La réduction des événements cardiovasculaires chez les patients

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La réduction des événements cardiovasculaires chez les patients
ST. MICHAEL’S HOSPITAL
Terrence Donnelly Heart Centre
A teaching hospital affiliated with the University of Toronto
Cardiologie
UNIVERSITY
OF TORONTO
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Leading with Innovation
Serving with Compassion
U N E P U B L I C AT I O N É D U C AT I V E F O N D É E S U R L A D I V I S I O N D E C A R D I O L O G I E
S T. M I C H A E L ’ S H O S P I T A L , U N I V E R S I T É D E T O R O N T O
Actualités scientifiques
MC
La réduction des événements cardiovasculaires
chez les patients atteints d’insuffisance rénale chronique
Présenté initialement par : Tonelli M, M.D. ; Keane WF, M.D. ; Baigent C, FFPH, FRCP ; Shlipak M, M.D. ; Tuttle KR, M.D. ; Parving, H-H, M.D.
Examen des présentations et symposium satellite au Congrès mondial de néphrologie 2011
Vancouver, Colombie-Britannique
Commenté par : GORDON MOE, M.D., FRCPC
L’insuffisance rénale chronique (IRC) est un facteur de risque primaire de maladies cardiovasculaires (MCV). En raison de l’association étroite existant entre ces maladies, les traitements visant à
prévenir la progression de l’IRC ont également tendance à améliorer
les résultats en termes de MCV. D’autres traitements, tels que les
traitements hypolipidémiants, ont un effet bénéfique direct sur la
réduction du risque CV, alors qu’ils n’ont aucun effet direct sur l’insuffisance rénale. Les progrès continus réalisés dans la compréhension de la nature de la relation entre l’IRC et les MCV ont mené à
l’adoption d’une approche de plus en plus sophistiquée dans le traitement de la maladie. Les recommandations thérapeutiques mises à
jour sont actuellement révisées dans le cadre de l’initiative NKFKDOQI (National Kidney Foundation Kidney Disease Outcomes Quality
Initiative) ainsi que dans les lignes directrices du KDIGO (Kidney
Disease : Improving Global Outcomes) et du JNC-8 (Eighth Report of the
Joint National Committee on Prevention, Detection, Evaluation, and
Treatment of High Blood Pressure). Dans le présent numéro de Cardiologie – Actualités scientifiques, nous examinons les progrès récents
réalisés dans la compréhension de la nature relativement atypique des
MCV chez les patients atteints d’IRC. Nous envisageons la possibilité
de modifier les lignes directrices et examinons les données à l’appui
des pratiques thérapeutiques recommandées actuellement.
Épidémiologie
L’IRC compte parmi les maladies les plus largement répandues dans
les pays occidentaux. Les estimations de sa prévalence aux États-Unis
(É.-U.) diffèrent selon les méthodes statistiques utilisées. Le National
Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) a estimé que la prévalence de l’IRC dans la population américaine était de 14,2 % entre
2003 et 20061. Cette prévalence a augmenté d’environ 2 % depuis les
années 1980, très probablement en raison du vieillissement de la population et de facteurs de risque tels que le diabète et l’hypertension. Le
diabète demeure la cause la plus fréquente de l’IRC et de l’insuffisance
rénale terminale (IRT)1.
La sévérité de l’IRC est classée en fonction du taux de filtration
glomérulaire (TFG). Actuellement, le système NKF-KDOQI identifie 5
stades (Tableau 1)2. Le TFG est généralement estimé (TFGe) en utilisant
des formules fondées sur le dosage de la créatinine sérique. Parmi cellesDivision de cardiologie
Howard Leong-Poi, M.D. (chef)
Gordon W. Moe, M.D. (rédacteur)
David H. Fitchett, M.D. (rédacteur adjoint)
Juan C. Monge, M.D. (rédacteur adjoint)
Beth L. Abramson, M.D.
Abdul Al-Hesayen, M.D.
David Alter, M.D.
Luigi Casella, M.D.
Asim Cheema, M.D.
Robert J. Chisholm, M.D.
Chi-Ming Chow, M.D.
Kim Connelly, M.D.
Paul Dorian, M.D.
8 au 12 avril 2011
ci, la formule CKD-EPI (Chronic Kidney Disease Epidemiology Collaboration) est considérée comme la méthode la plus précise pour établir le
stade de l’IRC, en particulier lorsque le TFGe est élevé.
Les taux de mortalité et de morbidité sont considérablement accrus
chez les patients atteints d’IRC. Aux É.-U. et en Europe, un patient caucasien âgé de 20 ans atteints d’IRT a une espérance de vie de 15 ans supplémentaires, comparativement à 60 ans pour une personne du même
âge dans la population générale. Une grande différence persiste tout au
long de la vie, et à l’âge de 80 ans, les patients dialysés ont une espérance
de vie de 5 ans de moins que la population générale appariée en fonction de l’âge2.
Insuffisance rénale chronique et maladies cardiovasculaires
L’IRC est associée à une incidence accrue de MCV. Chez les patients
atteints d’IRC, 42 % des décès sont dus à une MCV, comparativement à
31 % dans la population générale. De plus, les MCV se manifestent différemment dans la population atteinte d’IRC : les arythmies et l’arrêt cardiaque sont responsables de 61 % de la mortalité par MCV chez les
patients atteints d’IRT, alors que l’incidence de l’infarctus du myocarde
(IM) aigu, qui est responsable de plus de la moitié des décès par MCV
dans la population générale, est de seulement 12 % chez les patients
atteints d’IRT3. Le syndrome coronarien aigu est observé chez 12 à 25 %
des patients atteints d’IRC, mais est associé à un taux inhabituellement
élevé de mortalité d’environ 60 %. Il existe une relation indépendante et
progressive entre le TFGe et les résultats en termes de MCV. Le rapport
de risques (HR) augmente de 1 à un TFGe > 60 mL/min/m2 à plus de 3
à un TFGe < 15 mL/min/m2 pour chaque événement CV6. Il existe également une association entre une protéinurie accrue et l’apparition de
MCV. Des recherches menées actuellement par la National Kidney Foundation démontrent un effet additif et parfois synergique sur la mortalité
par MCV entre le TFGe et une albuminurie accrue.
Les principaux mécanismes pathogènes subcliniques à la base des
MCV chez les patients atteints d’IRC sont une hypertrophie ventriculaire
gauche, un flux sanguin réduit dans les membres inférieurs mesuré par
l’indice de la tension brachiale/cheville, et une rigidité vasculaire7,8.
Chacun de ces processus montre une relation directe avec une IRC d’une
sévérité accrue.
L’IRC se distingue par un profil lipidique atypique observé fréquemment chez les patients atteints d’une MCV. Le taux de cholestérol des
lipoprotéines de basse densité (C-LDL) montre une faible augmentation
Michael R. Freeman, M.D.
Shaun Goodman, M.D.
Anthony F. Graham, M.D.
John J. Graham, M.D.
Robert J. Howard, M.D.
Victoria Korley, M.D.
Michael Kutryk, M.D.
Anatoly Langer, M.D.
Howard Leong-Poi, M.D.
Iqwal Mangat, M.D.
Arnold Pinter, MD
Trevor I. Robinson, M.D.
Duncan J. Stewart, M.D.
Andrew Yan, M.D.
St. Michael’s Hospital, 30 Bond St., Suite 7049, Queen Wing, Toronto, Ontario M5B 1W8 Télécopieur : (416) 864-5941
Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent
pas nécessairement celles de la Division de Cardiologie,
St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, du
commanditaire de la subvention à l’éducation ou
de l’éditeur, mais sont celles de l’auteur, qui se fonde sur
la documentation scientifique existante. On a demandé
à l’auteur de révéler tout conflit d’intérêt potentiel
concernant le contenu de cette publication. La publication
de Cardiologie, Actualités scientifiques est rendue possible
grâce à une subvention à l’éducation sans restrictions.
Table 1 : Stades de l’insuffisance rénale chronique (IRC)
Stade Description
TFG
(mL/min/
1,73m2)
Prévalence
aux É.-U.
n (en milliers), %
≥90
5600, 2.8
1
Atteinte rénale avec
un TFG normal
2
Atteinte rénale avec un
TFG légèrement réduit
60 à 89
5700, 2.8
3
TFG modérément réduit
30 à 59
7400, 3.7
4
TFG sévèrement réduit
15 à 29
300, 0.1
5
Insuffisance rénale (IRT) <15 ou dialyse
391, 0.2
TFG = taux de filtration glomérulaire; IRT = insuffisance rénale terminale
Adapté avec la permission de Levey AS et coll. J Am Soc Nephrol. 2007;18:374–
378. Copyright © 2007 American Society of Nephrology.
sinon aucune, le cholestérol total est moins élevé que la normale, le taux
de cholestérol des lipoprotéines de haute densité (C-HDL) est réduit et
le taux de triglycérides est fréquemment élevé10. Des caractéristiques
inhabituelles sont également observées dans l’histopathologie des artères
coronaires. Le calcium dont est composée la plaque est considérablement accru dans la media artérielle. Les marqueurs inflammatoires tels
que la protéine C-réactive (PCR), les macrophages (CD68), le complexe
terminal du complément (C5b-9) et le facteur inductible par l’hypoxie
(FIH) sont élevés et distribués également dans la structure vasculaire des
artères coronaires. La dysfonction endothéliale est plus diffuse et les
hémorragies de plaques sont accrues chez les patients atteints d’IRC11.
Prise en charge des MCV chez les patients atteints d’IRC
Contrôle de la tension artérielle
Le contrôle de la tension artérielle (TA) est important pour limiter les
lésions rénales progressives et pour atténuer les processus pathologiques
sous-jacents conduisant à une MCV. Les lignes directrices de la NKFKDOQI recommandent une TA cible < 130/80 mm Hg chez les patients
atteints d’IRC de stades 1 à 412. Si le patient est hypertendu, un traitement
par un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) ou
par un antagoniste du récepteur de l’angiotensine II (ARA) est recommandé, habituellement en association avec un diurétique. L’apport de
sodium doit être limité à < 2,3 g/jour, conformément aux recommandations DASH (Dietary Approaches to Stop Hypertension)13.
La question de savoir si les valeurs cibles établies pour contrôler la
TA devraient être plus basses chez les patients atteints d’IRC a été
débattue. Des études antérieures ont fourni des résultats mitigés ; certaines ont démontré qu’une TA diastolique < 80 mm Hg a eu des effets
bénéfiques sur les MCV, alors que d’autres n’ont démontré aucune différence entre ces valeurs diastoliques cibles plus faibles et une TA diastolique aussi élevée que 90 mm Hg. Récemment, l’étude ACCORD
(Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes)14 a montré que la réduction de la TA à une valeur cible < 120/70 mm Hg vs < 140/90 mm Hg
n’a eu aucun effet bénéfique sur les résultats CV globaux, bien que le
taux de macroalbuminurie ait été moins élevé. Le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) a été également significativement réduit (HR
0,59 ; intervalle de confiance [IC] 0,39-0,89 ; P = 0,01), mais on a noté
en revanche une réduction accélérée du TFGe et une hypotension
accrue. On prévoit que les lignes directrices du JNC 8 et les nouvelles
lignes directrices KDIGO, qui remplacent celles de la NKF-KDOQI,
pourraient libéraliser la TA cible chez les patients atteints d’IRC à une
valeur < 140/90 mm Hg, probablement avec des exceptions pour certains groupes, tels que les patients présentant une macroalbuminurie.
Réduction des lipides
L’utilisation d’un traitement hypolipidémiant pour prévenir les événements CV chez les patients atteints d’IRC est controversée. Le profil
lipidique inhabituel observé dans cette population de patients ne fournit
pas une orientation claire pour contrôler le taux lipidique, et la relativement faible proportion d’événements cardiaques observée chez les patients
atteints d’une MCV liée à une IRC laisse également planer un doute sur la
nécessité d’un traitement hypocholestérolémiant. Les résultats indéterminés obtenus dans l’étude 4D15 (Die Deutsche Diabetes Dialyse Studie) et
dans l’étude AURORA16 (A Study to Evaluate the Use of Rosuvastatin in Subjects on Regular Hemodialysis : An Assessment of Survival and Cardiovascular
Events) n’ont pas permis de clarifier cette question. Dans l’étude 4D, 1255
sujets atteints du diabète de type 2 recevant une hémodialyse périodique
ont été répartis au hasard pour recevoir l’atorvastatine (20 mg par jour) ou
un placebo pendant 4 semaines et ont été suivis pendant une période
médiane de 4 ans. Les paramètres primaires, comprenant la mort d’origine
cardiaque, l’IM non mortel et l’AVC, n’étaient pas significativement réduits
dans le groupe recevant l’atorvastatine comparativement aux témoins
(risque relatif [RR] 0,92, IC à 95 % 0,77-1,10 ; P = 0,37). Bien que l’on ait
observé une réduction significative des événements cardiaques globaux
avec l’atorvastatine (RR 0,82 ; P = 0,03), le traitement n’a pas eu d’impact
significatif sur la mortalité totale (RR 0,93 ; P = 0,33). Les résultats ont
également montré une légère augmentation des événements cérébro-vasculaires (RR 1,12 ; P = 0,49). L’étude AURORA comprenait 2776 patients,
subissant également une hémodialyse périodique qui ont été répartis au
hasard pour recevoir la rosuvastatine (10 mg par jour) ou un placebo. Le
traitement a été administré pendant 3 mois et la période moyenne de suivi
était de 3,8 ans. Les chercheurs ont noté que le traitement par la rosuvastatine n’était pas associé à une réduction significative du paramètre primaire comprenant la mort d’origine CV, l’IM non mortel et l’AVC non
mortel (HR 0,96 ; IC à 95 % 0,84-1,11 ; P = 0,59), ni à une amélioration
de la mortalité toutes causes (HR 0,96 ; P = 0,51).
Afin d’élucider le rôle du traitement hypocholestérolémiant chez les
patients atteints d’IRC, l’étude SHARP (Study of Heart and Renal Protection)
a utilisé un traitement intensif. Les paramètres visaient à identifier les effets
du traitement sur la composante athéroscléreuse des MCV associées à
l’IRC17. Les critères de recrutement dans l’étude SHARP incluaient la sélection de patients âgés ≥ 40 ans ayant des antécédents d’IRC, dialysés ou
non, mais ayant un taux sérique de créatinine ≥ 1,7 mg/dL (150 mol/L)
chez les hommes, ≥ 1,5 mg/dL (130 mol/L) chez les femmes. De plus,
chez ces patients, un traitement visant à réduire le cholestérol LDL ne
devait pas être clairement indiqué ni contre-indiqué. Les paramètres primaires cardiovasculaires comprenaient des événements athéroscléreux
majeurs (mort d’origine coronarienne, IM, AVC non hémorragique ou
revascularisation). Les paramètres secondaires incluaient les événements
vasculaires majeurs (mort d’origine cardiaque, IM, AVC, revascularisation),
et des composantes des événements athéroscléreux majeurs. Le médicament à l’étude était une association d’ézétimibe 10 mg et de simvastatine
20 mg par jour (cette association fixe n’est pas disponible au Canada).
L’association était utilisée pour éviter les effets indésirables que devrait
engendrer une monothérapie par une statine administrée à une dose suffisamment élevée pour produire une réduction similaire du cholestérol
LDL. Les patients (n = 9438) ont été répartis au hasard pour recevoir l’ézétimibe/simvastatine (n = 4193), un placebo (n = 4191) ou la simvastatine
seule (n = 1054, pour une analyse de l’innocuité). Les patients dans le
groupe recevant la simvastatine seule ont été à nouveau répartis au hasard
pour recevoir le médicament à l’étude ou un placebo au bout d’un an, afin
d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de l’association ézétimibe/simvastatine.
La période de suivi était d’environ 5 ans. Initialement, le TFGe dans la
cohorte non dialysée était de 27 mL/min/1,73 m2, 80 % des patients
présentaient une albuminurie, 27 % des patients recevaient une hémodialyse et 5 % recevaient une dialyse péritonéale. Les taux lipidiques moyens
chez tous les participants étaient les suivants : LDL 2,8 mmol/L, HDL
1,1 mmol/L, triglycérides 2,3 mmol/L et cholestérol total 4,9 mmol/L.
Les résultats primaires de l’étude SHARP révélés initialement à la
Semaine du Rein 2010 de l’American Society of Nephrology, ont été présen-
Cardiologie
Actualités scientifiques
Contrôle glycémique
Le contrôle glycémique est essentiel dans le traitement du diabète.
Actuellement, le taux cible d’hémoglobine A1c est < 7,0 %, que les
patients soient atteints ou non d’IRC12. Trois études majeures ont
examiné l’impact de la réduction de ce taux cible à < 6 à 6,5 % et l’on a
constaté dans chacune de ces études que cette réduction a entraîné un
Figure 1 : Événements athéroscléreux majeurs dans l’étude SHARP17
20
Proportion présentant
des événements (%)
tés au symposium du Congrès mondial de néphrologie en 2011 intitulé «
L’insuffisance rénale chronique : pathogenèse, épidémiologie, prévention,
conséquences ». Le cholestérol LDL a été réduit de 1,07 mmol/L au bout
d’un an chez les patients recevant l’association ézétimibe/simvastatine
comparativement au groupe placebo. La simvastatine seule a réduit le
cholestérol LDL de 0,74 mmol/L vs le placebo. Après 2,5 ans, la réduction
du cholestérol LDL attribuable à l’association ézétimibe/simvastatine était
de 0,85 mmol/L, soit une baisse de 32 % comparativement au placebo (P
= 0,0001). Les chercheurs ont attribué cette diminution de l’effet thérapeutique à l’inobservance du traitement chez environ un tiers des patients vers
le milieu de l’étude. Une réduction significative du cholestérol total et des
triglycérides a également été observée.
Le paramètre primaire de l’étude SHARP (Figure 1) était une réduction de 17 % (rapport de risque 0,83, P = 0,0022) des événements
athéroscléreux majeurs. Une réduction significative du rapport de
risque, de 12 % à 28 %, a été observée pour les événements vasculaires
majeurs, à l’exception de l’AVC hémorragique. Le rapport de risque pour
l’AVC ischémique était de 0,79. Les auteurs n’ont noté aucun effet global
sur la mortalité. Les résultats en ce qui concerne le paramètre primaire
étaient les mêmes chez les patients dialysés et non dialysés. Les
chercheurs ont estimé que sous réserve d’une totale observance thérapeutique, l’utilisation de l’association ézétimibe/simvastatine entraînerait
une diminution du nombre d’événements athéroscléreux de l’ordre de
30 à 40 pour 1000 patients traités pendant 5 ans.
Étant donné les résultats de l’étude SEAS (Simvastatin and Ezetimibe
in Aortic Stenosis), des préoccupations ont été émises au sujet de l’incidence accrue du cancer. Cependant, dans l’étude SHARP, on n’a noté
aucune différence dans les taux de cancer entre le groupe traité et le
groupe placebo. Aucun autre problème significatif en matière d’innocuité n’a été observé dans cette étude. Des problèmes d’innocuité sont
apparus dans d’autres études utilisant des statines. Dans l’étude 4D, qui
évaluait l’utilisation de l’atorvastatine chez des patients diabétiques
dialysés, le risque d’AVC mortel a doublé par comparaison avec le
placebo (4 % vs 2 % ; rapport de risque = 2, 03, P = 0,04)15. De même,
dans l’étude AURORA16, on a noté une augmentation du nombre d’AVC
mortels et non mortels chez des patients diabétiques dialysés sous rosuvastatine. Il est important de noter que ces événements ont été associés
à l’initiation d’un traitement par une statine dans cette population de
patients, contrairement aux patients qui étaient déjà traités par une
statine avant l’instauration de la dialyse. Comme l’ont souligné Herrington et ses collègues18, l’association ézétimibe/simvastatine a significativement réduit le taux d’AVC non-hémorragiques (rapport de risque 0,75,
IC à 95 % 0,60-0,94, P = 0,01) et une augmentation non significative du
taux d’AVC hémorragiques (rapport de risque 1,21 ; IC à 95 % 0,781,86 ; P = 0,4). Ces résultats ont entraîné une réduction nette significative du taux d’AVC (rapport de risque 0,81 ; P = 0,04).
Les lignes directrices actuelles de la NKF-KDOQI recommandent
un traitement par une statine chez les patients diabétiques atteints d’IRC
et ayant un taux de cholestérol LDL ≥ 5,5 mmol/L, mais elles recommandent spécifiquement de ne pas initier un traitement par une statine
chez les patients diabétiques subissant une hémodialyse, sauf s’il existe
une indication CV spécifique12. L’actualisation potentielle des lignes
directrices à la lumière de ces études récentes serait d’utiliser des statines
ou l’association statine/ézétimibe chez les patients atteints de diabète et
d’IRC, mais de ne pas instaurer un traitement par des statines chez les
patients diabétiques dialysés.
Rapport de risque 0,83 (0,75-0,94)
Logrank 1 P = 0,0022
15
Placebo
Ézétimibe/
simvastatine
10
5
0
0
1
2
3
Années de suivi
4
5
SHARP = Study of Heart and Renal Protection
taux accru d’hypoglycémie sévère. On a mis fin à l’étude ACCORD 17
mois plus tôt que la date prévue en raison du taux accru de mortalité
toutes causes et de mortalité CV19, alors que l’étude ADVANCE20 (Action
in Diabetes and Vascular Disease – Preterax and Diamicron Modified Release
Controlled Evaluation) et l’étude VADT21 (Veterans Affairs Diabetes Trial)
n’ont montré aucun bénéfice en termes de MCV. Cependant, dans les
études ADVANCE et ACCORD, les taux de microalbuminurie et de
macroalbuminurie d’apparition nouvelle ont été réduits.
L’étude à long terme UKPDS22 (United Kingdom Prospective Diabetes
Study; suivi médian 10 ans, 30 ans au maximum) a examiné l’efficacité d’un
traitement antiglycémique moins intensif, avec un taux cible d’A1c entre 7,5
et 8,5 %. Ce contrôle glycémique moins intensif a entraîné une réduction
de la mortalité, de l’IM non mortel et de l’atteinte microvasculaire.
Récemment, une revue systématique non publiée de paramètres clés
effectuée en vue de mettre à jour les lignes directrices de la NKF-KDOQI
a montré qu’un contrôle glycémique intensif n’a pas entraîné une amélioration de la mortalité toutes causes. L’IM non mortel était l’unique
paramètre CV qui a montré une légère amélioration. Le risque d’hypoglycémie sévère était notablement accru. Toutes les données probantes
actuelles suggèrent qu’une réduction du taux d’A1c à une valeur se situant
entre 6,4 et 7,0 % chez des patients atteints de diabète de type 2 avéré n’a
pas amélioré la plupart des paramètres cliniques évalués lors d’un suivi
effectué entre 4 et 10 ans comparativement à un traitement avec lequel
des taux d’A1c se situant entre 7,3 % et 8,4 % ont été obtenus. En
revanche, un contrôle intensif entraîne des effets plus nocifs tels qu’un
taux accru d’hypoglycémie sévère. Les révisions que l’on propose d’apporter aux lignes directrices sont l’obtention d’un taux cible d’A1c > 7,0 %
chez les patients souffrant de comorbidités telles qu’une MCV, qui limitent l’espérance de vie (cette définition inclut les patients atteints d’IRC).
Les lignes directrices ne recommandent pas des agents thérapeutiques spécifiques, bien que l’on doive éviter la metformine en raison du
risque d’acidose lactique. Un contrôle diététique des glucides et un
apport réduit en protéines sont recommandés.
Anémie
L’anémie est fréquemment associée à l’IRC, et elle est un facteur de
risque de MCV et de mortalité prématurée, de même qu’elle a un effet
négatif sur la qualité de vie23. Étant donné que les agents stimulant l’érythropoïèse (ASE) tels que la darbépoétine, sont connus pour avoir un
effet important, ils ont été recommandés dans les lignes directrices de la
NKF-KDOQI avant que les résultats des études d’efficacité soient
disponibles. Cependant, une étude contrôlée avec placebo de la darbépoétine menée chez 4038 patients24 n’a démontré aucun effet CV bénéfique chez les patients atteints d’IRC, de diabète et d’anémie, malgré un
taux d’hémoglobine accru, alors que l’on a noté une augmentation significative du risque d’AVC mortel et non mortel (5 % vs 2,6 % dans le
groupe placebo ; P = 0,001) et une hausse du taux de récidive du cancer
Cardiologie
Actualités scientifiques
et de la mortalité. De même, d’autres études qui n’étaient pas contrôlées
avec placebo comparant différents taux cibles d’hémoglobine avec un
traitement par des ASE n’ont pas démontré un bénéfice en termes de
MCV ou de mortalité.25,26. Les lignes directrices du KDIGO ne devraient
donc pas recommander un traitement par des ASE pour réduire la prévalence des MCV chez les patients atteints d’IRC.
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Troubles du métabolisme osseux
Il existe jusqu’à présent un nombre insuffisant de données à l’appui
d’un traitement des troubles du métabolisme osseux dans l’IRC, mais des
données observationnelles montrent que le taux de phosphore sérique
pourrait être une cible thérapeutique pour réduire le risque de MCV. Ce
n’est pas le cas de l’hormone parathyroïdienne27.
Thérapie intégrée
L’étude Steno-228 a comparé une approche intensive multifactorielle
à un traitement standard chez 160 patients danois atteints du diabète de
type 2 et présentant une microalbuminurie persistante. Les cibles
thérapeutiques étaient un taux d’A1c < 6,5 %, un taux de cholestérol total
< 4,5 mmol/L et une TA < 130/80 mm Hg. Les patients dans le groupe
de traitement intensif ont été traités par une pharmacothérapie pour parvenir aux valeurs cibles, conjointement à une modification de leur comportement. Ils ont tous reçu de l’acide acétylsalicylique à faible dose,
ainsi que des inhibiteurs du système rénine-angiotensine pour traiter
leur microalbuminurie. Après un suivi de 8 ans, les patients dans le
groupe de traitement intensif ont obtenu une réduction de 50 % du
risque relatif d’événements CV majeurs et une réduction relative de la
mortalité au bout de 13 ans.
Conclusion
Les progrès réalisés dans la compréhension des différences quantitatives et qualitatives dans les MCV associées à une IRC permettent de
clarifier les types de traitement qui sont les plus efficaces pour réduire le
risque CV élevé présent dans cette importante population de patients. Il
est probable que les thérapies appropriées conçues pour aider les
patients à atteindre les valeurs tensionnelles, lipidiques et glycémiques
cibles améliorent considérablement les paramètres CV chez les patients
atteints d’IRC.
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