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BUSINESS
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PAROLE D'ENTREPRENEUR
SUCCESS
JE CRÉE MA BOÎTE
«Nous sommes producteurs de « J’avais envie
molécules rares et très chères» de créer une activité
liée à la terre »
Jean-Paul FÈVRE
fondateur et PDG
de Plant Advanced Technologies.
Tannegui BUJARD,
associé d’Olivier de Guyenro,
fondateurs de Rond de Sorcière,
production et vente de truffes.
erser à ses actionnaires des dividendes sous forme de truffes,
c’est le pari original que se sont
lancé Tannegui Bujard, 38 ans, et Olivier de Guyenro, 48 ans, avec Ronds
de sorcière.
L’idée : proposer à des particuliers
d’investir dans des chênes truffiers.
« Après dix ans dans la finance où
j’étais au bureau à 6 h 30 tous les matins, j’avais envie de créer quelque
chose de concret, lié à la gastronomie
et à la terre », explique Tannegui Bujard. En 2011, il rencontre Olivier de
Guyenro qui a déjà sauté le pas et investi dans 15 ha près de Montpellier
(Hérault). Les deux hommes s’associent, lèvent 400 000 € en deux fois et
achètent 45 ha supplémentaires à Lalbenque (Lot), capitale historique de la
truffe. Pour financer l’achat des arbres
et l’entretien, les chênes plantés sont
vendus à des particuliers et des restaurateurs. « Nous achetons des plants
qui ont déjà un bon volume de racines », détaille l’ex-financier.
L’arbre est payé 40 € pièce chez un
pépiniériste spécialisé qui se charge
de creuser les tranchées et de les bâcher pour accueillir les jeunes chênes.
Ensuite il faut installer un système
d’irrigation - « pas d’eau, pas de
truffe » —, des clôtures pour empêcher les chevreuils de se régaler avec
les pousses et tailler deux fois par ans
les arbres « en forme de cône inversé
pour que le soleil tape sur le sol ».
V
Les plantes cultivées hors-sol générent des molécules à forte valeur ajoutée
pour l’industrie cosmétique et pharmaceutique. (PAT SA/Alex Marchi.)
(DR.)
n 2005, Jean-Paul Fèvre, jeune
quinquagénaire, ingénieur en
agriculture de formation, affiche un parcours professionnel sans
faute. Il a été directeur de recherche
dans des grands groupes comme Sanofi ou Euralis, en France et en
Amérique du nord. Mais quand, il y
a tout juste 10 ans, se présente l’opportunité de licencier auprès de l’INRA/Université de Lorraine, une
technologie « révolutionnaire » pour
extraire des molécules des plantes, il
n’hésite pas longtemps. Il négocie
son départ et dans la foulée, avec
Frédéric Bourgaud et Eric Gontier,
les deux chercheurs nancéiens pères
de cette technologie, il fonde près de
Nancy, Plant Advanced Technologies (PAT).
E
Une technologie à fort potentiel
« Non seulement j’avais toujours rêvé de créer un jour ma propre société, mais en plus, j’avais entre les
mains une technologie à très fort potentiel », se souvient le PDG de
PAT. Baptisée « Plante à traire », ce
procédé breveté dans de nombreux
pays, « permet de récupérer par exudation des racines de plantes cultivées hors sol, des molécules à très
forte valeur ajoutée pour l’industrie
cosmétique et pharmaceutique », explique Jean-Paul Fèvre. L’idée de
génie : on trait les plantes, on ne les
tue plus.
Pour créer sa société, l’ingénieur estime « avoir eu de la chance car
beaucoup de bonnes fées se sont
penchées sur notre berceau ». Outre
les fonds propres récoltés par les
3 fondateurs, l’entreprise a bénéficié
de nombreux soutiens de la part
d’acteurs publics comme la Région
Lorraine ou le ministère de la Recherche mais aussi par des entreprises privées comme Total qui lui
accordé un prêt d’honneur. Le
1er juillet 2005, PAT est officiellement lancée. Elle est détenue par
Jean-Paul Fèvre à hauteur de 70 %,
les deux chercheurs se partageant les
30 % restants. En 2009, PAT entre
en bourse et va lever successivement
3 millions d’euros en cédant 30 % du
capital auprès de 2 500 actionnaires.
Pour se développer, PAT n’a cessé
de peaufiner, grâce à son équipe de
chercheurs qui s’est étoffée au fils
des ans, son protocole de culture.
« C’est quand elle se sent en danger,
attaquée par des pucerons ou autres
champignons, que la plante produit
le plus de molécules, jusqu’à
100 fois la teneur normale, explique
l’ingénieur. Nous sommes parvenus
à faire croire à la plante et ce, sans
l’abîmer, qu’elle était en danger afin
qu’elle produise le maximum de molécules, puis à industrialiser cette
production dont la collecte en milieu
naturel est difficile », poursuit-il. Et
de conclure : « Nous sommes donc
devenus des développeurs et des
producteurs de molécules rares et
très chères ».
De grands groupes cosmétiques font
très vite appel à PAT. Et l’an dernier,
c’est le géant mondial et français
Chanel qui annonce le premier utiliser leurs molécules pour un produit
anti-âge.
Un avenir prometteur
Très friande d’innovation, la cosmétique est plus réactive que l’industrie
pharmaceutique aux molécules révolutionnaires de PAT. Il n’empêche, estime Jean-Paul Fèvre, le
futur de son entreprise passe par les
laboratoires pharmaceutiques. Depuis quelque temps, PAT a ajouté
plusieurs étages à sa fusée. Elle travaille notamment sur des plantes
carnivores et sait désormais les modifier génétiquement pour leur faire
secréter des protéines thérapeutiques
par leurs feuilles. Ce qui permet de
créer des actifs susceptibles d’intervenir dans le traitement de nombreuses maladies. « Le coût de ces
molécules produites par des plantes
sera très inférieur aux molécules issues de cellules animales génétiquement modifiées actuellement sur le
marché qui elles se vendent au prix
Sécurité Sociale, entre 1 et 10 millions d’euros le gramme… »
Forte de ses découvertes, PAT ambitionne de devenir un leadeur mondial en biotechnologie végétale pour
les marchés cosmétiques mais aussi
pharmaceutiques. L’entreprise qui
emploie aujourd’hui 30 personnes
espère doubler son chiffre d’affaires
en 2015, à environ 2 millions
d’euros.
 SANDRINE BAJOS
100gdetruffespararbreen
moyenne
Tannegui Bujard (à g.)
et Olivier de Guyenro.(DR.)
à arpenter leur truffière avec Hustler,
le berger australien dressé pour détecter le précieux champignon. Problème, l’hiver 2013-2014 a été « le
deuxième le plus chaud depuis 1900
et la production s’est effondrée », rappelle Tannegui Bujard. « On a fait
15 kg au lieu des 60 attendus : maintenant je comprends pourquoi les agriculteurs se plaignent tout le temps ! ».
Cette année, les deux truffières montent en puissance et devraient donner
100 kg. Ronds de sorcière garde la
moitié des truffes récoltées.
16 000 arbres sont déjà plantés, et
4 500 vendus. « C’est avec la vente
des truffes que nous allons commencer à gagner de l’argent, à partir
de 2016 », précise Tannegui Bujard.
A terme, Ronds de sorcière - le nom
donné au rond de végétation brûlé autour du chêne par l’herbicide émis par
la truffe - devrait devenir « le plus gros
producteur de truffe en France » avec
1,6 t sur une production globale de
35 à 50 t.
 BÉNÉDICTE ALANIOU
Les actionnaires achètent l’arbre entre
290 € et 490 € en fonction de sa maturité et reçoivent chaque année 50 %
des truffes qu’il a produites. « Chaque
arbre produit en moyenne 100 g de
truffes par an en moyenne durant
vingt ans ». Mais plus que toute autre
culture, celle de la truffe est synonyme
de patience. Cinq ans sont en effet nécessaires avant de récolter les premiers diamants noirs, qui arrivent à
maturité en hiver. En décembre 2013,
les deux associés ont donc commencé
LEURS CONSEILS
 Discuter du projet avec un
maximum de monde et noter
toutes les critiques.
 Garder du temps pour sa
famille, elle sera importante
dans les moments durs.
 Ne pas attendre que tout soit
carré pour se lancer.
JEUDI 21 MAI — 18H00
6km d’afterwork en équipe
au cœur de la Défense
Infos et inscriptions : runatwork.com
facebook.com/runatwork
DO YOU RUN AT WORK ?
LE PARISIEN ÉCONOMIE I LUNDI 16 FÉVRIER 2015
@runatwork