Mise en page 1 - Bretagne

Transcription

Mise en page 1 - Bretagne
Bretagne
journal d’information/juillet 2012
n° 44
Plants de Bretagne / juillet 2012
Plants de
pommes de terre
REPORTAGE
Création variétale à Kerloï
L’anticipation de rigueur
DOSSIER
• Réussir ses
couverts végétaux
avant la culture de plant
• Les couverts végétaux
pour réduire les
maladies du sol
Sommaire
Actualité
de la filière
Des
................................
p 3-4
métiers
et des
Dossier
Réussir ses couverts végétaux
avant la culture de plant ................ p 5-9
Les couverts végétaux à objectif
assainissant : une solution pour
réduire les maladies du sol ?
.................................................................. p 10-12
Repères
Exportations,
tonnages, plantations ..................... p 13
Reportage
Gwénaëlle et Stéphane Mahé
“Produire du plant pour les autres,
c’est aussi valorisant pour soi”
.................................................................. p 14-15
Yann Le Roscouët
“Je suis heureux dans mes champs”
.................................................................. p 16-17
Création variétale à Kerloï
L’anticipation de rigueur
..................................................................
p 18-21
Recherche
INNO-PLANT, une nouvelle
Unité Mixte Technologique
.....
p 22-23
Juillet 2012 - n° 44
Plants de Bretagne
est édité par Bretagne-Plants
Roudouhir - 29460 Hanvec
Tél. 02 98 21 97 00 - Fax 02 98 21 97 08
[email protected]
Ont participé à la rédaction
de ce numéro :
J. M. Abiven – P. Dolo – E. Guillery
J. Le Guillou – J. Le Mouellic – C. Malgorn
H. Nicolas – Y. Pouliquen (Bretagne-Plants)
K. Bouchek (INRA) – Y. Le Hingrat (FN3PT)
C. Le Meur (Expression)
avec la participation de :
Y. Le Roscouët – G. et S. Mahé.
Réalisation, mise en page :
Expression
Tél. 02 98 68 46 53
Fax 02 98 68 46 96
hommes
Une filière, c’est un ensemble de compétences et de métiers
réunis autour d’un même produit. Mais ce sont surtout des hommes
et des femmes qui mettent leur énergie et leur passion dans leur
métier.
Dans ce numéro, vous trouverez des témoignages vivants et forts
de plusieurs personnes enthousiastes et motivées par leur métier :
• Yann Le Roscouët, nouveau producteur de plants dans le Morbihan qui n’hésite pas à déclarer “Je suis heureux dans mes
champs”.
• Gwénaëlle et Stéphane Mahé, producteurs de souches dans les
Côtes d’Armor, expliquent la passion et la rigueur nécessaires
à cette activité.
• Jean-Marc Abiven, sélectionneur, responsable de la création variétale à Kerloï détaille avec enthousiasme le parcours de la création d’une variété.
Ce numéro est également placé sous le signe de la nouveauté :
nouveaux arrivants dans la filière, nouveau bâtiment au Syndicat
de Pontivy, lancement de la nouvelle structure de recherche INNOPLANT par la FN3PT et l’INRA.
Enfin, un dossier sur les couverts végétaux apporte une information précise sur la pratique et les perspectives des couverts
végétaux.
Passion et innovation sont les moteurs de toute activité économique. Il en va de même pour le plant de pomme de terre et
la progression des tonnages commercialisés, à l’export, est aussi
le produit du travail des acteurs de la filière.
Emmanuel Guillery
2
ACTUALITÉ DE LA FILIÈRE
Kerloï
Agenda
Inscriptions 2012
Samedi 21 et dimanche 22 juillet
3e édition de la fête
de la pomme de terre
à Plouédern (Finistère) :
• démonstrations d’arrachage
d’hier à aujourd’hui ;
• pommes de terre au lard,
le dimanche ;
• stands et animations diverses.
Trois nouvelles variétés bretonnes ont
été inscrites au catalogue national début d’année 2012. Elles sont issues de
la station de création variétale de Kerloï à Ploudaniel.
✔ ELBEÏDA
Lundi 10 septembre
Journée portes ouvertes
à la Station de création
variétale de Kerloï,
Ploudaniel (29),
à partir de 14 heures.
attribuée à Triskalia
Variété précoce à demi-précoce, de type export. Ses tubercules oblongs courts, très réguliers ont une peau claire et une chair blanche.
Productive, elle est adaptée aux pays du bassin
méditerranéen. Elle est rustique et de bonne
conservation.
✔ DOUNIA
attribuée à la SARL L.S.A. et à Pondi-Plants
Variété de précocité moyenne, très productive,
à chair assez pâle. Son adaptation est bonne
dans les pays du bassin méditerranéen où elle
peut être utilisée sur le marché du frais et transformée en frites (matière sèche : 20-21 %). De
bonne conservation, elle est assez rustique et
résistante au nématode Globodera Rostochiensis (Ro1-4).
✔ CHARMEUSE
attribuée à Triskalia
Variété demi-précoce, productive, aux tubercules assez allongés à peau et chair jaunes et de
très bonne qualité culinaire. Elle est assez rustique et se conserve très bien.
Pré-attributions 2012
• 04F119. 5 : à la SARL Denniel
(variété chair ferme)
• 04F 98. 6 : à Douar Den
(variété pour le marché du frais)
• 04F 46. 11 : à Douar Den
(variété précoce)
• 02F 40. 2 : à Elorn-Plants
(variété pour le marché du frais)
• 01F 61. 1 : à Elorn-Plants
(variété pour le marché du frais)
• 00F140. 5 : à Van Rijn France
(variété pour le marché du frais)
Mardi 11 septembre après-midi
Plateforme essais pommes de terre
de Triskalia, à Plouedern (Finistère).
• présentation variétale…
Dimanche 3 septembre
Agrifête 2012
à Plounéventer (Finistère).
La fête départementale de l’agriculture est organisée cette année par les
jeunes agriculteurs des cantons de
Landivisiau, Landerneau et Ploudiry :
• finale départementale
du concours de labour ;
• nombreuses animations
dont une démonstration
de chiens de troupeaux ;
• le « moiss’batt » cross ;
• et un « village de
la pomme de terre ».
UMT Inno Plant
Mercredi 12 et jeudi 13 septembre
Potato Europe 2012
à Villers Saint-Christophe (Aisne).
C’est la plus importante manifestation européenne de la pomme de
terre ! Organisée par Arvalis et les organisations professionnelles de la filière française, y seront présentés :
• plus de 40 ha de surfaces avec des
chantiers de plantation, d’arrachages et de réception,
• l’Espace du Commerce,
• et le village des exposants.
Site : www.potatoeurope.com
Par un courrier du 21 mars 2012, le Ministère de l’Agriculture a agréé la constitution d’une Unité Mixte Technologique entre la F.N.3P.T. et ses 3 E.P.R. d’une part,
et l’INRA d’autre part. INNO-PLANT, c’est le nom de cette UMT, permettra de
créer un lien entre un institut de recherche et une profession. Voir l’article en
page Recherche en fin de magazine.
3
ACTUALITÉ DE LA FILIÈRE
Nouveau bâtiment
pour le syndicat des producteurs de
plants de pomme de terre de Pontivy
Le syndicat de Pontivy compte aujourd’hui 90 producteurs, pour une surface de 1 150 hectares.
Les producteurs sont répartis dans un
rayon de 20 kilomètres autour de Pontivy, dont quelques nouveaux sur l’est du
département du Morbihan.
Depuis la fusion avec le Syndicat de Locminé en 1991, des travaux d’aménagement des locaux au 36 rue du Général
de Gaulle à Pontivy (56) avaient été réalisés. Aujourd’hui, une remise en état du
bâtiment était nécessaire, ce qui engendrait d’importants travaux.
L’évolution du métier nécessitant plus
d’espace et des locaux adaptés, les administrateurs du Syndicat ont pris la décision de vendre l’ancien bâtiment, et
de partir sur une construction nouvelle.
Ce qui est chose faite. Depuis le 1er
mars 2012, nous avons emménagé dans
la zone d’activité de Porh Rousse à Pontivy (56).
L’encadrement technique et le contrôle
sont assurés sur le secteur par 4 techniciens/ inspecteurs et par un Chef de
secteur/Inspecteur d’encadrement, tous
salariés de Bretagne Plants. Le Responsable Développement Technique de Bre-
Nouveaux arrivants
Bretagne Plants :
Pierre Lorans,
pour le terrain
Un nouveau but pour ce jeune passionné
de football : renforcer l’équipe du secteur de Pontivy en tant qu’inspecteur de
cultures !
À 21 ans et jeune diplômé
d’une licence pro et d’un
BTSA “Analyse et conduite
des systèmes d’exploitation”,
Pierre est « tombé dans la
patate » quand il était petit
puisqu’il aidait régulièrement ses parents producteurs de légumes et de
pommes de terre de conso et des voisins producteurs de plants. Au cours de
ses stages, il a effectué des missions de
conseil auprès d’agriculteurs pour la
Chambre d’Agriculture de l’Isère.
Bretagne
Plants :
JeanChristophe
Loaec,
pour la station de Kerloï
Depuis le 2 mai, Jean-Christophe Loaec,
37 ans, assiste Jean-Marc Abiven en tant
qu’adjoint. Après un Bac “Productions
végétales” et un BTS “TechnologiesVégétales, option Agronomies et systèmes de
cultures”, il a fait plusieurs saisons de
récoltes de pommes de terre pour Altho,
puis a été technico-commercial en
semences et produits phytosanitaires ces
six dernières années. Il est aussi fils de
producteurs de plants. Jean-Christophe
est désormais plus particulièrement
chargé du suivi de l’exploitation de Kerloï, de l’accueil des visiteurs et de la communication sur les salons et foires.
4
tagne Plants est également basé sur le
site de Pontivy.
Le nouveau siège du Syndicat est composé de sept bureaux, d’une salle de
réunion et d’un bâtiment de stockage,
qui permet de regrouper les échantillons
de préculture et les évaluations de rendements, de stocker et sécher les échantillons de terre et de réaliser les notations qualité des lots. z
DRAAF :
Jacques Montfort
de France AgriMer
Il est, depuis le 1er octobre, le nouveau
responsable de l’antenne Draaf de Bretagne de Brest. Il a en charge
la délivrance des
certificats phytosanitaires en fonction des cahiers
des charges des
pays importateurs.
INFOS TECHNIQUES
Réussir ses
couverts végétaux
avant la culture de plant
D’abord considérés comme une contrainte, les couverts végétaux sont
Encadré 1
Rappel Directive
Nitrates 4
• La totalité des surfaces exploitées doit
avoir un couvert végétal pendant la période de risque de lessivage : culture, dérobée, CIPAN, repousses de colza (entre
colza et blé). À défaut, la culture intermédiaire peut être remplacée par un
broyage fin des cannes de maïs dans
une succession maïs grain-culture de
printemps.
• Date limite de semis : 10 septembre
après céréales et autres cultures d’été,
1er novembre après maïs.
• Maintien jusqu’au 1er février minimum.
• Fertilisation interdite jusqu’à la destruction. Un épandage de fumier est possible à partir du 15 janvier.
• Traitement phytosanitaire interdit.
• Destruction mécanique obligatoire,
sauf en légumes ou travail du sol simplifié. La destruction chimique reste interdite à moins de dix mètres des bordures de cours d’eau, à moins d’un
mètre des fossés et sur les parcelles à
risque élevé.
• Cas des légumineuses : les légumineuses
implantées seules ou en mélanges ne
font pas partie des espèces autorisées
en CIPAN. Mais les légumineuses cultivées seules ou en mélanges peuvent
être considérées comme des “cultures
dérobées” à bien déclarer comme tel.
aujourd’hui incontournables. Si l’objectif recherché a été le piégeage
des nitrates, aujourd’hui d’autres avantages en font une culture essentielle
de la rotation. L’offre en matière d’espèces s’étoffe, les techniques
d’implantation et de destruction sont nombreuses. Bretagne-Plants mène
depuis trois ans des essais sur différents couverts et leurs effets
sur la culture de plants de pomme de terre suivante.
La Directive Nitrate a rendu obligatoire la
mise en place des couverts végétaux (cf.
Encadré 1). Le piégeage des nitrates est
le premier objectif d’un couvert. L’azote
nitrique est retenu et remis à disposition
pour les cultures suivantes. Une culture intermédiaire absorbe de 60 à 100 kg/ha
d’azote issu du reliquat post-récolte et
de la minéralisation automnale. Après destruction, 25 à 50 % de l’azote piégé sont
minéralisés et restitués à la culture suivante. Quant aux 50 à 75 % restants, ils
seront réorganisés puis minéralisés lentement sur plusieurs années.
De multiples avantages
Dans les sols fragiles, un deuxième objectif est la protection des sols contre l’érosion et la battance. Les apports de matières organiques et les racines des
couverts permettent d’améliorer la structure du sol. Certains couverts aux racines
pivotantes comme le radis vont structurer
le sol en profondeur tandis que d’autres
aux racines fasciculées n’auront qu’un effet superficiel.
Les couverts ont un effet sur la faune du
sol. Une fois détruits, leur décomposition
favorise la vie du sol. Effet négatif, ils ont
tendance à entraîner la présence de limaces mais également leurs prédateurs
naturels que sont les carabes. Véritables
réservoirs à biodiversité, les couverts végétaux permettent aussi d’abriter le gibier
et de les nourrir pendant l’hiver.
5
Les couverts participent au contrôle des
adventices, des ravageurs ou des maladies. En assurant une couverture des sols
après la moisson, ils limitent le développement des adventices pendant l’interculture. Il existe des plantes comme la
phacélie qui, par leur croissance importante, étouffent les plantules de mauvaises
herbes.
Les couverts permettent également, selon
l’espèce utilisée, de rompre les cycles de
certains parasites (variétés de moutarde
et de radis contre les nématodes de la
betterave…). Des couverts mal choisis
peuvent introduire des maladies dans la
culture qui suit. C’est le cas des crucifères
avant le colza qui sont des plantes hôtes
pour la hernie du chou ou le sclérotinia.
La valorisation des intercultures en fourrage permet de produire une récolte supplémentaire dans le cas d’élevages bovins
notamment. Selon les espèces et la date de
semis, la production s’élèvera de 3 à 4 t/ha.
Quelle(s) espèce(s) semer ?
Historiquement, la moutarde, l’avoine ont
souvent occupé une place privilégiée dans
les semis de couverts. L’avoine est un des
couverts les moins chers, facile à produire
et peu exigeant. La moutarde quant à elle
permet de produire en général un bon
tonnage sans grandes difficultés. Par contre,
l’avoine d’hiver est complexe à détruire
mécaniquement et pourra être pénalisée
par la rouille couronnée ou les viroses. La
INFOS TECHNIQUES
Réussir ses couverts végétaux
avant la culture de plant (suite de la page 5)
moutarde blanche présente l’inconvénient d’être souvent trop ligneuse
lorsqu’elle est utilisée seule. C’est pourquoi la combinaison de plusieurs espèces permet de bénéficier des avantages de chacune :
– Les mélanges offrent d’abord une sécurité de développement du couvert
lorsqu’une espèce lève mal, une autre
peut prendre le relais.
– L’association de plusieurs espèces
choisies pour leur complémentarité
favorise l’établissement d’une concurrence positive entre les plantes qui
initie une augmentation de la biomasse et de tous les effets qui en découlent.
– Ils assurent une plus longue durée de
couverture, garantissant une meilleure
efficacité sur le piégeage des nitrates,
l’amélioration de la structure du sol et
le contrôle des adventices. L’association d’espèces à croissance rapide
(crucifères et phacélie) et d’autres à
démarrage plus lent, mais à cycle plus
long comme les graminées, remplit
cet objectif.
– La présence de légumineuses en mé-
lange, dans le cadre de cultures dérobées, permet de diminuer le rapport
C/N de la biomasse. Ainsi lors des
premiers stades de décomposition,
elles se comportent souvent comme
des fournisseurs nets d’azote alors
que de nombreuses autres plantes
risquent d’entraîner plutôt une mobilisation plus ou moins forte d’azote
pour amorcer la dégradation de leur
matière organique.
Le tableau de la page 9 illustre les caractéristiques de certains couverts et
les associations possibles.
Tableau 1 : Le semis des couverts végétaux
Matériel
Combiné de semis
Déchaumeur
à disques
Distributeur
électrique ou
centrifuge + rouleau
Semoir de TCS
Débit de
Largeur chantier
Prix de
revient*
Avantages
Inconvénients
26 €/ha
– polyvalence
– qualité de semis
– début et coût
– travail en présence de débris importants
– polyvalence débit de chantier – positionnement de la graine (volée)
– peu onéreux
– capacité de la trémie
–
30 à
36 €/ha
– polyvalence
– peu onéreux
2,5 ha/h
42 €/ha
– qualité du semis
– début de chantier
– autonomie
– positionnement de la graine (volée)
– capacité de la trémie
– ne convient pas à toutes les espèces et
aux mélanges
3m
1,5 ha/h
3m
2,5 ha/h
–
3m
65 €/ha
Source : FRcuma Ouest/Arvalis - Institut du végétal
*Le prix de revient comprend l’outil, le tracteur avec carburant et la main-d’œuvre
– prix d’achat
Tableau 2 : La destruction mécanique des couverts
Matériel
Broyage
Débit de
Largeur chantier
Prix de
revient*
3m
1,5 ha/h
3m
2 ha/h
27 €/ha
Cover crop
3m
2 ha/h
28 €/ha
Déchaumeur à disques
indépendants
3m
2,5 ha/h
28 €/ha
Bêches roulantes
3m
3 ha/h
23 €/ha
Déchaumeur
à dents
Rouleau Cambridge
6m
5 ha/h
37 €/ha
14 €/ha
Source : FRcuma Ouest/Arvalis - Institut du végétal
* Le prix de revient comprend l’outil, le tracteur avec carburant et la main-d’œuvre
6
Avantages
Inconvénients
– finesse de broyage
– régularité de travail
– remplacement des couteaux
– pas de travail du sol
– coût d’entretien
– bon mélange
– sol nivelé
– polyvalence
– débit de chantier
– déchaumage sans lissage
– polyvalence
– débit de chantier
– action limitée sur le sol
outil de grande largeur
et peu tirant
– épouse le dénivelé du
terrain
– outil souvent présent sur
l’exploitation
– nivellement sans rouleau arrière
– multiplicateur des adventices à rhizomes
– polyvalence
– bon mélange
– coût d’entretien
– risque de bourrage
– prix d’achat
– coût d’entretien
– prix d’achat
– possibilité d’interventions limitées
(heures avec gel)
– risque de tassement (sol non gelé sous
le couvert)
– pas d’action sur les repousses
Inspirés des “knife rollers”
américains ou des “rolo faca”
brésiliens, les rouleaux sont une
piste pour détruire les couverts.
Quelle technique de semis ?
Pour qu’un couvert végétal absorbe
un maximum d’azote et qu’il assure
une bonne production de biomasse, il
faut qu’il soit implanté tôt après la récolte des céréales. En semant rapidement après la récolte, on profite de
l’humidité résiduelle du sol, favorable à
une bonne levée. Cela est vrai pour
toutes les espèces à l’exception toutefois de la moutarde qui demande à retarder son semis pour ne pas monter
en graines avant l’hiver. Dans certains
cas, le semis peut être décalé en fonction de la propreté et de la quantité
d’adventices. Si le semis décalé peut
avoir l’inconvénient de réduire la production de biomasse, il permet de réaliser un ou plusieurs faux semis pour limiter l’enherbement.
Une attention particulière doit être
portée au semis des couverts pour
valoriser au mieux cet « investissement ». Il doit être simple, efficace, utiliser le matériel présent et disponible
sur l’exploitation. Les exigences de semis sont différentes selon l’espèce im-
plantée. Elles sont faibles (semis à la
volée, germination des graines à la surface du sol) à fortes (nécessité d’enfouissement, positionnement correct
dans le sol). La préparation du sol et la
technique de semis seront à adapter
aux exigences de la culture intermédiaire. De nombreux matériels existent,
cf. tableau 1. Le semoir à céréales ou la
caisse de semis sur le déchaumeur est
d’une plus grande précision qu’un semoir à la volée et sera indispensable
pour le semis de mélanges d’espèces. Le
roulage est souvent indispensable pour
favoriser la germination des semences
par le contact graines-terre surtout lors
de semis de petites graines (phacélie
par exemple).
Les modes de destruction
Plusieurs techniques de destruction
existent mais seules des méthodes mécaniques sont utilisables hors Techniques
Culturales Simplifiées (cf. tableau 2). En
règle générale, il est recommandé de
détruire le couvert au moins 60 jours
avant l’implantation de la culture suivante. La destruction devra s’opérer
suffisamment tôt pour permettre le réchauffement du sol, éviter toute allélopathie négative et favoriser la restitution
des éléments minéraux.
Le roulage avec des rouleaux lisses ou
Cambridge a pour objectif de casser et
plaquer au sol les tiges. Une bonne efficacité du roulage est obtenue à partir du stade floraison du couvert et sur
sol gelé. En Bretagne, cette technique
montre des résultats aléatoires suivant
les conditions climatiques de l’année.
Dans tous les cas, cette technique devra
être complétée par un léger travail du
sol pour favoriser le contact terre-rési7
dus. Des rouleaux broyeurs seront plus
adaptés à la destruction des couverts
dans notre région. Ils sont de plusieurs
types : rouleaux creux et présentant des
fers plats à leur périphérie qui ont tendance à couper la végétation, ou rouleaux pleins équipés de cornières pour
pincer la végétation. Attelés sur le relevage avant, ces outils permettent le passage en combinaison avec un déchaumeur (cf. photo ci-dessus).
La destruction par broyage, technique la
plus coûteuse, présente néanmoins
quelques avantages majeurs. Elle facilite
les interventions mécaniques à suivre
(travail du sol…), accélère la décomposition de la biomasse. Cette technique est à réserver aux couverts très
développés et ligneux mais n’est que
peu ou pas efficace sur graminées qui
repartent du plateau de tallage.
Les matériels de déchaumage offrent
en général des coûts et un débit de
chantier plutôt favorables. Ils sont adaptés à un plus grand nombre d’espèces
que le broyage. Avant un labour, ils effectuent un premier mélange résidusterre qui améliorera la répartition des
débris dans le profil après labour. Les déchaumeurs à disques indépendants
(DDI), équipés de disques agressifs, fragmentent et enfouissent les couverts en
une seule opération. Ces outils sont plus
polyvalents que les déchaumeurs à
dents, sensibles au bourrage. Avec ces
derniers, la végétation n’est pas déchiquetée et l’effet « râteau » est important. Le rotavator, outil coûteux d’utilisation, remplit la mission de broyage et
d’enfouissement de la végétation. En
conditions froides, un couvert lignifié
profondément enfoui (10 cm et plus)
demande plus d’un mois pour atteindre
un taux de décomposition satisfaisant.
Réussir ses couverts végétaux
avant la culture de plant (suite de la page 7)
Encadré 2
Résultats d’essais menés par Bretagne-Plants
E
Développement des couverts végétaux au 20/10 ou au 15/12
15/12
Avoine 2n
% de tubercules indemnes
90
80
81,0
77,1
47,5
1,5
1,0
0,7
0,6
0,5
10
0
2,5
2,0
1,1
30
20
82,1
- 41%
49,3
40
0,0
0,1
0,2
0,4
2,0
3,0
93,4
2,1
50
2,3
Le 29 septembre, une notation de l’intensité de rhizoctone sur tubercules a été réalisée. Le radis chinois, le sol nu, la moutarde brune
donnent les meilleurs résultats, les graminées les plus mauvais.
2,7
60
15/12
tés : aucun traitement phytosanitaire, un traitement de plant à l’Oscar
(flutolanil + mancozèbe) dans la planteuse, un traitement localisé du sol
avec Amistar (azoxystrobine), un traitement du plant et du sol.
+ 12%
70
7,2
15/12
Avoine 2n + Seigle
90,5
0,7
15/12
Sarrasin
98,1
92,8
1,8
Radis chinois (plantes entières)
Les pommes de terre ont été plantées le 13 avril 2011 avec 4 modali96,4
20/10
15/12
a moutarde brune a été broyée et enfouie en pleine floraison, le
28 octobre (non autorisé réglementairement), pour maximiser
l’effet biofumigant contre le rhizoctone. Les autres couverts ont été
détruits mécaniquement courant février. L’avoine 2n, non pénalisée
par la rouille brune était alors au stade floraison.
100
(en tonnes de matières sèches/ha)
Sol nu
Moutarde brune
L
Biomasse des couverts
Date
0,2
0,0
%ÊindemnesÊsolÊnuÊNT
Indice de gravité
n été 2010, un essai de couverts végétaux avant
une culture de pomme de terre a été implanté
par Bretagne-Plants dans le Morbihan. L’objectif était
de comparer leurs développements végétatifs, leurs
restitutions azotées et leurs impacts sur le rendement et la qualité de la culture de plants de pomme
de terre. Au 15 décembre, la pesée des matières
sèches a montré le bon développement du radis
chinois. D’autres couverts très gélifs, comme le sarrasin, ont été détruits par les premières gelées du
21 octobre (-2,3° C).
%Êin
Ê
Ê Ê
l
% de tubercules indemnes de
rhizoctone
Indice de gravité ou % de
surface des tubercules
couverte par les sclérotes de
rhizoctone
0,0
Légende
NT: NonÊTraitŽ,ÊaucunÊ
Ê
Ê
Ê
traitementÊdeÊplantÊniÊdeÊsol
Ê Ê
Ê Ê
ST:ÊÊSolÊTraitŽÊenÊlocalisŽÊˆÊlaÊ
ÊÊSolÊTraitŽÊenÊlocal
planta on,ÊAmistarÊ3ÊL/ha
Ê
L
a présence de graminées en couvert réduit fortement la proportion de tubercules indemnes de rhizoctone.Après un couvert
d’avoine 2n + seigle, l’indice de gravité de la modalité NT est de 2,7
contre 0,2 après le radis chinois. Rappelons que seuls sont certifiables pour le marché français des lots d’indices inférieurs à 2,35 et
pour l’export en Tunisie, en classe E, les lots inférieurs à 0,25.
ÊÊ
Ê
Ê Ê Ê
biomasse est ligneuse et mettra du temps à se décomposer. Ces
résidus sont des supports propices au développement de Rhizoctonia Solani. Pour une même date de semis des couverts, on peut
observer un C/N de 17 pour du radis chinois et de 27 pour de
l’avoine 2n (observations sur essai 2011/2012).
Aucune différence significative n’a été observée entre les couverts
sur la tubérisation, le rendement et l’expression de symptômes de
gale argentée.
Une piste d’explication de ces résultats est le rapport C/N de la
biomasse des couverts enfouis. Plus ce rapport est élevé, plus la
8
Moutarde blanche
Moutarde brune
Phacélie
Implantation
• Très facile
• Fin août/début septembre
8-10 kg/ha
• Facile
• Fin août/début septembre
7-8 kg/ha
• Moyennement facile
• Mi-août/début
septembre 8 kg/ha
Développement
• Rapide
• Bon effet structurant
• Plus lent qu’une
moutarde blanche
• Très bonne
structuration de surface
Piégeage de l’azote
• Bon
• Bon
• Bon
Destruction
Coût du couvert
• Assez simple
• Possibilité de roulage
• Assez simple
• Assez simple
• Possibilité de roulage
• Elevé (coût de la
semence 5,30 €/kg
+ implantation)
Radis chinois
• Facile
• Fin août/début septembre
10 à 12 kg/ha
• Rapide
• Très bon effet
structurant
• Bon à très bon
• Moyennement facile
• Faible (1,80 €/kg)
• Élevé (9,60 €/kg)
Eviter dans la rotation avec
colza. Biomasse parfois très
ligneuse en interculture
longue. Facile à détruire
mais difficile à enfouir en cas
de développement
important.
Ayant de plus fortes teneurs
en glucosinolates que d’autres
crucifères, la moutarde brune
pourrait avoir de plus forts
effets allélo-pathiques sur
certains champignons (piétin
échaudage, rhizoctone brun…).
Peu de variétés disponibles.
Espèce délicate à
implanter et nécessitant
la présence de terre fine
pour faciliter le contact
sol-graine. Couvert
intéressant par sa
capacité de croissance et
de couverture du sol.
Couvert tout-terrain. Ce
type de radis se distingue
par la longueur de son
pivot allongé et dont une
partie dépasse de la
surface du sol. Ce radis
est plus facile à détruire
que le radis fourrager.
Avoine 2n (Avena Strigosa)
Avoine + Phacélie
Avoine + Moutarde
Phacélie + Seigle
Implantation
• Facile
• Fin août/début septembre
35 kg/ha
• Délicate (éviter
le semis à la volée)
• Mi-août/début septembre
25 kg/ha (88 % d’avoine
et 12 % de phacélie)
• Très facile
• Fin août/début septembre
25 kg/ ha
(80 % d’avoine et
20 % de moutarde)
• Délicate (éviter
le semis à la volée)
• Mi-août/mi-septembre
25 kg/ha (88 % de seigle
et 12 % de phacélie)
Développement
• Rapide
• Forte production de
biomasse
• Rapide
• Moyen
• Bon effet structurant
Piégeage de l’azote
• Assez bon
• Bon
• Rapide
• Bon effet structurant
(2 types de système
racinaire)
• Bon
• Bon
• Possibilité de roulage
• Moyennement facile
• Moyenne
• Moyen (coût de la
semence de phacélie
+ implantation)
• Faible (prix des
semences et travaux
d’implantation)
• Moyen (coût de la
semence de phacélie
+ implantation)
(semences, implantation,
destruction)
Commentaires
Destruction
• Moyennement facile
• Possibilité de roulage
Coût du couvert
(semences, implantation, • Moyen (1,30 €/kg)
destruction)
Commentaires
Avoine gélive à forte biomasse,
très agressive mais difficile à
minéraliser. Elle s’avère plus
précoce à la montaison que
l’avoine de printemps. Etant
régulièrement en cours de
montaison en hiver, ses tiges gèlent
facilement mais des talles peuvent
repartir au pied au printemps. Elle
est beaucoup moins sensible que
l’avoine cultivée aux viroses et à la
rouille couronnée.
Si avoine 2n dans le
mélange, possibilité de
roulage sur gelée. Mélange
qui permet de diminuer le
risque d’apparition de
sclérotinia sur phacélie par
rapport à cette dernière
espèce en pur.
Si avoine 2n dans le
mélange, possibilité de
roulage sur gelée.
Mélange très simple à
mettre en œuvre.
• Moyen (5,5 €/kg)
2 plantes
complémentaires :
systèmes racinaires,
couverture de sol,
pérennité du seigle
Bretagne-Plants préconise des mélanges au rapport C/N faible à base de radis, phacélie, avoine de printemps.
Le seigle multicaule sera également testé ainsi que les différents modes de destruction des couverts.
9
RECHERCHE
Les couverts végétaux
à objectif assainissant
Une solution pour réduire les maladies du sol ?
En France, l’obligation de couvrir les
sols en période d’interculture dans
toutes les zones vulnérables et la
diminution de 50 % de l’usage des
produits phytosanitaires prévue par le
Plan Ecophyto 2018 obligent
l’agriculture conventionnelle à faire
évoluer ses pratiques. Face à ces
évolutions, les agriculteurs sont
demandeurs d’une part,
d’informations sur les conséquences
de ces changements sur la santé de
leurs cultures et d’autre part, de
solutions techniques efficaces et
durables. L’insertion de plantes
assainissantes en période
d’interculture est l’une des méthodes
alternatives qui est en cours
d’évaluation pour réduire les maladies
du sol. Les recherches conduites en
France* ont mis en évidence, en
conditions d’expérimentation, le
potentiel assainissant de certaines
plantes d’interculture. Bien que
l’efficacité de ces cultures soit
prometteuse, des résultats fortement
contrastés sont observés lors de leur
implantation en parcelles agricoles.
Suite à ces travaux un projet CASDAR
SysPID** est mis en place depuis
2010 dont les objectifs consistent à :
Le mode d’action des plantes assainissantes
La culture de la plante
assainissante
Certaines plantes libèrent des exsudats racinaires
allélopathiques (toxiques), c’est le cas de la moutarde brune, du seigle, de l’armoise annuelle, etc…
L’effet de ces exsudats toxiques est plus étudié
pour la lutte contre les mauvaises herbes mais certains travaux ont montré leur effet sur la réduction
des maladies du sol. Une expérimentation réalisée
à l’INRA a montré l’effet de la moutarde brune
cultivée en interculture sur le rhizoctone brun de
la betterave (figure n°1). Cependant, l’effet est accru quand la culture est suivie de l’enfouissement
des résidus. L’impact allélopathique au champ est
aléatoire car il dépend de plusieurs facteurs liés au
sol, au climat ou encore à la culture.
Sol nu
Culture de la moutarde brune
sans incorporation des résidus
Culture de la moutarde brune
avec incorporation des résidus
Figure 1. Incidence du rhizoctone brun de la betterave
dans les parcelles : sol nu, culture de la moutarde brune
sans incorporation des résidus, culture de la moutarde
brune avec incorporation des résidus.
1. Comprendre comment les plantes
assainissantes agissent sur le cycle
de développement des maladies.
Source : Motisi et al, 2009 (Field Crop Research)
2. Évaluer l’efficacité et la faisabilité
de l’implantation des cultures
intermédiaires dans une diversité
de situations.
3. Voir les possibilités d’associer cette
pratique avec d’autres moyens de
lutte complémentaires afin de
garantir une gestion efficace et
durable des maladies.
(*) Travaux réalisés dans le cadre du programme altérations superficielles financé
par le GNIS, ARVALIS/CNIPT réalisé à l’INRA IGEPP, Le Rheu, centre de Rennes.
(**) Programme CASDAR SysPID. Réduire l’impact des maladies telluriques
dans les systèmes de cultures pour une protection intégrée et durable des grandes cultures.
10
est multiple
La biofumigation
La biofumigation est la libération de composés toxiques volatiles suite au broyage
des tissus de certains végétaux comme les
crucifères. Ces substances permettent la
suppression de certaines maladies et ravageurs du sol. La nature, la quantité et le
degré de volatilité des substances produites sont variables selon les espèces de
crucifères et selon les variétés de la même
espèce.
Mise en évidence d’un effet biocide
de la moutarde brune au laboratoire (in vitro)
Nos travaux en conditions de laboratoire* ont montré que parmi plusieurs plantes
utilisées en interculture, seule la moutarde brune libère après broyage, des substances
volatiles qui inhibent la croissance d’agents pathogènes responsables du rhizoctone
brun et des gales communes (figure 2). Le pourcentage d’inhibition est fonction de
la forme de conservation du rhizoctone (mycélium ou sclérotes) et surtout de la
concentration (faible, moyenne, forte) des Streptomyces agents des gales communes.
Figure 2. Effet des substances volatiles libérées in vitro par la moutarde brune sur l’inhibition
de la croissance des pathogènes responsables des altérations superficielles (*)
Technique de biofumigation :
culture de la moutarde en interculture puis
broyage et enfouissement des résidus en surface
A. Rhizoctone brun
Niveau de contamination du sol
L’efficacité de la biofumigation dépend de plusieurs facteurs
D’après les données de la littérature,
dans le sol, les substances volatiles
toxiques libérées par la moutarde sont
de 2 à 4 fois moins actives qu’in vitro car
adsorbées par les particules du sol. Leur
B. Gale commune
Niveau de contamination du sol
Figure 3. Effet du niveau de contamination du sol et de la quantité de résidus
sur l’incidence des maladies (*)
11
durée de vie est courte, de quelques
jours à quelques semaines. Les résultats
de nos essais en serre* ont montré que
d’autres facteurs comme la quantité de
résidus enfouis et le niveau de contamination du sol peuvent être à l’origine des résultats aléatoires obtenus au champ. En effet
l’efficacité de la biofumigation est
forte et significative en présence
d’une biomasse importante de
moutarde et d’un niveau d’inoculum faible à modéré (figure
n°2). Une quantité de résidus faible de moutarde et/ou un niveau
de contamination du sol fort induisent un effet faible à nul de la
biofumigation.
RECHERCHE
La décomposition
de la matière végétale
Malgré l’absence de potentiel biofumigant chez plusieurs cultures intermédiaires, leur utilisation comme engrais
vert peut conduire dans certaines conditions à une réduction des maladies. En
effet, de nombreux résultats publiés
révèlent que l’incorporation des résidus
de cultures provoque une modification
du milieu et donc une augmentation et
une modification de la microflore du sol.
La présence de matière organique facilement dégradable (résidus d’engrais
verts jeunes, résidus riches en eau) favorise l’activité microbienne saprophyte qui
entre en compétition avec l’activité des
organismes pathogènes. L’efficacité de
l’amendement va dépendre également
de la durée de la phase de décomposition des résidus, ce facteur est en cours
d’étude sur le rhizoctone brun. À l’opposé, l’incorporation de résidus d’engrais
verts matures et fibreux, riches en lignine
stimulent peu l’activité microbiologique
du sol : ces résidus mal décomposés sont
favorables au maintien des agents pathogènes, comme l’agent du rhizoctone
brun.
Importance du choix
du couvert et de son
mode de gestion
Les résultats obtenus à l’échelle expérimentale sur l’intérêt de l’insertion d’une
culture intermédiaire à objectif assainissant sont prometteurs mais mettent en
évidence la complexité des modes d’action. Plusieurs facteurs vont conditionner l’intérêt des couverts assainissants
pour la réduction des maladies. En effet,
les cultures intermédiaires bien choisies
et bien gérées, semblent être une réelle
opportunité pour lutter contre les pathogènes, ou, dans le cas contraire, à
l’origine de conséquences néfastes telles
que le salissement des parcelles et le développement des maladies sur les cultures suivantes.
Le choix du couvert doit se faire en
fonction des contraintes pédoclimatiques, réglementaires et culturales. Dans
les régions où le sol doit être couvert
jusqu’à la fin d’hiver, certaines cultures
ne seront pas adaptées, c’est le cas des
moutardes brunes actuellement disponibles sur le marché qui nécessitent une
implantation précoce (avant la mi-aout)
et une destruction à pleine floraison
(fin octobre-début novembre) pour
avoir un effet assainissant et éviter le salissement de la culture suivante. Dans
ces conditions d’une longue couverture
du sol, il faudrait privilégier les couverts
peu ou pas ligneux qui se décomposeront rapidement et augmenteront l’activité microbiologique du sol avant la
culture suivante. Dans tous les cas, il
faudrait éviter les cultures intermédiaires
de la même famille végétale que la culture suivante et qui pourraient être hôte
de certains pathogènes, c’est le cas par
exemple de la hernie des crucifères
dans un couvert de moutarde.
(**) Programme CASDAR SysPID. Réduire l’impact des maladies telluriques
dans les systèmes de cultures pour une protection intégrée et durable des grandes cultures.
12
Le mode de gestion du couvert assainissant conditionnera son efficacité. La
date et la densité de semis bien choisies
permettront d’atteindre une biomasse
suffisante. Il faudrait également une humidité suffisante après semis pour une
levée homogène, un reliquat azoté suffisant pour obtenir une biomasse importante. La finesse du broyage des résidus va faciliter leur décomposition. La
rapidité de leur enfouissement est essentielle dans le cas des cultures biofumigantes (ex moutarde brune).
Conclusion
Malgré les modes d’action complexes et
vraisemblablement multiples d’une culture à objectif assainissant, l’efficacité
reste partielle. Il sera nécessaire d’associer cette pratique à d’autres méthodes
d’efficacité partielle, intervenant tant
pendant la culture de pomme de terre
que pendant les périodes d’interculture.
Les résultats des essais conduits en réseau par plusieurs partenaires dans des
parcelles chez les producteurs – dont 2
parcelles suivies par l’équipe expérimentation de Bretagne Plants comportant 8 et 10 couverts végétaux différents - dans le cadre du projet CASDAR
SysPID** nous permettront de faire un
bilan sur l’efficacité, la faisabilité technique et économique de l’insertion d’un
couvert à objectif assainissant, ainsi que
les contraintes liées à sa mise en œuvre
dans une diversité de situations pédoclimatiques et culturales. z
REPÈRES
TONNAGES CERTIFIÉS NETS
Plants de Bretagne (hors replantation personnelle)
Campagne 2011-2012
EXPORTATIONS Plants de Bretagne
Situation provisoire au 29 mai 2012
(en tonnes)
PRINCIPALES
VARIÉTÉS
> EXPORTATIONS PAR PAYS (en tonnes) situation au 30 juin 2012
2010/2011
2011/2012
FIN DE CAMPAGNE
FIN DE CAMPAGNE
ÉVOLUTION
TOTAL AU
29/05/2012
1. Spunta
32 117
2. Charlotte
13 687
3. Safrane
7 630
4. Alaska
7 567
1. Tunisie
12 604
12 987
+ 383
2. Algérie
4 963
12 447
+ 7 484
5. Atlas
7 430
3. Egypte
14 077
11 965
- 2 112
6. Amandine
7 252
4. Espagne
7 847
6 902
- 945
7. Elodie
5 935
5. Portugal
2 766
4 267
+ 1 501
8. Universa
5 245
6. Irak
1 825
3 850
+ 2 025
9. Chérie
4 323
7. Israël
4 671
3 538
- 1 136
10. Daifla
8. Italie
3 524
3 243
- 281
9. Arabie Saoudite
3 375
3 050
- 325
10. Jordanie
2 400
2 750
+ 350
11. Grande-Bretagne
2 354
2 097
- 257
375
2 075
+ 1 700
…
…
…
81 015
90 577
12. Lybie
…/…
TOTAL GÉNÉRAL
TOTAL GÉNÉRAL
73 415
2008/2009
68 635
2007/2008
71 085
2006/2007
55 715
136 170
2009/2010
126 800
2008/2009
124 910
2007/2008
127 140
2006/2077
109 800
Campagne 2012-2013
PLANTATIONS 2012
> RAPPEL TONNAGE EXPORTÉ FIN DE CAMPAGNE (en tonnes)
2009/2010
147 278
2010/2011
Les tonnages certifiés à fin mai 2012 atteignent
147 278 tonnes, en progression de 11 100 tonnes
par rapport à la fin de campagne 2010/2011.
Cette évolution est liée principalement au développement
des exportations.
Les exportations de plants de Bretagne continuent à progresser
et l’augmentation est particulièrement marquée cette campagne :
+ 9 560 tonnes, soit + 11,8 %.
Les principales progressions portent sur l’Algérie (+ 7 480 t),
l’Irak (+ 2 025 t), la Lybie (+ 1 700 t) et le Portugal (+ 1 500 t).
La diversification des destinations se poursuit également :
cette campagne 22 pays ont acheté plus de 1 000 tonnes
de plants de Bretagne.
81 015
4 313
…/…
+ 9 562 (+ 11,8 %)
2010/2011
> RAPPEL TONNAGE CERTIFIÉ
FIN DE CAMPAGNE (en tonnes)
> PLANTATIONS FRANCE - PAYS BAS (en ha)
PLANTATIONS
ÉVOLUTION
2011
2012
ha
%
Bretagne
5 117
4 992
- 124
- 2,4 %
Nord
11 302
11 570
+ 268
+ 2,4 %
875
897
+ 22
+ 2,5 %
Centre-Sud
Total France
17 294
17 460
+ 166
+ 1,0 %
Total Pays-Bas
36 682
37 607
+ 925
+ 2,5 %
Les plantations en Bretagne sont en réduction de 124 ha,
elles augmentent dans le Nord (+ 268 ha) et aux Pays-Bas
(+ 925 ha)
13
REPORTAGE
Gwénaëlle et Stéphane Mahé
“Produire du plant pour les autres,
c’est aussi valorisant pour soi”
Gwénaëlle et Stéphane Mahé sont multiplicateurs pour la filière plants.
C’est un concours de circonstances qui les a amenés à cette production
et ils y sont pleinement engagés et définissent même leur stratégie
d’exploitation future autour de cette culture. Rencontre…
Gwénaëlle et Stéphane Mahé sont installés sur la commune de Senven-Lehart
près de Guingamp. Stéphane s’est installé en premier, en 1999, sur l’exploitation de ses parents. La ferme comptait
alors trois ateliers : lait, vaches allaitantes
et poules pondeuses. Gwénaëlle a rejoint le GAEC formés entre Stéphane et
ses parents en 2006. Elle y a intégré le
lait et la culture de plant de pomme de
terre de ses propres parents. Les deux
producteurs ont toujours souhaité s’installer et ont donc suivi des études agricoles - BAC et BTS. Gwénaëlle explique
ses motivations : “L’agriculture me passionne depuis toujours. Mes études et plusieurs années de salariat sur différentes
exploitations ont confirmé mon choix de
m’installer. Je voulais gérer mon affaire et
décider moi-même de mes propres orientations.”
Depuis l’arrivée de Gwénaëlle sur l’exploitation, le couple a poursuivi la culture du plant : “Il faut bien avouer que
nous avions l’intention d’arrêter le plant,
explique la productrice. Mais comme
nous avions le matériel et que mon père
s’en occupait, nous avons préféré continuer
encore un peu.” En 2008, la culture de
plant prend une nouvelle dynamique
sur l’exploitation. Cette année-là, Gwénaëlle et Stéphane Mahé cherchent à
vendre un lot de pommes de terre hors
de leurs créneaux habituels – ils sont à
cette époque producteurs - vendeurs. Ils
rentrent alors en contact avec plusieurs
collecteurs. Coopagri Bretagne, devenu
Triskalia, leur propose de cultiver deux
hectares de plants de Spunta à destination de l’export. En 2010, la coopérative
leur propose aussi de multiplier des
souches. Ils acceptent. Leur isolement
par rapport aux autres producteurs de
plants est un avantage cer tain pour
cette activité. Triskalia met ensuite les
producteurs en relation avec Bretagne
Plants.
Producteurs de
tubercules B1, B2 et B3
Gwénaëlle et Stéphane Mahé cultivent
2,5 hectares de plants et 5 hectares de
souches. Ils sont ainsi producteurs de tubercules B1, B2 et B3 pour une dizaine
de variétés, en contrat direct avec Bretagne Plants pour les B1 et Triskalia pour
les B2 et B3. Contrairement à la production de tubercules B2 et B3 qui se
passe au champ, celle de tubercules B1
se fait dans des tunnels équipés d’un filet insect-proof et d’un système d’arrosage, ceci à partir de plantules issues des
laboratoires de Hanvec. Les tunnels sont
démontés et remontés chaque année.
La plantation est réalisée à la main à
l’aide d’un plantoir sur bâche plastique.
La récolte se fait à l’aide d’une petite arracheuse - aligneuse. Les tubercules sont
ensachés et identifiés à l’aide de deux
étiquettes. Bretagne Plants se chargera
du comptage, du tri et du contrôle qualité. “Rien ne nous appartient, explique Gwénaëlle Mahé. Ni les tunnels, ni
14
les tubercules. Nous sommes rémunérés
pour le travail.”
Gwénaëlle et Stéphane Mahé apprécient l’activité de multiplication : “Notre
rôle est de multiplier des variétés tout
juste créées ou de regénérer celles qui
sont déjà cultivées. Je nous considère inclus
dans le processus de création variétale,
c’est valorisant. Cela nous permet aussi de
bien connaître le processus de multiplication et de régénération.” Cette activité de
multiplication demande une extrême rigueur : “À la plantation et à l’arrachage, il
ne s’agit pas de mélanger les variétés ! Je
me rappelle de notre première année de
production de plants. Nous avions planté
la variété Spunta et plus de 10 % du lot
était en fait de la Nicola. C’était flagrant
dans la parcelle. Un mélange variétal
s’était produit au moment du conditionnement. Le lot de Spunta avait été entièrement déclassé. Cela montre toute l’importance de la rigueur mais aussi du
système de contrôle de Bretagne Plants :
aucun risque que l’erreur ne reste inaperçue.”
Gwénaëlle et
Stéphane Mahé :
“C’est passionnant de
voir le comportement
des différentes variétés.”
Une rigueur indispensable
Les Mahé nous expliquent les moyens
mis en œuvre pour garantir la rigueur
nécessaire : “La production de souches
ne concerne chez nous que 5 hectares.
Nous considérons que c’est la bonne taille.
Au-delà, je ne suis pas sûre que l’on puisse
assurer la même qualité de travail. Il faut
que l’activité reste agréable. Si elle devient
une corvée, la qualité finale en pâtira. ll
faut aussi être suffisamment souple pour
accepter de faire de si petites séries. À l’arrachage des B2 et B3, on arrête la machine entre deux variétés, on fait la purge
et on vérifie dans les moindres recoins
qu’il n’y ait pas de tubercules de coincés.”
Au moment des plantations et des arrachages, les producteurs doivent être
pleinement disponibles à l’activité de
multiplication. “Avant, il nous arrivait de
15
faire la traite à 22 heures car nous étions
aux arrachages l’après-midi. Nous avons
investi dans un robot de traite, pour pouvoir être 100 % disponibles aux souches,
notamment au moment des arrachages.
Depuis trois ans, nous avons également investi pour renouveler notre matériel : planteuse, tamiseuse, ceci nous permet d’améliorer les conditions à l’arrachage et aussi
la qualité des tubercules.”
Comme les dix autres producteurs de
B1 (dont deux agriculteurs biologiques),
les Mahé sont rémunérés par Bretagne
Plants à la bouture plantée. Les quantités de tubercules produites et leur qualité conditionnent des primes qui viennent s’ajouter au forfait. Les onze
producteurs multiplient chacun une dizaine de variétés. “Ce serait évidemment
plus simple que l’on ne fasse qu’une variété chacun mais ce serait prendre trop de
risques.” z
REPORTAGE
Yann Le Roscouët
“Je suis
heureux
dans mes champs”
Yann Le Roscouët, producteur à Kerfourn dans le Morbihan,
a commencé la culture de plant en 2009, en alternative
à la pomme de terre de consommation. Rien d’étonnant
qu’elle plaise à cet agriculteur passionné par la conduite
des cultures et déjà producteur de légumes industrie
qui demandent eux-aussi beaucoup de rigueur...
Yann Le Roscouët s’est installé en 1997
sur l’exploitation familiale qui avait alors
trois ateliers : vaches allaitantes, légumesindustrie (haricot vert et petit pois) et
pomme de terre de consommation.
L’exploitation comptait alors 52 hectares. Dès son installation,Yann Le Roscouët arrête l’atelier bovins pour se spécialiser en légumes-industrie. En 1998, il
s’équipe d’un système d’irrigation et diversifie les cultures destinées à l’industrie : brocoli, chou-fleur, courgette, navet,
céleri rave et épinard font leur arrivée
sur l’exploitation. “Ce sont les cultures
qui m’intéressent. Je ne pense pas avoir
l’âme d’un éleveur. L’agronomie et la
conduite des cultures me passionnent.”
Yann Le Roscouët cultive, à cette
époque, une variété de pomme de terre
de consommation, la Rosine, pour un
marché de niche. “Nous étions plusieurs
ici à la cultiver. Ça marchait bien, jusqu’à ce
que le marché s’essouffle. Nous avons essayé plusieurs autres variétés, sans succès.
Nous n’avons pas un terroir à rivaliser
avec les autres bassins de production de la
pomme de terre de consommation.” Une
alternative à la pomme de terre de
consommation s’impose ainsi au producteur. “Soit j’arrêtais la pomme de terre,
soit je m’orientais vers le plant. Je ne voulais pas arrêter la pomme de terre.
Comme la filière cherchait des producteurs et que je disposais du matériel de
culture, je me suis orienté vers le plant. Ce
qui m’intéresse dans la culture de plants,
c’est de la mener jusqu’au bout, au-delà de
la récolte.”
Un nouveau bâtiment
pour plus de qualité et
une meilleure organisation
En 2009,Yann Le Roscouët débute ainsi
la culture de plant sur douze hectares.
“Pendant les deux premières années, je
n’ai pas investi du tout dans du matériel.
Je me suis servi de mon hangar de
stockage ventilé dont l’exploitation disposait déjà pour la consommation. Ce n’était
pas satisfaisant et, l’année dernière, j’ai
décidé d’investir dans un bâtiment réfrigéré
avec deux objectifs : stocker les pommes
de terre et conserver mes plants dans les
conditions optimales.” Le nouveau bâtiment permet également au producteur
d’étaler le travail du conditionnement du
plant : “En automne, nous sommes en
pleine récole de chou-fleur et de navet. Le
bâtiment me permet de travailler les
plants plus tard ; jusqu’à la fin mars et
ainsi fidéliser le personnel.” Pendant les
trois premières années, les plants sont
16
calibrés par la Cecab.Yann Le Roscouët
est désormais parfaitement autonome
pour la culture du plant : “Je tiens à conditionner moi-même. J’ai donc investi dans du
matériel spécifique au plant : table de traitement, peseuse, palletiseur manuel… J’ai
également investi dans les caisses, les remplisseurs… Même si tout était d’occasion,
j’ai préféré investir dans du matériel pour
être autonome et pouvoir travailler quand
je veux. S’il fait beau, je veux pouvoir aller
arracher, ce qui implique d’avoir sa propre
arracheuse… C’est ma façon de voir les
choses.”
Prendre soin
de ses plants
En 2012, la culture du plant de pomme
de terre représente 25 hectares de l’exploitation de Yann Le Roscouët. Il cultive
différentes variétés, dont Universa (pour
les deux tiers), Cara, Hermes… Avec le
recul, le producteur a une préférence
pour la culture de plant par rapport à
celle de la pomme de terre de consommation : “On ne porte pas le même intérêt au produit. En consommation, j’avais
l’impression de planter et d’espérer que la
récolte soit belle. En plant, la culture est
beaucoup plus technique. Ce n’est vrai-
ACTUALITÉ DE LA FILIÈRE
14 nouveaux
producteurs
14 nouveaux producteurs démarrent
la production de plants cette année
en Bretagne pour un total de 72 ha.
Le profil de ces nouveaux producteurs
est très varié aussi bien en âge qu’en surface :
• si la moyenne d’âge est de 39 ans,
le benjamin en a 22 et l’aîné 58 !
• la surface moyenne en plants pour
cette 1re année est de 5,15 hectares
avec des extrêmes de 0,50 ha (en bio)
à 19 hectares.
Yann Le Roscouët : “Ce que j’apprécie dans
le tracteur, ce n’est pas de le conduire,
mais bien de diriger la machine qui est derrière.”
La répartition par zone de production
est la suivante :
ment pas une culture basique. On attend
de nous un travail de qualité pour fournir
différents marchés très exigeants. Nous
devons prendre soin des plants pendant
des années. Ce challenge me plaît.” Le
producteur apprécie également l’accompagnement de Bretagne Plants :
“Philippe Dolo m’a accompagné pour l’investissement dans mon bâtiment réfrigéré
et même dans le matériel. Il me donne des
conseils, son avis… Ensuite, chacun est libre de faire ses choix, c’est intéressant. Michel Cabel suit également mes cultures et
les contrôle. Il est très « carré », ça me va
très bien !” Yann Le Roscouët a beaucoup obtenu de renseignements de la
part de ses collègues producteurs de
plants. “En échangeant avec les autres
producteurs, on apprend beaucoup. Ces
échanges sont une grande source de renseignements.” En revanche, la grande
déception de Yann Le Roscouët sur la
culture de plant se concentre, comme
tous les producteurs, au niveau du prix
de rémunération. “Nous faisons un travail
qui demande une extrême rigueur, une disponibilité et une implication dans nos cultures. En face, les prix ne sont pas au niveau ; c’est vraiment regrettable. J’espère
que les prix vont remonter, sinon plusieurs
producteurs risquent de faire marche-arrière…” z
• Finistère Nord : 8 producteurs
• Centre et Sud Finistère : 2 producteurs
• Morbihan : 4 producteurs
À noter que 5 de ces 14 nouveaux producteurs
sont producteurs en Agriculture Biologique.
Bienvenue à tous !
Répartition des nouveaux producteurs
Campagne 2010/2011
Campagne 2011/2012
Campagne 2012/2013
MORLAIX
ST-BRIEUC
22
BREST
29
CARHAIX
Forêt
de
Quénécan
QUIMPER
LORIENT
56
VANNES
17
REPORTAGE
Création variétale à Kerloï
L’anticipation
La station de Kerloï présente chaque année
au mois de septembre ses nouvelles variétés.
Kerloï, savons-nous vraiment ce qui s’y fait ?
Découverte avec Jean-Marc Abiven, son responsable.
Il nous présente les toutes premières étapes
de la création et sélection variétales.
Jean-Marc Abiven
dirige la station de Kerloï.
Bretagne Plants a donné pour mission à
la station de Kerloï de créer de nouvelles variétés. En 2012, les objectifs sont
les mêmes qu’en 1970, avec pourtant
un contexte différent. La limitation des
intrants est dans tous les esprits et la solution passera sûrement par la génétique. Ainsi, des variétés résistantes au
mildiou sont très attendues, mais un
problème s’ajoute aux difficultés de la
création variétale déjà nombreuses : les
« races » de mildiou évoluent aussi vite
que le travail de sélection… Des variétés résistantes aux nématodes et aux virus sont également en cours de sélection. “Il faut savoir qu’il se passe 10 ans
entre l’obtention d’une graine et la sortie
de la variété, explique Jean-Marc Abiven. 10 longues années auxquelles il faut
ajouter les deux nécessaires aux examens
débouchant sur l’inscription officielle et les
4-5 années nécessaires à la multiplication
permettant la mise en marché. Notre travail consiste donc à anticiper, 15 ans à
l’avance, les attentes des différents marchés…” 15 années, cela pourrait en décourager plus d’un… Jean-Marc Abiven
n’en est pas un. On rencontre là un
homme passionné et passionnant qui
nous ouvre les portes de la station avec
autant d’explications qu’on le souhaite.
Il nous montre une cagette avec des
pommes de terre de toutes les cou18
leurs, de toutes formes : “Chaque année,
mes espoirs sont intacts : je suis animé par
le désir de trouver la perle rare.”
La station de Kerloï vise cinq créneaux
de pomme de terre :
• les primeurs (Starlette…)
• les exportations
(Alaska, Elodie, Universa…)
• la “consommation lavable”
(Europa, Emeraude, Eden…)
• la “consommation à chair ferme”
(Gourmandine, Celtiane, Galante…)
• la “transformation” en frites ou chips
(Océania, Triomphe…).
Elle est bien placée en termes de création de variétés destinées au marché de
l’export. Les variétés de chair ferme
créées par Kerloï se développent bien
également. Le marché de la transformation est lui beaucoup plus fermé entre les sélectionneurs internationaux et
les usines. Malgré tout, ce créneau n’est
pas abandonné par Kerloï : “De plus en
plus d’usines vont s’implanter au Maghreb
et au Moyen Orient car la demande explose en produits transformés dans ces
pays. La donne va changer pour ce qui est
de la création variétale”, nous fait remarquer Jean-Marc Abiven.
Pour ses programmes de création variétale, la station de Kerloï dispose d’un
“
”
La station de Kerloï assure
notre indépendance génétique
de rigueur
pool de variétés qu’elle va croiser entre
elles : ses propres collections, les variétés du commerce et les géniteurs INRA.
Dans le cadre de l’ACVNPT (Association des Créateurs de Variétés Nouvelles de Pomme de Terre), Kerloï a, en
effet, accès aux géniteurs créés par
l’INRA. Pour faire simple, l’INRA travaille bien en amont de la création variétale. Les chercheurs créent des géniteurs avec des variétés ramenées des
quatre coins du monde, d’Amérique du
Sud en particulier, qui n’ont presque
plus rien à voir avec de la pomme de
terre, mais qui présentent malgré tout
des caractères intéressants. Kerloï les
utilise dans ses programmes de création
variétale.
Rentrons dans les coulisses de la station de Kerloï pour tout connaître de
la création variétale. Les deux premières années se passent sous serre :
Pendant l’hiver, Jean-Marc Abiven choisi
les géniteurs qui interviendront dans
son plan de croisement, en fonction de
leurs résistances, de leurs qualités agronomiques… “C’est un jeu de combinaisons : je regarde les caractères défavorables et favorables de chacun et je compose
sur le papier mes combinaisons, explique
Jean-Marc Abiven. Toutes les combinaisons ne sont pas possibles car il y a des
mâles stériles. On ne pourra les utiliser
qu’uniquement en femelle.” Cette année,
Jean-Marc Abiven a sélectionné 194 géniteurs : “Je croise les variétés des mêmes
créneaux. Je ne croise pas, par exemple,
une variété à chair ferme avec une
« transformation ».”
Dominique Morvan est producteur à Guipavas
et président de Bretagne Plants. Il nous explique
l’intérêt de la station de création variétale
de Kerloï pour les producteurs et collecteurs :
Dominique Morvan :
“Les programmes de Kerloï
profitent à tous ; producteurs
et collecteurs bretons.”
“Quand la décision a été prise en 1970 de créer la station de Kerloï, l’idée était de créer des variétés pour fournir les collecteurs
bretons, quelle qu’en soit leur dimension. L’objectif était ainsi de
développer nos marchés, en apportant une amélioration au consommateur, au collecteur et au producteur en termes de rendement,
de qualité gustative, de résistance à certaines maladies…
Cet objectif est toujours d’actualité. Je suis persuadé qu’un tel
outil a permis – et permet toujours – aux collecteurs comme Gopex,
Elorn Plants, Triskalia, LSA… de se développer. L’intérêt pour les
collecteurs est d’acquérir des variétés exclusives. Gopex, par exemple, commercialise la variété Alaska, issue de Kerloï, et peut ainsi
se différencier de ses concurrents sur le marché de la Jordanie
entre autres. L’exclusivité leur permet ainsi d’être moins dépendants des variétés tombées dans le domaine public, pour lesquelles
ils sont concurrencés par d’autres pays producteurs avec des prix
très bas.
Cette dépendance génétique est la force des producteurs bretons
de plants de pomme de terre. Sans elle, nous travaillerions tous
des variétés hollandaises, avec aussi sûrement des collecteurs hollandais… Elle est également une force pour Bretagne Plants. Outre
la vente des variétés, Bretagne Plants touche des royalties sur les
surfaces implantées en variétés issues de Kerloï. La station dégage
un résultat nettement positif ; ce qui permet entre autres de ne
pas augmenter les cotisations.”
Évolution des variétés de Bretagne Plants
Surfaces
Tonnages
commercialisés
dont export
19
2001/2002
536 ha
2006/2007
690 ha
2011/2012
1 490 ha
2 800 t
10 300 t
24 700 t
8 300 t
15 800 t
42 100 t
REPORTAGE
La pousse des géniteurs.
Au mois de mars, les géniteurs vont
être plantés en serre dans des sacs de
terreau. Cinq germes vont être ainsi implantés et donneront cinq plants. L’objectif de cette étape est de faire pousser
la plante le plus haut possible afin d’obtenir des bouquets floraux sur plusieurs
étages. Les conditions de la serre sont
optimales pour favoriser la pousse et la
floraison : 25°C, une alimentation en solution nutritive au goutte à goutte et une
photopériode de 18 heures. Les plants
sont tuteurés comme des tomates.
Une fois que les plants font un mètre de
haut, ils commencent à fleurir ; nous
sommes alors au début du mois de mai.
“Pour réaliser les croisements prévus dans
Les croisements.
le programme, on castre les fleurs de la
plante A femelle - on ôte les étamines - et
on y dépose le pollen de la plante B.” Sur
une même plante, on peut avoir 20 croisements. Les croisements sont réalisés le
matin, quand il ne fait pas trop chaud car
la qualité du pollen en dépend.
200 graines pour effectuer les semis.”
3 000 croisements sont réalisés, mais
un tiers seulement réussit.
Les baies restent sur la plante jusqu’à mijuillet. Elles sont ensuite placées au froid,
à 3-4°C. En novembre, les graines sont
extraites des baies : “On écrase les baies
dans une bassine d’eau. Les graines
coulent et on vide l’eau. On met
ensuite les graines sur du papier buvard. Elles sont dénombrées et mises en
Les baies issues
tube.”
Trois ou quatre jours après la
pollinisation, en cas de
réussite de la fécondation, une baie se
forme. La baie est
identifiée et endes croisements.
sachée. “L’objectif,
Chaque année, Jeanà cette étape, est
Marc Abiven dispose
d’obtenir 2-3 baies
ainsi de 1000 croisements,
par croisement, en
en sachant que les graines
sachant qu’une baie
d’un même croisement sont
contient 100 graines,
toutes différentes. “Sur ces 1000
explique Jean-Marc Abiven.
croisements, je sélectionne les 300 plus inOn a effectivement besoin d’au moins
téressants sur le papier en fonction du
potentiel des parents et en gardant une
proportion équilibrée entre les quatre créneaux. Nous semons ensuite 200 graines
par croisement. On arrive alors à 60 000
graines, c’est-à-dire 60 000 variétés potentielles ! On sait d’avance qu’il n’y aura
à la fin de chaque plan de croisement, que
deux ou trois variétés de retenues ; ça ne
nous décourage pas.”
20
Les plantules sont repiquées en godets.
Début mars, les
graines sont semées dans des petites barquettes. Vingt
jours plus tard, les plantules de 2-3 cm sont repiquées
dans des godets de 10 cm. Les 60 000
godets sont placés sous serre. Les plants
reçoivent une solution nutritive jusqu’en
juin. “Lorsque les tubercules ont une taille
suffisante (30-40 mm), on cesse de les alimenter.”
Fin juin-début juillet, la récolte a lieu et
avec elle, une nouvelle sélection. Elle ne
se fera dans un premier temps que sur
la présentation morphologique des tubercules : couleurs, forme et nombre.
À ce niveau, aucune sélection ne se fait
sur la végétation. La couleur est très importante, surtout pour des variétés de
consommation. “Je garde un tubercule
par godet. Je regarde le résultat du croisement en fonction des objectifs que j’avais
fixés. Sur les 60 000 graines, seuls 25 000
La première sélection sur la présentation
morphologique des tubercules.
tubercules passeront à l’étape suivante !”
Les tubercules sont mis en clayette et
placés au froid à 3-4°C jusqu’au mois de
mars de l’année d’après. z
La sélection ne fait que commencer.
Dans le prochain numéro de votre
magazine, vous découvrirez les
prochaines étapes : la sélection
au champs, la sélection gustative,
les essais de résistance…
jusqu’à l’inscription et la vente
des tubercules miraculeux.
La station
de Kerloï, c’est :
• 5 permanents et
des saisonniers pour les
plantations et les arrachages
• 1 000 m2 de serres (la serre des
géniteurs et celle du repiquage)
• un hangar de stockage réfrigéré
• un laboratoire pour les tests
culinaires et de cuisson
• 20 ha de SAU en propriété
et des échanges de parcelles
pour l’implantation des 10 ha
de pomme de terre
21
RECHERCHE
INNO-PLANT,
une nouvelle Unité Mixte Technologique
pour renforcer l’innovation et la compétitivité
du plant français de pomme de terre
Le Ministère de l’agriculture vient de labelliser pour cinq ans
l’Unité Mixte Technologique INNO-PLANT. Associant la Fédération
Nationale des Producteurs de Plants de Pomme de Terre (FN3PT)
et l’INRA, INNO-PLANT a pour ambition de devenir une plateforme
de construction et de conduite de projets de recherche et de développement
dans le domaine du plant de pomme de terre. Elle vise également
à acquérir et intégrer, au sein de systèmes de productions innovants,
les connaissances clés sur les facteurs majeurs de compétitivité,
en particulier la qualité sanitaire, la résistance variétale aux bioagresseurs
et l’adaptation aux exigences des marchés actuels et futurs.
L’UMT INNO-PLANT est née de la
volonté de la FN3PT et de l’INRA de
renforcer leur collaboration au service
de la compétitivité de la filière française
du plant de pomme de terre.
Aujourd’hui, le marché mondial des
plants de pomme de terre est dominé
par les Néerlandais avec près de
700 000 tonnes de plants certifiés
exportées chaque année, mais sur lequel
la France est dynamique (148 000
tonnes exportées) et gagne actuellement des parts de marché. C’est aussi
un marché en pleine évolution : nouveaux pays importateurs, segmentation
croissante de la consommation, diversi-
fication variétale, évolution des modes
de production dans un contexte réglementaire et environnemental changeant.
Une structure
de référence en Europe
L’UMT INNO-PLANT, qui associe également pour certaines thématiques le
GNIS (Groupement National Interprofessionnel des Semences et plants) et
l’ACVNPT (Association des Créateurs
de Variétés Nouvelles de Pomme de
Terre), affiche l’ambition de devenir une
structure de référence en Europe. Cette
* Unité mixte de recherche INRA/Agrocampus Ouest/Université Rennes 1
“Institut de Génétique, Environnement et Protection des Plantes”.
22
ambition est fondée sur un programme
de travail associant recherche, développement, prospective et transfert sur
quatre thèmes majeurs pour la compétitivité de la filière :
• La qualité sanitaire des plants. Dans
un contexte de contraintes éco-environnementales, il s’agit de développer
des travaux de caractérisation ou
d’épidémiologie des parasites majeurs
et/ou émergents, de mise au point de
techniques innovantes de détection et
de contrôle.
• La sélection variétale avec l’amélioration des résistances génétiques
durables aux bioagresseurs.
• Le développement de stratégies intégrées de production.
• Des actions plus prospectives afin
d’accroître la compétitivité de la filière
plant, tant en Europe que pour l’exportation et de répondre aux attentes
des utilisateurs.
Une équipe aux
compétences variées
Riche d’un historique de collaboration
très dense et très fructueux entre l’INRA
et la FN3PT (et ses 3 Etablissements
Producteurs Régionaux : Bretagne Plants,
Comité Nord et Comité Centre Sud),
INNO-PLANT bénéficie de la mise en
synergie de compétences en génétique
et phytopathologie et d’une solide
expertise généraliste sur l’ensemble des
aspects techniques de la filière. Elle est
hébergée dans les locaux de l’Unité
mixte de recherche IGEPP* (Le Rheu
et Ploudaniel) de l’INRA de Rennes. En
cohérence avec sa vocation, l’UMT
INNO-PLANT est d’ores et déjà impliquée dans plusieurs projets structurants,
nationaux et internationaux, avec notamment des pays méditerranéens. z
23
Contacts scientifiques
• Yves Le Hingrat - FN3PT :
[email protected]
• Marie-Claire Kerlan - INRA :
[email protected]
• Didier Andrivon - INRA :
[email protected]