Les Français attendent un discours politique sur

Transcription

Les Français attendent un discours politique sur
Les Français attendent un discours
politique sur le bonheur
Par Christine Legrand, le 28/10/2016 à 04h10
Les trois quarts des Français estiment que le bonheur citoyen est un sujet de préoccupation
politique majeure. C’est ce que révèle une enquête réalisée par la Fabrique Spinoza, qui publie
samedi 29 octobre son nouveau « PIB du bonheur », en partenariat avec La Croix.
Les Français sont un peu moins déprimés, fatigués, tristes, stressés et un peu plus confiants
envers les autres qu’il y a trois mois… La troisième édition de l’Indicateur trimestriel du bonheur
des Français (ITBF), publiée par le think tank « la Fabrique Spinoza », montre que le moral de nos
concitoyens connaît une petite embellie. Cet indicateur, qui mesure tous les trimestres l’évolution
de notre bien-être, selon des critères plus qualitatifs que le PIB normal, est en effet en hausse.
L’indicateur global est ainsi passé de 59,4 sur 100 en avril dernier à 60,4 sur 100 aujourd’hui (1).
« Avec une augmentation sur 6 mois de 1,7 %, le PIB du bonheur progresse plus vite que le
PIB classique ! », note Alexandre Jost. « Une amélioration largement significative, qui touche
surtout le bonheur émotionnel », précise Frédéric Albert, président de l’institut Think, qui a réalisé
cette enquête.
53 % des Français se disent « heureux »
D’autres indicateurs confirment cette embellie : les Français sont un peu moins inquiets de perdre
leur emploi ou de ne pas en retrouver, ils ont un meilleur sommeil… Et surtout, leur confiance
envers les autres commence à se retisser timidement : elle progresse de 0,3 point sur 10, selon
l’échelle de la Fabrique Spinoza.
La proportion de Français heureux passe de 50 à 53 %. La tendance à un certain repli sur soi se
confirme cependant: les principales sources d’épanouissement de nos concitoyens sont leur lieu
de vie, leur famille, leurs proches… Alors que l’avenir du monde et les difficultés du vivre
ensemble les inquiètent.
> Lire aussi : En France, la capacité de résilience reste forte
Le spectre du terrorisme hante moins les esprits qu’il y a trois et six mois. La moitié des
personnes interrogées disent être encore marquées par les attentats de l’été et de l’an dernier,
mais cela ne fait pas (ou plus) partie de leurs craintes quotidiennes. La menace terroriste se situe
même au cinquième rang de leurs sujets d’inquiétude, derrière la peur d’être agressé, et loin
derrière la santé, l’isolement, le chômage ou les revenus.
L’obsession sécuritaire, un piège pour les politiques ?
« L’obsession sécuritaire et la surenchère politiques en termes de violences, d’agressions et de
menaces terroristes paraît donc exagérée par rapport aux préoccupations réelles des Français »,
commente Alexandre Jost.
Autre signe de ce décalage, 72 % des personnes interrogées déclarent que le « bonheur citoyen »
est un sujet de préoccupation politique majeure, alors qu’il n’est pas au cœur de la campagne.
Cela pourrait même influer sur leurs votes : 79 % déclarent être prêts à voter pour ceux ou celles
qui le favoriseraient.
> Lire aussi : Le Cese au chevet d’une France malade de pessimisme
« Cette course à l’inquiétude des politiques pourrait ainsi se retourner contre eux », souligne
Alexandre Jost. « De ce point de vue, ajoute-t-il, l’enquête révèle un écart énorme (de 62 %) entre
Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, le premier incarnant le plus la sérénité et le second l’inquiétude et
la peur. »
« Notre pays a du mal à se construire une vision collective »
Le « bonheur », devenu un sujet de société dans l’air du temps, pourrait ainsi devenir un sujet
électoral. « La prise en compte du bonheur citoyen par les acteurs politiques est une attente forte
de l’opinion publique », abonde Frédéric Albert, ce qui explique, selon lui, le succès de l’« identité
heureuse » d’Alain Juppé.
Pour répondre à ces attentes, les hommes et femmes politiques pourraient s’intéresser davantage
à ce qui rend les Français moins heureux aujourd’hui : les difficultés du vivre ensemble et la
méfiance mutuelle, qui obtiennent les notes les plus négatives. « Car si la confiance envers les
autres a progressé, précise Alexandre Jost, elle reste encore en France très basse. » « Notre pays
a du mal à se construire une vision collective », insiste-t-il.
> Lire aussi : Les clés du bonheur des Français
C’est aussi l’avis de Jérémy Collado, auteur d’un livre récent Le bonheur en politique (2). « Le
thème du bonheur est encore très tabou, dit-il, ou abordé d’un point de vue individuel et
matérialiste. Le politique est là pour dépasser cette vision étriquée et en proposer une vision plus
collective. C’est cette dimension qui manque le plus aujourd’hui aux politiques et qui est la grande
oubliée de la campagne. »
------------------Des élus font des propositions
La Fabrique Spinoza a sondé les hommes politiques eux-mêmes sur la question du « bonheur
citoyen ». Un questionnaire a été envoyé à 40 000 élus. Seuls 138 d’entre eux ont répondu. Neuf
sur dix affirment que le « bonheur citoyen » est un sujet politique important et 75 % estiment qu’il
correspond aussi à une attente des Français, même si certains d’entre eux craignent son côté «
démagogique ».
Ces élus ont également formulé 220 propositions. Plus de la moitié concerne le collectif, le vivre
ensemble : une gouvernance rénovée, participative ; davantage de transparence et de confiance
entre les citoyens et leurs élus ; une éthique plus grande ; une vision commune qui confère un
sentiment d’appartenance plus fort.
Christine Legrand
(1) Enquête réalisée par l’institut Think, auprès d’un échantillon représentatif de 1 001 Français,
âgés de 18 ans et plus, interrogés en ligne du 10 au 12 octobre 2016, selon la méthode des quotas
(2) Éditions François Bourin, 224 p., 19 €