Anonyme : une explication de texte avec remarques et appréciations

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Anonyme : une explication de texte avec remarques et appréciations
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Rédigez l’explication du texte suivant.
Certains animaux ont sans aucun doute une personnalité ; ils possèdent quelque chose d'analogue à la
fierté et à l'ambition, et ils apprennent à réagir à un nom. La conscience de soi humaine, en revanche, est
ancrée dans le langage et (explicitement comme implicitement) dans des théories formulées. Un enfant
apprend à utiliser son nom pour lui-même et, finalement, à employer un mot comme «ego» ou «je», et il
en apprend l'usage avec la conscience de la continuité de son corps et de son moi . La grande complexité et
la non-indépendance de l'âme humaine, ou de l'ego humain, sont particulièrement manifestes quand on
considère qu'il existe des cas où des personnes ont oublié qui elles sont ; elles ont oublié tout ou partie de
leur histoire passée, tout en ayant conservé, ou peut- être recouvré, une partie de leur ego. Dans un certain
sens, leur mémoire n'a pas disparu, car elles se souviennent de la façon de marcher, de manger, et même de
parler. Mais elles ne se souviennent pas qu’elles viennent de Bristol, ou alors de leur nom et de leur adresse.
Comme elles ne savent plus rentrer chez elles (ce que les animaux savent faire en principe), leur
conscience de soi est même tombée en deçà du niveau normal de la mémoire animale. Mais si elles n'ont
pas perdu la faculté de parler, une conscience humaine supérieure à celle de l'animal est demeurée intacte.
Karl POPPER. Toute vie est résolution de problèmes (1994). trad. Cl. Duverney. Actes Sud, 1997, pp. 90-91.
DM 3
Explication de Texte
Note estimée au bac : 13/20
Analyse souvent très pertinente mais il faut encore approfondir le questionnement
problématique du texte. Le paradoxe que vous soulevez en introduction me semble interpréter
faussement l’objectif de la thèse du texte, même si par ailleurs vous vous reprenez très bien.
Vous avez raison de préciser la nature abstraite du langage [humain – y en a-t-il seulement un
autre ?], mais il eût été plus pertinent et plus proche du cœur du texte de se concentrer sur
l’antithèse empiriste qu’il réfute (et donc de l’exposer avec force) afin, justement, de faire valoir
ce contre-argument (i.e. la nature abstraite du langage) pour son caractère décisif. Cela vous
aurait évité de « vous en prendre » à la thèse du langage des animaux qui n’est pas du tout
évoquée dans ce texte. En quelque sorte on peut dire que vous vous battez bien, très bien même,
mais que vous vous trompez un peu de combat.
On définit généralement la conscience comme étant la faculté de représentation.
L’observation et l’expérimentation nous montrent que si l’être humain est conscient de « la
continuité de son corps et de son moi », il n’en va pas de même pour l’animal : une très large
majorité des animaux est en effet incapable de se reconnaître dans un miroir ; un chien grogne
face à son propre reflet, croyant qu’il s’agit d’un autre animal. Ainsi, lorsque l’on cherche à
établir la distinction entre la conscience humaine et la conscience animale, on pourrait penser
que c’est la capacité à dresser une représentation de soi-même, et donc la conscience de soi, qui
les différencie. Pourtant, dans cet extrait de Toute vie est résolution de problèmes (1944), Karl
Popper soutient la thèse selon laquelle ce n’est pas cette conscience de soi qui au final diverge
entre l’humain et l’animal mais plutôt la faculté d’utiliser le langage. Cette thèse peut sembler à
première vue paradoxale car le fait que les animaux utilisent également une forme de langage ne
nous est pas inconnu : ainsi, davantage qu’établir une distinction, Popper nous montrerait qu’il
n’en existe pas.
Nous allons proposer une étude linéaire de ce texte.
Dans une première partie (du début jusqu’à « de son corps et de son moi. »), l’auteur explique la
différence entre la conscience de soi humaine et les comportements animaux à peu près
analogues. Cependant, dans la seconde partie de ce texte (jusqu’à « niveau normal de la mémoire
animale. »), Popper, grâce au contre-exemple de l’amnésie, nous montre la différence ne peut
résider uniquement dans la représentation de soi-même car elle est dépendante d’une partie de
notre mémoire. Pour finir, dans une dernière partie, l’auteur explique que la différence entre
conscience humaine et conscience animale tient du langage, et même d’une utilisation spécifique
du langage dans « des théories formulées ».
L’animal serait, d’après Popper, proche de l’homme dans le fait qu’il possède « sans aucun
doute » une personnalité. Or, l’auteur assimile la notion de personnalité à celle de posséder
quelque chose « d’analogue à la fierté et à l’ambition » et de « réagir à son nom ». Cette
affirmation peut sembler un peu rapide : en quoi ces critères attestent-ils de l’existence d’une
personnalité ? L’ambition caractérise, en effet, la capacité d’un être à se projeter dans le
futur dans la mesure où pour avoir une quelconque aspiration, il faut être capable d’avoir une
image de ce que serait l’avenir si elle était réalisée. Ainsi, cette « ambition » présente chez
l’animal prouverait qu’il est capable de se concevoir lui-même dans le futur, ce en quoi sa
conscience se rapproche –du moins partiellement- de la conscience humaine. De plus, la fierté
définit la capacité à s’aimer soi-même et à aimer sa création ou sa réalisation. Ainsi, si l’animal
nous montre quelque chose « d’analogue à la fierté », nous sommes portés à croire qu’il peut se
représenter lui-même, et qu’il possède donc une conscience de soi similaire à la conscience de
soi humaine. De plus, le fait que l’animal puisse réagir à son nom nous prouve qu’il est capable
de s’assimiler à une identité. L’animal posséderait donc « quelque chose d’analogue à » une
personnalité. Ainsi, nous sommes ramenés à la première question de ce texte : entre la
conscience animale et la conscience humaine, où se trouve la différence ?
C’est dans cette assimilation à une identité que, d’après l’auteur, réside la distinction. En effet,
alors que l’animal ne fait, somme toute, que répondre à un nom -ce qui pourrait parfaitement être
la conséquence d’un conditionnement- l’être humain est capable, au travers du langage, d’utiliser
ce nom pour lui-même. De la même manière, il est capable d’utiliser des mots comme « ego » ou
« je » qui renvoient directement à son « moi ». Aussi, il fait preuve d’une réelle compréhension
de l’unité de son corps et de son esprit. Il n’est pas seulement conscient d’être « assimilé à un
nom », il est également conscient de son existence en tant qu’être doué de raison et peut
s’identifier lui-même.
Commentaire [E1]: Non, là vous invalidez ce qui
fait justement la pertinence de la these de l’auteur.
De plus ce que vous dites est faux, il me semble et
ceci parce que vous n’analysez pas ce concept
central qu’est celui de langage.
Commentaire [E2]: Pourquoi ? parce qu’il
montrerait que les animaux on tune forme de
langage comme vous le dites ci-dessus??
Commentaire [E3]: Il ne faut pas commenter
votre demarche.
Commentaire [E4]: Ce n’est pas trop mal mais
les citations sont de trop. Le plan doit être
dialectique : il doit s’articuler autour du problème
(que vous n’avez pas encore vraiment formulé de
toute façon…)
Commentaire [E5]: Attention ce terme était
très important !
Commentaire [E6]: Très bonne démarche
Commentaire [E7]: Alinéa…
La différence fondamentale entre conscience humaine et conscience animale résiderait donc la
conscience de soi, plus développée chez l’être humain.
Pourtant, Karl Popper contredit cette thèse : dans une seconde partie, il explicite grâce à
l’exemple de l’amnésie que la frontière que l’on cherche à tracer ne peut se situer uniquement
dans la conscience de soi : si un être humain vient à la suite d’un accident à oublier son nom, sa
mémoire épisodique est alors en-dessous de celle de l’animal qui, lui, sait où il vit. Or, il n’en
demeure pas moins humain pour autant. La conscience de soi de l’être humain est acquise (« Un
enfant apprend à utiliser son nom pour lui-même »), et dépend donc de la mémoire épisodique,
mémoire qui peut se perdre. Ainsi, la différence doit, selon Popper, se trouver dans la mémoire
sémantique, qui elle, demeure (« elles se souviennent de la façon de marcher, de manger, et
même de parler »).
La thèse de l’auteur est cependant questionnable. En effet, on peut se demander si la différence
ne résiderait pas réellement dans la mémoire que l’on a de son identité : l’amnésique ayant tout
oublié de sa vie peut très bien se reconstruire par apprentissage une nouvelle identité. Ainsi, bien
que cette mémoire ait été temporairement effacée, l’Homme n’en conserve pas moins une
capacité supérieure à celle de l’animal à la posséder. En cela, ce serait bien, au final, la
possibilité pour l’homme d’avoir une conscience de soi supérieure à celle de l’animal qui les
distinguerait.
Cependant, si différence il y a, celle-ci se doit d’être universelle : cette « loi » de différentiation
doit nous permettre de distinguer systématiquement la conscience humaine de la conscience
animale quel que soit l’homme et quel que soit l’animal. Ainsi, elle ne peut logiquement
dépendre d’un facteur contingent. La mémoire autobiographique pouvant, comme nous le montre
le cas de l’amnésie, être perdue, la distinction entre Homme et Animal doit se trouver dans la
mémoire sémantique dans laquelle sont stockés les connaissances et les concepts généraux.
Ainsi, la différence entre la conscience humaine et la conscience animale ne peut uniquement se
trouver dans la conscience de soi.
Dans la dernière partie de son texte, l’auteur affirme que c’est dans le langage que se trouve la
distinction entre conscience humaine et conscience animale. La maîtrise de la parole –ou de toute
autre forme de communication- relevant de la mémoire sémantique, elle n’est pas perdue en cas
d’amnésie, et une fois acquise n’est donc pas soumise à des facteurs contingents. Ainsi, elle
permettrait de distinguer de manière systématique la conscience animale de la conscience
humaine.
Pourtant, la science a déjà démontré l’utilisation du langage chez les animaux : ceux-ci sont
parfaitement capables de s’envoyer des signaux pour manifester l’approche d’un prédateur,
d’exprimer des sentiments par un son ou par une transformation physique, voire de décrire leur
environnement, tel les abeilles qui par des « danses » peuvent transmettre à leurs congénères des
représentations précises de leur milieu. Certains végétaux peuvent même communiquer au
moyen de signaux odorants. Ainsi, la thèse de Popper, davantage que d’établir une distinction
Commentaire [E8]: Oui mais en meme temps il
a déjà pose le “mot” et donc le langage comme
premier critère de cette distinction. A mon avis la
difficulté est à creuser davantage dans ce texte.
Commentaire [E9]: Là j’admets que vous vous
en sortez particulièrement bien. Bravo.
Commentaire [E10]: C’est la mémoire
procedurale çà, pas sémantique !
Commentaire [E11]: Préférez le mot
“discutable” ou toute autre expression telle que
« cette thèse nous laisse face à une difficulté »
Commentaire [E12]: Justement, c’est pour cela
que ce n’est pas du langage, même si souvent
l’homme se contente d’un simple rapport
signalétique au langage (ex : code de la route).
entre humain et animal nous montrerait qu’elle n’existe pas. Pourtant, l’auteur affirme qu’ « une
conscience humaine supérieure à celle de l’animale est demeurée intacte ». Nous sommes donc
confrontés à un paradoxe.
Karl Popper n’évoque cependant pas le langage dans son intégralité. Si les animaux sont
capables de certaines formes de communication, il est cependant une utilisation du langage qui
leur échappe. En effet, l’Homme est capable de formuler des théories (« la conscience de soi
humaine, en revanche, est ancrée dans le langage et dans des théories formulées ») et
d’argumenter ses idées. L’animal, en effet, est doué d’intelligence : une souris pourra s’orienter
dans un labyrinthe, voire modifier son comportement si le labyrinthe lui-même est modifié ; en
revanche, elle ne sera pas capable d’émettre une théorie générale sur la manière de s’orienter
dans les labyrinthes, et à fortiori ne sera pas capable de l’argumenter ; on pourrait dire que
l’animal a possiblement des capacités de déduction mais pas d’induction.
SAUT DE LIGNE POUR MARQUER LA CONCLUSION Ainsi, dans cet extrait, Karl
Popper repense les fondements de la distinction entre conscience humaine et la conscience
animale : il ne se satisfait pas de thèse de Hume, contredisant ses arguments basés sur la
mémoire, et précise celle de Kant : en effet, c’est dans des utilisations spécifiques du langage,
jamais observées chez l’animal, que se trouverait la « frontière » : La théorisation et
l’argumentation. Ainsi, la définition même de l’Homme dépendrait du langage ; l’être humain
serait-il donc prisonnier de ce même langage ?
Commentaire [E13]: Ok, vous vous en sortez
encore ! Re-bravo !
Commentaire [E14]: “l’animal, certes…”
Commentaire [E15]: Intéressant…
Commentaire [E16]: Bof, je ne suis pas trop
favorable à ce genre de pseudo-ouverture qui en
vérité clôture davantage qu’autre chose.