Communication Publicitaire et Audiovisuelle Ecole de Journalisme

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Communication Publicitaire et Audiovisuelle Ecole de Journalisme
Communication Publicitaire et Audiovisuelle
Ecole de Journalisme et de Communication de Marseille
Année 2005/2006
Dossier présenté par
Patrick Jaluzot, David Sauris et Renaud Tourtet
Master 2
MUSIQUE ET PUBLICITE
Fonction esthétique : La musique, un vecteur d’émotions.
•
Musique empathique et musique anempathique.
•
Les différentes fonctions de la musique.
Identité musicale et sonore : l’hymne à la marque !
•
La charte musicale et sonore.
•
Les processus d’élaboration d’un logo sonore et musicale.
Le rapport artiste/publicité
•
La publicité à la télévision : un milieu très fermé !
•
La pub : un formidable support de diffusion (ou comment l’artiste se sert de la pub ?)
•
Comment la pub se sert de l’artiste ?
•
Mais quelle mouche a donc piqué les publicitaires pour faire appel aux groupes de
rock limite « trash » ?
Depuis des siècles musique et publicité ont toujours été étroitement liées. Des cris des
marchands ambulants du XIIIe siècle aux spots télévisuels actuels en passant par la première
chanson publicitaire de 1718 jusqu’au début de la radio dans les années 1920, la musique a
toujours joué un rôle prépondérant dans la transmission d’un message publicitaire.
Avec l’avènement de la télévision introduisant les premiers spots en 1963, la publicité
revêt une quadruple dimension associant texte, sons réels, image et musique. Simple
accompagnement de l’image à ses débuts, la musique dans la publicité a pris de l’importance
dès les années 1970. La constante recherche de performances cinématographiques a conduit
les réalisateurs de spots publicitaires à y introduire des musiques fortes aux risques de fausser
le message.
Il a fallu attendre les années 1980 pour que la musique soit incorporée dans la
publicité de manière cohérente. Dès lors de nombreuses études se sont penchées sur la valeur
de la musique dans la transmission d’un message. En contradiction, les résultats de ces
recherches montrent toute la complexité et l’importance que la musique tient dans la publicité.
Bien utilisée, en adéquation avec le message, l’utilisation de la musique en publicité
contribue à une meilleure mémorisation du message (Yalch, 1991 et Gorn, 19821). Partant de
ce constat, plusieurs annonceurs exploitent ce secteur trop longtemps jugé secondaire. Chaque
grande marque, entreprise ou service prennent ainsi la mesure de l’importance du rôle que
joue la musique dans leur façon de communiquer et poussent des recherches dans ce domaine.
Attachés à capter l’attention du consommateur, les annonceurs redoublent de moyens
en suscitant l’intérêt du téléspectateur aux travers de ses sens. Associée à l’image, le travail
sur la musique s’inscrit dans la stratégie de communication comme un élément déterminant.
L’actuelle omniprésence de la musique dans les publicités télévisuelles démontre de
l’importance de cet outil de communication.
1
Yalch R.F (1991), “Memory in Jingle Jungle : Music as a Mnemonic Device in Communicating Advertising Slogan”, Journal of Applied
Psychology, n°76, 2, pp. 268-275.
Une des principales fonctions de la musique en publicité est sa valeur émotionnelle.
Appréciation subjective, l’émotion que véhicule une musique conditionne la façon dont le
téléspectateur va recevoir le message. L’esthétisme du spot publicitaire dépend ainsi de
l’image et du son. En jouant sur ces deux tableaux, l’annonceur peut modeler le message qu’il
souhaite faire passer.
L’autre fonction majeure de la musique dans la publicité est son rôle dans la
construction d’une identité d’une marque, d’une entreprise ou d’un produit. De plus en plus,
ces dernières se dotent d’une sorte d’hymne dont le but est de marquer les esprits des
consommateurs. Au même titre qu’un logo, une empreinte sonore s’inscrit actuellement dans
la stratégie de communication d’une entreprise. Ce logo sonore résulte de différents processus
où l’artiste musicien tient une place importante.
Les entreprises et les annonceurs doivent établir une relation très étroite avec les
artistes dont ils utilisent la musique. Le choix d’un morceau ou la commande d’un autre
influent sur le devenir de ces deux protagonistes que sont musiciens et annonceurs.
Le but de cette étude est de mettre la lumière sur certains de ces points, en
s’interrogeant sur les procédés sémantiques qui dirigent la conception ou le choix de musiques
publicitaires et les causes que cela entraînent.
I - Fonction esthétique : La musique, un vecteur d’émotions.
La musique fait désormais partie intégrante de la publicité télévisuelle. Elle est
présente dans la plupart des spots publicitaires auxquels elle donne toute leur ampleur et toute
leur efficacité (en 1994 déjà 90% des spots publicitaires comprennent de la musique2).
Vecteur d’émotions, elle a pour mission d’interpeller, de happer, d’accrocher le
téléspectateur en le faisant vibrer, rêver, rire, peut être pleurer en tout cas, ne pas le laisser
indifférent.
Utiliser pour entretenir l’image d’un produit ou parfois pour la casser et lui donner une
tout autre dimension, la musique va alors remplir de nombreuses fonctions dont le but
commun est de valoriser un produit, une marque ou une idée.
A) Musique empathique et musique anempathique
1) La musique empathique :
Une musique empathique signifie que celle ci participe directement à l’émotion de la
situation montrée. Par exemple si une scène est triste, la musique aura un ton, un rythme en
accord avec les codes culturels de la tristesse. Il en va de même pour la gaieté, la colère ou
encore le dynamisme, qui n’est pas à proprement dit une émotion, mais plutôt un état d’esprit.
Etant donné que la très grande majorité des publicités (si ce n’est la totalité) utilise une
musique en accord avec la scène qui se déroule sous nos yeux, nous allons développer plus
longuement ce concept au détriment de celui d’anempathie très rarement utilisé (une musique
en désaccord avec l’image).
Nous allons également évoquer deux cas de figure de musique de publicité
empathique :
Lorsque la musique et l’image sont en harmonie avec le produit et/ou la marque.
Lorsque la musique et l’image sont décalées par rapport au produit et/ou à la marque.
2
Korn D. (1994) « Musique et publicité : love story », Keyboards Magazine, n°73, p 20-26.
• La musique, l’image et le produit vont dans le même sens :
Dans ce cas de figure, les trois éléments de la publicité sont en accord, en harmonie :
le son, l’image et l’image de marque (c’est à dire l’idée que ce fait le consommateur du
produit, ce qu’il évoque dans son imaginaire). Pour exemple, une banque, pour la majorité des
gens sera associée à une image négative. Peu de personne porte leur banque ou leur banquier
dans leur cœur. On s’en fait l’idée d’un voleur, d’un racketteur à la solde des gens aisés et
sans aucune pitié. Par contre, si l’on évoque des pattes, le consommateur pensera à la cuisine,
la convivialité, l’Italie, bref, que des images positives ou du moins neutres.
Nous allons donc voir dans cette partie le cas des marques qui associent à leurs spots
publicitaires une musique en parfait accord avec leur image de marque.
Si le produit ne souffre pas d’une mauvaise image, si le consommateur n’a pas d’a
priori ou n’a pas de rancœur particulière contre celui-ci, alors la musique, les images, le
produit iront tous dans le même sens. Ce genre de produit sera plus souvent un produit
alimentaire ou de consommation courante, par exemple, car on peut avoir de la rancoeur
contre son banquier qui nous a refusé un crédit ou contre la SNCF qui nous a fait rater un
rendez vous, mais que peut-on reprocher à un biscuit ou un yaourt ? Rien de personnel en tous
cas.
La pub et la communication pour ces produits sera donc beaucoup plus simple, limite
banale avec souvent peu de créativité et des concepts simples à retenir. Ainsi, pour les pattes
Buitonni, le décors est simple : un repas familial dans le jardin, des italiens et une musique de
Paolo Comte. Tous ça bien sûr dans la joie, la simplicité et la bonne humeur. Une chanson
italienne pour des pâtes italiennes, c’est logique et efficace.
Autre exemple, la pub pour les biscuit Pim’s qui sont présentés comme des biscuits
anglais et par conséquent raffinés. Le décor est du même acabit : des anglais dans un jardin
qui boivent le thé et dégustent des Pim’s avec des chants d’oiseaux en fond sonore. Autre
exemple, Canal Sat nous propose une musique aux sonorités orientales égyptiennes pour une
pub qui vante ses programmes sur l’Egypte Ancienne et les pharaons. Un des cas les plus
récurent est celui des lessives ou des savons. Ici, il n’est pas rare d’entendre en fond sonore le
champ des cigales pour un produit contenant de la lavande ou encore une musique qui évoque
le sud et le soleil.
Pour bon nombre de produits, la musique n’a qu’un rôle secondaire, un rôle dit
décoratif puisqu’elle se confond avec les images et avec le produit. Ces trois éléments ne
forment qu’un, allant dans la même direction. Ici, on cherche à conforter le consommateur, on
lui donne ce qu’il attend, ce qui est logique. Ce qui est totalement différent du rôle de casseur
d’image que l’on peut essayer de donner à la musique.
• La musique et l’image ne correspondent pas à l’identité du produit :
La musique dans un spot publicitaire peut avoir pour but de « casser » l’image d’un
produit lorsque celle-ci est plutôt négative ou vieillotte. Ainsi, une banque ou un assureur va
vouloir casser cette image d’escroc ou de voleur qui lui colle à la peau et se défaire de la
méfiance que lui porte les classes populaires et les petits budgets. On remarquera que bon
nombre de ces groupes communiquent par l’intermédiaire de chansons populaires françaises,
connues, appréciées et souvent joyeuses et donc familières.
Définition du banquier :
« Personne qui serait d'accord pour vous consentir un prêt à la condition que
vous lui apportiez la preuve que vous n'en avez pas besoin. »
Par exemple, en 2000, l’assureur AG2R utilisait dans son spot pour les assurances vie
la célèbre chanson de Gérard Lenorman « La balade des gens heureux ». Sans doute une façon
de dédramatiser le produit que l’on associe à la mort avec une musique gaie et également un
moyen de rassembler autour d’un des morceaux de variété française les plus célèbres. Dans le
même registre mais cette fois ci du coté de la naissance, la publicité des assurances Aviva
(dans une maternité, pour calmer des nouveaux nés qui pleurent à gorge déployée, une
infirmière leur lit les avantages d'être chez l'assureur). Un hymne à la vie en fond sonore avec
le « tube » de Michel Fugain « Viva la vida ». Le but est de susciter la joie et le bonheur chez
le téléspectateur ou du moins de la sympathie.
Un autre exemple mais cette fois-ci dans un registre musical différent, le cas de la
Banque Populaire qui utilise dans son spot télé la superbe et célèbre chanson « Free » de
Stevie Wonder. Le concept de liberté et d’envol n’allant pas vraiment de pair avec la
représentation rigide que l’on se fait de sa banque. Il y’a là une totale opposition entre le
produit, une banque, et le son, un hymne à la liberté.
Dans le même registre, nous avons le journal Le Figaro qui tente une modernisation,
tant au niveau de la forme que du fond. Car il est évident que le journal souffre de son image
de dinosaure de la presse écrite perçu par beaucoup comme un vieux journal de droite limite
vielle France. Bref, tout sauf la modernité. Et là, apparaît sur nos écran une très belle pub, qui
recèle des thèmes comme l’audace, la rébellion
et l’ouverture d’esprit. Le clip est un
diaporama d’images fortes, de paix, de tolérance tel que la rencontre d’un supporter de
football américain avec un supporter iranien lors de la coupe du monde ou une franche
rigolade entre Bill Clinton et Boris Eltsine. La musique qui accompagne le spot va tout à fait
dans le sens des images avec la très émouvante chanson du groupe Vénus « Beautiful day »
avec le refrain « Beautiful days/ In a magical place /A new dream is born » Un rêve est donc
né et il s’appelle Le Figaro avec comme slogan « Le Figaro s’ouvre tous les jours ». La pub
est réussie, des images fortes, une musique prenante et émouvante. Le public est sans aucun
doute conquis mais le fossé qu’il y’a entre l’ancien et le nouveau Figaro est tellement gros
que l’on peine à y croire. Mais peut être fallait-il quelque chose d’aussi puissant pour se
défaire d’une image vieillissante.
Avant :
Après :
Dernier exemple en date, et pas des moindres, celui de Total. Leur dernier spot met en
scène un ingénieur en pleine tempête au Pôle Nord en train de travailler pour le groupe et en
l’occurrence pour nous, ce que tient vraiment à souligner Total. Car en effet, on voit à l’écran
l’image divisée en deux ; Avec en haut, ce fameux ingénieur travaillant à moins 40 et en bas,
une femme suivi tout au long de sa journée, en train d’utiliser l’énergie comme l’eau ou le
gaz . Elle, elle est au chaud, bien tranquillement à la maison avec tout le confort dont elle a
besoin à disposition et lui, Mr Total, en train de se geler et tout ça pour nous (une belle bande
de fainéant).
Evidement, la musique est là pour en remettre une couche. Le titre, « Anything for
you » va dans le sens du message, en gros : on est là pour vous, on ferait n’importe quoi pour
vous. Une superbe pub là encore, un peu dans le même esprit que celui du Figaro. Total veut
susciter chez nous des sentiments comme la sécurité, le bien être ou le confort.
Le problème est qu’ici encore, l’image de marque de Total n’est pas vraiment et même
pas du tout en harmonie avec ce spot. D’ailleurs, si le groupe a mis le paquet dans cette pub
c’est qu’il en est bien conscient car personnellement, la seule évocation de Total me renvoie à
une image de pollueur responsable entre autre du naufrage de l’Erika.
Dans un autre genre la musique va avoir pour but de donner à un message grave un ton
humoristique. La scène est drôle, la musique en parfaite harmonie avec celle-ci. Un exemple
est cette pub anglaise où l’on voit un jeune sortir de boite complètement ivre en importunant
tout le monde. Ce dernier va uriner contre un mur, son urine va couler jusqu’à la route où
quelqu’un va jeter une allumette et embraser le jeune homme. La musique est festive, drôle
même et donne un ton décalé au message qui est portant « faites attention avec l’alcool ».
Le sujet est sérieux mais la pub est humoristique. C’est un moyen efficace de faire
passer le message chez les jeunes qui vont aimer la pub alors que faire un spot classique et
dramatisant aura pour effet de peut être moins capter leur attention.
La musique a ici le rôle de donner une autre dimension au produit, le rôle de faire
oublier au consommateur la mauvaise image qu’il en a. La musique se veut être le reflet de
l’état d’esprit d’une marque. Cependant son efficacité reste à prouver car on a parfois du mal
à croire en leur sincérité et leur nouvelle ligne de conduite mais comme l’ont dit Les Inconnus
« Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons mais il ne faut pas oublier qu’ils le sont ».
De telles campagnes de publicité dont le but est de redorer l’image d’un groupe ou d’une
marque auront sans doute besoin de plusieurs années avant d’obtenir une partie de l’effet
escompté.
2) La musique anempathique :
Au sens premier, la musique devient anempathique dès l’instant où elle affiche une
totale indifférence ou une certaine distance par rapport à la scène donnée à voir. Il va de soi
que ce type d’accompagnement sonore a également une fonction bien définie qui est de
renforcer l’émotion. Dans ce cas de figure, la scène (l’image) sera en accord avec le produit
ou l’idée que l’on veut nous vendre, nous faire passer mais la musique, elle, marquera une
coupure et se montrera tout à fait décalée par rapport aux deux autres composantes (l’image et
le produit/l’idée).
Cependant, il est très rare de voir ce genre de publicités sur nos écrans car il est
évident que les marques ont une communication assez classique dans leurs spots télé.
J’entends par là que malgré la créativité et l’originalité de certains d’entre eux, les marques
évitent de choquer ou de trop bousculer le consommateur pour ne pas le heurter ou plus
simplement pour ne pas qu’il s’y perde et qu’il ne comprenne pas le message que l’on veut lui
faire passer.
Une des rares publicités à utiliser une musique en opposition avec les images et le
message à faire passer est celle lancée conjointement par le ministère de la Santé et l’Institut
national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). On y voit un malade dans sa
chambre d’hôpital en train d’effectuer les gestes de la vie quotidienne avec difficulté. Un
corps fatigué, des perfusions, bref, l’enfer de la maladie et de tout ce qui en découle comme
traitement. Un spot publicitaire dont le slogan est « Alcool, votre corps se souvient de tout ».
Et là, pas de musique triste pour souligner le coté dramatique de la situation mais tout
au contraire, une musique plutôt gaie, ironique même. Une musique en total décalage pour
amplifier la gravité de la situation. Cette technique est d’ailleurs souvent employée au cinéma.
Par exemple, mais pas tout à fait dans le même style, dans une des scènes du film de Quentin
Tarantino « Réservoir dogs » où l’on assiste à une scène de sadisme et de torture avec pour
fond sonore « Stuck in the middle with you » des Stealers Wheel, un rock entraînant et
complètement débridé.
Reservoir Dog de Quentin Tarantino (1992)
Autre exemple, la publicité de la Sécurité Routière diffusée au cours de l’année 1999.
Le concept : une chanson gaie sur des images d’accidents de la route réels. La musique est de
Georges Guétarie et son titre, « La route fleurie » parle de lui même. Ce fut une première dans
le genre en France
où jusqu’à présent les publicités sur des sujets graves comme la
prévention routière étaient traités de façon somme toute assez classique. Ce genre de pub est
directement inspiré du model anglais bien connu pour son humour noir et sa dérision. En tout
cas, quoique l’on pense de cette publicité, choqué ou « charmé », ce qui est sûr, c’est qu’elle
ne laissa personne indifférent lors de sa sortie et qu’elle alimenta les débats pendant quelques
temps.
Ce genre de spot, qui propose donc une musique en total décalage par rapport aux
images est utilisé de plus en plus souvent pour des campagnes sur l’alcoolisme, la drogue ou
la sécurité routière et il semble évident que cela rend le message beaucoup plus fort et plus
percutant. Et si il choque, c’est tant mieux car c’est aussi une façon d’interpeller et de
sensibiliser les gens.
B) Les différentes fonctions de la musique
Après avoir vu si la musique d’une publicité doit aller dans le sens de l’image de la
marque ou contredire cette image, nous allons voir quelles sont les différentes fonctions de la
musique dans l’émotion qu’elle cherche à susciter chez le consommateur
1) La fonction affective :
La musique met en jeu l’affectif de l’individu par rapport à la musique elle même ou à
un timbre de voix qui chante. Un transfert d’émotions étant souhaité entre la musique et la
marque.
Ce type de musique va en général être souvent utilisé par les produits de luxe. Ou du
moins, des produits que l’on achète exceptionnellement, à cause de leur prix et de leur durée
de vie. Ces produits font donc l’objet chez la plupart des gens d’un choix mûrement réfléchit.
Ce n’est pas comme si l’on acheté un pot de confiture ou un déodorant. Il va s’agir de produits
tels les voitures ou le matériel hi-fi ou vidéo haut de gamme. En effet, une voiture ou une télé
doit nous faire rêver, nous donner des sensations d’évasion, de liberté ou de modernisme. La
musique choisie sera donc une musique qui transmettra ce genre d’émotion. Inutile de
préciser qu’un annonceur ne choisira pas une chanson de Claude François ou de Johnny pour
vendre sa Mercedes CLK ou son écran plasma de 1 mettre de diamètre.
Ainsi, lorsque Peugeot utilise une chanson de Sinatra pour promouvoir sa 206, elle
recherche l’émotion par le timbre de la voix. Sinatra, c’est la classe, le gentleman, l’homme
dans toute sa splendeur. Quand Mercedes utilise dans l’un de ses spots une composition de
Mozart, c’est pour donner toute sa dimension au luxe qu’incarne le produit. Car il est courant
d’associer le luxe à la musique classique, les deux allant de pairs et ayant pour but de stimuler
l‘achat et de donner envie de consommer.
Un autre style de musique souvent utilisé pour ce type de produit est la musique
électronique. Non pas de la techno violente mais des mélodies modernes aux sonorités
apaisantes comme le jazz (l’electro-jazz). Ainsi, Fiat utilise une musique electro-jazz
apaisante et rassurante pour promouvoir sa dernière berline. Autre exemple, celui de Renault
qui met en scène une musique de Moby qui nous donne un sentiment de quiétude, d’évasion,
limite planant pour un spot pour la Velsatis. On voit ainsi dans ce spot la voiture rouler sur la
lune, ce qui renforce ce sentiment. Ce genre de musique, electro ou classique nous procure
ainsi des sensations de liberté et d’évasion. Des concept que la marque veut associer à on
produit à juste titre.
Un autre genre est celui de la musique empreinte d’une profonde émotion et qui va
toucher le téléspectateur au plus profond de lui. Un exemple des plus frappant est celui d’une
publicité estonienne sur la prévention routière. On y voit une voiture avec quatre jeunes à
bord encastrés dans un arbre aux abords d’une route déserte en pleine nuit. Les âmes des
jeunes sont en train de sortir des corps morts avec en fond une musique religieuse dans le
genre « Avé Maria » très prenante et chargée d’émotion.
2) La fonction démarcative :
La musique permet de se démarquer du contexte situationnel global dans lequel se
trouve l’individu en attirant son attention vers le message à proprement dit.
Ici, la marque a donc un message à nous faire passer. Un message qui est souvent en
contradiction avec l’image de marque du produit. Ce cas recoupe la fonction que nous avons
vue précédemment et qui consiste à casser la mauvaise image d’une marque. Ainsi, comme
l’image n’est pas très bonne, on ne va pas s’attarder sur le produit en lui même mais plutôt
vers un message qui a pour but de nous aider à nous défaire de l’image parfois péjorative que
l’on a du produit.
Pour revenir à ce qu’on a dit, quand le Figaro utilise la chanson « Beautiful day » avec
comme slogan « Le Figaro s’ouvre tous les jours », sous entendu ouverture d’esprit et
modernité, c’est dans le but de nous associer à un état d’esprit et non au produit proprement
dit. Le concept est beaucoup plus large et beaucoup plus rassembleur. C‘est un peu un
trompe-l’œil. Idem pour Total qui avec sa musique « on fait tout pour vous, on est à votre
service » va avoir pour but de détourner l’individu de l’image de du naufrage de l’Erika, par
exemple, pour attirer son attention vers des valeurs prônant la solidarité et l’entre aide. Très
astucieux.
3) La fonction implicative :
Elle résulte de l’utilisation de thèmes musicaux connus de la cible, et vise
certainement à faciliter la mémorisation du message par la cible.
Lorsque une marque fait ce choix, elle ne prend aucun risque de communication. Elle
mise sur des valeurs sûres de la chanson, en général des chansons populaires françaises que
tout le monde connaît par cœur. C’est une stratégie un peu simple et peu risquée mais elle a le
mérite d’être efficace car elle accroche le consommateur immédiatement du fait que la
sonorité qu’il va entendre est stockée quelque part dans son cerveau et qu’il va pouvoir y
associer la marque. Le produit bénéficie ainsi d’un double impact : lors de son passage télé et
à chaque fois que sa chanson passera à la radio.
Le dernier exemple le plus flagrant est celui du Crédit Agricole qui casse un peu
l’image rigide et impopulaire que peut avoir une banque. Dans une série de 3 spots, on y voit
un conseiller financier chanter en play back sur le tube de Claude François « ça s’en va et ça
revient » ou sur le célèbre « fais comme l’oiseau » de Michel Fugain. D’ailleurs, à la fin du
spot, on voit le client sortir de la banque très satisfait en chantonnant à nouveau cet air
populaire. La banque devient alors populaire avec un capital sympathie créé de toute pièce.
Un autre exemple, mais tout à fait différent est celui de la pub Tailèfine, un produit
minceur à faibles calories qui s’adresse aux femmes avec en fond sonore la musique du tube
« Vous les femmes » de Julio Iglésias. Ici, on a affaire à un hymne à la femme, ce qui dans un
sens va les encourager à rester ou à devenir mince pour augmenter leur pouvoir de séduction.
La pub peut aussi utiliser une chanson mondialement connue afin de donner une
dimension tout autre à son produit. Utiliser une chanson des Stones, de Dylan ou de Bowie lui
confère une plus haute importance. De plus, elle va toucher un public d’âge mûr dont ces
chansons ont bercé leur adolescence, un public plus aisé. Entre autre le concept de nostalgie
va alors intervenir. Et il est évident que la nostalgie est un des sentiments humains les plus
forts, donc vecteur de consommation.
4) La fonction conative :
C’est une fonction se trouvant à la fois dans la fonction affective et implicative. C’est
une fonction implicative qui marche spécifiquement bien sur des groupes précis et isolés.
Ici, le morceau est bien évidemment connu mais cette fois-ci il a pour but de susciter
l’émotion chez un groupe particulier de consommateur.
Par exemple, utiliser une chanson des Stones, de Dylan ou de Bowie va avoir pour but
de toucher un public d’âge mur (la quarantaine, voire plus), un public pour qui ces chansons
vont évoqués leur adolescence et par conséquent un sentiment de liberté, de fraîcheur, de
révolte : l’envie d’une seconde jeunesse, d’un renouveau. Le concept de nostalgie va alors
intervenir. Et il est évident que la nostalgie est un des sentiments humains les plus forts, donc
vecteur de consommation. Ce type de musique, en l’occurrence un bon rock des années 60-70
va être parfait pour une voiture, par exemple. L’association musique connue et émotion
définit clairement cette catégorie.
Dans le même genre, il y’a l’association d’une musique connue, mais cette fois-ci
récente avec l’émotion. La cible sera ici celle d’un public jeune, voir adolescent.
Un exemple récent est celui du fournisseur d’accès à Internet Alice qui utilise la
chanson de KT Tundstall. Il obtient un double effet : d’une part c’est une chanson entraînante
qui donne envie de bouger, qui incite à l’action et à la bonne humeur et d’autre part c’est une
chanson actuelle passant en boucle sur les radios, incorporant ainsi une idée de tendance.
D’où l’association de dynamisme et modernité. Ce qui est l’image que veut se donner Alice
qui est d’une part un produit Internet, donc moderne et en plus de cela, un nouveau venu sur
le marché, donc double effet de nouveauté.
La marque s’associe logiquement et en douceur avec le fond sonore. En proposant aux
consommateurs une musique entraînante, rythmée, nouvelle et connue, cela va permettre de
stimuler chez lui le coté droit de son cerveau, celui où se trouve le plaisir. Et qui dit plaisir dit
achat. Un achat où l’impulsion prend le dessus sur la raison et la réflexion.
5) La fonction décorative :
Selon son importance dans la force du message, la musique peut très bien n’avoir
qu’une fonction décorative.
Ici, pas de message fort ou d’émotions recherchées. La musique n’a rien de bien
originale par rapport au produit et à l’image. Elle est juste là pour accompagner le spot.
Dans ce genre de pub, la musique n’a pas d’objectif précis. Elle sert juste
d’accompagnement sonore. La musique n’aura rien de particulier, on aurait du mal à trouver
quel est son rapport avec le produit ou l’image qui défile sous nos yeux. Bref, il n’y a rien de
fort à faire passer. On a une musique choisie juste parce qu’elle est sympathique, sans plus.
Dans ce cas là, le produit est souvent un produit banal qui ne nous demande pas une mure
réflexion pour l’acheter.
Quelque soit sa fonction, la musique est désormais la garante du succès d’un spot
publicitaire. Il semble évident que la mémorisation sera plus forte lorsqu’une musique
pertinente et de qualité accompagnera un produit ou une marque.
Car la musique est un reflet de l’état d’esprit d’un produit. Elle ouvre la voie du slogan
qui donne le ton et la politique de l’entreprise émettrice. C’est aussi pourquoi il est primordial
de bien choisir sa musique en fonction du groupe de consommateur ciblé sous peine de
rencontrer un échec complet.
La musique aide à faire passer un message car elle est l’art universel et intemporel
qui suscite en nous les plus fortes émotions et sensations aussi bien au cours des étapes
importantes de notre vie que dans le quotidien.
II - Identité musicale et sonore : l’hymne à la marque !
Depuis le début des années 1980, la musique fait l’objet d’une attention grandissante
dans le milieu de la publicité et des stratégies de communication. De nombreux chercheurs et
professionnels se sont ainsi penchés sur le rôle et l’influence de la musique en publicité au
sein de la construction d’une identité d’une marque par sa stratégie de communication.
Ces dernières années ont ainsi vu fleurir de nombreuses agences de communication
spécialisées dans la musique. L’agence française Sixième Son est l’un des exemples les plus
probants quant à la pertinence du rôle de la musique en publicité.
Crée en 1995, cette agence pionnière apparaît comme le leader sur le marché du design
musical. Depuis, plus de 120 clients dont la SNCF, France Telecom ou PSA, se sont adressés
à leur service pour (re)penser leur communication sonore.
Site : www.sixiemeson.com
Ce récent champ d’investigation, qu’est la communication par l’ouïe, fait parti d’une
nouvelle approche dite poly-sensorielle. Au coté de la vue, du goût, du touché et de l’odorat,
l’ouïe représente actuellement un élément important dans la construction d’une identité d’une
marque ou d’une entreprise.
A) La charte musicale et sonore
Au sein d’une stratégie de communication destinée à la construction d’une identité,
tout ce qui touche à l’ouïe fait partie de l’Univers Musical et Sonore (UMS). L’UMS
équivaut à la charte musicale d’une marque ou d’une entreprise. Sa pertinence dans la
construction d’une identité montre l’importance de l’utilisation de la musique dans une
stratégie de communication.
Développé par Alain Goudey3, ce concept fait référence à « l’ensemble des sons et des
musiques utilisables par l’entreprise dans sa communication. Cet ensemble doit répondre aux
critères classiques de communication (objectifs, valeurs, messages, cibles, contextes…), aux
contraintes physiques des supports (multimédia numérique, analogique, téléphonie,
Internet,…) et susciter l’intérêt envers l’entreprise qui l’utilise et le diffuse (adhésion,
reconnaissance,…). »
Site : www.atoomedia.com
L’univers Musical et sonore regroupe ainsi 4 domaines d’activités:
-Marketing sonore : développer un produit au niveau du son que dégage sa consommation.
-Marketing musical : développer un stimulus musical pour déclencher l’acte d’achat.
-Identité sonore : c’est un son que l’on assimile à la consommation d’un produit.
-Identité musicale : ce sont les composants d’une stratégie de communication par l’audio.
Le marketing sonore et musical associé aux identités sonore et musicale s’inscrit parmi
les nouvelles dimensions poly-sensorielles de la communication. Il est important de distinguer
ici les deux éléments majeurs contribuant à la stratégie identitaire d’une marque dans un spot
publicitaire que sont l’identité musicale et l’identité sonore:
1) Identité sonore : elle correspond essentiellement à un son provoqué par la
consommation d’un produit. Ce bruit doit véhiculer un message positif pour le produit.
Exemple : Dans les spots de pub auto, le bruit d’une portière qui se ferme peut laisser
un sentiment de sécurité pour un son souple.
2) Identité musicale : il s’agit de l’expression musicale de la marque. Elle est
élaborée en fonction de la stratégie de communication générale de l’entreprise basée sur les
valeurs qu’elle défend et du message qu’elle veut faire passer lors du spot. C’est l’hymne de
la marque qui varie selon les émotions recherchées.
Exemple :
3
Goudey A., “Faire entendre votre image”, www.atoomedia.com.
Depuis plus de 30 ans, DIM jouit ainsi d’un logo sonore composé par un musicien
argentin (Lalo Schiffrin). Ces 6 notes facilement reconnaissable (tatatata tata !), ont
grandement contribué à l’identité de la marque. Ce célèbre refrain a été décliné a tout les
styles de musiques en fonction de la valeur émotionnelle recherchée (latino, groovy,
classique,…etc) et de la cible (jeune, homme, femme).
Site : www.dim.fr
L’identité musicale est donc une composante de la stratégie de communication dont
les entreprises se servent afin de véhiculer leurs valeurs et construire une identité à travers la
publicité (ou autres supports). Elle doit non seulement entretenir une étroite corrélation avec
l’image mais doit également correspondre avec le public cible.
Un sondage IPSOS effectué en avril 2004 pour la SPEDIDAM (droits de l’interprète)
montre que sur 1 000 individus de plus de 15 ans interrogés, 66% considèrent que la musique
tient un rôle important dans la publicité avec plus de 80% chez les 15-35 ans. Parmi cette
dernière tranche d’âge, 48% estiment que la musique tient une place aussi important voir plus
importante que l’image en publicité.
Nous constatons que l’utilisation de la musique en publicité représente divers enjeux
sémiotiques dont le principal est la construction de l’identité de la marque. En complément du
logo visuel, le logo sonore contribue à imprégner l’individu de l’image de la marque. Son
choix s’effectue en fonction de sa simplicité mais aussi du message qu’il dégage.
B) Les processus d’élaboration d’un logo sonore et musicale
1) Appropriation de mélodies populaires
De plus en plus d’annonceurs utilisent des refrains connus pour marquer plus
facilement l’esprit du consommateur. En s’appropriant un air familier, l’annonceur joue avec
le processus d’association chez le consommateur qui va penser le produit en fonction du
refrain et inversement quand il va entendre le refrain, il va se remémorer le produit.
Exemple :
Depuis 1993 la CNP assurance utilise La seconde valse de Chostakovitch comme hymne de
leur marque. Refrain légendaire, il est réutilisé pour chaque spot d’une manière différente
selon les choix esthétiques entraînant le spectateur au cœur d’une vraie saga publicitaire.
Site : www.cnp.fr/Les_films_de_la_CNP
2) Détournement de chansons populaires
Par un phénomène d’appropriation puis de remix, certains airs connus sont ainsi
transformés pour les besoins d’une marque. La chanson ainsi détournée conserve sa mélodie
identifiable tandis ce que les paroles sont remaniées afin de correspondre à l’identité de la
marque. Par un processus de réactivation d’une trace mémorielle, l’annonceur se démarque
pour s’inscrire dans l’esprit du grand public. Certains détournements vont jusqu’à parodier
des chansons populaires.
Exemple :
La création d’un nouveau logo visuel pour le crédit lyonnais implique une nouvelle identité
musicale incarnée par le tube de Michel Polnareff Tout pour ma chérie réorchestré pour le
Crédit Lyonnais.
Site ; www.lcl.com/fr/communication
3) Elaboration de mélodies simplistes
D’autres marques préfèrent élaborer un logo sonore personnel en faisant appelle à un
compositeur à qui elles achètent une mélodie qui, conjuguée au logo visuel, va construire
l’identité du produits. Ces mélodies identitaires sont généralement très simples à retenir pour
que le consommateur, par un processus d’assimilation par redondance, puisse facilement se
remémorer cet air et ainsi identifier une marque rien que part son logo sonore.
Exemple :
La nouvelle identité musicale de la SNCF inscrit la marque dans un univers
d'inventivité. Elle exprime son dynamisme, la proximité qu'elle veut installer avec ses clients
et plus largement avec tous ses publics. Un nouveau sonal créé par l’agence Sixième Son
vient donc relayer cette révolution en publicité télé et radio ainsi que dans les gares et en
téléphonie. Composé de 4 notes portées par une voix à la fois impactante et chaleureuse, il
dépasse l'aspect fonctionnel et invite au voyage.
Site : http://sncf-ideesdavance.com/
Le choix d’un logo sonore s’effectue donc par divers processus et cela en fonction de
la stratégie de communication de l’entreprise. Il doit respecter les valeurs que défend la
marque, être conforme au message souhaité et doit susciter une émotion
une valeur
émotionnelle positive au sein du spot publicitaire.
Contribuant à l’identité d’un produit, d’une marque ou d’une entreprise, le logo sonore
est déclinable à volonté. Selon le message que l’on souhaite faire passer, la partition reste la
même mais les sonorités et le style changent en réponse aux choix esthétiques et émotionnels
du spot de publicité. Facilement mémorisable, un logo sonore contribue grandement à la
construction de l’identité d’une marque et peut y rester associer de nombreuses années.
III) Le rapport artiste/publicité
A) La publicité à la télévision : un milieu très fermé !
L’impact d’un passage à la télé, comme celui de la publicité (les 10 albums les plus
vendus sont tous passés à la TV), est évident sur les ventes de disques...
Mais, depuis quelques années il y a de moins en moins d’émissions (sur la télévision
publique) consacrées à la musique. Parallèlement l’accès à la publicité télévisée est un peu
plus difficile car c’est un espace qui est de moins en moins consacré au secteur disque. De
plus, en temps de crise (hyperconcentration du marché du disque), la capacité des maisons de
disques à investir dans la publicité est réduite.
Les budgets consacrés à la publicité télé des maisons de disques ont chuté de façon
vertigineuse et se sont concentrés sur un nombre un peu plus réduit d’artistes. L’accès à la
publicité télévisée devient de plus en plus difficile pour les artistes qui sont au-delà du top 50.
Le problème, auquel se heurtent en priorité les producteurs phonographiques
indépendants (opposition aux « MAJORS »), est l'accès à la publicité télévisée (autorisée
pour le disque depuis 1988).
Le montant des sommes engagées pour des campagnes de publicité télévisée pour le
disque est tel qu'il "a un effet d'éviction" des indépendants, ce qui est préjudiciable pour les
nouveaux talents. La publicité à la télévision pour chacun des titres actuellement classés dans
le Top 20 coûterait de 460 000 à 760 000 euros en moyenne. Les investissements se montent
environ à 254,5M€ entre 2003 et 2004.
Les chaînes télé privées se sont transformées en maisons de disques : Une Musique et
Glem Production (TF1), M6 Interactions (M6). De concert avec les "majors", elles lancent
leurs propres "artistes" et, matraquage aidant, les propulsent au sommet.
Pascal Nègre (pdg d'Universal) évoquant la disparition progressive des émissions TV
consacrées à la musique : «C'est un vrai problème. La télévision n'offre plus d'espace pour des
musiques "nouvelles", comme le faisaient autrefois Les Enfants du rock. On ne va quand
même pas nous le reprocher à nous, les majors !»
Il faut donc trouver de nouveaux moyens pour diffuser et exposer au public les albums
et nouveaux chanteurs. Les maisons de disque vont donc utiliser la publicité mais d’une autre
façon.
B) La pub : un formidable support de diffusion (ou comment l’artiste
se sert de la pub ?)
Aujourd’hui, on fait découvrir des musiques nouvelles par le biais de la publicité.
L’exemple de MOBY souligne bien ce phénomène : MOBY fait de la musique
électronique depuis longtemps sans être connu, jusqu’au jour où sort son album « Play » qui
est récupéré pour agrémenter des musiques de publicité, et se vend alors énormément.
Moby
D'autres, comme les Français The Film, se sont fait connaître grâce à un spot (pour
Peugeot). Fabrice Brovelli, directeur général de BETC, l'agence branchée du groupe Havas, a
facilité la collaboration de The Film avec le constructeur.
Malgré une certaine réticence au départ, le membres du groupe ont finalement accepté
que « Can you touch me » accompagne le spot. Maintenant, ils l'interprètent rarement en
concert. Les gens finissaient par leur demander pourquoi ils reprenaient une musique de pub.
Le paradoxe, c'est que ce titre est un peu leur morceau maudit, et c'est celui qui les a fait
connaître. Mais la pub Peugeot reste quand même leur meilleure vitrine mondiale.
En France, en 2002, le tube traditionnel de l’été a été la musique de la publicité CocaCola : « Chihuahua ». Dans les discothèques, on a alors dansé tout juillet et tout août sur les
rythmes d’une chanson publicitaire.
Les publicitaires semblent avoir eu le nez fin en utilisant cette méthode de pub. En
effet le public apprécie et s’approprie la musique des publicités vues à la TV :
-
développement des sites Internet dédiés aux musiques des publicités TV
-
sonneries de téléphone à télécharger s’inspirant des musiques de pub
-
compilations regroupant les meilleures musiques de pub
En réalité, les gens avaient envie de cette différence, ils désiraient une musique non
formatée. A partir du moment où on a eu accès à cette musique par le biais de la publicité,
ces artistes ont pu vendre.
Aujourd’hui, faire parti de l’univers de la publicité est un moyen nouveau et différent
de faire entendre sa musique au public.
De plus la publicité télévisée est un véritable vecteur de rémunération pour les
artistes : la télévision est la source de revenus la plus importante, elle est à l’origine de près de
26% des droits versés par la SACEM en 2004 (189M€, soit une augmentation de 3,5% par
rapport à 2003).
En plus des honoraires versés par les annonceurs, les auteurs compositeurs-éditeurs
perçoivent leurs droits par la SACEM calculés en fonction de la durée du spot et des tranches
horaires de diffusion.
C) Comment la pub se sert de l’artiste ?
Traditionnellement, la publicité s’approprie des morceaux de musique célèbres pour
accompagner la diffusion d’un spot télévisé. Apple a ainsi acquis les droits d’une chanson de
U2, Danone une chanson de Queen et Manpower un morceau de Phil Collins.
Par ailleurs, on utilise des morceaux des Beatles et de Dylan dans des publicités, alors
que ces artistes, dans les années 60, étaient les porte-étendards de la contre-culture. Personne
ne pensait que leur musique pourrait un jour être ainsi récupérées.
En empruntant cette musique les entreprises espèrent que le prestige associé aux
chefs-d'œuvre se transmettra aux produits. Mais comme nous l’avons énoncé dans une
partie précédente les marques choisissent une musique pour modifier l’image véhiculée.
Par exemple, pour rajeunir leur image, les marques misent sur la musique de groupes
novateurs :
-
La nouvelle formule du Figaro : le très sérieux quotidien nous gratifie d'un Beautiful
Day du groupe de rock Venus (création en 1997) pour son spot télé avec Benoît XVI.
-
EDF qui illustrait son spot à l'esthétisme vintage avec The End Has No End des
rockers aux cheveux gras The Strokes (formé en 1998).
-
France Télécom fait appel à l'androgyne Brian Molko de Placebo (1993) pour nous
rappeler que leur raison d'innover, c'est nous. Le « hic », c'est que les paroles de la
chanson Pure Morning évoquent le suicide…
-
AOL : les mythiques Pixies ont été utilisés. «Where is my mind ?» scande Frank
Black.
D) Mais quelle mouche a donc piqué les publicitaires pour faire appel
aux groupes de rock limite « trash » ?
Certes, l'utilisation du riff des années 70 pour vanter la belle bagnole qui rendra au
cadre supérieur l'esprit de ses 20 ans, de Canned Heat à Jimi Hendrix, ce n’est pas nouveau.
En revanche, rivaliser dans le recours aux petits groupes qui montent est une tendance
prononcée dans les publicités du moment.
Il semblerait que cela découlerait d’une volonté de certains annonceurs d'insuffler un
« vent de folie » à leur image !
Pour Patrice Magb, directeur de la communication corporate chez EDF, le spot télé
avec les Strokes a été une réussite. «Nous voulions créer un lien entre EDF et l'innovation.
L'imaginaire du rock moderne nous semblait tout à fait adapté : le dynamisme, le
mouvement...»
Les pubs utilisent donc les artistes pour associer leur image au produit
commercialisé. Ainsi la publicité bénéficie d’un double effet (la « synchro » dans le jargon) :
le consommateur pensera au produit lorsqu’il entendra la musique de la pub et inversement.
Top 10 des musiques de Pub TV (octobre 2005)
1
Création publicitaire
Agence
Interprète
Titre
CITROEN C3 HDI
NON
Simple Plan
Welcome To My
COMMUNIQUE
2
OPEL VECTRA
MC CANN-
Life
Roxy Music
ERICKSON
3
CREDIT AGRICOLE LE
PROVIDENCE
Thing
Claude François
COUP DE MAIN
4
TELECOM ITALIA France
The Main
Chanson
Populaire
PANAME
KT Tunstall
Black Horse
/ ALICE FORFAIT
And The Cherry
INTERNET HAUT DEBIT
Tree
ET TELEPHONE
5
CREDIT AGRICOLE
PROVIDENCE
Michel Fugain
CAUTION GOOD LOC
6
CREDIT AGRICOLE
l'Oiseau
PROVIDENCE
Lilicub
MOZAIC PERMIS
7
RENAULT CLIO
Fais Comme
Voyage En
Italie
PUBLICIS
Marilyn Monroe
CONSEIL
My Heart
Belongs To
Daddy
8
HEWLETT PACKARD
PUBLICIS
PHOTOSMART 475
CONSEIL
The Speedies
Let Me Take
Your Photo
IMPRIMANTE
9
PEUGEOT LE FESTIVAL
BETC EURO
DES PETITES
RSCG
Dean Martin
Powder Your
Face With
OPERATION
Sunshine
10
CITROEN C5
Source : Yacast / Qualicast
EURO RSCG
Pretenders
Precious
La publicité a totalement évolué sur ces dernières années (du moins en ce qui concerne
l’industrie du disque). En effet vendre et diffuser sa musique est devenu de plus en plus
difficile (prix élevés, moins de place en terme d’écrans publicitaires et d’émissions TV), en
particulier pour les jeunes auteurs, il a donc fallu trouver de nouveaux moyens pour pouvoir
se faire connaître du public.
Les maisons de disques en partenariat avec des entreprises ont mis en place ce que
l’on appelle dans le jargon : « la synchro ». Un phénomène de publicité indirecte permettant
de diffuser une musique dans un écran publicitaire consacré à un autre produit. Ainsi le public
peut découvrir les nouveaux groupes « tendances » de l’industrie du disque et parallèlement
l’entreprise (et par conséquent le produit commercialisé) bénéficie de l’image de l’artiste mais
aussi d’une publicité étendue par le phénomène d’association.
La musique, désormais présente dans la quasi totalité des spots télés, est devenu une
des composantes essentielles à la réussite d’une campagne publicitaire. La musique est aussi
importante que le visuel et le choix d’une chanson ou d’une sonorité ne doit laisser aucune
place au hasard. Selon le produit, la marque, la cible de consommateurs visée, le message ou
l’idée à faire passer et parfois même la période de diffusion, il y’a une catégorie de musique
appropriée. Présente tout au long du spot ou à la fin de celui ci pour introduire le slogan, la
sonorité pourra apparaître sous la forme d’une chanson ou d’un jingle et permettra de
favoriser la mémorisation du message. Elle devient ainsi l’ambassadrice de la marque, le
reflet de son état d’esprit.
Si la musique à un impact sur le produit, l’inverse est également vrai. Car si le
consommateur associe une marque à une chanson, il va aussi associer une chanson ou un
chanteur à une marque et cela peut être à double tranchant pour l’interprète qui verra tantôt un
accroissement des ventes de ses disque tantôt une perte de crédibilité et parfois un
dénigrement de la part de ses fans. On finit alors par se demander qui utilise qui?
La musique a donc de beaux jours devant elle en tant que support de publicité télé ou
radio. Quel annonceur peut aujourd’hui se permettre de se passer de musique ? Quasiment
aucun à moins que le silence ne soit son argument de vente. Ce phénomène ne va cesser de
s’amplifier et les annonceurs vont devoir faire preuve de beaucoup d’imagination et de
créativité pour sortir du lot et nous offrir « la » chanson ou « le » jingle qui va retenir toute
notre attention et créer en nous toutes les émotions possibles. On peut alors se demander si les
publicitaires ne finissent pas par jouer le rôle des maisons de disques en assurant la promotion
d’artistes et de chansons inconnues du grand public. La synergie spots télés / musique donne
alors naissance à une technique de marketing économique et efficace : double promotion,
celle du produit et celle de l’artiste. Les publicitaires sont-ils les dénicheurs de talents de
demain ? Affaire à suivre…
Bibliographie :
Jean Remy Julien : « Musique et publicité », 2001.
Yalch R.F: “Memory in Jingle Jungle: Music as a Mnemonic Device in Communicating.
Advertising Slogan”, Journal of Applied Psychology, n°76, 1991.
Korn D : « Musique et publicité : love story », Keyboards Magazine, n°73, 1994.
Egalement, vous trouverez en annexe dans ce dossier :
Goudey A : « Faire entendre votre image » + une bibliographie détaillée.
Webographie :
Sixiemeson.com
Dim.fr
Cnp.fr/Les_films_de_la_CNP
Lcl.com/fr/communication
Sncf-ideesdavance.com/
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