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MANIFESTE Nous, membres de la Fabrique Spinoza, nous adressons aux femmes et aux hommes citoyens de ce pays, aux dirigeants politiques, et à tous les membres de la société civile, désireux d’un accès à une société meilleure. Préambule La France : des individus et un pays en quête d’inspiration La Société Française a besoin de sens et d’espérance. Le bien-être citoyen au cœur du débat démocratique et comme principe d’action politique. Les Français sont médiocrement heureux : classés au 28e rang des pays du monde. Dans son dernier rapport annuel, le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoy, rapportait que « en 2010, 76% des Français disent avoir besoin d’un but commun, contre 67% en 2009. La société a besoin de sens. » L’une des versions préparatoires de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » se réfère explicitement au bonheur, faisant référence à la déclaration d’indépendance Américaine1. Cette dernière reconnaissait 3 droits fondamentaux à tous les hommes : la vie, la liberté et la poursuite du bonheur. Faisant écho à ce texte, l’objet de la Fabrique Spinoza est de replacer le bien-être citoyen au cœur du débat démocratique. Nous voulons porter ce débat aux différents échelons de la Société – citoyens, corps intermédiaires, puissance publique – et affirmons le bien-être citoyen comme principe d’action politique fondamental. Les Français sont aujourd’hui médiocrement heureux. En 2010, la France était classée 28e pays le plus heureux, immédiatement derrière l’Arabie Saoudite, sur la base d’enquêtes déclaratives auprès de citoyens de différents pays du monde2. Entre 1980 et 2005, hors inflation, le PIB par tête Français a augmenté de moitié, pour un niveau de satisfaction de vie moyen déclaré par les Français absolument identique3. Le chemin de développement choisi jusqu’à présent est donc à examiner. La France consomme également deux fois plus de psychotropes que la moyenne des pays Européens4. 1 4 juillet 1776 France 28e sur un échantillon de 124 pays ; Fondation Gallup ; enquêtes conduites entre fév et déc 2010 3 Source INSEE et World Database of Happiness 4 Présentation du rapport Sénatorial de Maryvonne Briot le 15 juin 2006 2 1 Crises successives et réflexions sur le progrès social pavent la voie d’une évolution idéologique vers un nouveau modèle. La crise immobilière en 2008, financière en 2009 et de la dette Européenne en 2010 ont vu se développer une recherche de sens, suggérant un frémissement idéologique en maturation : un nouveau paradigme semblait prêt à naitre. Le 14 février 2009, la commission sur « la mesure des performances économiques et du progrès social », dite « commission Stiglitz » rendait son rapport, encourageant à évaluer le progrès de la France, au delà du PIB, par la soutenabilité du développement, et par le bien-être de la population. Le concept de bienêtre citoyen reste absent du lexique politique. Toutefois, ce frémissement, et ces travaux économiques n’ont pas donné lieu à une véritable évolution des esprits, ni permis de porter l’enjeu du bien-être collectif sur le devant de la scène. Sur 35 hommes politiques Français suivis entre le 1er janvier et le 30 juin 2010, aucun d’entre eux n’a prononcé ou écrit le mot « bonheur » ou « bien-être »5. A contrario, nous, membres de la Fabrique Spinoza, défendons l’idée que le bien-être citoyen est un principe d’action politique fondamental. I. Notre visée fondamentale Favoriser le Bien-être Citoyen Le bonheur est l’aspiration suprême de tout être humain. Spinoza l’exprimait ainsi : « Le Désir de vivre heureux ou de bien vivre, de bien agir est l’essence même de l’homme. »6 Les objectifs de la Fabrique Spinoza sont issus de la conviction suivante : nous croyons que le bonheur est l’aspiration suprême, consciente ou inconsciente, de tout être humain. Les chemins choisis peuvent être variables et rencontrer des succès mitigés mais l’être humain aspire au bonheur. Les enquêtes révèlent les priorités : bonheur, puis amour, puis santé, puis richesse. Comme illustration, une enquête menée auprès de citoyens Britanniques montre qu’ils accordent de l’importance en 1er lieu au bonheur, en 2nd lieu à l’amour, en 3e lieu à la santé, et enfin à leur richesse7. 80% des Américains pensent à leur bonheur au moins 1 fois par semaine8. Au niveau de l’individu, à l’intersection de la philosophie, Une vision hédonique psychologie et sociologie, nous adoptons la vision d’un et eudémonique du bonheur à la fois hédonique (prépondérance d’humeurs et bonheur. d’affects positifs) et eudémonique (satisfaction cognitive de sa vie, de ses réalisations en comparaison de ses attentes). 5 L’internaute, analyse lexicographique de discours et écrits de 500 000 mots min. par homme politique L’Ethique, Chapitre IV – De la servitude humaine, Proposition 21, Démonstration 7 Nic Marks, de la New Economics Foundation, TED à Oxford, 30/08/2010, de Diener & Scolton 2003 8 Introduction méthodologique à la World Database of Happiness, Ruut Veenhoven 6 2 Au niveau de la nation, c’est le bienêtre collectif qui est favorisé. Un principe d’action politique supérieur. Une idée qui fait son chemin dans d’autres pays, notamment en Angleterre. Après le développement économique, puis le développement durable, le bien-être citoyen un 3e paradigme de l’histoire moderne. Si on peut parler d’individu heureux, en revanche, au niveau collectif d’un pays, on ne peut plus parler de bonheur. En effet, un pays n’ayant pas de subjectivité, on parle plutôt, dans ce cas, de bien-être citoyen : c’est lui que nous cherchons à favoriser. Nous affirmons que c’est un des principes d’action politique supérieurs car il s’appuie sur d’autres objectifs intermédiaires comme la démocratie, le développement économique, la production de richesses, l’éducation ou la santé. D’ores et déjà, d’autres pays, et dirigeants politiques ont engagé leur pays sur la voie d’une politique du bien-être, y réfléchissent ou en parlent: USA 9 , Bhoutan 10 , Bolivie 11 , Allemagne12, Royaume Uni13, Espagne14, Chine15 mais aussi le Brésil et l’Equateur. David Cameron l’exprime ainsi : « Améliorer le sens du bienêtre de nos Sociétés est, je crois, le défi politique principal de notre époque. » Par ailleurs, nous nous inscrivons dans la continuité de l’histoire moderne d’après guerre. En effet, la nécessité de reconstruire la France vaincue de 1945 génère une focalisation sur le développement économique pendant les 30 glorieuses. L’organisation du 1er sommet de la Terre en 1972 montre un premier intérêt pour l’environnement. En 1987, le rapport fondateur « Our common future » élargit la vision et veut replacer l’homme au cœur de son environnement. Pourtant, en 1992, lors du sommet de Rio, le concept de « développement durable » apparaît très focalisé sur l’écologie. L’appropriation progressive par les gouvernements se concentrera sur les versants environnementaux du développement durable. Les efforts actuels pour revenir aux sources et élargir la vision à l’économique et à l’humain peinent à se concrétiser. Dans la continuité du développement économique puis durable, le temps est venu pour un 3e paradigme, global, systémique, centré dès sa conception sur l’homme : le bienêtre citoyen. II. Nos objectifs pratiques 9 R. F. Kennedy, 18 mars 1968 J.S. Wangchuck, 21 juil 1972 11 constitution, 7 fév 2009 12 A. Merkel, 4 fév 2010 13 David Cameron, 25 nov 2010 14 JLR Zapatero, 24 fév 2011 15 Jiabao Wen, clôture de la consultation pour l’élaboration du plan quinquennal, 15 mars 2011 10 3 Politiques, citoyens et académiques, et d’action. La Fabrique Spinoza est un think-tank politique non partisan, composé de citoyens engagés, compétents, pluri-disciplinaires. Nous, membres de la Fabrique Spinoza, nous sommes donnés des objectifs politiques, citoyens, académiques et d’action. L’objectif principal de la Fabrique Spinoza est de transformer la vision politique et ses déclinaisons. 1. Nous affirmons le bien-être citoyen comme principe d’action politique 2. Nous formulons des propositions de politiques publiques, visant le bienêtre citoyen 3. Nous évaluons l’impact des politiques publiques existantes en termes de bien-être collectif La Fabrique Spinoza vise également à encourager l’information, le débat et la recherche sur le bien-être citoyen. 1. Nous informons et générons un débat citoyen sur le bien-être 2. Nous constituons une plate-forme de contenu et d’échange (citoyen et académique) sur le bien-être collectif Enfin, la Fabrique Spinoza vise à impacter directement ou faire agir en faveur du bien-être collectif. 1. Nous impliquons les différents acteurs de la société dans la démarche de bien-être collectif : citoyens et pouvoirs publics mais aussi les corps intermédiaires, particulièrement les entreprises 2. Nous conduisons des recherches-actions au sujet du bien-être citoyen sur des territoires pilotes Devant le succès mitigé des politiques publiques, le bienêtre citoyen doit être affirmé clairement comme principe d’action politique. Un projet ambitieux mais réaliste : les politiques publiques peuvent favoriser le bien-être des citoyens. Le caractère novateur de notre objectif principal est notamment son caractère explicite. En effet, les politiques menées jusqu’à présent n’ont pas réussi à créer les conditions du bien-être collectif. Elles ne le visaient ni explicitement, ni implicitement. Nous voulons faire du bien-être citoyen un principe d’action politique clairement affiché. Nous alimenterons ce principe d’action politique par la recherche académique sur le bien-être. Nos objectifs sont ambitieux mais réalistes. Les pays développés dont les habitants sont les plus heureux partagent de nombreux points communs. Les décisions prises par les Etats ont un impact certain sur la vie des citoyens. Pourvu que les politiques soient construites avec pour objectif fondamental de favoriser le bien-être citoyen, nous sommes alors convaincus que les orientations prises en matière d’éducation, vie citoyenne, santé, revenus, sécurité, environnement, emploi pourront améliorer la satisfaction des citoyens quant à leur vie. 4 III. Notre vision d’avenir Vers une société libre, dynamique et généreuse Un projet politique prenant appui sur les instances démocratiques, et encourageant plus avant la vie citoyenne. Pas de préjugé idéologique sur les chemins de bienêtre : les citoyens parlent. Nous développons une vision dynamique, généreuse et humaniste de la société. Un cercle vertueux entre bien-être citoyen et développement socio-économique. Notre projet politique esquisse une vision de société. Tout d’abord, il s’inscrit dans un cadre démocratique, dans le respect des institutions de la Ve république, donc en observance de la constitution et des droits et libertés fondamentaux. En cohérence avec ces principes, la recherche sur le bonheur suggère que la responsabilisation, la participation à la vie démocratique et de la cité favorisent le bien-être. De leur côté, les utopies autoritaires du 20e siècle partageaient un point commun : chacune avait un dogme sur le chemin du bonheur. A la Fabrique Spinoza, nous sommes persuadés qu’il y a autant de chemins de bien-être que d’individus. Les réflexions et propositions politiques que nous ferons s’appuieront sur ce qui améliore le bien-être des individus, sur la base de leur déclarations. Pour finir, les politiques publiques qui visent le bien-être citoyen encouragent la création d’une société généreuse et en mouvement. Le bonheur collectif est générateur d’une société plus dynamique : les études montrent que les citoyens heureux contribuent plus dans leur lieu de travail, sont plus créatifs et prennent plus d’initiatives. Ils sont également plus engagés dans la vie de la cité. Des études démontrent également une forte corrélation à double sens entre générosité et bien-être. Une société heureuse est donc tournée vers l’autre et généreuse. In fine, le bien-être collectif est un capital qui bénéficie tout autant à l’individu qu’à la société, tant au niveau social qu’économique. 5 IV. Nos principes d’action Science du Bien-être et indicateurs de développement Un nouveau champ interdisciplinaire de recherche a émergé : la Science du bienêtre. Des matériaux nouveaux pour construire de l’innovation politique. Le premier pilier pour l’action de la Fabrique Spinoza est la recherche. Pour alimenter notre production intellectuelle, nous nous appuierons sur un corpus de connaissances en construction depuis les années 2000 sur le bien-être. Le monde académique parle parfois même de Science du Bonheur. Y participent : économie du bonheur16, sciences politiques17, sociologie comparative inter-pays18, psychologie positive19, neurobiologie comportementale20, et philosophie. Ces recherches sur le bonheur issues de plusieurs disciplines constituent des matériaux à exploiter pour bâtir de l’innovation politique. Le second pilier pour notre réflexion est le travail sur les Les travaux sur les indicateurs de richesse ou de progrès social. Les recherches indicateurs de conduites par la « commission Stiglitz », le collectif FAIR21, les richesse et de centres d’analyse économique Français et Allemand, l’OCDE progrès social apportent des réponses préliminaires à ce qui pourrait doivent donner lieu à constituer de bons indicateurs de notre avancée sociétale. des réflexions Nous pensons que ces travaux doivent être poursuivis, politiques et alimentés, soutenus mais surtout quitter le domaine de la démocratiques. statistique, pour gagner en visibilité et donner lieu à des réflexions idéologiques et politiques, qui ouvriraient le débat démocratique. Au sein de la Fabrique Spinoza, nous réfléchissons et agissons pour favoriser le bienêtre citoyen, nous œuvrons pour une société meilleure, une société dynamique, généreuse et humaniste, mais aussi une société où sont alignés développement économique et développement humain. Loin des utopies malheureuses du 20e siècle, osons imaginer une société de la joie, une joie réaliste, inscrite dans son temps, c’est à dire active, démocratique et Européenne. 16 Easterlin, Layard, Clark, Frey Inglehart, Welzel 18 Veenhoven, Diener 19 Seligman, Csikszentmihalyi, Kahneman, Lyubormirsky, Martin-Krumm, Lecomte 20 Davidson, Singer 21 Forum pour d’Autres Indicateurs de Richesse 17 6