the course notes - French at HKU
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School of Modern Languages and Cultures, The University of Hong Kong FREN3022 - French and Francophone Cinema Seminar V La langue parlée dans les films français Ce cours a pour objet de présenter le travail de Michel Chion sur la langue parlée dans les films français publié en 2008 dans Le complexe de Cyrano ; la langue parlée dans les films français (Paris, Cahiers du cinéma, collection essais). Compositeur, réalisateur, chercheur et enseignant, Michel Chion est l'auteur de nombreux ouvrages sur le son, la musique et le cinéma. Membre de la rédaction des Cahiers du Cinéma de 1981 à 1986, il est, depuis 1993, professeur associé à l'Université Paris III. Il enseigne le son au cinéma et le scénario dans différents centres français et européens. Dans Le complexe de Cyrano, à travers trentaine de films depuis les débuts du cinéma parlant jusqu’à aujourd’hui, Michel Chion s'intéresse à la langue des films, à leur texte et à leurs dialogues. Cette "languefrancaise-d'écran" est selon lui spécifique et l'on ne l'entend qu'au cinéma. Cyrano et son complexe "Que dites-vous ? C'est inutile ? Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l'espoir du succès ! Non ! Non, c'est bien plus beau lorsque c'est inutile !"1 Mais qui est Cyrano ? Et de quel complexe souffre-t-il ? Cyrano est l'un des personnages les plus populaires de la littérature française. Héros de la pièce d'Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, c'est un individualiste sensible et courageux qui joue de la bravoure verbale, s'affirme par le langage et lance des défis alors qu’il est tout autant fasciné par l’échec : il brille par ses mots, mais il perd tout et s’en vante. Il ne veut pas déclarer son amour à Roxane sous le prétexte de sa laideur, mais peut être préfère-t-il exister a travers Christian, son double qui est aussi maladroit avec les mots qu'il est séduisant physiquement. Comme si le langage servait moins à obtenir une chose qu’à l’affirmer, tout simplement. En cela, Cyrano est représentatif de nombre de personnages du cinéma français, perdants qui savent manier les mots, ou qui au contraire ne savent pas s'exprimer mais qui sont tous perdants avant tout sur le plan du langage. Dans les films français, le langage n'est pas seulement un moyen, mais aussi le champ même de la bataille. Michel Chion note que dans le film L'Esquive on ne parle pas des problèmes que le jeune héro Krimo rencontre avec l'argent mais avec le langage même. Parmi tous ces personnages, on pourrait citer Michel Poiccard dans A bout de souffle ; Louis Jouvet dans Hôtel du Nord, Arletty dans Les Enfants du paradis, De Boeldieu dans La Grande Illusion ; même Antoine Doinel et le héros de Brice de Nice. Tous sont à la fois de beaux parleurs et d'éternels perdants. Ce lien entre les personnages affectés de ce "complexe de Cyrano" amène à établir de nouvelles correspondances entre des films qui témoignent des mêmes problématiques alors qu'ils semblent si opposés. Michel Chion révèle ainsi une certaine unité du cinéma français et fait apparaître ses constances à travers l’histoire. Un cinéma unifié par sa langue Tous les films auxquels Michel Chion s'est intéressé racontent, selon lui, une histoire de la langue française, plus précisément de langue parlée dans les films français. Il note ainsi certaines constances, certains particularismes et des points communs : Il y a par exemple, le rapport complexe que le cinéma français entretient avec le pays réel, et donc avec la langue ou les langues parlées dans le pays ; c'est un cinéma qui fait rarement entendre la variété des parlers et des accents et qui folklorise certains parlers (le parler du midi dans les films de Pagnol, le parler Ch'ti dans Bienvenue chez les Ch'tis). 1 Cyrano de Bergerac. Edmond Rostand, 1897 Il y a le rôle significatif que le cinéma français donne aux acteurs étrangers à accent (anglais, américain, italien, allemand) parlant "parfaitement" ou imparfaitement le français. Il y a aussi la place particulière des noms de personnages et des noms de lieux dans le cinéma français et les questions d'onomastique et de toponymie. Ou encore le caractère réflexif de la langue française au cinéma : les personnages s'écoutent souvent parler eux-mêmes, se donnent les uns aux autres des leçons de français, se disputent sur la forme et pas seulement sur le fond. Les films sont souvent des réflexions sur la langue française, ses richesses et ses difficultés. Il y a enfin l'absence ou la faiblesse en français d'un niveau de langue dit "neutre" qui oblige à passer d'un français "familier" à un français très "formel", du tutoiement au vouvoiement, d'une langue prosaïque à une langue littéraire. Contrairement à d'autre pays où la langue n'oblige pas à choisir et comporte un niveau "neutre", non connoté, de s'adresser à l'autre, ou de parler des sentiments et des choses. Premier extrait : Les niveaux de langues en français (p.9) Deuxième extrait : A bout de souffle. 1960, de Jean Luc Godard (p. 63)