Le premier vaccin contre le paludisme va être autorisé

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Le premier vaccin contre le paludisme va être autorisé
LeMonde.fr
24 juillet 2015
Le premier vaccin contre le paludisme va être autorisé
Le Mosquirix, un vaccin contre le paludisme – et contre l’hépatite B – de GlaxoSmithKline (GSK), a reçu
un avis scientifique favorable du Comité des produits de santé à usage humain de l’Agence européenne
des médicaments (EMA), a annoncé celle-ci vendredi 24 juillet. Egalement connu sous son nom
technique « RTS, S/AS01 », ce candidat-vaccin est le plus avancé en termes d’essais cliniques, mais
n’a fait preuve que de résultats modestes quant à la protection conférée. L’Organisation mondiale de la
santé (OMS) va se pencher sur ce dossier pour savoir si elle formule une recommandation d’utilisation
du Mosquirix. Une décision moins évidente qu’il n’y paraît.
GSK n’a pas l’intention de commercialiser en Europe son vaccin antipaludéen. L’industriel a utilisé une
procédure dite permettant de faire évaluer par l’EMA la qualité, la sécurité et l’efficacité d’un médicament
ou d’un vaccin, dont la commercialisation n’est pas prévue dans l’Union européenne. L’EMA explique
que cela lui permet « d’aider à faciliter l’accès à de nouveaux médicaments pour des personnes vivant
hors de l’UE. »
Dans le cas des procédures habituelles, l’EMA rend son avis scientifique, et l’autorisation de mise sur le
marché valable dans les 28 Etats de l’Union est signée du commissaire européen à la santé. Ici,
l’expertise de l’EMA est utilisée pour servir de base à l’OMS. Un porte-parole de l’organisation
onusienne a salué, vendredi 24 juillet, l’avis favorable de l’Agence ainsi qu’« une étape majeure dans le
développement d’un vaccin contre le paludisme et un pas de plus vers des décisions sur la manière dont
le vaccin sera utilisé. » L’OMS formulera ses recommandations d’ici à novembre.
Le Mosquirix est conçu pour vacciner dans les zones d’endémie les enfants âgés de 6 semaines à
17 mois contre le paludisme dû au parasite Plasmodium falciparum, la forme la plus fréquente et la plus
sévère de la maladie. Elle a provoqué 627 000 morts dans le monde en 2013, selon l’OMS,
principalement en Afrique chez des enfants de moins de 5 ans (82 % des décès). Ce vaccin
recombinant avec adjuvant associe une protéine du Plasmodium falciparum fusionnée et combinée à
des antigènes de surface du virus de l’hépatite B, sous forme de particules analogues à un virus mais
dénuées de propriétés infectieuses.
Cette composition explique que le Mosquirix immunise également contre l’hépatite B, bien que dans sa
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communication annonçant le feu vert de l’EMA, GSK ne mentionne pas la protection contre l’hépatite B
conférée par Mosquirix.
Conçu en 1987 par des chercheurs de GSK, Mosquirix est le candidat-vaccin dont les études cliniques
sont allées le plus loin. En particulier, il a fait l’objet d’un essai à grande échelle, dit de « phase 3 » mené
dans sept pays africains (Burkina Faso, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi, Mozambique et Tanzanie) dont
les résultats ont été publiés en avril dernier par The Lancet.
Comme le résume l’EMA, « les données de l’essai indiquent que le Mosquirix confère une protection
modeste contre le paludisme à Plasmodium falciparum chez les enfants dans les douze mois suivant la
vaccination. Le vaccin s’est montré efficace dans la prévention du premier ou du seul épisode clinique
de paludisme chez 56 % des enfants âgés de 5 à 17 mois et chez 31 % des enfants âgés de 6 à 12
semaines. L’efficacité décroît après une année. » L’Agence estime que le profil de sécurité du vaccin est
« acceptable. »
GSK et l’organisation humanitaire PATH, qui a lancé l’Initiative vaccin contre le paludisme (dont le sigle
anglais est MVI), ont créé un partenariat pour développer le candidat-vaccin RTS, S/AS01. GSK a
investi à ce jour 365 millions de dollars (334 millions d’euros) et compte y ajouter de 200 à 250 millions.
Grâce aux financements de la Fondation Gates, MVI a pu injecter plus de 200 millions d’euros dans le
projet RTS, S/AS01. Des sommes beaucoup plus importantes que celles allouées aux autres candidatsvaccins.
Si GSK et MVI se félicitent du feu vert accordé par l’EMA, plusieurs réactions sont plus mesurées. Dans
une tribune publiée le 24 juillet sur le site de la BBC, deux médecins – Seth Berkley, directeur exécutif
de GAVI-Alliance du vaccin, créée par la Fondation Gates et Mark Dybul, directeur exécutif du Fonds
mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, s’interrogent sur le risque que le vaccin donne
aux personnes concernées « un faux sentiment de sécurité. » Ils rappellent que l’efficacité constatée
dans les essais est observée en « conjonction avec une utilisation élevée des autres moyens
d’interventions, tels que les moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée et les médicaments
antipaludéens. »
Ce point de vue est partagé par le docteur Marc Thellier, directeur du Centre national de référence sur le
paludisme (hôpital de La Pitié-Salpêtrière, Paris), qui rappelle que « depuis 2005, l’usage de
moustiquaires imprégnées, des tests de diagnostic rapide et les combinaisons de médicaments à base
d’artémisinine ont diminué l’impact du paludisme. Il ne faudrait pas que les ressources destinées à les
déployer soient en partie détournées vers un outil de protection partielle et dont on ne connaît pas la
durée. »
De plus, les résultats modestes, mais tangibles en termes de vies sauvées, constatés avec le vaccin
RTS, S/AS01, sont obtenus dans les conditions poussées à l’optimum d’un essai clinique très bien fait et
mené dans des centres expérimentés. Ils risquent d’êtres moins bons dans la vie réelle et à plus grande
échelle.
Le porte-parole de l’OMS a rappelé que son organisation « prendra en compte des facteurs non
examinés par les experts de l’EMA, à savoir la faisabilité de la mise en œuvre, l’accessibilité des prix, le
rapport coût-efficacité et l’intérêt de santé publique du vaccin par rapport aux autres interventions. » Lui
aussi a affirmé qu’il ne fallait pas détourner des fonds utilisés au déploiement à plus grande échelle de
ces interventions pour financer ce vaccin. La décision de l’OMS ne sera pas simple à prendre.
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PourquoiDocteur.fr
25 juillet 2015
Impact sur la qualité de vie
Chimiothérapies : remise en cause de leur intérêt pour les patients en fin de vie
par Julie Levallois
Les patients atteints d'un cancer métastatique de stade terminal sont toujours sous
chimiothérapie dans un cas sur deux. Une pratique qui nuit fortement à leur qualité de vie.
La chimiothérapie n’est pas toujours utile. Alors que certains patients sont à l’article de la mort, ils sont
toujours sous traitement anticancéreux. D’après une enquête parue dans le JAMA Oncology, cette
pratique dégrade la qualité de vie de gens qui, en dehors de leur cancer, se portent bien.
Les auteurs de l’étude ont suivi 312 personnes atteintes d’un cancer de stade métastatique et toujours
en progression. La moitié d’entre elles ont été placées sous chimiothérapie. Et même lorsque le cancer
l’emporte, le traitement reste administré. Ainsi, 3 mois avant le décès, une personne sur deux recevait
encore une chimio.
Pour les patients dont l’autonomie est déjà attaquée par le cancer, cette pratique n’améliore ni ne
détériore la qualité de vie. En revanche, les personnes qui, à part les symptômes du cancer, ont
conservé une certaine mobilité voient leur qualité de vie fortement dégradée par le traitement.
Juger au cas par cas
« Les recommandations de l’ASCO [Association américaine d'oncologie clinique, ndlr] concernant la
chimiothérapie chez les patients ayant un cancer terminal ont peut-être besoin d’être revues, en tenant
compte des méfaits potentiels de la chimiothérapie chez des patients avec un cancer métastatique en
progression », conclut l’étude. Ce n’est pas la première fois que l’intérêt de la chimiothérapie pour des
patients en fin de vie est remis en cause. Ces travaux enfoncent le clou et pointent une pratique
régulière bien qu’inutile.
Mais il n’est pas question d’interrompre systématiquement la chimio lorsque les chances de survie sont
nulles. Dans un commentaire associé à l’étude, Charles Blanke et Erik Fromme, de l’Université des
Sciences et de la Santé de l’Oregon, appellent à la prudence. « Même quand les cancérologues sont
clairs à propos du diagnostic et honnêtes à propos des limites du traitement, beaucoup de patients
ressentent le besoin de continuer le traitement, écrivent-ils. En l’absence de données irréfutables
définissant qui peut en tirer profit, il n’est pas correct de suggérer que les recommandations doivent être
modifiées pour interdire la chimiothérapie à tous les patients en fin de vie, mais si un cancérologue
estime que le patient risque de décéder dans les six mois, le choix par défaut devrait être de n’initier
aucun traitement actif. »
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