Chapitre I. Concepts de base

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Chapitre I. Concepts de base
Chapitre I. Concepts de base
I. A. Définitions
I.A.1 Etats
Système:
Rigoureusement n'importe quoi de macroscopique, à condition qu'on puisse le distinguer, au
moins conceptuellement, du reste de l'univers (son environnement).
Système isolé: n'échange ni matière ni énergie avec son environnement.
Système fermé: peut échanger de l'énergie avec son environnement, mais pas de matière.
Système ouvert: peut échanger de l'énergie et de la matière avec son environnement.
Système à l'équilibre: système isolé dont les variables d'état ne subissent aucune
modification au cours du temps.
a.Variable d'état:
Toute quantité mesurable sur un système macroscopique, ne dépendant pas des détails au
niveau moléculaire (ex. pression, volume, température...)
Variable extensive: proportionnelle à la quantité de matière dans le système
Variable intensive: indépendante de la quantité de matière dans le système
b.Fonction d'état:
Quantité exprimable comme une fonction d'une ou plusieurs variables d'état.
Une fonction d'état ne dépend pas de l'histoire du système (du chemin par lequel il est arrivé à son
état actuel).
c.Equation d'état:
Loi mathématique exprimant une relation entre plusieurs variables d'état, pour une catégorie
de systèmes donnée.
NB: Les équations d'état ne sont pas déduites des principes de la thermodynamique: elles sont soit tirées de
l'expérience, soit "importées" d'autres domaines de la physique/chimie.
d. Phase:
Domaine de l'espace où les variables intensives ont une valeur constante. Deux phases
différentes sont séparées par une interface, où les valeurs de certaines variables d'état changent
brusquement.
Equilibre de phases: distribution d'un ou plusieurs constituants entre deux phases distinctes.
Quand on considère une réaction chimique, il est très important de savoir dans quelle(s)
phase(s) elle se déroule (gaz, solution aqueuse…) et de l’indiquer pour chaque réactif.
e. Variables de composition
Les Ni , nombres de particules de l'espèce chimique i, ou les n i , nombres de moles de
l'espèce i, sont les variables de composition du système (Ni = N A n i, où NA est le nombre
d'Avogadro). La composition peut varier :
- si le système est ouvert (transport de matière)
- ou si une réaction chimique se déroule (certaines espèces chimiques disparaissent pour se
transformer en d’autres)
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I.A.2 Transformations, contraintes
Souvent, on s’intéresse davantage aux variations d’une certaine grandeur (notation : ∆,
delta majuscule) lors d’une transformation du système qu’à la valeur absolue de cette grandeur.
On maîtrise généralement certaines contraintes imposées au
a. Certaines transformations sont réalisées à valeur constante d'une des variables d'état. Elles sont
dites:
- isothermes si la température est maintenue constante (∆T = 0)
- isochores si le volume est maintenu constant (∆V = 0)
- isobares si la pression est maintenue constante (∆P = 0)
b. Une transformation qui se fait sans échange de chaleur entre le système et son environnement
(Q = 0) est dite adiabatique.
Attention! Il y a une différence avec les cas précedents: il n’existe pas de fonction d’état qui donnerait le
« contenu en chaleur » du système. La chaleur échangée peut être très variable pour un passage du même état initial au
même état final selon des chemins différents. C’est pourquoi il est officiellement conseillé d’écrire « Q » plutôt que
« ∆Q » pour la chaleur échangée, et la même remarque vaut pour les différentes formes de travail.
c. Convention "du banquier": convention de signe pour les échanges entre un système et son
environnement. Tout ce qui est fourni au système est compté positivement, tout ce qui est retiré
du système est compté négativement.
d. Réversibilité/irréversibilité: Une transformation est dite réversible si elle s'effectue par une
suite de modifications infinitésimales des conditions. Il s'agit d'un processus idéalisé: les processus
réels ne sont jamais parfaitement réversibles.
e. Transformation chimique:
Notation des thermodynamiciens pour une réaction chimique:
∑ ν i Ai = 0
i
νi : nombre stoechiométrique de l'espèce Ai (par convention, < 0 pour les réactifs).
Variable d'avancement d'une réaction, ξ (prononcé xi)
dξ =
dni
(∀i)
νi
Taux d'avancement d'une réaction, τ (nombre sans dimension compris entre 0 et 1).
τ=
ξ −ξ
ξ −ξ
final
initial
initial
Dans une solution, la concentration molaire en espèce i est notée ci. Elle s’exprime en mol. L-1.
n
ci = i , où V est le volume total de la solution.
V
Pour des espèces en phase gazeuse, la variable correspondante est la pression partielle Pi (unité
officielle : le Pascal, Pa ; 1 Pa = 1 kg.m-1.s-2).
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I. B. Le premier principe
I.B.1 Enoncé
Pour tout système thermodynamique, il existe une fonction
d'état extensive et conservative: l'énergie interne, notée U.
Unité: Joule, kg.m2.s-2.
I.B.2 Variations de l’énergie et transduction
a. Un système fermé peut échanger de l’énergie avec son environnement (∆U ≠ 0) sous
diverses formes :
Travail mécanique wméca
Contractions musculaires, autres formes de locomotion…
Travail électrique wélectr
Transmission de l’influx nerveux…
Chaleur Q
(animaux homéothermes)
La calorie a été développée comme unité de chaleur transférée.
Elle est superflue : 1 calorie = 4,18 Joule.
NB : Un système ouvert peut aussi échanger de « l’énergie chimique » si des molécules y entrent
ou le quittent. Mais une réaction à l’intérieur du système ne peut ni créer, ni détruire de l’énergie.
b. Interprétation moléculaire : qu’est-ce que U ?
Dans les cas les plus simples, on peut calculer le « contenu en énergie » total d’un
système à partir des premiers principes (mécanique quantique).
Ce n’est pas le but de la thermodynamique ! et c’est totalement impraticable pour les
systèmes intéressants.
On veut au contraire pouvoir raisonner sur les variations d’énergie sans connaître la
valeur absolue de cette fonction.
∆U : variation macroscopique.
dU : variation infinitésimale (notation différentielle)
On a : ∆U = wméca + wélectr + Q
Ou, pour une variation infinitésimale, dU = δwméca + δwélectr + δQ
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I.B.3. L’enthalpie
I.B.3.a Chaleurs de réaction et enthalpie
On constate facilement que certaines réactions chimiques dégagent de la chaleur. Peut-on
savoir exactement combien ? Cela dépendra des contraintes appliquées au système ! Cette mise en
garde est d’ailleurs valable pour n’importe quel échange de chaleur.
i) Pour une transformation isochore (volume constant, dV = 0), la chaleur échangée est égale à
la variation d’énergie interne :
Q = ∆U
Dans la vie courante (labo, organismes), on réalise plutôt des transformations à pression
constante (et volume variable). Dans ce cas, le système peut réaliser un travail mécanique
(expansion d’un gaz formé dans la réaction), et la quantité de chaleur dégagée va être différente.
ii) La fonction ENTHALPIE H d’un système se définit comme suit :
H = U + PV
Unités : Joules (J).
Pour une transformation isobare (pression constante, dP = 0), Q = ∆H
L’enthalpie est extensive (proportionnelle à la taille du sytème). Pour un corps pur,
H
. Unités :
l’enthalpie molaire Hm est obtenue en divisant H par le nombre de moles : Hm =
n
J.mol-1. Hm est une grandeur intensive.
I.B.3.b. Quelques exemples
- Si on chauffe un système, on lui fournit de la chaleur (Q > 0) qui sert à augmenter sa
température (∆T > 0): Q > 0. Si on refroidit le système à pression constante, Q < 0. A pression
constante, Q = ∆H.
Pour une variation infinitésimale de température : (δQ) P constante = dH = CP dT , où CP est
la capacité calorifique (unité : J.K-1) à pression constante : CP = (
∂H
).
∂T
P
- Pour que de l’eau gelée passe à l’état liquide, il faut lui fournir de la chaleur (Q > 0), mais sa
température n’augmente pas (∆T = 0 ). On parle de chaleur latente de fusion (∆fusH° > 0). La
chaleur massique de fusion est la quantité de chaleur à fournir pour faire passer un kilogramme
d’eau de l’état liquide à l’état solide. La chaleur molaire de fusion (∆fusH°m ou Lfus) est la quantité
de chaleur à fournir pour faire passer une mole d’eau de l’état solide à l’état liquide.
Inversement, pour que de l’eau liquide se solidifie, il faut que le système dégage de la
chaleur vers son environnement (Q < 0, ∆ T = 0 ). On pourrait parler de chaleur latente de
solidification ; ce terme est peu employé, mais en tout cas la quantité correspondante est une
grandeur négative !
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I.B.3.c Etats standard, enthalpies de formation, enthalpies standard de réaction
Ici aussi, on peut surtout calculer les variations de la fonction enthalpie et pas sa valeur
absolue. Il est utile tout de même d’exprimer ces variations par rapport à un état de référence bien
défini.
Pour les corps purs simples (les éléments), l'enthalpie molaire standard à P = 1 bar et
T = 298K est posée = 0 J. mol-1 et notée H°. Cela revient à « choisir le zéro de l’échelle ».
Dans une réaction chimique, l'enthalpie standard de réaction est la quantité
∆ r H ° = ∑ H ° i ν i (en d’autres termes, l’enthalpie standard des produits moins celle des
i
réactifs).
Cette grandeur peut être connue facilement et est souvent tabulée. Elle fournit une idée de
la quantité de chaleur dégagée par une réaction chimique. Le signe de ∆rH° est toujours important
( ∆rH° < 0: « exothermique », ∆rH° > 0: « endothermique »).
L’estimation n’est pas très utile quantitativement car cette grandeur se rapporte à des
conditions irréalistes (réaction complète, tous les réactifs et produits à l'état pur, c.a.d. séparés les
uns des autres), mais on verra qu’elle possède quand même une signification pratique très précise
quand on étudie l’évolution d’une réaction chimique !
Pour les corps purs composés, l'enthalpie standard de formation à une température
donnée, ∆ f H° T ou simplement H°, est l'enthalpie standard de la réaction de formation du corps
composé à partir des corps purs simples correspondants, à P = 1 bar et T fixée.
Unités de ces grandeurs : J. mol-1.
I. B.3.d Cycles de Hess
Principe de Hess: "les chaleurs de réaction à pression constante sont additives"; en
d'autres termes, H est une fonction d'état; si on veut estimer ∆rH pour une réaction donnée, peu
importe qu'on la réalise en une seule étape ou comme une suite de réactions intermédiaires.
I.B.3.e. Enthalpies de dissociation, énergies de liaison
En particulier, on peut considérer une réaction hypothétique consistant en la dissociation
homolytique d’une liaison covalente, normalement en phase gazeuse :
.
.
A gaz + B gaz
Le ∆ rH° m de cette réaction s’appelle l’enthalpie de dissociation de la liaison. On note
souvent cette quantité D A-B . C’est une grandeur positive car il faut fournir de l’énergie pour
rompre une liaison covalente.
On parle parfois simplement d’énergie de liaison. Cette désignation est moins précise car :
- elle néglige la différence entre énergie et enthalpie. Cette différence est toutefois assez
faible en l’occurrence.
- On peut hésiter sur le signe à lui donner : se réfère-t-elle à la réaction de dissociation ci.
dessus (∆rH°>0 ) ? Ou à la réaction de formation, qui est exactement inverse (A gaz +
A-Bgaz
=
B gaz = A-Bgaz) et a ∆rH° <0 ? Lorsque les énergies de liaison sont données avec un signe
> 0, cela veut dire que la première définition est choisie.
.
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Quelques ordres de grandeur
Pour des liaisons fréquemment rencontrées en biochimie :
Liaison
enthalpie de dissociation
C-H
+ 414 kJ. mol-1
C-O (alcool)
+ 355 kJ. mol-1
C-C
+ 347 kJ. mol-1
O-H
+ 464 kJ. mol-1
N-H
+ 401 kJ. mol-1
O-O (peroxydes)
+ 146 kJ. mol-1
C=C
+ 610 kJ. mol-1
C=O
+ 744 kJ. mol-1
C≅C
+ 836 kJ. mol-1
Ν≅Ν (diazote)
+ 945 kJ. mol-1
etc...
Attention :
Ces valeurs sont des valeurs moyennes. Souvent, l’enthalpie de dissociation d’un type
de liaison varie peu d’une molécule à l’autre (ex : enthalpie de liaison d’une double liaison
C=O : + 744 kJ. mol-1 dans les cétones, + 748 kJ. mol-1 dans les amides) mais il y a des
exceptions (p.ex. enthalpie de liaison d’une liaison simple C-O : + 460 kJ. mol-1 dans un
ester).
De toute façon, ces valeurs concernent des dissociations en phase gazeuse : il ne faut
pas s’attendre à ce qu’elles soient quantitativement exactes en solution aqueuse !
On peut par contre retenir des ordres de grandeur : de 150 à 500 kJ. mol-1 pour une
liaison covalente simple ; jusqu’à 950 kJ. mol-1 pour une liaison multiple…
Il est très utile aussi de comparer ces ordres de grandeur avec ceux qui caractérisent
d’autres types de liaison comme la liaison hydrogène. Typiquement, l’énergie à fournir pour
dissocier une liaison hydrogène est de 20 à 40 kJ. mol-1. C’est nettement moins que pour une
liaison covalente.
Par conséquent, en biochimie, ce sont des liaisons covalentes qui assurent la cohésion
des molécules et donc leur individualité. Les liaisons hydrogènes jouent un rôle important en
stabilisant des assemblages supramoléculaires entre molécules différentes , et notamment
entre deux brins d’ADN complémentaires. Mais on peut séparer les deux brins sans briser leur
squelette covalent !
I. C. Le second principe
I.C.1 Enoncé
Pour tout système thermodynamique, il existe une fonction d'état extensive et NON conservative:
l' entropie, notée S.
-1
Unité: Joule.K .
- Pour un système ISOLE: dS ≥ 0 (dS = 0 pour une transformation réversible, dS > 0 pour une
transformation irréversible).
- Pour un système quelconque, δiS ≥ 0 (le terme de production est positif; mais dS = δiS + δeS
peut être positif ou négatif.
δQ rév
Définition opérationnelle: pour une transformation réversible, δiS = 0 et dS = δ e S =
T
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I.C.2 Interprétation Moléculaire
S = k ln Ω.
Ω est la "fonction de partition" cad la fonction qui fournit, pour une énergie donnée, le
nombre de microétats ayant cette énergie.
k: "constante de Boltzmann" = 1,38*10-23 J.K-1. R (constante des gaz parfaits) = NA k.
I.C.3 Equation-Maîtresse
- Pour une transformation thermomécanique :
dU = TdS – PdV
Cette équation exprime la variation d’énergie interne en termes de variation des variables
d’état (ne dépendant que de l’état initial et de l’état final.
- S’il peut y avoir échange d’énergie chimique :
dU = TdS - PdV + Σµi dni
- En général :
dU = TdS - PdV + Σ µi dni + ... (un terme pour chaque forme d’énergie échangée ;
chaque terme = variable intensive X différentielle d'une variable extensive ; on parle parfois
de tension et d'extensité conjuguées).
I.C.4 Evaluation de l'entropie
ème
- "3 principe": L'entropie de tous les corps parfaitement cristallisés est nulle à 0K.
Donc, on peut définir des valeurs absolues de S!
Entropies standard de formation ∆fS°T (dans les conditions standard, c.a.d. à T°C).
I.C.5 Les potentiels thermodynamiques
dS ≥ 0 fournit une condition d'évolution pour les systèmes isolés seulement. Pour prédire
l’évolution dans d’autres situations, on va définir de nouvelles fonctions d’état :
I.C.5.a. l'énergie libre (de Helmholtz) F : évolution des transformations isochores
F = U - TS
Unités: J.
dF = dU-TdS-SdT;
à T constante dF = dU - TdSrév = δwrév pour une transformation thermomécanique réversible.
En travaillant à V constant, on empêche le travail mécanique (δwméca = 0) donc dFrév = 0.
Pour une transformation irréversible à T et V constants: dFirrév < 0.
Donc, pour une transformation isochore et isotherme d’un système fermé, F fournit une
condition d'évolution: l'énergie libre ne peut que diminuer.
U = U(S,V,ni ,...).
F = F(T,V,ni ,...).
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I.C.5.b l'enthalpie libre (de Gibbs) G : évolution des transformations isobares
G = U+ PV - TS
Unités: J.
(ou G = H - TS)
dG = dU – TdS – SdT + PdV + VdP; à T et P constantes, dG = dU – TdS + PdV.
Pour une transformation réversible à T et P constantes, dGrév = 0. •
Pour une transformation irréversible à T et P constantes, dGirrév < 0.
Dans une transformation isobare et isotherme, l'enthalpie libre G ne peut que diminuer.
* G = G(T,P,ni , ...).
I.C.6 Le potentiel chimique (µ)
I.C.6.a Définition
Pour un système à P, T constants, mais de composition variable, G dépend des
variables de composition :
dG = ∑ G ©i dni
i
L’analyse mathématique montre que dans ce cas, les coefficients G’i sont les dérivées
 ∂Gi 

 ∂ni  n
partielles de G par rapport aux ni : G i = 
©
, l’« enthalpie libre molaire partielle ».
j
≠ ni
Elle exprime la variation de l’enthalpie libre quand on augmente le nombre de moles de (i)
d’une quantité infinitésimale, sans changer la quantité des autres composantes.
Cette quantité est aussi appelée potentiel chimique de l’espèce (i) et notée µi.
Unités: J.mol-1.
On a donc : dG = ∑ µ i dni .
i
* Pour une réaction chimique, on peut écrire dG = ∆rG dξ, avec
∆r G = ∑ µ iν i
i
Condition d'équilibre: dG =0
⇒ ∆rG = 0.
* ∆rG varie en fonction de ξ. Le point où ∆rG s’annule indique l’avancement de la réaction à
l’équilibre.
* Attention aux notations :
∆ r G° = ∑ µ ° i ν i : valeur tabulée, se rapporte aux états
standards : enthalpie libre standard de réaction.
En effet, dU – TdS = dU - δQrév donc dG = ( dU - δQrév) + PdV = δwrév - δw.
Comme δwirrév > δwrév , dG doit être ≤ 0.
•
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I.C.6.b Conditions d’évolution d’un système en homéostasie
Dans certains cas, les réactions chimiques sont réalisées sous une contrainte
supplémentaire : la concentration d’une ou plusieurs espèces est maintenue constante dans le
système par une intervention extérieure. Prenons l’exemple des protons (H+), qui déterminent
l’acidité du milieu.
Leur concentration (donc le pH) peut être maintenue constante au laboratoire en
utilisant un pH-stat (un automate capable d’ajouter un acide fort ou une base forte si le pH
dérive). Mais surtout, les fluides d’un organisme vivant sont généralement maintenus en
homéostasie par un ensemble complexe de rétroactions : par exemple, le pH du sang est
maintenu à une valeur de 7,4 ± 0,05 chez un individu sain. Une des variables de composition,
nH+, ne peut plus varier.
Alors, la variation d’enthalpie libre ne constitue plus un « bon » critère d’évolution
spontanée. Il faut définir une enthalpie libre transformée G’ = G - nH+ µ H+ , qui sera une
fonction des quantités maintenues constantes : G’ = G’(T, P, pH, ni ≠ H+ , ...). La condition
d’évolution à pH constant sera dG’ = 0 et non plus dG = 0.
Comme la contrainte « pH constant » n’est pas souvent appliquée au laboratoire de
chimie, vous ne trouverez probablement pas la définition de G’ dans les cours de
thermochimie élémentaire. Par contre, cette grandeur est fréquemment utilisée en
thermodynamique biochimique.
I.C.6.c La valeur du potentiel chimique : cas d’un gaz parfait
Soit un gaz parfait pur. Comment G dépend-elle de la pression?
nRT
∂G
dP
dP = VdP =
P
∂P
Pour une transformation de l'état de référence (P° = 1bar) à l'état final à la pression P , on
dG =
trouve en intégrant :
G = G° + nRT ln(P/P°)
Comme pour une substance pure µ est simplement égal à G/n,
µ = µ ° + RT ln P P°
NB: Comme P° correspond à 1 bar, si on mesure la pression en bars, on peut simplifier l'écriture en:
µ = µ° + RTlnP.
* Pour un Mélange de gaz parfaits: µi = µ°i + RTlnPi où Pi est la pression partielle du gaz
i.
I.C.6.d Constantes d'équilibre d’une réaction entre gaz parfaits
Soit une transformation chimique ∑ ν i Ai = 0 n'impliquant que des gaz parfaits. La
i
condition d'équilibre ∆rG = 0, avec l'expression du potentiel chimique µi. = µ°i. + RTlnPi.,
fournit:
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− ∆ r G°
Π( Pi )ν i = e RT
i
A l'équilibre, le quotient réactionnel est égal à la constante d'équilibre. La valeur numérique de
la constante d’équilibre est notée K.
Cette relation permet de calculer exactement le degré d’avancement d’un réaction à l’équilibre. Vu
l’intérêt fondamental de cette prévision, on veut la généraliser à d’autres cas que celui des
réactions entre gaz parfaits :
I.C.6.e Constantes d'équilibre pour une réaction en solution idéale
Il y a plusieurs manières de définir la concentration d’une espèce en solution, c.a.d. d’un
soluté. La plus élémentaire est d’exprimer les concentrations volumiques ci en mol.L-1.
La concentration d’un soluté (i) dans une phase solution (aqueuse par exemple), ci , joue le
même rôle que la pression partielle du gaz (i) dans une phase gazeuse, Pi.
Un gaz ou un mélange de gaz est dit parfait si les molécules de gaz n’interagissent
absolument pas entre elles. Dans ce cas, l’énergie interne de l’espèce (i), exprimée par mole, ne
varie pas, quelle que soit la quantité de (i) dans le système.
On peut faire la même hypothèse pour une espèce en solution. On supposera que les
molécules de soluté (i) n’interagissent absolument pas entre elles ; on parlera alors de solution
idéale.
L’expression du potentiel chimique est alors
µ = µ ° + RT ln C C°
La grandeur a = C/C° est appelée l’activité. Sa valeur dépend de l’état de référence
choisi ; on prendra le plus souvent un état de référence correspondant à une concentration de 1
mol.L-1.
Pour une espèce en solution idéale, l’activité est alors simplement la valeur de la concentration,
mais « sans unités ».
La condition d’équilibre s’écrit :
Π(a )
νi
i
i
=e
− ∆ r G°
RT
Comme dans le cas des gaz parfaits, l’exponentielle a une valeur constante pour une
température donnée et est appelée constante d’équilibre, et notée K. Mais le quotient réactionnel
s’exprime en termes d’activités des différentes espèces.
I.C.6.f Constantes d’équilibre pour une réaction en solution réelle.
Dans la réalité, les espèces (i) en solution ne sont pas toujours indifférentes à leurs
congénères. Par exemple, des espèces chargées positivement vont se repousser par interaction
coulombienne.
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On veut quand même préserver la simplicité de l’expression de la constante d’équilibre
Π(a )
νi
i
i
=e
− ∆ r G°
RT .
On y arrive en redéfinissant la variable activité comme :
ai = γi ci
où γi, le coefficient d’activité, a… exactement la valeur qu’il faut pour que l’expression de la
constante d’équilibre soit toujours valable. •
La thermodynamique n’a rien à dire sur les valeurs des coefficients d’activité.
En théorie, on peut les calculer si on dispose d’un modèle suffisamment réaliste des interactions
entre molécules de soluté. Le cas le plus connu est celui du modèle de Debye-Hückel, valable pour
des électrolytes, c’est à dire des substances qui, en solution aqueuse, se dissocient en cations et
anions. Mais les calculs restent difficiles et peu précis.
I.C.7 L’équilibre chimique : quelques notions intuitives
Le paragraphe précédent présente une dérivation plus ou moins rigoureuse de la condition
d’équilibre chimique. Pour un chimiste ou un biochimiste au laboratoire, il est surtout important
d’avoir des critères intuitifs corrects, dérivés d’une bonne compréhension de l’expression
mathématique.
a . Plus la constante d’équilibre est élevée, plus la réaction est déplacée à droite à
l’équilibre (taux d’avancement à l’équilibre, τ, proche de 1); et inversement.
Mais un taux d’avancement de 1 correspondrait à une valeur infinie de la constante
d’équilibre, ce qui n’arrive jamais. Il n’existe donc pas en principe de réaction absolument
complète (même si on peut s’en approcher beaucoup).
De même, une réaction complètement déplacée à gauche (τ = 0) correspondrait à une
constante d’équilibre de 0 ; cela n’arrive pas non plus.
b. Il est possible de calculer la constante d’équilibre si l’on connaît le ∆rG° de la réaction.
Or, ∆rG° se calcule facilement d’après les valeurs des enthalpies libres de formation, qui
sont tabulées.
Qualitativement, on voit que la réction est d'autant plus déplacée à droite que ∆ rG° est
négative.
Comme, à T, P constantes, ∆rG° = ∆rH° - T∆rS°,
une réaction est favorisée si:
1. ∆rH° < 0 (les réactions exothermiques sont favorisées)
2. ∆rS° > 0 (les réactions qui augmentent l'entropie – le désordre – sont favorisées).
Si ces deux conditions sont satisfaites en même temps, il n’y a pas de doute : la
réaction est favorisée. Si aucune de ces conditions n’est satisfaite, la réaction est défavorisée.
Si une condition est satisfaite et pas l’autre, la réponse n’est pas évidente : tout dépend du
terme prédominant.
•
L’inconvénient est que l’état de référence est alors « une solution de (i) de concentration 1
mol.L-1, où l’espèce (i) a un comportement idéal » - c’est à dire un état qui n’existe pas, un
état virtuel. La thermodynamique a une forte tendance à l’abstraction, qui répugne à beaucoup
d’étudiants.
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c . La « constante d’équilibre » n’est constante que pour une température fixe car i) T
intervient explicitement dans son expression, ii) les enthalpies libres de formation sont
données pour une certaine température. Le paragraphe suivant précise la variation de K
avec T.
I.C.8. Dépendance de G à la température
Pour une transformation quelconque, on dérive la
H ©i
 ∂  µi  
=−
.
Relation de Gibbs-Helmholtz: 

 ∂T  T   P,ni
T2
Pour une transformation chimique, cette relation fournit :
∆ r H°
 ∂  ∆ r G°  
=
−
 ∂T  T  

 P,ni
T2
Relation de van 't Hoff.
On peut encore reformuler la relation de van’t Hoff en utilisant la relation qui existe entre
K et ∆rG° :
∆ r H°
 ∂ ln K 
=
 ∂T 
RT 2
P,ni
Loi de Le Châtelier:
Cette loi a une interprétation intuitive simple et importante:
Une réaction exothermique (∆rH° < 0 ) est défavorisée si l'on augmente la température.
Une réaction endothermique est favorisée si l'on augmente la température.
I. D. Cinétique
I.D.1. Equilibre, stabilité, métastabilité
La thermochimie (thermodynamique classique appliquée à la chimie) nous dit si une
réaction, dans des conditions données, est favorisée ou non ; c’est à dire, vers quel état
d’équilibre elle tendra. Elle ne nous dit rien sur la vitesse de la réaction. Or en général, si on
crée un mélange réactionnel loin de l’équilibre, on sait qu’il aura tendance à évoluer, mais
cette évolution ne sera pas immédiate… heureusement, car si toutes les réactions chimiques
arrivaient immédiatement à leur état d’équilibre, le monde serait fort peu intéressant.
A titre d’exemple, la matière organique n’est pas à l’équilibre sous notre atmosphère
contenant une forte pression partielle d’oxygène. L’état d’équilibre correspondrait à une
réaction presque complète des molécules organiques avec le dioxygène, pour donner
principalement du dioxyde de carbone (CO2) et de l’eau. Pourtant, dans les circonstances
habituelles, les êtres vivants n’entrent pas en combustion spontanée.
Dès lors, en présence d’un problème chimique, il faudra toujours considérer deux
aspects :
- l’aspect thermodynamique : quelles réactions sont possibles ? Quels sont leurs taux
d’avancement à l’équilibre ? La réponse à ces questions nous fournira une « condition
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limite », à savoir la composition finale vers laquelle le système
irrémédiablement – si on lui laisse assez de temps.
L’aspect cinétique : Combien de temps faudra-t-il pour arriver à cet
d’équilibre, après quoi « il ne se passe plus rien » (du moins à notre
Répondre à cette question nécessite de formaliser la notion de « vitesse de
(§ I.D.2).
évoluera
état final
échelle) ?
réaction »
Dans le monde qui nous entoure, on observe une énorme variabilité des vitesses de
réaction, depuis celles qui sont quasi instantanées à notre échelle (la neutralisation d’un acide par
une base en solution aqueuse) jusqu’à d’autres qui peuvent prendre des centaines de milliers
d’années pour arriver à l’équilibre (certaines réactions de transformation des minéraux en
géochimie).
Un système qui réagit rapidement sera dit labile. Un système qui, d’après la thermochimie,
doit réagir (c.a.d. qu’il existe une transformation thermodynamiquement favorisée), mais ne le fait
que très lentement (cinétique lente) est dit inerte. On dit aussi dans ce dernier cas qu’il est
métastable : sur une courte période de temps, il ne se transforme pas de manière sensible, mais à
la longue il évoluera. Par opposition, un système est dit stable s’il est à l’équilibre. Quelle que soit
la période de temps d’observation, il n’évolue plus.
I.D.2. Vitesses de réaction
Tant qu’un système chimique est en cours d’évolution, les variables de composition
(ni) varient avec le temps. Pour simplifier la discussion, prenons une réaction de
stoechiométrie simple, par exemple une isomérisation :
A
B.
Supposons que cette réaction très favorisée thermodynamiquement, c’est à dire que le taux
d’avancement à l’équilibre est très proche de 1 (mais pas exactement égal à 1 ; cf. supra). Si on
introduit initialement en solution une quantité de A correspondant à [A ] = 0,1 mol.L-1, on
observera qu’au cours du temps cette concentration diminue, tandis que celle de B augmente, par
exemple :
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Comme on le voit, les deux concentrations ne varient pas de façon indépendante l’une de
l’autre. En effet, chaque fois qu’une molécule de A disparaît, une molécule de B apparaît. La
vitesse d’apparition de B est donc égale à la vitesse de disparition de A. On peut donc définir sans
équivoque une vitesse de réaction v , qui sera le taux de variation des concentrations en fonction
du temps :
v=−
d[ A] d[ B]
=
dt
dt
(les signes ont été choisis pour que la vitesse soit une
grandeur positive)
NB : Si l’on prend comme exemeple une réaction moins favorisée, elle tend vers un état
d’équilibre différent, disons avec un taux d’avancement à l’équilibre de 0,75. Mais l’argument
sur les vitesses d’apparition reste le même :
Plus généralement, soit une réaction quelconque écrite dans la notation des
thermodynamiciens :
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∑ ν i Ai = 0
i
La vitesse de réaction pourra être définie par rapport à la concentration de n’importe
laquelle des espèces chimiques impliquées :
v=
1 dCi
, où Ci est la concentration de l’espèce i.
ν i dt
Au niveau macroscopique, cette vitesse de réaction est le seul paramètre directement
mesurable. Le but de la cinétique chimique sera de déterminer de quelle façon la vitesse de
réaction dépend des paramètres expérimentaux, notamment de la température et des
concentrations des différents constituants.
I.D.3 Mécanisme de réaction
Comme nous l’avons dit, v est un paramètre défini au niveau macroscopique :
comment varient les concentrations globales avec le temps ? Sa mesure ne suffit pas à
déterminer ce qui se passe au niveau moléculaire. Par exemple, si on est arrivé à l’équilibre,
les concentrations globales n’évoluent plus. Cela pourrait correspondre à deux situations
différentes :
a. Il ne se passe effectivement plus rien : plus aucune molécule ne se transforme.
b. En fait, à tout moment, certaines molécules de A sont en train de se transformer
en B : A → B
(1)
et certaines molécules de B en A : B → A.
(2)
Mais, comme la vitesse d’apparition de B suivant (1) est exactement égale à sa vitesse de
disparition suivant (2), on ne distingue aucune variation nette des concentrations au niveau
macroscopique : à l’équilibre, la vitesse de la transformation directe est égale à celle de la
transformation inverse.
D’autre part, il se peut que la transformation globale que l’on détecte soit en fait le
résultat de la succession de plusieurs étapes réactionnelles, ou réactions élémentaires. Ainsi, si
l’on fait réagir du dihydrogène (H2) avec du diiode (I2), il se forme de l’acide iodhydrique (HI).
Mais cette réaction se fait-elle :
a. en une seule étape : H2 + I2
2 HI ?
b. en deux étapes :
I2
2I
H2 + 2 I
2 HI ?
c. ou bien en trois :
I2
2I
H2 + I
HI + H
HI ?
H+ I
Chacun de ces mécanismes réactionnels est cohérent, puisque la somme des étapes
élémentaires donne bien le bilan réactionnel. La détermination d’un mécanisme réactionnel
sera une question importante lorsqu’on aura identifié une réaction globale se produisant dans
un système.
Toutes ces questions seront traitées plus en détail au Chapitre III, §III.B.
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