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Bretagne journal d’information/juillet 2012 n° 44 Plants de Bretagne / juillet 2012 Plants de pommes de terre REPORTAGE Création variétale à Kerloï L’anticipation de rigueur DOSSIER • Réussir ses couverts végétaux avant la culture de plant • Les couverts végétaux pour réduire les maladies du sol Sommaire Actualité de la filière Des ................................ p 3-4 métiers et des Dossier Réussir ses couverts végétaux avant la culture de plant ................ p 5-9 Les couverts végétaux à objectif assainissant : une solution pour réduire les maladies du sol ? .................................................................. p 10-12 Repères Exportations, tonnages, plantations ..................... p 13 Reportage Gwénaëlle et Stéphane Mahé “Produire du plant pour les autres, c’est aussi valorisant pour soi” .................................................................. p 14-15 Yann Le Roscouët “Je suis heureux dans mes champs” .................................................................. p 16-17 Création variétale à Kerloï L’anticipation de rigueur .................................................................. p 18-21 Recherche INNO-PLANT, une nouvelle Unité Mixte Technologique ..... p 22-23 Juillet 2012 - n° 44 Plants de Bretagne est édité par Bretagne-Plants Roudouhir - 29460 Hanvec Tél. 02 98 21 97 00 - Fax 02 98 21 97 08 [email protected] Ont participé à la rédaction de ce numéro : J. M. Abiven – P. Dolo – E. Guillery J. Le Guillou – J. Le Mouellic – C. Malgorn H. Nicolas – Y. Pouliquen (Bretagne-Plants) K. Bouchek (INRA) – Y. Le Hingrat (FN3PT) C. Le Meur (Expression) avec la participation de : Y. Le Roscouët – G. et S. Mahé. Réalisation, mise en page : Expression Tél. 02 98 68 46 53 Fax 02 98 68 46 96 hommes Une filière, c’est un ensemble de compétences et de métiers réunis autour d’un même produit. Mais ce sont surtout des hommes et des femmes qui mettent leur énergie et leur passion dans leur métier. Dans ce numéro, vous trouverez des témoignages vivants et forts de plusieurs personnes enthousiastes et motivées par leur métier : • Yann Le Roscouët, nouveau producteur de plants dans le Morbihan qui n’hésite pas à déclarer “Je suis heureux dans mes champs”. • Gwénaëlle et Stéphane Mahé, producteurs de souches dans les Côtes d’Armor, expliquent la passion et la rigueur nécessaires à cette activité. • Jean-Marc Abiven, sélectionneur, responsable de la création variétale à Kerloï détaille avec enthousiasme le parcours de la création d’une variété. Ce numéro est également placé sous le signe de la nouveauté : nouveaux arrivants dans la filière, nouveau bâtiment au Syndicat de Pontivy, lancement de la nouvelle structure de recherche INNOPLANT par la FN3PT et l’INRA. Enfin, un dossier sur les couverts végétaux apporte une information précise sur la pratique et les perspectives des couverts végétaux. Passion et innovation sont les moteurs de toute activité économique. Il en va de même pour le plant de pomme de terre et la progression des tonnages commercialisés, à l’export, est aussi le produit du travail des acteurs de la filière. Emmanuel Guillery 2 ACTUALITÉ DE LA FILIÈRE Kerloï Agenda Inscriptions 2012 Samedi 21 et dimanche 22 juillet 3e édition de la fête de la pomme de terre à Plouédern (Finistère) : • démonstrations d’arrachage d’hier à aujourd’hui ; • pommes de terre au lard, le dimanche ; • stands et animations diverses. Trois nouvelles variétés bretonnes ont été inscrites au catalogue national début d’année 2012. Elles sont issues de la station de création variétale de Kerloï à Ploudaniel. ✔ ELBEÏDA Lundi 10 septembre Journée portes ouvertes à la Station de création variétale de Kerloï, Ploudaniel (29), à partir de 14 heures. attribuée à Triskalia Variété précoce à demi-précoce, de type export. Ses tubercules oblongs courts, très réguliers ont une peau claire et une chair blanche. Productive, elle est adaptée aux pays du bassin méditerranéen. Elle est rustique et de bonne conservation. ✔ DOUNIA attribuée à la SARL L.S.A. et à Pondi-Plants Variété de précocité moyenne, très productive, à chair assez pâle. Son adaptation est bonne dans les pays du bassin méditerranéen où elle peut être utilisée sur le marché du frais et transformée en frites (matière sèche : 20-21 %). De bonne conservation, elle est assez rustique et résistante au nématode Globodera Rostochiensis (Ro1-4). ✔ CHARMEUSE attribuée à Triskalia Variété demi-précoce, productive, aux tubercules assez allongés à peau et chair jaunes et de très bonne qualité culinaire. Elle est assez rustique et se conserve très bien. Pré-attributions 2012 • 04F119. 5 : à la SARL Denniel (variété chair ferme) • 04F 98. 6 : à Douar Den (variété pour le marché du frais) • 04F 46. 11 : à Douar Den (variété précoce) • 02F 40. 2 : à Elorn-Plants (variété pour le marché du frais) • 01F 61. 1 : à Elorn-Plants (variété pour le marché du frais) • 00F140. 5 : à Van Rijn France (variété pour le marché du frais) Mardi 11 septembre après-midi Plateforme essais pommes de terre de Triskalia, à Plouedern (Finistère). • présentation variétale… Dimanche 3 septembre Agrifête 2012 à Plounéventer (Finistère). La fête départementale de l’agriculture est organisée cette année par les jeunes agriculteurs des cantons de Landivisiau, Landerneau et Ploudiry : • finale départementale du concours de labour ; • nombreuses animations dont une démonstration de chiens de troupeaux ; • le « moiss’batt » cross ; • et un « village de la pomme de terre ». UMT Inno Plant Mercredi 12 et jeudi 13 septembre Potato Europe 2012 à Villers Saint-Christophe (Aisne). C’est la plus importante manifestation européenne de la pomme de terre ! Organisée par Arvalis et les organisations professionnelles de la filière française, y seront présentés : • plus de 40 ha de surfaces avec des chantiers de plantation, d’arrachages et de réception, • l’Espace du Commerce, • et le village des exposants. Site : www.potatoeurope.com Par un courrier du 21 mars 2012, le Ministère de l’Agriculture a agréé la constitution d’une Unité Mixte Technologique entre la F.N.3P.T. et ses 3 E.P.R. d’une part, et l’INRA d’autre part. INNO-PLANT, c’est le nom de cette UMT, permettra de créer un lien entre un institut de recherche et une profession. Voir l’article en page Recherche en fin de magazine. 3 ACTUALITÉ DE LA FILIÈRE Nouveau bâtiment pour le syndicat des producteurs de plants de pomme de terre de Pontivy Le syndicat de Pontivy compte aujourd’hui 90 producteurs, pour une surface de 1 150 hectares. Les producteurs sont répartis dans un rayon de 20 kilomètres autour de Pontivy, dont quelques nouveaux sur l’est du département du Morbihan. Depuis la fusion avec le Syndicat de Locminé en 1991, des travaux d’aménagement des locaux au 36 rue du Général de Gaulle à Pontivy (56) avaient été réalisés. Aujourd’hui, une remise en état du bâtiment était nécessaire, ce qui engendrait d’importants travaux. L’évolution du métier nécessitant plus d’espace et des locaux adaptés, les administrateurs du Syndicat ont pris la décision de vendre l’ancien bâtiment, et de partir sur une construction nouvelle. Ce qui est chose faite. Depuis le 1er mars 2012, nous avons emménagé dans la zone d’activité de Porh Rousse à Pontivy (56). L’encadrement technique et le contrôle sont assurés sur le secteur par 4 techniciens/ inspecteurs et par un Chef de secteur/Inspecteur d’encadrement, tous salariés de Bretagne Plants. Le Responsable Développement Technique de Bre- Nouveaux arrivants Bretagne Plants : Pierre Lorans, pour le terrain Un nouveau but pour ce jeune passionné de football : renforcer l’équipe du secteur de Pontivy en tant qu’inspecteur de cultures ! À 21 ans et jeune diplômé d’une licence pro et d’un BTSA “Analyse et conduite des systèmes d’exploitation”, Pierre est « tombé dans la patate » quand il était petit puisqu’il aidait régulièrement ses parents producteurs de légumes et de pommes de terre de conso et des voisins producteurs de plants. Au cours de ses stages, il a effectué des missions de conseil auprès d’agriculteurs pour la Chambre d’Agriculture de l’Isère. Bretagne Plants : JeanChristophe Loaec, pour la station de Kerloï Depuis le 2 mai, Jean-Christophe Loaec, 37 ans, assiste Jean-Marc Abiven en tant qu’adjoint. Après un Bac “Productions végétales” et un BTS “TechnologiesVégétales, option Agronomies et systèmes de cultures”, il a fait plusieurs saisons de récoltes de pommes de terre pour Altho, puis a été technico-commercial en semences et produits phytosanitaires ces six dernières années. Il est aussi fils de producteurs de plants. Jean-Christophe est désormais plus particulièrement chargé du suivi de l’exploitation de Kerloï, de l’accueil des visiteurs et de la communication sur les salons et foires. 4 tagne Plants est également basé sur le site de Pontivy. Le nouveau siège du Syndicat est composé de sept bureaux, d’une salle de réunion et d’un bâtiment de stockage, qui permet de regrouper les échantillons de préculture et les évaluations de rendements, de stocker et sécher les échantillons de terre et de réaliser les notations qualité des lots. z DRAAF : Jacques Montfort de France AgriMer Il est, depuis le 1er octobre, le nouveau responsable de l’antenne Draaf de Bretagne de Brest. Il a en charge la délivrance des certificats phytosanitaires en fonction des cahiers des charges des pays importateurs. INFOS TECHNIQUES Réussir ses couverts végétaux avant la culture de plant D’abord considérés comme une contrainte, les couverts végétaux sont Encadré 1 Rappel Directive Nitrates 4 • La totalité des surfaces exploitées doit avoir un couvert végétal pendant la période de risque de lessivage : culture, dérobée, CIPAN, repousses de colza (entre colza et blé). À défaut, la culture intermédiaire peut être remplacée par un broyage fin des cannes de maïs dans une succession maïs grain-culture de printemps. • Date limite de semis : 10 septembre après céréales et autres cultures d’été, 1er novembre après maïs. • Maintien jusqu’au 1er février minimum. • Fertilisation interdite jusqu’à la destruction. Un épandage de fumier est possible à partir du 15 janvier. • Traitement phytosanitaire interdit. • Destruction mécanique obligatoire, sauf en légumes ou travail du sol simplifié. La destruction chimique reste interdite à moins de dix mètres des bordures de cours d’eau, à moins d’un mètre des fossés et sur les parcelles à risque élevé. • Cas des légumineuses : les légumineuses implantées seules ou en mélanges ne font pas partie des espèces autorisées en CIPAN. Mais les légumineuses cultivées seules ou en mélanges peuvent être considérées comme des “cultures dérobées” à bien déclarer comme tel. aujourd’hui incontournables. Si l’objectif recherché a été le piégeage des nitrates, aujourd’hui d’autres avantages en font une culture essentielle de la rotation. L’offre en matière d’espèces s’étoffe, les techniques d’implantation et de destruction sont nombreuses. Bretagne-Plants mène depuis trois ans des essais sur différents couverts et leurs effets sur la culture de plants de pomme de terre suivante. La Directive Nitrate a rendu obligatoire la mise en place des couverts végétaux (cf. Encadré 1). Le piégeage des nitrates est le premier objectif d’un couvert. L’azote nitrique est retenu et remis à disposition pour les cultures suivantes. Une culture intermédiaire absorbe de 60 à 100 kg/ha d’azote issu du reliquat post-récolte et de la minéralisation automnale. Après destruction, 25 à 50 % de l’azote piégé sont minéralisés et restitués à la culture suivante. Quant aux 50 à 75 % restants, ils seront réorganisés puis minéralisés lentement sur plusieurs années. De multiples avantages Dans les sols fragiles, un deuxième objectif est la protection des sols contre l’érosion et la battance. Les apports de matières organiques et les racines des couverts permettent d’améliorer la structure du sol. Certains couverts aux racines pivotantes comme le radis vont structurer le sol en profondeur tandis que d’autres aux racines fasciculées n’auront qu’un effet superficiel. Les couverts ont un effet sur la faune du sol. Une fois détruits, leur décomposition favorise la vie du sol. Effet négatif, ils ont tendance à entraîner la présence de limaces mais également leurs prédateurs naturels que sont les carabes. Véritables réservoirs à biodiversité, les couverts végétaux permettent aussi d’abriter le gibier et de les nourrir pendant l’hiver. 5 Les couverts participent au contrôle des adventices, des ravageurs ou des maladies. En assurant une couverture des sols après la moisson, ils limitent le développement des adventices pendant l’interculture. Il existe des plantes comme la phacélie qui, par leur croissance importante, étouffent les plantules de mauvaises herbes. Les couverts permettent également, selon l’espèce utilisée, de rompre les cycles de certains parasites (variétés de moutarde et de radis contre les nématodes de la betterave…). Des couverts mal choisis peuvent introduire des maladies dans la culture qui suit. C’est le cas des crucifères avant le colza qui sont des plantes hôtes pour la hernie du chou ou le sclérotinia. La valorisation des intercultures en fourrage permet de produire une récolte supplémentaire dans le cas d’élevages bovins notamment. Selon les espèces et la date de semis, la production s’élèvera de 3 à 4 t/ha. Quelle(s) espèce(s) semer ? Historiquement, la moutarde, l’avoine ont souvent occupé une place privilégiée dans les semis de couverts. L’avoine est un des couverts les moins chers, facile à produire et peu exigeant. La moutarde quant à elle permet de produire en général un bon tonnage sans grandes difficultés. Par contre, l’avoine d’hiver est complexe à détruire mécaniquement et pourra être pénalisée par la rouille couronnée ou les viroses. La INFOS TECHNIQUES Réussir ses couverts végétaux avant la culture de plant (suite de la page 5) moutarde blanche présente l’inconvénient d’être souvent trop ligneuse lorsqu’elle est utilisée seule. C’est pourquoi la combinaison de plusieurs espèces permet de bénéficier des avantages de chacune : – Les mélanges offrent d’abord une sécurité de développement du couvert lorsqu’une espèce lève mal, une autre peut prendre le relais. – L’association de plusieurs espèces choisies pour leur complémentarité favorise l’établissement d’une concurrence positive entre les plantes qui initie une augmentation de la biomasse et de tous les effets qui en découlent. – Ils assurent une plus longue durée de couverture, garantissant une meilleure efficacité sur le piégeage des nitrates, l’amélioration de la structure du sol et le contrôle des adventices. L’association d’espèces à croissance rapide (crucifères et phacélie) et d’autres à démarrage plus lent, mais à cycle plus long comme les graminées, remplit cet objectif. – La présence de légumineuses en mé- lange, dans le cadre de cultures dérobées, permet de diminuer le rapport C/N de la biomasse. Ainsi lors des premiers stades de décomposition, elles se comportent souvent comme des fournisseurs nets d’azote alors que de nombreuses autres plantes risquent d’entraîner plutôt une mobilisation plus ou moins forte d’azote pour amorcer la dégradation de leur matière organique. Le tableau de la page 9 illustre les caractéristiques de certains couverts et les associations possibles. Tableau 1 : Le semis des couverts végétaux Matériel Combiné de semis Déchaumeur à disques Distributeur électrique ou centrifuge + rouleau Semoir de TCS Débit de Largeur chantier Prix de revient* Avantages Inconvénients 26 €/ha – polyvalence – qualité de semis – début et coût – travail en présence de débris importants – polyvalence débit de chantier – positionnement de la graine (volée) – peu onéreux – capacité de la trémie – 30 à 36 €/ha – polyvalence – peu onéreux 2,5 ha/h 42 €/ha – qualité du semis – début de chantier – autonomie – positionnement de la graine (volée) – capacité de la trémie – ne convient pas à toutes les espèces et aux mélanges 3m 1,5 ha/h 3m 2,5 ha/h – 3m 65 €/ha Source : FRcuma Ouest/Arvalis - Institut du végétal *Le prix de revient comprend l’outil, le tracteur avec carburant et la main-d’œuvre – prix d’achat Tableau 2 : La destruction mécanique des couverts Matériel Broyage Débit de Largeur chantier Prix de revient* 3m 1,5 ha/h 3m 2 ha/h 27 €/ha Cover crop 3m 2 ha/h 28 €/ha Déchaumeur à disques indépendants 3m 2,5 ha/h 28 €/ha Bêches roulantes 3m 3 ha/h 23 €/ha Déchaumeur à dents Rouleau Cambridge 6m 5 ha/h 37 €/ha 14 €/ha Source : FRcuma Ouest/Arvalis - Institut du végétal * Le prix de revient comprend l’outil, le tracteur avec carburant et la main-d’œuvre 6 Avantages Inconvénients – finesse de broyage – régularité de travail – remplacement des couteaux – pas de travail du sol – coût d’entretien – bon mélange – sol nivelé – polyvalence – débit de chantier – déchaumage sans lissage – polyvalence – débit de chantier – action limitée sur le sol outil de grande largeur et peu tirant – épouse le dénivelé du terrain – outil souvent présent sur l’exploitation – nivellement sans rouleau arrière – multiplicateur des adventices à rhizomes – polyvalence – bon mélange – coût d’entretien – risque de bourrage – prix d’achat – coût d’entretien – prix d’achat – possibilité d’interventions limitées (heures avec gel) – risque de tassement (sol non gelé sous le couvert) – pas d’action sur les repousses Inspirés des “knife rollers” américains ou des “rolo faca” brésiliens, les rouleaux sont une piste pour détruire les couverts. Quelle technique de semis ? Pour qu’un couvert végétal absorbe un maximum d’azote et qu’il assure une bonne production de biomasse, il faut qu’il soit implanté tôt après la récolte des céréales. En semant rapidement après la récolte, on profite de l’humidité résiduelle du sol, favorable à une bonne levée. Cela est vrai pour toutes les espèces à l’exception toutefois de la moutarde qui demande à retarder son semis pour ne pas monter en graines avant l’hiver. Dans certains cas, le semis peut être décalé en fonction de la propreté et de la quantité d’adventices. Si le semis décalé peut avoir l’inconvénient de réduire la production de biomasse, il permet de réaliser un ou plusieurs faux semis pour limiter l’enherbement. Une attention particulière doit être portée au semis des couverts pour valoriser au mieux cet « investissement ». Il doit être simple, efficace, utiliser le matériel présent et disponible sur l’exploitation. Les exigences de semis sont différentes selon l’espèce im- plantée. Elles sont faibles (semis à la volée, germination des graines à la surface du sol) à fortes (nécessité d’enfouissement, positionnement correct dans le sol). La préparation du sol et la technique de semis seront à adapter aux exigences de la culture intermédiaire. De nombreux matériels existent, cf. tableau 1. Le semoir à céréales ou la caisse de semis sur le déchaumeur est d’une plus grande précision qu’un semoir à la volée et sera indispensable pour le semis de mélanges d’espèces. Le roulage est souvent indispensable pour favoriser la germination des semences par le contact graines-terre surtout lors de semis de petites graines (phacélie par exemple). Les modes de destruction Plusieurs techniques de destruction existent mais seules des méthodes mécaniques sont utilisables hors Techniques Culturales Simplifiées (cf. tableau 2). En règle générale, il est recommandé de détruire le couvert au moins 60 jours avant l’implantation de la culture suivante. La destruction devra s’opérer suffisamment tôt pour permettre le réchauffement du sol, éviter toute allélopathie négative et favoriser la restitution des éléments minéraux. Le roulage avec des rouleaux lisses ou Cambridge a pour objectif de casser et plaquer au sol les tiges. Une bonne efficacité du roulage est obtenue à partir du stade floraison du couvert et sur sol gelé. En Bretagne, cette technique montre des résultats aléatoires suivant les conditions climatiques de l’année. Dans tous les cas, cette technique devra être complétée par un léger travail du sol pour favoriser le contact terre-rési7 dus. Des rouleaux broyeurs seront plus adaptés à la destruction des couverts dans notre région. Ils sont de plusieurs types : rouleaux creux et présentant des fers plats à leur périphérie qui ont tendance à couper la végétation, ou rouleaux pleins équipés de cornières pour pincer la végétation. Attelés sur le relevage avant, ces outils permettent le passage en combinaison avec un déchaumeur (cf. photo ci-dessus). La destruction par broyage, technique la plus coûteuse, présente néanmoins quelques avantages majeurs. Elle facilite les interventions mécaniques à suivre (travail du sol…), accélère la décomposition de la biomasse. Cette technique est à réserver aux couverts très développés et ligneux mais n’est que peu ou pas efficace sur graminées qui repartent du plateau de tallage. Les matériels de déchaumage offrent en général des coûts et un débit de chantier plutôt favorables. Ils sont adaptés à un plus grand nombre d’espèces que le broyage. Avant un labour, ils effectuent un premier mélange résidusterre qui améliorera la répartition des débris dans le profil après labour. Les déchaumeurs à disques indépendants (DDI), équipés de disques agressifs, fragmentent et enfouissent les couverts en une seule opération. Ces outils sont plus polyvalents que les déchaumeurs à dents, sensibles au bourrage. Avec ces derniers, la végétation n’est pas déchiquetée et l’effet « râteau » est important. Le rotavator, outil coûteux d’utilisation, remplit la mission de broyage et d’enfouissement de la végétation. En conditions froides, un couvert lignifié profondément enfoui (10 cm et plus) demande plus d’un mois pour atteindre un taux de décomposition satisfaisant. Réussir ses couverts végétaux avant la culture de plant (suite de la page 7) Encadré 2 Résultats d’essais menés par Bretagne-Plants E Développement des couverts végétaux au 20/10 ou au 15/12 15/12 Avoine 2n % de tubercules indemnes 90 80 81,0 77,1 47,5 1,5 1,0 0,7 0,6 0,5 10 0 2,5 2,0 1,1 30 20 82,1 - 41% 49,3 40 0,0 0,1 0,2 0,4 2,0 3,0 93,4 2,1 50 2,3 Le 29 septembre, une notation de l’intensité de rhizoctone sur tubercules a été réalisée. Le radis chinois, le sol nu, la moutarde brune donnent les meilleurs résultats, les graminées les plus mauvais. 2,7 60 15/12 tés : aucun traitement phytosanitaire, un traitement de plant à l’Oscar (flutolanil + mancozèbe) dans la planteuse, un traitement localisé du sol avec Amistar (azoxystrobine), un traitement du plant et du sol. + 12% 70 7,2 15/12 Avoine 2n + Seigle 90,5 0,7 15/12 Sarrasin 98,1 92,8 1,8 Radis chinois (plantes entières) Les pommes de terre ont été plantées le 13 avril 2011 avec 4 modali96,4 20/10 15/12 a moutarde brune a été broyée et enfouie en pleine floraison, le 28 octobre (non autorisé réglementairement), pour maximiser l’effet biofumigant contre le rhizoctone. Les autres couverts ont été détruits mécaniquement courant février. L’avoine 2n, non pénalisée par la rouille brune était alors au stade floraison. 100 (en tonnes de matières sèches/ha) Sol nu Moutarde brune L Biomasse des couverts Date 0,2 0,0 %ÊindemnesÊsolÊnuÊNT Indice de gravité n été 2010, un essai de couverts végétaux avant une culture de pomme de terre a été implanté par Bretagne-Plants dans le Morbihan. L’objectif était de comparer leurs développements végétatifs, leurs restitutions azotées et leurs impacts sur le rendement et la qualité de la culture de plants de pomme de terre. Au 15 décembre, la pesée des matières sèches a montré le bon développement du radis chinois. D’autres couverts très gélifs, comme le sarrasin, ont été détruits par les premières gelées du 21 octobre (-2,3° C). %Êin Ê Ê Ê l % de tubercules indemnes de rhizoctone Indice de gravité ou % de surface des tubercules couverte par les sclérotes de rhizoctone 0,0 Légende NT: NonÊTraitŽ,ÊaucunÊ Ê Ê Ê traitementÊdeÊplantÊniÊdeÊsol Ê Ê Ê Ê ST:ÊÊSolÊTraitŽÊenÊlocalisŽÊˆÊlaÊ ÊÊSolÊTraitŽÊenÊlocal planta on,ÊAmistarÊ3ÊL/ha Ê L a présence de graminées en couvert réduit fortement la proportion de tubercules indemnes de rhizoctone.Après un couvert d’avoine 2n + seigle, l’indice de gravité de la modalité NT est de 2,7 contre 0,2 après le radis chinois. Rappelons que seuls sont certifiables pour le marché français des lots d’indices inférieurs à 2,35 et pour l’export en Tunisie, en classe E, les lots inférieurs à 0,25. ÊÊ Ê Ê Ê Ê biomasse est ligneuse et mettra du temps à se décomposer. Ces résidus sont des supports propices au développement de Rhizoctonia Solani. Pour une même date de semis des couverts, on peut observer un C/N de 17 pour du radis chinois et de 27 pour de l’avoine 2n (observations sur essai 2011/2012). Aucune différence significative n’a été observée entre les couverts sur la tubérisation, le rendement et l’expression de symptômes de gale argentée. Une piste d’explication de ces résultats est le rapport C/N de la biomasse des couverts enfouis. Plus ce rapport est élevé, plus la 8 Moutarde blanche Moutarde brune Phacélie Implantation • Très facile • Fin août/début septembre 8-10 kg/ha • Facile • Fin août/début septembre 7-8 kg/ha • Moyennement facile • Mi-août/début septembre 8 kg/ha Développement • Rapide • Bon effet structurant • Plus lent qu’une moutarde blanche • Très bonne structuration de surface Piégeage de l’azote • Bon • Bon • Bon Destruction Coût du couvert • Assez simple • Possibilité de roulage • Assez simple • Assez simple • Possibilité de roulage • Elevé (coût de la semence 5,30 €/kg + implantation) Radis chinois • Facile • Fin août/début septembre 10 à 12 kg/ha • Rapide • Très bon effet structurant • Bon à très bon • Moyennement facile • Faible (1,80 €/kg) • Élevé (9,60 €/kg) Eviter dans la rotation avec colza. Biomasse parfois très ligneuse en interculture longue. Facile à détruire mais difficile à enfouir en cas de développement important. Ayant de plus fortes teneurs en glucosinolates que d’autres crucifères, la moutarde brune pourrait avoir de plus forts effets allélo-pathiques sur certains champignons (piétin échaudage, rhizoctone brun…). Peu de variétés disponibles. Espèce délicate à implanter et nécessitant la présence de terre fine pour faciliter le contact sol-graine. Couvert intéressant par sa capacité de croissance et de couverture du sol. Couvert tout-terrain. Ce type de radis se distingue par la longueur de son pivot allongé et dont une partie dépasse de la surface du sol. Ce radis est plus facile à détruire que le radis fourrager. Avoine 2n (Avena Strigosa) Avoine + Phacélie Avoine + Moutarde Phacélie + Seigle Implantation • Facile • Fin août/début septembre 35 kg/ha • Délicate (éviter le semis à la volée) • Mi-août/début septembre 25 kg/ha (88 % d’avoine et 12 % de phacélie) • Très facile • Fin août/début septembre 25 kg/ ha (80 % d’avoine et 20 % de moutarde) • Délicate (éviter le semis à la volée) • Mi-août/mi-septembre 25 kg/ha (88 % de seigle et 12 % de phacélie) Développement • Rapide • Forte production de biomasse • Rapide • Moyen • Bon effet structurant Piégeage de l’azote • Assez bon • Bon • Rapide • Bon effet structurant (2 types de système racinaire) • Bon • Bon • Possibilité de roulage • Moyennement facile • Moyenne • Moyen (coût de la semence de phacélie + implantation) • Faible (prix des semences et travaux d’implantation) • Moyen (coût de la semence de phacélie + implantation) (semences, implantation, destruction) Commentaires Destruction • Moyennement facile • Possibilité de roulage Coût du couvert (semences, implantation, • Moyen (1,30 €/kg) destruction) Commentaires Avoine gélive à forte biomasse, très agressive mais difficile à minéraliser. Elle s’avère plus précoce à la montaison que l’avoine de printemps. Etant régulièrement en cours de montaison en hiver, ses tiges gèlent facilement mais des talles peuvent repartir au pied au printemps. Elle est beaucoup moins sensible que l’avoine cultivée aux viroses et à la rouille couronnée. Si avoine 2n dans le mélange, possibilité de roulage sur gelée. Mélange qui permet de diminuer le risque d’apparition de sclérotinia sur phacélie par rapport à cette dernière espèce en pur. Si avoine 2n dans le mélange, possibilité de roulage sur gelée. Mélange très simple à mettre en œuvre. • Moyen (5,5 €/kg) 2 plantes complémentaires : systèmes racinaires, couverture de sol, pérennité du seigle Bretagne-Plants préconise des mélanges au rapport C/N faible à base de radis, phacélie, avoine de printemps. Le seigle multicaule sera également testé ainsi que les différents modes de destruction des couverts. 9 RECHERCHE Les couverts végétaux à objectif assainissant Une solution pour réduire les maladies du sol ? En France, l’obligation de couvrir les sols en période d’interculture dans toutes les zones vulnérables et la diminution de 50 % de l’usage des produits phytosanitaires prévue par le Plan Ecophyto 2018 obligent l’agriculture conventionnelle à faire évoluer ses pratiques. Face à ces évolutions, les agriculteurs sont demandeurs d’une part, d’informations sur les conséquences de ces changements sur la santé de leurs cultures et d’autre part, de solutions techniques efficaces et durables. L’insertion de plantes assainissantes en période d’interculture est l’une des méthodes alternatives qui est en cours d’évaluation pour réduire les maladies du sol. Les recherches conduites en France* ont mis en évidence, en conditions d’expérimentation, le potentiel assainissant de certaines plantes d’interculture. Bien que l’efficacité de ces cultures soit prometteuse, des résultats fortement contrastés sont observés lors de leur implantation en parcelles agricoles. Suite à ces travaux un projet CASDAR SysPID** est mis en place depuis 2010 dont les objectifs consistent à : Le mode d’action des plantes assainissantes La culture de la plante assainissante Certaines plantes libèrent des exsudats racinaires allélopathiques (toxiques), c’est le cas de la moutarde brune, du seigle, de l’armoise annuelle, etc… L’effet de ces exsudats toxiques est plus étudié pour la lutte contre les mauvaises herbes mais certains travaux ont montré leur effet sur la réduction des maladies du sol. Une expérimentation réalisée à l’INRA a montré l’effet de la moutarde brune cultivée en interculture sur le rhizoctone brun de la betterave (figure n°1). Cependant, l’effet est accru quand la culture est suivie de l’enfouissement des résidus. L’impact allélopathique au champ est aléatoire car il dépend de plusieurs facteurs liés au sol, au climat ou encore à la culture. Sol nu Culture de la moutarde brune sans incorporation des résidus Culture de la moutarde brune avec incorporation des résidus Figure 1. Incidence du rhizoctone brun de la betterave dans les parcelles : sol nu, culture de la moutarde brune sans incorporation des résidus, culture de la moutarde brune avec incorporation des résidus. 1. Comprendre comment les plantes assainissantes agissent sur le cycle de développement des maladies. Source : Motisi et al, 2009 (Field Crop Research) 2. Évaluer l’efficacité et la faisabilité de l’implantation des cultures intermédiaires dans une diversité de situations. 3. Voir les possibilités d’associer cette pratique avec d’autres moyens de lutte complémentaires afin de garantir une gestion efficace et durable des maladies. (*) Travaux réalisés dans le cadre du programme altérations superficielles financé par le GNIS, ARVALIS/CNIPT réalisé à l’INRA IGEPP, Le Rheu, centre de Rennes. (**) Programme CASDAR SysPID. Réduire l’impact des maladies telluriques dans les systèmes de cultures pour une protection intégrée et durable des grandes cultures. 10 est multiple La biofumigation La biofumigation est la libération de composés toxiques volatiles suite au broyage des tissus de certains végétaux comme les crucifères. Ces substances permettent la suppression de certaines maladies et ravageurs du sol. La nature, la quantité et le degré de volatilité des substances produites sont variables selon les espèces de crucifères et selon les variétés de la même espèce. Mise en évidence d’un effet biocide de la moutarde brune au laboratoire (in vitro) Nos travaux en conditions de laboratoire* ont montré que parmi plusieurs plantes utilisées en interculture, seule la moutarde brune libère après broyage, des substances volatiles qui inhibent la croissance d’agents pathogènes responsables du rhizoctone brun et des gales communes (figure 2). Le pourcentage d’inhibition est fonction de la forme de conservation du rhizoctone (mycélium ou sclérotes) et surtout de la concentration (faible, moyenne, forte) des Streptomyces agents des gales communes. Figure 2. Effet des substances volatiles libérées in vitro par la moutarde brune sur l’inhibition de la croissance des pathogènes responsables des altérations superficielles (*) Technique de biofumigation : culture de la moutarde en interculture puis broyage et enfouissement des résidus en surface A. Rhizoctone brun Niveau de contamination du sol L’efficacité de la biofumigation dépend de plusieurs facteurs D’après les données de la littérature, dans le sol, les substances volatiles toxiques libérées par la moutarde sont de 2 à 4 fois moins actives qu’in vitro car adsorbées par les particules du sol. Leur B. Gale commune Niveau de contamination du sol Figure 3. Effet du niveau de contamination du sol et de la quantité de résidus sur l’incidence des maladies (*) 11 durée de vie est courte, de quelques jours à quelques semaines. Les résultats de nos essais en serre* ont montré que d’autres facteurs comme la quantité de résidus enfouis et le niveau de contamination du sol peuvent être à l’origine des résultats aléatoires obtenus au champ. En effet l’efficacité de la biofumigation est forte et significative en présence d’une biomasse importante de moutarde et d’un niveau d’inoculum faible à modéré (figure n°2). Une quantité de résidus faible de moutarde et/ou un niveau de contamination du sol fort induisent un effet faible à nul de la biofumigation. RECHERCHE La décomposition de la matière végétale Malgré l’absence de potentiel biofumigant chez plusieurs cultures intermédiaires, leur utilisation comme engrais vert peut conduire dans certaines conditions à une réduction des maladies. En effet, de nombreux résultats publiés révèlent que l’incorporation des résidus de cultures provoque une modification du milieu et donc une augmentation et une modification de la microflore du sol. La présence de matière organique facilement dégradable (résidus d’engrais verts jeunes, résidus riches en eau) favorise l’activité microbienne saprophyte qui entre en compétition avec l’activité des organismes pathogènes. L’efficacité de l’amendement va dépendre également de la durée de la phase de décomposition des résidus, ce facteur est en cours d’étude sur le rhizoctone brun. À l’opposé, l’incorporation de résidus d’engrais verts matures et fibreux, riches en lignine stimulent peu l’activité microbiologique du sol : ces résidus mal décomposés sont favorables au maintien des agents pathogènes, comme l’agent du rhizoctone brun. Importance du choix du couvert et de son mode de gestion Les résultats obtenus à l’échelle expérimentale sur l’intérêt de l’insertion d’une culture intermédiaire à objectif assainissant sont prometteurs mais mettent en évidence la complexité des modes d’action. Plusieurs facteurs vont conditionner l’intérêt des couverts assainissants pour la réduction des maladies. En effet, les cultures intermédiaires bien choisies et bien gérées, semblent être une réelle opportunité pour lutter contre les pathogènes, ou, dans le cas contraire, à l’origine de conséquences néfastes telles que le salissement des parcelles et le développement des maladies sur les cultures suivantes. Le choix du couvert doit se faire en fonction des contraintes pédoclimatiques, réglementaires et culturales. Dans les régions où le sol doit être couvert jusqu’à la fin d’hiver, certaines cultures ne seront pas adaptées, c’est le cas des moutardes brunes actuellement disponibles sur le marché qui nécessitent une implantation précoce (avant la mi-aout) et une destruction à pleine floraison (fin octobre-début novembre) pour avoir un effet assainissant et éviter le salissement de la culture suivante. Dans ces conditions d’une longue couverture du sol, il faudrait privilégier les couverts peu ou pas ligneux qui se décomposeront rapidement et augmenteront l’activité microbiologique du sol avant la culture suivante. Dans tous les cas, il faudrait éviter les cultures intermédiaires de la même famille végétale que la culture suivante et qui pourraient être hôte de certains pathogènes, c’est le cas par exemple de la hernie des crucifères dans un couvert de moutarde. (**) Programme CASDAR SysPID. Réduire l’impact des maladies telluriques dans les systèmes de cultures pour une protection intégrée et durable des grandes cultures. 12 Le mode de gestion du couvert assainissant conditionnera son efficacité. La date et la densité de semis bien choisies permettront d’atteindre une biomasse suffisante. Il faudrait également une humidité suffisante après semis pour une levée homogène, un reliquat azoté suffisant pour obtenir une biomasse importante. La finesse du broyage des résidus va faciliter leur décomposition. La rapidité de leur enfouissement est essentielle dans le cas des cultures biofumigantes (ex moutarde brune). Conclusion Malgré les modes d’action complexes et vraisemblablement multiples d’une culture à objectif assainissant, l’efficacité reste partielle. Il sera nécessaire d’associer cette pratique à d’autres méthodes d’efficacité partielle, intervenant tant pendant la culture de pomme de terre que pendant les périodes d’interculture. Les résultats des essais conduits en réseau par plusieurs partenaires dans des parcelles chez les producteurs – dont 2 parcelles suivies par l’équipe expérimentation de Bretagne Plants comportant 8 et 10 couverts végétaux différents - dans le cadre du projet CASDAR SysPID** nous permettront de faire un bilan sur l’efficacité, la faisabilité technique et économique de l’insertion d’un couvert à objectif assainissant, ainsi que les contraintes liées à sa mise en œuvre dans une diversité de situations pédoclimatiques et culturales. z REPÈRES TONNAGES CERTIFIÉS NETS Plants de Bretagne (hors replantation personnelle) Campagne 2011-2012 EXPORTATIONS Plants de Bretagne Situation provisoire au 29 mai 2012 (en tonnes) PRINCIPALES VARIÉTÉS > EXPORTATIONS PAR PAYS (en tonnes) situation au 30 juin 2012 2010/2011 2011/2012 FIN DE CAMPAGNE FIN DE CAMPAGNE ÉVOLUTION TOTAL AU 29/05/2012 1. Spunta 32 117 2. Charlotte 13 687 3. Safrane 7 630 4. Alaska 7 567 1. Tunisie 12 604 12 987 + 383 2. Algérie 4 963 12 447 + 7 484 5. Atlas 7 430 3. Egypte 14 077 11 965 - 2 112 6. Amandine 7 252 4. Espagne 7 847 6 902 - 945 7. Elodie 5 935 5. Portugal 2 766 4 267 + 1 501 8. Universa 5 245 6. Irak 1 825 3 850 + 2 025 9. Chérie 4 323 7. Israël 4 671 3 538 - 1 136 10. Daifla 8. Italie 3 524 3 243 - 281 9. Arabie Saoudite 3 375 3 050 - 325 10. Jordanie 2 400 2 750 + 350 11. Grande-Bretagne 2 354 2 097 - 257 375 2 075 + 1 700 … … … 81 015 90 577 12. Lybie …/… TOTAL GÉNÉRAL TOTAL GÉNÉRAL 73 415 2008/2009 68 635 2007/2008 71 085 2006/2007 55 715 136 170 2009/2010 126 800 2008/2009 124 910 2007/2008 127 140 2006/2077 109 800 Campagne 2012-2013 PLANTATIONS 2012 > RAPPEL TONNAGE EXPORTÉ FIN DE CAMPAGNE (en tonnes) 2009/2010 147 278 2010/2011 Les tonnages certifiés à fin mai 2012 atteignent 147 278 tonnes, en progression de 11 100 tonnes par rapport à la fin de campagne 2010/2011. Cette évolution est liée principalement au développement des exportations. Les exportations de plants de Bretagne continuent à progresser et l’augmentation est particulièrement marquée cette campagne : + 9 560 tonnes, soit + 11,8 %. Les principales progressions portent sur l’Algérie (+ 7 480 t), l’Irak (+ 2 025 t), la Lybie (+ 1 700 t) et le Portugal (+ 1 500 t). La diversification des destinations se poursuit également : cette campagne 22 pays ont acheté plus de 1 000 tonnes de plants de Bretagne. 81 015 4 313 …/… + 9 562 (+ 11,8 %) 2010/2011 > RAPPEL TONNAGE CERTIFIÉ FIN DE CAMPAGNE (en tonnes) > PLANTATIONS FRANCE - PAYS BAS (en ha) PLANTATIONS ÉVOLUTION 2011 2012 ha % Bretagne 5 117 4 992 - 124 - 2,4 % Nord 11 302 11 570 + 268 + 2,4 % 875 897 + 22 + 2,5 % Centre-Sud Total France 17 294 17 460 + 166 + 1,0 % Total Pays-Bas 36 682 37 607 + 925 + 2,5 % Les plantations en Bretagne sont en réduction de 124 ha, elles augmentent dans le Nord (+ 268 ha) et aux Pays-Bas (+ 925 ha) 13 REPORTAGE Gwénaëlle et Stéphane Mahé “Produire du plant pour les autres, c’est aussi valorisant pour soi” Gwénaëlle et Stéphane Mahé sont multiplicateurs pour la filière plants. C’est un concours de circonstances qui les a amenés à cette production et ils y sont pleinement engagés et définissent même leur stratégie d’exploitation future autour de cette culture. Rencontre… Gwénaëlle et Stéphane Mahé sont installés sur la commune de Senven-Lehart près de Guingamp. Stéphane s’est installé en premier, en 1999, sur l’exploitation de ses parents. La ferme comptait alors trois ateliers : lait, vaches allaitantes et poules pondeuses. Gwénaëlle a rejoint le GAEC formés entre Stéphane et ses parents en 2006. Elle y a intégré le lait et la culture de plant de pomme de terre de ses propres parents. Les deux producteurs ont toujours souhaité s’installer et ont donc suivi des études agricoles - BAC et BTS. Gwénaëlle explique ses motivations : “L’agriculture me passionne depuis toujours. Mes études et plusieurs années de salariat sur différentes exploitations ont confirmé mon choix de m’installer. Je voulais gérer mon affaire et décider moi-même de mes propres orientations.” Depuis l’arrivée de Gwénaëlle sur l’exploitation, le couple a poursuivi la culture du plant : “Il faut bien avouer que nous avions l’intention d’arrêter le plant, explique la productrice. Mais comme nous avions le matériel et que mon père s’en occupait, nous avons préféré continuer encore un peu.” En 2008, la culture de plant prend une nouvelle dynamique sur l’exploitation. Cette année-là, Gwénaëlle et Stéphane Mahé cherchent à vendre un lot de pommes de terre hors de leurs créneaux habituels – ils sont à cette époque producteurs - vendeurs. Ils rentrent alors en contact avec plusieurs collecteurs. Coopagri Bretagne, devenu Triskalia, leur propose de cultiver deux hectares de plants de Spunta à destination de l’export. En 2010, la coopérative leur propose aussi de multiplier des souches. Ils acceptent. Leur isolement par rapport aux autres producteurs de plants est un avantage cer tain pour cette activité. Triskalia met ensuite les producteurs en relation avec Bretagne Plants. Producteurs de tubercules B1, B2 et B3 Gwénaëlle et Stéphane Mahé cultivent 2,5 hectares de plants et 5 hectares de souches. Ils sont ainsi producteurs de tubercules B1, B2 et B3 pour une dizaine de variétés, en contrat direct avec Bretagne Plants pour les B1 et Triskalia pour les B2 et B3. Contrairement à la production de tubercules B2 et B3 qui se passe au champ, celle de tubercules B1 se fait dans des tunnels équipés d’un filet insect-proof et d’un système d’arrosage, ceci à partir de plantules issues des laboratoires de Hanvec. Les tunnels sont démontés et remontés chaque année. La plantation est réalisée à la main à l’aide d’un plantoir sur bâche plastique. La récolte se fait à l’aide d’une petite arracheuse - aligneuse. Les tubercules sont ensachés et identifiés à l’aide de deux étiquettes. Bretagne Plants se chargera du comptage, du tri et du contrôle qualité. “Rien ne nous appartient, explique Gwénaëlle Mahé. Ni les tunnels, ni 14 les tubercules. Nous sommes rémunérés pour le travail.” Gwénaëlle et Stéphane Mahé apprécient l’activité de multiplication : “Notre rôle est de multiplier des variétés tout juste créées ou de regénérer celles qui sont déjà cultivées. Je nous considère inclus dans le processus de création variétale, c’est valorisant. Cela nous permet aussi de bien connaître le processus de multiplication et de régénération.” Cette activité de multiplication demande une extrême rigueur : “À la plantation et à l’arrachage, il ne s’agit pas de mélanger les variétés ! Je me rappelle de notre première année de production de plants. Nous avions planté la variété Spunta et plus de 10 % du lot était en fait de la Nicola. C’était flagrant dans la parcelle. Un mélange variétal s’était produit au moment du conditionnement. Le lot de Spunta avait été entièrement déclassé. Cela montre toute l’importance de la rigueur mais aussi du système de contrôle de Bretagne Plants : aucun risque que l’erreur ne reste inaperçue.” Gwénaëlle et Stéphane Mahé : “C’est passionnant de voir le comportement des différentes variétés.” Une rigueur indispensable Les Mahé nous expliquent les moyens mis en œuvre pour garantir la rigueur nécessaire : “La production de souches ne concerne chez nous que 5 hectares. Nous considérons que c’est la bonne taille. Au-delà, je ne suis pas sûre que l’on puisse assurer la même qualité de travail. Il faut que l’activité reste agréable. Si elle devient une corvée, la qualité finale en pâtira. ll faut aussi être suffisamment souple pour accepter de faire de si petites séries. À l’arrachage des B2 et B3, on arrête la machine entre deux variétés, on fait la purge et on vérifie dans les moindres recoins qu’il n’y ait pas de tubercules de coincés.” Au moment des plantations et des arrachages, les producteurs doivent être pleinement disponibles à l’activité de multiplication. “Avant, il nous arrivait de 15 faire la traite à 22 heures car nous étions aux arrachages l’après-midi. Nous avons investi dans un robot de traite, pour pouvoir être 100 % disponibles aux souches, notamment au moment des arrachages. Depuis trois ans, nous avons également investi pour renouveler notre matériel : planteuse, tamiseuse, ceci nous permet d’améliorer les conditions à l’arrachage et aussi la qualité des tubercules.” Comme les dix autres producteurs de B1 (dont deux agriculteurs biologiques), les Mahé sont rémunérés par Bretagne Plants à la bouture plantée. Les quantités de tubercules produites et leur qualité conditionnent des primes qui viennent s’ajouter au forfait. Les onze producteurs multiplient chacun une dizaine de variétés. “Ce serait évidemment plus simple que l’on ne fasse qu’une variété chacun mais ce serait prendre trop de risques.” z REPORTAGE Yann Le Roscouët “Je suis heureux dans mes champs” Yann Le Roscouët, producteur à Kerfourn dans le Morbihan, a commencé la culture de plant en 2009, en alternative à la pomme de terre de consommation. Rien d’étonnant qu’elle plaise à cet agriculteur passionné par la conduite des cultures et déjà producteur de légumes industrie qui demandent eux-aussi beaucoup de rigueur... Yann Le Roscouët s’est installé en 1997 sur l’exploitation familiale qui avait alors trois ateliers : vaches allaitantes, légumesindustrie (haricot vert et petit pois) et pomme de terre de consommation. L’exploitation comptait alors 52 hectares. Dès son installation,Yann Le Roscouët arrête l’atelier bovins pour se spécialiser en légumes-industrie. En 1998, il s’équipe d’un système d’irrigation et diversifie les cultures destinées à l’industrie : brocoli, chou-fleur, courgette, navet, céleri rave et épinard font leur arrivée sur l’exploitation. “Ce sont les cultures qui m’intéressent. Je ne pense pas avoir l’âme d’un éleveur. L’agronomie et la conduite des cultures me passionnent.” Yann Le Roscouët cultive, à cette époque, une variété de pomme de terre de consommation, la Rosine, pour un marché de niche. “Nous étions plusieurs ici à la cultiver. Ça marchait bien, jusqu’à ce que le marché s’essouffle. Nous avons essayé plusieurs autres variétés, sans succès. Nous n’avons pas un terroir à rivaliser avec les autres bassins de production de la pomme de terre de consommation.” Une alternative à la pomme de terre de consommation s’impose ainsi au producteur. “Soit j’arrêtais la pomme de terre, soit je m’orientais vers le plant. Je ne voulais pas arrêter la pomme de terre. Comme la filière cherchait des producteurs et que je disposais du matériel de culture, je me suis orienté vers le plant. Ce qui m’intéresse dans la culture de plants, c’est de la mener jusqu’au bout, au-delà de la récolte.” Un nouveau bâtiment pour plus de qualité et une meilleure organisation En 2009,Yann Le Roscouët débute ainsi la culture de plant sur douze hectares. “Pendant les deux premières années, je n’ai pas investi du tout dans du matériel. Je me suis servi de mon hangar de stockage ventilé dont l’exploitation disposait déjà pour la consommation. Ce n’était pas satisfaisant et, l’année dernière, j’ai décidé d’investir dans un bâtiment réfrigéré avec deux objectifs : stocker les pommes de terre et conserver mes plants dans les conditions optimales.” Le nouveau bâtiment permet également au producteur d’étaler le travail du conditionnement du plant : “En automne, nous sommes en pleine récole de chou-fleur et de navet. Le bâtiment me permet de travailler les plants plus tard ; jusqu’à la fin mars et ainsi fidéliser le personnel.” Pendant les trois premières années, les plants sont 16 calibrés par la Cecab.Yann Le Roscouët est désormais parfaitement autonome pour la culture du plant : “Je tiens à conditionner moi-même. J’ai donc investi dans du matériel spécifique au plant : table de traitement, peseuse, palletiseur manuel… J’ai également investi dans les caisses, les remplisseurs… Même si tout était d’occasion, j’ai préféré investir dans du matériel pour être autonome et pouvoir travailler quand je veux. S’il fait beau, je veux pouvoir aller arracher, ce qui implique d’avoir sa propre arracheuse… C’est ma façon de voir les choses.” Prendre soin de ses plants En 2012, la culture du plant de pomme de terre représente 25 hectares de l’exploitation de Yann Le Roscouët. Il cultive différentes variétés, dont Universa (pour les deux tiers), Cara, Hermes… Avec le recul, le producteur a une préférence pour la culture de plant par rapport à celle de la pomme de terre de consommation : “On ne porte pas le même intérêt au produit. En consommation, j’avais l’impression de planter et d’espérer que la récolte soit belle. En plant, la culture est beaucoup plus technique. Ce n’est vrai- ACTUALITÉ DE LA FILIÈRE 14 nouveaux producteurs 14 nouveaux producteurs démarrent la production de plants cette année en Bretagne pour un total de 72 ha. Le profil de ces nouveaux producteurs est très varié aussi bien en âge qu’en surface : • si la moyenne d’âge est de 39 ans, le benjamin en a 22 et l’aîné 58 ! • la surface moyenne en plants pour cette 1re année est de 5,15 hectares avec des extrêmes de 0,50 ha (en bio) à 19 hectares. Yann Le Roscouët : “Ce que j’apprécie dans le tracteur, ce n’est pas de le conduire, mais bien de diriger la machine qui est derrière.” La répartition par zone de production est la suivante : ment pas une culture basique. On attend de nous un travail de qualité pour fournir différents marchés très exigeants. Nous devons prendre soin des plants pendant des années. Ce challenge me plaît.” Le producteur apprécie également l’accompagnement de Bretagne Plants : “Philippe Dolo m’a accompagné pour l’investissement dans mon bâtiment réfrigéré et même dans le matériel. Il me donne des conseils, son avis… Ensuite, chacun est libre de faire ses choix, c’est intéressant. Michel Cabel suit également mes cultures et les contrôle. Il est très « carré », ça me va très bien !” Yann Le Roscouët a beaucoup obtenu de renseignements de la part de ses collègues producteurs de plants. “En échangeant avec les autres producteurs, on apprend beaucoup. Ces échanges sont une grande source de renseignements.” En revanche, la grande déception de Yann Le Roscouët sur la culture de plant se concentre, comme tous les producteurs, au niveau du prix de rémunération. “Nous faisons un travail qui demande une extrême rigueur, une disponibilité et une implication dans nos cultures. En face, les prix ne sont pas au niveau ; c’est vraiment regrettable. J’espère que les prix vont remonter, sinon plusieurs producteurs risquent de faire marche-arrière…” z • Finistère Nord : 8 producteurs • Centre et Sud Finistère : 2 producteurs • Morbihan : 4 producteurs À noter que 5 de ces 14 nouveaux producteurs sont producteurs en Agriculture Biologique. Bienvenue à tous ! Répartition des nouveaux producteurs Campagne 2010/2011 Campagne 2011/2012 Campagne 2012/2013 MORLAIX ST-BRIEUC 22 BREST 29 CARHAIX Forêt de Quénécan QUIMPER LORIENT 56 VANNES 17 REPORTAGE Création variétale à Kerloï L’anticipation La station de Kerloï présente chaque année au mois de septembre ses nouvelles variétés. Kerloï, savons-nous vraiment ce qui s’y fait ? Découverte avec Jean-Marc Abiven, son responsable. Il nous présente les toutes premières étapes de la création et sélection variétales. Jean-Marc Abiven dirige la station de Kerloï. Bretagne Plants a donné pour mission à la station de Kerloï de créer de nouvelles variétés. En 2012, les objectifs sont les mêmes qu’en 1970, avec pourtant un contexte différent. La limitation des intrants est dans tous les esprits et la solution passera sûrement par la génétique. Ainsi, des variétés résistantes au mildiou sont très attendues, mais un problème s’ajoute aux difficultés de la création variétale déjà nombreuses : les « races » de mildiou évoluent aussi vite que le travail de sélection… Des variétés résistantes aux nématodes et aux virus sont également en cours de sélection. “Il faut savoir qu’il se passe 10 ans entre l’obtention d’une graine et la sortie de la variété, explique Jean-Marc Abiven. 10 longues années auxquelles il faut ajouter les deux nécessaires aux examens débouchant sur l’inscription officielle et les 4-5 années nécessaires à la multiplication permettant la mise en marché. Notre travail consiste donc à anticiper, 15 ans à l’avance, les attentes des différents marchés…” 15 années, cela pourrait en décourager plus d’un… Jean-Marc Abiven n’en est pas un. On rencontre là un homme passionné et passionnant qui nous ouvre les portes de la station avec autant d’explications qu’on le souhaite. Il nous montre une cagette avec des pommes de terre de toutes les cou18 leurs, de toutes formes : “Chaque année, mes espoirs sont intacts : je suis animé par le désir de trouver la perle rare.” La station de Kerloï vise cinq créneaux de pomme de terre : • les primeurs (Starlette…) • les exportations (Alaska, Elodie, Universa…) • la “consommation lavable” (Europa, Emeraude, Eden…) • la “consommation à chair ferme” (Gourmandine, Celtiane, Galante…) • la “transformation” en frites ou chips (Océania, Triomphe…). Elle est bien placée en termes de création de variétés destinées au marché de l’export. Les variétés de chair ferme créées par Kerloï se développent bien également. Le marché de la transformation est lui beaucoup plus fermé entre les sélectionneurs internationaux et les usines. Malgré tout, ce créneau n’est pas abandonné par Kerloï : “De plus en plus d’usines vont s’implanter au Maghreb et au Moyen Orient car la demande explose en produits transformés dans ces pays. La donne va changer pour ce qui est de la création variétale”, nous fait remarquer Jean-Marc Abiven. Pour ses programmes de création variétale, la station de Kerloï dispose d’un “ ” La station de Kerloï assure notre indépendance génétique de rigueur pool de variétés qu’elle va croiser entre elles : ses propres collections, les variétés du commerce et les géniteurs INRA. Dans le cadre de l’ACVNPT (Association des Créateurs de Variétés Nouvelles de Pomme de Terre), Kerloï a, en effet, accès aux géniteurs créés par l’INRA. Pour faire simple, l’INRA travaille bien en amont de la création variétale. Les chercheurs créent des géniteurs avec des variétés ramenées des quatre coins du monde, d’Amérique du Sud en particulier, qui n’ont presque plus rien à voir avec de la pomme de terre, mais qui présentent malgré tout des caractères intéressants. Kerloï les utilise dans ses programmes de création variétale. Rentrons dans les coulisses de la station de Kerloï pour tout connaître de la création variétale. Les deux premières années se passent sous serre : Pendant l’hiver, Jean-Marc Abiven choisi les géniteurs qui interviendront dans son plan de croisement, en fonction de leurs résistances, de leurs qualités agronomiques… “C’est un jeu de combinaisons : je regarde les caractères défavorables et favorables de chacun et je compose sur le papier mes combinaisons, explique Jean-Marc Abiven. Toutes les combinaisons ne sont pas possibles car il y a des mâles stériles. On ne pourra les utiliser qu’uniquement en femelle.” Cette année, Jean-Marc Abiven a sélectionné 194 géniteurs : “Je croise les variétés des mêmes créneaux. Je ne croise pas, par exemple, une variété à chair ferme avec une « transformation ».” Dominique Morvan est producteur à Guipavas et président de Bretagne Plants. Il nous explique l’intérêt de la station de création variétale de Kerloï pour les producteurs et collecteurs : Dominique Morvan : “Les programmes de Kerloï profitent à tous ; producteurs et collecteurs bretons.” “Quand la décision a été prise en 1970 de créer la station de Kerloï, l’idée était de créer des variétés pour fournir les collecteurs bretons, quelle qu’en soit leur dimension. L’objectif était ainsi de développer nos marchés, en apportant une amélioration au consommateur, au collecteur et au producteur en termes de rendement, de qualité gustative, de résistance à certaines maladies… Cet objectif est toujours d’actualité. Je suis persuadé qu’un tel outil a permis – et permet toujours – aux collecteurs comme Gopex, Elorn Plants, Triskalia, LSA… de se développer. L’intérêt pour les collecteurs est d’acquérir des variétés exclusives. Gopex, par exemple, commercialise la variété Alaska, issue de Kerloï, et peut ainsi se différencier de ses concurrents sur le marché de la Jordanie entre autres. L’exclusivité leur permet ainsi d’être moins dépendants des variétés tombées dans le domaine public, pour lesquelles ils sont concurrencés par d’autres pays producteurs avec des prix très bas. Cette dépendance génétique est la force des producteurs bretons de plants de pomme de terre. Sans elle, nous travaillerions tous des variétés hollandaises, avec aussi sûrement des collecteurs hollandais… Elle est également une force pour Bretagne Plants. Outre la vente des variétés, Bretagne Plants touche des royalties sur les surfaces implantées en variétés issues de Kerloï. La station dégage un résultat nettement positif ; ce qui permet entre autres de ne pas augmenter les cotisations.” Évolution des variétés de Bretagne Plants Surfaces Tonnages commercialisés dont export 19 2001/2002 536 ha 2006/2007 690 ha 2011/2012 1 490 ha 2 800 t 10 300 t 24 700 t 8 300 t 15 800 t 42 100 t REPORTAGE La pousse des géniteurs. Au mois de mars, les géniteurs vont être plantés en serre dans des sacs de terreau. Cinq germes vont être ainsi implantés et donneront cinq plants. L’objectif de cette étape est de faire pousser la plante le plus haut possible afin d’obtenir des bouquets floraux sur plusieurs étages. Les conditions de la serre sont optimales pour favoriser la pousse et la floraison : 25°C, une alimentation en solution nutritive au goutte à goutte et une photopériode de 18 heures. Les plants sont tuteurés comme des tomates. Une fois que les plants font un mètre de haut, ils commencent à fleurir ; nous sommes alors au début du mois de mai. “Pour réaliser les croisements prévus dans Les croisements. le programme, on castre les fleurs de la plante A femelle - on ôte les étamines - et on y dépose le pollen de la plante B.” Sur une même plante, on peut avoir 20 croisements. Les croisements sont réalisés le matin, quand il ne fait pas trop chaud car la qualité du pollen en dépend. 200 graines pour effectuer les semis.” 3 000 croisements sont réalisés, mais un tiers seulement réussit. Les baies restent sur la plante jusqu’à mijuillet. Elles sont ensuite placées au froid, à 3-4°C. En novembre, les graines sont extraites des baies : “On écrase les baies dans une bassine d’eau. Les graines coulent et on vide l’eau. On met ensuite les graines sur du papier buvard. Elles sont dénombrées et mises en Les baies issues tube.” Trois ou quatre jours après la pollinisation, en cas de réussite de la fécondation, une baie se forme. La baie est identifiée et endes croisements. sachée. “L’objectif, Chaque année, Jeanà cette étape, est Marc Abiven dispose d’obtenir 2-3 baies ainsi de 1000 croisements, par croisement, en en sachant que les graines sachant qu’une baie d’un même croisement sont contient 100 graines, toutes différentes. “Sur ces 1000 explique Jean-Marc Abiven. croisements, je sélectionne les 300 plus inOn a effectivement besoin d’au moins téressants sur le papier en fonction du potentiel des parents et en gardant une proportion équilibrée entre les quatre créneaux. Nous semons ensuite 200 graines par croisement. On arrive alors à 60 000 graines, c’est-à-dire 60 000 variétés potentielles ! On sait d’avance qu’il n’y aura à la fin de chaque plan de croisement, que deux ou trois variétés de retenues ; ça ne nous décourage pas.” 20 Les plantules sont repiquées en godets. Début mars, les graines sont semées dans des petites barquettes. Vingt jours plus tard, les plantules de 2-3 cm sont repiquées dans des godets de 10 cm. Les 60 000 godets sont placés sous serre. Les plants reçoivent une solution nutritive jusqu’en juin. “Lorsque les tubercules ont une taille suffisante (30-40 mm), on cesse de les alimenter.” Fin juin-début juillet, la récolte a lieu et avec elle, une nouvelle sélection. Elle ne se fera dans un premier temps que sur la présentation morphologique des tubercules : couleurs, forme et nombre. À ce niveau, aucune sélection ne se fait sur la végétation. La couleur est très importante, surtout pour des variétés de consommation. “Je garde un tubercule par godet. Je regarde le résultat du croisement en fonction des objectifs que j’avais fixés. Sur les 60 000 graines, seuls 25 000 La première sélection sur la présentation morphologique des tubercules. tubercules passeront à l’étape suivante !” Les tubercules sont mis en clayette et placés au froid à 3-4°C jusqu’au mois de mars de l’année d’après. z La sélection ne fait que commencer. Dans le prochain numéro de votre magazine, vous découvrirez les prochaines étapes : la sélection au champs, la sélection gustative, les essais de résistance… jusqu’à l’inscription et la vente des tubercules miraculeux. La station de Kerloï, c’est : • 5 permanents et des saisonniers pour les plantations et les arrachages • 1 000 m2 de serres (la serre des géniteurs et celle du repiquage) • un hangar de stockage réfrigéré • un laboratoire pour les tests culinaires et de cuisson • 20 ha de SAU en propriété et des échanges de parcelles pour l’implantation des 10 ha de pomme de terre 21 RECHERCHE INNO-PLANT, une nouvelle Unité Mixte Technologique pour renforcer l’innovation et la compétitivité du plant français de pomme de terre Le Ministère de l’agriculture vient de labelliser pour cinq ans l’Unité Mixte Technologique INNO-PLANT. Associant la Fédération Nationale des Producteurs de Plants de Pomme de Terre (FN3PT) et l’INRA, INNO-PLANT a pour ambition de devenir une plateforme de construction et de conduite de projets de recherche et de développement dans le domaine du plant de pomme de terre. Elle vise également à acquérir et intégrer, au sein de systèmes de productions innovants, les connaissances clés sur les facteurs majeurs de compétitivité, en particulier la qualité sanitaire, la résistance variétale aux bioagresseurs et l’adaptation aux exigences des marchés actuels et futurs. L’UMT INNO-PLANT est née de la volonté de la FN3PT et de l’INRA de renforcer leur collaboration au service de la compétitivité de la filière française du plant de pomme de terre. Aujourd’hui, le marché mondial des plants de pomme de terre est dominé par les Néerlandais avec près de 700 000 tonnes de plants certifiés exportées chaque année, mais sur lequel la France est dynamique (148 000 tonnes exportées) et gagne actuellement des parts de marché. C’est aussi un marché en pleine évolution : nouveaux pays importateurs, segmentation croissante de la consommation, diversi- fication variétale, évolution des modes de production dans un contexte réglementaire et environnemental changeant. Une structure de référence en Europe L’UMT INNO-PLANT, qui associe également pour certaines thématiques le GNIS (Groupement National Interprofessionnel des Semences et plants) et l’ACVNPT (Association des Créateurs de Variétés Nouvelles de Pomme de Terre), affiche l’ambition de devenir une structure de référence en Europe. Cette * Unité mixte de recherche INRA/Agrocampus Ouest/Université Rennes 1 “Institut de Génétique, Environnement et Protection des Plantes”. 22 ambition est fondée sur un programme de travail associant recherche, développement, prospective et transfert sur quatre thèmes majeurs pour la compétitivité de la filière : • La qualité sanitaire des plants. Dans un contexte de contraintes éco-environnementales, il s’agit de développer des travaux de caractérisation ou d’épidémiologie des parasites majeurs et/ou émergents, de mise au point de techniques innovantes de détection et de contrôle. • La sélection variétale avec l’amélioration des résistances génétiques durables aux bioagresseurs. • Le développement de stratégies intégrées de production. • Des actions plus prospectives afin d’accroître la compétitivité de la filière plant, tant en Europe que pour l’exportation et de répondre aux attentes des utilisateurs. Une équipe aux compétences variées Riche d’un historique de collaboration très dense et très fructueux entre l’INRA et la FN3PT (et ses 3 Etablissements Producteurs Régionaux : Bretagne Plants, Comité Nord et Comité Centre Sud), INNO-PLANT bénéficie de la mise en synergie de compétences en génétique et phytopathologie et d’une solide expertise généraliste sur l’ensemble des aspects techniques de la filière. Elle est hébergée dans les locaux de l’Unité mixte de recherche IGEPP* (Le Rheu et Ploudaniel) de l’INRA de Rennes. En cohérence avec sa vocation, l’UMT INNO-PLANT est d’ores et déjà impliquée dans plusieurs projets structurants, nationaux et internationaux, avec notamment des pays méditerranéens. z 23 Contacts scientifiques • Yves Le Hingrat - FN3PT : [email protected] • Marie-Claire Kerlan - INRA : [email protected] • Didier Andrivon - INRA : [email protected]
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