Ds/ RE Santé mentale communautaire et violences
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Ds/ RE Santé mentale communautaire et violences
Document satellite Collection Recherche et Études Santé mentale communautaire et violences liées au genre dans la Province Ouest du Rwanda Programme Rwanda Juin 2012 Ds/ R E 03 2 Auteur Olivia Névissas Contributeurs Augustin Nziguheba Guillaume Pégon Marie-Grâce Gasinzigwa Kagoyire Nicolas Charpentier Edition Handicap International Direction des Ressources Techniques / Programme Rwanda Suivi éditorial Stéphanie Deygas Handicap International Pôle Management des Connaissances Création graphique IC&K, Frédérick Dubouchet Maude Cucinotta Mise en page Multicom, Janvier Ndorimana Etude réalisée avec le soutien de la Direction du Développement et de la Coopération Suisse Ce document peut être utilisé ou reproduit sous réserve de mentionner la source et uniquement pour un usage non commercial. Document satellite Collection Recherche et Études Santé mentale communautaire et violences liées au genre dans la Province Ouest du Rwanda Recherche-action : une approche territoriale des phénomènes de violences et de détresse psychologique sur les Districts de Rubavu et de Rutsiro. Quels facteurs de vulnérabilités et quelles ressources locales ? Avant-propos 5 Contexte d’intervention, genèse et objectifs ? 11 La détresse psychologique et les violences liées au genre au Rwanda Genèse du projet « santé mentale communautaire et violences liées au genre » Objectifs de la recherche-action 12 19 21 Remerciements Résumé Concepts et méthodologie Concepts Méthodologie Limites de la recherche-action Etat des lieux des populations vulnérables, des ressources et des freins communautaires 6 7 ? 23 24 27 33 ? 35 Les groupes les plus vulnérables identifiés et communs aux deux districts d’intervention Les facteurs de risque propres aux zones cibles d’intervention Ressources et freins pour la protection des victimes 36 44 47 Conclusion et recommandations 57 Annexes 61 Handicap International au Rwanda Bibliographie 61 64 Avant-propos 3 4 « Nous ne savons pas ce qui peuple le monde. Nos savoirs dépendent des rapports que nous réussissons à construire, c’est-à-dire aussi à faire importer des affaires risquées qui nous engagent et nous obligent. Ce que nous savons en revanche est que l’engagement et les obligations qui ont la preuve pour axe ne désignent qu’un cas particulier, auto-limitatif : la pertinence de la convocation expérimentale implique que ce qui est convoqué se prête à la satisfaction d’exigences exhibant l’alternative polémique : ”ou bien la réponse donne le pouvoir de faire taire le scepticisme, ou bien elle n’a aucune valeur” ». Isabelle Stengers, in « Dix-huitième brumaire du progrès scientifique », revue Ethnopsy « Les mondes contemporains de la guérison », n° 5, 2002 Avant-propos 5 Remerciements En premier lieu, je souhaite remercier les personnes enquêtées ayant répondu présentes, mettant leurs occupations de côté et trouvant le courage de témoigner. Je souhaite par ailleurs vivement exprimer ma gratitude à Guillaume Pégon (Référent Technique Santé Mentale), à Nicolas Charpentier (Directeur de Programme de Handicap International Rwanda), à Augustin Nziguheba (Chef de Projet Santé Mentale), ainsi qu’à toute l’équipe Santé Mentale de Handicap International Rwanda, pour avoir partagé leurs expériences et leurs compétences et m’avoir fait confiance pour cette modeste contribution au projet de santé mentale communautaire de la Province Ouest. Merci à l’ensemble du personnel de Handicap International pour leur sympathie et en particulier à Namogo Soro (administrateur), Jean d’Amour Sadiki (responsable ressources humaines), Jeanne Murera (responsable caisse), Jean-Raymond Fundi (responsable logistique), Pierre Uwiringiyimana (chauffeur de mission) pour la facilitation de la mise en œuvre de cette mission. Enfin, mes remerciements vont aux enquêteurs qui ont bien assuré les tâches qui leur ont été confiées : Ingabire Marie-Chantal, Kankundiye Liberata, Kangabe Jeannette, Uwimana Marie-Chantal, Kukikabigwi Jean-Damascène et Umuhire Diane. Sans eux, la teneur de ce rapport n’existerait pas. Merci à Marie-Grâce Gasinzigwa Kagoyire (adjointe de l’étude) ainsi qu’aux partenaires associatifs APESEK (Emmnanuel Nyangui, coordinateur) et APROFAPER (Jean-Faustin Gapira, coordinateur) pour leur implication. 6 Olivia Névissas Chargée d’Etude « santé mentale communautaire et violences liées au genre », pour Handicap International. Résumé Pourquoi les violences physiques, psychologiques, économiques ou sexuelles sont-elles plus importantes dans certains endroits et dirigées vers des groupes en particulier ? Nous avons tenté au cours de cette recherche-action de répondre à cette double interrogation afin d’apporter à l’équipe Santé Mentale Communautaire de Handicap International Rwanda et à ses partenaires locaux une meilleure intelligibilité des contextes d’intervention (groupes vulnérables et types de violences liées au genre, facteurs de risque et ressources mobilisables). Ce document se présente donc comme un outil accompagnant la mise en œuvre des activités du projet Santé Mentale Communautaire dans les districts de Rutsiro et de Rubavu (Province Ouest du Rwanda). Traditions de violences et banalisation de la souffrance, failles dans le système de protection, précarité économique conjuguée à une vulnérabilité relationnelle,… les origines des violences et de la détresse psychologique sont variées, entrelacées ou superposées. Selon un « modèle écologique » prenant en compte l’interaction des facteurs personnels, familiaux, socio-culturels, économiques et environnementaux pour appréhender la prévalence des phénomènes de « détresse psychologique », de violences liées au genre ou d’autres formes d’asservissements non liées au genre, nous avons souhaité avoir une compréhension de ces phénomènes en fonction des particularités contextuelles des deux districts d’intervention de l’Ouest du Rwanda. Au travers de l’analyse, nous avons vu apparaître plusieurs « facteurs de risque » multidimensionnels : liés à l’environnement géographique quand celui-ci a une influence directe sur la nature des violences et sur l’accessibilité physique des services de protection et de santé, liés à des conditions socio-économiques compromettant l’accès à l’éducation, à la santé, au logement décent, à l’émancipation vis-à-vis des persécuteurs, liés à un manque d’informations ou des connaissances trop limitées sur les droits et les lois parmi les groupes vulnérables identifiés, certaines autorités et organisations à base communautaire, liés à des moyens financiers, humains et matériels insuffisants dans les structures de soin, de protection, liés à des résistances culturelles (préjugés, représentations) sur le genre, les troubles mentaux et le handicap, liés à des caractéristiques personnelles (âge, sexe, profession, statut social, marital, situation de handicap). Lorsque ces facteurs environnementaux entrent en interaction, ils favorisent largement les risques de violences liées au genre et de détresse psychologique, compromettant ainsi les habitudes de vie (accès aux services, participation sociale) des populations les plus vulnérables. Malgré cela, les victimes de violences et les personnes en détresse psychologique ne restent pas passives : elles y mettent avant tout des mots, du sens ; certaines fuient et emmènent leur(s) enfant(s), d’autres restent et trouveront refuge au sein de groupe d’amis ou de semblables. Mais, au-delà de quelques mécanismes d’entraide communautaire (regroupement en associations locales, coopératives), nous verrons par le travail de cartographie des ressources locales que les marges de manœuvre seront restreintes en Avant-propos 7 raison d’un manque de dispositifs disponibles ou accessibles (de soin, d’écoute, de parole, d’insertion socio-économique, etc.), et d’un nombre très limité d’intervenants (associations nationales, organisations internationales) dans les domaines de la santé mentale et des violences liées au genre sur les territoires enquêtés. Alors, si de telles questions doivent systématiquement se poser dans le cadre interne d’un projet, elles démontrent au commanditaire qu’une recherche-action sur les vulnérabilités constitue un support objectivé sur lequel peuvent s’élaborer ultérieurement des directives opérationnelles, mais aussi politiques, pour répondre à l’ampleur des besoins dans cette région de l’Ouest du Rwanda. A l’issue de cette analyse, nous recommandons donc que : 1- Les autorités Soient sensibilisées aux besoins de prise en charge médico-psycho-sociale des victimes de violences liées au genre et de violences sexuelles en renforçant leur capacité par des formations. Assurent le respect de la législation et fassent une collecte statistique des cas de violences liées au genre et de violences sexuelles pour faire davantage de plaidoyer. Améliorent le suivi des victimes entre les services de police, les structures de santé, les services juridiques et les affaires sociales. 8 2- Les professionnels Soient interconnectés pour faire réseaux avec les autorités et la société civile, pour renforcer les liens dans le système de référencement entre les champs du médical, du social, du juridique, de l’éduction, de l’économique selon une approche multisectorielle. Soient formés à l’approche Santé Mentale Communautaire avec un accent sur les vulnérabilités des personnes handicapées. Participent à la création de plateformes de coordination réunissant les acteurs de terrain. Créent les conditions satisfaisantes pour améliorer l’accessibilité aux services spécialisés et l’accès à l’emploi des personnes handicapées. 3- La société civile Soit formée et appuyée techniquement pour suivre leur plan d’action. Soit représentée par des personnes-ressources impliquées dans l’accompagnement des victimes et la mise en œuvre d’actions de santé mentale. Identifie les partenaires potentiels présents dans la zone d’intervention, et vers lesquels peuvent être référées les victimes de violences liées au genre pour une prise en charge adaptée. 4- La communauté et les victimes Identifient elles-mêmes les conflits internes (facteurs de risque), les freins à l’empowerment des victimes et les alliances (ressources d’entraides communautaires) existantes. Soient informées, sensibilisées sur les lois en vigueur pour accéder à la justice et cesser l’impunité. Nombreuses parmi nos enquêtés pensent que pour panser leur blessure il faille que l’on reconnaisse officiellement leur souffrance en arrêtant les auteurs de violences. Soient conscientisées à tous les niveaux de la communauté : il sera important d’inclure dans ces actions les auteurs de violences. Développent des Activités Génératrices de Revenus impulsant une dynamique de (ré) insertion sociale et économique, pour permettre des rencontres qui font du lien tout en combattant les modes de vie précaires, sources de tous les maux. 5- Les bailleurs Restent sensibles aux phénomènes de violences liées au genre et à leurs conséquences sur la santé mentale des victimes et à la vulnérabilité exponentielle des personnes handicapées. Pérennisent des financements pour permettre à des dispositifs comme les One Stop Centers de se dupliquer là où les besoins sont criants. Reconnaissent l’utilité des recherches scientifiques et études techniques, pluridisciplinaires et en profondeur (« in-depth qualitative studies ») comme préalable à toute démarche interventionniste. Ceci afin de toujours mieux adapter l’approche Santé Mentale Communautaire / violences liées au genre / violences sexuelles aux territoires d’intervention et aux particularismes des groupes cibles de bénéficiaires. Avant-propos 9 Rwanda, 10 2011 Contexte d’intervention, genèse et objectifs LA DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE ET LES VIOLENCES LIÉES AU GENRE AU RWANDA 12 A. Quelques déterminants historiques de la détresse psychologique et des violences Les traumatismes du génocide, de guerres et de massacres La rupture des liens sociaux et communautaires Les conflits intra et inter-familiaux à l’origine des violences et de la détresse psychologique 12 12 12 13 B. Les déterminants socioculturels des relations de pouvoir liées au genre et de la maladie mentale Définition des violences liées au genre Systèmes de représentations du genre et résistances culturelles Systèmes de représentations culturelles des maladies mentales et du handicap 15 GENÈSE DU PROJET « SANTÉ MENTALE COMMUNAUTAIRE ET VIOLENCES LIÉES AU GENRE » 19 A. Justification du projet et de la recherche-action B. Caractéristiques des territoires d’intervention et zones d’enquête 19 19 OBJECTIFS DE LA RECHERCHE-ACTION 21 A. Objectif général B. Objectifs spécifiques 21 21 15 16 16 Contexte d’intervention, genèse et objectifs 11 La détresse psychologique et les violences liées au genre au Rwanda A Quelques déterminants historiques de la détresse psychologique et des violences Les traumatismes du génocide, de guerres et de massacres 12 Les problématiques de santé mentale et des différentes formes de violences telles qu’observées aujourd’hui doivent être comprises d’abord dans un rapport à l’histoire du pays - jonchée de tragédies - et à son lot de séquelles sur l’humain et son environnement. Destructions des vies humaines, du matériel et de l’immatériel (désacralisation des lieux de culte, transgression des interdits, etc.), déplacements massifs de populations, désorganisation de l’économie, désagrégation du système politique, social ou éducatif, le génocide des Tusti de 1994 qui a fait plus d’un million de morts a engendré des dégâts considérables sur l’ensemble de la population rwandaise. À partir de 1996, après le démantèlement de la violence dans les camps en République Démocratique du Congo (RDC), les forces du gouvernement déchu et la milice des interahamwe1 attaquèrent le nord du Rwanda depuis leur base en RDC. C’est ce que l’on appellera la « guerre des infiltrés » (abacengezi) qui causa en 1997 des milliers de morts, civils pour la plupart. L’actuelle province de l’Ouest du pays, située à la frontière de la RDC, a été particulièrement touchée par cette seconde guerre. Force est de constater encore aujourd’hui la présence de profondes blessures physiques et psychologiques, qui se manisfestent sous forme de crises (reviviscences) de façon répétitive chez un grand nombre 1 Interahamwe signifie « ceux qui combattent ensemble » en kinyarwanda. Ces milices hutu sont responsables de la plupart des massacres pendant le génocide. Après la guerre, beaucoup ont migré vers la République Démocratique du Congo. de personnes chaque année lors de la commémoration du deuil national ou pouvant se manifester sous forme d’angoisses et de peurs parfois infondées, de troubles du sommeil associés à des troubles du comportement ou de la personnalité, de troubles psychiatriques tels que des troubles traumatiques. Des données épidémiologiques sur l’état de santé mentale au Rwanda attestent d’un réel problème de santé publique. Une étude menée en 2009 par le Ministère de la Santé rwandais (Munyandamutsa et Mahoro Nkubamugisha, 2009) indique que 79,4% de la population a vécu un événement traumatisant au cours de sa vie, 28,54% de la population souffre de traumatisme, et 53,93% de la population souffre de dépression et de traumatisme. La rupture des liens sociaux et communautaires Les questions de violences (liées ou non au genre) et de détresse psychologique ne peuvent faire l’économie de la question du lien social, de la notion de « désordre » et de marginalisation de certains groupes de populations. Nous partons ici du constat du déclinement des liens familiaux et sociaux solidaires (partage de biens, de richesses, d’un intérêt général), causé par les guerres et ayant ensuite participé à la dissolution du sentiment communautaire. En effet, les solidarités fondées sur la « logique de la parenté et de celle du voisinage dont le couplage garantissait à la primarité sa cohérence systématique » remplissaient à la fois des fonctions de régulation et de résolution des conflits, de protection, de socialisation et d’intégration des semblables (y compris des plus vulnérables). Le Docteur Naasson, psychiatre rwandais, explique l’importance d’appréhender selon une « logique intra-sociétale » les problèmes sociaux et de santé mentale au Rwanda. La solitude liée à la perte de confiance (et de confidents) suite à l’expérience de la violence est un marqueur de détresse psychologique. Témoignage « Dans une société victime de violence, la problématique de la solitude est toujours là. Elle est présente. On la retrouve dans toutes les rencontres que nous faisons. On ne sait pas la mesurer mais quand on s’approche de quelqu’un, on sent qu’elle nous pénètre ». « La parole a tué à une époque. La parole fait encore peur2 ». Docteur Naasson Les difficiles liens de confiance se retrouveront chez la plupart des victimes de violences rencontrées, les mettant ainsi dans une situation de « vulnérabilité relationnelle » (Cohen, 1997) qui se traduira par une impossibilité de dévoiler leur histoire à autrui et donc d’accéder au potentiel de ressources du réseau social et communautaire. Les conflits intra et inter-familiaux à l’origine des violences et de la détresse psychologique Les conflits sont inhérents à toute société. En revanche, l’intensité, la gravité et la pluralité des conflits vont être des déterminants sociaux de la violence et de l’état de santé mentale d’un groupe, d’une population. Nous avons noté qu’un grand nombre de participants des groupes de discussion référaient à des conflits les affectant directement, physiquement et psychologiquement : il y a en premier lieu les conflits venant du cercle familial, en second lieu ceux venant du voisinage. Les conflits liés à l’héritage des biens fonciers : des histoires de famille Les mésententes entre individus d’un même groupe familial concernant le partage des richesses (vaches, matériels agricoles, produits issus de l’agriculture familiale), la circulation de marchandises (via la dot, le commerce formel ou informel) sont les motifs les plus couramment évoqués pour expliquer l’origine des violences physiques, sexuelles et psychologiques entre individus « familiers », notamment à l’égard des femmes, des filles et davantage encore à l’égard de celles en situation de handicap. La violence du verbe et du social : « Quand dire c’est faire [mal]3» « Lorsque la communauté s’étiole, les valeurs communes se transforment en bavardages, c’est-à-dire qu’au lieu d’être concernés par des faits à caractère public, ceux-ci se dissolvent dans des détails de la vie privée » (Thomas, 1997). Les raisons pour ne pas accepter son semblable sont nombreuses et rendent compte d’un univers social où transparaît une lente et difficile réconciliation des mémoires de guerres : jalousies liées à des inégalités sociales et économiques, à des En référence à l’ouvrage de Austin J.L, 1991, Quand dire c’est faire, Seuil, Paris. L’auteur étudie l’acte du discours en avançant que tout énoncé performatif, par le seul fait de son énonciation, permet d’accomplir l’action concernée. Ici, dire du mal de l’autre, c’est lui faire mal, de façon intentionnée. Austin dira : « Nous savons que nous faisons souvent quelque chose en disant quelque chose, ou par le fait de dire quelque chose ». 3 Interview du Docteur Naasson dans le cadre du tournage du film sur le projet santé mentale communautaire de Handicap International Rwanda, Direction des Ressources Techniques, 2012. 2 Contexte d’intervention, genèse et objectifs 13 La détresse psychologique et les violences liées au genre au Rwanda 14 frustrations, à des conflits du passé et des blessures non cicatrisées. Nous soutenons l’idée selon laquelle les violences liées au genre et les violences sexuelles sont avant tout conjugales, domestiques et plus généralement intra-familiales (dans la famille élargie) et restent des questions privées au sujet desquelles les « étrangers » ne doivent pas intervenir - a fortiori pour les cas de violences sexuelles qui sont tus, cachés par la crainte de la honte. Honte qui affecte négativement l’honneur et la dignité de la famille. Certaines victimes enquêtées relatent que la source de stress vient autant de l’agression physique ou sexuelle en tant qu’expérience traumatique, que du traitement et du regard des autres sur la vie privée et notamment sur les « malheurs des autres ». Les commérages, les accusations de mensonge, le jugement dépréciatif en public de la victime, sont autant de « modes de règlement de comptes » que de formes de violence psychologique et sociale qui agissent comme facteurs de stress et de souffrance psychosociale. Certaines femmes victimes de violences liées au genre/ violences sexuelles ayant tenté de parler, de dénoncer l’agresseur, nous avoueront s’être vues confisquer leurs biens, voire leur enfant, suite au jugement de valeur de leur belle-mère, elle-même influencée par l’opinion d’autres familles. Témoignage « L’enfer c’est la communauté […]. Les uns sont heureux du malheur des autres […]. Ma belle-sœur me hait et l’entourage aussi. Alors ils me donnent une très mauvaise réputation. Je n’ose plus sortir » Fille-mère, 25 ans, victime de viol à deux reprises, atteinte du VIH, reniée et déshéritée par sa famille. Les pratiques de violences et le cycle de reproduction de la « Tradition » à l’intérieur et à l’extérieur des familles Témoignage « Le génocide perpétré contre les Tutsi était très catastrophique et donc beaucoup de rescapés ont connu des violences, sont traumatisés et peuvent eux-mêmes être acteurs de violences aujourd’hui » Représentant d’un Conseil National des Jeunes, Boneza. Il n’est pas sans importance de rappeler ici l’impact des violences et de la détresse psychologique sur la nature des relations entre personnes d’une sphère familiale. D’autres études ont montré que les garçons ou filles exposés (témoins ou victimes) à un acte de violence en tant qu’enfant risquent davantage de pratiquer la violence contre les femmes à l’âge adulte4. Des cas d’incestes ou de domination masculine entre enfants de la même fratrie (frères sur sœurs ou cousines) ou entre enfants du même âge sont un exemple patent de comportements hétéro-agressifs pouvant se poursuivre à l’âge adulte. Les agressions physiques ou sexuelles de mineures par des mineurs ont été notées dans les zones où le nombre d’orphelins est important, où l’alcool et la drogue circulent et où les femmes en général sont vulnérables aux violences sexuelles. 4 Ceci fait partie des nombreux témoignages recueillis renforçant l’idée selon laquelle la violence contre les femmes serait un comportement acquis, objet d’apprentissage et d’imitation. B Les déterminants socioculturels des relations de pouvoir liées au genre et de la maladie mentale Définition des violences liées au genre et exploitation sexuels ; la prostitution forcée ; le sexe à des fins de transaction/ survie ; le harcèlement, l’intimidation et l’humiliation sexuels. Les violences affectives ou psychologiques : abus et humiliations, telles que les insultes ; les traitements cruels ou dégradants, contraindre une personne à accomplir des actes ; restrictions de libertés. Les violences socioéconomiques : discrimination et refus d’opportunités ou de services sur la base du sexe, du genre ou de l’orientation sexuelle ; l’exclusion sociale ; les pratiques juridiques d’obstruction (déni d’existence et de jouissance des droits civils, sociaux, économiques, culturels et politiques). Alors que la violence, dans une acception large, comprend toute forme de processus de contrôle, qui touche à des libertés humaines tant individuelles que collectives, la violence liée au genre se définit comme : Témoignage « Une violence concernant les hommes et les femmes, où la femme est généralement la victime. Elle découle de relations inégales de pouvoir entre hommes et femmes. La violence est dirigée contre une femme du fait qu’elle est une femme ou elle touche les femmes de manière disproportionnée. Elle comprend, sans s’y restreindre, des agressions physiques, sexuelles et psychologiques… Il s’agit également d’une violence perpétrée ou pardonnée par l’Etat » Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), Groupe du Thème Genre. Souvent subies simultanément, nous pouvons donc classer les violences liées au genre selon plusieurs typologies en prenant en compte la nature de la violence. Définitions Les violences physiques : agressions, coups effectifs ou tentatives ou menaces d’agression et de coups ; l’esclavage et pratiques analogues ; la traite. Les violences sexuelles : viol ou tentative ou menace de viol (vaginal, anal, oral), y compris le viol conjugal ; les abus Les violences à l’égard des femmes et des filles notamment comprises comme pratiques dites « traditionnelles » et culturelles (mutilations génitales féminines, mariages forcés et mariages d’enfants, maltraitance des veuves, crimes d’honneur et violences liées à la dot) sont toujours nombreuses au Rwanda5. Si les hommes peuvent également être victimes de un ou plusieurs types de violences liées au genre de la part de leur conjointe ou partenaire intime, les violences liées au genre touchent les femmes de manière disproportionnée. En 2010, 15.8 % des jeunes filles rwandaises entre 15 et 19 ans, 49.1 % des femmes âgées entre 25 et 29 ans, 57.4% des femmes âgées entre 30 et 39 ans, 57.9% des femmes âgées entre 40-49 ans, ont subi au moins une fois la violence physique (y compris sexuelle) depuis l’âge de 15 ans. Source : Rwanda Demographic and Health Survey 2010, National Institute of Statistics of Rwanda, Ministery of Finance and Economic Planning, Kigali, Rwanda, December 2011. 5 Contexte d’intervention, genèse et objectifs 15 La détresse psychologique et les violences liées au genre au Rwanda Systèmes de représentations du genre et résistances culturelles Témoignage « Dans nos coutumes, il y a beaucoup de violences mais nous n’appelons pas ça violences et ne les considérons pas comme telles » Infirmière responsable d’un centre de santé. 16 Nous avons observé durant cette rechercheaction que l’intensité, la perception des violences subies (selon leurs formes), leurs causes ainsi que les réponses qui seront données, vont varier selon le contexte d’énonciation, les acteurs, leur place dans la société ou la communauté, selon des facteurs comme l’âge, le genre, l’état civil, la classe sociale, la profession, le lieu d’habitation, le rapport de l’enquêté au groupe, à la culture, à ses valeurs, etc. C’est pourquoi nous partons de la conception des violences liées au genre - et de la violence en général - selon laquelle tout acte de violence renvoie à une caractéristique d’un comportement ou d’une action qui n’a de sens que dans un contexte donné, et que seule l’approche holistique (totale) et ethnographique, adoptée ici, nous a amenés à comprendre. Le genre, construit dans les rapports sociaux de pouvoir entre hommes et femmes, se fonde en général sur une légitimité prétendue naturelle liée à la bicatégorisation biologique des sexes. Témoignage « Culturellement le genre féminin est un être qui doit être inferieur au genre masculin. Telle est la conception de la population de Boneza » (Représentant d’une unité administrative. Dans cette conception asymétrique entre les deux genres, ce qui va faire que l’on est une femme sera toujours pensé, construit dans une relation particulière à un homme. C’est une relation qui implique des obligations personnelles et physiques aussi bien que des obligations économiques. Parmi ces obligations, des femmes nous ont révélés les suivantes : « assignation à résidence », « corvée domestique », « devoir conjugal », « rapports sexuels non-consentis », « production d’enfants illimitée ». Par ailleurs, gifler, pousser, taper, jeter des objets ou s’en servir pour donner des coups ne sont pas des actes considérés comme des violences « condamnables » ou visant explicitement le genre de la personne qui subit ces violences. La majorité des hommes et des femmes, des garçons et filles interrogés confirme que les auteurs de violences liées au genre sont en général leurs « familiers » : partenaire, mari ou épouse, mère, père, oncle, tante, frère ou sœur, enseignant, domestique. Les violences familiales et domestiques se produisent dans l’intimité du cercle familial trop souvent considéré comme un lieu privé où la loi trouve mal sa place. Et quand elle tente d’y pénétrer, elle est considérée comme une intrusion. Systèmes de représentations culturelles des maladies mentales et du handicap Les différences de traitement qui existent entre les personnes handicapées présentant des incapacités intellectuelles, psychiques ou psychosociale et les personnes ne présentant pas ces types d’incapacités (ou se considérant comme n’en faisant pas partie) peuvent être étudiées du point de vue des perceptions et des représentations sociales des maladies mentales. Celles-ci vont largement conditionner les comportements à l’égard des personnes avec des désordres psychiques, ainsi que leur accès aux services de santé et de santé mentale ou autres ressources favorisant leur guérison et leur inclusion dans la société. Définitions Les incapacités psychiques sont liées à la chronicisation soit de troubles mentaux graves (schizophrénie, psychose maniaco-dépressive, dépression), soit de l’Etat de Stress Post-Traumatique (ESPT) qui survient suite à la confrontation à une situation durant laquelle l’intégrité physique et/ou psychologique de la personne et/ou de son entourage a été menacée et/ou effectivement atteinte (accident grave, mort violente, violence sexuelle, agression, maladie grave, guerre, attentat, inondations violentes...). Les incapacités psychosociales sont liées à la détresse psychologique, quelle qu’en soit la cause (migration, exil, catastrophe naturelle, pauvreté, absence de logement, perte de liens familiaux et/ou sociaux, perte du travail). Les incapacités qui découlent de ces situations perturbent la participation des personnes en détresse psychologique à la vie sociale (inaptitudes au niveau du langage, des comportements ; les personnes perdent leurs habilités sociales et leurs aptitudes reliées à la protection et à l’assistance). Les incapacités intellectuelles sont liées à la déficience intellectuelle généralement associée à un trouble du développement ou à un trouble envahissant du développement, qu’elle qu’en soit la cause (génétique, chromosomique, biologique, organique, environnementale dont nutritionnelle). Par déficience intellectuelle, on entend une limitation significative, persistante et durable des fonctions intellectuelles (selon le Quotient Intellectuel) d’un sujet par rapport à un sujet du même âge ne présentant pas cette limitation (Handicap International, avril 2011). Souvent empruntes de préjugés, les représentations de la folie et des individus en situation de handicap psychique, intellectuel ou psychosocial renvoient aux notions d’« étrangeté » et d’« anormalité ». Ces représentations sont à l’origine de fortes discriminions et de formes de violences variées. Le « fou », ou la « folle» (Umusazi), est souvent considéré comme dangereux, sale, et parfois possédé par des esprits maléfiques. Il inspire la peur, la méfiance et le rejet. Derrière les explications qui ont été données par les populations rencontrées, la principale question qui est posée est la suivante : quelle est l’origine de la maladie mentale ou de la déficience intellectuelle ? Voulant à tout prix rendre les faits signifiants et pourchasser l’étrangeté, l’absurdité, les groupes vont élaborer de façon consensuelle des discours et des modèles étiologiques sur le « malheur » à l’origine des troubles mentaux ou d’une déficience intellectuelle. Les réponses apportées par la majorité des individus sont que la maladie mentale trouve son origine dans un fait magico-religieux et parfois biologique, ou les deux. L’intervention de « démons » (amashitani) ou d’esprits maléfiques qui possèdent le corps et l’esprit, un empoisonnement (en réponse à un conflit dans lequel est impliqué directement le malade, sa famille, son groupe avec un autre individu, sa famille) sont autant d’explications étiologiques qui impliquent l’intervention d’un tiers (les tradipraticiens appelés les Abavuzi ba Gihanga signifiant plus précisément « les docteurs traditionnels », les guérisseurs (Abapfumu), les sorciers ou les empoisonneurs (Umurozi)). Ici le malade (son corps et son esprit) est considéré comme le lieu où peuvent s’affronter des forces extra-naturelles, ou encore le lieu où s’exprime un déséquilibre social au sein des communautés. Un déséquilibre pouvant être engendré par les conflits et violences du passé et/ou par des déterminants Contexte d’intervention, genèse et objectifs 17 La détresse psychologique et les violences liées au genre au Rwanda 18 socio-économiques, familiaux, individuels qui sont à l’origine des troubles mentaux. Cela nous amène à explorer quelles sont les perceptions de la souffrance, de la détresse psychologique venant du dedans et du dehors, de l’individu et de son environnement. Car en effet, des représentations de la souffrance et de la guérison vont dépendre les modes d’aide et de soins (psychiatriques, traditionnels, médecines parallèles) auxquels les personnes font recours. D’abord, la détresse psychologique ne semble pas toujours acceptée ni comprise par les non-souffrants. « Les traumatisés du génocide font du théâtre » a-t-on pu entendre. Renvoyant aux notions de faiblesse, de passivité, d’oisiveté, d’inutilité, de marginalité et de victimisation, la détresse psychologique est souvent très mal acceptée, ignorée ou banalisée par les « non souffrants ». Egalement taboue, enfermant la personne et son groupe d’appartenance dans une histoire traumatique révolue (ou voulant l’être), la détresse psychologique est souvent confondue dans les discours recueillis avec un modèle explicatif d’origine locale renvoyant à la catégorie diagnostique du Trouble de Stress Post-Traumatique (ihungabana : « être bouleversé, perturbé »6). Ainsi comprise, cette détresse psychologique est mal acceptée car elle remettrait en cause les efforts collectifs de la reconstruction, du deuil, du travail de mémoire et sa dynamique groupale. En réponse à la question des possibilités de recours face à cette détresse, certains fatalistes affirmeront qu’« il faut porter sa croix », se résigner. De cette injonction découlera un fait grave de conséquence en termes de santé somatique et psychique : Terme inventé par les professionnels suite au génocide pour signifier les « traumatisés», le poids de la souffrance psychique liée aux évènements, car le terme « traumatisme» n’avait pas d’équivalent en Kyniarwanda. 6 ne pas gémir, ne pas se plaindre, ne pas parler au risque de récolter honte et mépris de la part des proches, des membres de la communauté. La maladie mentale est aussi considérée comme un fardeau, un handicap parmi les handicaps. Différents modèles étiologiques du handicap sont apparus. Dans les représentations correspondant au modèle maléfique, le handicap est perçu comme un mal absolu, une anormalité, et, en même temps, une déviance sociale. Dans le modèle exogène, le handicap - comme nous venons de le voir pour la « folie » - est perçu comme une malédiction dont il faut chercher le coupable, le responsable : les mères, les parents, un châtiment divin, les ancêtres, les esprits, etc. Il s’agira alors de comprendre s’il existe un lien direct entre ces représentations et les comportements. Ces items culturels seront à déconstruire par rapport à leur contexte d’énonciation car, au-delà des croyances qui pourraient guider des comportements violents, discriminants à l’égard des personnes handicapées, nous focaliserons notre attention sur les réalités locales et les conditions sociales et économiques dans lesquelles vivent et parlent les personnes. Par exemple, des situations de pauvreté extrême comme l’on retrouve dans les districts de Rutsiro et de Rubavu, un manque d’éducation et d’accès aux services de protection sont tout autant des facteurs d’exclusion, de marginalisation des personnes handicapées, pouvant représenter pour les familles une « charge » économique importante, car elles ne constituent pas une force de travail pour la famille/le groupe/la communauté. Genèse du projet « santé mentale communautaire et violences liées au genre » A B Justification du projet et de la recherche-action Caractéristiques des territoires d’intervention et zones d’enquête Forte de son expérience acquise au travers de sa présence au Rwanda et de ses interventions dans le domaine psychosocial depuis juillet 1994, Handicap International a initié depuis 2007 un projet Santé Mentale Communautaire visant à « promouvoir la santé mentale par le renforcement des dispositifs communautaires de prévention et de soins curatifs pour les enfants et adolescents en état de souffrance psychique au Rwanda ». Ce projet s’enracinait dans une démarche participative qui impliquait aussi bien les acteurs civils que publics, en co-action avec des organisations partenaires rwandaises. Grâce à un financement de la Direction du Développement et de la Coopération Suisse (mai 2011 - mars 2014), et au travers de son programme régional psychosocial, un nouveau cycle de projet a démarré et vise le « renforcement d’une démarche en santé mentale communautaire dirigée vers les populations en situation de vulnérabilités psychologiques et sociales, en particulier celles exposées aux violences liées au genre ». En effet, il paraît indispensable pour Handicap International de traiter les répercussions des violences liées au genre et des violences sexuelles, tant sur le plan psychologique proprement dit que sur le plan social et communautaire. Les violences liées au genre constituent un problème de déficit de protection grave et une des principales causes des troubles de santé mentale. Elles doivent être comprises comme un signe et une conséquence de dysfonctionnements au sein d’une société qui alimente à son tour ces dysfonctionnements. Malgré les efforts de prévention et de réponse de la part des organisations gouvernementales pour minimiser les causes et les conséquences des violences liées au genre, celles-ci restent nombreuses en raison d’un lent et difficile changement de comportements chez les populations, et d’une forte influence à l’Ouest du Rwanda par les pays frontaliers comme la République Démocratique du Congo et le Burundi. La politique de décentralisation adoptée en 2000 découpe le Rwanda en entités administratives : 5 provinces (Kigali et 4 autres) subdivisées en 30 districts (Uturere), 416 secteurs (Umurenge), 2 188 cellules (Utugari), et 15 155 villages (Umudugudu). Les deux districts d’intervention de la Province Ouest sont Rubavu et Rutsiro. Situé à 150 km de Kigali, le District de Rutsiro se situe sur la chaîne montagneuse dite « Crête de Congo’Nil » qui est une région très enclavée et difficilement accessible. Notre recherche-action s’est déroulée sur les secteurs de Musasa, Boneza, Gihango et Mushubati. Du Sud au Nord-Ouest, la frontière du district de Rutsiro se confond avec la République Démocratique du Congo (RDC) et borde le Lac Kivu. Le District de Rubavu se situe également à la frontière de la RDC pour sa partie Ouest. Les secteurs d’enquête étaient Gisenyi, Nyakiliba, Rugerero et Nyundo. Densément peuplés, les secteurs de Gisenyi, Nyakiliba sont aussi Contexte d’intervention, genèse et objectifs 19 Genèse du projet « santé mentale communautaire et violences liées au genre » des lieux de passages et de transits avec des flux relativement stables et réguliers de migrants économiques. S’ajoutent depuis 1995 des mouvements massifs de réfugiés et de rapatriés installés en RDC et qui ont largement perturbé l’occupation de l’espace par un nombre important de personnes réinstallées, sans compter la démobilisation des anciens combattants et la libération des prisonniers. Le choix d’implanter un projet Santé Mentale Communautaire dans la province de l’Ouest a été dicté par plusieurs considérations à partir d’indicateurs qui permettent de caractériser l’environnement physique et humain : 20 Les particularités environnementales des deux districts contribuent à plus d’un titre à la pauvreté. En effet, malgré leurs fortes potentialités économiques, notamment agricoles, commerciales et touristiques, les deux districts ont des indices de pauvreté inférieurs à la moyenne nationale (Minocofin, 2002). Les situations de sous-équipement par rapport aux infrastructures et services sociaux de base. Le nombre très limité d’intervenants (associations nationales, organisations internationales) en matière de santé mentale et de violences liées au genre. 41.1 % des femmes ont subi au moins une fois une violence physique (y compris sexuelle) en ce qui concerne la province de l’Ouest du Rwanda (National Institute of Statistics of Rwanda, 2011). Objectifs de la recherche-action B Handicap International Rwanda, commanditaire de la présente recherche, a trouvé pertinent d’identifier et d’analyser le rôle des facteurs environnementaux, socio-économiques, culturels et psychosociologiques sur l’incidence et la prévalence des violences liées au genre, des violences sexuelles et de la détresse psychologique dans les districts de Rubavu et de Rutsiro. Ceci afin de mieux comprendre les fondements et les causes des phénomènes, mais aussi d’évaluer les ressources disponibles en matière de prise en charge. A Objectif général Apporter à l’équipe Santé Mentale Communautaire de Handicap International et à ses partenaires locaux une meilleure intelligibilité des contextes d’intervention (localisation des populations vulnérables, facteurs de risque, ressources mobilisables) dans les districts de Rutsiro et de Rubavu (Province Ouest du Rwanda). Objectifs spécifiques 1- Identifier sur les différents secteurs d’intervention les groupes de populations vulnérables aux violences liées au genre (aux violences sexuelles de manière plus spécifique) et à des troubles de santé mentale. 2- Appréhender le contexte selon un angle socio-anthropologique afin de : Repérer les types de violences et les facteurs de vulnérabilité liés à l’environnement (facteurs sociétaux, culturels, économiques) qui vont influencer l’accès aux services spécialisés de protection existant dans la communauté. Analyser les perceptions, les représentations sociales et les normes (de genre, de violences « coutumières », de la souffrance, du handicap, etc.). Comprendre les mécanismes de résolution des conflits et les facteurs d’adaptation permettant de « vivre avec » (mécanismes de coping : stratégies de survie). 3- Elaborer une cartographie des ressources des territoires par une analyse du système d’acteurs Ceci afin de mieux comprendre quels sont les « leviers communautaires » permettant de mobiliser les forces de la communauté, c’est-à-dire tout ce qui vient soutenir (lieux, structures, dispositifs depuis les autorités locales jusqu’aux fournisseurs des services décentralisés et de la société civile) les personnes en détresse psychologique et/ ou victimes de violences liées au genre qui rechercheraient une protection, une prise en charge holistique (médicale, psychologique, économique et légale). Fin de partie. Contexte d’intervention, genèse et objectifs 21 Rwanda, 22 2011 Concepts et Méthodologie CONCEPTS A. Détresse psychologique B. Santé mentale C. Vulnérabilités D. Pauvreté E. Exclusion F. Situation de handicap G. Empowerment H. Communauté MÉTHODOLOGIE A. Populations cibles B. Taille et composition de l’échantillon C. Equipe impliquée dans la recherche-action D. Déroulement de la collecte des données E. Traitement des données et méthodes d’analyse LIMITES DE LA RECHERCHE-ACTION 24 24 24 25 25 25 25 26 26 27 28 28 29 30 30 33 Concepts et Méthodologie 23 Concepts 24 A B Détresse psychologique Santé mentale Nous devons différencier d’une part le traumatisme psychique directement lié au génocide, et d’autre part la détresse psychologique pouvant apparaître, soit suite à des violences indirectement liées au génocide, soit venant de l’environnement familial, social, culturel et économique. « Lorsque cette détresse psychologique est liée à une causalité sociale, elle est appelée souffrance psychosociale » (Handicap International, avril 2011). Les groupes vulnérables qui seront ici identifiés pourront se trouver dans l’un ou l’autre ou les deux cas de figures. Ici, nous retiendrons deux définitions. « La santé mentale s’intéresse de manière générale à toutes vulnérabilités entraînant des troubles psychiatriques et/ou une souffrance psychosociale diminuant les capacités de défense et d’adaptation de la personne aux exigences sociales, culturelles et politiques qui l’environnent » (Handicap International, avril 2011). « Une santé mentale suffisamment bonne peut être définie comme suit : • la capacité de vivre avec soi-même et avec autrui, dans la recherche du plaisir, du bonheur et du sens de la vie, • dans un environnement donné mais non immuable, transformable par l’activité des hommes et des groupes humains, • sans destructivité mais non sans révolte, soit la capacité de dire « non » à ce qui s’oppose aux besoins et au respect de la vie individuelle et collective, ce qui permet le « oui », • ce qui implique la capacité de souffrir en restant vivant, connecté avec soi-même et avec autrui7». 7 Déclaration de Lyon lors du Congrès des 5 Continents sur les effets de la mondialisation sur la santé mentale, 19-22 octobre 2011, Lyon, France. Les signataires de cette déclaration sont experts pluridisciplinaires en santé mentale en même temps que citoyens du monde. C E Vulnérabilités Exclusion Ce terme renvoie souvent aux problèmes de « vulnérabilité sociale et économique » qui touchent divers besoins : sanitaires (accès aux soins, qualité des soins, reconnaissance des handicaps, prise en charge des maladies), éducatifs, ou matériels. « La vulnérabilité est déterminée tant par la potentialité du risque (probabilité de subir un dommage, une menace, une perte) que par son impact (le risque de souffrir de ses conséquences) » (Pirotte, 2010). L’étiquette « vulnérable » remplira ici une fonction classificatrice qui sera adoptée pour répondre à des exigences terminologiques propres à tout projet d’intervention en contexte humanitaire. Au-delà de caractéristiques socio-économiques communément définies, nous reconnaîtrons qu’il y a plusieurs figures sociales et réalités de la souffrance. Processus caractérisé par une rupture du lien social (habitat, famille, couple, travail et relations sociales) et de difficultés d’accès aux droits sociaux élémentaires. D Pauvreté Dans ce rapport, nous entendrons par pauvreté la définition suivante : « situation des individus et des ménages marquée par l’insuffisance des ressources, l’exclusion d’un mode de vie matériel et culturel dominant, la précarité du statut social » (Valtrini, 1993). F Situation de handicap Une situation de handicap correspond à la réduction de la réalisation des habitudes de vie, résultant de l’interaction entre les facteurs personnels (les déficiences, les incapacités et les autres caractéristiques d’une personne) et les facteurs environnementaux (les facilitateurs et les obstacles). Concepts et Méthodologie 25 Concepts 26 G H Empowerment Communauté Ce terme, qui signifie « devenir capable, entrer en relation avec un pouvoir », renvoie à un « pouvoir » qui réside d’abord dans un évènement, dans une rencontre qui convoque l’individu ou le groupe et son environnement. Cela implique une « transformation », c’est-à-dire le passage d’un état à un autre, avec l’idée d’une « nouvelle manière d’exister au monde » (de faire, de sentir, de penser et d’agir), « c’est-à-dire aussi se lier à des forces auxquelles leur invention confère une signification effective » chez l’individu, le groupe et son environnement (Stengers, 2002). Il faut d’abord se défaire du stéréotype selon lequel la communauté, en tant qu’entité culturellement homogène, ne serait alors qu’harmonie, consensus et entraide sociale. Il faut injecter les idées de différences (de statuts sociaux, de niveaux d’éducation, d’âges, de classes économiques), de diversité (de comportements, de croyances, de représentations) et de conflits (entre individus, familles). La communauté peut remplir sa fonction protectrice, ou non, selon le caractère quantitatif et surtout qualitatif des liens sociaux entre les individus ou groupes qui reste un indicateur de protection et donc de vulnérabilité. Ici, nous porterons notre attention sur ce qui fait agir les personnes selon les figures et la nature des modes d’attachement ou de détachement, sur les mouvements et les médiations qui se créent dans la communauté afin de voir « les attaches », « celles qui procurent de bons et de durables liens » (Latour, 2000). La notion de communauté renvoie donc pour nous à deux questions essentielles : qu’est-ce qui relie les individus entre eux ? Quels sont les supports et ressources autour desquels ils se mobilisent collectivement ? Méthodologie Les méthodes qualitatives de collecte des données se sont basées sur les principes de la socio-anthropologie et de la rechercheaction participative. Il s’agit d’une démarche collective intégrant à la fois une stratégie de recherche et une stratégie d’action, qui s’appuie sur les savoirs des acteurs locaux et des populations, et qui impulse une dynamique de collaboration et de concertation entre enquêteurs et enquêtés. Les enquêtés, au travers de leurs témoignages et de leur expérience du contexte local, ont ainsi joué un rôle actif dans l’identification des facteurs de risque, de la nature des besoins et dans l’identification des groupes vulnérables. Nous avons favorisé une communication interactive lors d’« ateliers de diagnostic », qui ont pris la forme d’ateliers de travail organisés en début d’enquête sur chaque district. Les objectifs étaient de recenser les acteurs locaux impliqués dans la prise en charge médico-psycho-sociale des personnes ayant subi des violences liées au genre et des violences sexuelles, de localiser les groupes les plus vulnérables, en mettant en lumière les problématiques spécifiques aux territoires (facteurs de risque). Dans ces ateliers, nous avons cherché à avoir une représentation significative des différents types d’acteurs locaux, de couches sociales, de profils professionnels issus des organisations communautaires de base et des cadres de concertation mis en place aux différents niveaux : district et secteurs d’intervention, cellules et villages. Ces ateliers ont donc réuni : les autorités de base, les différents « techniciens » des structures à base communautaire (Community Policing Commitees de secteur, Comités Anti-VLG8, soignants ou agents de santé communautaires des centres de santé), les représentants des organisations des confessions religieuses et de la société civile9. Des ateliers de restitution des résultats ont eu lieu après la phase d’analyse des données avec ces mêmes acteurs. Sur la base d’outils (grilles d’entretien, grille d’observation, fiche de mapping des acteurs), le recueil des données s’est fait par : une méthode d’entretien semi-directif individuel, des entretiens semi-directifs de groupe (Focus Group Discussion), des entretiens libres et informels, une observation participante, une compilation de littérature et de données (statistiques de police, d’hôpitaux, de centres de santé, etc.). Toutes les personnes interrogées ont donné leur consentement éclairé de manière orale. Pour des raisons éthiques et déontologiques, nous avons appliqué la politique de confidentialité et d’anonymat pour rester le plus vague possible sur l’identité des répondants. Les entretiens étaient tenus en langue nationale : le Kyniarwanda. Par souci d’équité et d’impartialité descriptive, nous avons par ailleurs tenté de ne pas déformer le sens des narrations enregistrées en passant par la traduction en langue française. Enfin, pour ne pas porter atteinte à la sécurité des personnes ayant eu le courage de témoigner malgré le fait d’être prises au cœur d’enjeux multiples d’influences et de persécutions et autres pratiques honteuses, cachées ou illégales, nous nous sommes gardés de spécifier les lieux où se sont déroulées les rencontres avec les intéressés. Ces différentes mesures ont des fins de protection des personnes car les informations diffusées peuvent circuler dans un milieu d’interconnaissances où les personnes seraient aisément reconnaissables et identifiables. Les partenaires opérationnels de Handicap International intervenant sur les districts ont été impliqués dans la mise en œuvre des ateliers, en facilitant le dialogue avec les autorités de base, en participant à l’organisation logistique et aux échanges avec les participants. 9 8 VLG = Violences Liées au Genre. Concepts et Méthodologie 27 Méthodologie A Populations cibles 28 Les principales populations cibles de l’enquête (classées en catégories homogènes selon le sexe, l’âge, le statut social et les types de vulnérabilité) étaient les personnes avec une forte probabilité d’avoir expérimenté au moins une fois dans leur vie : une des différentes formes de violences liées au genre, mais aussi une/des violence(s) liée(s) à leur statut social, à leur âge et leur statut marital. la « détresse psychologique » sous ses diverses manifestations. Nous avons considéré les personnes handicapées parmi les personnes très vulnérables aux violences et à la détresse psychologique. En effet, d’autres études ont montré la forte prévalence des violences liées au genre parmi les groupes de personnes handicapées qui, du fait de leur déficience, sont victimes de multiples discriminations et constituent des victimes souvent sans défense (Handicap International, 2007), peu ou pas reconnues par la communauté ni par les politiques sur le genre et les violences liées au genre. Nous userons des expressions de « Victimes10 de violences liées au genre et violences sexuelles » et de « personnes en détresse psychologique » pour nommer les deux principaux groupes cibles de la recherche-action. Loin d’enfermer les personnes dans un statut de « victime », notre démarche exploratoire est allée au contraire au plus près des subjectivités en 10 Bien que le terme « victime » soit utilisé dans le présent texte, nous souhaiterions inciter les lecteurs à dépasser les significations, comme la stigmatisation et la notion d’impuissance, qui lui sont généralement associées. Les victimes ont, certes, besoin que l’on fasse preuve de compassion et de tact à leur égard, mais il ne faut pas pour autant oublier leur force et leur capacité de résistance. essayant de saisir les trajectoires de vie avec leurs vulnérabilités idiosyncratiques (physique, biologique, psychique, socio-économique), mais aussi les capacités de réaction pour résoudre des situations défavorables en tirant profit des ressources disponibles. B Taille et composition de l’échantillon Les populations interrogées ont été recensées selon : La tranche d’âge d’appartenance (de 12-17 ans à 56 ans et plus). Le statut marital (célibataire, en couple, marié(e), divorcé(e), veuf/veuve). Le type d’incapacités (motrices, sensorielles, intellectuelles, psychosociales, psychiques, multiples). Sur un total de 134 femmes, la tranche d’âge la plus représentée est celle des 18-25 ans (43.3%). En effet, cette population correspond aux jeunes filles célibataires (représentant 38%) qui sont apparues comme l’un des groupes les plus vulnérables aux violences sexuelles de façon égale dans les deux districts d’intervention (renvoyant au groupe des « filles-mères » pour la plupart orphelines et chefs de ménage). Vient ensuite la tranche d’âge des 26-35 ans (25.4%) et des 36-45 ans (14.2%) correspondant aux femmes soit en couple (25.3%), soit veuves (21.7%), soit mariées (10.9%), qui ont subi au moins une fois une forme de violences liées au genre. C Équipe impliquée dans la recherche-action Les garçons de 12-17 ans (27.5%) et 18-25 ans (35.3%) sont les plus vulnérables aux violences. Cela viendra confirmer la vulnérabilité du groupe des orphelins et enfants des rues subissant des violences économiques et physiques (maltraitance, exploitation, vol de biens familiaux). Les personnes vivant avec des incapacités psychosociales (de sexe féminin comme de sexe masculin) sont fortement représentées dans le nombre total de personnes handicapées interrogées (51.7%). Les femmes restent en revanche plus affectées par des troubles d’ordre psychosociaux (38.1%) que les hommes (13.6%), notamment celles vivant avec des incapacités motrices, psychiques ou intellectuelles. La catégorisation « incapacité psychosociale » ou « incapacité psychique » s’est basée sur l’analyse des éléments de récits de vie des personnes, après recueil des témoignages, par les enquêteurs eux-mêmes et selon l’intensité des symptômes et les causes de la détresse psychologique observées et notées : rupture de liens sociaux et familiaux menant à une situation d’isolement, sentiment de peur et/ou de stress, inaptitudes à prendre soin de soi, expression d’une carence affective, lorsqu’ils sont en interaction avec des facteurs environnementaux : situations de pauvreté, d’exclusion, de migration, de non/ mal logement, d’inactivité. Le travail a été réalisé par une équipe de six enquêteurs rwandais francophones, sous la supervision de la chargée de la rechercheaction et de son assistante. La diversité des profils professionnels (1 sociologue, 3 psychologues, 1 chargée de counselling, 1 animateur psychosocial) a favorisé la complémentarité des compétences et l’émergence de différents points de vue. De plus, le personnel enquêteur avait les compétences et l’expérience requises pour apporter des mécanismes de réponse appropriés aux décharges émotionnelles des victimes pouvant surgir lors des groupes de discussion11. Constituée en trois binômes auxquels étaient données à chacun des missions spécifiques, l’équipe a enquêté durant 4 semaines (20 jours) selon un planning établi à l‘avance. Concepts et Méthodologie 29 11 L’équipe d’enquêteurs a été formée durant 3 jours à Kigali sur les notions de genre, de violences liées au genre, sur l’approche Santé Mentale Communautaire, le Processus de Production du Handicap, l’approche plaidoyer, juridique des violences liées au genre et personnes handicapées, et les méthodes de collecte des données de l’approche recherche-action en socio-anthropologie. Méthodologie 30 D E Déroulement de la collecte des données Traitement des données et méthodes d’analyse L’équipe a passée deux semaines sur chaque district, à raison de 2 à 3 jours sur chaque secteur d’enquête. Le temps était dédié à la mise en œuvre de groupes de discussion avec les populations pré-identifiées comme vulnérables aux violences liées au genre et à la détresse psychologique. Une autre partie du temps d’enquête était consacrée à la réalisation d’entretiens individuels réalisés auprès des acteurs clés locaux tels que : les représentants des autorités de base (chefs de village, de cellules, secrétaires exécutifs de secteurs, chargé des affaires sociales, etc.), les représentants des instances communautaires (Conseils Nationaux des Femmes, community policing, agents de santé communautaires rattachés aux centres de santé, pairs éducateurs, personnel des hôpitaux et travailleurs socio-éducatifs), les représentants de la société civile (présidents, secrétaires et agents techniques d’associations locales de personnes handicapées, prostituées, veuves, rescapés et autres agents des associations ou organisations non-gouvernementales agissant auprès des populations vulnérables sur les zones d’enquête). Des réunions d’équipe se tenaient sur les sites une à deux fois par semaine, et portaient sur les données empiriques fraîchement recueillies auprès des groupes d’acteurs et des groupes vulnérables rencontrés. Favorisant le « brainstorming » (verbalisation et centralisation des informations) et la naissance d’analyses interprétatives « à chaud », cela a permis par ailleurs d’organiser les données recueillies, de réajuster celles à récolter les jours suivants, de développer des pistes pour l’enquête et des hypothèses de travail provisoires selon les objections et contre-exemples apportés par les membres de l’équipe. Les données qualitatives ont été soumises à une analyse inductive consistant à : condenser des données brutes dans un format résumé, trianguler les informations, établir des liens entre les objectifs de la recherche et les catégories découlant de l’analyse des données brutes. L’analyse des discours, selon une approche psychologique et socio-anthropologique des récits, a permis de dégager le sens que les individus ont construit à partir de leur réalité, et in fine de comprendre les problématiques dans leur inscription dans des contextes particuliers. Afin de définir les groupes les plus vulnérables/à risque aux violences et à la détresse psychologique, l’analyse des facteurs de risque a pris compte de : la fréquence des risques rencontrés par les victimes/les personnes en détresse psychique ; leur intensité (en fonction des conséquences relatées) ; la corrélation entre plusieurs facteurs de risque (cf. schéma ci-après). Au-delà de l’approche historique et culturelle (parties A.1 et A.2), les violences aujourd’hui observées dans les zones d’intervention, avec leurs disparités géographiques et démographiques, doivent être comprises comme résultantes de l’interaction entre différents facteurs de risque : sociétaux, environnementaux, communautaires, familiaux et individuels. Individu Famille Communauté Environnement Société FDR INDIVIDUELS: âge, sexe, statut socio-professionnel, aptitudes motrices, mentales, intellectuelles, visuelles, sociales, etc. FDR FAMILIAUX: absence des proches, rupture des relations, conflits, rejet, désaffiliation, privation de patrimoine FDR COMMUNAUTAIRES: perception et traitement des victimes, personnes handicapées, conflits sociaux, rupture des liens, absence de ressources de protection/réseau social FDR ENVIRONNEMENTAUX: situation géopolitique, contraintes du territoire (nature, aménagement, densité, disponibilité des ressources) FDR SOCIETAUX: déterminants historiques, culturels, politiques, économiques, systèmes de soin, éducatif, de protection Facteurs de risque (FDR) en lien avec les violences liées au genre, violences sexuelles et la détresse psychologique 31 Concepts et Méthodologie 31 32 Limites de la recherche-action La courte durée de l’enquête, l’étendue des territoires et l’éparpillement des populations cibles ou des acteurs locaux ont constitué les contraintes majeures du recueil des données. Par ailleurs, les courtes entrevues avec les populations enquêtées sur le sujet sensible, parfois difficilement verbalisable, des violences liées au genre, des violences sexuelles et de la détresse psychologique d’une part, et la traduction du Kyniarwanda au Français d’autre part, posent des limites ontologiques et épistémologiques de cette recherche-action. A des fins de géolocalisation et d’identification rapide des groupes dits « vulnérables », nous avons adopté une logique de catégorisation comme s’il s’agissait de « groupes homogènes de victimes » (exemples : « les prostitués », « les veufs rescapés et les personnes handicapées », etc.), avec des expériences communes et pouvant donner l’impression d’effacer ainsi la singularité des personnes et la multiplicité des trajectoires. Par ailleurs, notons la non-exhaustivité de l’échantillon des groupes retenus ici comme étant les plus vulnérables aux faits de violences liées au genre et de détresse psychologique. Ceux retenus sont issus de l’interprétation et de l’analyse inductive des informations tirées des entretiens formels menés à la fois avec les acteurs locaux et les populations locales (entretiens formels ou informels). Or, à raison de deux ou trois jours par zone (secteur), nous avons dû faire des choix quant aux groupes de personnes les plus vulnérables à enquêter. D’autres groupes également vulnérables peuvent apparaître à proximité, en lien avec ceux retenus dans cette recherche-action. Enfin, nous admettons ici les limites de la catégorisation des personnes vivant avec des « incapacités psychosociales » ou des « incapacités psychiques », du fait de l’absence d’une approche clinique individuelle ou groupale, et cela, sur une durée suffisante permettant de poser un diagnostic. En revanche, la présence d’au moins un psychologue dans chacun des trois binômes d’enquêteurs a permis de poser un regard d’« expert », de dégager des tableaux cliniques, et d’être en mesure de prendre en considération les personnes en incapacités psychosociales ou psychiques. Fin de partie. Concepts et Méthodologie 33 34 2011 Rwanda, Etat des lieux des populations vulnérables, des ressources et des freins communautaires LES GROUPES LES PLUS VULNÉRABLES IDENTIFIÉS ET COMMUNS 36 AUX DEUX DISTRICTS D’INTERVENTION A. Une vulnérabilité liée au genre B. Une vulnérabilité liée au statut social et économique C. Une vulnérabilité liée à l’âge D. Une vulnérabilité liée à la situation de handicap 36 38 40 42 LES FACTEURS DE RISQUE PROPRES AUX ZONES CIBLES D’INTERVENTION 44 A. Les facteurs communs aux deux districts B. Les facteurs de risque environnementaux du District de Rutsiro C. Les facteurs de risque environnementaux du District de Rubavu 44 45 46 RESSOURCES ET FREINS POUR LA PROTECTION DES VICTIMES A. Les efforts réalisés par le gouvernement rwandais B. La prise en charge juridique et judiciaire C. La prise en charge médicale D. La prise en charge psychologique E. Les acteurs de la société civile F. La famille et la communauté 47 47 49 51 52 53 54 Etat des lieux 35 Les groupes les plus vulnérables identifiés et communs aux deux districts d’intervention A Une vulnérabilité liée au genre 36 Les femmes et la pauvreté Les femmes mariées/en couple Les rapports asymétriques entre les genres et la pauvreté sont inextricablement liés. D’une part, la pauvreté des familles peut amener à des « arrangements » inter-familiaux où la monnaie d’échange sera la femme. Pour une relation sexuelle forcée (viol), le silence de la victime et de sa famille s’achètera pour quelques billets. D’autre part, la position de subordination et les inégalités de genre vont directement influer sur la manière dont les femmes sont affectées par la pauvreté que sur leur capacité à trouver des ressources pour en sortir. Quels sont les causes et les facteurs engendrant pauvreté et paupérisation des femmes, et accentuant leur vulnérabilité aux violences ? pas de contrôle des dépenses de l’argent gagné, pas d’accès aux terres, à l’héritage, faible niveau d’éducation lié à une différence de traitement à l’égard de l’investissement qu’on leur accorde pour étudier, autorisation de la polygamie, charge importante de responsabilités familiales (rendant la recherche de solutions / l’empowerment difficile). Les femmes handicapées (tous types d’incapacités confondus) vont être d’autant plus affectées par des situations de pauvreté, car elles sont souvent privées d’héritage, d’éducation et de formation professionnelle et donc de revenu et de patrimoine. Les résultats indiquent que la quasi-totalité des femmes mariées enquêtées ont subi au moins une forme de violence. La banalisation des violences liées au genre envers les femmes mariées ou en couple, dit « illégitime », indiquent une domination masculine loin d’être remise en cause, à défaut de recours possible pour la plupart (divorce, fuite, emprisonnement de l’époux). La première forme de violences liées au genre la plus répandue est la violence économique des hommes sur les femmes (épouses, sœurs, filles), et notamment entre le mari et l’épouse lorsque cette dernière se voit privée de biens et du patrimoine familial. Les conflits de nature économique, tels que le partage non équitable ou l’appropriation de la totalité du patrimoine familial ou conjugal (biens fonciers ou matériels communs), les vols, l’exploitation économique sont autant de facteurs entraînant l’apparition d’autres formes de violences : sexuelles, physiques, puis psychologiques (par ordre de fréquence telle qu’observée). Témoignage « La violence sexuelle envers les femmes est la forme la plus courante, mais elle n’est pas révélée. Par exemple, les mésententes d’ordre économique, social ou sexuel dans le couple sont la cause des violences physiques et du viol conjugal » Commission Justice et Paix de l’Eglise Catholique de la paroisse de Nyundo, district de Rubavu. La seconde forme de violence la plus largement connue, répandue et « banalisée » chez les femmes mariées/en couple, est la violence sexuelle sous la forme du viol conjugal, (fondamentalement « coutumier » dans certaines localités), de menaces ou de passages à l’acte avec utilisation de la force pour obtenir des rapports sexuels, ou encore d’actes physiques atteignant l’intégrité corporelle (attouchements, harcèlement physique). Les répondants ont trouvé difficile d’identifier les motivations derrière les violences sexuelles et ont formulé beaucoup d’opinions diverses. La vision selon laquelle le viol servirait principalement à démontrer son pouvoir et sa domination et que l’humiliation des femmes renforcerait leur sentiment d’infériorité, a été révélée comme étant la principale raison d’agir des auteurs. Les hommes Les hommes veufs et/ou rescapés du génocide ou de la guerre des infiltrés présentent d’importantes formes de souffrances liées aux conflits qu’ils ont traversés, à leur statut de veuf ou de rescapé souffrant de troubles post-traumatiques. Les facteurs de vulnérabilité identifiés : L’effet pervers de la Gender Politic : le message d’égalité des genres a souvent été interprété par « les femmes doivent avoir le pouvoir » (comme par exemple avoir le contrôle des richesses, de l’éducation des enfants). Les hommes rescapés en incapacités psychiques, psychosociales ou physiques n’ont plus de valeur/de fonction sociale aux yeux des épouses. Lorsque le handicap qui invalide ces hommes les empêche de travailler, les femmes peuvent les priver de biens, de nourriture, de logement et de sexe. Il est souvent difficile d’avouer sa position subordonnée, et les violences subies remettent ainsi profondément en cause la virilité, la masculinité. La communauté tendrait à humilier d’office et publiquement un homme battu « ayant perdu le contrôle sur sa femme ». Lorsque les hommes victimes de violences liées au genre parviennent à parler de leur expérience aux autorités de base, ils ne sont pas écoutés, pas crus en raison du présupposé selon lequel « ce sont les femmes les victimes ». Ils prennent ainsi le risque d’être emprisonnés. Les conflits et les violences liées au genre dans le couple sont souvent liés à des cas d’infidélité plus nombreux en raison de la présence de réseaux de prostitution plus marquée ces dernières années. Chez les couples discordants où le mari est infecté par le VIH/sida, ce dernier va être le plus souvent rejeté, stigmatisé et privé de ses droits par son épouse. Témoignage « Cette nuit, elle m’a griffé. Voilà les traces… l’autre jour, elle m’a lancé une hache dans la jambe... Voilà la cicatrice ». Homme rescapé du génocide exprimant des exemples de violences conjugales. Etat des lieux 37 Les groupes les plus vulnérables identifiés et communs aux deux districts d’intervention B Une vulnérabilité liée au statut social et économique Les prostituées 38 En tant que femmes mais aussi du fait de la particularité de leur activité prostitutionnelle, elles seront doublement victimes : dans leur vie privée et sociale d’une part, et dans leur activité de travail d’autre part, à cause de leurs conditions de travail et des stigmates qui s’y attachent. Facteurs de vulnérabilité identifiés : La pauvreté est à l’origine de la prostitution. Les statuts de fille-mère, veuves, orphelines avec les conséquences qui leur sont attachées (privation de patrimoine, rejet du groupe familial, stigma social) sont à l’origine de l’activité prostitutionnelle. Souvent migrantes internes, en raison du facteur évoqué précédemment, les travailleuses prostituées ont peu de réseaux sociaux dans le milieu du travail et sur le lieu d’habitation. La présence de drogues et d’alcool dans les cabarets, et leur consommation parmi les clients, augmente fortement les risques de violences physiques et sexuelles. La prostitution au Rwanda n’est pas reconnue légalement. Les prostituées ne sont pas non plus reconnues par la société comme population vulnérable. Les recours d’aide et protection ne sont pas plausibles auprès des autorités en cas d’agression. Leurs dépôts de plaintes ne sont pas pris, donc le référencement à l’hôpital n’est pas assuré. Les agresseurs pas ne sont pas poursuivis. Les représentations de la prostituée comme « femme-objet », avec laquelle tout est permis (exemple : ne pas payer les services, pratiques sexuelles violentes, torture, refus du préservatif12). Il y a l’idée que le corps des femmes et d’autant plus celui des prostituées est offert, donné à consommer et à exploiter, que la pulsion sexuelle masculine n’a pas à être maîtrisée. Le rejet et le « stigmate de la putain » (Pheterson, 2001) les mettent en danger et sont une violence morale, psychologique très pesante, leur ôtant l’estime de soi13 . Les solidarités à l’égard du groupe de prostituées sont inexistantes en raison du trop puissant stigma social14. Les veuves Les facteurs de vulnérabilité identifiés : L’état civil de veuves les vouent à une condamnation sociale basée sur le dénigrement du célibat forcé, d’un viol passé dont elles ont été les victimes et du risque qu’elles représentent si elles sont porteuses de VIH. Privées de l’héritage de leur mari par la belle-famille et de l’héritage familial, elles se trouvent dans des situations de précarité extrême. Ajoutée à cette forme de violence économique, les femmes veuves sont des personnes sujettes à des viols au sein de la communauté. 12 Les informatrices ont déploré notamment l’insistance des clients pour des rapports non protégés, et elles s’estiment mises en danger par les tentatives des clients de retirer le préservatif à leur insu durant le rapport. Leurs enfants sont également exclus, maltraités par certains membres de la société. 13 « Elles sont considérées par la société comme « sales et menaçantes car porteuses du VIH/sida, sans avenir ni valeur, et déjà mortes », témoignera le chef de projet de l’association Sodeco, Gisenyi. 14 Les domestiques Témoignage « Les hommes nous prennent par force. Après avoir fait tout ce qu’il voulait avec moi, j’ai eu un enfant que l’homme violeur n’a jamais reconnu et le reste de la communauté me rejette pour ça » Veuve du génocide, 55 ans. Pour survivre, certaines d’entre elles ont recours à la pratique prostitutionnelle. Pour cela, elles recevront haine, menaces, vols, exclusion de la part de l’ensemble de la communauté. D’autres sont amenées à accepter des travaux dangereux, comme le commerce en RDC (Goma) où elles seront vulnérables aux violences économiques, physiques et sexuelles. Les veuves sont très mal perçues du fait de leurs séquelles traumatiques de la guerre. Le trauma et ses conséquences sur le psychisme qui se manifestent par diverses pathologies mentales (schizophrénie, dépression, troubles bipolaires, etc.) ne sont pas compris et sont très mal acceptés. Témoignages « Concernant mon mental, je suis comme quelqu’un qui est en prison. Je ne ressens jamais de joie... Un animal a plus de valeur que moi... La vie dans le chagrin n’en finira jamais. Vivre seule est le pire qu’il est pu m’arriver sur terre. Les gens ne font pas attention à moi car me pensent folle » Veuve victime de violences liées au genre. « On me traite de folle, de schizophrène. Je m’enferme dans la maison quand je me sens mal, car lorsque je m’adresse à quelqu’un, il me dit d’aller me suicider dans le lac Kivu avec mes enfants pour mettre fin à mes problèmes » Veuve victime de violences liées au genre. Ils sont appelés les « rwesamadongo » c’est-à-dire « ceux qui cassent les assiettes » ou les « karyarugo » pour dire « ceux qui mangent tous les restes ». Ils subissent différentes formes de violences liées à leur statut socioprofessionnel, mais aussi liées au genre. Les facteurs de vulnérabilité identifiés : La pauvreté. Certains domestiques sont des anciens enfants de la rue ou chefs de ménage. Privés de patrimoine, ils en viennent à accepter des bas salaires et autres privations imposées par les patrons (ne pas manger, dormir, prier). La représentation sociale du domestiqueesclave, soumis et « sans valeur » expliquera des comportements de violences économiques et/ou physiques : exploitation, maltraitance (coups, gifles, dormir par terre, manger les ordures), licenciement abusif et accusations infondées pour vol d’effets personnels. Le suicide chez les hommes rescapés du génocide, veufs et/ou handicapés, ou encore chez les domestiques victimes de violences liées au genre, est un marqueur de défaillance psychosociale que nous avons noté dans les secteurs de Gihango, Musasa (Rutsiro) et de Gisenyi (Rubavu). Très vulnérables aux violences sexuelles et psychologiques, les femmes domestiques courent davantage le risque de menaces ou tentatives d’abus sexuels venant des patrons, de leurs fils ou des autres domestiques hommes. Contraintes d’accepter parfois de l’argent de la part du patron pour des relations sexuelles, elles resteront silencieuses de peur de perdre leur travail. Les grossesses non désirées lorsque le patron est le géniteur seront cachées, car constituent un risque d’être renvoyée. Etat des lieux 39 Les groupes les plus vulnérables identifiés et communs aux deux districts d’intervention C Une vulnérabilité liée à l’âge Les filles mineures et le risque de violence sexuelle L’école et le trajet pour s’y rendre sont les lieux de violence les plus reconnus par les jeunes filles. Bien que les garçons et les filles semblent touchés de façon égale par les violences physiques en milieu scolaire, de la part des pairs (camarades de classe ou d’âge supérieur) ou des enseignants, les filles sont plus vulnérables aux violences sexuelles (viols et attouchements) venant du sexe opposé. Sont apparus également des cas de jeunes filles violées par les domestiques en l’absence des parents. Les filles-mères Les facteurs de vulnérabilité identifiés : Le jeune âge est un facteur de risque. La grande majorité des enquêtées ayant subi au moins une forme de violences liées au genre appartient à la tranche d’âge de 18-25 ans (43 sur 60 enquêtées ou 71,7%)15. Un tiers des filles-mères ont connu au moins une fois une violence sexuelle entre 18 et 35 ans. Sans ressources financières et soutien familial, elles constitueront des personnes vulnérables à l’exploitation économique et sexuelle16. Près d’une fille sur trois 40 15 Nous n’avons pas pu mener d’enquête auprès de petites filles en deçà de la tranche d’âge 12-17 ans, car cela aurait demandé des dispositifs et méthodes d’entretien particuliers mis en œuvre par des personnes expérimentées sur la psychologie de l’enfant. Or, au regard des statistiques des cas de violences sexuelles dans le One-Stop Centre de Gisenyi, nous avons vu que les filles appartenant à la tranche d’âge 5-18 ans sont les premières victimes de viol (73 cas de jeunes filles violées ayant moins de 5 ans et 108 cas entre 5 et 18 ans en 2010 par exemple). 16 Les lieux où se déroulent des activités de commerce dans lesquelles sont impliquées les jeunes filles (exemple : commerce informel du sable fait au bord du lac Kivu, trafic de marchandises à la frontière avec la RDC) sont propices aux conflits d’ordre économique (sur le prix de vente et la marge sur les produits) ou à l’exploitation, basés sur des rapports de pouvoir (économique et de genre) avec les hommes. Ici, leur incapacité à se défendre face à des agressions physiques et morales les met en danger permanent. est orpheline des deux parents et est responsable de ses frères et sœurs. Rejetées, stigmatisées par leurs parents, leurs voisins et l’entourage, les filles-mères ne sentent pas faire partie intégrante de la communauté. Ce statut n’est pas « tolérable » dans la société et vient s’ajouter à un autre statut méprisé et précaire : celui d’orpheline (du VIH/sida ou du génocide), de chef de ménage. Témoignage « Mettre au monde un enfant illégitime est une pratique considérée comme tabou au Rwanda […] il est impossible d’être traitée comme les autres filles dans la communauté, dans la famille ». Fille-mère, Boneza, Rutsiro. L’intériorisation du stigmate de « filles faciles », combinée avec la culpabilité, la honte à l’égard de la famille, semble peser dès lors sur la capacité d’action des personnes concernées. Souvent non éduquées et devant abandonner l’école après leur grossesse, elles ignorent leurs droits et devoirs, et ont très peu de relations amicales et sociales. Le risque de contamination au VIH/ sida lors du viol est élevé. Parmi les 60 filles-mères interrogées à Boneza (Rutsiro), 12 sont séropositives (20%). Les enfants orphelins du génocide, du VIH/sida et enfants chefs de ménage Au-delà des répercussions personnelles sur les femmes, c’est aussi l’importance de l’aspect transgénérationnel des conflits historiques, des conflits inter et intra-familiaux et de leurs conséquences néfastes en termes de détresse psychologique sur les enfants qui a été remarquée dans les zones étudiées. Les facteurs de vulnérabilité : Les enfants orphelins du génocide (de père et/ou de mère) sont héritiers d’une mémoire historique traumatique et, par définition, de ses blessures affectives et psychiques. Leur exposition aux scènes de guerre, la perte des proches, les menaces et agressions dont ils ont été témoins sont autant de souvenirs flottants qui les poursuivent et sont sources de détresse psychologique. Leur statut d’orphelin les expose souvent aux violences économiques (négation de leurs droits à l’héritage, vols de biens de la part des voisins ou de la famille élargie, exploitation économique) et physiques ou sexuelles de la part de la famille élargie et de la communauté. Quant à ceux qui sont en famille adoptive, certains sont maltraités, exploités. La précarité (absence de ressources financières et sociales) et l’absence de logement les empêchent d’accéder à l’éducation et à la santé. Les recours possibles auprès des autorités sont très rares. Les expériences des uns et des autres ont démontré la rigidité et l’inaction des autorités face à la détresse économique. Certains enfants de la rue orphelins craignent la police et les autorités de base. La violence la plus partagée par les orphelins est la violence psychologique. Les voisins ne se préoccupent pas (ou guère) de cette catégorie d’enfants, voire les accusent de tous les maux de la communauté (vols, trafic de drogues, etc.), les nommant alors « délinquants », « maudits », « bâtards », etc. Les liens de solidarité, de confiance entre pairs avec de rares moments de confidence sont quasi-absents. Les espaces-temps partagés seront au mieux passés en des heures et dans des lieux de consommation d’alcool et de prise de drogues (notamment chez les garçons, alors que l’expérience de la solitude et de l’isolement est davantage constatée chez les filles)17. Il y a un risque élevé de violences sexuelles chez les filles chefs de ménage. Sans défense ni protection, elles sont victimes de tentatives de viol, de viol, de menaces et agressions18. Témoignages « Un ancien voisin a essayé de violer ma sœur de 12 ans. Comme nous sommes sans protection et sans argent, les hommes se croient tout permis et nous proposent de l’argent […] Les agresseurs sont souvent les amis des familles, les oncles, les cousins, les voisins » Fille, chef de ménage, Nyundo Rubavu. « A n’importe quelle occasion, on me traite de « igitoragurano » - une chose qu’on a ramassée - et je le sais, je suis un fardeau et je dois le porter douloureusement chaque jour » Orpheline, chef de ménage, Nyundo. Une autre « catégorie » est apparue : celle d’« enfants des rues ». Elle tend à réunir « l’ensemble des enfants, orphelins chefs de ménage, du génocide, de parents morts du VIH ou enfants abandonnés, qui sont également stigmatisés de bâtards et délinquants, etc. Ayant fuit les foyers (famille élargie ou d’accueil) suite à des violences domestiques entre les parents ou sur eux (avec problèmes d’alcoolisme, de drogues) ou ayant été abandonnés suite à un divorce/rupture familiale (engendrant une perte ou baisse drastique des revenus compromettant l’éducation des enfants) ou maltraitance de la seconde épouse du père, les enfants des rues - notamment des milieux urbains - sont très vulnérables aux violences physiques, à l’exploitation économique et sexuelle. 17 Les plus jeunes enfants rencontrés (entre 12 et 17 ans) étaient parfois dans l’incapacité de verbaliser les agressions sexuelles en raison d’un manque de vocabulaire, de pudeur, d’ignorance de l’acte sexuel comme acte abusif ou violent. Ils rendront compte davantage de violences physiques et de maltraitances. 18 Etat des lieux 41 Les groupes les plus vulnérables identifiés et communs aux deux districts d’intervention D Une vulnérabilité liée à la situation de handicap Les femmes handicapées La situation de handicap chez les femmes est apparue à la fois comme facteur de violences liées au genre et de détresse psychologique que comme une conséquence. De façon générale, les facteurs de risque liés à l’environnement physique, communautaire, familial seront en interaction avec la nature des situations de handicap. Les facteurs de risque identifiés : 42 Une vulnérabilité économique liée au genre et au handicap avec une forte dépendance économique, est accentuée par le non-accès à l’emploi et à des revenus. Au-delà de la dépendance économique, la dépendance physique et psychique crée un environnement propice aux maltraitances, et notamment aux violences physiques et sexuelles. La privation du droit à la scolarisation renforce l’ignorance de leurs droits, et donc l’acceptation de situations dégradantes et violentes. Selon la nature de leur handicap, les femmes ne peuvent pas remplir de fonction sociale, économique ni reproductive. Considérées comme « inutiles », elles sont marginalisées, ignorées. Les sachant résignées et dépendantes physiquement et économiquement, les proches les intimident, les menacent parfois de les mettre dehors, de les séparer de leurs enfants. Les violences et la détresse psychologique à l’égard des femmes handicapées sont généralement connues de toute la communauté, mais ne sont pas dénoncées et condamnées moralement. En raison de ses difficultés ou incapacités à s’exprimer ou se défendre et du peu de considération dont elle fait l’objet dans la société, la femme handicapée constitue une victime « idéale » pour l’agresseur, n’ayant crainte de la faculté de la victime à parler, à chercher de l’aide. La perception des personnes souffrant de maladies mentales est généralement très négative : inspirant la peur et le mépris, les hommes et femmes avec handicap psychique se voient infligés des traitements douloureux et violents. Témoignage « Dans notre région, les personnes en détresse psychologique ou ayant une maladie mentale perdent l’estime de leur communauté. Quand il s’agit d’une personne agressive, on n’hésite pas à la frapper » Représentant du CNJ, Rutsiro. Les représentations culturelles : • La croyance magico-religieuse selon laquelle le handicap serait causé par des esprits, des démons, ôte une part d’humanité (« demi-homme ») à la personne handicapée. Pour les femmes, on ne reconnaitra guère ni la féminité, ni la sexualité et le droit à la sexualité, car sont estimées privées de tous leurs sens, aptitudes physiques, mentales, etc. • Le préjugé selon lequel la femme handicapée est vierge (car privée d’expérience sexuelle), et qu’avoir une relation sexuelle avec une femme vierge permet de guérir du VIH/sida. • A côté de cela, va cohabiter l’a priori selon lequel les femmes ayant une incapacité intellectuelle ou psychique auraient une sexualité incontrôlée, car inconscientes de leurs actes. • La détresse psychologique chez les personnes handicapées, et notamment celles victimes de violences liées au genre, est souvent considérée comme « congénitale », c’est-à-dire sans raison externe pouvant provoquer les désordres psychologiques. Autrement dit ceux-ci feraient intrinsèquement partie du type de handicap de la personne, de la victime. Les enfants handicapés Il n’est donc pas étonnant de constater que les enfants atteints d’un handicap sont mis dans l’ombre, à l’abri des regards, et sont sujets à divers types de violence et de maltraitance de la part des parents, des autres enfants non handicapés, et parfois des voisins, des domestiques, des bergers ou des professionnels de l’éducation. Les facteurs de vulnérabilité : L’habitat isolé ou l’isolement même des enfants à l’intérieur des foyers et la pauvreté des contacts sociaux rendent malaisés la dénonciation des abus et l’appel à l’aide, rendant ainsi invisibles les violences subies. La pauvreté des parents est un risque menant à la perception de l’enfant handicapé comme une charge économique redoutée et redoublée du fait que l’enfant n’apporte pas de plus-value à la famille par le travail que d’autres enfants réalisent (chercher du bois, de l’eau, garder le bétail, etc.). Les droits sociaux comme le droit à l’éducation, aux loisirs, sont bafoués. Leur vulnérabilité à la détresse psychologique est également majorée parce qu’ils vivent parfois dans un véritable désert affectif, tant en famille qu’en institution. La consommation de drogues et d’alcool dans la communauté a été relevée par les enfants comme un facteur de risque de violence à leur égard. Les représentations sociales et culturelles sont encore ici au fondement des actes d’exclusion et de stigmatisation. Témoignages « Quand les visiteurs entrent, les membres de ma famille me cachent». « On nous appelle les infirmes qui dépendent de machines pour vivre ». Enfants handicapés témoignant des phénomènes d’exclusion, de stigmatisation et des risques de violence dans la communauté. Les filles avec un handicap sensoriel (muettes, sourdes, aveugles) sont davantage victimes d’une violence « passive » (la négligence ou la privation), puis de violences d’ordre sexuel (attouchements, viols). Le risque d’abus sexuels est d’autant plus élevé que le handicap requiert généralement une grande proximité physique avec un ou plusieurs adultes. En revanche, les types de violence infligés aux garçons handicapés sont davantage des violences mettant en jeu leur capacité à être « actifs » : on leur inflige alors des travaux pénibles relevant de l’exploitation. S’agissant de la violence psychologique, sociale et institutionnelle, elle concerne les deux genres, sans distinction. Etat des lieux 43 Les facteurs de risque propres aux zones cibles d’intervention A Les facteurs communs aux deux districts 44 L’hypothèse selon laquelle l’environnement avec l’ensemble de ses déterminants (social, géographique, culturel, historique, politique, économique) agit directement sur l’état de santé mentale des populations ainsi que sur les modalités de violences perpétrées à l’égard des groupes les plus vulnérables, a été avancée dans ce début de rapport. En revanche, l’idée selon laquelle nous aurions pu noter une différence significative - en termes quantitatif - entre villes et campagnes n’est pas avancée. L’isolement en milieu rural ou la concentration de personnes en milieu urbain présente un facteur de risque géo-démographique tout aussi élevé dans les deux zones. Les facteurs liés au contexte identifiés sont : Le cycle pauvreté et violence est connu. La violence est à la fois une cause et une conséquence de la pauvreté. Le chômage et la précarité, les difficiles conditions d’existence sont des facteurs influençant l’apparition de désordres conjugaux, de violences intra-familiales et inter-familiales. Ces violences engendrent une paupérisation des familles (les victimes, diminuées physiquement et psychologiquement, peuvent n’être plus en incapacité de travailler) et rendent les femmes plus vulnérables aux violences liées au genre et aux violences sexuelles, car elles sont contraintes d’accepter des situations les exposant aux violences. Les inégalités liées au genre sont issues de systèmes de représentations culturelles et d’une conception essentialiste des deux sexes qui tendrait à naturaliser les assignations de genre, à perpétuer des disparités au niveau de l’éducation des filles à partir de l’école secondaire, à priver les femmes de possession de biens, de la gestion et du contrôle des revenus du ménage. La persistance du modèle patriarcal, des systèmes de représentations des maladies mentales, de la santé, du handicap, conjuguée avec un manque d’accès aux informations et à l’éducation (niveau secondaire minimum), et aux campagnes de sensibilisation nationales, renforce les risques de perpétuation de violences liées au genre « coutumières ». L’alcoolisme19 ou la toxicomanie d’individus ou groupes d’individus restent des phénomènes très courants dans la zone Ouest. La présence de « cabarets » (bars) dans les « agglomérations » (centres administratifs plus peuplés et dynamiques sur le plan économique), contribue ainsi à l’émergence de violences économiques (argent de la famille, de l’épouse qui est dépensé et entraînant des difficultés financières au sein du foyer), de violences physiques et sexuelles aggravées par les effets des substances consommées. La polygamie a été identifiée comme un facteur culturel ayant un impact sur l’économie familiale et pouvant aussi expliquer une paupérisation des femmes et des enfants dont le père a plusieurs femmes. Certaines d’entre elles déplorent le manque de moyens financiers octroyés par l’homme pour subvenir aux besoins de plusieurs foyers. Cela crée des conflits liés au partage des richesses, causant très souvent des violences conjugales (sexuelles et physiques), et des violences et privation à l’égard des enfants. 19 La boisson traditionnelle fabriquée par la majorité de la population connue sous les noms de « Muriture / Sinzi undongoye / Impuzamatorero / Yewe muntu » est composée de farine de manioc, de farine de sorgho, de farine de maïs, de sucre, de levure et parfois de chanvre. B Les facteurs de risque environnementaux du District de Rutsiro La géographie : collines et enclavement L’habitat dispersé Rutsiro est traversé par une chaîne montagneuse (crête de Congo Nil) qui s’étire du Nord au Sud du Rwanda. Les territoires du district sont disséqués en courtes vallées où les populations sont engorgées dans des collines serrées avec des versants raides. Ces zones à relief accidenté, dégradées expliquent à la fois une faible démographie et une répartition très inégale de la population. Le simple fait de vivre dans les milieux montagneux enclavés fait grimper le degré de vulnérabilité des habitants. Les habitations très dispersées dans les secteurs d’intervention de Rutsiro sous-entendent un très faible nombre de voisins et de relations sociales. L’absence de témoins et l’isolement des villageois vont largement privilégier le silence des victimes au-delà de la raison culturelle jusqu’ici mise en avant. Le type d’habitat dispersé et conjugué à un réseau d’infrastructures sous-développé crée les conditions favorables à des agressions physiques et sexuelles, et rend l’accessibilité aux informations et aux services de base très difficile. Densité de population et caractéristiques socio-démographiques La population totale du District de Rutsiro est estimée à 297 373 individus20. La population est caractérisée par la prédominance de la jeunesse. Les moins de 20 ans représentent plus de la moitié de la population (56.4%). On observe une prédominance numérique du sexe féminin pratiquement à tous les âges. Concernant l’état matrimonial de la population sur le district : 43.7% sont des célibataires, 35% sont des mariés monogames, et 9.6% vivent en union libre. 24.4% des individus âgés de plus de 20 ans (qui représentent 56.4% de la population) sont orphelins au moins d’un parent. Les orphelins de père sont plus nombreux : en effet, 17.3% des enfants ou jeunes ont perdu uniquement leur père et 4% ont perdus les deux parents. 20 National Institute of Statistics of Rwanda, 2011 : http://www. statistics.gov.rw/indicators/dataportal Etat des lieux 45 Les facteurs de risque propres aux zones cibles d’intervention C Les facteurs de risque environnementaux du District de Rubavu 46 Densité de population, urbanité et migrations Les réseaux illégaux de commerce d’êtres humains La population du district de Rubavu est estimée à 273 811 individus. Elle est par ailleurs caractérisée par la prédominance de la jeunesse. En effet, les moins de 20 ans représentent 59.3%. A la simple croissance démographique naturelle, s’ajoute depuis 1995 les mouvements massifs de réfugiés et de rapatriés venus de RDC et qui ont largement perturbé l’occupation de l’espace par un nombre important de personnes réinstallées, sans compter la démobilisation des anciens combattants et la libération des prisonniers. La frontière avec la RDC à l’Ouest et la proximité avec l’Ouganda au Nord font du District de Rubavu un lieu de passages et de transits avec des flux relativement stables et réguliers de migrants, quelles que soient leurs origines ou leurs destinations, groupés en diasporas multiples. De fortes concentrations de populations amènent également des problèmes de morcellement des terres, problèmes mis en exergue par de nombreux enquêtés comme étant la source de violences économiques et physiques. En plus de ces éléments de contexte, on retrouve de façon plus marquée la présence de réseaux de trafic de marchandises, de drogues venant de RDC dans lesquels sont impliqués beaucoup de résidents du District de Rubavu. Les importants flux migratoires entre Goma et Gisenyi s’accompagnent inévitablement de nombreux déplacements d’enfants, d’adolescents, d’hommes et de femmes pris dans des activités illégales de commerce de biens et de services. Les groupes les plus vulnérables ici identifiés sont bien les commerçantes et les enfants engagés dans des réseaux de commerce illégal (souvent en RDC), d’exploitation et de traite21. Les réseaux de prostitution, de traite, de trafic de chanvre sont très développés mais très invisibles (dans les lodges, les cabarets, les maisons privées). La porosité des frontières favorise l’explosion du phénomène de trafic de marchandises dans cette région, mais favorise aussi la fuite des trafiquants et des auteurs de violences. A l’exploitation économique vient s’ajouter la violence institutionnelle / politique : les habitants sont aussi victimes de rafles organisées par les autorités pour « nettoyer » les rues (prostitués, vendeurs ambulants, mendiants et enfants des rues). 21 Les quatre secteurs d’enquête connaissent des taux de travail des enfants les plus élevés de tout le District de Rubavu, pouvant aller jusqu’à plus de 80% pour les enfants des deux sexes entre 5 et 17 ans. Ressources et freins pour la protection des victimes Voyons maintenant plus précisément les ressources mobilisées par les populations vulnérables aux violences liées au genre et à la détresse psychologique dans leur quête de protection (médicale, sociale, juridique, économique et communautaire), mais aussi les problèmes concrets auxquels elles sont confrontées dans leur rapport avec les instances officielles, avec les réseaux d’aide et d’assistance, mais aussi avec leur entourage familial et social. A Les efforts réalisés par le gouvernement rwandais Politiques nationales et stratégies de prévention et de protection des victimes Les différentes instances gouvernementales impliquées dans la prise en charge des populations vulnérables aux violences liées au genre sont : le MIGEPROF22, le Gender Monitoring Office (Observatoire du Genre)23, la Rwanda National Police, le MINALOC24, le MINISANTE25, le MINIJUST. Elles touchent directement les populations au travers de politiques nationales et de stratégies de prévention et de protection des victimes de violences liées au genre, comme : La Politique Nationale du Genre : elle a pour objectif de s’assurer que, dans tous les domaines du développement, les femmes et les hommes ont les mêmes chances d’accès aux ressources, aux biens et aux services, ainsi qu’à leur contrôle. Le Plan stratégique national de lutte contre la violence sexiste (2011-2016) : il vise à améliorer l’impact des interventions existantes et combler les lacunes en matière de prévention et de réponse à la violence sexiste, notamment dans la coordination des actions contre les violences liées au genre. La Politique Nationale en matière de violence à l’égard des femmes et des enfants : elle a pour objectif de prévenir et d’éradiquer toutes formes de violence à l’égard des femmes et des enfants au Rwanda. La Politique Nationale de Santé de la Reproduction et la Politique de la Santé : elles facilitent l’intégration des services de violences liées au genre dans les services de santé, et incriminent la violence sexuelle et la violence domestique en mettant l’accent sur le besoin de punir les auteurs en référence aux lois. La politique du gouvernement, en termes de lutte contre les violences liées au genre, s’appuie sur l’Objectif du Millénaire pour le Développement n°3 : promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, La Police Nationale du Rwanda a instauré un « Gender Desk » ayant pour objectifs de faciliter l’accès des victimes de violences liées au genre à la police, de sensibiliser les policiers, les magistrats et les dirigeants locaux sur les violences liées au genre et les droits de l’homme, d’améliorer l’appui juridique et l’accès aux services de conseil, ainsi que d’améliorer l’accès des victimes de viol à l’expertise médicale. Des postes de « Policier Anti-VLG26 » ont été créés dans toutes les stations de police des districts. 22 Ministère du Genre et de la Promotion Familiale. 23 Le Gender Monitoring Office (GMO) : institution gouvernementale mise en place pour assurer le suivi des politiques sur le genre dans les principales institutions concernées. Concernant les violences liées au genre et les violences sexuelles, le GMO fait du plaidoyer et collecte des informations sur les cas dans tout le pays. 24 Ministère de l’Administration Locale, Bonne gouvernance et Affaires sociales. En matière de violences liées au genre et de violences sexuelles, le rôle du ministère de la Santé est de s’assurer que les victimes ont un accès aux services de santé, et que les soins médicaux et psychologiques offerts aux victimes sont fait par du personnel qualifié. En termes de suivi, le ministère s’applique à rapporter tous les cas de violences liées au genre et de violences sexuelles ayant bénéficié de consultations ou hospitalisations, de traitement prophylactique de HIV, ainsi que les cas de décès des victimes. 25 26 VLG = Violences Liées au Genre. Etat des lieux 47 Ressources et freins pour la protection des victimes 48 Les textes et lois adoptés au Rwanda qui traitent des violences liées au genre : • La loi portant sur la prévention et la répression des violences liées au genre. Elle spécifie que ces violences sont considérées comme des crimes et en précise les sanctions. • La loi de 1999 relative aux régimes matrimoniaux, aux libéralités et aux successions permet aux femmes d’avoir accès à l’héritage au même titre que les hommes. • La loi 27/2001 relative aux droits et à la protection de l’enfant contre les violences. • En ce qui concerne les violences liées au genre, le code pénal reconnaît comme crimes : l’attentat à la pudeur, le viol commis sur l’enfant, le viol conjugal, la prostitution, le harcèlement sexuel, l’adultère, la bigamie. • L’article 11 de la Constitution Rwandaise de 2003 affirme que tous les Rwandais naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs, et interdit toute discrimination de quelque nature que ce soit. faire le suivi des conditions des femmes dans les foyers et de contribuer à résoudre les problèmes (économiques, de couple, de santé reproductive, d’hygiène, de nutrition). Ces comités mènent aussi des sensibilisations contre les violences liées au genre dans la communauté, pour le renforcement des capacités des femmes (droits, utilisation du fond de garantie, regroupement dans des coopératives de développement). Lorsqu’ils sont mobilisés par les femmes victimes de violences liées au genre, les CNF apportent conseils et appui dans les modes de résolution des conflits conjugaux, prennent note des cas particuliers de violences, incitent les victimes à dénoncer les actes de violence, mais ne sont pas compétents en matière de soutien psychosocial ou d’accompagnement juridique. Les CNF, animés par des femmes bénévoles, ne disposent pas de budget de fonctionnement, et ses membres ne sont pas formés sur les lois en vigueur. Les structures décentralisées et les services déconcentrés Les Comités Anti-VLG La création des comités de protection Anti-VLG27 et de l’enfant se trouvent aux différents niveaux administratifs : depuis le niveau le plus bas (le village) jusqu’au niveau national. Les principales tâches des comités sont de : • Identifier les cas de victimes de violences liées au genre et de violences sexuelles. Informer les membres du comité Anti-VLG, secourir la victime et la transférer aux services spécialisés. • Plaider pour une prise en charge médicale, sociale et juridique de la victime. Rapporter les auteurs de violences liées au genre et de violences sexuelles, et les amener aux instances habilitées. • Rendre visite aux familles confrontées à des situations de violence. • Faire du reporting : tenir des statistiques La politique nationale de décentralisation (MINALOC, 2000) se réfère au processus de transfert du gouvernement central (pouvoirs, autorité, fonctions, responsabilités et ressources) aux administrations décentralisées ou aux divisions administratives (districts, secteurs, cellules, villages). Les structures décentralisées et les services déconcentrés de l’Etat appliquent les politiques nationales et les stratégies visant à protéger les populations des troubles sociaux et communautaires telles que les violences liées au genre et les violences sexuelles. Les Conseils Nationaux des Femmes (CNF) Organes mis en place par le gouvernement Rwandais depuis 1996, leur rôle est de VLG = Violences Liées au Genre. 27 des cas identifiés, analyser et faire le suivi des problèmes identifiés. • Coordonner les activités mentionnées plus haut. On a remarqué ici une certaine inefficacité des comités Anti-VLG dans la répartition des compétences et des prérogatives dans les différents échelons administratifs et territoriaux. En effet, leurs capacités à suivre leur plan d’action sont très entravées par un cruel manque de ressources financières, matérielles et humaines pour réaliser leurs activités. Basé sur le principe du volontariat de ses membres, le dispositif des comités Anti-VLG n’est pas efficace en raison notamment d’un manque à la fois de qualifications (via des formations) et d’un système d’indemnisation des participants. Les Community-Policing Comittees (CPCs) Initiés par la Police Nationale du Rwanda et répondant à une volonté de lutter contre les violences et les crimes en général, et les violences faites aux femmes en particulier, les « Community-Policing Commitees » sont des groupes de policiers - bénévoles issus de la communauté - rattachés à un secteur d’intervention qui font des tournées de veille jour et nuit pour assurer la sécurité. Ils travaillent en partenariat avec les communautés, les autorités de base à tous les niveaux et la Police de District en acheminant les informations sur les causes de la criminalité et des troubles sociaux. Les Conseils Nationaux de la Jeunesse (CNJ) Principalement impliqués dans la mise en œuvre d’activités au croisement des loisirs (sport, danse, artisanat), du développement, de l’éducation et du social auprès des jeunes de 14 à 35 ans, les CNJ tentent d’apporter des alternatives aux problèmes sociaux et familiaux des adolescents et jeunes adultes. Toutefois, le manque de sensibilisation concernant les violences liées au genre et les violences sexuelles est important. B La prise en charge juridique et judiciaire Après réception de la plainte d’une victime de violences liées au genre et notamment de violences sexuelles, la police judiciaire demande à l’autorité compétente de donner rapidement à la victime le soutien dont elle a besoin28. Une orientation vers le centre de santé ou vers l’hôpital sera assurée par l’officier de police Anti-VLG. Une enquête criminelle est enclenchée avec la recherche de preuves et une arrestation provisoire de l’auteur (72h, en attendant l’apport de preuves). Le cas doit être soumis à l’autorité de poursuite judiciaire dans le délai prévu par la loi. Le gouvernement a introduit un système d’assistance juridique pour garantir l’accès à la justice par les groupes vulnérables : quiconque a un certificat d’indigence octroyée par l’autorité locale peut accéder à la justice devant les juridictions sans avoir à payer les frais de justice29. Les Maisons d’Accès à la Justice (MAJ) Le ministère de la Justice a ouvert des Maisons d’Accès à la Justice (MAJ) dans tous les districts (Congo Nil pour Rutsiro et Gisenyi pour Rubavu). Elles assurent l’accompagnement juridique des victimes de violences liées au genre et de violences sexuelles (sans frais d’avocat), et offre l’assistance sociale aux personnes victimes les plus vulnérables (exemple : ticket de transport). Les cas traités les plus fréquents En référence à la Loi n°59/2008 du 10/09/2008 sur la prévention et la répression des violences basées sur le sexe, spécialement en son article 10, l’Arrêté du Premier Ministre n°001/03 du 11/01/2012 déterminant les modalités de prévention des violences liées au genre et mécanismes de protection de la victime par les organes de l’Etat. Source : Official Gazette n° 03 bis of 16/01/2012. 28 Au niveau de chaque Tribunal de Grande Instance, deux avocats sont nommés et rémunérés par le ministère de la Justice pour aider les mineurs qui ont des litiges. Dans tous les autres cas, le Barreau nomme un avocat pour assister les personnes vulnérables. 29 Etat des lieux 49 Ressources et freins pour la protection des victimes par la MAJ de Gisenyi concernent surtout les conflits liés à la terre et au partage d’héritage. Le recours à ces instances juridiques par les victimes de violences liées au genre n’est pas apparu comme une réalité palpable au cours de la rechercheaction. Les Mesures d’Assistance Juridique sont assurées par le gouvernement via des juristes recrutés, dépendant des services du District et qui travaillent étroitement avec les autorités de base. Ces juristes ne sont pas encore recrutés sur les deux districts d’enquête. Le Forum d’aide juridique Il est mis en œuvre par les organisations de la société civile, avec le soutien de différents partenaires. Il a pour mission de faciliter l’accès à la justice des plus vulnérables30. Aucun enquêté n’y a fait référence. 50 Les comités réconciliateurs (Abunzi) Ils ont pour rôle la résolution et la médiation des conflits locaux basés sur les biens. Au niveau de chaque cellule et de chaque secteur, ils gèrent les problèmes liés à la violence économique (partage de biens et patrimoine entre les membres d’une famille), lorsque l’objet du litige ne dépasse pas la valeur de trois millions de francs rwandais. Les obstacles à la protection de base et juridique. • Les acteurs des autorités locales regrettent de ne pas avoir de feed back ou de rapport sur les personnes qu’ils ont référées à la police ou aux autorités de district. Ignorant les mesures engagées, il leur sera difficile de faire un suivi lors du retour des victimes dans la communauté, de réaliser des efforts de réintégration sociale, familiale, économique. Le Forum compte 34 organisations membres engagées dans la fourniture de services d’aide juridique aux groupes vulnérables et indigents au Rwanda, comprenant : 22 ONG locales/syndicats, 6 ONG internationales et 4 cliniques universitaires d’aide juridique. Source : http://legalaidrwanda.org/fr/membres 30 • Des obstacles de nature économique rendent parfois inaccessible la protection juridique : se déplacer jusqu’aux instances juridictionnels (MAJ, Parquet, Tribunal de Grande Instance, ministère de la Justice) engendre des frais et du temps ; les deux manquant aux personnes en situation de grande vulnérabilité (économique, physique, psychologique, sociale). • Les femmes dont les maris sont les auteurs de violences sont confrontées à une difficulté économique supplémentaire liée à un éventuel emprisonnement du mari qui, de fait, priverait la famille d’un revenu vital pour la couverture des besoins de base. • L’apport de preuves de certaines formes de violences apparaît extrêmement délicat dans le système de justice pénale, crispé sur la matérialité des faits. • Force est de constater également que les services de police, de santé et juridiques n’offriraient pas une écoute adaptée. • Les autorités de base (de village, cellule) favorisent la recherche de solutions « pacifiques » pour résoudre les conflits à l’amiable avant tout. • Pour des raisons culturelles, l’accès à la justice, à la protection légale est éliminé au profit de modes de résolution des conflits plus ou moins pacifiques. • Des cas de corruption au niveau des autorités de base, où « la justice doit s’acheter », figurent comme un frein notable à la reconnaissance des droits via les services juridiques et de protection. • L’ignorance des droits humains explique le non-recours au système juridique. Ne pas dévoiler l’acte de violence, notamment s’il s’agit d’abus sexuel qui s’est déroulé dans la sphère familiale, constituerait une règle sociale dictée par un souci de cohésion, de paix sociale, d’harmonie communautaire. Par ailleurs, la peur du jugement, de la stigmatisation, de l’exclusion avec des risques de représailles menacerait ainsi toute victime demandant réparation et justice. C La prise en charge médicale Les différentes structures de soins Les Formations Sanitaires (FOSA) Les FOSA réunissent à la fois l’hôpital de district et les Centres de Santé du district. L’hôpital de district est une structure sanitaire publique ou privée implantée dans chaque District. Chaque secteur possède un centre de santé minimum selon la densité de la population. En ce qui concerne les modalités de démarche participative, le système de santé a renforcé son action communautaire grâce aux « Agents de Santé Communautaires » qui sont rattachés à un centre de santé et dont le rôle est d’informer la population des services existants, d’identifier les problèmes de santé et d’accompagner les individus vers le centre de santé ou l’Hôpital. En cas de violence sexuelle, l’assistance médicale dans les centres de santé inclut le test VIH, les contraceptifs d’urgence, le counselling (écoute). Ces services médicaux sont censés être gratuits uniquement pour les victimes de violences sexuelles, et non pour les victimes de violences physiques. Le One Stop Center de l’Hôpital de Gisenyi Ce dispositif est co-financé par le gouvernement (MINISANTE, MINIJUST) et l’ONG ICAP31. Modèle de soins intégrés et de soutien aux victimes de violences liées au genre, le One Stop Center offre un hébergement d’urgence permettant aux victimes de récupérer, de bénéficier d’une écoute et de chercher des issues à leur situation. La présence d’au moins deux officiers de police femmes dans le Centre garantit un accès à la protection juridique. Le One Stop Center de Gisenyi travaille en lien avec le service Santé mentale de 31 International Center for Aids Care and Treatment. l’Hôpital pour orienter la victime vers une assistance psychologique. La prise en charge médicale est assurée par un médecin et une infirmière qualifiés. Le suivi du patient (ouverture de dossiers pour bénéficier d’aides) est rempli par une assistante sociale qualifiée. La policière qui est le point focal violences liées au genre et violences sexuelles facilite la réquisition des examens (expertise médicale) réalisés par les médecins. Cette dernière oriente aussi les victimes de violences sexuelles vers la police judiciaire pour l’accompagnement juridique, mais celui-ci n’est pas souvent souhaité par les victimes. On notera que les filles appartenant à la tranche d’âge 5-18 ans sont les premières victimes de viol et que, entre l’année 2010 et l’année 2011, le nombre de fillettes violées a augmenté de 30%. Cela, malgré des campagnes de sensibilisation pourtant récentes dans le District de Rubavu. Une préférence pour l’accès aux soins direct, sans recherche de protection Il est demandé à la victime de violence sexuelle et/ou physique (avec blessures graves) de se présenter d’abord à la police pour déposer une plainte et constituer un dossier dans lequel la victime devra apporter des preuves (sur la nature de la violence, l’identité de l’auteur, les conséquences corporelles, etc.) pour alors être transférée à l’Hôpital de District. Toutefois, la victime se rend le plus souvent en premier lieu au centre de santé du secteur pour les premiers soins et tests médicaux. La référence pour la prise en charge psychosociale peut être assurée lorsque la structure de santé sait orienter la personne vers les ONG, les associations locales ou le service de santé mentale. Etat des lieux 51 Ressources et freins pour la protection des victimes Par ailleurs, les médecins témoignent d’une difficile prise en charge médico-légale des victimes de violences sexuelles liée à des faits purement temporels. Le manque de preuves, de « traces » physiques, somatiques en raison du délai trop long entre l’acte criminel, le dépôt de plainte au poste de police et la consultation médicale rend l’expertise médico-légale impossible. Une entrave économique d’ampleur est liée à l’accès limité aux soins en raison d’absence de mutuelles des groupes vulnérables. Amplifiant cette barrière financière, le versement d’une caution de 5000 francs rwandais dans certains centres de santé serait alors la condition pour bénéficier de soins. La Mutuelle de santé ne couvre pas les dépenses pour des soins dont la cause serait une violence (physique ou sexuelle). Cette avance d’argent constitue dès lors un obstacle considérable pour les victimes de violences, souvent dépourvues de cette somme. Une qualité selon l’intégration géographique des services et leur accessibilité 52 Les innombrables contraintes de déplacement dans l’environnement physique et géographique sur notamment le territoire de Rutsiro limitent les prises en charge et le suivi des personnes. L’inexistence de centres de santé de proximité (comme à Nyakiliba et Rugerero) rend l’accès aux soins moins facile et plus onéreux. D La prise en charge psychologique Les services de santé mentale des hôpitaux de district Le personnel soignant du service de santé mentale de l’Hôpital de Murunda (Rutsiro) nous indiquera que les femmes constituent la population la plus vulnérable aux violences liées au genre et aux troubles psychologiques et psychiatriques, avec un lien généralement direct entre les deux phénomènes. Les statistiques du service indiquent qu’elles sont plus d’une fois et demie nombreuses que les hommes à présenter des signes de détresse psychologique. Témoignage « Elles [les femmes] ont des mécanismes de défense bien plus développés que les hommes - en théorie - mais elles sont réduites à une position inférieure par rapport aux hommes qui les rend plus vulnérables. Elles présentent davantage de troubles somatoformes, contrairement aux hommes qui développent plus de troubles psychotiques » Un infirmier. Les troubles somatoformes que présentent les patientes seront visibles par l’apparition de symptômes physiques (céphalées, neurasthénies persistantes et troubles digestifs), et dont on découvrira lors du diagnostic que les facteurs étiologiques sont d’abord d’origine psychique. Témoignage « La somatisation est souvent liée aux pertes traumatiques de proches durant le génocide ou encore à des conflits familiaux très lourds. La jeune génération actuelle, et plus particulièrement les orphelins, présente des troubles transgénérationnels liés à des traumatismes du génocide, et il y a souvent contagion émotionnelle » Un infirmier. En termes de prise en charge, plusieurs complaintes seront exprimées au sujet de : La médication généralisée et abusive des troubles somatoformes et psychiatriques, alors qu’un accompagnement psychothérapeutique et social semblerait plus approprié. Le manque de personnel qualifié, de lits d’hospitalisation et autres matériels de soins. Le manque de formation en thérapie groupale. L’absence d’un dispositif également mieux adapté aux trajectoires individuelles des victimes de violences liées au genre, mais aussi en rapport avec la communauté pour favoriser leur réinsertion sociale. Témoignage « La communauté ne reconnaît pas l’importance ou l’utilité d’une prise en charge psychologique, et ça constitue un frein au suivi des patients » Référent Service de Santé Mentale, Gisenyi. Le recours aux médecines traditionnelles Parce que les tradipraticiens bénéficient de la confiance de la population, parce qu’ils proposent une écoute quasi permanente et parce qu’ils renvoient à un monde surpuissant, extra-ordinaire et proposent des groupes de prière, ils restent encore aujourd’hui très visités par les populations vulnérables (veufs, veuves, familles de personnes handicapées, femmes et filles en conflits de couple, personnes stériles) dans tous les territoires enquêtés. Les personnes ayant des incapacités psychosociales ou psychiques se réfèrent généralement aux tradipraticiens avant le Service de Santé Mentale. E Les acteurs de la société civile Les associations, ONG et confessions religieuses Depuis l’assistance matérielle directe (vêtements, médicaments, nourriture), au soutien à la scolarisation, en passant par un accompagnement psychosocial ou juridique aux groupes vulnérables aux violences liées au genre et à la détresse psychologique (via la formation de médiateurs, conseillers), les associations locales, les ONG nationales ou internationales mènent des actions de prévention et de lutte contre les violences liées au genre et les violences sexuelles menées conjointement au niveau des structures décentralisées. Quelle coordination opérationnelle des actions de prise en charge au niveau local ? Le circuit de référencement pour la prise en charge des conséquences des violences n’est pas confus pour les victimes. En revanche, parmi les victimes rencontrées, seulement très peu d’entre elles ont eu accès au moins une fois à la prise en charge médicale, et aucune n’a eu de suivi psychologique ou juridique suite à son agression sexuelle. La prise en charge holistique (accès aux soins, protection légale, soutien psychologique et accompagnement socio-économique) va varier selon : Les secteurs et leurs facteurs de risque (géographiques, économiques, culturels, etc.), Les ressources disponibles et accessibles, Etat des lieux 53 Ressources et freins pour la protection des victimes F Les cas de violences liées au genre, du besoin de la victime, sa volonté et autres facteurs familiaux et individuels, Le point d’entrée (structure de santé, service de police). L’absence de plateforme de coordination réunissant tous les acteurs (instances de base, associations, ONG nationales et internationales, confessions religieuses) rend compliqué l’instauration d’une dynamique de collaboration et de concertation pour assurer aux victimes de violences liées au genre et de violences sexuelles une prise en charge globale. L’isolement géographique et des situations de précarité sociale et économique vont venir aggraver les difficultés d’accès aux services, elles-mêmes expliquées par un réseau peu dense et peu dynamique d’associations qui ont de rares liens les unes avec les autres. Cela est largement dû à l’absence de médiateurs faisant le lien entre les services spécialisés du gouvernement, mais aussi avec les dispositifs proposés par les ONG et les confessions religieuses présentes sur les territoires. 54 La famille et la communauté Des mécanismes communautaires d’entraide ? Avoir accès à au moins une personne à laquelle on puisse parler de ses problèmes est généralement reconnu comme un facteur de protection important. On peut y voir une ressource permettant de surmonter les difficultés de la vie quotidienne ou tout simplement une oreille attentive permettant de ventiler stress et frustrations. Les mécanismes de réponses de la communauté se situeront essentiellement dans de rares réseaux de solidarités entre quelques familles, entre amis et dans un esprit de camaraderie et la solidarité entre pairs partageant les mêmes soucis, constituant alors des ressorts pour une resocialisation primaire. De tels liens peuvent donner naissance à un réseau relationnel plus large et à la création de groupements associatifs de personnes vulnérables, à des coopératives agricoles de femmes, comme ont pu initier les deux groupes de prostituées de Rugerero (Rubavu) et de Gihango (Rutsiro). De manière générale, les groupes vulnérables rencontrés ont témoigné d’une difficile inscription dans la communauté liés à de mauvaises relations avec le voisinage et un manque de confiance envers les autorités de base. Garder le silence pour l’honneur de la famille « Le destin de ce que nous disons ou faisons est entre les mains des autres » (Latour, 1989, page 45). L’analyse des informations relève que les autorités sont présentes pour entendre les plaintes (selon les groupes et types de vulnérabilités présentées), mais que la communauté constitue aussi un frein. Comme si l’« honorabilité » de la famille dépendait entièrement de la capacité de la victime à garder le silence, à dissimuler, à nier les faits de violences, la sphère familiale se présente comme un espace clos, mais aussi lieu de l’intimité secrète, de la sexualité et de pratiques sexuelles, parfois incestueuses, et qui doit être protégé des intrusions et des regards et de tout ce qui pourrait susciter la honte. En effet, dans un souci majeur de cohésion sociale et communautaire et d’évitement de conflits supplémentaires (« les villageois veulent se protéger des conflits »), les membres du village, les voisins ne souhaitent pas toujours entendre (au sens d’accepter, de reconnaître) les réalités décrites par les personnes et groupes vulnérables aux violences. Par effet dissuasif, les victimes de violences préfèreront ainsi garder le silence, notamment lorsqu’il s’agit de violences sexuelles, le plus souvent commises par des proches, des « familiers » de la victime. Analyse des mécanismes communautaires d’entraide Forces Attitude quasi instinctive d’aller voir des amis pour parler de son quotidien, partager les problèmes. Quelques personnes parmi les plus vulnérables montrent une motivation à se former auprès d’associations locales, nationales ou internationales pour tenir un rôle de leader dans la communauté. Les personnes-ressources (conseillères psychosociales ou VIH, présidentes des associations, des coopératives) sont sollicitées par les plus vulnérables. Forte demande d’accompagnement pour être renforcées dans leurs capacités. Limites Difficile de soutenir les autres quand on est soi-même en détresse psychologique. Manque de connaissances sur la santé mentale, sur l’accompagnement juridique des victimes. Mésentente, conflits au sein des familles, entre voisins. Peur du jugement des autres. Les autorités locales ne sont pas toujours réceptives aux problèmes de violences liées au genre, de souffrance psychosociale. Les initiatives s’essoufflent vite, restent isolées, sans complémentarité. Etat des lieux 55 56 2011 Rwanda, Conclusion et recommandations A. Conclusion 58 B. Recommandations Les autorités Les professionnels La société civile La communauté et les victimes Les bailleurs 59 59 59 60 60 60 Conclusion et recommandations 57 Conclusion et recommandations A Conclusion 58 Malgré les efforts déployés en matière de prévention, de sensibilisation et de protection par le gouvernement rwandais et les membres des services décentralisés dans les instances de base, des défis importants doivent être relevés face à plusieurs causes d’ordre structurel et culturel engendrant des « défaillances communautaires ». Exclusion, désaffiliation, disqualification interviennent comme autant de processus venant affecter le quotidien des groupes vulnérables ici identifiés. Prostituées, orphelins, femmes mariées ou veuves, filles-mères ayant été violées sont objets de rejet, de déni et d’insultes publiques lorsqu’ils tentent de faire reconnaître leur expérience et leur statut de victime auprès des familles, de certaines autorités locales et de la communauté en général. L’approche exploratoire de cette rechercheaction a présenté un intérêt, car elle a permis d’identifier des vulnérabilités causées par des facteurs de risque multidimensionnels : Liés à l’environnement géographique qui a une influence directe sur la nature des violences et sur l’accessibilité physique des services de protection : depuis l’avertissement des autorités de cas de violence jusqu’à leur prise en considération devant les instances juridictionnelles, en passant par une prise en charge médico-psycho-sociale de la victime de violences liées au genre. Liés à des conditions socio-économiques compromettant l’accès à l’éducation, au logement décent, à l’émancipation vis-à-vis des persécuteurs, aux services de soins et de protection. Liés à un manque d’informations ou des connaissances trop limitées sur les droits et les lois protégeant les personnes victimes de violences liées au genre, que l’on retrouve chez les groupes vulnérables identifiés mais aussi parmi certaines autorités de base. Liés à des résistances culturelles (préjugés, représentations) sur le genre. Certaines pratiques violentes trouvant leur origine dans la différence des sexes seront considérées comme « coutumières », inscrites dans l’ordre du « tolérable », vont freiner la reconnaissance sociale des victimes. Liés à des résistances culturelles (préjugés, représentations) à l’égard des personnes handicapées et des personnes ayant des troubles psychiques. Liés à des caractéristiques individuelles : âge, sexe, profession, statut marital, handicap et qui, quand ils sont réunis, peuvent constituer un cumul de handicaps qui favorise la vulnérabilité aux violences liées au genre et à la détresse psychologique, et défavorisent largement l’accès aux services et à la participation sociale. Liés à des moyens financiers, humains et matériels insuffisants dans les services décentralisés de l’Etat et les structures de soins. Liés à l’absence d’acteurs locaux (associations ou ONG) dans les domaines de la santé mentale et des violences liées au genre / violences sexuelles, et/ ou de plateforme communautaire de coordination entre les prestataires de services, bénévoles des structures et organisations à base communautaire. Au-delà des violences liées au genre, les B Recommandations victimes vivent l’expérience de la précarité et de la souffrance psychosociale. Cela les invite au repli et au silence, à la page blanche, à la résignation face au monde hostile. Parce que le dolorisme des victimes est banni et que les freins comme les leviers principaux à l’empowerment se trouvent dans la communauté même, il faudra inventer les dispositifs pour retisser les fils des existences complexes et douloureuses, pour engager du soutien social. Afin que ces groupes ne soient donc pas victimes de discriminations sociales venant entraver leur parcours de prise en charge et les processus de réinsertion sociale et de réhabilitation psychologique, nous devrons être attentifs à ce que : Les autorités Soient sensibilisées aux besoins de prise en charge médico-psycho-sociale des victimes de violences liées au genre et de violences sexuelles, en renforçant leur capacité par des formations. Assurent le respect de la législation. Améliorent le suivi des victimes entre les services de police, les structures de santé, les services juridiques et les affaires sociales. Fassent une collecte statistique des cas de violences liées au genre et de violences sexuelles pour faire davantage de plaidoyer. Les professionnels Soient interconnectés pour faire réseaux avec les autorités et la société civile, pour renforcer les liens dans le système de référencement entre les champs du médical, du social, du juridique, de l’éduction, de l’économique selon une approche multisectorielle. Soient formés à l’approche Santé Mentale Communautaire avec un accent sur les vulnérabilités des personnes handicapées. Participent à la création de plateformes de coordination réunissant les acteurs de terrain. Créent les conditions satisfaisantes pour améliorer l’accessibilité aux services spécialisés et l’accès à l’emploi des personnes handicapées. Conclusion et recommandations 59 Conclusion et recommandations La société civile Soit formée et appuyée techniquement pour suivre leur plan d’action32. Soit représentée par des personnesressources impliquées dans l’accompagnement des victimes et la mise en œuvre d’actions de Santé Mentale Communautaire. Identifie les partenaires potentiels présents dans la zone d’intervention, et vers lesquels peuvent être référées les victimes de violences liées au genre pour une prise en charge adaptée et pluridisciplinaire. La communauté et les victimes Identifient elles-mêmes les conflits internes (facteurs de risque), les freins à l’empowerment des victimes et les alliances (ressources d’entraides communautaires) existantes. Soient informées, sensibilisées sur les lois en vigueur pour accéder à la justice et cesser l’impunité. Nombreux parmi nos enquêtés pensent que pour panser leur blessure il faille que l’on reconnaisse officiellement leur souffrance en arrêtant les auteurs de violences. Soit conscientisée à tous les niveaux de la communauté (community policing, autorités de base, bénévoles, enseignants, parents et enfants). Il sera important d’inclure dans ces actions les auteurs de violences. 60 32 Les CNJ (Conseils Nationaux de la Jeunesse) pourraient venir appuyer des actions de sensibilisation sur les violences liées au genre et les violences sexuelles auprès des jeunes générations (orphelins, enfants chefs de ménage, filles-mères), qui sont affectées directement ou indirectement par les problèmes de violence. Les Comités Anti-violences liées au genre seront renforcés : par la formation de leur membres (Santé Mentale Communautaire, juridique, approche Processus de Production du Handicap, développement local), par la mise en œuvre d’un système de rémunération et d’un système de monitoring des victimes. Développent des Activités Génératrices de Revenus impulsant une dynamique de (ré)insertion sociale et économique, pour permettre des rencontres qui font du lien, tout en combattant les modes de vie précaires, sources de tous les maux. Les bailleurs Restent sensibles aux phénomènes de violences liées au genre et à leurs conséquences sur la santé mentale des victimes, et à la vulnérabilité exponentielle des personnes handicapées. Pérennisent des financements pour permettre à des dispositifs comme les One Stop Centers de se dupliquer là où les besoins sont criants, comme à Rutsiro. Reconnaissent l’utilité des recherches scientifiques et études techniques, pluridisciplinaires et en profondeur (« in-depth qualitative studies ») comme préalable à toute mise en œuvre de projet. Ceci afin de toujours mieux adapter les projets aux territoires d’intervention et aux particularismes des groupes cibles de bénéficiaires. Rusizi Rutsiro Ruhango Muhanga Zones d'intervention Handicap International au Rwanda Huye Gasabo Nyarugenge Kicukiro K IGALI CIT Y Rulindo Kamonyi SOUTHERN PROVI NCE WESTERN PR OVINCE Rubavu NORTHER N PR OVI NCE Santé Mentale Communautaire et VBG RBC et Réadaptation Fonctionnelle Musanze VIH et handicap Education Inclusive District Capitale du Pays Zones d’intervention Kayonza E AS T E RN PRO VI N C E Annexes Handicap International au Rwanda Annexes 61 Annexes Depuis plusieurs années, Handicap International entend accompagner la population, la société civile et l’Etat rwandais dans ses efforts de reconstruction et de développement pour que les personnes vulnérables? et en particulier les personnes handicapées? ne soient pas oubliées ou laissées « sur le bord du chemin ». La vision du Programme Handicap International Rwanda envisage une société rwandaise inclusive, solidaire et respectueuse des droits des personnes vulnérables et en particulier des personnes handicapées. La mission du Programme Promouvoir et soutenir les politiques et les initiatives des pouvoirs publics et de la société civile afin de favoriser la réalisation des droits des personnes vulnérables, et en particulier des personnes handicapées. Les axes d’intervention La prévention et la prise en charge des maladies invalidantes et chroniques, dont le VIH/sida et l’épilepsie. Le développement inclusif, qui intègre notamment l’éducation inclusive, la réhabilitation à base communautaire et la promotion du handisport. La promotion de la santé mentale et la lutte contre les violences liées au genre, via une approche communautaire. Les approches 62 Renforcement des compétences et de l’autodétermination • Individuel : via le renforcement des bénéficiaires à travers le développement des capacités professionnelles, d’une bonne santé mentale, de la confiance en soi et de la connaissance de leurs droits. • Collectif : via le renforcement des associations à travers des formations en gestion associative et de projet, en bonne gouvernance et en plaidoyer, de la mise à disposition de moyens matériels et financiers au niveau des structures et des activités, et de la création ou du renforcement de cadres de concertation avec les acteurs locaux. Partenariat avec les autorités locales et la société civile Les activités développées par Handicap International au Rwanda s’inscrivent dans les plans et politiques de développement locaux et nationaux, et sont identifiés de manière participative. Elles sont mises en œuvre au travers de partenariats avec les autorités locales et la société civile, Handicap International Rwanda se positionnant à chaque fois que possible non pas en tant que maître d’œuvre, mais en appui technique, en facilitatrice ou bien encore en formatrice. Influence sur les politiques et stratégies locales, nationales et de coopération En assurant une représentation dans les réunions de définition et de suivi des politiques et stratégies nationale et locales, ainsi que dans les cadres de concertation des politiques de coopération, Handicap International Rwanda et ses partenaires permettent une meilleure prise en compte des personnes vulnérables, et en particulier des personnes handicapées. Ces actions de sensibilisation et de plaidoyer s’accompagnent d’une collaboration avec les principaux partenaires techniques et financiers du Rwanda et avec les ministères, notamment le MINALOC, le MINISANTE et le MINEDUC. Démarche de développement local Dans le cadre de la politique de décentralisation, Handicap International Rwanda souhaite appuyer les dynamiques de développement local participatif et inclusif, permettant d’impliquer l’ensemble des acteurs d’un territoire dans la définition et la mise en œuvre d’un projet local concerté, approprié et partagé par tous. Développement des alliances Handicap International Rwanda développe des alliances et des partenariats via : • Une approche complémentaire avec d’autres acteurs du développement (ONG locales ou internationales notamment) afin de concentrer les interventions sur les domaines de compétences de chaque structure et de développer si besoin des consortiums. • La collaboration (en termes de complémentarité d’actions) entre les différents acteurs agissant dans le domaine de la vulnérabilité et du handicap, afin de maximiser l’impact des actions et de ne pas agir en doublon. Cette collaboration peut se traduire par une répartition des zones géographiques à couvrir ou des thématiques abordées. Capitalisation, appui technique et expertise Les actions de sensibilisation et de plaidoyer menées depuis plusieurs années ont permis de renforcer, de manière inclusive, la prise en compte des personnes vulnérables et en particulier des personnes handicapées dans les actions de développement. Cependant, de nombreux acteurs n’ont ni l’expérience, ni l’expertise pour développer des stratégies et projets inclusifs. Handicap International Rwanda assure donc la capitalisation et la diffusion des actions pilotes et des bonnes pratiques pour favoriser la duplication de celles-ci, et propose la mobilisation de compétences et expertises (en interne à Handicap International, mais aussi via son réseau) qui accompagnent les partenaires désirant mettre en œuvre une approche inclusive de leurs actions. Annexes 63 Bibliographie Rapports, ouvrages AUSTIN J.L., 1991, Quand dire c’est faire, Seuil, Paris CAILLE A., 1986, Splendeurs et misères des sciences sociale, Genève-Paris, Droz, p. 372 DUBOIS J.L., ROUSSEAU, 2001, Reinforcing Household’s Capabilities as a Way to Reduce Vulnerability and Prevent Poverty in Equitable Terms, Justice and Poverty : Examining Sen’s Capability Approach, Cambridge, 5-7 June 2001 ELLSBERG M, HEISE L., 2002, “Bearing witness: Ethics in domestic violence research” in Lancet, 359(9317):1599-1604 FASSIN D., « Répondre de sa recherche. L’anthropologue face à ses « autres », in Les politiques de l’enquête. Épreuves ethnographiques, D. Fassin et A. Bensa (dir), La Découverte, 2008, p. 299-322 GOFFMAN E., Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Minuit, 1975 HANDICAP INTERNATIONAL, mars 2007, Etude Genre et Handicap. 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Un exemple de projet de Santé Mentale Communautaire au Rwanda, Handicap International Rwanda / Direction des Ressources Techniques, 2012 (à paraître) Fin de partie. Crédits photographiques © Guillaume Pégon / Handicap International Éditeur Handicap International 14, avenue Berthelot 69361 Lyon cedex 07 [email protected] Imprimeur Multicom Ltd Imprimerie & Edition B.P. 3653 Kigali Rwanda Achevé d’imprimer en juin 2012 Annexes 67 Santé mentale communautaire et violences liées au genre dans la Province Ouest du Rwanda Forte de son expérience acquise au travers de sa présence au Rwanda et de ses interventions dans le domaine psychosocial depuis juillet 1994, Handicap International Rwanda a commandité une recherche-action. L’objectif était d’identifier et d’analyser le rôle des facteurs environnementaux, socio-économiques, culturels et psychosociologiques sur l’incidence et la prévalence des violences liées au genre, des violences sexuelles et de la détresse psychologique dans les districts de Rubavu et de Rutsiro. Les résultats présentés dans cette publication permettent de mieux comprendre les fondements et les causes des phénomènes, mais aussi d’évaluer les ressources disponibles en matière de prise en charge. En effet, il paraît indispensable pour Handicap International de traiter les répercussions des violences liées au genre et des violences sexuelles, tant sur le plan psychologique proprement dit que sur le plan social et communautaire. Handicap International Rwanda 261, Avenue Paul VI - Kiyovu BP 747 Kigali - Rwanda Téléphone: (250) 252 570533 [email protected] 68 www.handicap-international.org