Performance des post Public to Private transactions en France
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Performance des post Public to Private transactions en France
Business School WORKING PAPER SERIES Working Paper 2014-332 Performance des post Public to Private transactions en France Olivier MEIER Aurélie SANNAJUST http://www.ipag.fr/fr/accueil/la-recherche/publications-WP.html IPAG Business School 184, Boulevard Saint-Germain 75006 Paris France IPAG working papers are circulated for discussion and comments only. They have not been peer-reviewed and may not be reproduced without permission of the authors. Performance des post Public to Private transactions en France Olivier MEIER Maître de Conférences, HDR Université Paris Est - IRG Aurélie SANNAJUST Maître de Conférences Université de Saint-Etienne COACTIS Résumé : L’analyse de la performance post Public to Private transactions est un aspect de la revue de la littérature du Private Equity peu étudié. Cette faiblesse nous a conduits à étudier la performance globale de l’entreprise sur les plans financier, stratégique, sociétal et social, faisant appel à la littérature en finance et en stratégie. Notre recherche porte sur la période 2000-2008 en France avec un échantillon de 45 sociétés. Deux analyses univariée et multivariée ont été réalisées. Les principaux résultats obtenus nous montrent que les Public to Private après trois années d’existence affichent une nette amélioration de leur productivité à travers une maîtrise plus importante de leur niveau d’endettement, la mise en place d’un système de formation pour les employés, ainsi qu’une prime octroyée selon le rendement des salariés. Concernant les variables stratégiques, nous constatons une augmentation des investissements en recherche et développement avec un résultat largement significatif due à une meilleure gestion managériale au sein de l’entreprise. Enfin, le niveau des exportations a augmenté et présente un résultat significatif. Mots clés : going private, performance, stratégie, social. JEL Classification : G24-G34 1. Retraits de bourse : motifs et conséquences Autrefois rarissime et plutôt considérées comme une sanction des marchés financiers ou un signe de mauvaise santé économique, les sorties de cotation se sont multipliées depuis la crise financière, après avoir connu une forte hausse suite à l’éclatement de la bulle Internet en 2001 (Fournier, 2013). Les sorties de bourse s’apparentent à des regroupements de sociétés cotées qui décident de fermer leur capital au public, en sortant de la bourse. On qualifie cette opération de « Public to Private », d’opérations de retrait de la cote (PtoP). On peut également les désigner sous les termes des going private, LBO (Leveraged Buy Out) ou MBO (Management Buy Out) au sens où la valeur de l’entreprise est remplacée par la participation au capital d’investisseurs privés. Désormais, comme le précisent Land et Hasselbach (2000), le passage d’une société publique cotée (public company) à une société fermée, conduit à ce que les actions ne soient plus publiquement négociables (private company) ». L’emploi du terme LBO se justifie par le fait que les Public to Private sont largement financées par de la dette comme les LBO (Weir, Laing, Wright, 2004). Il s’agit de racheter le capital d’une entreprise cotée, avec la participation d’un investisseur financier et à l’aide d’une structure à effet de levier (montage LBO) et à retirer cette entreprise de la cote. A travers cette opération, la société est radiée de la Bourse et ne peut donc plus être achetée sur un marché règlementé ouvert au public. Les actionnaires de la société détiennent toujours les titres mais les transactions ne se réalisent plus sur les marchés réglementés et sont désormais effectuées de gré à gré. Le retrait de bourse répond au besoin de corriger les résultats décevants de la cotation en bourse. Cette décision peut également être guidée par des considérations financières ou économiques. Elle peut aussi traduire une orientation défensive en vue d’éviter des prises de contrôle hostiles. Enfin, ce type d’opération peut s’expliquer pour des raisons de nature managériale qui vise à aligner les intérêts des dirigeants et des actionnaires et à mieux contrôler les comportements managériaux. L’opération de sortie de bourse est souvent le reflet d’un contexte boursier particulier, lorsque les entreprises doivent faire face à un effondrement des cours boursiers. Comme le soulignent Achleitner, Betzer et Hinterramskogler (2008), les opérations de Public to Private sont toujours plus attractives lorsque le marché est baissier. Il s’agit ici d’éviter que les actions de la société soient inférieures au prix d’introduction et rendent la levée de nouveaux fonds impossible. L’introduction en bourse devient, dans ce cas, un obstacle au développement de l’entreprise. La société se retrouve dès lors sous-évaluée (Mehran et Peristinani, 2006) et doit faire face à une situation, où aucun investisseur ne souhaite prendre le risque d’investir. Ce fut notamment le cas d’un certain nombre de petites sociétés innovantes après l'éclatement de la bulle Internet en 2001. Entrées trop vite sur les marchés, elles n'avaient pas eu le temps de faire leurs preuves et avaient été délaissées par les investisseurs. Cette contrainte est d’autant plus forte que les coûts de cotation (initial public offering) et de courtage ont tendance à augmenter (DeAngelo et al., 1984) du fait de réglementations et d’obligations (publication des comptes, respect des règles de la plateforme de trading) de plus en plus exigeantes. Le retrait de bourse peut donc permettre de réduire certains coûts et de simplifier certaines démarches de structures notamment dans le cas de restructuration. De plus, la décision de sortir de la bourse peut être source d’économie fiscale (réduction des taxes, optimisation fiscale). L’augmentation des intérêts déductibles constitue en effet une importante source de richesse (Lowenstein, 1985), en créant un important bouclier fiscal qui augmente la valeur de la société avant la transaction (Kosedag et Lane, 2002). Le fait de rester durablement cotée en dessous de sa valeur intrinsèque peut aussi avoir d’autres conséquences : elle peut susciter l’intérêt de certains investisseurs à réaliser une OPA hostile et ainsi remettre en cause l’indépendance économique et stratégique de l’entreprise. Ainsi, le fait de réaliser une opération de Public to Private permet au management de se couvrir contre toute éventuelle prise de contrôle hostile de la part d’entreprises concurrentes. Lowenstein (1985) montre que certaines sociétés qui sortent de la cote boursière sous forme de MBO le font pour éviter une prise de contrôle hostile. Cette observation est soutenue par la théorie de Michel et Shaked (1986). De peur de perdre leur emploi quand survient une prise de contrôle hostile, les managers décident de sortir de la cote. Par conséquent, l’hypothèse de défense de prise de contrôle suggère que les primes des PtoP traduisent la volonté de l’équipe managériale d’acheter les parts détenues par les actionnaires, afin de se protéger d’une OPA hostile (Singh, 1990). Mais le retrait de bourse est aussi une façon pour les dirigeants de retrouver du temps et une plus grande liberté de gestion. En effet, le retrait de bourse permet de recentrer le pouvoir décisionnaire, en réduisant la pression de certains actionnaires (Maug, 1998, Admati et al., 1994). De plus, le fait de se retirer de la cote contribue à se positionner sur un horizon à plus long terme, en échappant à l’attention trimestrielle des marchés financiers. Ceci permet de développer des stratégies inscrites dans la durée, en échappant à une communication institutionnelle exigeante et précise, qui limite la mise en place de politiques spécifiques et originales. Ceci s’explique par le fait que les marchés financiers ont une vision à très court terme. Face à la pression de se voir sanctionner au niveau du prix de leurs actions, les sociétés n’ont pas alors le temps d’expérimenter des politiques de développement audacieuses, de faire la preuve de leurs orientations. Elles se retrouvent liées à un système de dépendance institutionnelle qui rend dès lors difficile toute marge de manœuvre, pour pouvoir changer d’orientation en cas d’erreur ou de changement de situations. En outre, le retrait de bourse peut répondre à des considérations managériales favorables aux dirigeants et managers. En effet, les firmes en Private Equity ont de nombreux mécanismes permettant de récompenser les managers performants, quand ils s’engagent dans une opération de PtoP (Fenn 1994). Ces sociétés de Private Equity (le principal) essaient de réaligner les intérêts des managers (les agents) avec eux. L’hypothèse de réalignement des intérêts considère que la richesse des actionnaires des opérations de Public to Private est largement le résultat d’un système permettant de réunir les intérêts de l’agent et du principal (Halpern, Kieschnick et Rotenberg, 1999). D’un point de vue managérial, le retrait de bourse est donc un moyen de parvenir à un actionnariat stable et renforcé, en misant sur un management motivé et engagé. Ce type de décisions apparaît par conséquent comme la saisie d’opportunités, un acte de protection ou la traduction de résultats décevants en matière de cotation en bourse. Elle sous-tend la volonté de redonner une logique rationnelle au bon fonctionnement de l’entreprise, en limitant les coûts et certaines dérives financières ou managériales. Mais au-delà de ces aspects, quelles sont les conséquences de ces choix sur la trajectoire stratégique des firmes ? Comment apprécier la performance globale de l’entreprise tant sur le plan financier que stratégique, sociétal et social ? Autant de questions rarement traitées dans la littérature en finance et stratégie, alors même que cette opération engendre structurellement des modifications importantes dans la structure du capital et dans la conduite des activités. L’article présenté entend ainsi répondre à ces interrogations, en cernant mieux la portée stratégique de cette décision et ses implications pour le développement et le management de l’entreprise. En d’autres termes, une orientation PtoP est-elle en soi une décision stratégique ayant valeur de sens et de création de valeur ? Ou doit-elle simplement se voir comme une approche opportuniste ou subie visant à faire face aux dérives d’une cotation en bourse mal dominée ? Le papier s’articule de la manière suivante : après avoir présenté les motifs des ptotp et leurs conséquences, l’article expose la méthodologie retenue et énonce les résultats de l’étude empirique. La section 4 se termine par les conclusions et les perspectives de recherche. 2. Méthodologie Afin de pouvoir tester les hypothèses, nous avons construit l’échantillon à l’aide de deux bases de données Capital IQ issues de Standard and Poor’s et de OSIRIS issue du Bureau Van Dijk. Ces deux bases nous ont permis de sélectionner l’ensemble des opérations de « public to private » (PtoP) ainsi que des données manquantes via OSIRIS. Nous avons retenu le cas français pour l’échantillon. Capital IQ nous a permis de recenser tous les going private sur la période retenue (2000-2008), soit environ 70 sociétés. Cependant, tous les going private ne sont pas des opérations de Public to Private1, c’est pourquoi nous avons traité individuellement chaque société, pour savoir si elles étaient toujours présentes sur la cote boursière et si elles n’avaient pas changé de nom. Pour cela, nous avons utilisé la base de données OSIRIS, ainsi que les sites des sociétés. Le deuxième dépouillement des sources disponibles nous a donné un nombre de 45 sociétés. Parmi les going private, on peut avoir des cessions de filiales, des opérations de Public to Private, des rachats de sociétés (les buyouts) et aussi des seconds rachats (les secondary buyouts). Il convenait par conséquent de les dissocier. Cet article permet de savoir si le fait de se retirer de la bourse a une utilité en termes de création de valeur ou obéit principalement à des raisons opportunistes, défensives ou managériales. La plupart des études réalisées sur le sujet (DeAngelo, DeAngelo and Rice, 1984 ; Halpern, Kirschnick, Rotenberg, 1999 ; Renneboog, Simons, Wright, 2006) portent essentiellement sur les aspects financiers. Elles ne tiennent pas compte des autres impacts occasionnés par une opération de going private. Le récapitulatif des hypothèses retenues est présenté dans le tableau 2. Nous avons sélectionné plusieurs variables sur différentes thématiques. Cinq thèmes ont ainsi été retenus, permettant d’étudier l’impact des PtoP. Le tableau 1 présente les définitions de toutes les variables décrites ci-dessus. Sur le plan financier, trois variables ont été identifiées : l’effet de levier, la productivité et le niveau des cash flows. Sur le plan managérial, nous avons retenu une variable dichotomique égale à 1, dès lors que la part des fonds propres détenus par les managers est supérieure à 25% des parts de la société (Renneboog, Simons, Wright, 2006). Ceci se justifie par le fait que la présence des managers avant la sortie de la bourse des sociétés est très faible, ce qui peut entraîner un manque d’efficience au sein de la société. La société peut donc avoir intérêt à se retirer de la cote boursière pour différentes raisons : les coûts d’agence et les coûts de surveillance seront réduits, les intérêts divergents entre actionnaires et managers (Halpern et al., 1999) tendent à s’estomper et permettent une meilleure gestion de la société (Jensen et Meckling, 1976 ; Kaplan, 1989). De ce fait, une présence importante des managers au sein de l’entreprise peut avoir une influence positive sur sa création de valeur. Sur le plan sociétal, nous avons retenu quelques critères de l’investissement socialement responsable : les relations humaines (avec une variable égale à 1 si les salariés ont suivi depuis l’opération de PtoP une formation), l’environnement (avec une variable égale à 1 si 1 En effet, parmi les going private, on peut avoir des cessions de filiales, des opérations de Public to Private, des rachats de sociétés (les buyouts) et aussi des seconds rachats (les secondary buyouts). l’entreprise respecte un programme d’économies d’énergie) et une variable clients/fournisseurs égale à 1 (si l’entreprise a mis en place une mesure de satisfaction clients/fournisseurs). Sur le plan stratégique, deux variables ont été retenues, une relative à l’innovation en prenant le niveau de dépenses de recherche et développement, et une relative à l’international en utilisant le niveau des exportations. Sur le plan social, deux variables ont été choisies, une sur le nombre d’employés et une sur le niveau des salaires. L’ensemble des variables retenues ont été mesurées entre un an et trois ans après l’opération de PtoP. Les statistiques descriptives de l’échantillon sont présentées dans le tableau 3. Nous pouvons remarquer que les firmes venant justes de réaliser une opération de PtoP se caractérisent par un effet de levier plus important (1,9 contre 1,1 pour les PtoP en T+3). Ceci peut se justifier par le fait qu’elles ont un niveau de dettes beaucoup plus important, ce qui engendre un ratio d’effet de levier supérieur. Le niveau de productivité après 3 années de PtoP présente une nette amélioration (215 contre 173). Nous remarquons aussi que les managers ayant une part supérieure à 25% des parts de la société ne représentent que 46% au début du passage au PtoP pour atteindre 73% trois années plus tard. Ceci nous permet de justifier les niveaux de productivité supérieurs. Une meilleure gestion au sein de la direction permet d’avoir une équipe productive plus efficiente. Trois mesures ont été prises pour les variables sociales. Elles nous montrent que la prise en compte de l’environnement et la mise en place de formation au sein de l’entreprise permet d’améliorer le niveau de productivité. Cette amélioration de productivité se traduit par des résultats financiers meilleurs mais aussi par de nouvelles stratégies mises en place par l’entreprise, telles que l’innovation et l’international via des exportations. Cette amélioration de l’ensemble ces résultats se traduit aussi par une réduction des effectifs et la mise en place de primes permettant d’encourager les employés fournissant plus de travail. Afin de répondre à notre problématique, nous allons procéder à deux types de tests (Sannajust, 2009) d’une part une analyse univariée et d’autre part une analyse multivariée. Le premier type de test nous permettra d’étudier la significativité des différences de moyennes, tandis que le deuxième type de test nous permettra d’étudier l’impact des différentes variables entre elles. Ce dernier nous permet d’expliquer les déterminants de la performance des opérations de LBO entre t+1 et t+3. Pour cela, nous avons retenu une variable d’indicateur de performance, en utilisant le ratio cashflow/somme des actifs. Cette mesure a déjà été retenue par des auteurs tels que Kaplan (1989), Jain et Kini (1994), Holthausen et Larker (1996) et permet de fournir un niveau de rentabilité sur les actifs. 3. Résultats a. Résultats de l’analyse univariée Les résultats obtenus dans le tableau 4 présentent les moyennes de l’ensemble des variables retenues pour deux périodes choisies : un an après le PtoP (t+1) et trois ans après le PtoP (t+3). Deux tests ont été retenus d’une part, les différences de moyenne testées empiriquement via un test de Student et d’autre part les différences de médiane testées empiriquement via un test de Wilcoxon. De manière générale, nous pouvons remarquer que contrairement à certains résultats d’études antérieures (Lowenstein, 1985 ; Lee, 1992 ; Harlow et Howe, 1993), les résultats obtenus présentent un bon niveau de significativité, avec une nette amélioration de la performance des firmes. Sur le plan financier, nous constatons que la dette des LBO a diminué avec un meilleur ratio d’effet de levier (1,9 en t+1 et 1,1 en t+3). La productivité a largement augmenté entre les deux périodes. Ce résultat est en corrélation avec celui relatif aux variables sociales. En effet, nous remarquons que le nombre d’employés a réduit mais le niveau des salaires a été augmenté. Cette augmentation de salaires ne se traduit pas par une augmentation de la rémunération fixe mais par l’attribution de primes aux salariés d’où le fait que la productivité a augmenté entre t+1 et t+3. Le niveau des cashflows a aussi augmenté (1457 contre 1653 en t+3). Cette amélioration de performance financière peut se justifier par le fait qu’une meilleure organisation et direction permet une meilleure gestion de la firme. En effet, la variable mesurant l’aspect managérial des LBO montre que la part des fonds propres détenus par les managers est largement supérieure à 25% des parts de la firme, ce qui permet d’avoir un meilleur contrôle et une moindre dispersion du capital. Les variables sociétales faisant partie des indicateurs de l’ISR retenues dans cette étude, montrent que les PtoP ont adopté partiellement ces indicateurs. Les variables relatives à la formation des salariés et à la mise en place d’économies d’énergie présentent des résultats significatifs et montrent que celles-ci impactent favorablement le niveau de la performance de l’entreprise. Les résultats n’ont pas obtenu un niveau de significativité important. Toutefois, le programme d’économies d’énergie présente un degré de significativité important. Entre t+1 et t+3, les résultats ont progressé de 25 à 73%. Les variables stratégiques montrent que les PtoP ont essayé d’employer leur niveau de cash-flows non plus pour des fins économiques inefficientes comme cela l’était avant mais pour investir dans des projets d’investissement à valeur actuelle nette positive telle que la recherche et développement. Par ailleurs, une autre stratégie se développe par une montée de l’internationalisation. Le niveau des exportations a été augmenté. Aux vues des tests de l’analyse univariée, nous constatons que l’opération de PtoP a amélioré les performances financière, managériale, stratégique et sociale de l’entreprise et partiellement la performance sociétale. b. Résultats de l’analyse multivariée Le tableau 3 présente les résultats de l’analyse multivariée. Cette analyse se fonde sur la mesure de la performance des PtoP un an et trois ans après l’opération à travers le ratio cash-flows/total des actifs (CF/A). Par conséquent la variable dépendante est la variation de cette variable : (∆CF/A): (CF/A) t+3 – (CF/A)t+1. CF/A est définie en prenant le niveau des cash-flows moins les intérêts et l’impôt pour éviter le mécanisme de l’effet de levier sur les résultats. Nous étudions la relation entre la variation du ratio CF/A et les variables indépendantes un an et trois ans après l’opération. Les variables indépendantes sont les mêmes que celles utilisées dans l’analyse univariée et se classent en cinq catégories : variables financières (G est l’effet de levier, P est la productivité, CF représente les cash-flows), variable managériale (M est une variable dichotomique égale 1 dès lors que la part des fonds propres détenus par les managers est supérieure à 25% des parts de la société), variables sociétales (F est une variable dichotomique égale à 1 quand les salariés auront suivi une formation au cours de l’année), E représente une variable dichotomique égale à 1 dès lors que l’entreprise respecte un programme d’économies d’énergies) et C/F représente une variable dichotomique égale 1 dès lors que l’entreprise a mis en place une mesure de satisfaction clients/fournisseurs), variables stratégiques (N qui est la notation faite par les agences de notation, RD représente les dépenses de recherche et développement et X qui mesure le niveau des exportations), variables sociales (E qui représente le nombre d’employés et S le niveau des salaires). L’ensemble des résultats corroborent ceux de l’analyse univariée. Avec une régression logistique binaire, nous avons la possibilité d’avoir une interaction entre les variables, ce que nous n’avions pas dans l’analyse précédente. Nous remarquons que l’ensemble de nos variables nous donne des résultats satisfaisants en termes de significativité. Ceci nous conforte dans la construction de notre modèle. Nous observons que les variables opérationnalisant la performance financière sont toutes positives et largement significatives. Ceci corrobore le fait que les entreprises se retirant de la bourse de type Public to Private souffraient d’une mauvaise gestion financière et les contraignaient à des résultats financiers de plus en plus faibles (Meier, Sannajust, 2013). La mesure choisie dans cet article (en vue de savoir si le type de gestion au sein de l’entreprise pouvait avoir une influence sur les résultats de performance) s’avère être significative. Elle nous permet de considérer que lorsque la direction de la firme est détenue par un nombre restreint de dirigeants, cette dernière est managée de manière plus efficiente ce qui entraine une meilleure performance managériale. L’analyse des variables sociétales relatives à l’investissement socialement responsable (ISR) n’a encore jamais été étudiée. Trois aspects de l’ISR ont été retenus. Les trois variables relatives à la mise en place de formation, de programmes d’énergie et de mesure de la satisfaction clients/fournisseurs montrent qu’il y a eu une amélioration (résultats positifs) mais uniquement une des trois ne présente pas un résultat significatif. La mise en place de programmes d’économies d’énergie présente un résultat positif et significatif ce qui améliore la qualité de l’environnement de l’entreprise et de ses salariés et lui permet aussi de réaliser des économies de coûts. De même, la mise en place de formation au sein des entreprises a un impact positif et significatif sur la rentabilité de celles-ci. Ce résultat est en parfaite adéquation avec le niveau de productivité qui présente aussi un résultat positif et significatif pour les variables financières. Une meilleure formation entraîne une meilleure efficience dans le travail réalisé par les salariés et ainsi une meilleure productivité. Seule la variable mesurant si l’entreprise a mis en place une mesure de satisfaction clients/fournisseurs a obtenu un résultat non significatif mais positif. Concernant les variables stratégiques, nous constatons une augmentation des investissements en recherche et développement avec un résultat largement significatif. Ceci peut se justifier par le fait qu’avec une meilleure gestion managériale au sein de l’entreprise, les investissements sont réalisés pour des projets à valeur actuelle nette positive dans le but d’améliorer et d’augmenter la croissance de l’entreprise. Ils ne sont plus utilisés à des fins privées comme cela l’était avant de réaliser une opération de PtoP (Renneboog, Simons and Wright, 2006). Cet investissement réalisé dans de nouveaux produits permet ainsi à l’entreprise de se démarquer des autres et d’avoir une certaine plus-value à vendre. Ceci leur permet de se faire connaître tant sur le plan national que sur le plan international. Ainsi le niveau des exportations a aussi augmenté et présente un résultat significatif. Le dernier aspect de la performance de l’entreprise à avoir été étudié, est l’aspect social via deux variables. Nous constatons que le nombre d’employés entre t+1 et t+3 d’un PtoP s’est réduit de manière significative pour réduire la dette engendrée par l’opération et réduire des coûts. Par ailleurs, nous remarquons que le niveau des salaires n’a pas sensiblement augmenté mais nous avons observé que l’attribution des primes a largement augmenté. Cela signifie que plus le salarié travaille et obtient de bons résultats plus il sera récompensé via une prime. Ceci permet d’éviter les « passagers clandestins » dans le sens où si la rémunération fixe augmente et que l’effort du salarié n’augmente pas, celui-ci verra sa rémunération augmentée quoique qu’il en soit. Avec la mise en place de primes, seuls les salariés « travailleurs » seront récompensés. Ceci se justifie aussi avec les résultats obtenus dans les variables financières avec une augmentation de la productivité. 4. Conclusion Par extension à la recherche sur le Private Equity et plus précisément sur les opérations de Public to Private, notre étude se concentre sur les opérations de going private appelées aussi PtoP en France entre 2000 et 2008. Ce choix de période se justifie par le fait que le but de l’article est d’étudier la performance des post PtoP entre t+1 et t+3. Une quarantaine d’opérations (45) de PtoP en France ont ainsi été retenues. Pour aborder cette problématique, nous proposons une nouvelle contribution en allant au-delà des questions de performance financière des post PtoP. En effet, la performance peut aussi se traduire selon différents axes, tels que la performance managériale, la performance sociétale, la performance stratégique ainsi que la performance sociale. C’est à travers ces différents aspects que nous avons étudiés l’attrait et l’intérêt de ces opérations. Est-ce une réelle amélioration de la performance au sens large ou est-ce fondamentalement une stratégie défensive ou personnelle du manager ? Au vu des résultats obtenus grâce à l’élaboration de différents tests empiriques tels qu’une analyse univariée et une régression logistique binaire, nous avons constaté que la réalisation d’une opération de Public to Private justifie une nette amélioration de la performance tant au niveau financier que managérial, sociétal, stratégique et social. Les principaux résultats obtenus nous montrent que les PtoP après trois années d’existence affichent une nette amélioration de leur productivité à travers une maîtrise plus importante de leur niveau d’endettement, la mise en place d’un système de formation pour les employés, ainsi qu’une prime octroyée selon le rendement des salariés. Cette augmentation de productivité se traduit par une augmentation des flux générés, c’est à dire une augmentation des free cash flows et par conséquent une apparition de nouvelles stratégies telles que l’innovation et l’internationalisation. Tout ceci ne peut être réalisé que par une meilleure gestion au sein du capital de la société via une augmentation des parts détenues par les managers. Par conséquent, la réalisation d’une opération de PtoP nous conforte dans l’idée qu’elle améliore la situation de l’entreprise sous différents angles de la performance. Les résultats auxquels la recherche aboutit seraient intéressants à inscrire sur une période de temps plus longue, depuis le début du développement des PtoP en France, afin d’étudier si la performance de celles-ci a connu un changement ou non, et si les PtoP ont toujours été bénéfiques pour l’entreprise. Sont-elles par exemple influencées par la période économique auxquelles elles se développent ? Par ailleurs, un autre choix en terme d’échantillon peut aussi être effectué pour une future recherche, celui d’un échantillon à l’échelle européenne voire même international comme cela a été fait lors de travaux antérieurs étude (Sannajust, 2009). L’introduction de nouvelles variables de type juridique, fiscal, économique telle que la croissance du pays serait intéressante à étudier et permettrait d’enrichir l’analyse. La prise en compte de l’année comme nous l’avons évoqué précédemment pourrait aussi faire l’objet d’une variable muette. Ces différentes questions demandent d’être approfondies et traitées dans de futures recherches. 5. 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An empirical study of two leading going-private explanations: the case of re-LBOs, Journal of Business Finance and Accounting, volume 29, pages 257-271 Lowenstein L., 1985, Management Buyouts, Columbia Law Review, 85, 730-784 Maug, E., 1998, Large shareholders as monitors: is there a trade-off between liquidity and control?, Journal of Finance, volume 53, pages 65-98 Meier, Sannajust, 2013, Public to Private transactions and cognitive biases: a European Study, Working paper Michel A., Shaked I., 1986, Takeovers madness: corporate America fights back, New York: John Wiley and Sons Renneboog, L., Simons T., and Wright M., 2006, Public-to-Private transactions in the UK, Working paper Tilburg University. Sannajust, A., 2009, “Motivations and Performance of Public to Private Transactions: an international study”, PhD in Finance, University of Clermont-Ferrand, 310 Singh, H. 1990. ‘Management buy-outs and shareholder value. Strategic Management Journal, 11129. Weir, C., Laing, D. and Wright, M., 2004, Public to private takeovers and the market for corporate control, Working Paper, University of Notthingham. Table 1 : Les variables retenues Variables Variables financières Modalités Effet de Levier Productivité Flux Variables managériales Managers Variables sociétales Relations humaines Environnement Clients/Fournisseurs Variables stratégiques Innovation International Variables sociales Effectifs Rémunérations Définitions Dettes financières/fonds propres Sales/employment Cash Flow Variable dichotomique = 1 si la part des fonds propres détenus par les managers > 25% des parts de la société Variables dichotomique =1 si les salariés suivent une formation au cours de l'année Variable dichotomique =1 si l'entreprise respecte un programme d'économies d'énergie Variable dichotomique =1 si l'entreprise a mis en place une mesure de satisfaction clients/fournisseurs Niveau des dépenses de recherche et développement Niveau des exportations Nombre d'employés Niveau des salaires Table 2 : Les hypothèses retenues Hypothèses Performance financière Performance managériale Performance sociétale Performance stratégique Performance sociale Plus la gestion de la dette, de la productivité et des flux entrants dans la société sera maîtrisée et plus la performance de l’entreprise sera meilleure. Plus la part des fonds propres détenus par les managers est importante plus la gestion de l’entreprise sera meilleure et plus la performance de l’entreprise sera meilleure. (si la part des managers est importante ceci veut dire qu’il y a beaucoup moins de dispersion dans le capital de la société d’où une amélioration de la performance) Plus les salariés seront formés, plus leur productivité augmentera et plus la performance de l’entreprise sera meilleure Plus les économies d’énergie seront importantes et plus la performance de l’entreprise sera meilleure Plus la mesure de satisfaction clients/fournisseurs sera importante (identification des points faibles …) et plus la performance de l’entreprise sera meilleure. Plus le niveau d’investissement en recherche et développement sera important, plus l’entreprise innovera et plus sa performance augmentera Plus la croissance de l’entreprise augmentera en termes de parts de marchés externes, plus la performance de l’entreprise sera meilleure. Plus le nombre d’employés sera en adéquation avec les besoins de l’entreprise, plus celle-ci sera performante Plus le niveau des salaires sera incitatif et plus la productivité par employé augmentera et plus la performance de l’entreprise sera meilleure. Table 3: Statistiques descriptives Le tableau présente les moyennes et médianes des variables de l’échantillon des PtoP pour les années t+1 et t+3.Les variables financières (G est l’effet de levier, P est la productivité, CF représente les cash-flows), la variable managériale (M est une variable dichotomique égale 1 dès lors que la part des fonds propres détenus par les managers est supérieure à 25% des parts de la société), les variables sociétales (F est une variable dichotomique égale à 1 quand les salariés auront suivi une formation au cours de l’année), E représente une variable dichotomique égale à 1 dès lors que l’entreprise respecte un programme d’économies d’énergies) et C/F représente une variable dichotomique égale 1 dès lors que l’entreprise a mis en place une mesure de satisfaction clients/fournisseurs), les variables stratégiques (N qui est la notation faite par les agences de notation, RD représente les dépenses de recherche et développement et X qui mesure le niveau des exportations), les variables sociales (E qui représente le nombre d’employés et S le niveau des salaires). Panel A: Full Sample (265 observations) __________________________________________________________________________________ Year +1 Year +3 Mean Variables financières Effet de Levier 1,1 Productivité 215 Free Cash flow 1653 Variable managériale Managers 73% Variables sociales Relations Humaines 51% Environnement 73% Clients/Fournisseurs 22% Variables stratégiques Notation Innovation 853 International 682 Variables sociales Effectifs 58 Rémunération 653 Mean Median 1,9 1,7 173 158 1457 1394 46% 37% 17% 11% 25% 21% 10% 8% 574 487 235 187 76 65 432 386 Median 1,2 207 1572 65% 42% 65% 16% 782 795 36 495 _____________________________________________________________________________________________________ Table 4:Analyse univariée: changement de performance entre l’année t+3 et t+1 Ce tableau présente les résultats empiriques de l’analyse univariée de l’échantillon des Public to Private en France de 2000 à 2009. T value et Z statistic représentent les résultats des tests de moyennes et de médianes. Les variables financières (G est l’effet de levier, P est la productivité, CF représente les cash-flows), la variable managériale (M est une variable dichotomique égale 1 dès lors que la part des fonds propres détenus par les managers est supérieure à 25% des parts de la société), les variables sociétales (F est une variable dichotomique égale à 1 quand les salariés auront suivi une formation au cours de l’année), E représente une variable dichotomique égale à 1 dès lors que l’entreprise respecte un programme d’économies d’énergies) et C/F représente une variable dichotomique égale 1 dès lors que l’entreprise a mis en place une mesure de satisfaction clients/fournisseurs), les variables stratégiques (N qui est la notation faite par les agences de notation, RD représente les dépenses de recherche et développement et X qui mesure le niveau des exportations), les variables sociales (E qui représente le nombre d’employés et S le niveau des salaires). Les symboles ***,**,* représentent les seuils de significativité des résultats à hauteur de 1%, 5% et 10%. PtoP t+1 PtoP t+3 t value z statistic Variables financières G P CF 0,56 0,27 0,32 0,63 2,571*** 2,632*** 2,624*** 2,651*** Variable managériale M 0,15 0,24 2,485*** 2,496*** Variables sociétales F E C/F 0,22 0,37 0,24 0,35 0,47 0,32 2,541*** 2,642*** 2,115 2,563*** 2,627*** 2,121 Variables stratégiques N RD X 0,43 0,31 0,57 0,52 2,524*** 2,468*** 2,519*** 2,496*** Variables sociales E S 0,65 0,74 0,34 0,61 2,467*** 2,503*** 2,492*** 2,526*** Table 5: Régressions OLS, changement de performance entre les années t+1 et t+3. Ce tableau présente les résultats empiriques des régressions OLS avec comme variable dépendante ∆CF/A(+3 ;+1) qui est égale à (CF/A) t+3 – (CF/A)t+1. CF/A est définie en prenant le niveau des cash-flows moins les intérêts et l’impôt pour éviter le mécanisme de l’effet de levier sur les résultats. Les variables financières (G est l’effet de levier, P est la productivité, CF représente les cash-flows), la variable managériale (M est une variable dichotomique égale 1 dès lors que la part des fonds propres détenus par les managers est supérieure à 25% des parts de la société), les variables sociétales (F est une variable dichotomique égale à 1 quand les salariés auront suivi une formation au cours de l’année), E représente une variable dichotomique égale à 1 dès lors que l’entreprise respecte un programme d’économies d’énergies) et C/F représente une variable dichotomique égale 1 dès lors que l’entreprise a mis en place une mesure de satisfaction clients/fournisseurs), les variables stratégiques (N qui est la notation faite par les agences de notation, RD représente les dépenses de recherche et développement et X qui mesure le niveau des exportations), les variables sociales (E qui représente le nombre d’employés et S le niveau des salaires). Deux modèles sont présentés à cause de la présence de collinéarité entre les variables productivité et le nombre d’employés. Les symboles ***,**,* représentent les seuils de significativité des résultats à hauteur de 1%, 5% et 10%. __________________________________________________________________________________ I II 0,25 (2,482)*** 0,43 (2,521)*** 0,29 (2.501)*** 0,34 (2,473)*** 0.38 (2.492)*** 0,43 (2,534)*** 0,52 (2,542)*** 0,46 (2,241) 0.38 (2.476)*** 0.47 (2.536)*** 0.49 (2.228)*** 0,27 (2,623)*** 0,35 (2,613)*** 0.31 (2.567)*** 0.41 (2.402)** S 0,35 (2,491)*** (2.496)*** 0.42 (2.543)*** Adjusted R² Observations 49% 47% Variables financières G P Variable managériale M Variables sociétales F E C/F Variables stratégiques N RD X Variables sociales E