Chapitre 7 Choix des projets Analyse coûts
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Chapitre 7 Choix des projets Analyse coûts
Chapitre 7 Choix des projets Analyse coûts-avantages (Costs Benefits Analysis) Principales questions abordées dans ce chapitre : • Choix sans risque : critère de la valeur nette actualisée et critères auxiliaires optimisation d'un projet projets incompatibles projets indépendants • Choix avec risque : risques probabilisables : critère de l'espérance d'utilité actualisée Assurance Risques non probabilisables : critères "maxi-min" et "mini-max" • Investissement et impôt 1. Introduction Ce chapitre porte sur l’analyse coûts-avantages (Costs Benefits Analysis). Cette analyse s’applique au choix des projets publics ou privés. Dans le cas des projets publics, les coûts et les avantages sont évalués sur la base de leur valeur socio-économique, qui tient compte des effets directs, mais aussi des externalités (positives ou négatives) ainsi que, par exemple, de la valeur (équivalent monétaire) du temps gagné grâce au projet (voir cours d’économie publique et d’économie des transports en deuxième année ; voir aussi instruction-cadre du 25 mars 2004 relative aux méthodes d’évaluation des grands projets d’infrastructure de transport, ministère de l’équipement, des Transports, du Logement , du tourisme et de la mer). Dans le cas des projets privés, les coûts et les avantages sont évalués sur la base de leur valeur purement monétaire et financière. C’est cette approche que l’on retiendra exclusivement dans le présent chapitre de ce cours d’initiation. Les motifs qui conduisent les entrepreneurs à déterminer leurs investissements peuvent être nombreux et sont parfois complexes. Mais parmi les différents critères de décision, il en est un qui ne saurait être ignoré sans de graves mécomptes : c'est la rentabilité que l'on peut attendre de l'investissement projeté. Nous aborderons cette étude de rentabilité de façon simplifiée, en supposant que l'entrepreneur, qui étudie l'investissement, est aussi le propriétaire de l'entreprise. Il est alors possible d'établir un lien direct entre la détermination de l'investissement et le niveau d'utilité du consommateur-entrepreneur (CE). 1 Autre hypothèse simplificatrice : on supposera qu'il existe un marché financier parfait, sur lequel l'entrepreneur peut emprunter ou prêter sans limitation de quantité, à un taux d'intérêt annuel r exogène, que l'on supposera en outre indépendant de la durée de l'emprunt ou du prêt. On s'écartera toutefois du cadre du marché financier parfait dans quelques cas particuliers, qui seront signalés au passage. Enfin, on fera abstraction de la fiscalité, sauf en fin de chapitre (§ 4). 2. Choix des investissements en l'absence de risque 2.1. Le critère d'utilité du consommateur-entrepreneur Supposons que le consommateur, dont nous avons examiné au chapitre 10 le comportement de consommation et d'épargne, ait maintenant l'idée de fabriquer un produit correspondant à l'un de ses savoir-faire, et qu'il se livre à une étude d'investissement, en supposant 'pour le moment) qu'il sait en déterminer exactement, sans risque d'erreur, toutes les caractéristiques : coût de l'investissement, coûts variables de fabrication et prix de vente du produit, quantités écoulées, etc. Notre consommateur-entrepreneur va alors se demander si et dans quelle mesure le lancement du projet de ce type lui permettrait s'améliorer son niveau d'utilité intertemporelle, par rapport au "scénario de référence" dans lequel il s'abstiendrait de tout projet. De cette maximisation du niveau d'utilité intertemporelle du consommateurentrepreneur découle le critère principal d'analyse de la rentabilité prévisionnelle des projets (§ 2.2), ainsi que les méthodes d'optimisation (§ 2.3) et les méthodes de chois des investissements incompatibles (§2.4) ou indépendants (§2.5). 2.2. Rentabilité prévisionnelle : critère de la "valeur nette actualisée" (ou de "bénéfice actualisé") On commencera par observer que la satisfaction intertemporelle optimale (ou « utilité indirecte ») de tout consommateur croît avec son revenu actualisé : on mettra cette propriété en évidence dans le cas particulier d’une fonction d’utilité intertemporelle de type habituel.. On considèrera alors un « scénario sans projet » et un « scénario avec projet » et on en déduira un critère de décision en en comparant mes revenus actualisés de l’entrepreneurpropriétaire dans les deux cas. 2.2.1. Remarque préliminaire : la satisfaction intertemporelle optimale de tout consommateur croît avec son revenu actualisé. Cette propriété est intuitive. Elle est mise en évidence ci-dessous avec une fonction d’utilité intertemporelle standard. Considérons un consommateur maximisant son niveau d’utilité intertemporelle U en optimisant le programme Rt . Adoptons les hypothèses suivantes : -le durée de vie du projet est T , que l’on supposera provisoirement infinie ; de ses revenus - le fonction d’utilité intertemporelle du consommateur est de la forme standard séparable additive avec aversion au risque constante : 2 T U =∑ t =0 1 (1 + a ) . t Ct1− ε − 1 1−ε (1) Le programme de consommation est soumis à la contrainte budgétaire actualisée : T R − C = 0 avec R = ∑ t =0 T Rt (1 + r ) C =∑ et t t =0 Ct (1 + r ) (2) t Le programme d'optimisation sous contrainte du consommateur le conduit alors à considérer le Lagrangien : Λ ( Ct ε ) = U ( Ct ε ) + λ . ( R − C ) (3) On montre alors (voir annexe 1) que la solution est de la forme : 1 1 + r ε Ct = R . A. 1+ a (4) dans laquelle le facteur A dépend des paramètres Donc si le revenu actualisé ( a, r , ε , T ) , mais ne dépend pas de la période t . R augmente, la consommation Ct de chaque période t augmente proportionnellement. U est une fonction croissante de chaque Ct . Donc U augmente elle-aussi (mais, en général, non-proportionnellement). Comme on pouvait s'y attendre, U (à l'optimum) est une fonction croissante de R . Or en revenant à (1), on voit que 2.2.3. Considérons maintenant le « scénario sans projet » et le « scénario avec projet » On suppose que dans la « situation de référence », c’est-à-dire dans l’hypothèse où il s’abstiendrait de réaliser ce projet, l’entrepreneur-consommateur disposerait d’un revenu actualisé Rsp appelé « revenu actualisé sans projet ». L’entrepeneur-consommateur considère alors l’hypothèse ou il réaliserait le projet et se demande quel serait alors son revenu actualisé Rap appelé « revenu actualisé avec projet ». Supposons que le entrepreneur-consommateur réalise en période 0 un investissement I 0 qu’il finance de deux façons : - par apport personnel, ou « autofinancement », prélevé sur son revenu α .I 0 avec Rsp , à concurrence d’un montant : 0 ≤α ≤1 - par emprunt, à concurrence du complément (1 − α ) .I 0 , qui sera remboursé par une série de versements Vt , (en partie intérêts, en partie principal), dont la somme actualisée est équivalente4 : ∞ (1 − α ) .I 0 = ∑ t =0 4 (8) Vt (1 + r ) t Voir encadré du chapitre 10 3 Supposons que l’activité de l’entreprise dégage en période (1) un excédent brut d’exploitation EBEt ( I 0 ) , excédent des ventes sur les dépenses courants d’exploitation (consommations intermédiaires, coûts salariaux, à l’exclusion de tous frais financiers). VAt = CAt − CI t avec : * Chiffre d’affaire : CAt = pt * Yt (prix de vente par quantités vendues) * Consommations intermédiaires : CI t = ∑ pit * xit dépenses en produits consommables Valeur ajoutée : i EBEt = VAt − MS t avec : * Masse salariale : MS t = ∑ w jt * L jt où : Excédent brut d’exploitation : j L j est le nombre d’emplois de catégorie j w j est la « rémunération salariale » (salaire brut et cotisations sociales employeur) par emploi de catégorie j L’estimation de ces flux est à l’évidence un élément aussi délicat que crucial dans le processus de décision : on y reviendra dans les petites classes. Le revenu actualisé avec projet de calcule comme suit : ∞ Rap = Rsp − α . I 0 + ∑ EBE (I 0 ) − Vt t =0 (9) (1 + r )t Nota : l’ EBE est évidemment fonction du dimensionnement du projet, donc de l’importance I 0 de l’investissement. Compte tenu de (8), la relation (9) s’écrit : ∞ Rap = Rsp − I 0 + ∑ t =0 EBE (I 0 ) (10) (1 + r )t L’augmentation du revenu actualisé due au projet sera appelée « valeur nette actualisée (VAN)1 » ou « bénéfice actualisé ( B ) » du projet : VAN ou B = Rap − Rsp ∞ VAN ou B = − I 0 + ∑ ⇔ t =0 EBE (I 0 ) (1 + r )t (11) Comme on a vu ci-dessus que son niveau d’utilité croît avec son revenu actualisé, l’entrepreneur – consommateur a intérêt à réaliser le projet si et seulement si celui-ci dégage une valeur nette actualisée positive (ou éventuellement nulle) : VAN ou B ≥ 0 (12) Tel est le critère principal, concernant la rentabilité, à prendre en compte dans la décision d’investissement privé. 1 En anglais : Net Present Value(NPV) 4 Il est à noter que, sous les hypothèses de marché financier parfait et d’absence de risque, ce critère est indépendant : • des paramètres de la fonction d’utilité de l’entrepreneur-consommateur : - n’interviennent ni le taux d’impatience a , ni l’aversion au risque ε - du mode de financement : le taux d’autofinancement α est indifférent. • En revanche, il dépend explicitement du taux d’intérêt r . 2.2.4. Remarques sur le taux d’inflation Nous avons jusqu’ici raisonné en termes « réels », le numéraire étant l’unité de bien composite de l’économie agrégée. Si l’on saisit les flux monétaires, au prix de l’année courante, il faut donc commencer par convertir en prix de l’année 0 : (13) EBEo = EBEt . P0 où Pt = indice des prix de l’année t et EBE t = EBE nominal de l’année t . Pt (Pour plus de détails, voir chapitre 10). 2.2.5. Remarques sur le temps continu Nous avons jusqu’ici raisonné en ‘temps discret », par périodes généralement d’une année chacune Il est parfois plus commode de raisonner en temps continu, en utilisant le taux d’intérêt instantané ρ = ln (1 + r ) , de sorte que : (1 + r )t = e ρ .t (14) On peut alors écrire : VAN ou B = − I 0 + ∫0 EBE (I 0 ). e − ρ . t . dt ∞ (15) 2.3 Optimisation d’un projet Nous avons jusqu’ici considéré le projet comme un tout, déterminé par la valeur donnée de l’investissement I 0 , par sa durée de vie T (provisoirement supposée infinie), par de programme EBE (I 0 )t des excédents bruts d’exploitation. En fait, même en s’en tenant toujours à un type de projet bien précis (ex : produire du tissu de caractéristiques données pour un marché donné), la plupart de ces paramètres comportent une marge de variation, à l’intérieur de laquelle il convient de rechercher s’il existe une valeur optimale Autre présentation : chercher à optimiser un projet revient à comparer les diverses variantes pour choisir la meilleure. 2.3.1. Dimensionnement optimal ; choix de la taille I 0 L’entrepreneur est ainsi conduit à s’interroger sur la capacité de production optimale à mettre en place et, pour atteindre celle-ci, sur la combinaison optimale des facteurs de production (investissement en capital productif ; travail ; voire consommations intermédiaires), qui peuvent être plus ou moins substituables et qui, bien entendu, interviennent dans le calcul du programme d’excédents bruts d’exploitation prévisibles. 5 D'où un processus d'optimisation de l'investissement, qui conduira à choisir le niveau maximisant le bénéfice actualisé (valeur nette actualisée), c'est-à-dire ∂ B (I 0 ) =0 ∂ I0 ⇔ ∞ ∑ ∂ EBE t (I 0 ) ∂ I0 (1 + r )t =1 I 0 d'investissement solution de : (16) t =0 Interprétation : le dernier euro investi doit être exactement compensé par la somme actualisée des EBE marginaux dégagés par cet investissement marginal. Nota : Il faut naturellement vérifier que l'extremum fourni par (16) est un maximum et qu'il convient (grandeurs non-négatives). 2.3.2. Date optimale d’investissement et taux de rentabilité immédiate L’entrepreneur est aussi conduit logiquement à choisir la date optimale de l’investissement : est-ce dès l’instant 0, ou à une date ultérieure θ ? On supposera pour simplifier que le coût I de l’investissement est indépendant de la date θ . Si l’entrepreneur choisit d’investir à la date θ , la valeur nette du projet, actualisée à l’instant 0, est : ∞ B(θ ) = − I + ∫ EBEt . e − ρ . (t −θ ) . dt . e − ρ .θ soit : θ ∞ B(θ ) = − I . e − ρ .θ + ∫ EBEt . e − ρ . t . dt θ d’où, en dérivant par rapport à θ : dB (θ ) ≥0 ⇔ e − ρ .θ . (ρ . I − EBEθ ) ≥ 0 dθ On appelle taux de rentabilité immédiate le ratio ⇔ EBEθ ≤ρ I (17) EBEt / I . Le bénéfice actualisé à l’instant 0 augmente donc lorsque l’on retarde la réalisation du projet, tant que le taux de rentabilité immédiate est inférieur à L’entrepreneur a donc intérêt à retarder son investissement jusqu’à l’année immédiate 2.3.3. θ ρ. où le «taux de rentabilité EBEθ / I » dépasse (pour la première fois) le taux d’intérêt ρ (assimilable à r ). Durée de vie optimale T Revenons plus précisément sur la durée de vie T du projet, que l'on a provisoirement supposée infinie. En fait, les équipements subissent une usure physique, qui rend nécessaire des travaux d'entretien et de grosses réparations, de plus en plus coûteux d’une année à l’autre, qui viennent diminuer l'excédent brut d'exploitation. La question se pose ainsi de savoir jusqu’à quand il vaut mieux réparer l'équipement ancien ou à partir de quelle durée de vie T il vaut mieux en acquérir un nouveau. Dans la réalité, la question est rendue beaucoup plus complexe par le progrès technique (et l'évolution des standards de consommation) : la nouvelle machine est loin d'être identique à l'ancienne, la productivité des facteurs a changé, entraînant une évolution des prix relatifs, etc. A l'usure physique se substitue donc le phénomène "d'obsolescence économique". Cependant, pour simplifier, faisons ici abstraction du progrès technique. 6 Imaginons par conséquent que l'entrepreneur s'interroge sur la durée de vie optimale T de l'équipement, en supposant qu'il le remplacera à l'identique à cette date et que la chronique des EBE se reproduira, elle aussi à l'identique. Il est donc conduit à maximiser le bénéfice actualisé calculé comme suit (il est plus aisé de raisonner en temps continue) : (18) T B = B T . 1 + e − ρ.T + e −ρ.2 .T +....+ e −ρ.n.T +.... avec B(T ) = − I 0 + ∫0 EBEt (I 0 ) .e − ρ .t .dt ( ) [ Soit finalement : B = ] B( T ) 1 − e −ρ.T Optimisons par rapport à la variable T. La condition du premier ordre s'écrit : [ ][ ] (19) − ρ .T ρ ∂ B = 0 ⇔ EBET ( I 0 ).e − ρ .T . 1 − e − ρ .T − B(T ).ρ .e = 0 ⇔ EBE T (I 0 ) = B(T ). 1 − e − ρ .T ∂T Cette relation peut s'interpréter assez simplement, en faisant appel à la notion "d'annuité constante équivalente" (ACE). Supposons en effet que notre consommateur-entrepreneur reçoive de façon permanente un flux de revenus constant et égal à ( f ) par unité de temps. Au cours d'une période de durée T il recevra l'équivalent d'un ( ) montant F actualisé en début de période, égal à : F = f . ∫0 e −ρ.t . dt = f . T Le coefficient ρ 1 − e −ρ.T est fonction croissante de 1 − e −ρ.T ρ ⇔ f = F. ρ 1 − e − ρ.T (20) s'appelle "coefficient d'annuité constante équivalente" (ou loyer annuel moyen). Il ρ et de T . Il tend vers 1 (simple moyenne arithmétique par année) lorsque ρ T tend vers 0 (équivalent à r tend vers 0). Il est donné dans les "tables d'annuités" (voir annexe 3). Il apparaît alors que le second membre de (19) n'est autre que "l'annuité constante équivalent" (ACE) correspondant au projet pour la durée de vie T (et le taux d'intérêt instantané ρ ). La règle est donc simple : on prolonge la durée de vie de l'équipement tant que l'excédent brut d'exploitation de la dernière année est supérieur ou égal à l'annuité constante équivalente. On le remplace lorsque l'EBE devient inférieur à l'ACE. Remarque : comme le bénéfice actualisé doit être positif ou nul (pour les projets à retenir), il en va nécessairement de même pour l'annuité constante équivalente (ACE). Il en résulte que l'on doit (en principe) toujours renouveler l'investissement avant que l'excédent brut d'exploitation ne devienne négatif (sous l'effet du gros entretien). 2.3.4. Optimisation simultanée des différents paramètres On a optimisé par rapport séparément par rapport aux paramètres I 0 ,θ , T , en supposant les deux autres paramètres «égaux par ailleurs». En réalité, il faudrait optimiser simultanément 7 par rapport aux trois paramètres, c’est-à-dire considérer le système annulant les trois dérivées partielles. On ne développera pas davantage cet aspect, qui doit être examiné projet par projet. 2.4. Projets incompatibles L'optimisation d'un projet qui vient d'être examinée consiste à choisir la variante qui maximise la valeur nette actualisée et à éliminer toutes les autres variantes ; c'est donc un processus de sélection entre des projets incompatibles. On peut généraliser le raisonnement lorsque l'on doit sélectionner un seul projet parmi un ensemble de projets incompatibles, qui ne sont pas nécessairement de simples variantes, mais peuvent être de natures très différentes. Ce peut être le cas par exemple si le consommateur-entrepreneur souhaite trancher entre deux investissements dans des secteurs différents qu'il ne peut mener de pair, ne serait-ce que faute de temps disponible. 2.4.1. Critère principal : toujours le "bénéfice actualisé" La méthode la plus sûre pour comparer des projets incompatibles et sélectionner le meilleur est toujours d'appliquer le critère du "bénéfice actualisé" (ou "valeur nette actualisée") et de retenir le projet qui correspond au maximum (pourvu que celui-ci soit positif). Il est pourtant d'usage fréquent d'utiliser d'autres critères auxiliaires qui vont être abordés ci-après. 2.4.2 Deux critères auxiliaires : le "taux de rentabilité interne" (TRI) et la "durée de retour" (DR) • "Taux de rentabilité interne" (TRI) Supposons qu'un projet d'investissement I 0 de durée de vie T conduise, pour le taux d'intérêt r du marché financier, à un bénéfice actualisé non-négatif : B (I 0 , r ) ≥ 0 ⇔ T − I0 + ∑ t =0 EBEt ( I 0 ) (1 + r )t ≥0 (21) EBEt (I 0 ) devait être positif (sinon, il faudrait hâter le renouvellement des équipements... ou fermer l'usine !). Si les EBEt (I 0 ) sont non-négatifs quel que soit t , il est clair que B décroît quand le taux d'intérêt croît. Cette observation conduit intuitivement à estimer le "taux On a vu que (sauf peut-être dans les premières années), de rentabilité interne" du projet qui, par définition, est la valeur j que devrait prendre le taux d'intérêt pour annuler le bénéfice actualisé : T B( I0 , j ) = 0 ⇔ - I0 + ∑ t =0 Avec l'hypothèse plausible des EBEt (I 0 ) (1 + j )t =0 (22) EBEt non-négatifs (sauf peut-être les premières années), il apparaît alors que B ( I 0 ,r ) ≥ 0 et j ≥ r sont deux conditions équivalentes. D'où un critère auxiliaire couramment utilisé : peut être considéré comme rentable tout projet dont le TRI est supérieur ou égal au taux d'intérêt du marché financier. 8 Allant plus loin, peut-on utiliser le TRI comme un critère de sélection, c'est-à-dire choisir, parmi les divers projets incompatibles, celui qui dégage le TRI le plus élevé ? Il faudrait pour cela que l'ordre des TRI soit toujours le même que celui des bénéfices actualisés. Or, cette propriété n'est pas toujours vérifiée, comme le montre le contre-exemple suivant (tableau 1), concernant deux projets dont la durée de vie est la même (2 ans) et qui dégagent tous les deux des EBE positifs : le critère du bénéfice actualisé conduit à retenir le projet n° 1 (choix correct), alors que le critère de TRI conduirait à retenir le projet n° 2 (ce qui serait erroné). Projet n° 1 2 Duré de vie 2 ans 2 ans Investissement 100 MF 100 MF Tableau 1 EBE1 30 MF 100 MF EBE2 112 MF 33 MF B pour r = 10% 19,8 MF 18,2 MF TRI 22 % 26 % Conclusion : Le TRI peut être un "faux ami" dans la comparaison des projets. Il est recommandé d'utiliser le critère du bénéfice actualisé (ou valeur nette actualisée). • Durée de retour (DR) Par définition, c'est la durée au bout de laquelle le coût de l'investissement I 0 est récupéré par le cumul des excédents bruts d'exploitation (hors inflation). Ce cumul est le plus souvent calculé sans actualisation (critère TR TR) : I 0 = ∑ EBEt ( I 0 ) (23) t =0 Ce critère indique à partir de quand l'entrepreneur pourrait lancer un second projet analogue au premier, mais entièrement autofinancé par lui. Il conduit implicitement à considérer qu'un projet est d'autant plus rentable que sa durée de retour est plus faible. Il est aisé de montrer des contre-exemples (certains projets peuvent atteindre une forte rentabilité, mais sur une longue période). Ce critère peut donc aussi être un "faux-ami". Il se justifie davantage en cas d'avenir incertain (voir § 3). Remarque : On utilise parfois une variante : la durée de retour avec actualisation (critère T R EBE (I ) t 0 I0 = ∑ Critère TR : (1 + r )t t =0 TR ) (24) 2.5. Projets indépendants 2.5.1. Si les projets sont indépendants les uns des autres, c'est-à-dire s'ils ne se nuisent ni ne se favorisent mutuellement, alors le critère fondamental conduit à un résultat simple : il faut réaliser tous les projets dont le bénéfice actualisé est "non négatif" (chacun d'eux étant en outre optimisé, au sens du paragraphe précédent). 2.5.2. En fait, il interviendra certainement des conditions qui viendront, sinon obliger à choisir un seul projet comme au § 2.4., du moins limiter le nombre des projets réalisables ou obliger à les étaler dans le temps. Parmi ces limitations figurent non seulement la "capacité de mise en oeuvre" du consommateur-entrepreneur, mais aussi souvent des contraintes de financement. 9 10 Logiquement, si les marchés financiers sont parfaits comme nous l'avons supposé, le taux d'intérêt devrait refléter l'équilibre entre l'offre et la demande de fonds prétables. On peut toutefois imaginer qu'en sus de la limitation provenant du "coût de l'argent" interviennent d'autres restrictions. Ainsi, l’entrepreneur-consommateur peut souhaiter ne pas dépasser tel plafond pour le total de ses investissements dans un secteur donné. Ou encore, dans le cas où l'investisseur est l'Etat-actionnaire, il se peut qu'il doive limiter ses concours industriels pour ne pas accroître son endettement, etc. Le décideur est alors confronté au problème suivant : il a une collection de n projets indépendants, qui respectivement coûtent In et procurent un bénéfice actualisé Bn (non négatif). Mais le montant total investi ne doit pas dépasser une limite J. Quels projets retenir ? On présentera ci-après une méthode aisée à comprendre intuitivement2 : - On classe des projets par ordre décroissant de rapport Bn (figure 1). In - On coupe ensuite par l'horizontale de cote θ , ce qui permet de repérer les - On calcule le montant J (θ) = N (θ) projets tels que : Bn > θ. In N (θ ) ∑ In 1 - Partant de θ grand, on diminue θ tant que J ( θ ) ≤ J . - Enfin, on retient la plus petite valeur de θ vérifiant cette inégalité. Autrement dit, on a ici un nouveau critère de rentabilité, qui est le bénéfice actualisé par euro investi3, à utiliser pour classer les projets lorsque le montant des financements disponibles est limité4. 3. Choix des investissements en présences de risques Nous avons supposé jusqu'ici que l’entrepreneur-consommateur connaissait exactement, sans risque d'erreur, toutes les caractéristiques du projet, concernant tant l'investissement que le programme des excédents bruts d'exploitation que ce dernier procurerait. Il est bien rare qu'il en soit ainsi ! Dans la pratique, l'entrepreneur doit la plupart du temps prendre ses décisions en devant faire sur l’avenir des hypothèses, plus au moins étayées, avec des risques d’autant plus importants d’erreurs ou d’imprévus que cet avenir est plus lointain. 2 La démonstration rigoureuse fait appel au théorème de Kühn et Tücker, qui étend la méthode de Lagrange au cas où les contraintes sont des inégalités (ex : h (x,y,z) ≥ 0) au lieu d'égalités (ex : h (x,y,z) = 0). 3 Il s’agit de la somme actualisée de tous les euros dépensés, non seulement pour l’investissement, mais aussi (le cas échéant) pendant toute la durée de b vie du projet. Pour plus de détail, voir cours d’économie publique de deuxième année. 4 Il se peut aussi qu’il existe une contrainte de dépense annuelle. C’est souvent le cas pour les dépenses publiques, plafonnées par une enveloppe budgétaire. On peut alors associer à cette contrainte un « prix fictif » (multiplicateur de Lagrange ), parfois appelé « coût d’opportunité des fonds publics ». Cela revient, dans le calcul du bénéfice actualisé, à compter les dépenses publiques non pour leur valeur réelle, mais pour cette valeur majorée (par exemple) de 20%. 11 La question de la décision en avenir incertain ou en information incomplète alimente un très important courant de réflexions et de recherches, dont on ne donnera ci-après qu’un très sommaire aperçu (pour une approche moins superficielle, voir les cours de théorie de la décision, de micro 2 et d’économie industrielle). Dans ce qui suit, on évoquera successivement le choix des investissements en avenir probabilisable, le rôle des assurances, le cas du choix en avenir non probabilisable5, enfin (très brièvement) le rôle de l’information. 3.1. Etats de la nature probabilisables : maximiser l'espérance d'utilité Les résultats d’un projet sont fréquemment tributaires d’événements difficilement maîtrisables affectant l’environnement naturel, économique, social, politique, voire psychologique ou relationnel dans lequel il se déroule. On désigne ces circonstances extérieures, dont les aléas climatiques fournissent un exemple parlant, sous le terme d’"états de la nature" (ou "états du monde"). On va supposer pour commencer que l’on peut attacher à chacun de ces états de la nature une probabilité, objective (par exemple lois statistiques de la météorologie6) ou, à défaut, subjective. Prenons un exemple extrêmement simplifié, couvrant deux périodes notées 0 et 1. L’entrepreneur- R sp et qui étudie un consommateur est un agriculteur qui dispose (sans projet) d’un revenu actualisé certain projet d’emblavement. Il se demande quelle quantité (I0 ) du blé il va semer (investissement) en période 0, sachant que la quantité de blé qu’il récoltera en période 1 dépendra non seulement de conditions climatiques qui se produiront entre les semailles et la moisson. ( I 0 ) , mais aussi des On suppose ici que ces conditions climatiques suivent une loi de probabilité, qui a pu être estimée (avec un intervalle de confiance plus ou moins étroit) à partir d'observations enregistrées dans le passé, et que l’agriculteur connaît cette loi. Toujours pour simplifier7, on supposera : - que l'état de la nature est favorable avec la probabilité (p) (0 ≤ p ≤ 1) et que dans ce cas la récolte en période 1 vaut EBE1 ( I 0 ) - que l'état de la nature est défavorable avec la probabilité (1-p) et que dans ce cas la récolte en période 1 est nulle (hypothèse extrême !). En fait l’agriculteur doit déterminer en période 0 deux variables de commande inconnues : son investissement (I0 ) mais aussi sa consommation C0 . Il disposera donc en période 0 d’un reliquat l'équivalent capitalisé en période 1 sera (Rsp − C0 − I 0 ) , dont (1 + r ).(Rsp − C 0 − I 0 ) . A cela s'ajouterait la récolte de la période 1. La consommation en période 1 sera alors (on suppose toujours le marché financier parfait) : 5 Les asymétries d’information et les mécanismes pour y remédier jouent un rôle de plus en plus important dans les développements de l’analyse économique contemporaine (voir chapitre 7). 6 Ex: loi de Gumbel pour les crues d’un fleuve. 7 On pourrait aisément généraliser. 12 - si l'état de la nature est favorable : ⇔ C0 + ( ) C11 = (1 + r ) . Rsp − C 0 − I 0 + EBE1 (I 0 ) EBE1 (I 0 ) C11 = Rsp − I 0 + 1+ r 1+ r Probabilité = p (25) - si l'état de la nature est défavorable : ( C12 = (1 + r ) . Rsp − C 0 − I 0 ) ⇔ C0 + C12 = Rsp − I 0 1+ r Probabilité = 1-p (26) Le niveau d'utilité du entrepreneur-consommateur sera donc : U(C0, C11) avec la probabilité p U(C0, C12) avec la probabilité (1-p) Précisons sa fonction d'objectif. Il est classique de supposer que, en choisissant (27) (28) C0 et I 0 , l’entrepreneur- consommateur va chercher à maximiser l'espérance mathématique de son niveau d'utilité8, sous les contraintes (25) et (26) : Max E (U ) = p .U (C0 ,C11 ) + (1 − p ) .U (C0 ,C12 ) Le Lagrangien s’écrit : Λ = p . {U (C0 ,C11 ) + λ1 .[(1 + r ) . (R − C0 − I 0 ) + EBE1 (I 0 ) − C11 ] } + (1 − p ) . {U (C0 ,C12 ) + λ2 .[(1 + r ) .(R − C0 − I 0 )− C12 ]} (29) (30) Supposons comme habituellement que la fonction d'utilité soit additive-séparable à aversion par le risque constante : C01 − ε − 1 C11 − ε − 1 1 + . (31) U (C0 ,C1 ) = 1−ε 1+ a 1−ε Conditions du premier ordre (annulation des dérivées partielles du Lagrangien) : ∂ Λ = 0 ⇔ p . λ1 .[− (1 + r ) + EBE1′ (I 0 )] − (1 − p ) . λ2 . (1 + r ) = 0 ∂ I0 1 − p λ2 dEBE1 (I 0 ) . où EBE1′ (I 0 ) = ⇔ EBE1′ (I 0 ) = (1 + r ).1 + p λ1 dI 0 1 ∂ Λ =0 ⇔ = ( p .λ1 + (1 − p ) . λ2 ) .(1 + r ) ∂ C0 Cε (32) (33) 0 ∂ Λ 1 1 =0⇔ . = λ1 ∂ C11 1 + a Cε (34) ∂ Λ 1 1 =0⇔ . = λ2 ∂ C12 1 + a Cε (35) 11 12 ∂ ∂ ∂ ∂ Λ = 0 ⇔ C11 = (1 + r ) . (R − C0 − I 0 ) + EBE1 ( I 0 ) λ1 Λ = 0 ⇔ C12 = (1 + r ) . (R − C0 − I 0 ) λ2 (36) (37) 8 Ce critère de l’espérance mathématique de l’utilité préconisé par Von Neumann et Morgenstern peut en fait se déduire d’un ensemble d’axiomes sur les fonctions d’utilité (voir cours de micro-économie approfondie). 13 14 De (36) et (37) ou de (25) et (26), on tire la relation suivante : C11 Eliminons = C12 + EBE1 (I 0 ) (38) λ1 et λ2 . On obtient aisément : 1 − p (1 + r ) . (R − C − I ) + EBE ( I ) ε 0 0 1 0 EBE1′ (I 0 ) = (1 + r ) . 1 + . p (1 + r ) . (R − C0 − I 0 ) 1 C0ε = (39) 1+ r p 1− p + . 1 + a [(1 + r ) . (R − C0 − I 0 ) + EBE1 ( I 0 )]ε [(1 + r ) .(R − C0 − I 0 )]ε Le système des équations (39) et (40) détermine les deux inconnues (40) I 0 et C0 . Pour le résoudre complètement, il faudrait spécifier la fonction EBE1 (I 0 ) , ce que nous ne ferons pas ici9. On se limitera aux observations suivantes. On retrouve bien entendu le cas "sans risque" en supposant p = 1. Désignons les solutions correspondantes par Î 0 , Ĉ0 et Ĉ1 : (41) ε C$1 1+ r ˆ EBE1′ I 0 = 1 + r et = 1+ a C$ 0 ( ) Nota : I$0 est alors indépendant de a et de ε 0 ≤ p < 1 , on ne peut plus calculer I 0 indépendamment de a et de ε . L’équation (39) montre que le crochet est supérieur10 à 1 . Il en résulte que EBE ′ ( I ) > EBE ′ ( Iˆ ) , ce qui entraîne, si l’on suppose Si 1 que la fonction 0 1 0 EBE1 (I 0 ) est à rendement décroissant (voir figure 2) : I 0 < I$0 (42) Ainsi, la prise en compte du risque conduit à décider un investissement de productivité marginale plus élevée, donc de moindre volume que dans la solution "sans risque". Ce résultat est général. Il en découle en outre une règle de prudence. En effet, s'il surestimait EBE1 (I 0 ) ou p, volontairement ou involontairement, l’agriculteur n'aurait pas de revenus suffisants en période 1 pour avoir une consommation C12 > 0 tout en remboursant ses emprunts... Il pourrait donc alors être tenté de ne pas assurer (totalement) le service de sa dette ! Pour prévenir ce risque "d'erreur", les banques demandent souvent que l'investisseur autofinance une partie suffisante (de 30 à 40 % couramment) de l'investissement total ; elles demandent en outre des garanties mobilisables en cas de non-remboursement du prêt consenti. Vous pourrez par exemple examiner le cas EBE ( I 0 ) = A.I 0 avec 0 < β < 1 10 Si l’agriculteur n’est pas averse au risque ε = 0 , alors p.EBE1′ ( I 0 ) = 1 + r : l’espérance du gain doit β 9 ( ) permettre de rembourser l’investissement marginal plus le taux d’intérêt. 15 3.2 Assurance Revenons à notre agriculteur et, faisant désormais abstraction du choix de l’investissement, concentrons-nous sur la consommation prévisible en période 1, qui peut prendre deux valeurs éventuelles, C11 avec la probabilité p et C12 avec la probabilité (1 − p) ; l’espérance de la consommation en période 1 est : E (C1 ) = p . C11 + (1 − p ) . C12 . (43) Aux deux valeurs possibles de la consommation correspondent respectivement U ( C11 ) et U ( C12 ) , dont l’espérance est : E (U ) = p .U (C11 ) + (1 − p ) .U (C12 ) les utilités (44) L’aversion pour le risque se traduit par la forme concave de la fonction d’utilité, qui signifie : U [ p .C11 + (1 − p ) .C12 ] ≥ p .U (C11 ) + (1 − p ) .U (C12 ) (voir figure 3) (45) Autrement dit : le consommateur averse au risque préfère une consommation certaine (la même quel que soit l’état de la nature) à une consommation variable de même moyenne. Le passage de la variabilité à la stabilisation lui procure un gain d’utilité. Il en résulte qu’il va rechercher à diminuer la variabilité de sa consommation (ou de ses revenus), quitte à sacrifier pour cela une partie de son gain, c’est-à-dire quitte à payer une prime d’assurance. Considérons alors deux agents A et A * (consommateurs ou entrepreneurs) qui sont soumis aux mêmes états de la nature (l’état 1 et l’état 2 dans notre exemple), mais qui diffèrent par les consommations qu’ils prévoient et/ou par leur aversion à l’égard du risque : ils peuvent être amenés à s’assurer mutuellement en passant un contrat établi selon le principe suivant. Tout se passe comme si chaque agent distinguait deux produits différents : le blé B1 dans l’état de la nature 1 et le blé B2 dans l’état de la nature 2 ; ils peuvent alors chercher à échanger ces deux biens, exactement comme dans le cas décrit au chapitre 1. A . Supposons qu’il consomme la quantité de blé x (au lieu de C11 ) dans l’état de la nature 1 et la quantité de blé y (au leu de C12 ) dans l’état de la nature 2. Dans le plan ( X ,Y ) , on Considérons tout d’abord l’agent peut tracer (voir 1− ε U0 = p . x −1 1−ε figure + (1 − p ) . y 4) 1− ε la −1 courbe correspondant d’indifférence à l’utilité de la solution sans échange ; elle tourne sa concavité vers le nord- 1−ε est (si ε > 0 ) et passe par le point M 0 de coordonnées ( x , y ) , représentant les consommations de l’agent A en l’absence d’échange : il consommerait alors x(M 0 ) kg de blé dans l’état de la nature 1 et y (M 0 ) kg de blé dans l’état de la nature 2. On trace aisément la courbe d’indifférence correspondant à une utilité U > U 0 . Propriété commune à chacune de ces courbes d’indifférence ( ∀ U ) : à son intersection avec la première 1− p dy =− p dx U , x = y bissectrice, la pente de la courbe (taux marginal de substitution TMS) vaut11 : (46) On peut effectuer les mêmes opérations pour l’agent A*. Une présentation commode est celle de la boîte d’Edgeworth (voir chapitre 1, annexe 1). On ne discutera pas ici toutes les possibilités d’échange ; on se bornera à la procédure concurrentielle, qui passe par l’utilisation de prix d’échange, en situation de « price taker ». Le mécanisme d’offre et de demande détermine alors l’échange 11 En effet, en différentiant à U constant on obtient : p . ( 1 − ε ) . x Or à l’intersection avec la première bissectrice, x = y . Donc: −ε ( )( ) . dx + 1 − p . 1 − ε . y ( ) p . dx + 1 − p . dy = 0 −ε . dy = 0 . , cqfd. 16 17 concurrentiel optimal (représenté par le point Ω ) qui fournit simultanément le prix d’équilibre et les quantités échangées. Ainsi, s’il se réalisait l’état de la nature 1, l’agent A devrait livrer à l’agent A* la quantité de blé x ( M 0 ) − x ( Ω ) ; s’il réalisant l’état de la nature 2, l’agent A* devrait livrer à l’agent A la quantité de blé y (Ω) − y ( M 0 ) . Cette procédure est décentralisable, c’est-à-dire applicable quel que soit le nombre des demandeurs et des offreurs. Un cas particulier notable est celui où l’agent A* (par exemple) a une aversion nulle à l’égard du risque (son utilité dépend alors seulement de la moyenne de ses consommations et est indifférente à leur variabilité12). Ses courbes d’indifférence sont alors des droites, d’équation p.x * + ( l − p ) . y* = U (on suppose toujours dans cet exemple simplifié que les états de la nature ont la même probabilité pour les deux consommateurs). Le point d’échange concurrentiel optimal se trouve alors à l’intersection de la droite d’indifférence de l’agent A* avec la première bissectrice relative à l’agent A qui se trouve ainsi totalement assuré contre les aléas : sa consommation (après a change) est la même dans les deux états de la nature. 3.3. États de la nature non-probabilisables Il est fréquent que l’on ne dispose ni de « loi de probabilité objective », ni de dire d’expert pour apprécier les risques qui pèsent sur un projet, et qu’il ne soit pas possible de souscrire une assurance. On peut alors avoir recours à des critères de choix discret, en envisageant un certain nombre (M) de décisions ( d’investissement I l ,...I m ,...I M ) et en imaginant par exemple un certain nombre (N) de scénarios ( Sl ,...Sn ,...S N ) . On présentera ci-après sommairement les deux critères les plus courants de choix en avenir incertain (non probabilisable). Pour une présentation plus approfondie, voir le cours de théorie de la décision et des jeux. On se limitera ici (sans perte de généralité) à l’hypothèse de deux décisions et de trois scénarios (M=2, N=3). • Critère « maximum du minimum de profit » (ou « maximin ») : Faisant l’hypothèse qu’il est dans le scénario S n et qu’il décide de réaliser l’investissement I m , l’investissement peut (on le suppose) calculer le bénéfice actualisé (ou valeur nette actualisée) par euro investi, que nous appellerons B mn . Considérons alors le tableau de ces valeurs dans l’exemple suivant : Tableau 3 Bénéfice actualisé B m n m\n S1 S2 S3 I1 -3 4 10 I2 1 3 5 12 C’est le cas par exemple d’une compagnie d’assurance qui agrège les revenus d’un grand nombre d’assurés soumis à des aléas indépendants. 18 I1 , son bénéfice pourrait être important (10 dans le scénario S3 ). Il risquerait de se transformer en perte non négligeable (-3 dans le scénario S1 ). S’il choisissait l’investissement I 2 , son bénéfice ne pourrait être que modéré (5 dans le scénario S1 ), mais il n’aurait jamais de perte. Si l’investisseur choisissait l’investissement Le critère « maximin » consiste à procéder en deux étapes : a) Pour chaque investissement I m , on cherche la plus petite valeur X m des bénéfices actualisés B m n en passant les N scénarios en revue : X m = inf n B mn pour n = 1,..., N . Dans notre exemple : I1 X 1 = −3 pour I 2 X 2 = 1 pour b) On choisit ensuite l’investissement qui donne le plus grand nombre des X m , en passant en revue les M décisions. Dans notre exemple, ce critère conduit donc à choisir l’investissement • I2 . Critère « minimum du maximum de regret » (ou « minimax ») L’application de ce critère comporte trois étapes. a) On construit d’abord le tableau des regrets, de la façon suivante : Supposons que l’investisseur ait choisi I1 . S’il se produit le scénario S2 ou S3 , il n’aura aucun regret. Mais s’il se produit le scénario S1, en choisissant I2, il aurait obtenu 1 au lieu de perdre 3 ; il éprouve donc un regret qui peut se chiffrer à : 1-(-3) = 4. Supposons maintenant qu’il ait choisit l’investissement I2. Sil el scénario qui se réalise est S1, il n’aura aucun regret. Mais si c’est S3, en choisissant I1, il aurait obtenu 10 au lieu de 5 ; il éprouvera donc un « regret », qui peut se chiffrer à : 10-5 = 5. ( ) D’où le tableau de ses regrets : Rm n = sup m B m n − B m n Tableau 4 Regrets Rm n m\n S1 S2 S3 I1 4 0 0 I2 0 1 5 19 On détermine ensuite pour chaque investissement N scénarios en revue : Ym = sup n Rm n Dans notre exemple : pour I m la plus grande valeur Ym du regret Rm n , en passant les n = 1,..., N I1 Y1 = 4 pour I 2 Y2 = 5 pour On choisit ensuite l’investissement qui donne le plus petit exemple, ce critère conduit à retenir l’investissement Ym , en passant en revue les M décisions. Dans notre I1 . 3.4. Information imparfaite Tout ce qui précède suppose que tous les agents soient au même niveau d’information. En particulier, chacun est censé connaître non seulement ses propres caractéristiques, mais aussi celles des autres agents. Dans la réalité, l’information est asymétrique : par exemple, un entrepreneur ne connaît pas nécessairement toutes les caractéristiques de ses clients. Il peut, par exemple avoir deux « types » de clients, l’une des caractéristiques par un paramètre θ , l’autre par un paramètre θ ; mais lorsqu’un client se présente, l’entrepreneur peut être dans l’incapacité d’en deviner le type, voire être dans l’obligation légale de ne pas « faire de discrimination ». On y reviendra au chapitre 7. 4. Fiscalité et choix des investissements On a jusqu’ici fait abstraction de la fiscalité. En fait, elle intervient de multiples façons, qui ne peuvent être évoquées que sommairement dans un cours d’initiation. • L’impôt sur les sociétés frappe les résultats (positifs) des entreprises, au taux retranchant de l’excédent brut d’exploitation - les frais financiers - l’amortissement τ . Le résulta s’obtient en EBEt : FFt (payés par l’entreprise sur ses dettes à court, moyen, long terme) At (fraction de la valeur d’achat de l’investissement) et diverses provisions. L’impôt sur les sociétés et sur les résultats de l’année (t ) est donc : ISt = τ . ( EBEt − FFt − At ) ( t + 1) . De sorte que le flux net d’encaisse * Et = EBEt − τ . ( EBEt −1 − FFt −1 − At −1 ) Il est payé l’année (47) Et* de l’entreprise l’année ( t ) est : (48) En toute rigueur, l’optimisation du § (2.2.2.) devrait donc tenir compte de l’impôt, qui introduit ainsi une incitation à financer l’investissement par emprunt plutôt que par autofinancement, puisque les frais financiers FFt sont déductibles de l’assiette imposable. 20 • Le problème est plus complexe encore puisque, par le biais de l’avoir fiscal, le consommateur propriétaire peut déduire de son impôt sur le revenu l’impôt sur les sociétés qui a été retiré sur les bénéfices avant distribution des dividendes. • Ajoutons que la TVA grevant le coût des investissements est déductible par les entreprises. Au total, les critères de choix des investissements présentés aux §§ 2 et 3 sont donc très simplificateurs : la complexité de la fiscalité des entreprises conduit à affiner les études en recourant à des simulations beaucoup plus sophistiquées. ********** 21 22 23 24