La réduction des événements cardiovasculaires chez les patients
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La réduction des événements cardiovasculaires chez les patients
ST. MICHAEL’S HOSPITAL Terrence Donnelly Heart Centre A teaching hospital affiliated with the University of Toronto Cardiologie UNIVERSITY OF TORONTO e e al a ci u .c es èm lle pé e a tes tiv th ve s sit ali osi ce ou on e t u p r N ati otr eac dia su t n i s t en z log de oin és ite io r rP pr Vis ard nne we c o o w. isi s P wwur v que i po gog da pé Leading with Innovation Serving with Compassion U N E P U B L I C AT I O N É D U C AT I V E F O N D É E S U R L A D I V I S I O N D E C A R D I O L O G I E S T. M I C H A E L ’ S H O S P I T A L , U N I V E R S I T É D E T O R O N T O Actualités scientifiques MC La réduction des événements cardiovasculaires chez les patients atteints d’insuffisance rénale chronique Présenté initialement par : Tonelli M, M.D. ; Keane WF, M.D. ; Baigent C, FFPH, FRCP ; Shlipak M, M.D. ; Tuttle KR, M.D. ; Parving, H-H, M.D. Examen des présentations et symposium satellite au Congrès mondial de néphrologie 2011 Vancouver, Colombie-Britannique Commenté par : GORDON MOE, M.D., FRCPC L’insuffisance rénale chronique (IRC) est un facteur de risque primaire de maladies cardiovasculaires (MCV). En raison de l’association étroite existant entre ces maladies, les traitements visant à prévenir la progression de l’IRC ont également tendance à améliorer les résultats en termes de MCV. D’autres traitements, tels que les traitements hypolipidémiants, ont un effet bénéfique direct sur la réduction du risque CV, alors qu’ils n’ont aucun effet direct sur l’insuffisance rénale. Les progrès continus réalisés dans la compréhension de la nature de la relation entre l’IRC et les MCV ont mené à l’adoption d’une approche de plus en plus sophistiquée dans le traitement de la maladie. Les recommandations thérapeutiques mises à jour sont actuellement révisées dans le cadre de l’initiative NKFKDOQI (National Kidney Foundation Kidney Disease Outcomes Quality Initiative) ainsi que dans les lignes directrices du KDIGO (Kidney Disease : Improving Global Outcomes) et du JNC-8 (Eighth Report of the Joint National Committee on Prevention, Detection, Evaluation, and Treatment of High Blood Pressure). Dans le présent numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques, nous examinons les progrès récents réalisés dans la compréhension de la nature relativement atypique des MCV chez les patients atteints d’IRC. Nous envisageons la possibilité de modifier les lignes directrices et examinons les données à l’appui des pratiques thérapeutiques recommandées actuellement. Épidémiologie L’IRC compte parmi les maladies les plus largement répandues dans les pays occidentaux. Les estimations de sa prévalence aux États-Unis (É.-U.) diffèrent selon les méthodes statistiques utilisées. Le National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) a estimé que la prévalence de l’IRC dans la population américaine était de 14,2 % entre 2003 et 20061. Cette prévalence a augmenté d’environ 2 % depuis les années 1980, très probablement en raison du vieillissement de la population et de facteurs de risque tels que le diabète et l’hypertension. Le diabète demeure la cause la plus fréquente de l’IRC et de l’insuffisance rénale terminale (IRT)1. La sévérité de l’IRC est classée en fonction du taux de filtration glomérulaire (TFG). Actuellement, le système NKF-KDOQI identifie 5 stades (Tableau 1)2. Le TFG est généralement estimé (TFGe) en utilisant des formules fondées sur le dosage de la créatinine sérique. Parmi cellesDivision de cardiologie Howard Leong-Poi, M.D. (chef) Gordon W. Moe, M.D. (rédacteur) David H. Fitchett, M.D. (rédacteur adjoint) Juan C. Monge, M.D. (rédacteur adjoint) Beth L. Abramson, M.D. Abdul Al-Hesayen, M.D. David Alter, M.D. Luigi Casella, M.D. Asim Cheema, M.D. Robert J. Chisholm, M.D. Chi-Ming Chow, M.D. Kim Connelly, M.D. Paul Dorian, M.D. 8 au 12 avril 2011 ci, la formule CKD-EPI (Chronic Kidney Disease Epidemiology Collaboration) est considérée comme la méthode la plus précise pour établir le stade de l’IRC, en particulier lorsque le TFGe est élevé. Les taux de mortalité et de morbidité sont considérablement accrus chez les patients atteints d’IRC. Aux É.-U. et en Europe, un patient caucasien âgé de 20 ans atteints d’IRT a une espérance de vie de 15 ans supplémentaires, comparativement à 60 ans pour une personne du même âge dans la population générale. Une grande différence persiste tout au long de la vie, et à l’âge de 80 ans, les patients dialysés ont une espérance de vie de 5 ans de moins que la population générale appariée en fonction de l’âge2. Insuffisance rénale chronique et maladies cardiovasculaires L’IRC est associée à une incidence accrue de MCV. Chez les patients atteints d’IRC, 42 % des décès sont dus à une MCV, comparativement à 31 % dans la population générale. De plus, les MCV se manifestent différemment dans la population atteinte d’IRC : les arythmies et l’arrêt cardiaque sont responsables de 61 % de la mortalité par MCV chez les patients atteints d’IRT, alors que l’incidence de l’infarctus du myocarde (IM) aigu, qui est responsable de plus de la moitié des décès par MCV dans la population générale, est de seulement 12 % chez les patients atteints d’IRT3. Le syndrome coronarien aigu est observé chez 12 à 25 % des patients atteints d’IRC, mais est associé à un taux inhabituellement élevé de mortalité d’environ 60 %. Il existe une relation indépendante et progressive entre le TFGe et les résultats en termes de MCV. Le rapport de risques (HR) augmente de 1 à un TFGe > 60 mL/min/m2 à plus de 3 à un TFGe < 15 mL/min/m2 pour chaque événement CV6. Il existe également une association entre une protéinurie accrue et l’apparition de MCV. Des recherches menées actuellement par la National Kidney Foundation démontrent un effet additif et parfois synergique sur la mortalité par MCV entre le TFGe et une albuminurie accrue. Les principaux mécanismes pathogènes subcliniques à la base des MCV chez les patients atteints d’IRC sont une hypertrophie ventriculaire gauche, un flux sanguin réduit dans les membres inférieurs mesuré par l’indice de la tension brachiale/cheville, et une rigidité vasculaire7,8. Chacun de ces processus montre une relation directe avec une IRC d’une sévérité accrue. L’IRC se distingue par un profil lipidique atypique observé fréquemment chez les patients atteints d’une MCV. Le taux de cholestérol des lipoprotéines de basse densité (C-LDL) montre une faible augmentation Michael R. Freeman, M.D. Shaun Goodman, M.D. Anthony F. Graham, M.D. John J. Graham, M.D. Robert J. Howard, M.D. Victoria Korley, M.D. Michael Kutryk, M.D. Anatoly Langer, M.D. Howard Leong-Poi, M.D. Iqwal Mangat, M.D. Arnold Pinter, MD Trevor I. Robinson, M.D. Duncan J. Stewart, M.D. Andrew Yan, M.D. St. Michael’s Hospital, 30 Bond St., Suite 7049, Queen Wing, Toronto, Ontario M5B 1W8 Télécopieur : (416) 864-5941 Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles de la Division de Cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, du commanditaire de la subvention à l’éducation ou de l’éditeur, mais sont celles de l’auteur, qui se fonde sur la documentation scientifique existante. On a demandé à l’auteur de révéler tout conflit d’intérêt potentiel concernant le contenu de cette publication. La publication de Cardiologie, Actualités scientifiques est rendue possible grâce à une subvention à l’éducation sans restrictions. Table 1 : Stades de l’insuffisance rénale chronique (IRC) Stade Description TFG (mL/min/ 1,73m2) Prévalence aux É.-U. n (en milliers), % ≥90 5600, 2.8 1 Atteinte rénale avec un TFG normal 2 Atteinte rénale avec un TFG légèrement réduit 60 à 89 5700, 2.8 3 TFG modérément réduit 30 à 59 7400, 3.7 4 TFG sévèrement réduit 15 à 29 300, 0.1 5 Insuffisance rénale (IRT) <15 ou dialyse 391, 0.2 TFG = taux de filtration glomérulaire; IRT = insuffisance rénale terminale Adapté avec la permission de Levey AS et coll. J Am Soc Nephrol. 2007;18:374– 378. Copyright © 2007 American Society of Nephrology. sinon aucune, le cholestérol total est moins élevé que la normale, le taux de cholestérol des lipoprotéines de haute densité (C-HDL) est réduit et le taux de triglycérides est fréquemment élevé10. Des caractéristiques inhabituelles sont également observées dans l’histopathologie des artères coronaires. Le calcium dont est composée la plaque est considérablement accru dans la media artérielle. Les marqueurs inflammatoires tels que la protéine C-réactive (PCR), les macrophages (CD68), le complexe terminal du complément (C5b-9) et le facteur inductible par l’hypoxie (FIH) sont élevés et distribués également dans la structure vasculaire des artères coronaires. La dysfonction endothéliale est plus diffuse et les hémorragies de plaques sont accrues chez les patients atteints d’IRC11. Prise en charge des MCV chez les patients atteints d’IRC Contrôle de la tension artérielle Le contrôle de la tension artérielle (TA) est important pour limiter les lésions rénales progressives et pour atténuer les processus pathologiques sous-jacents conduisant à une MCV. Les lignes directrices de la NKFKDOQI recommandent une TA cible < 130/80 mm Hg chez les patients atteints d’IRC de stades 1 à 412. Si le patient est hypertendu, un traitement par un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) ou par un antagoniste du récepteur de l’angiotensine II (ARA) est recommandé, habituellement en association avec un diurétique. L’apport de sodium doit être limité à < 2,3 g/jour, conformément aux recommandations DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension)13. La question de savoir si les valeurs cibles établies pour contrôler la TA devraient être plus basses chez les patients atteints d’IRC a été débattue. Des études antérieures ont fourni des résultats mitigés ; certaines ont démontré qu’une TA diastolique < 80 mm Hg a eu des effets bénéfiques sur les MCV, alors que d’autres n’ont démontré aucune différence entre ces valeurs diastoliques cibles plus faibles et une TA diastolique aussi élevée que 90 mm Hg. Récemment, l’étude ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes)14 a montré que la réduction de la TA à une valeur cible < 120/70 mm Hg vs < 140/90 mm Hg n’a eu aucun effet bénéfique sur les résultats CV globaux, bien que le taux de macroalbuminurie ait été moins élevé. Le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) a été également significativement réduit (HR 0,59 ; intervalle de confiance [IC] 0,39-0,89 ; P = 0,01), mais on a noté en revanche une réduction accélérée du TFGe et une hypotension accrue. On prévoit que les lignes directrices du JNC 8 et les nouvelles lignes directrices KDIGO, qui remplacent celles de la NKF-KDOQI, pourraient libéraliser la TA cible chez les patients atteints d’IRC à une valeur < 140/90 mm Hg, probablement avec des exceptions pour certains groupes, tels que les patients présentant une macroalbuminurie. Réduction des lipides L’utilisation d’un traitement hypolipidémiant pour prévenir les événements CV chez les patients atteints d’IRC est controversée. Le profil lipidique inhabituel observé dans cette population de patients ne fournit pas une orientation claire pour contrôler le taux lipidique, et la relativement faible proportion d’événements cardiaques observée chez les patients atteints d’une MCV liée à une IRC laisse également planer un doute sur la nécessité d’un traitement hypocholestérolémiant. Les résultats indéterminés obtenus dans l’étude 4D15 (Die Deutsche Diabetes Dialyse Studie) et dans l’étude AURORA16 (A Study to Evaluate the Use of Rosuvastatin in Subjects on Regular Hemodialysis : An Assessment of Survival and Cardiovascular Events) n’ont pas permis de clarifier cette question. Dans l’étude 4D, 1255 sujets atteints du diabète de type 2 recevant une hémodialyse périodique ont été répartis au hasard pour recevoir l’atorvastatine (20 mg par jour) ou un placebo pendant 4 semaines et ont été suivis pendant une période médiane de 4 ans. Les paramètres primaires, comprenant la mort d’origine cardiaque, l’IM non mortel et l’AVC, n’étaient pas significativement réduits dans le groupe recevant l’atorvastatine comparativement aux témoins (risque relatif [RR] 0,92, IC à 95 % 0,77-1,10 ; P = 0,37). Bien que l’on ait observé une réduction significative des événements cardiaques globaux avec l’atorvastatine (RR 0,82 ; P = 0,03), le traitement n’a pas eu d’impact significatif sur la mortalité totale (RR 0,93 ; P = 0,33). Les résultats ont également montré une légère augmentation des événements cérébro-vasculaires (RR 1,12 ; P = 0,49). L’étude AURORA comprenait 2776 patients, subissant également une hémodialyse périodique qui ont été répartis au hasard pour recevoir la rosuvastatine (10 mg par jour) ou un placebo. Le traitement a été administré pendant 3 mois et la période moyenne de suivi était de 3,8 ans. Les chercheurs ont noté que le traitement par la rosuvastatine n’était pas associé à une réduction significative du paramètre primaire comprenant la mort d’origine CV, l’IM non mortel et l’AVC non mortel (HR 0,96 ; IC à 95 % 0,84-1,11 ; P = 0,59), ni à une amélioration de la mortalité toutes causes (HR 0,96 ; P = 0,51). Afin d’élucider le rôle du traitement hypocholestérolémiant chez les patients atteints d’IRC, l’étude SHARP (Study of Heart and Renal Protection) a utilisé un traitement intensif. Les paramètres visaient à identifier les effets du traitement sur la composante athéroscléreuse des MCV associées à l’IRC17. Les critères de recrutement dans l’étude SHARP incluaient la sélection de patients âgés ≥ 40 ans ayant des antécédents d’IRC, dialysés ou non, mais ayant un taux sérique de créatinine ≥ 1,7 mg/dL (150 mol/L) chez les hommes, ≥ 1,5 mg/dL (130 mol/L) chez les femmes. De plus, chez ces patients, un traitement visant à réduire le cholestérol LDL ne devait pas être clairement indiqué ni contre-indiqué. Les paramètres primaires cardiovasculaires comprenaient des événements athéroscléreux majeurs (mort d’origine coronarienne, IM, AVC non hémorragique ou revascularisation). Les paramètres secondaires incluaient les événements vasculaires majeurs (mort d’origine cardiaque, IM, AVC, revascularisation), et des composantes des événements athéroscléreux majeurs. Le médicament à l’étude était une association d’ézétimibe 10 mg et de simvastatine 20 mg par jour (cette association fixe n’est pas disponible au Canada). L’association était utilisée pour éviter les effets indésirables que devrait engendrer une monothérapie par une statine administrée à une dose suffisamment élevée pour produire une réduction similaire du cholestérol LDL. Les patients (n = 9438) ont été répartis au hasard pour recevoir l’ézétimibe/simvastatine (n = 4193), un placebo (n = 4191) ou la simvastatine seule (n = 1054, pour une analyse de l’innocuité). Les patients dans le groupe recevant la simvastatine seule ont été à nouveau répartis au hasard pour recevoir le médicament à l’étude ou un placebo au bout d’un an, afin d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de l’association ézétimibe/simvastatine. La période de suivi était d’environ 5 ans. Initialement, le TFGe dans la cohorte non dialysée était de 27 mL/min/1,73 m2, 80 % des patients présentaient une albuminurie, 27 % des patients recevaient une hémodialyse et 5 % recevaient une dialyse péritonéale. Les taux lipidiques moyens chez tous les participants étaient les suivants : LDL 2,8 mmol/L, HDL 1,1 mmol/L, triglycérides 2,3 mmol/L et cholestérol total 4,9 mmol/L. Les résultats primaires de l’étude SHARP révélés initialement à la Semaine du Rein 2010 de l’American Society of Nephrology, ont été présen- Cardiologie Actualités scientifiques Contrôle glycémique Le contrôle glycémique est essentiel dans le traitement du diabète. Actuellement, le taux cible d’hémoglobine A1c est < 7,0 %, que les patients soient atteints ou non d’IRC12. Trois études majeures ont examiné l’impact de la réduction de ce taux cible à < 6 à 6,5 % et l’on a constaté dans chacune de ces études que cette réduction a entraîné un Figure 1 : Événements athéroscléreux majeurs dans l’étude SHARP17 20 Proportion présentant des événements (%) tés au symposium du Congrès mondial de néphrologie en 2011 intitulé « L’insuffisance rénale chronique : pathogenèse, épidémiologie, prévention, conséquences ». Le cholestérol LDL a été réduit de 1,07 mmol/L au bout d’un an chez les patients recevant l’association ézétimibe/simvastatine comparativement au groupe placebo. La simvastatine seule a réduit le cholestérol LDL de 0,74 mmol/L vs le placebo. Après 2,5 ans, la réduction du cholestérol LDL attribuable à l’association ézétimibe/simvastatine était de 0,85 mmol/L, soit une baisse de 32 % comparativement au placebo (P = 0,0001). Les chercheurs ont attribué cette diminution de l’effet thérapeutique à l’inobservance du traitement chez environ un tiers des patients vers le milieu de l’étude. Une réduction significative du cholestérol total et des triglycérides a également été observée. Le paramètre primaire de l’étude SHARP (Figure 1) était une réduction de 17 % (rapport de risque 0,83, P = 0,0022) des événements athéroscléreux majeurs. Une réduction significative du rapport de risque, de 12 % à 28 %, a été observée pour les événements vasculaires majeurs, à l’exception de l’AVC hémorragique. Le rapport de risque pour l’AVC ischémique était de 0,79. Les auteurs n’ont noté aucun effet global sur la mortalité. Les résultats en ce qui concerne le paramètre primaire étaient les mêmes chez les patients dialysés et non dialysés. Les chercheurs ont estimé que sous réserve d’une totale observance thérapeutique, l’utilisation de l’association ézétimibe/simvastatine entraînerait une diminution du nombre d’événements athéroscléreux de l’ordre de 30 à 40 pour 1000 patients traités pendant 5 ans. Étant donné les résultats de l’étude SEAS (Simvastatin and Ezetimibe in Aortic Stenosis), des préoccupations ont été émises au sujet de l’incidence accrue du cancer. Cependant, dans l’étude SHARP, on n’a noté aucune différence dans les taux de cancer entre le groupe traité et le groupe placebo. Aucun autre problème significatif en matière d’innocuité n’a été observé dans cette étude. Des problèmes d’innocuité sont apparus dans d’autres études utilisant des statines. Dans l’étude 4D, qui évaluait l’utilisation de l’atorvastatine chez des patients diabétiques dialysés, le risque d’AVC mortel a doublé par comparaison avec le placebo (4 % vs 2 % ; rapport de risque = 2, 03, P = 0,04)15. De même, dans l’étude AURORA16, on a noté une augmentation du nombre d’AVC mortels et non mortels chez des patients diabétiques dialysés sous rosuvastatine. Il est important de noter que ces événements ont été associés à l’initiation d’un traitement par une statine dans cette population de patients, contrairement aux patients qui étaient déjà traités par une statine avant l’instauration de la dialyse. Comme l’ont souligné Herrington et ses collègues18, l’association ézétimibe/simvastatine a significativement réduit le taux d’AVC non-hémorragiques (rapport de risque 0,75, IC à 95 % 0,60-0,94, P = 0,01) et une augmentation non significative du taux d’AVC hémorragiques (rapport de risque 1,21 ; IC à 95 % 0,781,86 ; P = 0,4). Ces résultats ont entraîné une réduction nette significative du taux d’AVC (rapport de risque 0,81 ; P = 0,04). Les lignes directrices actuelles de la NKF-KDOQI recommandent un traitement par une statine chez les patients diabétiques atteints d’IRC et ayant un taux de cholestérol LDL ≥ 5,5 mmol/L, mais elles recommandent spécifiquement de ne pas initier un traitement par une statine chez les patients diabétiques subissant une hémodialyse, sauf s’il existe une indication CV spécifique12. L’actualisation potentielle des lignes directrices à la lumière de ces études récentes serait d’utiliser des statines ou l’association statine/ézétimibe chez les patients atteints de diabète et d’IRC, mais de ne pas instaurer un traitement par des statines chez les patients diabétiques dialysés. Rapport de risque 0,83 (0,75-0,94) Logrank 1 P = 0,0022 15 Placebo Ézétimibe/ simvastatine 10 5 0 0 1 2 3 Années de suivi 4 5 SHARP = Study of Heart and Renal Protection taux accru d’hypoglycémie sévère. On a mis fin à l’étude ACCORD 17 mois plus tôt que la date prévue en raison du taux accru de mortalité toutes causes et de mortalité CV19, alors que l’étude ADVANCE20 (Action in Diabetes and Vascular Disease – Preterax and Diamicron Modified Release Controlled Evaluation) et l’étude VADT21 (Veterans Affairs Diabetes Trial) n’ont montré aucun bénéfice en termes de MCV. Cependant, dans les études ADVANCE et ACCORD, les taux de microalbuminurie et de macroalbuminurie d’apparition nouvelle ont été réduits. L’étude à long terme UKPDS22 (United Kingdom Prospective Diabetes Study; suivi médian 10 ans, 30 ans au maximum) a examiné l’efficacité d’un traitement antiglycémique moins intensif, avec un taux cible d’A1c entre 7,5 et 8,5 %. Ce contrôle glycémique moins intensif a entraîné une réduction de la mortalité, de l’IM non mortel et de l’atteinte microvasculaire. Récemment, une revue systématique non publiée de paramètres clés effectuée en vue de mettre à jour les lignes directrices de la NKF-KDOQI a montré qu’un contrôle glycémique intensif n’a pas entraîné une amélioration de la mortalité toutes causes. L’IM non mortel était l’unique paramètre CV qui a montré une légère amélioration. Le risque d’hypoglycémie sévère était notablement accru. Toutes les données probantes actuelles suggèrent qu’une réduction du taux d’A1c à une valeur se situant entre 6,4 et 7,0 % chez des patients atteints de diabète de type 2 avéré n’a pas amélioré la plupart des paramètres cliniques évalués lors d’un suivi effectué entre 4 et 10 ans comparativement à un traitement avec lequel des taux d’A1c se situant entre 7,3 % et 8,4 % ont été obtenus. En revanche, un contrôle intensif entraîne des effets plus nocifs tels qu’un taux accru d’hypoglycémie sévère. Les révisions que l’on propose d’apporter aux lignes directrices sont l’obtention d’un taux cible d’A1c > 7,0 % chez les patients souffrant de comorbidités telles qu’une MCV, qui limitent l’espérance de vie (cette définition inclut les patients atteints d’IRC). Les lignes directrices ne recommandent pas des agents thérapeutiques spécifiques, bien que l’on doive éviter la metformine en raison du risque d’acidose lactique. Un contrôle diététique des glucides et un apport réduit en protéines sont recommandés. Anémie L’anémie est fréquemment associée à l’IRC, et elle est un facteur de risque de MCV et de mortalité prématurée, de même qu’elle a un effet négatif sur la qualité de vie23. Étant donné que les agents stimulant l’érythropoïèse (ASE) tels que la darbépoétine, sont connus pour avoir un effet important, ils ont été recommandés dans les lignes directrices de la NKF-KDOQI avant que les résultats des études d’efficacité soient disponibles. Cependant, une étude contrôlée avec placebo de la darbépoétine menée chez 4038 patients24 n’a démontré aucun effet CV bénéfique chez les patients atteints d’IRC, de diabète et d’anémie, malgré un taux d’hémoglobine accru, alors que l’on a noté une augmentation significative du risque d’AVC mortel et non mortel (5 % vs 2,6 % dans le groupe placebo ; P = 0,001) et une hausse du taux de récidive du cancer Cardiologie Actualités scientifiques et de la mortalité. De même, d’autres études qui n’étaient pas contrôlées avec placebo comparant différents taux cibles d’hémoglobine avec un traitement par des ASE n’ont pas démontré un bénéfice en termes de MCV ou de mortalité.25,26. Les lignes directrices du KDIGO ne devraient donc pas recommander un traitement par des ASE pour réduire la prévalence des MCV chez les patients atteints d’IRC. 11. Gross ML, Meyer HP, Ziebart H, et coll. Calcification of coronary intima and media: immunohistochemistry, backscatter imaging, and x-ray analysis in renal and nonrenal patients. Clin J Am Soc Nephrol. 2007;2(1):121-134. 12. National Kidney Foundation (NKF). NKF KDOQI Guidelines, 2007. Disponible à : http://www.kidney.org/professionals/KDOQI/guideline_diabetes. Date de consultation : 19 avril 2011. 13. National Heart Lung and Blood Institute. Your Guide to Lowering Your Blood Pressure with DASH. Disponible à : http://www.nhlbi.nih.gov/health/public/heart/hbp/dash/ how_plan.html. Date de consultation : 29 avril 2011.. 14. ACCORD Study Group. Effects of intensive blood-pressure control in type 2 diabetes mellitus. N Engl J Med. 2010;362:1575-1585. 15. Wanner C, Krane V, März W, et coll. Atorvastatin in patients with type 2 diabetes mellitus undergoing hemodialysis. N Engl J Med. 2005;353:238-248. 16. Fellström BC, Jardine AG, Schmieder RE, et coll; AURORA Study Group. Rosuvastatin and cardiovascular events in patients undergoing hemodialysis. N Engl J Med. 2009;360:1395-1407. 17. Baigent C, Landray M, Reith C, et coll. Study of Heart and Renal Protection (SHARP): randomized trial to assess the effects of lowering low-density lipoprotein cholesterol among 9,438 patients with chronic kidney disease. Am Heart J. 2010; 160:785-794. 18. Herrington W, on behalf of the SHARP Investigators. Effect of reducing LDL-cholesterol with ezetimibe/simvastatin on stroke among 9270 patients with chronic kidney disease: the Study of Heart And Renal Protection (SHARP). Présenté au Congrès mondial de néphrologie 2011. Vancouver (C.-B.); 8-12 avril 2011. 19. ACCORD Study Group. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes. N Engl J Med. 2008;358:2545-2559. 20. Patel A, MacMahon S, Chalmers J, et coll. Effects of intensive blood glucose control on vascular outcomes in patients with type 2 diabetes mellitus: results of the ADVANCE trial. N. 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Serum levels of phosphorus, parathyroid hormone, and calcium and risks of death and cardiovascular disease in individuals with chronic kidney disease: a systematic review and meta-analysis. JAMA. 2011;305:1119-1127. 28. Gaede P, Lund-Andersen H, Parving HH, Pedersen O. Effect of a multifactorial intervention on mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med. 2008;358:580-591. Troubles du métabolisme osseux Il existe jusqu’à présent un nombre insuffisant de données à l’appui d’un traitement des troubles du métabolisme osseux dans l’IRC, mais des données observationnelles montrent que le taux de phosphore sérique pourrait être une cible thérapeutique pour réduire le risque de MCV. Ce n’est pas le cas de l’hormone parathyroïdienne27. Thérapie intégrée L’étude Steno-228 a comparé une approche intensive multifactorielle à un traitement standard chez 160 patients danois atteints du diabète de type 2 et présentant une microalbuminurie persistante. Les cibles thérapeutiques étaient un taux d’A1c < 6,5 %, un taux de cholestérol total < 4,5 mmol/L et une TA < 130/80 mm Hg. Les patients dans le groupe de traitement intensif ont été traités par une pharmacothérapie pour parvenir aux valeurs cibles, conjointement à une modification de leur comportement. Ils ont tous reçu de l’acide acétylsalicylique à faible dose, ainsi que des inhibiteurs du système rénine-angiotensine pour traiter leur microalbuminurie. Après un suivi de 8 ans, les patients dans le groupe de traitement intensif ont obtenu une réduction de 50 % du risque relatif d’événements CV majeurs et une réduction relative de la mortalité au bout de 13 ans. Conclusion Les progrès réalisés dans la compréhension des différences quantitatives et qualitatives dans les MCV associées à une IRC permettent de clarifier les types de traitement qui sont les plus efficaces pour réduire le risque CV élevé présent dans cette importante population de patients. Il est probable que les thérapies appropriées conçues pour aider les patients à atteindre les valeurs tensionnelles, lipidiques et glycémiques cibles améliorent considérablement les paramètres CV chez les patients atteints d’IRC. Références 1. United States Renal Data System (USRDS) Annual Data Report. Atlas of CKD in the United States, 2010. Disponible à : http://www.usrds.org/2010/pdf/v1_01.pdf. Date de consultation : 19 avril 2011. 2. National Kidney Foundation (NKF). NKF KDOQI Guidelines, 2002. Disponible à : http://www.kidney.org/professionals/kdoqi/guidelines_ckd/p4_class_g1.htm. Date de consultation : 19 avril 2011. 3. Levey AS, Stevens LA, Schmid CH, et coll. A new equation to estimate glomerular filtration rate. Ann Intern Med. 2009;150:604-612. 4. Jager, K. from ERA-EDTA and USRDS data. Alberta Kidney Disease Network, données non-publiées. 5. Lloyd-Jones D. Heart Disease and Stroke Statistics 2009 Update. A Report From the American Heart Association. 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Le Dr Moe déclare qu’il n’a aucune divulgation à faire en relation avec le contenu de cette publication. SNELL Communication Médicale reconnaît qu’elle a reçu une subvention à l’éducation sans restrictions de Merck pour la publication de ce numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques. L’octroi de cette subvention était fonction de l’acceptation par le commanditaire de la politique établie par la Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital et par SNELL Communication Médicale garantissant le but éducatif de la publication. Cette politique garantit que l’auteur et le rédacteur jouissent en tout temps d’une indépendance scientifique rigoureuse totale sans l’interférence de toute autre partie. Cette publication peut inclure des discussions sur des produits ou des indications pour des produits qui n’ont pas fait l’objet d’une approbation par Santé Canada. Son contenu est à visée exclusivement médicale, scientifique et éducative. 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