement lorsque le
besoin se fait sentir ;
 Extraire les détenus pour leur présentation aux autorités judiciaires
compétentes ;
 Remettre les détenus à la disposition du personnel pénitentiaire en vue de
leur réintégration dans les cellules."
Le chapitre 4 traitant des missions des agents pénitentiaires dispose en son
article 7 que : "Le personnel pénitentiaire a pour missions :
 Assurer la sécurité intérieure de l’établissement ;
 Gérer le régime de la détention ;
 Veiller à la sécurité de tous les quartiers de l’établissement ;
 Procéder quotidiennement aux contrôles physiques des détenus et aux
fouilles en cas de nécessité ;
 Ouvrir et fermer les cellules ;
 Organiser les affectations des détenus dans les quartiers selon la
catégorie pénale ;
 Gérer au quotidien les détenus selon leurs régimes pénitentiaires."
Créées entre les années 1945 et les années 1960, les maisons d’arrêt en
République du Congo n'ont jamais été modernisées et ne répondent pas aux
normes de sécurité requises et permettant la réadaptation des détenus.
VI.
LE FOSSE ENTRE LA LOI ET LA PRATIQUE
Les visites des lieux de détention avaient pour but de vérifier le respect des
normes régissant les conditions dans lesquelles les personnes placées en
détention doivent être incarcérées. Conditions qui reposent essentiellement sur
un principe de base : l’obligation de traiter les détenus avec dignité et humanité.
Ce principe oblige au respect de règles minimales en matière de séparation des
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catégories de détenus, de locaux de détention, d'hygiène, d'alimentation, de
soins médicaux, d'information des détenus sur leurs droits, de discipline et
punitions, de contact et communication avec le monde extérieur etc.
L'Observatoire Congolais des Droits de l’Homme (OCDH) estime que les
conditions de détention n'ont pas connu d'avancée majeure en République du
Congo et que l'objectif de protéger la société par les pouvoirs publics reste "une
utopie".
1. La population carcérale
Construites entre les années 1945 et 1960, les prisons du Congo font face à une
surpopulation carcérale, avec toutes les conséquences néfastes que cela
entraîne.
La surpopulation carcérale est la conséquence immédiate de l’évolution
démographique. L’architecture des établissements pénitentiaires rend impossible
l’atteinte des objectifs assignés conformément aux normes et standards
internationaux en la matière. A titre d’exemple, la maison d’arrêt et de
correction de Brazzaville, la plus grande dans le pays a été construite pour une
capacité d’accueil de 150 personnes, elle hébergeait en 2011 environ 600
détenus. Depuis les événements du 4 mars 2012 relatifs aux explosions des
dépôts de munition d’armes de guerre du régiment blindé de Mpila ayant conduit
à l’arrestation de plusieurs officiers supérieurs et sous officiers, elle
accueillerait aujourd'hui environ 700 détenus selon les responsables de la maison
d’arrêt. La prison de Pointe Noire, construite pour une capacité d’accueil de 75
personnes, héberge 304 détenus (statistiques 11 octobre 2012).
Ce phénomène de surpopulation en milieu carcéral ne laisse pas les détenus
indemnes. Ils sont par conséquent victimes de traitements inhumains, cruels et
dégradants. Plusieurs facteurs interviennent pour élucider cette question de
surpopulation qui gangrène les prisons et ses populations en République du Congo.
Il s’agit de:
-
La longue durée de détention préventive : Les détenus restent des mois et
même des années en détention avant d’être jugés ou relaxés au mépris des
délais légaux ;
-
La non régularité des sessions criminelles : par manque d’indépendance
financière pour les cours et tribunaux, les Cours d’Appel (C.A) en
République du Congo tiennent difficilement les sessions criminelles. Elles
peuvent passer plus de cinq ans sans organiser des sessions criminelles,
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pendant que les maisons d’arrêt ne font que recevoir les prévenus. Dans la
ville de Dolisie par exemple, la dernière session criminelle date de 2008
et, celle de Brazzaville date de 2010 ;
-
Le déficit des magistrats : les cours et tribunaux fonctionnels restent
sous équipés en personnel. Excepté la ville de Brazzaville, capitale politique
et celle de Pointe Noire, capitale économique, où l’on peut trouver un
effectif peu appréciable des magistrats pour réguler les fonctions de
justice. A l’intérieur du pays c’est le chaos ;
-
Les procédures d’arrestation : elles ne sont généralement pas observées
au regard des dispositions du code de procédure pénale. Ce qui justifie le
caractère illégal et arbitraire des arrestations auxquels se livrent les
officiers de police judiciaire et les magistrats et le recours systématique
à la détention même pour des faits mineurs ;
-
Crédits dérisoires affectés aux pénitenciers : l’absence d’une réelle
volonté des pouvoirs publics vis-à-vis des prisons fait que les crédits
alloués aux pénitenciers ne tiennent pas compte des questions carcérales
et les défis majeurs y relatifs.
La mise à l’écart, la garde et la surveillance des personnes incarcérées constitue
l’une des missions traditionnelles des prisons. Si les prisons sont dotées, depuis
leur conception architecturale, d’un système de sécurité décourageant toute
tentative d’évasion, cela n’est pas encore le cas dans nos prisons qui restent
très perméables par suite de négligence ou de complaisance du personnel de
garde et par défaut de système d’alarme adéquat.
La population carcérale est composée des prévenus et des condamnés. Ces deux
catégories de détenus ne sont pas dans des cellules distinctes dans les prisons
congolaises.
Il n’existe pas de recensement national des condamnés et prévenus par
catégorisation, les statistiques sont mal tenues, voir inexistantes. Il faut noter
qu’en République du Congo, la quasi-totalité des personnes ayant fait l’objet d’une
condamnation dispose d’un casier judicaire vierge. Les registres sont mal suivis à
cause de la non informatisation des fichiers, et il y a des cas fréquents
d'évasion, parfois avec la complicité des responsables pénitentiaires.
Le phénomène de surpopulation carcérale est aussi une réalité dans les centres
disciplinaires (commissariats et brigades de gendarmerie). Dans ces locaux, les
délais de garde à vue de 72 heures prévus pour une enquête préliminaire ne sont
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pas souvent respectés. Les individus passent des semaines, voire des mois en
garde à vue. Selon les responsables, cette pratique est justifiée par la
surpopulation des cellules de la maison d’arrêt.
Ce qui fait que certains commissariats de police et brigades de gendarmerie sont
transformés en maison d’arrêt. Les parquets délivrent des mandats de dépôt aux
commissaires de police et chefs de brigades de gendarmerie pour héberger les
détenus qui sont censés être dans les maisons d’arrêt pour essayer de
désengorger les geôles. Cette situation met souvent en conflit les responsables
de commissariats, de brigades de gendarmerie et les procureurs de la
République.
Les commissaires de police et chefs de brigades de gendarmerie, étant
hiérarchiquement soumis aux procureurs de la République, sont obligés de voir
leurs locaux être envahis par des détenus entassés dans des cellules minuscules
destinées à la garde à vue sans prise en charge médicale et/ ou nutritionnelle.
Ces officiers de police judiciaire cumulent les fonctions d’auxiliaires de justice
et de régisseurs, alors qu’ils n’ont pas de connaissances avérées en matière de
gestion des prisons et des détenus.
Dans certaines maisons d’arrêt, les détenus ne sont pas repartis par rapport aux
chefs d’inculpation. Tous sont ensemble et l’unique répartition est basée sur le
sexe. Ces pratiques sont la résultante du manque des cellules. Or cette
répartition n’est pas sans conséquence sur le vécu de la population carcérale,
même du point de vue des rapports entre les détenus. Les cellules ne sont pas
fermées, la journée les détenus se retrouvent tous à la cour de la prison.
La prise en compte de la situation spécifique de la population des mineurs n’est
pas observée dans 16 prisons en République du Congo soit un pourcentage de
94,11%. Il n'y a pas de structures de mineurs ou de l’enfance délinquante et ces
derniers sont détenus dans les mêmes cellules que les grands bandits (condamnés
et prévenus). Cette promiscuité ne fait que préparer le terrain pour donner
naissance à des futurs délinquants. Par ailleurs, pour tenter de résoudre ce
problème de cohabitation, les mineurs sont parfois remis à la disposition des
parents sur la base de la confiance faite aux parents.
La consommation de drogue en milieu carcéral est importante. Il faut dire que
cette substance est considérée comme une sorte de consolation au sein de cette
population qui n’a pas où se distraire, car privée de toute activité intellectuelle,
sportif etc. Certains individus sont placés dans des geôles déshabillés
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complètement et d’autres à moitié nus au mépris du caractère sacré de la dignité
humaine. Selon les sources, cela est pratiqué pour éviter les cas de pendaison.
2. Le personnel non qualifié et en sous-effectif
La question du personnel au niveau de l’administration pénitentiaire en République
du Congo pose d’énormes problèmes. Ces problèmes sont liés à l’insuffisance et
au statut du personnel puis au manque de formation adéquate. Il est difficile de
trouver dans les prisons en République du Congo des spécialistes en sociologie,
psychologie et en psychiatrie. Elles contiennent plus les agents de force publique
et autres branches sociales.
Le personnel des maisons d’arrêt en République du Congo n’est pas suffisamment
formé pour être apte à exécuter les missions qui lui sont assignées. En outre, on
note un déficit en personnel de surveillance. D’où la nécessité d’un renforcement
de capacités et d’une formation pour un personnel qualifié.
Pour illustration, à Ouesso, la surveillance de la population carcérale est assurée
par le personnel civil, c’est-à-dire le régisseur et ses collaborateurs. Aucune
présence de force publique n’est à signaler. Cette situation est de nature à
favoriser les évasions. Par contre, dans les établissements publics et privés de la
ville, on note la présence des agents de force publique pour assurer l’ordre et la
sécurité desdits établissements.
Les cours et tribunaux peinent dans leur travail à cause de piles des dossiers
inversement proportionnelle au nombre des magistrats. A Ouesso par exemple,
chef lieu du département de la Sangha (le département de la Sangha comprend
05 districts) on note à peine six magistrats pour l'ensemble du département,
dont trois affectés au tribunal de grande instance (TGI) avec compétence sur
toutes les affaires de son ressort et trois autres en service à la Cour d’Appel
(CA). Alors même que, selon les responsables judiciaires, la ville de Ouesso est
réputée comme zone criminogène.
Ce déficit en personnel qui est une réalité sur l’ensemble du territoire a pour
corollaire l'irrégularité des audiences. Les tribunaux ne tiennent pas d'audiences
parfois pendant plus de quatre mois. Les magistrats abandonnent de temps à
autre leur poste pour se rendre dans les localités où ils doivent percevoir leur
salaire et le plus souvent dans les grandes villes. Une fois arrivé hors des lieux
de résidence, ils ne pensent même plus retourner aussi vite pour évacuer les
dossiers en instance, alors que la population est souffrante en détention. A ces
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maux, s’ajoute les vacances judiciaires prolongées et le manque d’indépendance
des magistrats qui affectent gravement la vie en détention.
3. La vétusté des locaux et les mauvaises conditions d’hygiène
Les normes internationales énumèrent certaines conditions à respecter en ce qui
concerne l’hébergement des détenus dans les locaux de détention et l’hygiène qui
doit y régner. Actuellement il faut dire qu’en République du Congo toutes les
prisons sont en mauvais état. Certaines d’entre elles par le passé se sont même
écroulées sous le poids de l’âge et d’autres ont été fermées.
Conformément à l’article 627 du code de procédure pénale, « chaque maison
d’arrêt doit comprendre deux quartiers distincts suivant le genre de vie des
prévenus ».
Il existe dans la prison de Dolisie un « quartier de femmes » avec une cour et
une cellule mais qui n’est pas fonctionnelle. Cela est problématique au cas où des
détenus-femmes arriveraient dans la Maison d'arrêt de Dolisie. Les prévenus et
les condamnés sont dans les mêmes cellules.
La Maison d’Arrêt centrale de Brazzaville est une vielle bâtisse aux allures de
forteresse construite dans les années 1943-1944 avec une capacité d’accueil de
près de 150 détenus. Elle comporte dix neuf cellules dont certaines sont
défectueuses.
Ce pénitencier est structuré en quartiers :
- Un quartier pour les délinquants dangereux (récidivistes) ;
- Un quartier pour les fonctionnaires ou cadres ;
- Un quartier pour les délinquants primaires.
La maison d’arrêt de Ouesso fonctionnelle depuis le 18 juillet 2012 comprend :
- Un seul quartier pour cinq (5) cellules destinées aux hommes ;
- Une cellule des cadres non utilisable à cause de son mauvais état.
La maison d’arrêt de Madingou est non réhabilitée. Cependant, un ancien
bâtiment administratif a été aménagé pour accueillir les détenus. Ce bâtiment
comprend quatre cellules :
- Deux (2) cellules pour hommes ;
- Une cellule pour femmes
- Une cellule transformée en cuisine.
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La maison d’arrêt de Pointe Noire, construite en 1930 et réhabilitée en 2003
comprend :
- Douze (12) cellules ordinaires
- Cinq (5) cellules VIP
Les petites cellules ont des dimensions de 1,75 X 3 mètres.
La construction de ces bâtiments ne permet pas un cubage d’air suffisant. La
surface minimum que doit occuper un détenu n’est pas observée, la lumière
artificielle est absente dans les prisons. Il n'y a pas de système de ventilation,
les cellules sont hermétiquement fermées et ne permettent pas la circulation
d’air frais.
Les murs des cellules sont en général très sales avec une humidité omniprésente.
Dans certains bâtiments, le plafond est fait de planches placées les unes après
les autres, ce qui peut favoriser les cas de pendaisons. La vétusté des locaux
fait que pendant les pluies, les détenus se retrouvent dans une situation
inimaginable. Aussi, à cause de cette vétusté, les conditions sécuritaires ne sont
pas remplies, ce qui occasionne souvent les évasions.
Par ailleurs, les détenus passent des nuits à même le sol insalubre avec des
vêtements non appropriés dans un environnement malsain, exposés aux odeurs
nauséabondes d’ordures et d’urine depuis l’entrée des cours. Les prisons au
Congo ne disposent pas de mécanisme adéquat d’évacuation des eaux usées. Ces
eaux, ruisselant, les rats, les insectes et les moustiques pullulent et animent les
cellules.
Cette population carcérale dans la quasi-totalité ne dispose pas de literie. Ils
leurs manquent de l’eau potable et de l’eau à usages divers, des installations
sanitaires en quantité suffisante, des salles de bain et même de la lumière
naturelle ou artificielle.
Les objets de fortune sont utilisés dans les maisons d’arrêt pour satisfaire aux
besoins naturels. Dans les maisons d’arrêt où l’on trouve des sanitaires comme
dans les villes de Brazzaville, Pointe Noire et Ouesso, leur nombre est en
quantité insignifiante et dans un état délabré. La pénurie d’eau amène les
détenus à entretenir la saleté et à ne pas garder les lieux en parfait état
d’entretien.
Dans les commissariats de police et Brigades de gendarmerie qui, de temps à
autre, se transforment aussi en ersatz de maisons d’arrêt, les gardés à vue et
les détenus qui y sont affectés font tous les besoins ensemble (matières
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fécales, urines etc.) dans la cellule même où ils passent des nuits faute
d’installation sanitaires. Une illustration concrète du mépris de la dignité
humaine et de la perte de l’intimité. Ce qui pousse à dire que les êtres humains
sont moins bien traités que les animaux.
Il n'y a pas de budget de fonctionnement pour ces commissariats et brigades de
gendarmerie, les responsables de ces établissements utilisent les “moyens du
bord”, c’est-à-dire pratiquer de la concussion en faisant payer les convocations
et en prélevant des sommes forfaitaires à la sortie de la garde à vue. Travaillant
dans des conditions inacceptables, la garde à vue s'est avérée un bon marché
pour les officiers de police judiciaire.
Les centres carcéraux au Congo n’offrent même pas le strict minimum d’un
séjour carcéral. L’omniprésence de la saleté est vectrice de plusieurs maladies
de la peau, de la prolifération du paludisme et des maladies contagieuses comme
la tuberculose. Sans eau pour se laver et nettoyer leurs locaux et leurs
vêtements, les détenus passent des semaines sans être en contact avec l’eau,
leurs sous vêtements ne sont pas changés régulièrement.
Le gouvernement congolais, à travers le projet d’Action pour le renforcement de
l’Etat de droit et des Associations (PAREDA) avec l’appui de l’Union européenne
(UE) a mis en place un programme intitulé « les conditions de détention et la
protection juridique des détenus dans les deux maisons d’arrêt principales du
pays et autres centres de détention ». Il se présente comme suite :
-
Réhabilitation des prisons de Brazzaville, Pointe Noire et Dolisie ainsi que
le cachot du commissariat de Pointe Noire d’ici 2013 ;
-
Une subvention de 100.000 Euros sera attribuée au Bureau National pour
assurer la défense des détenus préventifs indigents dans les prisons de
Pointe Noire, Brazzaville et Dolise ;
-
Une formation aux agents pénitentiaires sur la gestion administrative des
prisons et la psychologie des détenus d’ici 2013.
Le ministère de la justice a entrepris de construire des prisons à Djambala,
Ouesso et Owando. A Djambala les travaux n’ont pas encore démarrés. Ces
activités restent un chantier ouvert
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4. La sous alimentation
Les normes nationales et internationales sont bafouées en République du Congo.
La question de la nutrition est un véritable casse tête dans les prisons et dans
les établissements de garde à vue. L’Etat apporte aux détenus une assistance
alimentaire médiocre. Ce sont plutôt les parents qui volent au secours des leurs.
Le repas ne se donne qu’une seule fois par jour si dotation il y a. La raison
avancée par les autorités est simple : soit le budget ne répond pas à l’affluence
massive des détenus, soit le budget alloué est insignifiant. On peut citer la
tragédie à la maison d’arrêt de Pointe Noire. En octobre 2012, la ration
alimentaire des détenus était prévue pour 200 personnes, alors qu’elle accueillait
déjà 304 détenus. Les détenus sont nourris généralement du riz, du poisson
grillé, des produits congelés et du pain. Selon les détenus, le repas est toujours
mal préparé et non équilibré. Ce qui est souvent le prélude des maladies
gastriques.
Ainsi, suite à cette situation alarmante plusieurs cas de grève de faim ont été
observés dans les prisons en République du Congo. En octobre 2010 et novembre
2011, aux maisons d’arrêt de Dolisie et de Brazzaville, les autorités ont dû
intervenir après un soulèvement des détenus à cause de l’insuffisance de la
nourriture.
De même, dans les commissariats et brigades de gendarmerie, lorsque le rythme
de l’apport des parents se ralentit, les commissaires et chefs de brigade
exercent une pression sur les procureurs de la République afin que les parquets
les prennent en charge de manière à ce que cela ne soit pas un poids
supplémentaire.
5. Un système de santé défaillant
Dans ce domaine aussi les normes en matière de santé ne sont pas respectées. Il
a été remarqué que la santé des détenus est très déplorable suite aux manques
de soins médicaux adéquats. Les détenus gravement malades devraient en
principe bénéficier d’un transfert immédiat vers un centre hospitalier le plus
proche. Dans la réalité, ce transfert est fait en retard et entraine de nombreux
décès.
A la maison d’arrêt de Dolisie et de Pointe Noire, il y a des détenus qui souffrent
de maladie telle que la dermatose, mais l’infirmerie de ces maisons d’arrêt ne
dispose pas de moyen qu’il faut pour prendre en charge ces cas. Généralement,
les parents viennent en aide.
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Le transfert des détenus vers les hôpitaux pose également un réel problème.
Ceux qui disposent des moyens financiers sont tout de suite évacués, alors que
les démunis ne sont généralement transférés que lorsqu’ils sont pratiquement à
l’agonie. Force est de constater qu’une fois transférés dans ces lieux, ils sont
tellement abandonnés à eux mêmes que très peu survivent.
La situation est souvent difficile pour les étrangers dont certains se sont
introduits illégalement au Congo ou qui ne disposent pas de parents ou d’amis
pouvant leur venir en aide lorsque l’assistance de l’Etat est défaillante ou
lacunaire en cas de maladie.
Les centres carcéraux manquent des structures de santé adéquates. Si le centre
hospitalier universitaire (C.H.U) de Brazzaville, grande vitrine en matière de
santé en République du Congo présente un état de dénuement extrême, la
situation est loin d’être meilleure dans les centres d’infirmerie placés à
l’intérieur de centres carcéraux. Les prisons sont dotées de centres d’infirmerie
pour la plupart non fonctionnels. Là où ils sont fonctionnels, le personnel est soit
absent soit insuffisant avec un sous équipement du matériel. Les détenus ne font
pas l’objet de visites médicales au moment de leur admission. Le suivi médical des
détenus ne se fait pas.
A la prison de Brazzaville, la « fondation EBINA » jouit d’une notoriété à cause
de son action en faveur des détenus malades. A l’intérieur du pays, en l’absence
des produits médicaux dans les infirmeries, le recours est toujours fait aux
services sociaux et médicaux de la localité. Dans ces cas, les soins sont gratuits
ou leurs coûts doivent parfois être supportés par les parents des détenus.
On constate des dérives parmi lesquelles l’utilisation des détenus aux travaux de
salubrité des établissements publics comme les hôpitaux afin de bénéficier de la
prise en charge en cas de maladie. Ces arrangements entre les responsables
pénitentiaires et les chefs des centres de santé ne font qu’aggraver la
souffrance de cette population.
6. La détention illégale/arbitraire et séquestration
Le terme détention s’entend de la condition d’une personne qui est privée de
liberté aux fins d’une enquête pour avoir commis une infraction à la loi pénale.
La constitution congolaise reconnaît expressément le droit de ne pas être arrêté
ou détenu arbitrairement (art.9 al.1) et le droit à la liberté de mouvements
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(art.16). Ces droits sont aussi proclamés dans les différents instruments
internationaux ratifiés par le Congo.
Cependant, malgré la consécration légale de ces droits, les autorités judicaires
et officiers de police judicaire versent souvent dans l’arbitraire à travers les
gardes à vue prolongées et les détentions préventives arbitraires et/ ou illégale.
Exceptionnellement, le code de procédure pénale permet en ses articles 121, 122,
123 et 625 de placer un individu en détention préventive pendant quatre mois
avec possibilité de prolongation ne pouvant excéder deux mois, notamment
lorsqu’il y a crainte que le prévenu puisse faire disparaître ou altérer les preuves,
ou encore lorsqu’il y a crainte que le prévenu puisse prendre la fuite et ainsi se
soustraire à la justice. Malheureusement, dans la pratique, les responsables des
parquets abusent de ce pouvoir et font de l’exception la règle.
En réalité, ce qui pose principalement problème c’est la lecture des textes et
leur application par des juges soumis à l'exécutif.
En cette matière de détention préventive et de liberté provisoire, le pouvoir
exécutif occupe une place déterminante dans la justice par l'intermédiaire du
parquet qui lui est hiérarchiquement soumis. Les mandats de dépôt sont pris par
les juges d'instruction à la requête du ministère public, c'est-à-dire du pouvoir
exécutif. Le même ministère public peut à tout moment requérir la détention
provisoire et la loi l'y autorise. Pour refuser d'exercer ce droit dans le sens de
la liberté, l'exécutif rétorque qu'il ne peut remettre en cause «l'indépendance
de la justice»,
En République du Congo, pour des faits aussi mineurs, il arrive souvent que des
individus croupissent en détention au mépris des délais légaux. A la maison
d’arrêt de Ouesso par exemple, il nous a été amené de constater la détention
prolongée de cinq (5) mois sans motivation d’un individu accusé de vol de deux
brouettes de sable. Une situation qui serait en principe réglée à l’amiable, va
amener le parquet à délivrer un mandat de dépôt.
Ce qui fait que, les vrais et faux prévenus passent des mois en détention en
violation des normes légales sans que cela n’interpelle personne. Par ailleurs,
certaines libertés sont quelquefois accordées suite à l’insistance des ONG de
défense des droits de l’homme à travers leurs actions de plaidoyer. Au moyen
d’un coup de fil, des personnes sont détenus illégalement grâce aux instructions
de certaines autorités lorsqu’elles manifestent l’intérêt de régler les comptes à
des citoyens avec lesquels ils ont des conflits.
Le recours excessif et systématique du parquet à la détention préventive jusqu’à
une durée indéterminée explique en partie le problème de la surpopulation
carcérale avec ces lourdes conséquences. Des pluies de mandats de dépôt sont
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délivrées par les magistrats qui, par la suite ne sont souvent pas en mesure d’en
assurer le suivi, car préoccupés par autres choses que la vie des individus en
danger dans les geôles des maisons d’arrêt.
Par ailleurs, pour éviter quelquefois le contrôle de la justice, certaines autorités
préfèrent séquestrer, c’est-à-dire garder des individus dans les lieux non
réglementaires qui échappent au contrôle du parquet. L’OCDH a été même saisi
pour une situation de séquestration accompagnée de sévices corporels de deux
citoyens (Nzambou Talassi Fanfan et Maba Ghyslain) dans des containers
métalliques pendant des jours à Brazzaville par des autorités militaires de la
garde présidentielle.
En dépit des multiples dénonciations de la société civile contre ces pratiques qui
ne font guère avancer notre Etat en matière de respect des lois et règlements
de la République et de respect des droits de l’homme, les autorités n'agissent
pas pour y mettre un terme.
Cas Amedé Delho Loemba.
Accusé de vouloir « conspirer contre le régime de Sassou en mettant en place un
programme de manifestation pacifique dans la ville de Pointe Noire », Amedé
Delho Loemba a été détenu dans les services spéciaux de Pointe-Noire avant
d’être transféré à Brazzaville puis détenu illégalement pendant près de deux ans
à la maison d’arrêt de Brazzaville puis relaxé sans jugement.
Cas Armand Bidounga.
Suite à la fuite de la ménagère du Directeur central de renseignements
militaires (DCRM) de Brazzaville pour maltraitance, M. Armand Bindounga, voisin
du DCRM soupçonné d’avoir des relations avec la fugitive a été arrêté puis
détenu à la Direction centrale de renseignements militaires pendant plusieurs
jours. Il a fallu l’intervention de l’OCDH pour qu’il soit libéré.
Cas Germain Ndabamenya Atikilome.
Comme trois de ses concitoyens congolais originaires de la République
Démocratique du Congo (RDC) exilés à Brazzaville, il avait été arrêté sans
mandat et a croupi pendant près d’une décennie dans les geôles de la Direction
centrale des renseignements militaires (DCRM) sans avoir, une seule fois, été
entendu par un magistrat. Les autorités congolaises de Brazzaville les accusaient
« d’intelligence avec une puissance étrangère et d’atteinte à la sûreté extérieure
de l’Etat ».
Ils ont été libérés respectivement en juillet, septembre et novembre 2012.
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7. L’absence de politique de rééducation et de réinsertion des détenus
La situation de l’univers carcéral congolais est pour l’OCDH une question
d’intérêt général. Après une longue période de monitoring sur les conditions de
détention et les droits des personnes privées de liberté, cette section éclaire
chacun sur l’usage qui est fait de l’emprisonnement et la réalité de ce qui se
passe entre les murs de nos prisons et l’après prison.
La réinsertion sociale est la reprise des activités quotidiennes et des relations
amicales et associatives. Les trois piliers de la réinsertion sociale sont: le
logement, l'éducation et l'emploi. Cela signifie que sans une réinsertion
professionnelle réussie, la réinsertion sociale est incomplète. La fourniture d’un
logement ou l’aide à la recherche de logement vise à apporter une certaine
stabilité dans la vie des anciens détenus. Mais, la surpopulation carcérale
résultant objectivement d’une politique brutale et erronée des arrestations
systématiques, arbitraires et prolongées affecte négativement le chapitre de la
réinsertion et rééducation des détenus. Cette situation qui a atteint un pic
inquiétant influe négativement sur la vie quotidienne dans les prisons et
constitue une épreuve humiliante de chaque instant.
En dépit de ce constat alarmant, l’administration pénitentiaire en République du
Congo ne présente aucune politique fiable et rassurante concernant la
réinsertion des ex détenus. Faire l’objet d’une condamnation ou d’une détention
préventive indéterminée comme il est de coutume au Congo est synonyme
d’hypothéquer son avenir.
Les autorités congolaises considèrent l’emprisonnement comme la peine la plus
appropriée et s’écartent de la logique de l’après prison. Pour eux, lorsqu’un
délinquant se trouve à la barre, justice est faite et ils ferment les yeux quant
aux objectifs que poursuit une peine privative de liberté à savoir : punir,
protéger la société, empêcher les récidives et préparer la réinsertion sociale des
délinquants en les aidant une fois la liberté retrouvée à être de bons citoyens
productifs et respectueux des lois. Or, atteindre ces objectifs relève de
l’utopie. L’expérience congolaise montre que la prison ne fait qu’empêcher le
délinquant de nuire et, encore temporairement.
La question est de savoir si les détenus sortent de prison reformés ou pas. Le
système carcéral congolais ne jugule pas le comportement des détenus. Aucune
mesure nécessaire d’investissement n’est prise dans la restauration de l’image
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que le détenu a de lui-même, ce qui est souvent annonciateur des infractions plus
graves et répétées.
Or, l’administration pénitentiaire doit être en mesure d’apporter une réponse
adaptée aux demandes d’emploi des détenus, en leur proposant par exemple une
activité adaptée à la formation reçue en prison. Malheureusement, les maisons
d’arrêt en République du Congo, au lieu d’être des lieux de rééducation et de
préparation à la réinsertion sociale du détenu, sont plutôt un environnement où
se crée une micro société composée de grands bandits pour ceux qui résistent
aux conditions de vie et une antichambre vers la mort pour ceux qui sont plus
fragiles.
Il est difficile d’imaginer qu’un détenu qui a subi des traitements injustes au
cours de l’exécution de sa peine puisse être un bon candidat à la réinsertion
sociale. A la sortie, le danger c’est qu’il peut régler ses comptes avec la société.
D’ailleurs, les maisons d’arrêt au Congo n’offrent pas les perspectives d’une
formation professionnelle.
Les détenus sortent des prisons sans avoir rien appris, ceux qui avaient
commencé à apprendre un métier avant l’incarcération perdent leur savoir
puisqu’ils ne sont pas en mesure de poursuivre la formation. Ainsi à la sortie de
la prison c’est-à-dire à la fin de la peine, c’est le début d’un calvaire pour l’exprisonnier qui n’a non seulement pas de ressources, mais pas de qualification
professionnelle.
Le pécule qui est la somme d’argent versée à un détenu lors de son
élargissement, fruit de l’activité professionnelle dans le cadre de la détention
n’existe pas en milieu carcéral congolais.
En République du Congo, aucune rééducation conséquente n’est assurée dans ces
établissements. D’ailleurs, à de rares exceptions, il n'y a pas de salles de classe
et de formateurs dans les prisons pouvant permettre aux détenus de continuer
leur formation scolaire. Le centre d’alphabétisation de la prison de Pointe Noire
par exemple, comprend 12 tables-blancs, un enseignant et un bénévole de la
paroisse catholique saint Jean Bosco. Peut-on dans ces conditions parler de la
préparation à la réinsertion sociale ?
Les maisons d’arrêt manquent de bibliothèques, de salles de jeux, bref
d’activités. D’où le recours incessant à la consommation de drogue et aux sales
besognes. Dans l’ensemble des établissements pénitentiaires la détention n’a pas
les effets souhaités pour une bonne réinsertion. Ceci résulte notamment de
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l’isolement du détenu, de la rupture avec la famille, les amis et la société mais
également du manque de formation du personnel pénitentiaire.
8. Les difficultés d’accès par les ONG en milieu carcéral
C’est au mépris de l’article 19 de la constitution et de l’article 9 de la Charte
africaine des droits de l’Homme et des peuples qui garantissent le droit à
l’information et l’accès aux sources d’informations que, les responsables des
différentes administrations en République du Congo entretiennent la culture du
secret. Les gestionnaires desdites administrations refusent de mettre à la
disposition des organisations non gouvernementales œuvrant pour la cause des
droits de l’homme des informations qu’ils jugent compromettantes.
Pour eux, il est hors de question de mettre en péril son poste. D’où, toute la
difficulté pour les défenseurs des droits de l’homme d’accéder aux centres
carcéraux afin de s’enquérir avec certitude de la situation des personnes privées
de liberté. Cependant, certains administrateurs épris de justice et de
changement parviennent quand même à se démarquer de cette conception unique.
A l'inverse, d'autres refusent, considérant que « les ONG sont à la solde des
puissances étrangères … »
Malgré l’existence d’un arrêté ministériel (l’arrêté n°12900 du 15 septembre
2011 portant règlement intérieur des maisons d’arrêt) qui consacre le droit de
visites aux ONG dans les établissements pénitentiaires, le travail des ONG sur le
monitoring des conditions de détention et des droits des personnes privées de
liberté reste un combat permanent.
Courant juin 2010, l’OCDH avait adressé un courrier au Procureur de la
République de Brazzaville en sa qualité de patron de la police judiciaire et, tenant
compte de ce que les officiers de police judiciaire lui sont hiérarchiquement
soumis, pour une demande d’autorisation d’accès dans la maison d’arrêt et les
locaux disciplinaires de la ville de Brazzaville.
En réponse à cette demande par le courrier n°1082 C-2010, le Procureur de la
République a fait remarquer que l’autorité compétente en la matière est le
Ministre de l’intérieur. S’adressant donc au Ministre de l’intérieur, ce dernier va
renvoyer l’OCDH vers le Procureur de la République qui avait déjà décliné sa
compétence. Finalement, un courrier référencé 00051O/02/2011 a été envoyé
par l’ex Ministre de la défense nationale à l’endroit de l’OCDH pour dire que les
deux ministères (Ministères de l’intérieur et de la défense) étaient en train
d’examiner la demande et au moment opportun donneraient une suite. Cette
promesse n’a jamais été tenue.
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Ce jeu de ping-pong n’est en réalité qu’une stratégie de manœuvres dilatoires
pour fermer les portes aux organisations de défense des droits de l’homme qui
travaillent sur les questions des droits des personnes privées de liberté.
9. L’absence d’un système d’aide judicaire
La République du Congo dispose d’une loi sur l’assistance judicaire qui serait un
instrument utile au service des détenus présentant une précarité extrême.
Malheureusement, cette loi de 1984 souffre de manque des textes d’application.
Les victimes démunies sont incapables de bénéficier des services d’un avocat
gratuitement et passent plus de temps en prison sans que leur cas ne puisse
connaître des avancées.
Les organisations de défense des droits de l’homme essaient de fournir des
conseils, des informations et de l’assistance judiciaire aux vulnérables à travers
des services d’écoute et des programmes d’aide juridique et judiciaire. Mais ces
services restent insuffisants et précaires puisque ces organisations dépendent
quasi exclusivement de financements extérieurs. Il n’existe pas de défenseurs
judiciaires publics, de centres ou services pour informer les citoyens sur leurs
droits et sur les procédures judiciaires ou des fonds pour soutenir le coût des
procédures.
Pendant le monitoring, 100% des détenus et ex-détenus interrogés ont déclaré
être insatisfaits des conditions générales de détention. Parmi les actions
prioritaires pour améliorer les choses, il s’agit : d’améliorer les conditions
d’hygiène, l’installation des sanitaires qui permettent de préserver l’intimité et la
dignité du détenu et le respect des droits fondamentaux, le travail-l’emploi-la
formation professionnelle et l’accompagnement à la sortie.
Malgré ces déclarations, aucun des détenus n’a pas pu porter plainte pour
condition de détention inhumaine. La raison est simple, ils ignorent leurs droits
de même que les mécanismes de protection de ces droits. D’où la nécessité de
sensibiliser cette couche de la société à part entière sur leurs droits afin de
mieux les connaitre et les faire respecter.
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VII. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
1. Conclusion
Le présent rapport présente le bilan d’une politique publique inadéquate et
inacceptable. Le constat dressé par l’OCDH pendant le monitoring des lieux de
privation de liberté fait état de violations graves des droits fondamentaux, au
regard des obligations incombant aux autorités publiques de préserver les
personnes détenues, en application des règles de droit international et même
national applicables, de tout traitement inhumain et dégradant.
Le droit à la vie et le droit d’être traité avec humanité et dignité font partie des
droits inaliénables quelles que soient les circonstances. Il y a ici tout l’intérêt
d’investir pour une meilleure politique de gestion des prisons afin d’introduire à
l’intérieur des murs des cachots les notions de respect de l’être humain. Car,
stopper les droits de l’homme à la porte des prisons, c’est rendre inefficace
l’objectif d’une peine privative de liberté et transformer le pénitencier en un
mouroir ou un lieu où l’on apprendrait à devenir récidiviste.
Les travaux de construction et de réhabilitation des prisons ont certes
démarrés avec l’appui de l’Union européenne (UE), mais ils sont insignifiants et ne
garantissent pas une réelle amélioration. Une initiative pourtant bonne mais nulle
en ce qu’elle ne concerne que quatre localités (Brazzaville, Pointe Noire, Dolisie
et Djambala) sur douze départements subdivisés en 86 sous-préfectures que
renferme de l’ensemble du territoire.
2. Recommandations
Pour rendre conforme l’univers carcéral congolais et permettre aux maisons
d’arrêt et de correction de jouer efficacement leur rôle, il y a nécessité de tenir
compte des recommandations suivantes :
Aux pouvoirs publics :
-
Organiser des Etats généraux de la condition pénitentiaire avec la société
civile et les avocats ;
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-
Généraliser et rendre effective les activités du projet PAREDA dans tous
les départements afin d’améliorer les conditions de vie carcérale par la
construction de Maisons d’Arrêt et de Correction modernes adaptées aux
traitements des détenus conformément aux normes internationales
actuelles ;
-
Elaborer et affecter le budget de fonctionnement de l’Administration
Pénitentiaire au prorata de la population carcérale sur toute l’étendue du
territoire national ;
-
Pérenniser l’initiative du PAREDA concernant la formation du Personnel
des Maisons d’Arrêt et les magistrats sur les notions de droits de
l’Homme ;
-
Reformer la loi portant organisation et fonctionnement de l’administration
pénitentiaire en tenant compte des textes internationaux en matière des
droits de l’homme ;
-
organiser une politique réaliste de rééducation et de réinsertion sociale
des détenus en :
a) systématisant la moralisation des détenus afin qu’ils deviennent des
personnes respectueuses des lois de la société ;
b) leur administrant une formation professionnelle susceptible de leur
permettre d’être productifs ;
c) les occupant aux diverses activités productives afin de développer
ou stimuler en eux des qualités pour une vie professionnelle ;
-
Restaurer le régime du pécule afin que grâce aux ressources générées par
les divers travaux (agriculture, élevage, menuiserie, maçonnerie, etc.) le
détenu puisse épargner des fonds qui lui permettraient, à la fin de la
peine, d’organiser sa vie ;
-
Mettre en place dans un délai raisonnable, un organe indépendant composé
des agents de l’Etat, de la société civile et des avocats chargé de veiller
aux conditions de détention et de vie dans les prisons ;
-
Respecter les dispositions de l’article 13 de l’arrêté n°12900 du 15
septembre 2011 portant règlement intérieur des maisons d’arrêt relatif au
droit de visite accordé aux ONG.
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-
-
-
Corriger la lenteur de l’appareil judiciaire en insérant dans les codes en
cours de révision la notion de la célérité des procès, ainsi que des
mécanismes de règlements à l’amiable pour des faits mineurs ;
Doter l’appareil judiciaire d’équipements de travail moderne, plus
performant et efficace et d’informatiser les services de greffe sur
l’ensemble du territoire national;
Demander à la Commission nationale des droits de l’Homme et aux
directions départementales des droits de l’homme de visiter
régulièrement les lieux de détention et de rendre public leurs rapports.
A la société civile
-
Appuyer les actions des pouvoirs publics en organisant des campagnes de
formation et d’information à l’endroit du personnel de l’administation
pénitentaire, et des détenus, particulièrement sur les questions de droits
de l’Homme.
-
Accorder une attention particulière à la situation des détenus en
apportant, si nécessaire, une assistance multiforme (médicale,
psychologique, alimentaire etc.)
A la communauté internationale
-
Appuyer les efforts de la société civile en matière de plaidoyer et de
monitoring sur les violations des droits de l’homme ;
-
Soutenir les pouvoirs publics dans leurs engagements à faire respecter les
normes d’un Etat de droit.
Au Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies
-
Interpeler le gouvernement congolais pour violation de ses engagements en
matière de des droits de l’homme et de traitement des détenus ;
-
Dépêcher une d’équipe d’experts afin d’enquêter sur les violations des
droits des personnes détenues.
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VIII. ANNEXE
1. Bibliographie
Ouvrages généraux
 La situation des droits humains dans le monde, Amnesty internationalRapport 2012 ;
 « L’obstination du témoignage ; Observatoire pour la protection des
Défenseurs des droits de l’homme » ; OMCT Réseau SOS-Torture ;
FIDH ; rapport annuel 2011 ;
 « La situation des droits humains dans le monde » ; AMNESTY
International ; rapport 2011 ;
 « Pratique de la torture et conditions de détention en République du
Congo » ; Université de droit Pierre Mendes France de Grenoble ;
Observatoire congolais des droits de l’homme ; Anne-Laure FAGESPLANTIER ; Master 2 ; promotion 2005-2006 ;
 « Procès en barbarie à Brazzaville » Dior Vagne et Jacques Verges ;
édition Jean Picollec ; 2000.
Ouvrages spéciaux
 « Combattre la torture » Fiche d’information numéro 4 des Nations unies ;
année d’édition non communiquée ;
 « Les droits de l’homme et les prisons » ; répertoire sur les normes
internationales relatives aux droits de l’homme à l’usage des agents
pénitentiaires ; série sur la formation professionnelle N°11 ; Haut
Commissariat des Nations unies au droits de l’homme ; Octobre 2005 ;
 « Série de formation professionnelle N°3 « Les droits de l’homme et la
détention provisoire » ; Manuel des Nations unies édicté par le centre
pour les droits de l’homme ; service d’édition non communiquée ;
 « Surveiller et enquêter en matière de torture et autres peines ou
traitements cruels ; inhumains ou dégradants et de conditions
pénitentiaires ; AMNESTY International et Codesria (conseil pour le
développement de la recherche en science sociale en Afrique «, 2001 ;
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 « Surveiller et enquêter en matière de violence sexuelle ; AMNESTY
International et Codesria », 2001.
Rapports
 « Les droits de l’homme en République du Congo » ; présenté par le
Gouvernement en application de l’article 19 de la convention contre la
torture », 2010 ;
 « La situation des droits de l’homme en République du Congo ; Examen
périodique » FIDH/ OCDH, 2009 ;
 « Entre arbitraire et impunité ; rapport sur les droits de l’homme au Congo
Brazzaville » ; OCDH/ FIDH ; avril 1998 ;
 « Rapport de situation : Arrestations arbitraires, présomption de
culpabilité : une trentaine de personnes privées de liberté », OCDH
novembre 2008 ;
 Fiche synthèse sur les conditions de détention dans les prisons du Congo,
Gouvernement-société civile 1998 ;
 « Rapport sur les prisons en République du Congo », OCDH 1996.
Articles
 Itoua Andrew ; « Les détenus dénoncent les conditions de détention » ;
IRIN (agence de presse des Nations unies 2006.
Instruments juridiques internationaux et nationaux régissant l’univers carcéral
 Règles minima pour le traitement des détenus, adopté par le premier
congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le conseil économique
et social dans ses résolutions 663 (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076
(LXII) du 13 mai 1977.
 La constitution congolaise du 20 janvier 2012
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Textes généraux du Ministère de la justice et des droits humains
 L’arrêté n°12897 du 15 septembre 2011 fixant les attributions et
l’organisation des services et des bureaux de la direction générale de
l’administration pénitentiaire, conformément aux dispositions de l’article
19 de décret n°2011-494 du 29 juillet 2011 ;
 L’arrêté n°12898 du 15 septembre 2011 fixant les attributions et
l’organisation des directions départementales de l’administration
pénitentiaire, conformément aux dispositions de l’article 17 du décret
n°2011-494 du 29 juillet 2011 ;
 L’arrêté n°12899 du 15 septembre 2011 fixant les attributions et
l’organisation des maisons d’arrêt et l’arrêté n°12900 du 15 septembre
2011 portant règlement intérieur des maisons d’arrêt.
OCDH ; Communiqués
 « Meurtre à la maison d’arrêt de Brazzaville : silence, les gendarmes
torture et tuent » ;
 « Paul Marie MPOUELE, prisonnier d’opinion : sur fond de processus
électoral biaisé, le gouvernement congolais déterminé à réduire au silence
les opposants 09 juillet 2012 » ;
 « Explosion du dépôt de munitions d’armes de guerre de Mpila : le mystère
sur ces causes s’alourdit sur fond de mépris des droits humains », avril
2012;
 « Libération des 35 détenus de Pointe-Noire : motus sur le sort de
Nsonguissa Moulangou et des trois détenus de la Direction centrale des
renseignements militaires » ;
 « Plus d’un mois de garde à vue au Commissariat de quartier de Diata
(Brazzaville), le Procureur de la République et autres restent insensibles,
14 janvier 2012 »;
 « Libération de Monsieur NDABAMENYA après huit années de
séquestration à la Direction centrale des renseignements militaires et à la
Direction générale de la surveillance du territoire: Incertitudes sur son
statut juridique et sur la réparation du préjudice subi, 05 septembre
2012 ».
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2. Comment contacter l’OCDH ?
Adresse électronique : [email protected]
Web :htt//blog.ocdh.org
Adresse physique : 32, avenue des 3 Martyrs immeuble Ntiétié, 1 er étage
Place de la station de bus de jane vialle, Moungali- B.P. 4021 Brazzaville,
République du Congo.
Adresse téléphonique : (00242) 05 553 15 73 / 05 5561 57 18
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