Texte d`accueil - Art contemporain en Languedoc
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Texte d`accueil - Art contemporain en Languedoc
26 QUAI ASPIRANT HERBER - 34 200 SETE - TEL: 04 67 74 94 37 - FAX: 04 67 74 23 23 S’INVENTER AUTREMENT SYLVIE BLOCHER 23 octobre 2015 – 31 janvier 2016 « […] il y a quelque chose en chacun de nous qui peut faire résistance pour s'inventer autrement. Une parole, un geste. Une pensée. »1 Sylvie Blocher Au fil d'une quinzaine d'installations vidéographiques récentes, d'une série de dessins et d'un projet participatif, l'exposition S'inventer autrement consacrée à l'artiste Sylvie Blocher déploie un ensemble de portraits qui procèdent d'un aller-retour constant entre soi, les autres et le monde. Les images vidéo et les dessins articulent l'intime et le politique, l'histoire individuelle et collective, le local et l'universel. Sylvie Blocher prend pour matière première l’humain. Elle s’intéresse à l’invisibilité des corps, au travers des visages, des voix, des mots. Elle « travaille » l'altérité et en prend le risque jusque dans ses modes de production, de vie, de déplacement. Le monde est son atelier. Les projets naissent au gré des invitations qu’elle reçoit et des possibilités qui s'offrent à elle dans un contexte donné. À Sète, elle réalise le projet in situ Qu'offrez-vous ? en invitant les habitants de Sète et des environs à venir la rencontrer munis d'un cadeau symbolique qui les engage. Les entretiens avec les participants à ses œuvres sont une étape primordiale du processus de création de l'artiste. À l'autoritarisme moderniste de l'artiste sur le modèle, elle substitue une économie esthétique basée sur l'échange et le partage des responsabilités. Ainsi, la participation des personnes n'est pas rémunérée. En échange, elles reçoivent un original de leur passage en vidéo ou une phrase écrite, signés par l'artiste. Au cours de l'entretien, Sylvie Blocher cherche à provoquer un lâcher-prise, qui libère les affects et crée de l'imaginaire : l'art comme potentiel d'émancipation. « L'altérité permet une autre conscience du monde. L'altérité, c'est l'acceptation d'un corps morcelé, d'un corps multiple qui perturbe la linéarité de l'autorité, la questionne et peut produire un désordre intérieur. […] L'imaginaire, c'est une vacance du contrôle, de l'autorité, qui permet aux pensées désirantes de se dérouler, d'extraire des émotions chassées ou interdites. C'est ce relâchement de l'autorité, même l'espace d'un court instant, qui permet d'activer et de performer un autre mode de soi à soi, de soi aux autres. Je lui donne le nom de double touché-e. » 2 Sylvie Blocher 1 2 Sylvie Blocher Le double touché-e, Maud Benayoun, Archibooks + Sautereau Éditeur, Paris, 2014, p.80. op. cit. p.62 DREAMS HAVE A LANGUAGE 2015, dispositif vidéo PART 1 / OFF THE GROUND Quadruple projection sur structures en contreplaqué Vidéos tournées avec 100 personnes du Luxembourg et du Grand Est. Production Mudam et Tarantula Luxembourg Avec la participation de Fantasmagorie. Courtesy de l’artiste « Du 5 nov. au 1 déc. 2014 j’ai transformé le grand hall d’entrée du Mudam, Musée du Grand Duc Jean au Luxembourg, en un espace d’expérimentation et de tournage. Suite à une annonce postée sur internet et dans la presse, 100 personnes se sont présentées avec 1 idée pour changer le monde. Je les ai reçues chacune pendant une heure. Nos échanges ont eu lieu dans une serre nous protégeant des bruits du musée. Puis chacune d’elles a pu se détacher du sol jusqu’à une hauteur de 12m, grâce à une machine de vol. Tous les participants ont reçu une photographie de leur état de suspension. Chaque soir j’ai monté les extraits vidéos, et les ai ajoutés au fur et à mesure sur les quatre écrans de l’installation OFF THE GROUND située juste en dessous du grand hall, dans mon exposition S’INVENTER AUTREMENT. Puis j’ai écrit un scénario avec les propos recueillis dans la serre et j’ai réalisé avec Donato Rotuno et Tarantula film, une fiction DREAMS HAVE A LANGUAGE, part 2, dans laquelle certains participants sont venus jouer et témoigner. » SB LIBÉRATION 2013-2014, série de dessins sur les “unes” du journal Libération Peinture ardoise et craie sur papier Courtesy de l’artiste « Pendant de nombreuses années, mon rapport à l’information est passé par les journaux, notamment par le journal Libération. Ma relation à ce journal est complexe. Elle est faite d’amour et de désamour, comme dans un couple. Quand j’étais étudiante je le vendais avec un ami dans les restaurants universitaires de Strasbourg. C’était “notre” journal avec ses articles de philosophes et de penseurs que nous aimions. Puis dans les années 1990, “tout horizon d’attente” a semblé quitter Libération. Ne sont plus restées que les images. Je ne l’ai plus acheté que par intermittence. L’année dernière, j’ai décidé de recouvrir les unes quotidiennes du journal de peinture de tableau d’école, d’y retenir certains mots, d’y redessiner à la craie certaines images. Quelques semaines plus tard, j’apprenais que le journal risquait de disparaître, alors je ne l’ai pas quitté. » SB ALAMO 2014, vidéo 16’ 9”, éd 1/3. Projection sur contreplaqué Avec : Rick Frederick, Julia Barbosa Landois, Kitty A. Williams, Ramon Vasquez y Sanchez. Courtesy de l’artiste « David Rubin, conservateur au San Antonio Museum of Art (SAMA), Texas, m’invite à rencontrer la communauté hispanique de la ville pour un projet d’exposition et je visite Fort Alamo, symbole de la révolution texane. Ramon Vasquez y Sanchez, dernier chef des indiens Auteca Paguame, qui m’a amenée là, n’arrête pas de marmonner dans mon dos pendant le récit de la bataille, par l’un des gardiens, des “ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai !”. À la sortie je lui demande de m’expliquer les raisons de son agacement. Il me répond “ça c’est la version anglo ! Moi j’ai une toute autre version, je suis un indien”. Je vais alors à la librairie du musée pour regarder s’il existe d’autres récits de cet événement historique, mythe fondateur du Texas, mais aussi des États-Unis. Je n’en trouve aucun. Cela me donne l’idée de tourner quatre versions différentes, la version du guide du musée, une version latino, une version black, et une version « native american ». Les mythes qui nous construisent sont toujours plus complexes que ce que l’on nous apprend ! » SB CHANGE THE SCENARIO (conversation with Bruce Nauman) 2013, vidéo 6’ 15”, éd 1/3. Double projection sur contreplaqué Avec Shaun Ross FNAC PH15-1 (015), Centre national des arts plastiques, Paris « CHANGE THE SCENARIO est une autre version de Art Make-Up, réalisé en 1967-68 par l’artiste américain Bruce Nauman sur la peinture comme performance: l’autoportrait d’un jeune homme, blanc, américain, parlant d’identité et de race. Shaun Ross est un jeune top-modèle afro-américain, albinos, qui vit à New York. Il a vingt ans. Travailler avec lui m’a fait comprendre à quel point sa particularité génétique perturbait son quotidien. Les effets de rejet ou d’attirance que provoque sa peau – rejet qui dans certaines parties d’Afrique est ritualisé jusqu’au meurtre – font de lui un corps en rupture. Shaun revendique une identité gay. Son corps est un mixte de plusieurs identités, un corps transformé, un corps fragmenté.» SB COLOR 2014, vidéo 6’ 59“, éd 1/ 3. Projection Avec Candace Frazor Courtesy de l’artiste « Dans la campagne de San Antonio, je visite le ranch de Becky Crouch Patterson, descendante d’une communauté d’intellectuels et de philosophes utopistes venue d’Allemagne au Texas au XIXe siècle après la répression de la révolution libérale de 1848. Ils étaient venus pour créer des communautés libres et égalitaires entre hommes et femmes. Ces communautés ont presque toutes été éliminées par le Ku Klux Klan. J’y retourne six mois plus tard avec une très petite jeune femme, Candace Frazor. Je choisis une arme mythique, celle utilisée par Robert de Niro dans un de mes films préférés, The deer hunter de Michael Cimino. Je cadre Candace derrière le ranch devant l’immensité du paysage. J’accroche à un arbre une feuille de papier blanc et lui demande de tirer. Sur le papier j’ai écrit le mot “color”. Un simple mot, abstrait, qui ne définit aucune couleur, aucun genre. Tout à coup, le vent se lève et le papier se met à trembler, puis à claquer frénétiquement comme s’il voulait s’enfuir. Un grand silence s’installe entre nous tous. Le papier est devenu vivant.» SB LIVING PICTURES / LES TEMOINS 2010, vidéo 29’ 19”, éd 2/3 Projection sur contreplaqué, murs peints Vidéo tournée avec des adolescents des favelas de Cidade Tiradentes - 21ème district de la ville de São Paulo, Brésil. FNAC 2012- 240, Centre national des arts plastiques, Paris « En 2010 le gouvernement brésilien décide de construire un centre d’art, un cinéma et un complexe sportif à Cidade Tiradentes, district d’un demi million d’habitants principalement composé de favelas dans la banlieue de São Paulo. Invitée, je propose de filmer une centaine d’adolescents de ces favelas dont les images seront projetées dans l’entrée du futur centre d’art, pendant un an, affirmant ainsi le fait que ce lieu est pour eux. À mon arrivée, les services de la ville de São Paulo me proposent de tourner plutôt avec des adolescents des lycées du centre ville ! Je vais donc seule à Cidade Tiradentes, un dimanche après-midi, amenée là par un chauffeur de taxi très anxieux. Je tombe par hasard sur un défilé de mode dans un bâtiment scolaire surpeuplé. De très jeunes filles défilent, de gros numéros épinglés à même leurs robes moulantes. Une foule en délire les acclame ou les hue. La gagnante est désignée à l’applaudimètre. Je m’infiltre partout durant un mois, dans les centres sociaux, les écoles, les constructions précaires. C’est finalement dans l’amphithéâtre de l’école « Agua Azul », que je peux tourner cette vidéo. Quatre-vingt-cinq adolescents se présentent. L’oeuvre n’est pas exposée : le directeur de la culture de la ville de São Paulo les trouve trop fiers, irréductibles. » SB LIVING PICTURES / SKINTONE 2014, vidéo 49’ 35”, éd 1/3, projection sur contreplaqué Filmée avec la communauté latino-américaine de San Antonio au Texas Courtesy de l’artiste « Les personnes de la communauté hispanique, issues de milieux sociaux très divers, que j’ai rencontrées à San Antonio, parlent toutes de leurs difficultés à intégrer la société américaine blanche. Elles parlent surtout de leur couleur de peau, toujours prétexte à stigmatisation. Quelques mois plus tard, je lance un appel à participation avec le SAMA, Musée d’art moderne et contemporain. L’appel précise de venir dans son plus bel habit avec un seul accessoire : “sa fierté “. J’ai quelques difficultés à imposer la juxtaposition des mots “accessoire” et “fierté” à la direction du musée. Je réalise un large “Pantone” couleur peau comme fond de tournage et demande à chaque participant de choisir “sa” place devant l’une des couleurs. La question du choix se révèle un moment difficile, parfois douloureux. Veulent-ils se fondre dans leur propre couleur ou au contraire affirmer une différence? Je demande à chacun d’eux de me laisser une histoire de couleur de peau. Tous en ont une qui les a déterminés. Quelques semaines après le tournage David Rubin, le conservateur qui m’a invité, est démis de ses fonctions par la direction du musée. C’est à sa demande que j’avais filmé la communauté latino-américaine. Finalement mon exposition COLOR OF CONFUSION est déprogrammée en septembre 2015 par la directrice Katie Luber. » SB SPEECHES 2009 – 2012, dispositifs vidéo - projections sur contreplaqué Production Biennale d’art contemporain de Lyon 2009 et Biennale de Liverpool 2012 Collection Mudam, Luxembourg « Quand j’entends le discours A more perfect union de Barack Obama, prononcé le 18 mars 2008, je sais que je vais reprendre ses mots dans une vidéo. À ce moment-là, Barack Obama est acculé par la presse, suite aux déclarations du révérend Jeremiah Wright — son pasteur — qui accuse les américains de racisme. On attend sa réponse. Les médias le trouvent trop blanc ou trop noir, trop musulman ou trop immature, sans expérience et pas assez viril. Barack Obama choisit Philadelphie, ville mythique de Martin Luther King, pour répondre. Il ponctue son discours de « not this time ! », un discours engagé, racial, de gauche, allant du personnel à l’universel. Un magnifique discours dont nous savons très bien qu’il ne pourra jamais se réaliser ! Je commence alors une série de discours qui ont promis le bonheur sans jamais y parvenir, faisant rêver ou faisant tuer des millions de personnes.» A MORE PERFECT DAY 2009, 8 min, éd. 2/3 Chanté par David Bichindaritz. Extrait du discours « A more perfect union » de Barack Obama à Philadelphie le 18 mars 2008 A MORE PERFECT REVOLUTION. 2012, 3 min 50 sec, éd. 2/3 Slamé par Katia Bouchoueva, extrait du manifeste du parti communiste de Karl Marx et Friedrich Engels, 1848 A MORE PERFECT SOCIETY 2012, 3 min 27 sec, éd. 2/3 Chanté par Mandel Turner. Musique de Stéphane le Bellec, discours d’Angela Davis à Occupy Wall Street le 30 octobre 2011 A MORE PERFECT WORLD 2012, 3 min 37 sec éd. 2/3 Chanté par Véronique Nosbaum Extrait de la « Convention relative au statut des réfugiés » du Haut-Commissariat des Nations Unis aux droits de l’homme, 28 juillet 1951. A MORE PERFECT COUNTRY 2012, 3 min éd. 2/3 Dansé par Shaun Ross Extrait de la plage noire dans Poétique de la relation, Édouard Glissant, 1990 LIVING PICTURES / WHAT IS MISSING ? 2010, vidéo 35’ - projection Tournée avec des habitants de la ville de Penrith, Western Sydney, Australie Courtesy de l’artiste « En 2005 je suis invitée par le Musée d’art contemporain de Sydney (MCA) pour un projet expérimental C3 WEST, faisant collaborer des entreprises et des artistes. Je choisis l’équipe nationale de rugby, les Panthers, à Penrith dans le Western Sydney. L’histoire des Panthers me passionne. Créée au lendemain de la première guerre mondiale par des survivants australiens des tranchés, l’équipe fonctionne comme un programme politique. Chaque année depuis 1919, les Panthers reversent une part de leurs bénéfices à la santé, à l’éducation, à l’art. Dans les années 1930 ils vendent de la bière détaxée, dans les années 1960 ils ouvrent des salles de jeu. Fort de quelques 100 000 membres, ils emploient 2 800 personnes. Suite à notre rencontre je propose de travailler autour de leur utopie de partage, très attaquée par des tentatives successives de privatisation. Je vais retourner à Penrith à de nombreuses reprises durant les 5 années qui vont suivre, établissant un dialogue entre les Panthers, les habitants, la ville et le collectif Campement Urbain. En 2010 je réalise une vidéo sur “le manque”, what is missing ? Penrith est une ville dortoir de la petite classe moyenne installée aux pieds des Montagnes Bleues, au bord de la Nepean river, lieu historique pour les aborigènes. Chaque semaine l’ennui des adolescents est tel qu’ils se battent entre le centre commercial, le centre culturel et l’hôtel de ville avec une violence extrême. L’intégration à marche forcée des émigrants australiens dans une sousculture américaine laisse affleurer les manques que l’on retrouve dans de nombreuses banlieues du monde. » SB QU’OFFREZ-VOUS ? 2015, peinture pour tableau d’école Dessin à la craie Réalisé avec les paroles et les mots des participants, habitants de la ville de Sète et de la région Languedoc-Roussillon « Suite à l’annonce “Qu’offrez vous ? “ passée dans la presse locale, sur internet, diffusée sur le territoire par flyers et sur les ondes de RTS pour inviter les habitants de Sète et de ses environs à la réalisation d’une oeuvre participative, j’ai reçu au CRAC, du 21 au 27 septembre 2015, toutes les personnes ayant répondu à cet appel. Les participants se sont présentés avec des cadeaux de paroles et de mots. Chaque entretien a duré 15 minutes nous mettant chacun en état d’urgence. Ce cadeau devait les engager, c’est-à-dire représenter quelque chose d’important pour eux et qu’ils aimeraient voir inscrire dans un lieu d’art. Chaque participant a reçu en retour une phrase dédiée, écrite à la craie inspirée par notre rencontre. » SB Exposition réalisée en collaboration avec le MUDAM Luxembourg et avec le soutien du CNAP