- PASCAL DUSAPIN

Transcription

- PASCAL DUSAPIN
A propos d’une histoire de “Faustus”
Longtemps, j’ai pensé à Faust. Il n’était pas question de raconter
cette histoire, sans doute la plus éminente parabole occidentale.
Simplement la reprendre, et l’agencer à la lumière de ce que personne n’ignore plus... Faust est unique dans notre paléographie
contemporaine car il est son écho. Plus que jamais, Faust réexpose
la démence narcissique qui est le trait saillant de notre culture. En
ce sens, il inverse nos idéaux car nous savons à quel point, présumant de ses forces, Faust échoue et succombe. De cette fiction toujours ravivée, surgissent et débordent les confins de notre
conscience car Faust est à lui seul une blessure, un antagonisme,
une affliction, une volonté, une espérance et sa perte.
Comme beaucoup, je suis fasciné par ce personnage mais je ne l’aime pas. A la lumière de notre futur présent, il exhibe aujourd’hui ce
qui offense profondément l’esprit : arrogance, prétention, fatuité,
extrême démesure de l’ambition animée par la peur, convoitise et
puissance. Je me suis donc plu à poser un Faust (que je préfère
nommer dans son acception médiévale “Faustus“ sans aucune
référence à Goethe...), comme un mégalomane forcené et paranoïaque, totalement envoûté par l’ultime connaissance, celle de la
“Lumière“, symbole de maîtrise, de possession et domination totale. Dans cet opéra, rien n’est nommé, mais tout le monde sait de
quoi il s’agit. En toile de fond, la dévastation et la mort se confondent avec l’irrépréhensible et halluciné dessein de cet homme trop
humain, malade, métaphore du pire humain. À tout prendre, je préfère Méphistophélès. Il m’amuse. Et le mien s’amuse ! Bien qu’apeuré au seul nom de Dieu, ses intentions sont simples et somme toute,
assez légitimes... Un diable est un diable. On comprend toujours ce
qu’il énonce et pourtant, il a bien du mal à faire face aux questions
de Faustus qui ne cesse de l’égarer sur le ciel, les astres, la lune et
la création du monde. Le “Je préférerai ne pas“, célèbre aphorisme
du Bartleby de Melville (“I would prefer not to”) est la seule réplique
qu’il trouve à donner, aux insistantes suppliques de Faustus sur la
création du monde. Mon Méphistophélès s’inquiète seulement d’un
livre dont on saura peu de choses et ne demande jamais rien car
Faustus le dégoûte.
Il est cependant d’assez bon conseil car il prévient son camarade :
“Saches où tu vas, Faustus !“. Dès que Togod entre en scène,
Méphistophélès finira par s’éloigner car il craint cet individu dont
l’avidité et l’âpreté humaine l’inquiètent et le dépassent. Dans le
livre jeté à terre par Faustus, il découvrira une drôle de petite
machine à sons dont la musique ne manquera pas de l’intriguer... Et
pourtant, dès le début, tout est fini. Faustus sait qu’il est damné car
il n’ignore pas que son futur a déjà eu lieu. Il a peur des vipères et
des serpents (“Adders and serpents !”) Méphistophélès est hilare. Il
domine. Le désastre de Faustus est son plaisir. L’Ange est terrorisé.
Il crie et chante un poème de William Blake sur l’humanité, le doute
l’âme et le mensonge. Du début à la fin, l’Ange est envahi par l’effroi.
Son chant est aphasique. Il bégaie. Plus qu’une lamentation, il est la
plainte. Son principe contient l’extrême cognition du monde terrestre et céleste à l’inverse de Sly qui depuis longtemps dédaigne
toute désolation à l’égard des hommes...
“ FAUSTUS, LA DERNIERE NUIT”
- PASCAL DUSAPIN
7, 14, 16, 18 MARS 2006
20h, Opéra national de Lyon
9, 12 MARS 2006
16h, Opéra national de Lyon
“Faustus, la dernière nuit” - Opéra en une nuit et onze numéros
Livret du compositeur d’après “La Tragique Histoire du Docteur
Faust” de Chistophe Marlowe (1588)
Pascal Dusapin, composition
Jonathan Stockhammer, direction musicale
Peter Mussbach, mise en scène
Michael Elmgren et Ingar Dragset, décors
Andrea Schmidt-Futterer, costumes
Sven Hogrefe, éclairages
Orchestre de l’Opéra national de Lyon
Georg Nigl, Faustus - Urban Malmberg, Méphisto - Robert Wörle, Sly
Jaco Huijpen, Togod - Caroline Stein, L’Ange
Première Française
Co-commande et co-production Staatsoper Inter Den Linden Berlin et Opéra national de
Lyon
Dans le cadre de la Biennale Musiques en Scène
Enregistré par France Musiques.
(...) Le livret de cet opéra est construit sur de multiples emprunts
au Faustus de Marlowe, mais s’en éloigne assez vite. Dante, Saint
Augustin, La Bible, William Blake, William Shakespeare, John Clare,
Gustave Flaubert, Hölderlin, Gérard de Nerval, Caligula, Al Capone,
Bartleby de Melville, Samuel Beckett, Olivier Cadiot et bien d’autres,
échafaudent un texte dont les ressorts dramatiques naquirent d’un
incessant mouvement de balancier entre les allégories littéraires et
les nécessités de la composition musicale.”
1
(...) Pascal Dusapin 25 décembre 2004.
Soeurs en 1998, œuvre qu’il dirige lors de la reprise de 2002.
En 2005-2006, Jonathan Stockhammer dirige l’Orchestre radiosymphonique de Finlande, l’Orchestre de la radio de Norvège. A
Oslo, il dirige la création d’Ophelia’s death by the water singing de
Henrik Hellstenius. Il se produit au Festival de Berlin avec l’Ensemble
Resonanz. Parmi ses enregistrements, un disque consacré à des
oeuvres de Frank Zappa avec l’Ensemble Modern.
Pascal Dusapin
Pascal Dusapin est né en 1955 à Nancy. Il fait des études d'arts
plastiques et de sciences de l'art à l'Université de Paris-Sorbonne,
puis suit les séminaires de Iannis Xenakis entre 1974 et 1978. Il réside à la Villa Médicis à Rome entre 1981 et 1983 et est compositeur
résident à l’Orchestre National de Lyon de 1993 à 1994. Il a gagné de
nombreux prix parmi lesquels le prix Hervé Dugardin (SACEM) en
1979, de plus, le Ministère de la Culture lui a décerné le Grand prix
national de la musique en 1995. Victoire de la Musique 1998 pour le
disque enregistré par l’Orchestre national de Lyon, Victoire de la
Musique 2002, comme Compositeur de l’année ; prix Cino del Duca
(2005).
Une soixantaine d'oeuvres jalonnent une carrière qui se développe
dans tous les domaines de la composition : instrument seul,
musique de chambre, orchestre. Il a également écrit plusieurs opéras parmi lesquels La Melancholia (1991), créée en 1992 au Théâtre
du Châtelet à Paris, et To be sung (1992-1993), créée à Nanterre en
1994. Son écriture ne renonce jamais à un certain lyrisme et au
développement d'une énergie contrôlée qui allie une organisation
stricte à une invention plus libre. Pascal Dusapin travaille actuellement à une commande de Simon Rattle et de l’Orchestre
Philharmonique de Berlin. Le Festival d’Aix-en-Provence lui a commandé un nouvel opéra pour son édition de juillet 2008. Les oeuvres
de Pascal Dusapin sont publiées par les Éditions Bmg/Salabert et
enregistrées principalement chez Naïve/Classic.
“La création de Pascal Dusapin se nourrit de culture très vaste qui
englobe littérature et philosophie aussi bien que poésie et qui parcourt les siècles, des écrits de l’antiquité gréco-latine à nos plus
modernes écrivains. (...)” Brigitte Massin
Peter Mussbach
Né en 1949 à Schwabach (RFA), Peter Mussbach a suivi des études
très larges à Vienne et à Munich : chant, piano et direction d’orchestre ; lettres germaniques, histoire de l’art, philosophie, droit,
sociologie (thèse sur les origines de l’opéra en Italie) et médecine
(doctorat en 1984 sur l’état actuel de la maladie de CreutzfeldtJacob). Il a pratiqué la neurologie à Munich. Sa carrière de metteur
en scène débute en 1973 à Augsbourg avec Le Barbier de Bagdad de
Peter Cornelius. Peter Mussbach a mis en scène, entre autres,
Lucio Silla, Les Noces de Figaro, Don Giovanni (Mozart) ; Fidelio
(Beethoven) ; Macbeth (Verdi) ; Carmen (Bizet) ; Le Crépuscule des
dieux, Parsifal (Wagner) ; Doktor Faust (Busoni) ; Salomé (Richard
Strauss) ; Le Son lointain (Schreker) ; Moïse et Aaron(Schoenberg) ;
Wozzeck, Lulu (Berg) ; De la maison des morts (Janacek) ; Le Roi
Roger (Szymanowski) ; Le Nez, Lady Macbeth de Mzensk
(Chostakovitch) ; The Rake’s Progress (Stravinsky), Billy Budd
(Britten)...
Il a assuré les mises en scène de plusieurs créations mondiales dont
Enrico et Comme il vous plaira de Manfred Trojahn ; La Conquête du
Mexique de Wolfgang Rihm ; Chief Joseph de Hans Zender ; Perelà,
l’homme de fumée de Pascal Dusapin en 2004 à l’Opéra de Paris. En
France, il a également mis en scène Arabella (Strauss) et Takemitsu
– My way of life au Châtelet et La Traviata (Festival d’AixenProvence 2003).
Il a réalisé les décors de plusieurs de ses spectacles et écrit le livret
de Celan, opéra de Peter Ruzicka créée en 2001 à Dresde. Peter
Mussbach est intendant et directeur artistique du Staatsoper de
Berlin depuis la saison 2002-2003. Il a aussi été invité par des scènes
telles que La Monnaie de Bruxelles, le Festival de Salzbourg, le
Staatsoper de Munich, l’Opéra de Zurich, le Festival Saito Kinen au
Japon, l’Opéra de Dresde. De 1997 à 2001, Peter Mussbach a
été professeur de mise en scène et d’art dramatique au Mozarteum
de Salzbourg et, depuis 2001, il enseigne la mise en scène
de théâtre musical à Hambourg. En 2005-2006 à Berlin, hormis
Faustus, Peter Mussbach signe cette saison au Staatsoper de Berlin
les mises en scène de Macbeth de Verdi et de La veuve joyeuse de
Franz Lehar et Salomé de Richard Strauss à Dresden, Don Giovanni
à l’Opéra de Francfort et Simon Boccanegra de Verdi à Amsterdam.
Jonathan Stockhammer
Né en 1969 à Los Angeles, Jonathan Stockhammer étudie le chinois
et les sciences politiques, puis la composition musicale et la direction d’orchestre. Il complète sa formation par des master-classes
avec, entre autres, Myung Whun Chung, Peter Eötvös, Robert
Spano, Seiji Ozawa. Il fait ses débuts en 1994 au pupitre de
l’Orchestre philharmonique de Los Angeles où il devient l’assistant
d’Esa-Pekka Salonen. Il se consacre à la fois à la musique contemporaine, au répertoire symphonique classique et à l’opéra. Il a travaillé avec des formations telles que l’Orchestre symphonique de la
Radio de Hollande, Orchestre national d’Ile-de-France, l’Orchestre
radio-symphonique de Stuttgart et s’est produit dans plusieurs
festivals internationaux dont la Triennale de Cologne, le Festival de
musique de Hambourg, de Berlin, Ars musica de Bruxelles, le
Festival de Hollande. Depuis 1998, date de son installation à Cologne,
il collabore régulièrement avec l’Ensemble Modern de Francfort, la
MusikFabrik de Cologne, l’Ensemble de chambre Nouvelle Musique
de Berlin, l’Ensemble Resonanz de Hambourg, l’Ensemble Recherche
de Fribourg, l’Ensemble à vents de Hollande, le Sinfonietta d’Oslo.
Depuis 2000, est chef permanent du Groupe des percussions de La
Haye. Dans le domaine de l’opéra, il a dirigé, entre autres, Carmen
de Bizet à Fribourg, La Chauve-Souris de Strauss à Aix-la-Chapelle,
Gianni Schicchi de Puccini au Festival de Tanglewood, Twice through
the heart d’Anthony Turnage à Oslo, Die zerbrochene Bilder de Karl
Heinz Dittrich à Berlin, Cassandra de Michael Jarrell à Hambourg…
A Lyon, il est l’assistant de Peter Eötvös pour la création de Trois
2
COPYRIGHT
1. Pascal Dusapin©Marthe Lemelle
3
4