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Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com L’anthropologie 113 (2009) 662–678 www.em-consulte.com Article original Les saïgas dans l’art magdalénien The saïga antelope in Magdalenian Art Gerhard Bosinski 3, place Mazelviel, 82140 Saint-Antonin-Noble-Val, France Disponible sur Internet le 7 novembre 2009 Résumé L’antilope saïga est un ongulé de la taille d’une chèvre, parfaitement adaptée à l’aridité, résistant au froid et à la chaleur. Son nez busqué forme une courte trompe, ce qui lui permet de réchauffer l’air trop froid et de filtrer la poussière. Aujourd’hui, on trouve cet animal dans les steppes au climat sec d’Asie centrale et particulièrement au Kazakhstan. Aux temps historiques, sa répartition géographique s’étendait vers l’ouest jusqu’en Ukraine. Au Paléolithique, dans les périodes particulièrement sèches et froides, le saïga apparaît aussi bien en Bretagne qu’en Calabre. L’antilope saïga est rarement figurée au Magdalénien : 22 représentations dans 16 sites. En général, elle est peu présente dans les décomptes de faune chassée, à l’exception de quelques gisements girondins (en particulier Moulin-Neuf) où il semble que cette espèce ait constitué un gibier recherché. Dans les autres sites qui ont livré ses représentations, ses vestiges sont rares ou absents. Le cadre chronologique des représentations s’étend du Magdalénien moyen (Moulin-Neuf, Enlène) au Magdalénien final (Peyrat, Limeuil). Bien présent dans la faune de la première partie du Magdalénien moyen (Magd. III) en Europe du Sud-Ouest, l’animal était néanmoins connu jusqu’à la fin du Magdalénien. # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Magdalénien ; Antilope saïga ; Art Abstract The saïga antelope in Magdalenian Art. The saïga antelope is the size of a goat. It is perfectly adapted to an arid climate and can also endure heat and cold. Its large nose has a cavity in which inhaled cold or warm air is adapted to body temperature. Today the saïga antelope lives in the arid steppes of Central Asia, first of all in Kazakhstan. In historical times, its range extended westwards to the Ukraine. In especially dry and cold periods of the Palaeolithic, the animal was found as far west as Brittany and Cantabria. With 22 representations at 16 sites the saïga antelope was only seldom depicted in the Magdalenian. This corresponds to its minor importance as a hunted animal. Only at Moulin Neuf and other sites in the Gironde region was the saïga antelope a frequent prey. Most of the sites with representations of the saïga delivered only a few or no bones of the animal. Chronologically, the representations cover the timespan from Middle Adresse e-mail : [email protected]. 0003-5521/$ – see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anthro.2009.08.001 G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 663 (Moulin Neuf, Enlène) to Final (Peyrat, Limeuil) Magdalenian. During the first part of the Middle Magdalenian (Magd. III), the saïga antelope was an element of the fauna in Southwestern Europe, but the animal was known until the end of Magdalenian. # 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Magdalenian; Saïga Antelope; Art L’antilope saïga (Fig. 1 et 2) est un ongulé de la taille d’une chèvre, parfaitement adaptée à l’aridité, résistante au froid et à la chaleur. Son nez busqué forme une courte trompe, ce qui lui permet de réchauffer l’air trop froid et de filtrer la poussière (Žirnov, 1982). Fig. 1. Antilopes Saïga. D’après Žirnov (1982). Saïga Antelopes. After Zˇirnov (1982). 664 G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 Fig. 2. Antilope Saïga. D’après Piette (1907). Saïga Antelope. After Piette (1907). Fig. 3. Saïga sur bois de renne. Laugerie Basse (Dordogne). D’après Lartet et Christy (1865–1875). Saïga representation on reindeer antler. Laugerie Basse (Dordogne). After Lartet et Christy (1865–1875). G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 665 Fig. 4. Saïga, Bovidé et chevaux sur un os d’oiseau. Le Peyrat (Dordogne). D’après Cleyet-Merle (1988). Saïga, bovid, and horses on a birds bone. Le Peyrat (Dordogne). After Cleyet-Merle (1988). Aujourd’hui, on trouve cet animal dans les steppes d’Asie centrale au climat sec, surtout dans le Kazakhstan. Aux temps historiques, sa répartition géographique s’étendait vers l’Ouest jusqu’en Ukraine. Au Paléolithique, dans les périodes particulièrement sèches et froides, on retrouve le saïga aussi bien en Bretagne qu’en Calabre. Fig. 5. Tête de Saïga sur bloc calcaire. La Souquette (Dordogne). D’après Dubourg et al. (1994). Head of a Saïga on a block of limestone. La Souquette (Dordogne). After Dubourg et al. (1994). 666 G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 Fig. 6. Saïga sur la plaquette 77 de Limeuil (Dordogne). D’après Tosello (2003). Saïga on plaque 77 of Limeuil (Dordogne). After Tosello (2003). Ses ennemis naturels sont le loup et le guépard. Actuellement, l’effectif des saïgas a fortement diminué. En effet, les mâles sont l’objet d’une chasse intensive car leurs cornes réduites en poudre sont utilisées en pharmacopée. En outre, les chiens attaquant les femelles pendant la mise bas sont responsables de la forte mortalité des jeunes. Fig. 7. Saïgas sur plaquette calcaire. Moulin-Neuf (Entre-Deux-Mers). D’après Lenoir et Welté (2002). Saïgas on a limestone plaque. Moulin-Neuf (Entre-Deux-Mers). After Lenoir et Welté (2002). G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 667 Fig. 8. Têtes de Saïgas sur lissoir en os. La Vache (Ariège). D’après Nougier et Robert (1958). Saïga heads on a lissoir of bone. La Vache (Ariège). After Nougier et Robert (1958). Fig. 9. Têtes de Saïga et biche (?) sur un fragment d’une côte. Gourdan (Haute-Garonne). D’après Piette (1907). Heads of Saïga and hind (?) on a rib-fragment. Gourdan (Haute-Garonne). After Piette (1907). Au Magdalénien, l’antilope saïga est plusieurs fois représentée. L.R. Nougier et R. Robert donnent en 1958 une première liste des images à la suite de la description du Lissoir aux saïgas de la grotte de La Vache. Dans l’art mobilier, ils citent les gravures de Gourdan, du Mas d’Azil et de Limeuil, auxquelles ils ajoutent, avec quelques réserves, des dessins de Lacave, de Laugerie-Basse Fig. 10. Corne de Saïga sur un fragment en os. Mas d’Azil (Ariège). D’après Piette (1907). Saïga horn on a bone-fragment. Mas d’Azil (Ariège). After Piette (1907). 668 G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 et de La Madeleine, qui vraisemblablement ne représentent pas l’antilope saïga. En grotte, les saïgas sont reconnus aux Combarelles II et à Rouffignac. Un dessin des Trois Frères déterminé par Breuil est mentionné comme un saïga possible. Dubourg et al. (1994) ont publié l’inventaire le plus récent des images de cette espèce à l’occasion de la publication d’une tête de saïga sur un bloc calcaire de l’abri de La Souquette près de Sergeac (Dordogne). Ces auteurs décomptent en art mobilier : La Vache, Gourdan, Bize, Peyrat, une tête de Gönnersdorf et le propulseur de la grotte d’Enlène, en art pariétal seulement Les Combarelles II. Actuellement, je connais des images d’antilope saïga dans 16 sites, le plus souvent dans l’art mobilier. Déjà en 1863, pendant leurs fouilles à Laugerie-Basse, Édouard Lartet et Henry Christy ont trouvé la gravure d’un saïga sur bois de renne (Fig. 3). Ils décrivent ce saïga de la façon suivante : « ...nearly entire engraved outline of a horned animal like an Ibex (Wild Goat or Bouquetin). The horns point upwards with a slight backward curve. At a little distance behind the horns is an indication of deep-set, sharp, longish ears, pointing somewhat backward. Below, the chin Fig. 11. Sculpture de Saïga sur le crochet d’un propulseur en bois de renne. Grotte Enlène (Ariège). D’après Bégouen et al. (1986). Carving of a Saïga at the hook of a spear-thrower from reindeer antler. Grotte Enlène (Ariège). After Bégouen et al. (1986). G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 669 appears a tuft of hair, or beard. By these features, the figure is referable to an Ibex, although the rather full forehead and the swollen crest behind the ears are somewhat opposed to this conclusion » (Lartet et Christy, 1865–1875 : 143 f). Ces attributs, par exemple, le « dos du nez gonflé » ( full forehead), indiquent sans aucun doute une antilope saïga, dont la présence éventuelle en Aquitaine pendant l’âge du renne était en principe connue aux temps de Lartet et de Christy : C’est en effet E. Lartet lui-même qui a déterminé quelques ossements en écrivant « Ainsi, les fouilles faites récemment dans deux stations humaines de l’époque du Renne, dans le Périgord, nous y ont fait découvrir des restes d’une Antilope que nous serons probablement conduits à attribuer au saïga (Ant. saïga, Sall.), qui vit encore en troupes nombreuses dans la Russie méridionale et sur les pentes nord de l’Altai » (Lartet, 1864 : 1201). L’animal est représenté en entier. Les pattes postérieures sont dessinées repliées tandis que les sabots atteignent le ventre « The ancient artist has curiously figured both hind legs of the animal as turned, at the hocks, abruptly forwards and upwards, so that the hoofs (distinctly cloven) touch the belly, although there was sufficient space on the piece of horn for these limbs to have been given in their normal position » (Lartet et Christy, 1865–1875 : 144). Cette étrange attitude semble illustrer le fameux « saut vertical » des animaux pendant leur fuite, qui est signalé par plusieurs auteurs (Koby, 1958 : 33). Cette antilope saïga de Laugerie-Basse ne figure pas dans les listes antérieures. D’autres représentations du saïga en Dordogne viennent du Peyrat, de La Souquette et de Limeuil. Cleyet-Merle (1988) a décrit un os d’oiseau gravé trouvé par A. Cheynier pendant ses fouilles dans une couche du Magdalénien final du Peyrat à Saint-Rabier. Une des faces d’un petit os de 4 cm de long porte l’esquisse de deux chevaux. Sur l’autre face, on voit l’arrière-train d’un bovidé suivi de la tête d’un saïga (Fig. 4). La tête globuleuse, au renflement nasal net, permet de reconnaître sans difficulté une image de cette antilope, un mâle sans doute en raison de la présence de la corne. Le bloc calcaire de La Souquette publié par Dubourg et al. (1994) provient des déblais des fouilles d’Otto Hauser. Une face du bloc conservé au Musée Castanet à Sergeac porte l’image d’un bison, l’autre face, la tête d’un saïga au museau busqué caractéristique (Fig. 5). Ici, aussi, il s’agit d’un mâle. Fig. 12. Saïga et poisson sur un fragment d’une côte. Grande Grotte de Bize (Aude). D’après Sacchi (2003). Saïga and fish on a rib-fragment. Grande Grotte of Bize (Aude). After Sacchi (2003). 670 G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 Fig. 13. Tête de Saïga sur une pièce en os. Abri Montastruc (Tarn-et-Garonne). D’après Bétirac (1952). Saïga head on a bone-fragment. Abri Montastruc (Tarn-et-Garonne). After Bétirac (1952). Fig. 14. Tête de Saïga sur la plaquette 306 de Gönnersdorf (Rhénanie). Saïga head on plaque 306 of Gönnersdorf (Rhineland). G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 671 L’animal gravé sur la plaquette 77 de Limeuil (Fig. 6) figure déjà chez Nougier et Robert (1958) – sur l’indication de F.E. Koby – comme saïga. Tosello (2003 : 157) croit, que « . . .cette bizarre silhouette semble intentionnellement maintenue dans l’indétermination. . . » Mais la forme de la tête avec le dos du nez bombé qui est caractéristique et aussi le contour du corps permettent d’identifier un saïga. Les cornes ne sont pas dessinées, il s’agit donc d’une femelle ou d’un animal jeune qui, d’après la position allongée des jambes, est représenté en pleine course. Plus à l’Ouest, l’abri de Moulin-Neuf (Entre-Deux-Mers, Gironde) a livré une plaquette calcaire gravée montrant une silhouette féminine schématique et les têtes plus ou moins complètes de deux saïgas (Fig. 7). Bien que ces animaux décrits par Lenoir et Welté (2002) se limitent à des esquisses peu soignées, l’animal le plus proche de la silhouette féminine présente une tête typique de saïga. C’est par comparaison avec ce dernier que l’autre animal, avec son grand œil et son cou strié peut aussi être interprété comme un saïga. Fig. 15. Ligne dorsal de Saïga sur la plaquette 287 de Gönnersdorf (Rhénanie). Backline of a Saïga on plaque 287 of Gönnersdorf (Rhineland). 672 G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 Des images célèbres de cet animal proviennent de la région des Pyrénées. Les deux têtes de mâles face à face, rivaux, du « Lissoir aux saïgas » de La Vache (Ariège) ont été déjà décrites par Nougier et Robert (1958) ; comp. Baffier et al., 2003. Le graveur a parfaitement rendu le museau busqué, les cornes légèrement courbées en arrière et les petites oreilles qui caractérisent l’antilope saïga (Fig. 8). C’est aussi le cas pour le dessin tout en finesse d’une tête dressée de saïga sur un fragment de côte (Fig. 9) provenant de fouilles d’Édouard Piette dans la grotte de Gourdan près de Montrejeau Fig. 16. Deux Saïgas sur la plaquette 70 B de Gönnersdorf (Rhénanie). Two Saïgas on plaque 70 B of Gönnersdorf (Rhineland). G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 673 (Haute-Garonne ; Piette, 1907). Avant tout, le dos du nez bombé, l’œil, l’oreille et la corne sont ceux d’un saïga. Comme les deux têtes du « Lissoir aux saïgas », la tête et la corne portent un remplissage de hachures et de segments obliques. Cette tête est précédée d’une autre tête, limitée à sa partie postérieure, mais que les longues oreilles incitent à identifier comme biche. La grotte des Espélugues à Lourdes a livré une figure qui fut interprétée d’abord comme saïga par Piette (Piette, 1907 : Pl. 23,4) interprétation que celui-ci a lui-même corrigée (Piette, 1907 : 109) : il s’agit d’un bison. En revanche, « l’extrémité d’un fragment en os, sur laquelle est gravée une corne d’antilope » (Piette, 1907, Explication de la Planche LXIX) du Mas d’Azil (Ariège) représente la corne d’un saïga (Fig. 10). Comme les individus du « Lissoir aux saïgas » de La Vache et aussi comme celui de Gourdan, la corne montre un remplissage de lignes obliques. La partie d’un crochet d’un propulseur en bois de renne de la grotte d’Enlène (Ariège) représentant une antilope saïga est remarquable (Fig. 11). La forme de cette sculpture décrite par Bégouen et al. (1986) n’est pas seulement influencée par sa fonction comme support de javelot, Fig. 17. Têtes de Saïga et de Bison sur un poignard en os. Grotte Pekarna (Moravie). D’après Valoch (2001). Heads of a Saïga and a Bison on a dagger of bone. Pekarna cave (Moravia). After Valoch (2001). 674 G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 mais aussi par la morphologie du bois de renne et donc la place disponible. Le résultat est un animal au corps rectangulaire, qui baisse la tête. Au Sud-Est, dans la Grande Grotte de Bize (Aude), D. Sacchi a trouvé un fragment de côte sur lequel est gravée une antilope saïga (Fig. 12) entièrement représentée (Sacchi, 2003). La tête grossièrement dessinée avec le dos du nez bombé, les cornes et aussi les hachures qui indiquent le poil hérissé caractérisent un mâle dominant (comp. Žirnov, 1982 : photo d’après p. 129). La partie antérieure d’un poisson suit cette figure. Un peu plus au Nord, dans la vallée de l’Aveyron, l’abri Montastruc près de Bruniquel (Tarnet-Garonne) a livré la tête d’un saïga (Fig. 13) gravée sur os (Bétirac, 1952). Le dos du nez bombé, muni de traits transversaux figurant les plis de la peau, ne laissent pas douter qu’il ne s’agisse d’une antilope saïga. D’autres représentations de cette espèce sont connues en Europe centrale. À Gönnersdorf en Rhénanie, j’en ai reconnues quatre (Bosinski, 2008). Dans un coin de la plaquette de schiste 306, se trouve la tête d’un saïga (Fig. 14). La bouche et le grand œil oval-pointu sont dessinés avec Fig. 18. Deux Saïgas au fond d’une galerie d’Altxerri (Gipuzkoa). D’après Altuna (1996). Two Saïgas at the end of a corridor of Altxerri (Gipuzkoa). After Altuna (1996). G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 675 précision. Des traits courbes sur le museau busqué représentent les plis caractéristiques de la peau de cet animal. Le contour inférieur de la tête ne présente aucune pilosité. Il semble que cette tête soit intentionnellement placée au bord de la plaquette et qu’on ait volontairement renoncé aux autres détails (cornes, cou). Sur la plaquette 287 se trouve la ligne dorsale de la tête, de la nuque et de la partie antérieure du dos d’un saïga (Fig. 15). Le trait courbé de la partie nasale indique le dos de son nez typiquement bombé. On peut aussi reconnaître une corne pointue légèrement courbée en avant et peut-être une oreille. Dans le palimpseste de la plaquette 70 B, j’ai déchiffré deux saïgas, l’une derrière l’autre (Fig. 16). L’animal de gauche avec la tête dressée en avant et les quatre pattes est à peu près entièrement déchiffré. Les pattes antérieures, détaillées, ont été dessinées jointives. Une paire de pattes leur a été adjointe dans l’attitude du galop : très schématiques, rendues par des traits courbes parallèles ; elles ont vraisemblablement été réalisées par un autre graveur. Les pattes postérieures n’ont pas été complétées de la même façon. L’individu qui le suit n’est qu’en partie déchiffré. Mais les pattes postérieures ont été traitées de la même manière : à côté des pattes graciles et jointives, on peut observer une autre paire de pattes maladroitement tracées. Peut-être ces multiplications de pattes illustrent-elles cette coutume répandue avant tout au Magdalénien final (Riemer, 2002) de représenter les animaux avec des segments anatomiques surnuméraires, surtout des pattes, dans des attitudes différentes, comme pour exprimer le déroulement d’un mouvement. Une dernière représentation de l’antilope saïga dans l’art mobilier provient de la grotte Pekarna en Moravie (Valoch, 2001). Sur le plus grand des « poignards » en os trouvé dans cette grotte, la tête avec les deux cornes, l’oreille et le cou d’un animal dirigé à droite sont gravés (Fig. 17). Le précédant, orienté en sens inverse, figure un protomé de bison. Dans l’art pariétal, trois grottes contiennent des images de saïgas. Les gravures d’Altxerri en Pays Basque sont les plus impressionnantes (Altuna, 1996). À l’extrémité d’une galerie latérale, deux saïgas sont dessinés en traits clairs et bien visibles au-dessus d’une surface blanche raclée dans la couche brune altérée de la paroi rocheuse. La tête et le cou d’un premier animal orienté à Fig. 19. Tête de Saïga dans la Grotte des Combarelles II (Dordogne). D’après Aujoulat (1984). Saïga head in the Combarelles II cave (Dordogne). After Aujoulat (1984). 676 G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 gauche sont bien visibles (Fig. 18). À la racine des cornes, le dessin semble corrigé par plusieurs traits. L’œil est indiqué par plusieurs incisions obliques et la partie inférieure du cou est modelée par des hachures. La deuxième antilope saïga est figurée par le museau busqué et une corne. Un autre exemple se trouve aux Combarelles II en Dordogne (Aujoulat, 1984). Il s’agit de la tête orientée à gauche d’un saïga avec le dos du nez typique, les cornes, l’oreille et le début de la nuque (Fig. 19). Bien que l’oreille longue et pointue ne correspond pas à celle d’un saïga, il s’agit quand même d’une représentation de cet animal. Pour terminer, dans la partie la plus reculée de la grotte de Rouffignac (Dordogne), on trouve une tête dessinée en tracé polydigital avec deux cornes et une oreille ronde (Plassard, 1999). Un nodule de silex de la paroi rocheuse peut figurer l’œil (Fig. 20). La forme et les proportions de la tête correspondent assez bien à l’antilope saïga. Fig. 20. Tête de Saïga au fond de la Grotte Rouffignac (Dordogne). D’après Plassard (1999). Saïga head situated in a remote corridor of the Rouffignac cave (Dordogne). After Plassard (1999). G. Bosinski / L’anthropologie 113 (2009) 662–678 677 Fig. 21. Répartition des représentations de Saïga au Magdalénien. 1. Altxerri (Gipuzkoa). 2. Gourdan (Haute-Garonne). 3. Grotte Enlène (Ariège). 4. La Vache (Ariège). 5. Mas d’Azil (Ariège). 6. Bize (Aude). 7. Moulin-Neuf (Gironde). 8. Rouffignac (Dordogne). 9. Les Combarelles II (Dordogne). 10. La Souquette (Dordogne). 11. Limeuil (Dordogne). 12. Peyrat (Dordogne). 13. Laugerie-Basse (Dordogne). 14. Montastruc (Tarn-et-Garonne). 15. Gönnersdorf (Rhénanie). 16. Pekarna (Moravie). Repartition of Saïga representations in the Magdalenian. 1. Altxerri (Gipuzkoa). 2. Gourdan (Haute-Garonne). 3. Grotte Enlène (Ariège). 4. La Vache (Ariège). 5. Mas d’Azil (Ariège). 6. Bize (Aude). 7. Moulin-Neuf (Gironde). 8. Rouffignac (Dordogne). 9. Les Combarelles II (Dordogne). 10. La Souquette (Dordogne). 11. Limeuil (Dordogne). 12. Peyrat (Dordogne). 13. Laugerie-Basse (Dordogne). 14. Montastruc (Tarn-et-Garonne). 15. Gönnersdorf (Rhénanie). 16. Pekarna (Moravia). L’antilope saïga est rarement figurée au Magdalénien : 22 représentations sont répertoriées dans 16 sites (Fig. 21). En général, elle est peu présente dans les décomptes de faune chassée, à l’exception de quelques gisements girondins (en particulier Moulin-Neuf) où il semble que cette espèce ait constitué un gibier recherché. Dans les autres sites qui ont livré ses représentations, ses vestiges sont rares ou absents. Le cadre chronologique des représentations s’étend du Magdalénien moyen (Moulin-Neuf, Grotte d’Enlène) au Magdalénien final (Le Peyrat, Limeuil). Bien représenté dans la faune de la première partie du Magdalénien moyen (Magd. III) en Europe du Sud-Ouest (Delpech, 1989), cet animal est néanmoins connu jusqu’à la fin du Magdalénien. Remerciements La correction du texte français a été faite par Anne-Catherine Welté que je remercie beaucoup. 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