Lettre de la concurrence Competition newsletter

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Lettre de la concurrence Competition newsletter
Financial institutions
Energy
Infrastructure, mining and commodities
Transport
Technology and innovation
Life sciences and healthcare
Lettre de la concurrence
Competition newsletter
Numéro 49 | Mars–Avril–Mai 2015
Issue 49 | March–April–May 2015
Sommaire / Contents
Abus de position dominante : 02
une responsabilité doublement
renforcée dans les secteurs régulés ?
Abuse of dominant position: 03
a doubly reinforced responsibility
in regulated sectors?
Un communiqué clémence à double tranchant
04
A double-edged leniency procedural notice
05
Cartel des bananes : l’arbre qui
cache la forêt
06
Bananas cartel: failing to see the wood for the trees
07
Dans ce numéro :
In this issue:
• Nous analysons la décision de
l’Autorité de la concurrence rendue
à l’encontre de TDF le 5 février
2015, qui met en lumière la double
responsabilité pesant sur certains
opérateurs historiques dans les
secteurs régulés.
• We analyse the decision of the
French Competition Authority
rendered against TDF on February 5,
2015, which highlights the double
responsibility incurred by some
incumbent operators in regulated
sectors.
• Nous commentons la version révisée
du communiqué de procédure
relatif au programme de clémence
français, publiée par l’Autorité de la
concurrence le 3 avril 2015.
• We comment on the revised version of
the Procedural Notice relating to the
French Leniency Program published
by the French Competition Authority
on April 3, 2015.
• Nous commentons l’arrêt rendu le
19 mars 2015 par lequel la Cour
de justice de l’Union européenne
confirme la qualification d’infraction
par objet aux règles de concurrence du
système d’échange de prix de référence
dans l’affaire du cartel des bananes.
• We comment on the European Union
Court of Justice decision, dated March
19, 2015, that confirms that the
communication of quotation prices in
the bananas cartel case is a by object
infringement to competition.
Lettre de la concurrence – No 49
Abus de position dominante :
une responsabilité doublement
renforcée dans les secteurs régulés ?
Le 5 février 2015, l’Autorité de la concurrence (ADLC) a
condamné TDF à une amende de 4,2 millions d’euros
pour avoir abusé de sa position dominante sur le
marché de gros des services de diffusion hertzienne
de la TNT en outre-mer en manquant à certaines
obligations sectorielles imposées par l’ARCEP pour
favoriser le jeu de la concurrence. Une décision qui
illustre la responsabilité particulière pesant sur les
opérateurs historiques sur les marchés régulés.
Le marché des services de diffusion
audiovisuelle hertzienne terrestre
souffrant d’un défaut de concurrence,
selon l’ADLC (avis n°09-A-09), cette
dernière avait appelé l’ARCEP à
renforcer les obligations sectorielles de
TDF pour y remédier, considérant que
le droit de la concurrence ne suffirait
pas à faire évoluer la situation. TDF,
opérateur historique dominant sur le
marché de l’accès aux infrastructures
de diffusion (Marché Amont), s’est
ainsi vue imposer de publier une offre
de référence pour l’hébergement sur
ses sites (Offre de Référence), visant
à permettre à ses concurrents sur le
marché aval de la diffusion (Marché
Aval) de concevoir leurs offres en
pleine connaissance des conditions
techniques et tarifaires applicables à
l’accès à ses infrastructures.
Or, dans la présente affaire, Outremer
Telecom (OMT) se plaignait de
ne pas avoir été en mesure de
candidater à l’appel d’offres lancé
par France Télévision en 2010 pour
le remplacement de la télévision
analogique par la TNT en outre-mer, TDF
n’ayant publié son Offre de Référence
qu’après le dépôt des offres initiales, qui
plus est de manière partielle.
Faisant droit à la plainte d’OMT, l’ADLC
a condamné TDF à une amende de
4,2 millions d’euros, jugeant qu’elle
avait abusé de sa position dominante
sur le Marché Amont en empêchant
ses concurrents sur le Marché Aval de
participer aux appels d’offres dans des
conditions normales de concurrence,
préservant ainsi son monopole de
diffusion dans les régions ultramarines.
S’il est difficile d’évaluer précisément
le bien-fondé de l’analyse menée par
l’ADLC, tant elle semble reposer sur une
appréciation subjective de la faculté
qu’avait ou non TDF de publier son
Offre de Référence dans les délais,
on peut toutefois s’interroger sur
la proportionnalité des obligations
pesant sur cette dernière au regard de
l’objectif recherché de promotion de la
concurrence.
En particulier, TDF soutenait qu’il
lui était impossible de concevoir une
Offre de Référence réaliste avant la
date limite de dépôt des candidatures
02 Norton Rose Fulbright – Mars–Avril–Mai 2015
dès lors que, notamment, le périmètre
exact des sites de diffusion concernés
n’était pas précisément connu, et que
de ce fait, elle ne pouvait évaluer sa
tarification sans encourir un risque
financier indu en cas d’évolution du
périmètre. TDF indiquait également
ne pas être en mesure de connaître un
certain nombre de coûts techniques
qu’elle disait essentiels pour établir son
Offre de Référence.
Sans entrer dans le détail des arguments
opposés en réponse par l’ADLC (après
consultation de l’ARCEP et du CSA), la
décision laisse perplexe en ce qu’elle
considère que TDF pouvait en tout état
de cause publier une Offre de Référence
provisoire, ce qui lui aurait permis de
l’adapter a posteriori si nécessaire.
Est-ce à dire que TDF aurait pu se
contenter de publier une Offre de
Référence irréaliste et augmenter ses
tarifs a posteriori une fois les marchés
attribués, sans encourir de grief d’abus
de position dominante, alors même
que les opérateurs auraient fondé leurs
offres sur ses estimations ? Il est permis
d’en douter.
En définitive, l’action combinée de
l’ADLC et de l’ARCEP (qui, rappelonsle, dispose également d’un pouvoir de
sanction) pourrait bien faire peser une
responsabilité doublement renforcée
sur TDF, qui non seulement doit
permettre à ses concurrents d’accéder
à ses infrastructures, mais pourrait
finalement devoir assumer un risque
financier démesuré en s’engageant sur
des conditions tarifaires déconnectées
de ses coûts réels.
Competition newsletter – No 49
Abuse of dominant position:
a doubly reinforced responsibility
in regulated sectors?
On February 5, 2015, the French Competition Authority
(FCA) imposed a €4.2 million fine on TDF for having
abused its dominant position in the wholesale market
of DTT Hertzian broadcasting services in French
overseas administrative districts and territories,
thereby breaching some sector-specific obligations
imposed by the ARCEP in order to enhance competition.
This decision illustrates the particular responsibility
weighing on incumbents in regulated markets.
Since, according to the FCA (opinion
no. 09-A-09), the market for terrestrial
Hertzian audiovisual broadcasting
services suffered from a lack of
competition, the FCA asked the ARCEP
to strengthen sectorial obligations on
TDF in order to remedy the situation,
believing that competition law alone
would be insufficient to bring about
change. TDF, the incumbent operator
in the market for access to broadcasting
infrastructure (Upstream Market), was
therefore required to publish a reference
offer for hosting on its sites (Reference
Offer), to enable its competitors in
the downstream broadcasting market
(Downstream Market) to plan their
offers with full knowledge of the
technical and pricing conditions
applicable to access its infrastructures.
However, in this case, Outremer
Telecom (OMT) complained of having
been unable to apply to the call for
tenders launched by France Télévision
in 2010 for the replacement of
analogue TV with DTT in overseas
districts and territories, because TDF
had published its Reference Offer only
in a partial manner and only after the
submission of initial offers.
Upholding OMT’s complaint, the
FCA imposed a €4.2 million fine on
TDF, ruling that it had abused its
dominant position in the Upstream
Market by preventing its competitors
in the Downstream Market from
taking part in the tender process under
normal conditions of competition,
thereby preserving its monopoly to
broadcast overseas.
Although it is difficult to evaluate
precisely the merits of the analysis
conducted by the FCA, since it
appears to be based on a subjective
assessment of the ability of TDF to
publish its Reference Offer on time,
the proportionality of the obligations
weighing on TDF with regard to the
objective of promotion of competition is
nevertheless subject to question.
Particularly, TDF argued that it was
not possible to conceive a realistic
Reference Offer before the deadline
to submit the offers, since the exact
scope of the relevant broadcasting
sites was not known so that it could
not evaluate its pricing policy without
risking undue financial consequences
in the event that such scope changed.
TDF also indicated that it lacked some
information related to technical costs
that were essential to establish the
Reference Offer.
Without focusing on the details of the
arguments raised in opposition by the
FCA (after having consulted the ARCEP
and the CSA), the decision is surprising
in that it held that TDF could have
in any event published a provisional
Reference Offer which could have been
adapted a posteriori if need be.
Should it be inferred thereby that TDF
should have published an unrealistic
Reference Offer and raised its prices
once contracts had been awarded,
without incurring claims of abuse of
a dominant position, even though
the market participants would have
provided their offers based on such
estimated prices? This is rather doubtful.
Ultimately, the combined action of the
FCA and the ARCEP (which has also
a power of sanction) might place a
doubly reinforced level of responsibility
on TDF, which not only is required
to allow competitors access to its
facilities, but might ultimately have to
bear a disproportionate financial risk
in committing on the basis of pricing
conditions which are not linked to its
actual costs.
Norton Rose Fulbright – March–April–May 2015 03
Lettre de la concurrence – No 49
Un communiqué clémence
à double tranchant
Au terme d’une consultation publique d’une durée
de 21 jours, l’Autorité de la concurrence (ADLC) a
publié, le 3 avril 2015, une version révisée de son
communiqué de procédure relatif au programme de
clémence (Communiqué) créant de nouveaux risques
pour les opérateurs.
Alors que, depuis 2006, sur 111
décisions de l’ADLC prononçant des
sanctions pécuniaires, seules 10 ont été
rendues dans des affaires de clémence,
l’un des objectifs poursuivis par l’ADLC
avec la révision de son Communiqué
est de rendre cette procédure plus
attractive pour les entreprises.
Le principal levier d’incitation est
l’instauration de fourchettes de
réduction d’amende en fonction du
rang de dépôt des demandes de type
2. Les entreprises ne bénéficiant pas
de l’immunité mais qui fourniront à
l’ADLC des éléments à valeur ajoutée
significative pourront ainsi désormais
prétendre à une réduction (i) comprise
entre 25 et 50% pour la première, (ii)
entre 15 et 40% pour la deuxième et
(iii) de 25% maximum pour toutes
les autres. Cette prévisibilité accrue
contribuera sans nul doute à un
regain d’intérêt des opérateurs pour la
procédure de clémence.
Le Communiqué clémence inscrit
toutefois dans le marbre des
mécanismes porteurs de risques pour
les entreprises.
Il prévoit par exemple que les
entreprises visitées pourront introduire
une demande de clémence pendant
les opérations, par un appel à un
numéro de téléphone indiqué dans le
Communiqué. Mais y ont-elles vraiment
intérêt ?
Certes leur demande est censée n’être
prise en compte que le lendemain des
opérations, mais il est vraisemblable
que les rendez-vous seront octroyés
dans l’ordre de manifestation, les
incitant donc à contacter l’ADLC le plus
rapidement possible. Cette faculté,
présentée comme favorable aux
entreprises, est au contraire susceptible
de porter atteinte à leurs droits de la
défense dans la mesure où (i) leur
demande serait introduite sans vision
claire des faits reprochés ou de leur
étendue, (ii) pendant les opérations,
les entreprises seront nécessairement
moins attentives au respect de leurs
droits et (iii) à l’issue des opérations,
elles seront incitées à ne pas les
contester sous peine de se voir retirer le
bénéfice de la clémence pour violation
de leur obligation de coopérer.
D’autres dispositions sont tout aussi
critiquables. Ainsi les opérations
de visite et de saisie donneront
systématiquement lieu à la publication
d’un communiqué de presse sur le site
internet de l’ADLC le lendemain de leur
déroulement. Si le nom des entreprises
concernées ne sera pas divulgué, en
pratique, ces dernières seront aisément
04 Norton Rose Fulbright – Mars–Avril–Mai 2015
identifiables grâce à la description du
secteur d’activité. Dès lors, malgré la
déclaration de l’ADLC selon laquelle
le communiqué ne porte pas atteinte
à la présomption d’innocence des
entreprises, force est de constater qu’en
réalité, le préjudice de réputation et
d’image sera réel.
On relèvera également l’impossibilité
pour les anciennes sociétés-mères de
bénéficier de la demande de clémence
introduite par leur ancienne filiale,
alors même que du fait de la cession,
elles ne disposent plus des éléments
leur permettant de formuler une telle
demande et surtout qu’un principe
de non-divulgation interdit aux
anciennes filiales de les informer de
leur décision – principe auquel il est
urgent d’apporter une exception en
faveur des anciennes sociétés-mères.
L’insertion de cette interdiction dans
le Communiqué est d’autant plus
condamnable que la seule décision
rendue par l’ADLC sur ce point fait
l’objet d’un appel pendant.
L’appréciation de la valeur ajoutée des
éléments fournis par les entreprises
est enfin laissée à l’entière discrétion
de l’ADLC, alors que les réponses à la
consultation publique demandaient
que le sujet fasse l’objet d’une
discussion bilatérale. Malgré un
potentiel regain d’attractivité pour
cette procédure, il est probable que,
au regard des désillusions subies par
quelques entreprises « bénéficiaires »
de la clémence sur la rémunération de
leur coopération, le nombre d’appel
interjetés contre les décisions rendues
par l’ADLC dans des affaires de
clémence ne cesse d’augmenter.
Competition newsletter – No 49
A double-edged leniency
procedural notice
Following a public consultation period of 21 days,
the French Competition Authority (FCA) published,
on April 3, 2015, a revised version of its Procedural
Notice relating to the French Leniency Program
(Notice), which creates new risks for undertakings.
Since 2006, out of 111 decisions
of the FCA imposing fines, only ten
relate to leniency cases. One of the
aims of the FCA in publishing a revised
Notice was to make the leniency
procedure more attractive.
The main incentive lever is the creation
of fine reduction ranges granted on a
‘first come first served’ basis to type
2 leniency applicants. Undertakings
which cannot benefit from immunity
but which provide the FCA with
information representing a significant
added value can now claim a fine
reduction of (i) 25 to 50 per cent for the
first company, (ii) 15 to 40 per cent for
the second one and (iii) a maximum of
25 per cent for all others. This increased
predictability will certainly contribute
to a renewed interest of undertakings in
the leniency procedure.
The Notice on leniency nevertheless
carves into stone certain mechanisms
which are a source of risk for
undertakings.
For instance, during dawn raids,
undertakings will now be able to apply
for leniency by calling a telephone
number mentioned in the Notice. But
will undertakings have a genuine
interest in doing so?
declared that press releases will not
prejudice the undertakings’ presumption
of innocence, it is clear that in practice
prejudice to both reputation and
goodwill will genuinely occur.
It is true that their demand will only
be taken into consideration the day
after the dawn raid, but it is likely
that appointments will be granted in
chronological order of contact, thus
incentivising undertakings to call the
FCA as soon as possible. The ability
to do so is presented as favourable to
undertakings but could nevertheless
be prejudicial to their rights of defence
since (i) they would apply for leniency
without any clear vision of the alleged
misconduct or its scope (ii) during
the dawn raids, undertakings would
necessarily be less mindful to the
respect of their rights and (iii) once
the dawn raids are over, the risk
of seeing the benefits linked to the
leniency regime being withdrawn
for a violation of their obligation to
cooperate with the FCA would be a
strong incentive not to challenge the
way the operations were conducted.
Other provisions are also subject to
criticism. For example, on the day
following the dawn raid, the FCA will
now systematically publish a press
release on its website. Although the
names of the undertakings concerned
will not be disclosed, in reality they
will be easily identifiable thanks to the
description of their sector of activity.
Therefore, even though the FCA has
The impossibility for former parent
companies to benefit from the leniency
application made by their former
subsidiaries should also be noted,
particularly as (i) due to divestiture,
the former parents no longer retain the
information that would be necessary
for them to provide a basis for such an
application and (ii) the non-disclosure
principle forbids subsidiaries from
informing their former parent
companies of their decision to request
leniency – meaning that it is urgent
for an exception to the non-disclosure
principle to be created for former
parent companies. The insertion of
such a prohibition in the Notice is all
the more condemnable in that the only
FCA decision rendered in such a case is
currently under appeal.
Finally, although the contributions
to the public consultation requested
the assessment of the potential
added value of the information
provided to the FCA to be discussed
bilaterally, the Notice left it to the
sole discretion of the FCA. Despite a
potential renewed attractiveness of
this procedure, it is likely that, in the
light of the disappointment expressed
by some undertakings who ‘benefited’
from leniency in exchange for their
cooperation, the number of appeals
lodged against FCA decisions on
leniency cases will not cease to soar.
Norton Rose Fulbright – March–April–May 2015 05
Lettre de la concurrence – No 49
Cartel des bananes : l’arbre qui
cache la forêt
L’arrêt rendu le 19 mars 2015 par lequel la Cour
de justice de l’Union européenne (Cour) confirme
la qualification d’infraction par objet aux règles de
concurrence du système d’échange de prix de référence
dans l’affaire du cartel des bananes, prolonge les
problèmes évidents suscités par l’application, dans des
hypothèses plus complexes d’échanges d’informations,
de la jurisprudence quelque peu contradictoire de la
Cour en la matière.
A l’origine du présent arrêt, la
Commission européenne (Commission)
avait condamné les entreprises
Chiquita, Dole et Weichert pour
s’être engagées, pendant trois
ans, dans des communications
bilatérales hebdomadaires jugées
anticoncurrentielles. Dans ce cadre,
les participantes avaient notamment
discuté de tendances de prix, de
« prix de référence » – indicateur sur
l’évolution probable des prix voire
pour certaines transactions, base du
calcul du prix final – et même parfois
de prix qu’elles prévoyaient d’appliquer
directement la semaine suivante.
Considérant que ces échanges
avaient eu pour objet de réduire
l’incertitude sur les prix futurs des
participants, la Commission les
avait qualifiés de pratique concertée
de fixation de prix restreignant la
concurrence par l’objet – analyse
confirmée par le Tribunal de l’Union
européenne (Tribunal). En venant
aujourd’hui valider à nouveau
cette solution, la Cour assied sa
ligne jurisprudentielle consistant
à traiter avec sévérité les échanges
d’informations susceptibles de
« réduire l’autonomie » des
participants.
Si la sanction des échanges incriminés
n’est in fine guère contestable, la
méthodologie validée par la Cour
pour confirmer l’existence d’une
restriction « par l’objet » en l’espèce
l’est davantage et semble peu en ligne
avec sa précédente décision dans l’arrêt
Groupement des cartes bancaires rendu
en septembre dernier.
Tout d’abord, l’arrêt de la Cour peut
sembler paradoxal dans la mesure
où il valide l’analyse contextuelle
relativement complexe des pratiques
en cause menée par la Commission
– et confirmée par le Tribunal pour
caractériser l’existence d’une restriction
« par objet ».
Cette analyse reposait en effet
notamment en grande partie sur la
prise en compte des caractéristiques
du marché (transparence liée au
cadre réglementaire, périssabilité
extrême de la banane) et du système
d’échanges mis en place. Or de telles
considérations, lorsqu’elles sont
utilisées afin de démontrer l’existence
d’une restriction de concurrence (et
non de l’exclure) appartiennent en
principe au champ de l’analyse « par les
effets », ce que confirment clairement
les lignes directrices horizontales de
la Commission. Cette approche cadre
06 Norton Rose Fulbright – Mars–Avril–Mai 2015
d’ailleurs davantage avec celle retenue
par la Cour elle-même dans l’arrêt
Groupement des cartes bancaires,
où elle avait rappelé que le critère
juridique « essentiel » à retenir pour
la qualification d’infraction par objet
résidait dans la constatation que la
coordination en cause « présente,
en elle-même, un degré suffisant de
nocivité à l’égard de la concurrence ».
Sauf à abolir de fait la différence entre
infractions par objet et infractions
par effet, une telle conclusion devrait
en principe s’imposer d’elle-même
sans qu’il soit besoin de procéder à
une analyse fouillée des pratiques
incriminées.
La même contradiction entre le
présent arrêt et l’affaire Groupement
des cartes bancaires apparaît sur un
plan sémantique, puisque la Cour
rappelle que toute communication
« réduisant l’incertitude » quant au
comportement envisageable d’un
concurrent a nécessairement « pour
objet » de restreindre la concurrence.
Dans la mesure où tout contact entre
opérateurs réduit potentiellement
l’incertitude sur le marché, cette
solution semble difficilement
conciliable avec le test d’« évidence »
beaucoup plus concret rappelé dans
l’arrêt Groupement des cartes bancaires.
Au-delà, une lecture combinée de
ces deux arrêts donne l’impression
que les échanges d’informations
sont potentiellement appréciés plus
strictement que les accords explicites.
Espérons dès lors que la Cour sera
rapidement amenée à préciser sa
jurisprudence pour que les entreprises
soient à même d’identifier ce qu’il est
interdit « par objet » de s’échanger
entre concurrents.
Competition newsletter – No 49
Bananas cartel: failing to see
the wood for the trees
The European Union Court of Justice (ECJ) decision
dated March 19, 2015 confirms that the communication
of quotation prices in the bananas cartel case is a by
object infringement to competition. This ruling extends
the issues raised by the application, in more complex
cases of information exchange, of the current and
somewhat contradictory case law.
The origin of the proceedings was
the imposition by the European
Commission (Commission) of fines
on Chiquita, Dole and Weichert, for
participating, during three years,
in anti-competitive weekly bilateral
communications. In this context,
the undertakings were discussing
quotation prices, ‘reference prices’ –
indicators on the potential evolution
of prices, and for some transactions,
the final price setting factor – and
sometimes even the prices that they
were considering to apply for the
following week.
Considering that these exchanges were
intended to reduce uncertainty over
the participants’ future prices, the
Commission ruled that it constituted
a concerted practice of price fixing
between the undertakings which
restricted competition by object.
This analysis was confirmed by the
General Court of the European Union
(Court). By validating this solution,
the ECJ settles its case law which
treats information exchanges that
can potentially reduce ‘participants’
autonomy’ harshly.
While the application of sanctions
to the exchanges is not questionable
in fine, the same cannot be said
concerning the methodology validated
by the ECJ to identify a by object
restriction, which seems inconsistent
with the previous decision of the ECJ
in Groupement des cartes bancaires,
rendered in last September.
At first glance, the decision can be
seen as paradoxical since it confirms
the Commission’s contextual analysis
of the very complex practice at stake.
This assessment was upheld by the
Court to conclude that a by object
restriction existed.
This analysis was indeed based on
market characteristics (transparency
due to the regulatory framework,
the fact that bananas are extremely
perishable products) and on the
system of the exchanges implemented.
However, this type of analysis, when
used to demonstrate the existence of
anticompetitive behaviour (and not to
exclude it), belongs to the ‘by effect’
approach. This is clearly confirmed
by the horizontal guidelines issued
by the Commission. This approach is
moreover consistent with the approach
taken by the ECJ in the Groupement
des cartes bancaires case, in which it
stated that the essential criterion to
identify a by object restriction is that
the coordination must ‘present in itself,
a sufficient degree of harmfulness to
competition’.
Such a conclusion should be selfevident, without having the need to
proceed to an in depth analysis of
the considered practice, otherwise
the distinction between by object
and by effect infringement would lose
its relevance.
The contradiction between this case
and Groupement des cartes bancaires
can also be seen as a semantic
matter, since the ECJ is stating
that all communications ‘reducing
uncertainty’ as to the conduct of a
potential competitor necessarily have
the object of restricting competition.
Since all contacts between market
players potentially reduce the market
uncertainty, this ruling seems difficult
to combine with the ‘evidence’ test set
by Groupement des cartes bancaires.
A combined reading of both of these
cases gives the impression that
information exchanges are more strictly
analysed than express agreements.
It is to be hoped that the ECJ will
soon specify its case law, so that
undertakings are able to identify what
is ‘by object’ forbidden to exchange
between competitors.
Norton Rose Fulbright – March–April–May 2015 07
nortonrosefulbright.com
Contacts
Mélanie Thill-Tayara
Associée
Droit de la concurrence et
Réglementation économique
Tél +33 1 56 59 52 82
[email protected]
Marta Giner Asins
Associée
Droit de la concurrence et
Réglementation économique
Tél +33 1 56 59 52 72
[email protected]
Lettre rédigée par des membres de l’équipe Droit de la
concurrence et Réglementation économique, notamment :
Mélanie Thill-Tayara
Marta Giner Asins
Yann Anselin
Lolita Berthol
Dylan Damaj
Sophie Pelé
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