K8 - Inégalités sociales de santé dans le Nord-Pas-de
Transcription
K8 - Inégalités sociales de santé dans le Nord-Pas-de
Congrès national des Observatoires régionaux de la santé 2008 - Les inégalités de santé Marseille, 16-17 octobre 2008 K8 - Inégalités sociales de santé dans le Nord-Pas-de-Calais : relations entre un indicateur individuel de précarité et des indices agrégés de « défavorisation » E. Labbe a, C. Declercq b, O. Lacoste b, L. Gerbaud c, J.-J. Moulin a a Centre technique d’appui et de formation des centres d’examens de santé (Cetaf), Saint-Étienne, b c France ; ORS Nord - Pas-de-Calais, Loos, France ; Département de santé Publique, CHU de Clermont-Ferrand, France RESUME Introduction. Dans le cadre d’un partenariat entre l’Observatoire régional de la santé Nord-Pasde-Calais et le Cetaf, les objectifs sont d’étudier, au niveau géographique dans la région, les causes et mécanismes des inégalités de santé : (i) en confrontant le score EPICES (score individuel de précarité) aux indices géo-écologiques de « défavorisation », (ii) en étudiant les relations entre score EPICES et données de mortalité, (iii) en mesurant les effets du contexte de résidence et des caractéristiques individuelles sur la santé et le recours aux soins. Matériel et méthodes. Les données socio-économiques à l’échelle communale (indice de défaveur sociale, Townsend,…) et données de mortalité de l’observatoire sont combinées aux données individuelles recueillies par les centres d’examens de santé, comprenant le score EPICES. Ce score varie de 0 (situation favorable) à 100 (situation défavorable). Une fois les données agrégées, l’analyse consistera à décrire les variations géographiques des phénomènes de santé, en étudiant les corrélations des indicateurs de précarité entre eux, ainsi que les corrélations des indicateurs de précarité avec des données de morbidité, mortalité et recours aux soins. Dans un deuxième temps, des modèles multiniveaux permettront d’appréhender les effets contextuels et des caractéristiques individuelles sur la santé. Résultats. Le zonage géographique distingue 394 unités statistiques, avec en moyenne 10 072 habitants par unité. 155 054 personnes ont bénéficié d’un examen de santé entre 2002 et 2006. Des inégalités sociales entre les communes apparaissent : les moyennes du score EPICES varient de 0 (communes les plus favorisées) à 54,43 (communes les plus défavorisées). Discussion et conclusion. Les analyses ultérieures conduiront à décrire certains facteurs de risque (tabac, alcool, obésité,…), le non recours aux soins et l’état de santé. Des modèles multiniveaux permettront une meilleure compréhension des inégalités sociales de santé, en mesurant l’importance relative des facteurs individuels et contextuels dans les processus de dégradation de la santé. Mots-clés : Défaveur sociale, inégalités de santé, mortalité, recours aux soins, modèles multiniveaux, santé et territoires Keywords: Deprivation, health inequalities, mortality, health care, multilevel model, geographic variation 1. INTRODUCTION / OBJECTIF 1.1 Contexte Les inégalités sociales de santé sont un phénomène largement connu et documenté dans la littérature épidémiologique et sociologique. Que l’on considère des indicateurs tels que l’espérance de vie, la mortalité, l’incidence des cancers, les indicateurs de morbidité ou de souffrance psychologique, ... les catégories sociales les plus populaires sont toujours les plus concernées. La région Nord-Pas-de-Calais (NPdC) se caractérise par une espérance de vie moins élevée et une surmortalité pour un nombre important de causes de décès par rapport à la France (Declercq, 1998; Rezvani, 1997). A l’intérieur de cette région, il existe une forte hétérogénéité des indicateurs socio-économiques et de mortalité, traduisant des inégalités liées à l’environnement, aux modes d’habitat et aux facteurs de risque individuels (Declercq, 2004). Les causes des inégalités et les mécanismes des disparités géographiques peuvent être de deux natures : - caractéristiques des individus telles que la catégorie socio-professionnelle, le niveau d’éducation, les modes de vie, les comportements à risque, le recours aux systèmes de soins… - caractéristiques du contexte de résidence telles que l’environnement socio-économique et culturel, le type d’habitat rural / urbain, les dispositifs d’aide sociale, la densité médicale, l’offre de soins hospitaliers ... Les données individuelles exhaustives sur des populations sont rares, c’est pourquoi des indices composites de « pauvreté » ou de « défaveur sociale » ont été construits à partir de différentes unités géographiques. Leurs intérêts ont été largement démontrés comme mesure de pauvreté/précarité, ainsi que pour leurs relations avec les phénomènes de santé ou encore avec la mortalité, les plus utilisés étant les indices développés par Carstairs (Carstairs, 2000) et Townsend (Townsend, 1987). Les mesures territoriales de la pauvreté ou de la précarité peuvent être construites, soit à partir de méthodes additives (sommes pondérées de variables) (Carstairs, 2000; Townsend, 1991), soit par une approche multidimensionnelle de réduction de données (analyse en composantes principales), comme par exemple l’indice de « défavorisation » développée par Pampalon et al. (Pampalon, 2000). Certains de ces indices sont utilisés comme outil pour la planification de l’accès aux soins et pour l’étude des phénomènes de santé (Pampalon, 2000; Lorant, 2000). Un indice composite de défaveur sociale des cantons de la région NPdC a été récemment construit, à l’aide d’une analyse en composantes principales. Au total, 13 variables socioéconomiques ont permis la construction de l’indicateur. Des relations statistiquement significatives entre les niveaux de précarité mesurés par l’indice et les taux de mortalité ont été mises en évidence (Declercq, 2004). Les Centres d’examens de santé (CES) de l’Assurance Maladie ont mis au point un score individuel de précarité : le score EPICES. Ce score individuel quantitatif, calculé à partir des réponses à 11 questions binaires oui/non, varie de 0 (absence de vulnérabilité) à 100 (vulnérabilité maximum) (Sass, 2006b). Des relations score – dépendantes ont été montrées entre le score EPICES et tous les indicateurs de position sociale et de santé (Sass, 2006b; Moulin, 2006; Bihan, 2005; Labbe, 2007; Sass, 2006a). 1.2 Objectifs La présente étude entre dans le cadre d’un partenariat entre l’Observatoire régional de la santé (ORS) NPdC, le Cetaf et les CES de la région, dont les objectifs sont d’étudier : - les relations entre le score EPICES et les indices de Townsend, Carstairs ainsi qu’avec l’indice de défaveur sociale construit sur les cantons NPdC, - les relations entre le score EPICES et les données de mortalité, - les mécanismes de production des inégalités de santé, en mesurant les effets des facteurs contextuels et des caractéristiques individuelles sur la santé ou le recours aux soins, par l’utilisation de modèles multiniveaux. 2. MATERIEL / METHODES La région NPdC compte sept centres d’examens de santé, qui réalisent chaque année près de 30 000 examens de santé. L’examen de santé est standardisé et comporte un auto-questionnaire permettant le recueil d’informations sur le code postal du lieu de résidence, le statut sociodémographique, les modes de vie, l’environnement social, l’accès aux soins, la santé perçue et la symptomatologie. Des examens para-cliniques (biométrie, fonction cardiaque, respiratoire, audition, vue …), des examens biologiques sanguins et urinaires, un examen dentaire et un examen médical sont pratiqués. L’ensemble des données collectées lors de l’examen de santé sont disponibles dans des bases de données à l’échelle individuelle et pourront être agrégées à l’aide du code postal. Une base de données sera constituée à partir des données des CES de la région et des données de l’ORS, comprenant : - les données socio-économiques, de santé, de non-recours aux soins et de précarité (score EPICES) des consultants des CES, - les indicateurs de défaveur sociale construits par l’ORS NPdC, disponibles à l’échelle communale, ainsi que des indicateurs de densité médicale, - les statistiques de mortalité, notamment de mortalité par cancer. Cette base de données sera constituée à partir d’une unité géographique commune aux deux bases la plus fine possible. A l’échelle des données agrégées, l’analyse consistera à décrire les variations géographiques des phénomènes de santé, en étudiant les corrélations des indicateurs de précarité entre eux d’une part, ainsi que les corrélations des indicateurs de précarité avec des données morbidité, de mortalité et de recours aux soins d’autre part. Les risques relatifs de mortalité selon les niveaux de scores EPICES seront calculés. Dans un deuxième temps, les effets des facteurs contextuels et des caractéristiques individuelles sur la santé ou le recours aux soins seront étudiés, par l’utilisation de modèles multiniveaux (Chaix, 2005; Chaix, 2002). L’objectif est d’examiner si les facteurs du contexte de résidence sont associés aux problèmes de santé, après avoir tenu compte de facteurs démographiques et sociaux au niveau individuel. 3. RESULTATS ATTENDUS 3.1 Description de la base de données Le zonage géographique est construit à partir du découpage communal Insee et du code postal, afin de constituer un zonage commun aux deux sources de données. Le découpage final distingue 394 unités statistiques, dont les populations varient de 641 à 184 657 habitants, avec une moyenne de 10 072 habitants par unité (au recensement de 1999). Concernant la population des CES, 155 054 personnes ont bénéficié d’un examen de santé sur la période 2002-2006. Il y a en moyenne 393 consultants par unité statistique, 61 zones ayant des effectifs inférieurs à 30 consultants. Des inégalités entre les communes de la région NPdC apparaissent : les scores EPICES moyens des unités statistiques varient de 0 (pour les communes les plus favorisées) à 54,43 (pour les communes les plus défavorisées), avec une moyenne par commune de 25,75 et 27 % des communes présentent des scores moyens > 30 (seuil de précarité). 3.2 Résultats descriptifs La suite des analyses consistera à décrire, selon divers zonages géographiques (zones d’emploi, communautés de communes), les scores de santé dégradée et certains facteurs de risque de cancer : tabagisme, consommation d’alcool (données cliniques et biologiques), activité physique et pratique de sport, obésité… Les données disponibles des centres d’examens de santé permettront également de décrire : (i) la situation de non recours aux soins : fréquence des consultations chez le médecin et le dentiste, suivi gynécologique, utilisation de diverses méthodes contraceptives, surveillance par frottis cervical, (ii) l’état de santé : auto-perception de la santé, tension artérielle, glycémie, cholestérol, examen dentaire. 3.3 Modèles multiniveaux La modélisation multiniveaux permettra de mesurer l’association entre le niveau socio-économique de la commune (mesuré par l’indice de défaveur sociale, Townsend, le revenu médian, ...) et la prévalence de santé dégradée, après avoir tenu compte de différentes caractéristiques des individus qui y vivent (données socio-économiques, niveau d’études, score EPICES, comportements à risque (tabac, alcool), modes de vie,…). Plus précisément, l’analyse permettra de répondre à deux questions : les variations géographiques sont-elles intégralement liées à la composition des variables des zones considérées en termes de caractéristiques individuelles ? Ou résultent-elles également d’effets proprement contextuels, qui ne sauraient être captés au niveau individuel ? 4. DISCUSSION Les cartographies descriptives des comportements à risque, des situations de non-recours aux soins et des indicateurs de santé dégradée sur la région NPdC pourront conduire à identifier des territoires dans lesquels la situation sanitaire des populations est plus particulièrement préoccupante. Les modèles multiniveaux permettront une meilleure compréhension des mécanismes de production des inégalités sociales de santé, en mesurant l’importance relative des facteurs individuels et des facteurs contextuels dans les processus de dégradation de la santé. Prendre en compte l’importance du contexte dans une stratégie de santé publique conduit à envisager des politiques publiques qui doivent viser, bien sûr, les individus mais aussi le contexte dans lequel ils vivent (habitat, emploi, prévention et soins). REFERENCES Bihan H., Laurent S, Sass C., Nguyen G., Huot C., Moulin J. J., Guéguen R., Le Toumelin P., Le Clésiau H., La Rosa E., Reach G. and Cohen R. (2005), " Association among individual deprivation, glycemic control and diabetic complication The EPICES score ", Diabetes Care, 28, 11, p. 2680-2685. Carstairs, V. (2000)." Socio-economic factors at areal level and their relationship with health", In Elliott P., Wakefield J., Best N., Briggs D. (Ed.) Spatial Epidemiology: Methods and Applications. Oxford: Oxford University Press, p. 51-67. Chaix B. & Chauvin P. (2002), " L'apport des modèles mutliniveau dans l'analyse contextuelle en épidémiologie sociale: une revue de littérature ", Rev Epidemiol Sante Publique, 50, 5, p. 489-499. Chaix B., Merlo J. and Chauvin P. (2005), " Comparison of a spatial approach with the multilevel approach for investigating place effects on health: the example of healthcare utilisation in France ", Journal of Epidemiology and Community Health, 59, 6, p. 517-526. Declercq C., Labbe E., Obein L., Poirier G., Lacoste O. (2004), Inégalités socio-spatiales de mortalité dans la région NordPas-de-Calais. Lille: Observatoire Régional de la Santé Nord-Pas-de-Calais. Declercq C. Lacoste O. (1998), Mortalité par cancers dans le Nord-Pas-de-Calais. Lille: ORS Nord-Pas-de-Calais. Labbe E., Moulin J. J., Gueguen R., Sass C., Chatain C. and Gerbaud L. (2007), " Un indicateur de mesure de la précarité et de la "santé sociale" : le score EPICES. L'expérience des Centres d'examens de santé de l'Assurance maladie ", La Revue de l'IRES, 53, p. 3-50. Lorant V. (2000), " Inégalités socio-économiques de la mortalité dans les communes belges ", Rev Epidémiol Santé Publique, 48, p. 239-247. Moulin J. J., Labbe E., Sass C., Chatain C. and Gerbaud L. (2006), " Précarité et facteurs de risque : le score EPICES ", Revue Francophone de Psycho-Oncologie, 2, p. 115-121. Pampalon R. & Raymond G. (2000), " Un indice de défavorisation pour la planification de la santé et du bien-être au Quebec ", Maladies Chroniques au Canada, 21, 3, p. 113-122. Rezvani A., Mollié A., Doyon F., Sancho-Garnier H. (1997), Atlas de la mortalité par cancer en France. période 1986-1993. Paris: Les Editions INSERM. Sass C., Guéguen R., Moulin J. J., Abric L., Dauphinot V., Dupré C., Giordanella J. P., Girard F., Guénot C., Labbe E., La Rosa E., Magnier P., Martin E., Royer B., Rubirola M. and Gerbaud L. (2006a), " Comparaison du score individuel de précarité des Centres d'examens de santé, EPICES, à la définition socio-administrative de la précarité ", Santé Publique, 18, 4, p. 513-522. Sass C., Moulin J. J., Guéguen R., Abric L., Dauphinot V., Dupré C., Giordanella J. P., Girard F., Guénot C., Labbe E., La Rosa E., Magnier P., Martin E., Royer B., Rubirola M. and Gerbaud L. (2006b), " Le score EPICES: un score individuel de précarité. Construction et évaluation du score dans une population de 197389 personnes ", Bull Epidemiol Heb, 14, p. 9396. Townsend P. (1991), " Deprivation and ill health ", Nursing (Lond), 4, 43, p. 11-15. Townsend P. (1987), " Deprivation ", Journal Social Policy, 16, p. 125-146.