Les grands évènements sportifs internationaux
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Les grands évènements sportifs internationaux
MEMOIRE Les grands évènements sportifs internationaux Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? BAEUMLIN Raoul et BESSON DORIAN 2011/2012 INTRODUCTION ................................................................................................................ 5 I. Les grands évènements sportifs et les ambitions diplomatiques ...................................... 8 1) Les grands évènements ......................................................................................................... 8 1.1) Les Jeux Olympiques ............................................................................................................................... 8 1.2) Le Grand Prix de Formule 1 aux Emirats Arabes Unis ........................................................................... 10 1.3) La Coupe du Monde de football ............................................................................................................ 11 2) Les organisations non gouvernementales face aux Etats et aux multinationales ................... 12 2.1) Le financement des grands évènements ............................................................................................... 12 2.2) Mécanisme de sélection des pays ......................................................................................................... 13 2.3) Rapport de force et influence ............................................................................................................... 14 3) Le Sport comme un outil politique ....................................................................................... 14 3.1) Affirmation d'un statut .......................................................................................................................... 14 3.2) Prouver la puissance du pays ................................................................................................................ 15 II. Les grands évènements comme vecteur de développement ......................................... 19 1) Une politique de grands travaux.......................................................................................... 19 1.1) Construction et rénovation des infrastructures sportives .................................................................... 19 1.2) Rénovations de zones touristiques ....................................................................................................... 19 1.3) Développement des réseaux de transports .......................................................................................... 20 2) Impact des grands évènements sur l’économie .................................................................... 21 2.1) Impact théorique sur l’économie .......................................................................................................... 22 2.2) Pays développés vs pays émergents ..................................................................................................... 23 3) Une présence indispensable pour les marques..................................................................... 23 3.1) Nouveaux investisseurs et nouvelles alliances industrielles ................................................................. 23 3.2) Sponsors et stratégies de pénétration de nouveaux marchés .............................................................. 25 3.3) L’Ambush marketing ............................................................................................................................. 26 III. Les risques à prendre en compte pour les évènements de demain ............................... 29 1) Budgets colossaux et croissance économique ...................................................................... 29 1.1) La sous-estimation des budgets ............................................................................................................ 29 1.2) Impact surestimé et éphémère ............................................................................................................. 30 1.3) Penser les infrastructures d’aujourd’hui selon les besoins de demain ................................................. 32 1.4) Les projets et mesures envisageables ................................................................................................... 35 3) L’organisation au détriment des équilibres écologiques ....................................................... 36 3.1) L’impact écologique des grands évènements ....................................................................................... 36 3.2) Des mesures « durables » et intelligentes ............................................................................................ 38 4) Ces grands évènements face à l’éthique des pays ................................................................ 40 4.1) Les limites de la réussite sportive ......................................................................................................... 40 4.2) Des expropriations et des déséquilibres sociétaux accrus .................................................................... 41 Conclusion ...................................................................................................................... 42 ANNEXES ........................................................................................................................ 43 Bibliographie .......................................................................................................................... 46 Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 4 INTRODUCTION Dans son livre « Mega-Events and Modernity », Maurice Roche décrit les « méga-événements sportifs » comme des événements culturels et économico-sportifs à grande échelle, qui possèdent un caractère exceptionnel, car ils mobilisent la population en masse et sont crédités d’une visibilité internationale. Ils sont généralement conjointement organisés par des organisations internationales non-gouvernementales associées à des gouvernements nationaux. Pour John Horne et Wolfram Manzenreiter, cette définition est complétée par le fait que la nation hôte doit être soumise à de profondes transformations, par rapport à d’autres évènements qu’elle accueille par ailleurs et aussi, que cet évènement attire un nombre considérable de journalistes et photographes (presque 20000 pour les JO de Pékin) ce qui lui permet d’être suivi par des centaines de millions de téléspectateurs à travers le monde. Le sport est un phénomène social dominant et est devenu un pur produit de la mondialisation. Il fait partie de la culture contemporaine, qu’on ne peut anéantir et ce, en dépit du dopage, de la corruption ou du racisme. Tous les Etats l'ont récupéré, afin d’améliorer leur visibilité internationale et leurs relations diplomatiques. C’est le 6 juillet 2005, lors de la 117ème session du Comité International Olympique, à Singapour, que Londres, est désignée pour organiser la XXXème Olympiade de l’ère moderne, face à cinq autres villes candidates. C’est la première fois dans l’histoire des jeux modernes, qu’une même ville organisera pour la troisième fois les jeux olympiques. C’est aussi la première fois, que Londres devra investir. En effet, les éditions de 1908 et 1948, n’avaient rien coûté au gouvernement britannique. Londres 2012 qui devait coûter 4 milliards d’euros, en coûtera finalement 12. Selon David Cameron et les estimations optimistes de cabinets spécialisés, le retour sur investissement serait garanti, avec des rentrées de 16,6 milliards d’euros au cours des quatre prochaines années. Les contrats potentiels à l'étranger, dont pourraient bénéficier les entreprises britanniques grâce aux JO, devraient s'élever à 4 milliards de livres. Les investissements étrangers directs au Royaume-Uni, devraient rapporter 6 milliards de plus. Enfin les 4 millions de touristes attendus d’ici 2015, injecteraient 2 à 3 milliards dans l’économie. Quelques 50 000 emplois pourraient être créés à l'issue des Jeux, dans la reconversion de la zone la plus pauvre de la capitale. Sportivement, les Etats-Unis récupèrent la première place au classement des médailles devant la Chine. 104 médailles et 46 titres de champion olympique. 16 pour la seule natation, grâce au phénomène Phelps. Il totalise 22 médailles en trois olympiades et devient le sportif le plus médaillé de l'histoire. Pour la première fois de son histoire, la Russie ne figure pas sur le podium, alors qu’ils ont un meilleur bilan qu’à Pékin : 82 médailles dont 24 en or, contre 72 et 23 en or. La Grande-Bretagne, motivée par ses Jeux, termine troisième et a récolté 64 médailles dont 29 en or, contre 19 en 2008. Sur le terrain sportif, le Brésil a mal préparé Rio 2016, en laissant filer le titre en volley-ball masculin et en football. Le Brésil, ses cinq titres de champions du Monde de football et sa légende vivante Pelé, auront l’honneur Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 5 d’accueillir deux évènements planétaires en deux ans. Le Vice-Président des Sports du Brésil, Monsieur Luis Fernandes estime que c’est une chance historique pour stimuler le développement économique de son pays. Nous avons étudié les motivations pour les pays, pour les ONG et pour les entreprises d’organiser ces grands évènements ou de participer dans les nations émergentes. Nous allons, à travers notre mémoire, vous présenter les enjeux tant diplomatiques, qu’économiques, pour les Etats baptisés « émergents » ou en forte croissance, que représentent ces méga-évènements planétaires. Les enjeux sont colossaux et les sommes investies abyssales. Grâce au sport, ces Etats prennent des positions fortes sur l’échiquier diplomatico-économique mondial. Pour le Qatar, rien n’est trop beau pour s’y affirmer. Le Sport c’est SA stratégie, en dépit d’une culture sportive dérisoire ! Après les JO d’Asie en 2006, la Coupe d’Asie de Football en 2011, le Mondial de Handball en 2015, les Mondiaux d’Athlétisme en 2017, le Qatar a frappé un grand coup en obtenant l’organisation de la Coupe du Monde de Football en 2022, l’évènement le plus médiatique du monde. Le pays s’était également positionné pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2020, mais a été éliminé. A cela s’ajoutent les récents rachats du PSG et PSG Handball, le premier tournoi de tennis de la saison, un grand prix de Formule 1 et un tour cycliste. Impressionnant! Nous étudierons également comment se positionnent les grandes organisations et la pertinence de leurs choix, d’accorder à ces Etats de tel évènements, malgré le fait qu’ils soient en proie à la violence urbaine ou à des fortes inégalités et souvent en déficit d’infrastructures dignes de ce nom. Nous n’oublierons pas d’aborder la question du développement durable, de l’insertion des franges défavorisées de ces Etats à travers cette tribune sportive et aussi les dérives d’un surentrainement, qui transforme des enfants en machine à gagner des titres ! Pour illustrer nos propos, nous nous appuierons sur les Jeux Olympiques organisés par le CIO, la Coupe du Monde de football par la FIFA et enfin la FIA de Bernie Ecclestone et son goût prononcé pour les Grands Prix de Formule 1 au Moyen Orient ou en Russie. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 6 Jesse Owens sur le podium, Jeux Olympiques de 1936, Berlin Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 7 A travers cette première partie, nous allons présenter ces grands évènements ainsi les relations entre les différentes parties prenantes. Nous montrerons également en quoi ces grandes manifestations sportives servent les intérêts diplomatiques des pays. I. Les grands évènements sportifs et les ambitions diplomatiques 1) Les grands évènements 1.1) Les Jeux Olympiques Les jeux olympiques de l’ère moderne ont débuté en 1896 à Athènes, pendant la période d’industrialisation de l’Europe. Ils ont lieu tous les quatre ans. L’origine des jeux remonte à la Grèce antique. Ils ont duré plus de 1000 ans de 776 av JC à l’an 393 après JC. Au total 293 anciennes olympiades ont eu lieu, ce qui rend les jeux modernes modestes, malgré cette trentième olympiade à Londres. Londres 2012 a rassemblé 205 nations, quelques 10490 athlètes pour 26 disciplines et 302 épreuves. C’est une exposition planétaire, comme en atteste ce graphique qui montre l’audience télévisuelle cumulée depuis 1996 à 2012. De Los Angeles à Pékin 1984 Los Angeles a transformé les Jeux modernes, en améliorant les équipements existants, plutôt que de construire des sites prestigieux qui grèvent les budgets. Peter Ueberroth, le président du comité organisateur connait le monde des affaires depuis ses 22 ans, lorsqu’il était Vice-Président et actionnaire de la société aérienne TransInternational. Il a géré ces JO comme une entreprise. Ce furent les premiers Jeux à être rentables depuis 1932. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 8 Le bénéfice réalisé lors de ces Jeux est estimé à 200 millions de dollars ; dont 30 % ont été injectés dans des organisations sportives pour la jeunesse. Par ailleurs, c’est tout le sud de la Californie qui a bénéficié d’un impact économique positif, estimé à 3,3 milliards de dollars. 1988 Séoul a donné un élan politique à l’organisation des Jeux Olympiques. Pendant que le monde avait les yeux rivés sur la Corée, des manifestations en faveur de la démocratie ont éclaté. Les dirigeants coréens en poste ont dû capituler et ont été remplacés par un gouvernement élu. Economiquement, ces Jeux ont été une réussite, grâce à la télévision et aux mécènes. Cet engouement s’est prolongé au-delà de la cérémonie de clôture. Les entreprises étrangères se sont massivement implantées à Séoul, ce qui a permis à la Corée du Sud de devenir la troisième économie d'Asie. Enfin, l’organisation de ces Jeux a aussi dynamisé le sport coréen. 1992 Les Jeux ont transformé Barcelone en profondeur et modifié l'image de la ville, qui est devenue l'une des destinations touristiques les plus prisées en Europe. Un nouveau port a été construit. Les Jeux ont permis à Barcelone de se transformer en centre d'affaires. Un rapport après les jeux la classe 4è, dans le classement européen des villes d'affaires, contre une place de 11è avant. Sa capacité hôtelière a doublé entre 1990 et 2004. Les organisateurs ont intégré cet événement dans un projet territorial global au niveau de l’agglomération et de la Catalogne. Ce point est crucial et il demeure sujet à débats, lors du choix du CIO. 1996 Atlanta a fait de ces jeux, ceux des mécènes. Les détracteurs les ont appelés « Les Jeux Coca-Cola », vu que la multinationale y possède son siège. Ces Jeux figurent au palmarès des réussites, malgré des problèmes de transmission de données avec IBM, des soucis de transport des athlètes et en dépit de la bombe, dans le parc du Centenaire, qui a tué deux visiteurs et fait plus de cents blessés. Atlanta présente des similitudes avec Londres, dans la mesure où les villes sont peuplées par une grande diversité ethnique et que les organisateurs ont mis la modernisation de leur centre-ville au cœur de leur projet de candidature. Les logements construits autour du Centennial Olympic Park ont amené une nouvelle population dans le centre d'Atlanta. 20 % des impôts générés par la réhabilitation, sont investis dans des quartiers défavorisés. 2000 Sydney et le retour à des dérives budgétaires, trop communes. Le budget devait se situer aux alentours d’un milliard et a dépassé les 3,5 milliards d'euros, avant le début de la compétition. Le parc olympique de Sydney, son atout majeur, ne fut plus utilisé après la fin de l'évènement. Ce n’est qu’en 2005, qu’un projet de réhabilitation à long terme, reconversion en logements et en bureaux a vu le jour. 2004 Ce furent les premiers jeux, après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. Ce fut un gouffre financier. Ils ont coûté 13 milliards d'euros, dont 1, rien que pour l’achat du système de sécurité. Le bilan est désastreux. 21 des 22 sites sont à l'abandon. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 9 L'installation qui accueillit les épreuves de canoë-kayak en 2004 à Hellénikon, aujourd'hui abandonnée La dette extérieure du pays a progressé de 2 à 3 pourcents. Sa dette publique est supérieure à 350 milliards d’euros. Pour faire face à sa crise structurelle, la Grèce a mis en place un vaste programme de privatisation, qui intègre certains anciens sites olympiques. Le déficit se monte à 50 000 euros par foyer et les contribuables remboursent encore à ce jour. L'entretien des sites a coûté 627 millions d'euros. Athènes est devenu le contreexemple des JO. 2008 A Pékin, les sponsors ont acquis les droits olympiques pour trois milliards de dollars et les opérations de communication et de marketing pour près de 5 milliards. NBC, la chaîne américaine, a dépensé 894 millions de dollars pour diffuser en exclusivité les J.O aux Etats-Unis. La période des jeux permet un gonflement artificiel de la consommation, mais comme l’Espagne, l’Australie ou la Grèce ils ont tous connu un effondrement de l’économie après, allant de 5 à 8 pourcents du PIB. Pour la Chine, les jeux de Pékin n’ont qu’un faible impact sur la croissance du pays. Le chiffre astronomique de 42 milliards de dollars, pour la préparation de la compétition, ne pèsent rien à l’échelle nationale. En 2006, les dépenses d’investissement dans tout l’Empire du Milieu, ont officiellement atteint 1.600 milliards de dollars. La ville de Pékin ne représente que 3,6 pourcents du PIB total chinois, malgré ses 16 millions d’habitants, son nouveau terminal le plus grand du monde et ses lignes de métro flambant neuves. 1.2) Le Grand Prix de Formule 1 aux Emirats Arabes Unis Aux côtés des circuits mythiques comme, Silverstone (GB), Monza (Italie), Monaco ou Spa-Francorchamps (Belgique), Bernie Ecclestone a donné sa chance aux pays émergents avec la Malaisie et son circuit de Sepang qui a rejoint le calendrier en 1999, le Bahreïn (2004), la Turquie et la Chine en 2005. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 10 Puis arrive le circuit Yas Marina d’Abu Dhabi qui a obtenu une licence pour figurer sur le calendrier annuel à partir de 2009 jusqu’en 2016. Il fait partie de la première phase d'aménagement de l'île de Yas, à laquelle onze milliards de dollars ont été alloués. Au total, les travaux auront coûté quarante milliards de dollars et mobilisé 24.000 ouvriers. Le circuit n’est qu’une partie du projet, qui englobe le parc à thème de 100.000 m2, entièrement couvert, et dédié à la célèbre marque italienne ; Ferrari. Ce chef d’œuvre architectural aura été construit en à peine 15 mois ! Ce parc appartient à Aldar Properties PJSC, l'une des principales compagnies d'investissement, de management et de développement du pays. Au même titre que l’Etat du Qatar, l’Arabie Saoudite opère, à travers ses investissements, à sa mutation obligée, une fois que ses richesses souterraines auront été épuisées. Elle allie intelligemment le tourisme sportif et évènementiel. La Formule 1 a un énorme impact en termes de visibilité à l’échelle internationale. Ce sont environ 120 000 spectateurs, sans compter les quelques 300 millions de téléspectateurs. Depuis l’installation du circuit de Sepang, à Kuala Lumpur en 1999, la hausse de la fréquentation des aéroports a atteint 28 millions en à peine dix ans. Quant au Grand Prix de Abu Dhabi, il a permis à la compagnie Etihad d’ajouter 60 avions à sa flotte. L’Abu Dhabi International Airport a porté sa nouvelle capacité, après ses travaux, à 20 millions de passagers par an. Les retombées économiques, pour une région organisatrice d’un Grand Prix de F1, sont estimées à 100 millions d’Euros, selon une équipe de travail qui étudie une nouvelle épreuve en France. 1.3) La Coupe du Monde de football La FIFA (Fédération Internationale de Football Association) a permis à sa Coupe du Monde d’être au zénith des méga-événements et ce, depuis sa première édition en 1930, organisée par l’Uruguay. A cette époque, treize équipes s’affrontèrent pour le gain du trophée de son fondateur, le français Jules Rimet, qui fut baptisé, Coupe du Monde. Cette première fut un succès avec une affluence moyenne par match de 24000 spectateurs, et ce malgré l’absence de nombreuses équipes européennes, qui invoquaient, de trop longues distances. En 1934, l’Italie fut choisie pour organiser ce deuxième rendez-vous planétaire. Cette fois, les nations sud-américaines furent absentes, si bien qu’à ce jour, l’Uruguay demeure la seule équipe tenante du titre, à ne pas avoir défendu son titre, lors de l’édition suivante. En 1966, lors de la Coupe du Monde en Angleterre, nation fondatrice du football, l’affluence moyenne était de 50000 spectateurs. En 1994, aux Etats-Unis, l’audience cumulée fut à 3,6 millions de spectateurs. La Coupe du Monde offre une visibilité planétaire, et ce pendant un mois ! Aujourd’hui, elle compte 64 matchs et est suivie par près de trente-sept milliards de téléspectateurs en audience cumulée, pour un total de 73 000 heures de retransmission, dans 214 pays. Entre les droits de retransmission, les contrats publicitaires, la billetterie et les partenariats avec des entreprises comme Coca-Cola ou McDonald’s, la FIFA affiche une recette de près de trois milliards d’euros, dont une partie est reversée aux joueurs, aux fédérations et aux clubs. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 11 Les chaînes de télévision profitent de ce marché. En 2010, TF1 a payé 120 millions d’euros pour retransmettre différentes rencontres. Pour la finale un spot publicitaire de trente secondes était de 300 000 euros bruts. La moitié, si l’équipe de France n’était pas finaliste. 2) Les organisations non gouvernementales face aux Etats et aux multinationales Les intérêts des ONG et des multinationales divergent, ce qui peut, parfois, rendre leurs relations conflictuelles. Leurs relations sont d’ailleurs comparables à celles entretenues par le mouvement politique au pouvoir, avec celui de l’opposition, dans les pays démocratiques. On se défie, on provoque la faute. Toutefois, certaines ONG, dont le CIO, la FIFA font parties, préfèrent développer des stratégies communes avec certaines multinationales, plutôt que de s’y opposer systématiquement. Avec le temps, ces ONG ont acquis une forte expertise, notamment en termes politiques, juridiques et financières, ainsi qu’une notoriété et une audience considérables, à travers leur visibilité télévisuelle. Des études prospectives prouvent, que si leurs activités n’étaient pas d’une manière ou d’une autre régulées, les multinationales pourraient devenir à terme plus riches et plus puissantes que les États. 2.1) Le financement des grands évènements Le CIO a signé en 1985 des accords de parrainage avec de grandes compagnies privées. Le TOP (The Olympic Partner Programme) est né. Il est l'unique forme de parrainage pour les entreprises. Ces accords sont valables sur quatre ans minimum. Les sponsors acquièrent ainsi différents droits marketing, ainsi que des droits d'exclusivité et d'utilisation des images et marques olympiques. Ce programme est propre au CIO et n'inclut pas les sponsors choisis par les comités organisateurs des villes hôtes. Néanmoins, les entreprises retenues par les villes organisatrices, ne doivent pas appartenir au même secteur d'activité que celles du TOP. Le CIO gère les partenariats de diffusion, le programme de marketing mondial, ainsi que les programmes de fournisseurs officiels et des licences olympiques. Le graphique suivant fournit des informations sur les revenus générés par chacun des grands programmes gérés par le CIO et les COJO durant une période quadriennale. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 12 Sources de financment du CIO CIO, 2012 Les dépenses des touristes sont l’un des avantages économiques directs dérivés des grands événements sportifs. En moyenne, 5,1 millions de billets ont été vendus à l’occasion des six derniers Jeux d’été et 1,3 million à l’occasion des cinq derniers Jeux d’hiver. 2.2) Mécanisme de sélection des pays Prenons le cas des jeux olympiques et plus précisément celui de RIO 2016. Le CIO choisi la ville organisatrice 7 ans avant le début des jeux. Le tableau ci-après, retrace le cheminement de toutes les villes candidates aux JO 2016, jusqu’au vote définitif. Il a eu lieu le 2 octobre 2009. Outre la lourdeur de la procédure de candidature, il faut rappeler que la ville candidate doit s’acquitter d’un droit de candidature d’un montant de 500 000 dollars. Etapes de la candidature de Rio au Jeux Olympiques 2016 Source CIO Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 13 2.3) Rapport de force et influence Prenons le cas de la FIFA et de l’attribution, très décriée, des Coupes du monde de football de 2018 à la Russie et 2022 au Qatar. Elle a pris de court les observateurs du monde footballistique, en reléguant la candidature anglaise, pourtant favorite. Or, lors de l’attribution des Coupes du monde de 2010 et 2014, la FIFA avait orienté son choix vers la zone Sud de l’hémisphère, en faveur de pays n’ayant jamais été pays hôte, à savoir l’Afrique du Sud. Malgré la crise financière mondiale, la recette de cette édition 2010 dépasse celle de 2006. L’avenir de la FIFA est assuré, car en tant qu’évènement sportif le plus médiatisé, elle dispose avec cette compétition, d’un tremplin pour ses marques partenaires, ou celles qui souhaitent le devenir. Grâce à une retransmission télévisuelle en constante progression, elle leur offre toujours plus de visibilité. Russie et Qatar ont usé de techniques d’influence et de lobbying intense, en s’appuyant sur les outils de l’intelligence économique. L’élection de la Russie et du Qatar sont deux choix géopolitiques délibérés. Aucun de ces deux candidats n’a encore accueilli la Coupe du monde. Tous deux ont planifié de longue date ce projet, en se dotant d’une stratégie claire. D’un point de vue sécuritaire, ces deux pays présentent des garanties, grâce à un Etat fort, censé limiter les risques d’attentats. Enfin, ils disposent de richesses souterraines qui leurs donnent des moyens presque illimitées. D’un point de vue démocratique, cette visibilité est pour leur population, un signe de reconnaissance mondial. Sur le plan économique, la FIFA s’est dotée d’outils lui permettant de faire de la veille et d’analyser les mouvements d’opinion, des médias, mais aussi du marché. A priori, les publics russes et qataris ne sont pas footballistiques, mais ce sont des consommateurs ! Y organiser la Coupe du Monde, permettra à la FIFA d’augmenter ses revenus, grâce aux droits de retransmissions TV, des licences, des droits de commercialisation ; et ceci pour le plus grand bonheur de ses partenaires. Les Etats endettés, dont la croissance ralentie et qui sont face à des difficultés socio-économiques, n’ont plus la côte. La FIFA qui compte 208 membres, fonctionne comme les multinationales, et mise sur les pays émergents, pour lesquels tout est à développer, autant la pratique sportive que les équipements. Elle dispose ainsi de candidats, prêts à de nombreuses concessions pour obtenir le droit d’organiser cet évènement, à visibilité planétaire. 3) Le Sport comme un outil politique 3.1) Affirmation d'un statut De tout temps le sport a été un vecteur de communication pour les pays, leur permettant d'affirmer leur statut de nation puissante. Organiser un évènement tel que les Jeux Olympiques ou la Coupe du monde de football entraine inéluctablement une reconnaissance planétaire. "Toute" la planète a les yeux rivés sur le pays organisateur depuis la cérémonie d'ouverture jusqu'à celle de clôture. Aucune candidature ne s'est faite sans qu'il y ait un objectif servant les intérêts du pays hôte, outre le fait que ce genre d'évènement se "doit" de bien se dérouler. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 14 En 1948, Eric Honecker, alors secrétaire général du parti démocrate de la RDA affirma que « le sport n'est pas un but en soi, il est le moyen d'atteindre d'autres buts ». Cette citation est bien un symbole de cet attachement du politique à l'utilisation du sport comme soutien aux fins des gouvernements. Un évènement de cette envergure touche évidemment un grand nombre de personnes : les spectateurs; les téléspectateurs ainsi que l'ensemble de sa population. C'est un moyen unique et efficace pour diffuser des messages. C'est donc pour son utilité politique, ses vertus de rassemblement et son impact sur les masses que depuis toujours le sport est considéré comme une opportunité indiscutable. Malheureusement, le sport peut servir des intérêts qui sont aux antipodes de ses valeurs. En 1936, l'Allemagne d'Hitler organise les JO d'été. Le régime nazi utilise ses Jeux comme soutien à sa politique xénophobe et de stigmatisation. Considérés comme un outil idéologique de masse les Jeux de 1936 ont servis comme moyen de démonstration de la puissance du régime hitlérien. Hilter a d’ailleurs écrit que « des millions de corps entrainés au sport, imprégnés de l'amour pour la patrie et remplis d'esprit offensif pourraient se transformer, en l'espace de deux ans en une armée ». Les exemples d'utilisation politique ou idéologique du sport sont nombreux. La Coupe du Monde de football de 1934 a servi le régime fasciste italien ; ou encore des terroristes ont profité de l'attention mondiale pour perpétuer des attentats pendant les JO et être vus par le monde entier. Les jeux olympiques de Munich en 1972 ont permis à Willy Brandt et aux sociaux-démocrates de conjurer le spectre des JO de Berlin et de mettre en avant la volonté de voir se dresser une RFA démocratique. Le sport est un symbole d'unité mais aussi de différentiation pour un pays et sa population. Après l'éclatement de la Yougoslavie, une des premières mesures lancées, par les nouvelles nations indépendantes, a été de créer ses propres délégations sportives et ses équipes nationales (dont les équipes nationales de football). Plus récemment, pendant les Jeux de Londres, une erreur a été commise par le comité d’organisation. Le drapeau de la Corée du Sud a été placé au-dessus des sportives nord-coréennes. Elles ont refusé d’entrer sur le terrain et le coup d’envoi a été retardé. Vu les relations diplomatiques tendues entre les deux pays, cette maladresse a entrainé un début de scandale. Oui, le sport est récupéré à des fins politiques. 3.2) Prouver la puissance du pays Ces grandes manifestations représentent encore aujourd’hui, un moyen unique pour les pays de prouver au monde entier qu’ils sont présents sur la scène internationale. L’objectif étant de diffuser un message « géopolitique » aux autre pays. C’est un moyen d’affirmer sa puissance autrement que par le déploiement d’une force militaire. Nous pensons qu’il faut distinguer les candidatures de pays développés et des pays émergents. Pour cela nous nous sommes intéressés à Londres 2012 et au Qatar 2022. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 15 a) Londres et les Jeux Olympiques L’une des volontés de Londres est de s’appuyer sur un événement sportif mondial, en affirmant sa puissance économique et financière internationale. Un projet qui n’est pas sans risque, compte-tenu de la situation économique actuelle des pays occidentaux. Les JO ont permis à Londres de s’affirmer sur la scène internationale et nationale. Véritable outil géopolitique, Loïc Ravenel ; chercheur au Centre International des Etudes Sportives (CIES) considère ces grandes manifestations sportives comme des éléments de « soft power » ; afin de prouver sa puissance sans avoir recours à la puissance militaire. C’était la volonté de Pékin en 2008 et de Londres en 2012 en montrant que la Grande Bretagne possède encore les capacités de le faire. Londres vient de terminer ses Jeux. S'il est trop tôt pour analyser l'impact global sur le pays, ces jeux ont en revanche représenté un enjeu crucial pour son image et le développement du pays. La crise économique touche lourdement les économies des nations d’Europe et aussi l’Angleterre. Elle présente un faible taux de croissance en 2012 (environ 0,8 %) et un taux de chômage qui oscille entre 7 et 9 %. L'état économique du pays n'est pas catastrophique, mais les budgets nationaux ont connu des réductions importantes afin de diminuer les dépenses publiques et donc les prestations redistribuées à la population. Si l'on compare ces données avec le budget de 9 milliards de livres engagé pour l'organisation des JO, il est légitime de s’interroger sur la légitimité de ces Jeux et des risques sur la santé du pays. Malgré un budget ayant explosé, il demeure important de tenir son rang de grande nation développée. Les JO qui drainent d'importants flux financiers et de grandes entreprises représentent une opportunité intéressante d'attirer de nouveaux investisseurs et de redynamiser son économie. Démontrer son savoir-faire passe également par la réussite sportive. La Grande-Bretagne a terminé troisième au classement des médailles, derrière la Chine et les Etats-Unis, les deux premières puissances économiques mondiales. b) Le Qatar et la Coupe du Monde de football Le Qatar organisera la coupe du monde de football 2022. Cet Etat, d’une superficie d'environ 11000km² soit dix fois moins que l'Angleterre, compte 1,2 millions d'habitants et présente un taux de croissance du PIB de 12%; soit l’un des plus élevés du monde. Indépendant depuis 1971, on ne peut pas dire que le pays jouisse d’une histoire sportive des plus riches. Il est vrai que la nomination du Qatar a pu choquer, tant par la démesure du projet que par légitimité sportive « critiquable » de ce petit pays. Là encore, la volonté du Qatar est surtout d'être visible sur la scène internationale et de s’affirmer comme acteur majeur de la mondialisation. Le but n'étant pas, contrairement à Londres 2012, de prouver que son pays a encore les capacités et le savoir-faire, mais davantage de se faire connaitre et de démontrer au monde que son pays est développé avec d'importantes ressources. Les budgets sont colossaux. Le Qatar va faire de cette Coupe du Monde une vitrine de la puissance économique de son territoire. 160 milliards de dollars sont prévus pour l’organisation, 130 pour la construction des stades, le développement du réseau de transports, la construction et la rénovation Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 16 d’un port et d’aéroports. Une nouvelle ville, Lusail, doit être créée, qui surplombera le stade censé accueillir la finale. Le Qatar va certainement organiser la Coupe du Monde la plus importante et la plus coûteuse de l’histoire. Les dirigeants veulent prouver qu’ils ont des ressources « quasi » illimitées et qu’ils abordent de manière stratégique leur mutation de « l’après ressources naturelles ». Ce sera bien entendu l’occasion pour attirer de grands investisseurs et le savoir-faire d’entreprises occidentales et donc de nouer de nouvelles alliances industrielles et commerciales. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 17 Nomination du Qatar pour la Coupe du Monde de Football de la FIFA Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 18 Que de chemin parcouru depuis les JO de Londres 1908! Londres 2012 a du présenter d'autres arguments financiers, pour que son dossier retienne l'attention des organisations. Toutefois, l’argent n’empêche pas les erreurs. Nous avons successivement évoqué les réussites et les échecs dans la représentation de ces shows planétaires. La récupération politique des Etats apparait évidente et inéluctable. Toutefois, vu la lourdeur des investissements en infrastructures routières, logistiques, ferroviaires et sportives et pour assurer la pérennité économique du pays, les politiques des pays candidats ont un devoir éthique et moral vis-à-vis des générations futures. Le seul évènement ne peut justifier ces investissements. Aussi, nous allons étudier dans la deuxième partie, les impacts économiques et sociétaux, en amont d'un projet, par ses grands travaux et en aval, par l’afflux de touristes avant, pendant et après l’évènement. II. Les grands évènements comme vecteur de développement 1) Une politique de grands travaux 1.1) Construction et rénovation des infrastructures sportives Le premier des grands chantiers d'une ville/pays hôte sera la construction et la rénovation d'infrastructures sportives, selon le cahier des charges des grandes institutions. Il s'agit là d'une très bonne opportunité pour développer les équipements dans les sports ou le pays à un avantage sportif remarquable, mais cela permet de pouvoir favoriser certains sports jugés plus mineurs et qui dispose d’un potentiel de croissance important. Les Jeux Olympiques nécessitent davantage d’infrastructures qu’une Coupe du Monde. Par contre, les JO permettront une concentration dans une seule ville, alors que la Coupe du Monde au Brésil par exemple, se déroulera dans 12 villes différentes. 1.2) Rénovations de zones touristiques Certains pays profitent de cette période pour rénover leurs sites touristiques emblématiques. Londres a rénové les places et les rues autour de Big Ben et de Trafalgar Square pour les Jeux. Paris avait donné un coup de jeune à son Trocadéro. Dans le cadre de la préparation des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, le gouvernement chinois a profité de l’occasion pour entreprendre la rénovation de sa Cité Interdite. Véritable emblème de la ville, le monument a été totalement repeint, réparé et a été rendu beaucoup plus accessible. Les spectateurs sont des touristes potentiels. De plus, des caméras et journalistes du monde entier se déplacent. Ce genre de travaux illustre parfaitement la volonté des pays de montrer le meilleur d’eux-mêmes aux yeux de tous. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 19 1.3) Développement des réseaux de transports La réception d’un évènement sportif planétaire est l’occasion de faire « peau neuve ». Le transport des équipes et officiels et des touristes, dans de bonnes conditions, est crucial. Il s'agit d'une opportunité pour rénover ou développer ses réseaux routiers, autoroutiers, ferroviaires, agrandir les aéroports, ports... Les municipalités peuvent ainsi profiter, même d’une simple candidature, pour faire accélérer des dossiers qui mettraient des décennies à voir le jour, sans manifestation sportive. Dans le cadre des projets d’organisation des deux évènements sportifs majeurs au Brésil, un budget de 52 milliards dollars a été annoncé, pour développer les infrastructures (stades, réseaux de transports, aéroports, réseau électrique et d’eau, télécommunication, du traitement des déchets). A cela s’ajoute 11 milliards de dollars pour des investissements complémentaires lors des JO de 2016. a) Londres Le métro londonien était, à juste titre, incapable d'assumer une hausse de la fréquentation des voyageurs. Ainsi, les deux tiers du budget des JO (5 milliards et demi d’euros) ont été consacrés dans la rénovation des infrastructures de transport. Tous les jours 12 millions de voyageurs utilisent le réseau et 3 millions d’usagers supplémentaires étaient prévus (visiteurs, organisateurs, athlètes, médias). De nouvelles routes ont été créées, qui, à ce jour, n’ont été utilisées que par les 11 000 athlètes et le personnel organisateurs des Jeux, pour leur faciliter l’accès aux sites olympiques dans l’Est de Londres. Londres a également entrepris la construction de nouveaux moyens de transports. Une ligne de téléphérique urbain a été créée. Ce téléphérique qui culmine à 90 mètres du sol traverse la Tamise sur 1,1 km et peut transporter jusqu'à 2500 passagers par heure. Ces jeux font partie des Jeux les plus chers de l’histoire de l’ère moderne. Leur budget initial, lors de son élection en 2005, faisait état de 3 milliards d’Euros, pour finalement avoisiner les 13 milliards ! Les transports auront coûtés 7,8 milliards d'euros, le Stade olympique 1,2 milliard d'euros, le Village olympique environ 675 millions d'euros. Le site a pu être cédé pour 634 millions d’euros à une coentreprise créée avec Qatari Diar. Il sera transformé en logements par la suite. b) Qatar Le Qatar a pour projet de développer son réseau de transport dans le cadre de l’organisation de la Coupe du Monde FIFA 2022. Parmi les principaux projets, un métro et un réseau ferroviaire rapide, un aéroport international, un port en eau profonde, un pont reliant le Qatar à Bahreïn, un ensemble de projets routiers ont été prévus en plus des 9 stades à construire et 3 à rénover…Des stades fermés, futuristes et tous dotés d’une climatisation ultrasophistiquée et d’installations photovoltaïques alimentant leurs besoins en énergie. Dans le dossier de candidature, il était prévu qu’une partie des stades soient démontés entièrement pour pouvoir les délocaliser dans des pays en développement. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 20 c) Afrique du Sud Pretoria avait misé sur le Mondial pour relancer l’économie du pays, durement touchée par la crise financière. Le pays avait besoin d’une croissance de 7 % de son PIB, pour lutter durablement contre le chômage. Cette nation demeure l’une des plus inégalitaires au monde, avec vingt millions de pauvres, qui vivent avec moins de 1,50 Euros par jour, sur une population de 47 millions d’habitants. Comme pour certains Jeux Olympiques, certains stades ont été rénovés ; d’autres bâtis. Le coût total des neuf stades était estimé à 120 millions d’euros. La facture définitive est d’un milliard d’euros. Les projets d’infrastructures routières ont permis de prolonger et d’étoffer le réseau autoroutier. Le pays s’est doté d’un nouvel aéroport, à Durban. Le Gautrain, équivalent du TGV, dessert désormais les quartiers chics de Johannesburg. Les installations de télécommunications ont été étendues et améliorées sur une grande partie du territoire sud-africain. d) Sotchi Alpika-Service est une gare, bâtie au milieu de nulle part, sur les hauteurs boisées de Sotchi. La voie ferrée devra être capable de transporter 8500 spectateurs, athlètes et accompagnateurs, chaque heure, durant les Jeux olympiques d'hiver de 2014. La voie routière compte environ 11 500 usagers par jour. Pour relier Sotchi à la station de ski de Krasnaïa Poliana et au village olympique, il a fallu construire 48 kilomètres de réseau ferroviaire électrifié, percer six tunnels d'une longueur de 11 kilomètres, 33 ponts et viaducs, et deux gares. 46,5 kilomètres de voies routières, à implanter dans des vallées étroites. Les locomotives actuellement en service mettent 25 heures pour rallier Moscou à Sotchi. Les Chemins de fer russes ont commandé 200 nouveaux trains, à Alstom et Siemens, pour diviser par deux ce temps de trajet. Au bilan, ces Jeux olympiques d'hiver, estimés en 2007, à 8,5 milliards de dollars, pourraient coûter plus de 35 milliards. Soit davantage, que les Jeux de Vancouver, de Turin, de Salt Lake City et de Nagano...réunis. 2) Impact des grands évènements sur l’économie Cette partie de notre analyse est certainement la plus sensible et peut être critiquée. Tout le monde sait que l’organisation d’un évènement comme ceux cités, coûte beaucoup d’argent. Investir dans un tel projet est risqué surtout en cette période de crise économique « mondiale ». Dans notre raisonnement, nous avons dans un premier temps mis de côté volontairement les coûts, afin d’analyser les retombées économiques possibles pour un pays hôte. A noter que les effets sur les variables économiques d’un pays sont difficilement mesurables. Nous nous sommes basés sur des modèles économiques théoriques qui nous semblaient les plus pertinents ainsi que sur nos recherches documentaires. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 21 2.1) Impact théorique sur l’économie a) Modèle économique sur la consommation Selon notre modèle, tout investissement économique provenant d’un Etat au sein même de son économie, à des répercussions sur la production des entreprises, sur la consommation, et sur le chômage. Ainsi, lorsqu’un Etat investit pour la construction de nouvelles infrastructures, les entreprises qui travaillent sur ce chantier auront tendance à embaucher et donc à verser des revenus aux employés. Ces revenus seront en grande partie dépensés. En effet, la propension à consommer des CSP du type ouvrier est très forte (i.e. pour 100 euros de plus par mois, un ouvrier consommera l’intégralité de ces revenus supplémentaires). Cette consommation (biens de première nécessité la plupart du temps) aura un effet sur les autres secteurs de l’économie locale. De fait, l’investissement initial dans le BTP, aura des répercussions sur d’autres secteurs, comme la grande distribution, les commerces locaux, l’électroménager…qui pourront engendrer une création d’emplois qui stimulera l’économie. Il s’agit ici d’un modèle théorique de cercles économiques vertueux. Naturellement, sur l’ensemble des consommations supplémentaires, le gouvernement pourra collecter certaines taxes (TVA, Impôts sur les sociétés, impôts sur les revenus…). Investissements > Contrats entreprises et publique > création d’emploi> distribution de revenus> consommations des ménages > impôts et taxes collectés. Cette partie du raisonnement se situe en amont de l’évènement. Il faut envisager le fait que l’économie est stimulée fortement pendant toute la période de la manifestation. Lorsque une ville comme Londres annonce 9 millions de tickets vendus et jusqu’à 5 millions de visiteurs, cela implique d’importantes retombées économiques. Les visiteurs restent souvent quelques jours sur place. Ils ont donc des besoins en hébergement, en restauration, en transports et souvent en produits « touristiques ». Les hôtels, les restaurants, les sociétés de transports et les sites touristiques verront la fréquentation très fortement augmenter. Selon le même schéma, les visiteurs vont donc injecter de nouveaux fonds dans l’économie locale, qui seront ensuite redistribués dans d’autres secteurs. Visiteurs > hébergements + restauration + transports + consommations« touristiques »> création d’emplois > distribution des revenus > consommation des ménages>impôts et taxes collectés b) La Coupe du monde de football 2010 La contribution finale de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud a généré une hausse de 0,5 point du PIB sud-africain soit 9,68 milliards d’euros, dont une grande part est attribuée au tourisme. Le gouvernement sud-africain a dépensé 3,6 milliards d’euros pour être en mesure d’accueillir le mondial. Cette enveloppe budgétaire a notamment servie à la construction et la rénovation des cinq stades, à la modernisation des infrastructures de transports, construction d’un TGV, rénovation des aéroports et au développement de projets portant sur la sécurité. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 22 Environ 159 000 emplois ont été créés, mêmes si la grande majorité n’étaient que temporaires. 3 millions de spectateurs ont fréquenté les stades sud-africains. Une réussite pour le pays organisateur qui, d’après la Fifa, se classe au troisième rang de l'histoire de la compétition, en termes de fréquentation derrière les ÉtatsUnis (3,59 millions pour le mondial 1994) et l’Allemagne (3,36 millions en 2006). 2.2) Pays développés vs pays émergents L’impact socio-économique de l’organisation des grands événements sportifs, varie selon le niveau de développement des villes et régions hôtes. L’organisation de ces manifestations permet la construction de réseaux modernes de transport ou de communication et d’équipements sportifs, dont les zones les moins développées profitent généralement le plus. Bien que l’organisation des grands évènements sportifs entraine de grandes dépenses, souvent financées par les pouvoirs publics, pour des projets qui auraient pu se faire sans eux, le fonctionnement des autorités publiques est souvent tellement lourd que ces infrastructures auraient pu voir le jour plus dizaines d’années après. Par ailleurs, le CIO a pour missions, aussi, de contribuer au financement des projets jugés utiles et bénéfiques. Les pays développés connaissent une raréfaction des terrains. Ainsi entre la phase de candidature et le début des travaux, les pays développés doivent tenir compte de la hausse des prix du foncier. Le marché du travail étant plus tendu que dans les pays à forte croissance, l’organisation d’évènements de cette ampleur peut conduire à une utilisation non-optimale des ressources foncières, à une pression sur les salaires et les prix et ainsi conduire à une hausse de l’inflation. L’ensemble des mesures prises dans le cadre de l’organisation de tels évènements aura plus d’effets sur les économies émergentes. Le développement et la création de nouveaux moyens de transports serviront l’économie locale, car ils pourront servir de nouvelles opportunités économiques. La construction d’un nouvel aéroport pourra permettre de développer le Fret et le tourisme. L’impact sera accentué dans des zones, considérées comme vierges. 3) Une présence indispensable pour les marques 3.1) Nouveaux investisseurs et nouvelles alliances industrielles a) La Coupe du Monde de Football au Qatar Siemens, industriel allemand, a annoncé le 30 juillet avoir remporté un contrat de plus de 100 millions d'euros, pour développer un réseau de tramway au Qatar. Le contrat prévoit la livraison de 19 rames, d'un système de signalisation spécialisé, de rails et d'un dépôt. Le tramway sera mis en service fin 2015 et son parcours de 11 kilomètres prévoit 25 stations. Un budget de 150 milliards de dollars devrait être consacré aux constructions et autres rénovations. Un métro de quatre lignes sera installé pour faciliter la circulation dans la ville de Doha. Un nouvel aéroport international va être construit, dont la capacité d’accueil est estimée à 50 millions de voyageurs. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 23 Une grande partie du budget sera consacrée aux routes, aux ponts, aux hôtels (70 000 chambres supplémentaires prévues) et bien entendu pour les infrastructures sportives. Il s’agit là d’une opportunité historique pour les grandes entreprises du BTP. Ainsi, Vinci et Bouygues, ont déjà signé des contrats pour des projets dans le cadre de la Coupe du Monde. Bouygues, travaille actuellement sur le Qatar Petroleum District, sorte de nouveau quartier d’affaire porté sur l’économie des ressources fossiles du pays, composé de neuf tours et estimé à 950 millions d'euros. Bouygues travaille actuellement sur le développement de nouvelles infrastructures routières et sur la construction de complexes immobiliers. Ces deux entreprises sont considérées comme favorites, pour participer à la construction des stades. Le Qatar a fait appel à des grandes entreprises étrangères et à leur savoir-faire pour s’assurer du bon déroulement de son développement. Les grandes firmes ont un réel intérêt à se positionner vers les pays émergents ; marchés à fort potentiel à conquérir. b) Les Jeux olympiques de Londres 91% des entreprises ayant signé des contrats avec le comité d'organisation des Jeux olympiques de Londres sont d'origine britannique, et en grande partie des PME. Ainsi, selon le site officiel des Jeux Olympiques, 70% des entreprises ayant un contrat avec l'Olympic Delivery Authority (ODA) sont des PME. Plus de 18 000 entreprises britanniques se sont inscrites sur le réseau « CompeteFor », un service en ligne ayant pour objectif de permettre aux entreprises d'entrer en relation avec l'ODA. Dans le cadre de l’organisation de cette manifestation, deux PME françaises, Compte R et Doublet, ont pu signer des contrats. Compte R est une petite société, spécialisée dans les chaudières. Elle a remporté l'appel d'offres pour le chauffage des JO et notamment celui de la piscine olympique et de ses douches. Doublet, PME du Nord de la France, a assumé la fabrication de l’ensemble des drapeaux qui ont été installés dans la capitale britannique. Le CNOSF a mis en place une plateforme de Relations Publiques au sein même du Club France, afin de développer les relations commerciales entre les entreprises françaises (petites et grandes) et les autres entreprises venues du monde entier. Le CNOSF a vendu des packs Relations Publiques (à partir de 2.500 euros) aux PME. Elles avaient la possibilité d’organiser des opérations de relations publiques au sein d’espaces privatisés. Selon Frédéric Bedin, le président du directoire de Public Système, l'agence en charge de la gestion, de la commercialisation et de l'animation du Club France, « il faut absolument que nos entreprises en profitent, car le monde entier sera là. Toutes les grandes entreprises emmènent leurs clients, leurs prospects pour faire du business. Pendant quinze jours et à deux heures de Paris, l'occasion est unique d'être visible et de se lancer à l'export. De telles occasions ne se présentent pas tous les jours ». Ces propos illustrent parfaitement le fait que ce genre d’évènement représente une passerelle économique et commerciale pour bon nombre d’entreprises et pas seulement du pays organisateur. On comprend facilement qu’à côté du sport, se jouent d’autres épreuves. L’occasion est parfaite pour les entreprises pour se greffer à ces grandes manifestations. Ce genre de dispositif a été mené également par d’autres délégations étrangères, notamment par le comité britannique. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 24 3.2) Sponsors et stratégies de pénétration de nouveaux marchés Pour les sponsors et les partenaires de ces manifestations sportives, la visibilité est cruciale. Cette stratégie de communication est très liée avec les stratégies de développement à l’international. Adidas et Nike ; leaders mondiaux du marché du sportwear ; sont en compétition permanente. Pouvoir s’implanter sur un nouveau marché, c’est prendre des parts de marché à son adversaire. Adidas est l’équipementier officiel de la Coupe du Monde de Football, du Championnat d’Europe des Nations UEFA et des Jeux Olympiques. Nous nous sommes intéressés à Adidas, aux enjeux de ses partenariats et à sa stratégie de développement international. Pour Adidas, la Chine dépend de la région Asie Pacifique. 600 collaborateurs travaillent à Hong-Kong et 1000 sont répartis entre Shanghai, Beijing, Suzhou, Guangzhou et Taipei. Adidas participe au développement du sport en Chine depuis 25 ans, bien avant l’avènement de l’industrie sportive. La 4è place de la Chine aux JO de Sydney, sa candidature réussie de Pékin 2008 et la qualification de l’équipe nationale de football à la Coupe du Monde de 2002, sont des récompenses méritées, de cet indéfectible soutien. Peu avant les jeux en 2008, Adidas a inauguré son plus grand magasin au monde, à Pékin : 3170 mètres carrés, dans un village surnommé le Sanlitun, situé dans le quartier des ambassades. Il s’étend sur quatre étages. Quant à Sanlitun, il dispose de 172000 m2 et accueille de nombreuses marques internationales. Ce marché est l’un des plus importants au monde, pour la firme de Herzogenaurach. Sa croissance annuelle est de 10% par an. Elle est passée de 4000 magasins en 2008 à presque 7000 à ce jour, sur 550 villes. Ce sont quelques 500 ouvertures par an, trois par jour et un chiffre d’affaires de plus d’1 milliard d’Euros, dans l’Empire du Milieu. Leur volonté est d’élargir le marché, en s’implantant dans plus de 1400 villes. En cinq ans, le marché du vêtement et de la chaussure a doublé en valeur, pour atteindre quelques 50 milliards de dollars en 2010. Les dix prochaines années assureront une croissance à deux chiffres à la marque, en dépit de la hausse des matières premières et du coût de la main-d’œuvre locale. A ce jour, 35 à 40 % de sa production sont fabriqués en Chine. Belle International Holdings Ltd, distributeur de chaussures, détient 6,5 % de parts du marché des vêtements et chaussures ; Li Ning 2.6 % et Anta Sports Products Ltd, 2 %. En Russie et les républiques autonomes, Adidas compte 700 magasins en propre et 10000 collaborateurs. L’Euro 2012, récemment organisé par l’UEFA a été un succès pour Adidas et lui assure d’ores et déjà de défendre son titre, de marque la plus en réussite dans le football européen. Ce titre l’atteste, Adidas est une référence, tant au niveau des ventes, qu’en terme de visibilité ou de développements de nouveaux produits, ce qui rapproche la marque de ses consommateurs. Adidas prévoit des ventes record de plus 1,6 milliards d’Euros sur le segment football, en 2012. C’est 100 millions de mieux, que lors de la Coupe du Monde 2010 et 300 millions par rapport à l’Euro 2008. Le ballon officiel de l’Euro 2012 le « Tango 12 », se serait vendu à 7 millions d’exemplaires et fut plébiscité par les joueurs. La branche football affichait de bons résultats, dès le premier trimestre de 2012, avec une progression de 20%. Adidas Pologne a pleinement bénéficié de cet évènement « à domicile », car ses ventes ont bondi de 50%, sur la même période. L’Euro 2012 aura permis à la marque aux trois bandes de se rapprocher de son objectif et de devenir le leader en Pologne d’ici à 2015, toutes branches confondues. En 2012, l’objectif est atteint dans la catégorie football, au même titre qu’en Ukraine. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 25 3.3) L’Ambush marketing On comprend facilement pourquoi les entreprises souhaitent être présentes et/ou visibles lors de ces évènements. Les coûts d’entrée sont extrêmement élevés et toutes ne peuvent pas se permettre financièrement d’être partenaire officiel. Certaines marques ont donc décidé de communiquer, de manière plus ou moins directe, autour de leur marque et de ces évènements et ce, sans s’acquitter des droits d’entrée. Ce genre de pratiques, appelées Ambush Marketing (marketing d’embuscade) a pour but d'obtenir les bénéfices d'un partenariat, en termes de notoriété et d'image, sans en payer une redevance au Comité organisateur. Les exemples sont nombreux et parfois très originaux. Cependant, les pays et les institutions mettent en place depuis plusieurs années, une véritable législation contre ce genre de pratiques. Récemment, le Directeur du Locog britannique, Sebastian Coe, a clairement affirmé sa volonté de lutter contre ces pratiques illégales : « les marques non partenaires des Jeux olympiques ne seront pas les bienvenues sur les différents sites de compétition. On ne pourra probablement pas rentrer dans le site olympique avec un T-shirt Pepsi, parce que Coca-Cola est l'un de nos sponsors et qu'ils ont mis des millions de livres dans ce projet. (...) C'est important de protéger les sponsors, parce que c'est en grande partie eux qui payent les Jeux ». Les mesures prises par le Locog sont légitimes, sachant que les principaux sponsors (Coca-Cola, Acer, Atos, Dow, GE, McDonald's, Omega, Panasonic, Samsung et Visa) ont dépensé plus de 800 M€, pour avoir le droit de communiquer autour des Jeux Olympiques et d’en utiliser son image. Le Locog a même instauré un périmètre de sécurité d’un kilomètre autour de chaque site olympique où toute présence d’une marque « étrangère » pouvant être concurrente des «top sponsors», était interdite. Les prochains pays organisateurs, Brésil, Russie et Qatar ont assuré qu’ils veilleront très attentivement à ce que ce genre de pratique ne soient pas menées et que les sanctions seront très dures. Certaines marques sont considérées comme des spécialistes de l’embuscade marketing. Nike, concurrent direct d’Adidas est connu pour ses campagnes de communication, souvent jugées très limites. Nike n’est sponsor d’aucun des grands évènements que nous avons mentionné. Cependant, la marque américaine sponsorise énormément d’athlètes reconnus mondialement. Ses campagnes lancées toujours pendant les grandes compétitions, utilisent les images des sportifs qu’elle sponsorise. Nike a profité de l’Euro 2012 pour dévoiler de nouvelles opérations de communication autour de sa campagne « My Time is Now ». A Madrid, elle a installé sur la Puerta del Sol, place principale de la ville, un écran géant. Celle-ci diffuse en direct les commentaires des fans sur les réseaux sociaux au sujet des joueurs de l’équipe nationale ibérique. Cette opération est proche de l’ambush marketing, à fortiori que l’Espagne est équipée par Adidas. Durant ces Jeux Olympiques, la marque de casques audio Beats By Dre, célèbre pour être portée par tous les footballeurs a mené une pure opération d’ambush marketing. Elle a envoyé des casques personnalisés aux athlètes américains et britanniques. Ces casques sont reconnaissables de par leur design et que Panasonic est LE sponsor officiel des Jeux Olympiques de Londres, pour ce genre de produits. Parmi les stars américaines, Michel Phelps, le nageur et légende des Jeux, s’est présenté avec son casque Beats By Dre avant les épreuves officielles de natation. Pour le moment aucune poursuite n’a été lancée. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 26 Paddy Power, bookmaker anglais est également coutumier du fait. Durant la Ryder Cup 2010, la plus grande compétition de golf mondiale, la marque a installé en dehors du parcours de grands panneaux aux noms de sa marque (inspiré des panneaux Hollywood). Paddy Power a pu être visible par les médias du monde entier. Cette opération a beaucoup fait parler de la marque. Les autorités ont d’ailleurs mis plusieurs jours avant de démonter intégralement la structure. Paddy Power a récidivé pendant l’Euro de football 2012. Nicklas Bendtner, a « généreusement » montré ses sousvêtements en célébrant ses deux buts lors de son match avec l’équipe nationale danoise. Cette fois-ci, le joueur a écopé de 100000€ d’amende et d’un match de suspension. Des poursuites sont également engagées contre la marque. Structure Paddy Power, Ryder Cup 2010 Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? Nicklas Bentner, Euro 2012, sous-vêtements Paddy Power 27 Affiche Amnesty Internationale, Jeux Olympiques de Pékin et Droits de l’Homme, 2008 Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 28 Comme nous l'avons largement évoqué, les investissements liés à l'accueil d'une grande compétition internationale sont colossaux. Évidemment, cette phase de préparation dope l'économie locale. Toutefois, pour éviter l'asphyxie des contribuables sur le long terme, les montages de financement publics-privés sous forme de concessions sont indispensables. Ces manifestations sont aussi une excellente occasion pour les grandes marques, qu'elles soient sportives ou engagées en tant que partenaires aux côtés des organisations, de gagner en visibilité et d'augmenter leurs parts de marché. Ce dynamisme est naturellement créateur d'emplois. Toutefois, les coûts souvent trop pénalisant, les dérives tant écologiques et sociétales sont trop récurrents Nous aborderons ce volet dans cette troisième et dernière partie et illustrerons par des exemples. III. Les risques à prendre en compte pour les évènements de demain 1) Budgets colossaux et croissance économique 1.1) La sous-estimation des budgets Les ambitions économiques et de développement des pays liés à l’organisation des grandes manifestations sportives sont souvent freinées par les coûts gigantesques qu’ils impliquent. Dès la phase de candidature un pays va engager d’importantes sommes d’argent, dans le but de présenter son dossier de candidature. Ces dossiers de projet sont montés neuf ans avant le début réel de l’évènement. L’objectif de ce dossier est de montrer aux organisations, que les candidatures sont solides et cohérentes. Il nécessite la participation d’un effectif important et souvent les pays le confient à des agences spécialistes du domaine. Pour un même évènement plusieurs pays postulent et un seul est élu. Londres a déboursé environ 17 millions de livres pour sa candidature de 2012. Boston avait postulé et dépensé environ 50 millions de dollars, uniquement pour monter son dossier de candidature pour les Jeux de 2016 ; qui ont finalement été accordés à Rio. Ces sommes astronomiques n’offrent aucune garantie de succès au pays candidat. Autre poste de dépense et qui représente la plus grosse partie des budgets, les travaux entrepris par les pays. Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, il n’y a pas que les stades et les infrastructures sportives à construire. Les routes, le développement des réseaux de transport et les nouvelles plateformes (aéroports et ports) sont onéreux et augmentent les budgets, qui prennent parfois des dimensions colossales, par rapport aux budgets initiaux. Les pays veulent toujours éblouir le monde avec un stade magnifique (Londres, Nid d’oiseau à Pékin…) et pour ce faire, travaillent avec les agences les plus reconnues et donc les plus coûteuses. La construction et rénovation des réseaux de transport et des capacités d’hébergement font grimper les sommes dépensées par les pays. Ils doivent faire face à l’afflux important de visiteurs et ce sur une courte durée de visiteurs. Il est primordial de savoir et pouvoir les accueillir dans les meilleures conditions. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 29 Le prolongement de lignes de trains et métros est utile pendant toute la période de l’évènement. Mais quand est-il après ? Tous ces projets doivent tenir compte des besoins de l’avenir et être réfléchis. Pékin a déboursé environ 2 milliards pour la conception et la construction de ses deux structures phares de ses Jeux Olympiques : le Nid d’Oiseau et le Cube d’Eau. Aujourd’hui la piscine olympique de Pékin n’est quasiment plus utilisée et coûte énormément en entretien (30 millions de dollars par an). La sécurité alourdie aussi la facture finale. Depuis le 11 septembre 2001, les frais de sécurité sont énormes : plus de 1,4 milliard de dollars et 40.000 agents de sécurité en 2004 à Athènes. Il y aurait eu plus de 80.000 agents de sécurité en 2008 à Pékin. Londres prévoyait que les Jeux de 2012 coûteraient moins de 4 milliards de dollars, les dernières estimations s’approchent des 19 milliards de dollars, notamment en raison de la mauvaise estimation des coûts liés à la sécurité. Pour les Jeux de Barcelone, le gouvernement espagnol a dû assumer une dette de 4 milliards de dollars. La région et la ville ont supporté un coût d’environ 2 milliards. A Athènes, l’investissement public a été supérieur à 10 milliards de dollars, alors que pour Pékin la facture s’est élevée à 40 milliards. Les comités organisateurs sous-estiment toujours le coût total de l’événement et donc minorent les budgets initiaux. Il est fréquent qu’ils excluent ou diminuent certains coûts opérationnels, comme les cérémonies, le transfert des athlètes ou la sécurité. Le coût global supporté par la ville hôte inclue la construction ou la mise aux normes des sites, l’hébergement des athlètes et des visiteurs. Certains sites comme les vélodromes ou les pistes de bobsleigh par exemple sont très onéreux en raison de la particularité technique de ces infrastructures, ce qui les rend difficilement réutilisables après l’évènement. Athènes avait espéré que ses Jeux reviendraient à environ 1,6 milliard de dollars, mais la facture a été multipliée par dix, si l’on tient compte des coûts d’entretien des équipements. Le budget initial pour les Jeux olympiques d’hiver de 2014 à Sotchi était de 8,5 milliards de dollars, mais les dernières annonces ont fait savoir qu’une enveloppe approchant les 35 milliards de dollars, dont 23 milliards de dollars d’argent public, serait à prévoir. 1.2) Impact surestimé et éphémère a) Spectateurs et touristes Les pays vantent les retombées de la consommation touristique liée à ces grands évènements. Cependant, il est important de tenir compte du fait que les visiteurs et les spectateurs se substituent aux touristes habituels, qui eux, choisiront une autre destination en raison de l’inflation des prix. En effet, les hôtels et restaurants profitent de cette occasion, pour augmenter les tarifs de leurs prestations. Les pays hôtes surestiment l'aubaine touristique et minorent le coût des travaux. À Montréal, les Jeux Olympiques de 1976 ont fait connaître la ville comme une destination touristique intéressante. Aujourd’hui, le Stade olympique est l’un des principaux lieux touristiques de la ville. Le stade est encore utilisé, des matchs de baseball et de football américains. Des logements ont été aménagés dans l’ancien village olympique ce qui a permis à la ville de développer sa capacité d’hébergement après les Jeux. Cependant, les jeux ont coûté quelques 1,5 milliard de dollars, et la ville s’est retrouvée endettée pendant 30 ans, en terminant de payer cette dette en 2006. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 30 Selon une enquête réalisée en 2002 par Jones Lang LaSalle, le nombre de visiteurs internationaux dans les villeshôtes augmente en moyenne de quelque 25% un an avant et un an après les jeux. Idem pour l’industrie hôtelière, où l’on constate une forte augmentation des demandes d’hébergement au cours de l’année olympique. Cependant, selon la même étude, le nombre de visiteurs retombe après la première année. Les villes ont dû développer de manière significative leur capacité d’hébergement pour l’évènement. Ils doivent prendre en compte l’éventualité de voir leur tourisme s’affaiblir en donnant une autre utilisation aux logements. La Coupe du monde de football et les Jeux d’été sont les évènements qui attirent le plus de visiteurs. Selon les chiffres publiés par les pays et les comités organisateurs, l’on peut constater des différences importantes dans l’impact sur le tourisme entre différentes ville hôtes. Sydney a connu une augmentation de son tourisme de l’ordre de 40 %, alors que pour Athènes le tourisme a diminué de 32 %. Les touristes ont pu privilégier d’autres destinations pendant les Jeux. Ces chiffres sont évocateurs de l’importance de l’image que le pays renvoi pendant une grande manifestation sportive. La Coupe du monde de football 2006 n’aurait eu aucun impact sur la fréquentation touristique en Allemagne l’année suivant l’évènement. Au niveau touristique un avantage irréfutable pour le pays organisateur est de voir augmenter son tourisme à partir de trois ans avant le début de la manifestation (4 % trois ans avant la Coupe du monde, 6 % deux ans avant, 11 % un an avant et de 13 % l’année même). b) Une croissance surestimée et éphémère Pour l’heure, peu d’informations confirment l’impact économique des Jeux olympiques et des autres grands événements sportifs. La plupart des études existantes ont été dirigées par les villes et régions hôtes. Elles n’ont aucune raison de présenter les chiffres exacts des retombées économiques et peuvent parfois biaiser les données, pour les rendre plus acceptables. Certaines études relativisent cet impact. Elles font apparaître que bien qu’un petit nombre d’emplois soient créés à l’occasion de ces grands évènements, il ne semble pas y avoir d’effet visible sur les revenus. D’après la Bank of America et Merrill Lynch, la consommation ne bondit que le temps de la compétition, tandis que les grands travaux se révèlent être très couteux. Depuis la Coupe du Monde à Berne en 1954 à celle organisée par l'Allemagne, en 2006, les pays organisateurs ont en moyenne enregistré, pendant l'année de la compétition, une croissance économique inférieure à leur rythme habituel. Leur PIB augmente en moyenne de 2,3 % lors de l'événement, contre 3,1 % en dehors. Malgré le titre de Champions du Monde en 1998, les français ont davantage consommé en 2000. En 1974, malgré la victoire à sa Coupe du Monde, l'Allemagne a subi les effets du choc pétrolier de 1973. L'Argentine, en 1978, et le Mexique, en 1986, ont même connu une récession (- 3 % chacun). Les achats d'électroménager ou de vêtements, qui se produisent à cette occasion, correspondent souvent à des achats anticipés. En Allemagne, les ventes avaient augmenté de 1,6 % en juillet 2006, pour retomber à 0,1 % six mois plus tard. En France en 1998, la victoire en finale de l’équipe de France a « dopé » le moral des ménages, qui ont consommé davantage pendant cette période. En revanche, dès le mois de novembre, les dépenses ont chuté par rapport à la même période de l’année précédente. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 31 L’ensemble des comités organisateurs et des pays qui ont accueilli une Coupe du Monde, ou les Jeux olympiques, publient des chiffres positifs sur les retombées économiques. Le problème vient de la gestion de l’après évènement. L’économie passe d’une période d’euphorie générale et de dynamisme, à une période beaucoup plus calme. Les ménages ont certainement consommé davantage pendant, mais souvent cela plombent les autres budgets. Les restaurants doivent faire face à une baisse significative du nombre de clients, donc de leur chiffre d’affaires. Les entreprises ne peuvent pas conserver le même nombre de salariés, si le niveau d’activité décroit. C’est pour cette raison qu’il est très important que les pays anticipent cette période, à fortiori en temps d’incertitudes financières. Le PIB des organisateurs croît souvent moins l'année de la compétition que juste avant et juste après. Bank of America - Merrill Lynch 1.3) Penser les infrastructures d’aujourd’hui selon les besoins de demain Comme nous l’avons déjà évoqué, les coûts de construction et la valeur des terrains peuvent augmenter énormément entre la phase de candidature et le début du projet. Il est vrai que les responsables du projet de candidature d’un pays ou d’une ville ont intérêt à sous-estimer les vraies dépenses, afin de rallier le maximum de personnes à cette cause. Pendant la phase de candidature, les pays auront tendance à faire des propositions similaires à celles des autres pays et à embellir leur propre projet. Passé la période de candidature, les pays vont devoir lancer les projets. Certaines dépenses se traduiront par une amélioration et la modernisation des infrastructures de la ville hôte, d’autres lui laisseront de véritables éléphants blancs. De nombreux équipements construits pour les Jeux se retrouvent à l’abandon ou seront sous-utilisés après la compétition. La construction de la piste de bobsleigh coûta 108 millions de dollars à la ville de Turin, et comme Evelina Christillin, Vice-présidente du Comité organisateur des Jeux olympiques de Turin, l’a reconnu dans une interview au Wall Street Journal : «Je ne peux vous mentir, la piste de bobsleigh ne servira à rien d’autre. C’est un coût net.». Ce genre d’exemple illustre encore une fois l’importance de l’anticipation. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 32 Il est certain que ce sport n’est pas le plus pratiqué en Italie. Les organisateurs auraient dû prévoir un démontage et une délocalisation dans un pays qui en avait besoin ou qu’elle soit transformée en une autre structure plus adaptée aux besoins locaux. Des Jeux ratés laissent un héritage de structures peu ou pas utilisées, qui occupent des terrains précieux et coûtent cher en entretien. L’entretien du Stade olympique de Sydney (Australie) avec ses 90 000 sièges coûte 30 millions de dollars par an. On s’aperçoit qu’à Pékin, plusieurs bâtiments coûteux comme le Cube d’eau ne sont pas utilisés de manière optimale. D’un autre côté, les Jeux réussis, comme ceux de Los Angeles, ont permis autant que possible d’exploiter les équipements existants. Le stade qui a servi aux cérémonies d’ouverture et de clôture à Atlanta en 1996 a été transformé en stade de baseball dès la fin des Jeux. Les responsables des projets doivent concevoir des équipements durablement utiles et les intégrer intelligemment dans l’urbanisme des villes de demain. Il est impératif que ces pays émergents prennent en compte ces enjeux. Ils doivent penser à l’après évènement mais aussi au futur. Des structures adaptées permettront au pays de se développer plus simplement sans entraver les projets futurs. Une infrastructure modulable pourra certainement servir et être un support pour leur développement. a) Athènes 2004 Il y a 8 ans, la Grèce organisait les Jeux Olympiques les plus chers de l’histoire avec ceux de Pékin. Aujourd’hui 90% des installations olympiques sont à l’abandon. Les dernières images des Jeux d’Athènes 2004 ont été la merveilleuse cérémonie de clôture. Mais voilà, le constat après ces Jeux est plus que catastrophique. Le stade de softball, construit tout spécialement pour l’occasion est à l'abandon. Le stade de hockey sur gazon n’est plus du tout utilisé. Après 2 semaines d'utilisation durant les JO, on ne savait déjà plus comment les exploiter. Aujourd’hui, un stade a été loué à club amateur, l'ancien aéroport d'Athènes a été laissé en état. La liste est longue… Infrastructures olympiques abandonnées, Athènes 2012 50 millions d'euros par an, c’est environ ce que paie le gouvernement grec, c'est-à-dire le contribuable, pour l’entretien de ses stades. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 33 L’arène destinée au taekwondo (8 000 places) n’est pas exploitée comme elle le devrait. Elle est louée au mois, pour des évènements culturels. George Panayiotou du Hellenic Tourism Properties rapporte que « Le stade, construit pour les compétions hippique durant les Jeux Olympiques près de l'aéroport Marco Polo d'Athènes est l'un des plus grand et plus somptueux d'Europe. Mais en Grèce, peu de personnes pratiquent les sports équestres. Nous n'avons pas besoin d'une installation aussi grande pour les quelques amateurs d'hippisme ». A proximité, un stade et un parc écologique mais les autorités se sont rendu compte que le terrain était inconstructible. Aujourd'hui il est livré aux amateurs de moto-cross et de modélisme. L'organisation des Jeux Olympiques a coûté à la Grèce 5% de son PIB. Les J.O. ont surtout amplifié la crise, que traverse le pays en moment. La Grèce a payé, selon le ministre des Finances de l'époque, 80 % du coût initial des JO. Le reste a été réglé en partie par le comité d'organisation. L'extension du métro d'Athènes a coûté 1,6 milliard d'euros, dont la moitié a été prise en charge par les fonds structurels et de cohésion de l'Union européenne. Le tramway a pour sa part, coûté 350 millions d'euros également cofinancés à 50 % par l'UE, très impliquée aujourd'hui dans le plan de soutien global à la Grèce. Les Jeux Olympiques de 2004 ne peuvent être les seuls responsables de la crise que connait la Grèce. En revanche, l’utilisation des infrastructures a été peu ou pas planifiée au-delà de la cérémonie de clôture. b) Qatar 2022 Le projet du Qatar est unique en son genre. Nous ne pouvons que faire des suppositions et nous baser sur les propositions du pays pour tenter de l’analyser. Pour le moment, le projet comporte douze stades construits ou rénovés, une nouvelle ville, Lusail, un aéroport international, un port, un tramway, une ligne de métro et d’autres routes et autoroutes. Il est prévu de mettre en place un système de climatisation des stades, approvisionné par des panneaux solaires. L’organisation a annoncé vouloir utiliser le même système dans les centres d’entraînements des 32 sélections qualifiées, ainsi que dans les zones dédiées aux supporters. Nous pouvons légitimement nous interroger sur l’avenir de ces infrastructures. Sur les douze stades, le Doha Pot Stadium devrait être démonté et délocalisé dans un pays en développement. Projets de stades au Qatar pour la Coupe du monde de football 2022, Doha Port Stadium et Lusail Stadium Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 34 Le stade de la finale, le Lusail Stadium, en face de la nouvelle ville, pourra accueillir plus de 80000 personnes. Les autres stades seront en partie démontables. Des sections de tribunes seront, selon les propos des responsables du projet, modulables. Tous les stades auront une capacité d’au moins 40000 personnes, ce qui est une obligation si l’on veut respecter les critères de la FIFA. Dans un Etat aussi petit, les stades ne seront bien évidemment pas utilisés de manière optimale. Les dépenses ne sont pas un problème pour le Qatar. Cela entache la vision que l’on peut se faire du football. Le Qatar devrait profiter de cette opportunité, pour développer le sport local ou organiser d’autres compétitions internationales. 1.4) Les projets et mesures envisageables D’après les expériences passées, nous pensons que certaines mesures peuvent être envisagées dans l’organisation des futurs évènements sportifs mondiaux, afin de limiter les effets néfastes pour les pays et de maximiser les bénéfices sur les économies nationales. a) Organiser deux évènements majeurs à la suite La FIFA et le CIO pourraient s’entendre sur une sélection commune d’un pays/ville hôte. Nous nous sommes intéressés au Brésil, qui va organiser la Coupe du Monde en 2014 et les Jeux olympiques en 2016. Nous estimons, qu’il s’agit d’un choix judicieux et d’une opportunité très importante, pour développer l’économie brésilienne. Cela va permettre de prolonger la période de stimulation économique. Nous avons vu que les retombées économiques pour les pays sont éphémères et fragiles. Les travaux et autres projets d’urbanisme ont déjà commencé. Des emplois ont été créés, des contrats avec des entreprises signés… Le fait d’avoir deux manifestations d’une telle ampleur va permettre de pérenniser les emplois sur une plus longue durée et donc de prolonger la hausse de distribution de revenus, dans l’économie locale. Les contrats avec les entreprises de BTP vont ainsi être signés sur au moins deux ans supplémentaires. Le Brésil va amortir ses coûts sur une période plus importante et mutualiser ses engagements financiers entre les deux évènements. Certaines des infrastructures construites pour la Coupe du Monde ont été pensées pour pouvoir être réutilisées pour les Jeux, ce qui va augmenter le taux d’utilisation et donc diminuer les frais. Le développement des réseaux de transports va servir aux deux manifestations. La baisse significative des frais globaux engendrés par ces évènements permettra au pays de générer davantage de bénéfices. Outre le grand intérêt pour le pays émergent, l’organisation de deux évènements majeurs à la suite, sert également les ONG, qui veulent s’assurer du bon déroulement et de l’image de leur évènement. Cela permettrait également aux grandes entreprises, d’avoir une vision à plus long terme sur leurs investissements, afin de s’installer durablement dans le pays. En dépit d’intérêts divergents auprès des institutions, une mutualisation des moyens devrait être considérée. b) Candidature associée entre pays Londres/Paris 2012 aurait pu être un projet cohérent et réalisable, tant les deux pays sont proches. Dans une Europe unie et en crise, cela permettrait de diviser les coûts liés à la construction des infrastructures. Les deux économies sont liées et elles auraient pu bénéficier de la stimulation engendrée par les deux évènements. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 35 D’un autre côté, cela divise également les retombées éventuelles. La Coupe du Monde de football pourrait également se dérouler dans deux pays différents, comme cela a pu se faire pendant l’Euro 2012 ou pour la Coupe du monde en Corée et au Japon. Les pays ont moins de stades à construire, limitant ainsi les frais et pourront se concentrer sur la maximisation des retombées économiques liées au tourisme. D’un point de vue stratégique, cela va permettre de développer de nouvelles alliances industrielles entre les pays en développant les réseaux autoroutiers et ferrés, afin de faciliter l’accès et les relations commerciales entre les deux pays. c) Faire participer les sponsors Les entreprises privées et les sponsors versent beaucoup d’argent, mais elles sont constamment en quête de visibilité et sont donc prêtes à verser davantage. Il serait crédible de voir un jour un évènement de cette ampleur « namer », comme peuvent l’être les stades ou des manifestations sportives internationales. Pourquoi pas un jour voir, la Coupe du Monde FIFA Coca Cola, l’UEFA Euro Mc Donald ? Les rentrées supplémentaires générées par la création d’un nouveau rang de partenariat seraient bénéfiques, pour le pays ou la ville en charge de l’organisation. Certains évoquent de faire entrer les sponsors dans l’arène olympique. Au vu des coûts exponentiels générés par l’organisation des jeux olympiques, nous sommes persuadés qu’un jour les sponsors seront visibles dans les enceintes olympiques. Cette vision est contradictoire avec les valeurs olympiques, mais pas dénuée de sens, si l’on tient compte des budgets et des frais engagés par les pays. De plus, il est possible qu’à terme, le nombre de candidats diminue, en raison des risques encourus par les villes hôtes. Par ailleurs, une marque a déjà entamé ce processus. Omega est présente sur le chronomètre officiel des Jeux. Une porte ouverte ? 3) L’organisation au détriment des équilibres écologiques 3.1) L’impact écologique des grands évènements Les événements sportifs internationaux sont de plus en plus grandioses et leurs impacts environnementaux sont donc susceptibles d’être toujours plus importants. Selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), les émissions de CO2 étaient de 1,18 million de tonnes lors des Jeux Olympiques de Pékin auxquelles il faut ajouter les répercussions en termes de déchets, de consommation d’eau qui ont obligatoirement des conséquences sociales. Une étude commandée à la société Sequovia par le gouvernement sud-africain, montre que la Coupe du Monde de football 2010 a engendré des dégâts neuf fois supérieurs pour l’environnement, que celle de 2006. Les transports, la construction (stades et infrastructures publiques), la consommation d’énergie liée aux matchs, l’hébergement des supporters ont émis au total 900 000 tonnes de CO2. 1,9 millions de tonnes de CO2 supplémentaires ont été émis par les avions empruntés par les fans pour rejoindre l’Afrique de Sud et retourner dans leur pays d’origine. Enfin, il est nécessaire de tenir compte de l’énergie nécessaire pour alimenter les téléviseurs des 93 millions de personnes qui ont suivi chacun des 64 matchs. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 36 D’un point de vue sociétal, les milliers d’emplois créés sont provisoires et payés avec des salaires misérables. Les vendeurs ambulants ont été exclus des abords des stades. Quant aux billets, ils restent trop chers pour la plupart des Sud-Africains, ce qui les exclut de cette compétition. Enfin, le contraste entre les stades ultra-modernes et les habitations voisines, dépourvues d’eau et d’électricité, est frappant. D’après une experte des droits de l’homme, 20 000 personnes auraient été délogées au Cap, à cause de la Coupe du monde. D’ores et déjà, les pouvoirs politiques s’interrogent sur l’utilisation à long terme des nouveaux équipements, surdimensionnés, et leur coût pour les populations locales. Un temps, en lice pour organiser un futur Grand Prix de Formule 1, l’Afrique du Sud est moins désireuse d’accueillir un nouvel évènement sportif sur ses terres. a) Une situation irréversible ? Le constat est là, mais les organisations et les autorités fédèrent leurs énergies pour lutter contre ces abus. La FIFA, le comité organisateur d’Afrique du Sud et la ville de Cape Town, se sont unis pour le programme «Green Goal 2010 ». L’initiative émane du Programme des Nations Unies pour l’environnement, associé au Fonds pour l’environnement mondial (FEM) et au Département des affaires environnementales du gouvernement d’Afrique du Sud. Elle comprend trois projets principaux : L’implantation de systèmes d’énergies renouvelables dans six villes accueillant la Coupe du monde ; une campagne de sensibilisation sur le tourisme vert ; un programme du PNUE pour compenser les émissions de carbone de onze des équipes de la Coupe du Monde Un million de dollar mis à disposition par le FEM a permis de soutenir un projet d’envergure qui comprendra : l’écologisation de lampadaires publics, de feux de circulation, et de panneaux publicitaires autour des stades de six villes, qui ont accueilli la Coupe du monde. Le concept des « passeports verts » vise à encourager les visiteurs à faire des choix responsables, lorsqu’ils visitent l’Afrique du Sud. Le «passeport» est un livret de 32 pages rempli de conseils et d’informations sur l’écologisation et le tourisme responsable dans chaque ville hôte ; distribué aux spectateurs. Le sport porte des valeurs de solidarité et d’éthique. Pour maximiser l’efficacité, organisateurs, sportifs et le public doivent les partager. b) Du côté des marques Puma donne l’exemple. Puma a décidé de réduire ses émissions de CO2, ses déchets et sa consommation d’eau et d’énergie, à hauteur de 25%. Il va aussi compenser les voyages de toutes les équipes de football qu’elle sponsorise, ainsi que tous les voyages de ses collaborateurs et leurs hébergements. Puma souhaite être l’entreprise de « sportlifestyle » la plus enviable et la plus durable. Pour cela, ils ont recueilli les E-KPI (Environnement – Keys Performance Indicators) Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 37 de tous leurs bureaux, entrepôts et magasins au cours des cinq dernières années afin de déterminer l’empreinte carbone de l’entreprise sur une base annuelle. Puma leur demande, quand c’est possible, d’utiliser l’électricité provenant de sources renouvelables. En juin 2011, Puma USA a installé plus de 30 000 m² de panneaux solaires sur les toits de son centre logistique à Los Angeles, pour une puissance de près de 2MW. Le siège social se fournit exclusivement en électricité renouvelable, grâce à ses panneaux photovoltaïques. Ainsi, en cumulant les effets des actions conjointes chez Puma Benelux et Royaume Uni, ceci a permis d’atteindre une part d’énergie renouvelable de 13%, dans la consommation électrique totale. Par ailleurs, avec le célèbre designer industriel Yves Béhar, Puma a mis au point le « Clever Little Bag », sac à chaussures réutilisable, pour remplacer la boîte à chaussures en carton. Moins d’emballage, signifie moins de matières premières, moins d’utilisation d’eau et d’énergie pour produire, mais aussi moins de poids à transporter et à éliminer. Dans la même logique, les tee-shirts de la marque seront pliés une fois de plus pour diminuer la taille des emballages. Nike prend des mesures. Les neuf équipes engagées dans la compétition de la Coupe du Monde en 2010 ont porté des maillots fabriqués à partir de bouteilles en plastique recyclées. Cette nouvelle méthode de fabrication, avec le polyester recyclé, a permis d’éviter la mise en décharge de près de 13 millions de bouteilles en plastique. Une économie équivalente à près de 254 000 kg de déchets de polyester. Ces actions offrent aux marques, la possibilité de communiquer différemment et de montrer au grand public, que leur intérêt n’est pas uniquement financier. Ils se sentent aussi impliqués dans la sauvegarde de l’environnement. Le stade Moses Mabhida de Durban a aussi réalisé de nombreuses actions « vertes ». Cette enceinte ouverte et surmontée par une arche, réussit la performance d’une réduction de 30 % de son empreinte écologique. De plus, un ingénieux système de recyclage de l’eau a été mis en place avec l’installation de la récupération de l’eau de pluie, ce qui permet de réduire la consommation de 74 %. 3.2) Des mesures « durables » et intelligentes a) Des programmes à respecter En 2000 est née l’obligation pour toutes villes olympiques, d’organiser des jeux responsables et respectueux de l’environnement. Ainsi, en 2012, la flamme olympique parcours le monde grâce au butane. En prolongement de cette volonté, est né le programme « One Planet Living » de WWF. Ces derniers sont impliqués depuis 2004 dans la stratégie de développement durable des jeux pour une « One Planet Olympics ». Le cahier des charges fixe 76 objectifs, des transports à la logistique, en passant par la gestion des déchets, la restauration, les hébergements, les équipements sportifs ou encore le développement local. Les objectifs sont : zéro émission de CO2, aucune production de déchets, une gestion durable de l’eau et bien d’autres bonnes résolutions. A ce jour, près de 2 millions de tonnes de sols pollués ont été nettoyés et la plupart des visiteurs arriveront en transport public. Grâce à des technologies de pointe, des économies d’énergie seront Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 38 effectives dans certaines infrastructures. Les services de restauration, quant à eux, transformeront leurs déchets produits durant les jeux en compost ou en carburant. Julie Delcroix, chargée de programme urbanisme et habitat durables au WWF-France affirme que « comme tout grand évènement sportif, les J.O. ont une empreinte écologique énorme du fait de la consommation massive des visiteurs et de toutes les infrastructures spécialement construites pour les héberger. Cependant, ils peuvent aussi représenter une formidable opportunité, pour démontrer que des alternatives sont possibles pour vivre dans les limites des ressources naturelles de la planète en changeant nos modes de vie et de production, ainsi qu’en favorisant ici, à Londres, des quartiers mieux irrigués en transport en commun et avec plus de nature ». b) Le Brésil et la Coupe du monde de football Le Comité organisateur local (COL) de la Coupe du monde de football 2014 au Brésil a présenté sa stratégie pour faire un Mondial « durable », dans le cadre de Rio+20, lors de la Conférence de l'ONU, qui s’est déroulée en juin à Rio. L’objectif affiché par la FIFA et le Brésil est de créer un équilibre entre les contraintes économiques, le développement social et la protection de l'environnement, pour que ce Mondial soit le plus respectueux possible de l'environnement. La finale aura lieu au Maracana de Rio, le temple du football brésilien qui sera équipé, comme les autres, de systèmes de récupération et d’économie de l'eau. Le Brésil va connaitre une série de grands événements sportifs au Brésil, en commençant dans moins d'un an avec la Coupe des confédérations en 2013, puis le Mondial en 2014 et enfin les jeux Olympiques 2016. Treize milliards de dollars seront investis, uniquement dans les stades. Pour financer la construction de ces grandes structures, la Banque de développement économique et sociale (BNDES) exige un certificat écologique. Les solutions technologiques pour assurer la durabilité incluent, le recyclage des matériaux de construction dans des travaux publics, l'utilisation de l'eau de pluie pour les réservoirs et pour arroser les pelouses, l'énergie solaire et autres sources d'énergie renouvelable pour l'éclairage. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 39 La FIFA exige des stades « verts » pour les coupes du monde, en Russie en 2018 et au Qatar en 2022. Elle a également investi 20 millions de dollars, dans un programme d'inclusion sociale. 4) Ces grands évènements face à l’éthique des pays 4.1) Les limites de la réussite sportive Usain Bolt, l’un des plus grands athlètes de la planète, a encore marqué les esprits lors des derniers JO. Il a également contribué à la promotion de sa marque et quelque part de son pays. Malheureusement, les sportifs comme lui ne sont pas nombreux. La volonté des pays de briller sportivement peut parfois dégénérer. Les Jeux olympiques de Londres viennent de se terminer et la Chine a cédé sa première place, obtenue lors de ses olympiades à domicile, aux Etats-Unis. Le gouvernement communiste chinois, mettra vingt-neuf ans pour battre les Etats-Unis. De 32 médailles en 1984, la Chine passe à 58 lors des JO à Sydney, en 2000. En 2008, elle récolte 51 médailles d'or contre 36 pour les Etats-Unis. Au total elle aura amassé 100 distinctions, contre 110 pour les américains. La Chine a dû se doter de moyens à la hauteur de ses ambitions. D’après Bloomberg, le pays aurait investi près de 4,5 milliards de dollars dans le sport, au cours des dernières décennies. Le ministère des Sports chinois bénéficierait chaque année d'un budget de 117 millions de dollars. Obtenir un titre olympique prend un sens politique. D’ailleurs, les joueuses de badminton, qui ont avoué avoir perdu volontairement aux JO de Londres, ont été exclues sur le champ et ont dû faire des excuses publiques. Son système de détection hors-pair permet de sélectionner les meilleurs sportifs aux quatre coins du pays. Avec 1,34 milliard d'habitants, la Chine dispose du plus grand vivier d'athlètes au monde. Retenus dès leur plus jeune âge - parfois dès 3 ans - ces futurs champions sont formés dans l'une des 3 000 écoles de sport du pays. Avec un seul objectif : devenir un jour champion olympique. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 40 Deux jeunes chinois lors d'une session d'entrainement dans une école d'haltérophilie à Xiamen (Chine), le 11 juillet 2012. Autre particularité, les jeunes sont orientés vers les disciplines non pas en fonction de leurs préférences, mais de leur aptitude physique. Ye Shiwen, sacrée championne olympique du 400 m nage libre, confiait « que sa maîtresse d'école avait remarqué qu’elle avait de grandes mains, ce qui la prédisposait à une brillante carrière de nageuse ».Cette méthode permet à la Chine de se distinguer dans quasiment toutes les disciplines, mais n'est pas sans conséquence sur la vie des jeunes sportifs. D’éprouvantes séances d’entraînements dispensées à des enfants de cinq à six ans. Certaines victoires s’obtiennent, sur fond de polémiques. Ye Shiwen, âgée de 16 ans, a pulvérisé le record du monde du 400 m quatre nages, en 4'28''43. Un temps digne de ses homologues masculins. John Leonard, patron de l'Association mondial des entraîneurs de natation, a lâché au Guardian que les derniers 100 m de la nageuse chinoise lui rappelaient "de vieilles nageuses est-allemandes". Le CIO a rappelé que chaque médaillé olympique subissait un contrôle antidopage. 4.2) Des expropriations et des déséquilibres sociétaux accrus D’après le COHRE (Centre on Housing Rights and Evictions basé à Genève) 13 000 personnes auraient été expropriées par mois, dans le cadre de la préparation des Jeux Olympiques de Pékin. 1,25 millions au total. L’argent économisé dans les comptes publics sera affecté à la construction de logements pendant dix ans et a permis de loger 250 000 personnes à Johannesburg. Pretoria a préféré procéder à des expulsions massives à travers le pays, pour « embellir » la ville. En matière de sécurité, le gouvernement qui lutte pour réduire les 20 000 meurtres annuel, a dû employer les grands moyens, pour répondre aux conditions imposées par la FIFA. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 41 150 millions d’euros ont été investis pour garantir l’ordre public pendant la Coupe du Monde. 40 000 policiers ont été spécialement recrutés et formés, notamment par la gendarmerie française. Environ 200 000 gardiens de la paix sont mobilisés pour faire face à la criminalité et au hooliganisme et disposeront d’équipements exceptionnels, dont des caméras de surveillance disséminées dans tout le pays, un système de protection aux frontières, et même des sous-marins et des avions de chasse et quelques 420 000 agents de sécurité privés, présents sur tout le territoire. Une cinquantaine de tribunaux spéciaux, sous la houlette de plus de mille juges, avocats et clercs, ont été installés pour traiter les affaires, le plus rapidement possible. Ils fonctionneront sept jours sur sept, de 8h30 à 23 heures. Conclusion Les pays émergents se sont clairement positionnés comme candidats crédibles à l’organisation des grands évènements sportifs mondiaux. En quête d’une reconnaissance mondiale, l’on comprend parfaitement leur volonté de briller aux yeux du monde. Les enjeux et les perspectives de croissance sont importants pour ces pays. Dans un monde globalisé ou les économies sont interconnectées, l’impact sur le développement des pays est d’autant plus crucial. Les pays émergents ont les capacités financières pour assumer ces évènements, mais leurs économies sont fragiles et sujettes à controverses. En Chine, en Afrique du Sud ou encore au Brésil les inégalités sociales sont très importantes. Ces pays doivent prendre en compte les risques économiques et sociaux inhérents à l’organisation de grandes manifestations de cette ampleur. Ils affichent ouvertement leur volonté de se développer très rapidement et de se hisser sur le podium des nations les plus puissantes. Cependant ils doivent tenir compte de leur avenir et des enjeux planétaires actuels. Ils ont la possibilité de faire en sorte de maximiser les effets bénéfiques sur leur économie et sur l’ensemble de leur population. Les pays développés possèdent mois de marge de manœuvre pour profiter au maximum de l’impact de ces grands évènements, qui d’ailleurs semble moins important que pour les nations émergentes. D’un autre côté, les ONG ont également leur part de responsabilité. Elles doivent encadrer et épauler ces pays compte tenu des problématiques d’aujourd’hui et des erreurs commises par le passé par les anciens pays hôtes. Certaines candidatures, notamment celle du Qatar et le la Russie, ont été entachée par des affaires de corruption qui touchent les grandes ONG et les grandes firmes multinationales. L’on peut s’interroger sur la place du sport aujourd’hui derrière ces enjeux financiers. Récemment la FIFA, présumée coupable de malversations et son président Sepp Blatter sont fragilisés. Ils ont donc mis en place une nouvelle commission d’éthique, afin d’étudier les conditions d’attribution des dernières Coupes du Monde de football (Qatar et Russie). L’on peut légitimement s’inquiéter de la neutralité de cette commission, qui appartient et a été nommée par la FIFA. Le sport, notamment le football, est sujet à d’énormes pressions financières et politiques. Pour enrayer ou limiter le risque de corruption au sein de la FIFA ou du CIO il apparait primordial que ces dossiers soient confiés à des ONG neutres. La création d’une entité semblable au sein de l’ONU par exemple pourrait être une saine alternative. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 42 ANNEXES Nous avions entrepris la réalisation d’un questionnaire dans le cadre de notre mémoire que nous avons envoyé à certaines personnalités en lien avec ces grands évènements. Nous n’avons pas de réponse dans la plupart des cas. Ci-dessous le modèle de questionnaire que nous avons envoyé. 1. Quelle(s) sont, selon vous, la (les) raison(s) principale(s) qui motivent un Pays à candidater à l'organisation d'un événement sportif mondial ? 2. Que pensez-vous de la « sous-évaluation » des budgets des projets de candidature par rapport aux coûts réels finaux de l’organisation de l’événement (ex : JO Londres 2012, Sotchi 2014) ? Pensez-vous que les grandes institutions (FIFA, CIO,…) peuvent, à court ou moyen terme, manquer de candidats ? 3. A termes, est-ce qu’une candidature associant plusieurs pays (ex : Euro 2012 de Football) peut être une solution pour les grands événements mondiaux (JO, Coupes du Monde de Football) 4. Chine, Afrique du Sud, Qatar, Brésil, Russie : la puissance économique de ces « nouveaux » pays organisateurs peut-elle représenter un frein à la rotation des payshôtes ? 5. Que vous inspire le Qatar qui a fait du sport et de l'organisation d'événements mondiaux, sa stratégie de développement et de communication mondiale? 6. Quelles sont, d'après votre expérience, les facteurs-clés de succès, pour qu'un pays organisateur optimise les retombées économiques de l'organisation d'un grand événement mondial ? 7. Dans quelle mesure la population d’un pays-hôte bénéficie de l’organisation d’un événement de cette ampleur ? Pensez-vous que cela peut contribuer au développement socio-économique d’un pays (PIB par Habitant, croissance, éducation…) ? 8. Quel regard portez-vous sur la manière dont la Chine avait procédé à des expropriations massives, pour organiser les JO de Pékin 2008 ? 9. Le développement durable et les économies d’énergie sont des questions importantes aujourd’hui. Pensez-vous que les pays-hôtes respectent réellement les promesses faites dans le cadre de leur candidature ? D’une manière plus large, pensez-vous que les aspects environnementaux doivent être des critères de sélection primordiaux dans le choix du pays ? 10. Les grandes entreprises, sponsors de ces grands évènements ont-elles un poids dans la décision finale du choix du pays ? (L’ouverture à de nouveaux pays - Qatar, Brésil, Chine…- comme opportunité de développement international) Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 43 Ci-dessous le questionnaire envoyé à Monsieur René FASEL président de la Fédération internationale de hockey sur glace. 1. Quelle sont, selon-vous, la (les) raison(s) principale(s), qui pousse(nt) un pays à postuler à l'organisation d'un évènement sportif planétaire? Une volonté politique et/ou sportive (1 ou 2 personnes) est généralement à l’origine d’un projet ou d’une candidature. Pour les JO de Barcelone en 1992, qui restent dans les annales, Pasqual MARAGALL (alors dans son mandat de Maire) a joué un rôle éminemment important. 2. Lors de l’élection de Sotchi en 2007, le budget annoncé était de 8,5Mds de $. Cet article http://www.lepoint.fr/monde/sotchi-les-jeux-les-plus-couteux-de-l-histoire-05-06-20121469644_24.php fait mention de 35Mds de $, ce qui deviendraient les jeux les plus chers de l'histoire. Londres a connu la même problématique, tant les matériaux de construction se sont renchéris depuis le début de la crise. Pensez-vous que le CIO puisse, à court ou moyen terme, manquer de candidats? Vu que le choix d’une ville se fait sept années avant l’organisation des jeux, il est très difficile d’anticiper les coûts réels des matériaux. Pour autant Monsieur Fasel ne pense pas que les instances manqueront de candidats dans le moyen terme. Les JO ont un écho planétaire et une compagne de promotion pour la ville ou le pays coûterait bien plus chère que les infrastructures. 3. Que vous inspire le Qatar, qui a fait du sport et de l'organisation d'évènements mondiaux, sa stratégie de visibilité mondiale? Monsieur Fasel est impressionné par les prouesses architecturales des pays, du MoyenOrient, que ce soit le Qatar, Bahrein ou l’Arabie Saoudie. Il avait assisté aux Jeux d’Asie en 2006 et il comprend le besoin ou la volonté du Monde Arabe, de pouvoir un jour organiser les jeux olympiques d’été. Il estime cela légitime. 4. La redistribution de richesses : pensez-vous qu’il soit utopique, que toute la population puisse bénéficier de retombées économiques, grâce à l'organisation d'un évènement sportif? (ex Mondial FIFA 2010 en Afrique du Sud) Monsieur Fasel estime qu’il y a forcément deux sentiments qui prédominent. Les personnes qui bénéficient de l’évènement et celles qui se sentent lésées. Pour le peuple Africain ce fut un succès et une grande fierté de pouvoir organiser le premier Mondial sur le sol africain. 5. Quelles sont, au vu de votre expérience, les clés pour que l'organisation d'un évènement soit un succès économique pour le pays organisateur? Malgré les nombreux outils de mesure, il est difficile de pouvoir s’y fier. Les cabinets d’audits apprécient le nombre de touristes venu pour l’évènement, le montant de leurs dépenses, les investisseurs potentiels…il est plus prudent de certifier que la visibilité que bénéficie le pays et la ville, grâce à son exposition médiatique n’a pas de valeur. Toutefois Londres a réussi ses jeux, avec des transports performants, un hébergement haut de gamme pour les athlètes et les touristes et une organisation irréprochable. 6. Le développement durable et la protection de notre planète est une préoccupation quotidienne. Pensez-vous que Pékin, l'Afrique du Sud ou Sotchi y soient sensibilisés? Il faut que ce soit une préoccupation permanente pour les organisateurs. Monsieur Fasel a cité l’exemple de la patinoire de Lillehammer. Cette ville qui compte 25 000 habitants et qui a été équipée d’une patinoire d’une capacité de 15 000 places, pour accueillir les Jeux d’hiver Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 44 en 1994. Les gouvernants des instances non-gouvernementales doivent prendre leurs responsabilités, pour éviter la construction d’éléphants blancs. Londres a montré la voie, en bâtissant des structures démontables et réutilisables. Dans le projet de Sotchi, une seule voie de train a été construite pour éviter de surcharger. D’un autre côté, il faut aussi éviter le terrorisme vert. 7. Comment s’opère le choix, du ou des pays organisateurs, du Championnat du Monde pour l’IIHF? Le choix se fait lors d’un Congrès avec un tournus entre plusieurs pays membres de l’IIHF. 8. La Slovaquie a-t-elle pu attirer des nouveaux investisseurs étrangers, grâce aux travaux de la patinoire de Kosice? Avez-vous, en votre qualité de Président, un droit de regard sur les partenaires économiques choisis par le Comité d'organisation? Le marché pour la construction ou la rénovation d’une patinoire n’est pas de taille critique à susciter l’intérêt de grands Groupes comme Bouygues ou Vinci. L’IIHF est en relation avec un Comité d’organisation local, qui lui, gère les appels d’offre et coordonne les travaux. 9. L'IIHF ou le Comité d'organisation du Championnat du Monde a-t-il noué des accords particuliers avec des marques de sport internationales? Si oui, lesquelles? Oui avec Nike depuis 1996. Ces derniers n’ont pas une forte visibilité aux jeux d’hiver, vu leur gamme restreinte de produits pour les sports d’hiver. 10. Les patinoires n’échappent pas à la mode du "naming", comme c'est fréquent pour les stades de football? Cette tendance s’applique aussi pour de nombreuses patinoires. Dans le cas du CIO, si les partenaires officiels sont différents de ceux déjà établis dans certains clubs, des clauses prévoient la possibilité d’abandonner le nom pendant une manifestation. 11. Les soupçons de corruption (à nouveau lors de l'EURO 2012™). Quelles seraient vos propositions, pour lutter encore plus activement contre ce fléau, qui terni l’image du sport ? La corruption est un fléau que ce soit dans les mondes économiques, politiques ou sportifs. Il faut que les instances concernées fassent preuve de vigilance. Quant au choix des pays organisateurs, le risque est plus important pour des compétitions qui ont lieu tous les 4 ans, par rapport aux Championnats du Monde de hockey, qui se déroulent tous les ans. 12. Avez-vous déjà mandaté des études, pour évaluer les retombées économiques, post-Championnat du Monde? Non, à ce jour, Monsieur Fasel n’a jamais mandaté une telle étude. Le budget d’un Championnat du Monde oscille entre 15 et 20M€ (budget des opérations qui comprend l’hôtellerie, la restauration, le service d’ordre etc, mais ne comprend pas l’infrastructure). Une ville candidate est toujours porteuse d’un projet de rénovation et/ou de construction d’une nouvelle patinoire. Ceci génère forcément des retombées économiques localement. Par ailleurs, l’audience télévisuelle cumulée pour le dernier Championnat du Monde en Suède / Finlande est de l’ordre de 800 millions à 1 milliard de téléspectateurs cumulés. Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 45 Bibliographie Ouvrages et articles - J.O. politiques, Pascal Boniface, 2012 - La mondialisation économique du sport, Wladimir Andreff, 2012 - Qatar, Syrie et les JO : enjeux diplomatiques http://leplus.nouvelobs.com/contribution/600000-la-syrie-et-le-qatar-a-londres-quand-les-jodeviennent-un-enjeu-diplomatique.html - JO de Sydney http://www.olympic.org/news/sydney-2000-un-heritage-olympique-digne-d-eloges/167971 - Siemens au Qatar http://www.usinenouvelle.com/article/siemens-va-construire-un-tramway-de-11-km-auqatar.N179607 - Impact des Jo de Londres http://www.lecho.be/actualite/economie_politique_economie/Peu_d_impact_des_JO_sur_l_economi e_britannique.9189269-3168.art?ckc=1 - Impact économique des JO de Pékin http://www.lefigaro.fr/economie/2008/08/19/04001-20080819ARTFIG00282-les-jeux-olympiquespesent-deja-sur-l-economie-chinoise-.php - JO de Londres et rénovation du pays http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/environnement-securite-energiethematique_191/londres-mise-sur-des-renovations-exorbitantes-en-vue-des-jo-article_74447/ - Jo de Londres et sortie de crise http://lexpansion.lexpress.fr/economie/les-jeux-olympiques-peuvent-ils-sortir-la-grande-bretagne-dela-crise_295499.html - La Coupe du monde de football au Qatar http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Le-qatar-fait-sauter-la-banque/296216 Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 46 - Grèce, JO et crise économique http://economie.lefigaro.fr/_conjoncture/grece-difficulte-jeux-olympiques.html - Londres et les JO http://www.lemonde.fr/jeux-olympiques/article/2012/08/13/des-jeux-au-bilan-economiqueincertain_1745566_1616891.html - Londres et les JO http://www.contrepoints.org/2012/08/03/92543-le-grand-perdant-des-jeux-olympiques-lecontribuable-britannique - Impact écologique de la Coupe du Monde http://www.goodplanet.info/Contenu/Points-de-vues/Coupe-du-monde-de-foot-carton-rougeecologique/(theme)/269 - La crise grecque et les JO http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/02/17/04016-20100217ARTFIG00568-la-crise-grecque-etles-jeux-olympiques-.php - Les grands évènements sportifs au Brésil http://www.courrierinternational.com/article/2011/06/14/le-cote-sombre-du-bresil - Les JO de Pékin http://view.digipage.net/?userpath=00000001/00000004/00040592/ Sites de références - http://www.sports.gouv.fr/index/ - http://www.imf.org/external/french/ - http://fr.fifa.com/ - http://www.olympic.org/fr/ - http://www.olympic.org/sydney-2000-summer-olympics Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 47 - http://www.olympic.org/athens-2004-summer-olympics - http://www.cies.ch/fr/accueil/ - http://www.courrierinternational.com/ - http://www.sportbusiness.com/ Quel est l’intérêt d’organiser ces grands évènements dans les pays émergents ? 48