Communes - Message Business
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Communes Départements & Régions de France N° 240 - 6 janvier 2016 Communes FN SR ÉDITORIAL, par Pierre Cohen Deux enjeux majeurs J e vous présente, au nom de la Maison des élus, mes meilleurs vœux pour l’année 2016. Avant toute chose, j’ai une pensée pour toutes les familles qui ont été touchées par les drames qui ont endeuillé la France en 2015. Je souhaite également saluer la mobilisation du gouvernement et celle des élus qui, sur le terrain, coordonnent et agissent pour que la sécurité de tous soit assurée. Cette mobilisation ne devra pas faiblir dans les semaines et les mois à venir. Nous sortons des élections régionales qui ont constitué une nouvelle épreuve pour notre famille politique. J’adresse mes félicitations à nos présidentes et présidents de région et à leurs majorités, et une amicale pensée aux élus qui porteront nos valeurs dans les groupes d’opposition. Nous savions que cette échéance serait difficile, tant les élections de 2004 et de 2010 nous avaient été favorables et même si nous nous réjouissons de conserver cinq régions métropolitaines, il est absolument nécessaire de mesurer toute la portée de l’installation du tripartisme dans notre pays. Ces élections de nos conseillers régionaux sur des territoires aux périmètres redessinés signent une nouvelle étape d’entrée en vigueur des réformes territoriales qui ont été menées depuis 2012. Depuis le 1er janvier, la loi NOTRe est en application. Charge à nous, élus locaux, de faire la démonstration de l’utilité des changements qu’elle induit et de faire vivre l’esprit de cette loi, pour simplifier et rationnaliser les compétences des différents niveaux de collectivités. En faisant confiance à l’intelligence des territoires qui disposent désormais, avec les conférences territoriales de l’action publique, d’un lieu de débat et de décision pour mieux coordonner et rendre plus efficace encore l’action publique locale. La loi NOTRe ne portera tous ses effets que si nous savons nous en saisir et d’en montrer tout son sens. L’année 2016 marquera l’entrée en vigueur de nombreuses dispositions votées ces derniers mois et qui concernent directement les collectivités territoriales. La loi Santé, qui rétablit la notion de service public hospitalier, crée de nouvelles organisations permettant une meilleure coordination des acteurs en matière de médecine de premier recours, prévoit le déploiement obligatoire de groupements hospitaliers de territoire (GHT) permettant aux hôpitaux proches d’élaborer un projet médical commun. La loi pour l’adaptation de la société au vieillissement de la population, votée à la fin 2015, qui renforce l’accompagnement de la perte d’autonomie consacre les maisons départementales de l’autonomie, et crée un conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie destiné à assurer la participation des citoyens dans l’élaboration des politiques du département. La loi de transition énergétique qui mettra en œuvre et en actes les engagements pris par la France lors de la COP 21, et pour lesquels la mobilisation des collectivités territoriales est indispensable. Après deux élections majeures, les départementales en mars et les régionales en décembre, l’année 2016 sera une année de transition avant les échéances de 2017. En ma qualité de président de la FNESR, je vois pour notre association deux enjeux majeurs : accroître notre présence auprès des élus minoritaires, dans les communes, les départements et les régions, et élargir notre base aux élus de gauche non encartés mais qui, implantés sur leurs territoires, peuvent nous aider à redynamiser un réseau, nécessaire à la reconquête. Dans une situation confortée de tripartisme de notre vie politique, l’enjeu, au niveau local, comme national, réside dans le rassemblement des forces de gauche. Pierre Cohen, président de la FNESR Sommaire En Bref - Les suites du Comité interministériel sur l'égalité et la citoyenneté - De nouvelles mesures pour les projets d'aménagement Régionales 2015 - Les présidents PS des Conseils régionaux - Des présidents sortants face à leur bilan Hommage - Marcel Debarge L'équipe de Communes de France vous adresse ses meilleurs vœux pour la nouvelle année La lettre électronique de Communes de France et de la Fédération nationale des élus socialistes et républicains 6 janvier 2016 - n° 240 - Communes - la lettre 8 bis, rue de Solférino - 75007 Paris • Téléphone 01 42 81 41 36 • Fax 01 48 74 00 78 • [email protected] 1 Focus en bref Égalité et citoyenneté : les quatre priorités du gouvernement Manuel Valls a fait un point d’étape sur la mise en œuvre des mesures annoncées lors du Comité interministériel égalité et citoyenneté du 26 octobre 2015 lors du conseil des ministres du 4 janvier. Le Premier ministre a rappelé que le gouvernement a toujours mis la défense de la République et de ses valeurs au cœur de son action. Depuis 2012, avec une action forte pour assurer l’ordre républicain, pour refonder l’école de la République, pour défendre la laïcité. Et tout au long de l’année 2015, en organisant en particulier deux comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté (CIEC), les 6 mars et 26 octobre. Quatre domaines d’action sont d’une importance particulière – et le Parlement sera saisi avant le printemps du projet de loi "Égalité Citoyenneté". • D’abord, l’action en faveur de la mixité sociale grâce au volet "logement" du projet de loi "Égalité Citoyenneté". Il s’agira de mieux piloter les attributions de logements sociaux ; de revoir la politique de loyers afin de créer une offre nouvelle de logements sociaux à bas loyers dans le parc existant ; de lutter contre la ségrégation sociale entre les territoires. Des moyens supplémentaires seront donnés à l’État pour imposer des programmes de logements sociaux face aux communes qui n’atteignent pas les objectifs fixés par la loi SRU. Cette politique de mixité dans le logement doit s’accompagner d’une politique forte de mixité à l’école. 20 départements ont accepté d’y travailler avec le gouvernement dès la rentrée 2016. • Deuxième domaine d’action : la langue française. Chacun doit se sentir à l’aise avec le français – c’est la condition de la cohésion sociale. De nouveaux programmes ont été mis en place à la rentrée 2015 en maternelle et pour la rentrée 2016 à l’école élémentaire. Le ministère de la Culture a également lancé un appel à projets pour développer l’action des associations dans ce domaine. Pour piloter une politique de la langue au service de la citoyenneté, la création d’une structure dédiée est examinée. • La lutte contre les discriminations est également une priorité. Un travail d’évaluation des discriminations à l’entrée dans les fonctions publiques doit aboutir au printemps. Sans attendre, les 75 écoles permettant l’entrée dans la fonction publique d’État ouvriront davantage leur recrutement dès cette rentrée, soit par la création de classes préparatoires intégrées, soit par l’ouverture à l’apprentissage. Enfin, pour mieux lutter contre les discriminations à l’emploi, une campagne nationale de testing dans le monde du travail sera réalisée et ses résultats feront l’objet d’une publication à la mi-2016. • Le projet de loi "Égalité citoyenneté" permettra enfin d’ouvrir la possibilité à chacun, notamment aux jeunes, de s’engager au service du projet républicain. Il proposera ainsi des mesures de renforcement du service civique. Le projet de loi instituera également la "réserve citoyenne", dont la vocation est de mobiliser des réservistes pour des missions d’intérêt général. Pour accélérer la mise en œuvre des mesures inscrites dans les contrats de ville, des "délégués du gouvernement" seront nommés dès février prochain dans dix sites pilotes et travailleront avec les collectivités territoriales pour lever les obstacles et permettre à ces territoires d’avancer. Un nouveau décret sur l’intermédiation locative Un décret vient d'être publié (n° 2015-1906) permettant de développer l’intermédiation locative dans les communes déficitaires en logement social. Les communes qui n’atteignent pas 25 % de logements sociaux sont soumises, au titre de la loi SRU, à une pénalité financière prélevée par l’État afin de participer au financement du logement social partout en France. Comme le prévoit la loi Alur, les dépenses des communes en faveur de l’intermédiation locative, qui permet de loger les personnes défavorisées dans le parc privé, peuvent être déduites des pénalités prélevées par l’État au titre de la loi SRU. L’objectif est d’encourager la mobilisation du parc privé à vocation sociale. Le décret précise les types d’aides accordées à des organismes agréés pour développer l’intermédiation locative, qui pourront être déduites des pénalités des communes, comme le coût de la gestion et de l’accompagnement social, le coût de la différence entre le loyer pratiqué et le loyer de marché ou encore les frais de remise en état, à l’exclusion des subventions de fonctionnement qui ont vocation à soutenir globalement l’organisme concerné. Le décret précise également que le montant déduit ne peut pas dépasser 5 000 € par logement et par an en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur, et 2 500 € dans le reste du territoire national. 2 Communes - la lettre - n° 240 - 6 janvier 2016 Focus en bref Des nouvelles mesures pour les projets d’aménagement Sylvia Pinel, ministre du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité, a annoncé l’entrée en vigueur au 1er janvier de trois décrets visant à développer, améliorer et sécuriser les opérations d’aménagement et de construction de logements. • Réforme du règlement du PLU Le premier décret, publié le 29 décembre 2015, réforme le règlement du Plan local d’urbanisme (PLU) et clarifie le Code de l’urbanisme. Il permet d’ajuster les règles pour mieux répondre aux besoins de chaque territoire. Par exemple, les élus pourront désormais définir des secteurs spécifiques d’aménagement sans règlement préétabli. Dans ces zones, les projets définiront la règle, et non l’inverse. Il leur sera également possible, lors de l’implantation des bâtiments, de fixer des objectifs à atteindre (comme l’ensoleillement) plutôt que de donner des règles chiffrées (comme les écarts entre les bâtiments). L’objectif est d’améliorer la qualité du cadre de vie, notamment en créant plus facilement des espaces de respiration dans les zones les plus denses, et de favoriser la mixité sociale et le vivre-ensemble. Avec des documents d’urbanisme de meilleure qualité, l’instruction des autorisations d’urbanisme sera facilitée, afin de limiter les contentieux sur les permis de construire et de relancer la construction. • Renforcement de la concertation des publics Le deuxième décret, prévu par la loi Alur et publié le 29 décembre, précise notamment les obligations des maîtres d’ouvrage quant à la concertation du public. Il renforce l’association du public dans la conception des projets qui modifient leur cadre de vie. • Allongement de la durée du permis de construire Le troisième décret, qui sera publié dans les jours qui viennent, allonge la durée de validité des permis de construire, qui passe de deux à trois ans, avec deux prolongations possibles d’un an sur demande du maître d’ouvrage. Les permis pourront ainsi être valides pour une durée globale de cinq ans. Il pérennise une mesure du plan de relance, qui devait arriver à échéance le 31 décembre prochain. Les collectivités pourront toutefois refuser de prolonger le permis de construire au-delà de 3 ans, notamment en cas de modification de leurs documents d’urbanisme et des règles imposées au projet. Cette mesure permet de sécuriser les montages d’opération tout en assurant le dynamisme du projet de territoire porté par les élus à travers leurs documents de planification. L’Insee publie les populations officielles des communes L’Insee vient de mettre à disposition les dernières populations officielles des 36 529 communes de France, qui entrent en vigueur au 1er janvier. Ces populations légales sont très structurantes pour la vie des communes. Du niveau de ces populations officielles dépendent le montant de la dotation que l’État verse à chaque commune, le niveau de l’indemnité des élus municipaux, le mode de scrutin pour les élections municipales ou encore le nombre de pharmacies qui peuvent être implantées dans la commune… Ce sont ainsi plus de 350 textes réglementaires, d’objets très variés, qui s’appuient sur ces chiffres officiels. Selon les derniers chiffres publiés, une commune sur dix compte moins de 100 habitants, une sur quatre moins de 200 et plus d’une sur deux moins de 500. Ces 19 800 petites communes de moins de 500 habitants accueillent aujourd’hui 4,5 millions d’habitants, soit à peu près autant que la population des 5 plus grandes villes de France (Paris, Marseille, Lyon, Toulouse et Nice). Leur nombre a diminué au cours des 50 dernières années, essentiellement sous l’effet de la croissance de la population d’une partie d’entre elles, qui ont alors franchi ce seuil de 500 habitants. Ces communes se situent essentiellement dans une bande traversant la France du Nord-est au sud-ouest, en zone rurale ou montagneuse. Les chiffres diffusés permettent de disposer également des dernières populations officielles des départements et des régions. Trois départements, le Nord, Paris et les Bouches-du-Rhône comptent chacun plus de 2 millions d’habitants quand la Lozère accueille 80 000 habitants, seul département de moins de 100 000 habitants. 6 janvier 2016 - n° 240 - Communes - la lettre 3 Focus régionales 2015 Les cinq présidents de région socialistes A 45 ans, l'ancienne secrétaire d'Etat au Commerce et à l'Artisanat, Carole Delga, succède à Martin Malvy (Midi-Pyrénées) et Damien Alary (Languedoc-Roussillon). Avec 89 voix sur 158, elle devient la présidente de la nouvelle grande région Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées. Députée de la Haute-Garonne, elle a été maire de Martres-Tolosane. François Bonneau, qui présidait la région Centre depuis 2007, a été réélu à la tête de l'éxécutif de la région Centre Val-deLoire, composé de 100 élus. Ancien élu municipal à Montargis (Loiret), il siège au Conseil régional depuis 1998. 4 Communes - la lettre - n° 240 - 6 janvier 2016 Marie-Guite Dufay, qui présidait la région Franche-Comté depuis janvier 2008, devient la présidente de la nouvelle région Bourgogne-Franche-Comté, succédant ainsi à François Patriat, pour la Bourgogne. La nouvelle région compte 100 élus. Elle fut maire-adjointe de Besançon (Doubs). Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian a été élu président de la région Bretagne, qu'il avait déjà présidée de 2004 à 2012. Pierrick Massiot lui avait alors succédé. Ministre dans le gouvernement d'Edith Cresson, il fut député du Morbihan et maire de Lorient. Député de la Gironde, Alain Rousset a été élu président de la région Aquitaine/Poitou-Charentes/Limousin avec 108 voix sur 183. Président de la région Aquitaine depuis 1998, il succède ainsi à Jean-François Macaire (Poitou-Charentes) et Gérard Vandenbroucke (Limousin). Alain Rousset a été maire de Pessac et président de la Communauté urbaine de Bordeaux. Focus régionales 2015 Ils ont tant aimé leur Région Auxiette, Huchon, Malvy, Patriat, Percheron, Souchon, Vauzelle… Ils ont incarné pendant 9 ans, 11 ans, voire 17 ans leur région. Ils avaient décidé de ne pas se représenter aux dernières Régionales. Avant de partir, ils ont dit, chacun à leur manière, leur passion pour ce mandat François Patriat Jacques Auxiette Jean-Paul Huchon Martin Malvy I ls ont entre 69 et 79 ans. Une génération politique. Ils ont dirigé leur région pendant deux voire trois mandats, pour plusieurs d’entre eux. Ils ont marqué de leur empreinte leur région, la décentralisation, participé à imposer les Régions comme des actrices majeures de l’organisation territoriale de la République. Au tournant de l’année 2015, il y a un an, ils ont pour la plupart annoncé leur intention de ne pas être candidats à un mandat supplémentaire. De passer la main. Depuis quelques semaines, c’est désormais chose faite. Quelques-uns ont gardé des fonctions ou des mandats, nationaux ou locaux, dans lesquels ils continueront à servir leurs concitoyens. Mais tous ont été profondément marqués par leurs mandats régionaux. Au moment de tourner la page, ils ont livré, à la tribune de leur dernière assemblée plénière ou dans la presse locale, leurs réflexions sur les mandats écoulés, leurs fiertés et leurs regrets, parfois leurs conseils à ceux qui leur succèdent. « J’ai fait exister la Région » Daniel Percheron René Souchon Michel Vauzelle « On a été utile, c'est tellement important dans une vie ! » : c’est le constat de l’importance concrète de son action à la tête de sa Région Ile-de-France qui réconforte aujourd’hui Jean-Paul Huchon. Car ils savent, à l’instar du Bourguignon François Patriat, que le travail accompli avec leurs équipes « laissera des traces qui sont mieux que des preuves, des repères pour l’avenir ». « J’ai consacré beaucoup de temps, beaucoup d’énergie, à l’engagement politique », renchérit le président sortant des Pays-de-la-Loire, Jacques Auxiette. « Et j’ai le sentiment de ne pas avoir été inutile. » Tous insistent sur le chemin parcouru par l’institution régionale pendant ces années. « Quand j'ai été élu en 1998, l'entité régionale n'existait pas réellement aux yeux de l'opinion publique. Ce n'est plus le cas aujourd’hui », constate Martin Malvy, ancien président de Midi-Py- rénées. « La Région était encore une petite collectivité, moins connue et moins considérée que les autres », confirme Jean-Paul Huchon, également élu depuis 1998. « J’ai fait exister ce territoire, c’est la première de mes fiertés. Nous avons fait en sorte que la Région soit indispensable dans beaucoup de domaines. » « J’ai toujours voulu arranger les choses » En regardant dans le rétroviseur la façon dont ils ont gouverné leur territoire, chacun insiste sur le rôle central du président de Région pour animer le débat démocratique. « Je suis content d'avoir montré, depuis 1998, qu'un homme de gauche pouvait diriger une région de droite et dialoguer de manière constructive avec des interlocuteurs de l'opposition, notamment à Marseille et à Nice », observe Michel Vauzelle, qui vient de quitter la présidence de Provence-AlpesCôte-d’Azur. Martin Malvy met également en avant comme une fierté le fait « d'avoir présidé la région pendant un peu plus de 17 ans en maintenant la cohérence de la majorité, malgré sa diversité et des prises de position parfois très différentes. Ce que j'ai toujours voulu éviter, c'est une institution qui donne une image de désordre ou d’impuissance ». « J’ai voulu être un président instituteur », analyse pour sa part Daniel Percheron, président sortant du Nord-Pasde-Calais. « Je l’ai fait en écoutant toutes les interventions. Ce que j’aimerais qu’on dise, c’est que j’ai fait le pari de l’intelligence des territoires et que ce pari a été gagné. Je ne pouvais aboutir que si j’évitais de parader. » Jean-Paul Huchon livrait même quelques confidences à ses collègues à l’heure de la dernière séance : « Je vais vous raconter pourquoi je fonctionne bien dans les moments tendus. Dans ma famille, on parlait fort et parfois, on était un peu violent. Et j'ai toujours voulu arranger les choses. Il faut beaucoup d'effort intérieur, même 6 janvier 2016 - n° 240 - Communes - la lettre 5 Focus régionales 2015 s'il y a des moments où on a envie de mettre des claques ! C'est un trait de caractère qui vous poursuit. Cela peut-être une faiblesse mais, ici, cela a plutôt été une force, parce que, dès le premier tour de 1998, où l'on n'avait pas de majorité du tout, on a trouvé le moyen de travailler ensemble ». Ils se sont pourtant tous résolus à mettre un point final à ce mandat qui les a passionnés. « Trois mandats, c'est suffisant, il ne faut pas faire le mandat de trop », s’est raisonné Michel Vauzelle. « Trois mandats, c’est beaucoup », confirme Martin Malvy, qui concède que l’âge a été l’élément majeur. Tout en ajoutant aussitôt : « Pour les électeurs, surtout les jeunes, parce que pour ma part je ne ressens ni fatigue, ni lassitude ». Et puis, François Patriat en était convaincu, « il faut savoir ouvrir la porte au renouvellement. Cela n’a pas été une décision facile à prendre entre la passion qui m’anime depuis toujours pour notre région et la raison qui commande de préparer l’avenir, en passant le relais avec la conviction du devoir accompli ». Changer de logiciel politique Pour eux qui furent des cadres de la génération Mitterrand, le constat d’une nouvelle ère s’impose. « Force est de constater que le cycle politique, ouvert en 1972 avec la signature du Programme commun, consacré en 1981 avec la victoire de François Mitterrand, est aujourd’hui révolu », explique René Souchon. « C’est la raison principale de ma décision d’arrêter. Lorsque l'on sent en soi la nostalgie d'un temps passé, où les idéaux naissaient de la réflexion partagée, du regard altruiste porté aux autres, loin de l'intérêt mercantile de sa propre existence, alors, il est temps, me semble-t-il, de laisser la place à la nouvelle génération ». « Nous ne sommes plus à l'époque de "Papa" ou de "Pépé", renchérit Michel Vauzelle, quand il suffisait d'être dans un parti pour être tranquille ». L’ancien porte-parole de l’Élysée de 1981 dénonce « une twitterisation de la société. Plus personne ne trouve les mots pour parler aux gens. Qui leur a expliqué la mondialisation ? On fait croire que Hollande est responsable du chômage dans un univers ultralibéral où les financiers formés à Londres et Tokyo le regardent de haut. Les militants ont disparu, on ne sait plus 6 Communes - la lettre - n° 240 - 6 janvier 2016 à qui s’adresser. Je suis inquiet parce que je vois les gens inquiets, sans réponse ». Même constat pour Martin Malvy : « Notre société va très vite et il faut des gens d’expérience. Il faut aux responsabilités des femmes et des hommes qui se sont construits dans ces temps en évolution. Demain, la politique ne sera plus la même. On est entré dans un cycle nouveau : révolutions technologiques, instantanéité du temps, défis climatiques. À quarante ans, on aborde ces problèmes différemment qu’à mon âge ». D’où l’appel de René Souchon à une nouvelle génération qui devra « bâtir un projet de société basé sur les valeurs de la République et empreint d’un souci de solidarité, un vrai projet humaniste éclairé par les réalités techniques, sociétales, du 21e siècle, et par la mondialisation qui modifie toutes les règles auxquelles nous étions habitués. Il est temps de changer de logiciel politique ! », conclut-il. Standing ovations Que vont-ils devenir ? « Mon camping-car est à l’hivernage. Je ferai du ski, du vélo… », assure René Souchon. Mais l’on apprend par ailleurs qu’il devrait devenir président du comité d’experts de la Fédération des Industriels des Réseaux d’Initiative Publique et qu’il voudrait écrire un livre sur le développement rural. Martin Malvy affirme qu’il n’a rien préparé : « Je vais mettre de l'ordre dans ce que j'ai additionné ces dernières années. Je vais lire. L'idée qu'un de ces soirs je pourrais prendre un roman plutôt qu'un dossier, c'est déjà un plaisir ». Mais il restera également président du Grand Figeac, tout nouveau "pôle d’équilibre territorial et rural" pendant au moins deux ans. Et il continuera à présider l'Association nationale des Villes et Pays d’art et d’histoire et des Villes à secteurs sauvegardés et protégés. Daniel Percheron poursuit son mandat de sénateur du Pas-de-Calais mais ne sera pas candidat à son renouvellement : « Est-ce que ce n’est pas raisonnable d’arrêter à 75 ans ? ». Arrêter ? Jacques Auxiette s’y prépare, lui qui prévoit de déménager bientôt à quelques kilomètres au sud d'Angers, où il regardera « couler la Loire, tranquillement ». Jean-Paul Huchon reconnaît une inquiétude, celle de tout un chacun face à la retraite : « Dire que tout ça va s'arrêter et qu'il va falloir changer de vie, ce n'est pas facile à mon âge ». Mais, comme toujours chez lui, l’humour reprend le dessus : « A la limite, j'ai envie de prendre un déjeuner ou même de passer un week-end avec beaucoup d'entre vous, confiait-il à ses collègues élus, parce que comme je vais avoir du temps… ». À l’heure du départ, ils ont eu droit à des "standings ovations" de leur assemblée qui, bien souvent, auront été des instants de forte émotion. « Quand on s'en va on fait l’unanimité », relativise Daniel Percheron, philosophe. Jean-Paul Huchon s’en est tiré par une pirouette en lançant, hilare, un parodique « Merci pour ce moment ! » Pudique jusqu’à l’extrême, Martin Malvy reconnaît « qu’on ne renonce jamais à ce qui vous a passionné sans un pincement au cœur. Mais il n’y avait chez moi ni nostalgie, ni regret, seulement une volonté de transmettre. » Il l’a fait à sa manière, en faisant inscrire sur les murs de l’Hôtel de région de Toulouse une phrase de Jaurès : « Il n’y a qu’une seule race, l’humanité ». « Le temps du racisme ne s’est jamais arrêté », décrypte-t-il. « C’est la première des plaies. Cette phrase de Jean Jaurès devrait être présente dans toutes les écoles de France et du monde ». Et il ne cache pas sa jubilation à l’idée que les nouveaux élus Front national passeront chaque jour sous cette sentence humaniste… Et l’ancien président de l’ancienne région Midi-Pyrénées de conclure, un brin nostalgique : « Je considère qu’il n’y a pas de réussite personnelle. C’est un travail collectif. Ce que nous avons fait ensemble et qui a pu certains jours nous paraître majeur, on l’oubliera. Seul compte ce qui reste à faire. Et il en reste ! Heureusement pour les autres… » Thierry Pourreyron Hommage marcel debarge Le colosse socialiste Colosse politique aux multiples responsabilités, Marcel Debarge est décédé le 23 décembre dernier. Ce diplomate-né a marqué la vie socialiste nationale pendant 15 ans Photo. Pré-St-Gervais C olosse politique ? » C’est ce que Claude Bartolone a retenu de Marcel Debarge dans l’hommage qu’il lui a rendu. Oui, il l’était en effet : par sa stature physique, son mètre 90, et par les multiples responsabilités qu’il a exercées tout au long de sa carrière. Ce fils du peuple (son père était mineur, devenu ensuite facteur à la suite d’une blessure de guerre) est né à Courrières, dans le Pas-de-Calais, le 16 septembre 1929. Il a exercé divers petits boulots avant d’entrer aux PTT. C’est par le syndicalisme qu’il goûte au militantisme : un syndicat autonome tout d’abord puis la CGT à partir de 1958. Il est ensuite happé par la politique, en pleine Guerre d’Algérie : du PSA au PSU, dans lequel il exerce quelques responsabilités. Il est de tous les meetings, de toutes les manifs, souvent aussi du côté du service d’ordre ! Lassé par les querelles internes qui minent déjà ce parti, il rejoint ensuite la SFIO (autour de 1964-1965), dans la fédération socialiste de la Seine, alors animée par Claude Fuzier, dont il partage la volonté unitaire. En 1971, il participe au congrès d’Epinay, alors premier secrétaire de la fédération socialiste de la Seine-St-Denis (il occupe ce poste jusqu’en 1978). À Epinay, il est dans la minorité, soutenant la motion dite Savary-Mollet. 1977 constitue un tournant dans sa vie : il devient maire du Pré-St-Gervais, puis sénateur de la Seine-St-Denis. « Proche de François Mitterrand Photo. Institut François Mitterrand C’est au même moment qu’il se rapproche de François Mitterrand. Il s’investit de plus en plus dans la vie nationale du Parti, membre du secrétariat national à partir du congrès de Metz, chargé successivement des entreprises, des collectivités locales, des relations extérieures, des fédérations et du contentieux, des élections, puis de la coordination, un temps numéro 2 du PS. Pendant près de quinze ans, il est un poids lourd de la rue de Solférino, tant en interne qu’en externe : il est au premier rang dans la préparation des congrès et la vie de la direction, dans ces périodes troublées et délicates que connaît le PS, notamment autour du congrès de Rennes ; redoutable négociateur, il mène souvent les négociations avec les partenaires du Parti, son rôle a ainsi été décisif dans la préparation des municipales de 1989. De 1979 à 1987, il a aussi été vice-président de la FNESR. L’une de ses caractéristiques était un franc-parler qui n’épargnait personne : il avait le verbe haut maniait peu la langue de bois : « Moi, disait-il, je ne suis pas un courtisan, je suis un partisan. » On l’a mesuré à différents moments de sa carrière, ainsi, en novembre 1992, quand il a estimé à propos du Parti socialiste « qu’il fallait raser la maison, garder le terrain et reconstruire ». Marcel Debarge a connu une expérience gouvernementale courte mais riche : secrétaire d’État à la Formation professionnelle (mai-juin 1981), au Logement (1991-1992), ministre délégué à la Coopération et au Développement dans le gouvernement Bérégovoy (1992-1993). On notera enfin qu’il a consacré de nombreux efforts pour régler la question du statut des élus, tout en se préoccupant de celle du cumul des mandats. En 1995, il quitte la mairie du Pré, ne conserve que son mandat de sénateur, qu’il occupe jusqu’en 2004 : l’heure de la retraite sonne alors pour lui, après un demi-siècle de militantisme multiforme. Ses camarades, tant au Pré qu’au niveau national, ont conservé le souvenir d’un militant et d’un responsable "réglo", qui ne trichait jamais. Denis Lefebvre Gérant - Directeur de la publication : Nicolas Soret - Rédacteur en chef : Philippe Foussier - Conception réalisation : Brigitte Bossu Photos : D.R. - Ont participé à ce numéro : Denis Lefebvre - Thierry Pourreyron