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Musiciens Manouches
en Béarn
Latcho Dives
Katia, Pantis, Piton : chant
Guillic : violon ~ Jackie & Gini : guitares
& Moreno, tchocolo : guitares
L’Espagne
- Les manouches de Pau étaient en Espagne à cause de la guerre. Il ne faut pas
dire que les manouches qui viennent d’Espagne sont des manouches espagnols. La plupart des
manouches de Pau viennent d’Alsace, à l’origine. Ce sont des “gashkene manouches”.
Moi, je suis né là-bas, à Valencia. A cause de la guerre 39/45 la plupart des manouches sont
partis en Espagne. Toute la famille Adèle-Adolf est de Strasbourg, de là-bas...
En Espagne, on avait tout ce qu’on voulait, à condition que ce soit loin du village. Ils avaient
toujours peur de nous, de petits vols... L’histoire “Voleurs d’enfants” c’est faux ! Chez nous
l’enfant est roi!
- Nous, en Espagne, on était neuf : trois frères et les soeurs, tous nés en Espagne.
Pour vivre, on jouait dans les entractes, au cinéma, et on faisait la quête. Même en état de
guerre, c’est la musique qui nous a fait survivre.
On chantait les chansons des grandes vedettes de ce temps, Carmen Sevilla, Carlos Gardel,
Antonio Machin... Quand ils faisaient des spectacles, en Espagne, c’était dans des opérettes, et
on allait chaque fois les voir... on rentrait sans payer, comme artistes...
- Là-bas, on se cachait parce qu’on avait pas de papiers. On était même pas des
réfugiés, on ne voyageait que la nuit…
Il n’y avait pas que nous, beaucoup de français se cachaient...
Quand les gardes civils attrapaient un étranger, ils l’arrêtaient, le mettaient dans des camps
de concentration comme à “Biltchité”, où il y
avait des polonais, des autrichiens.
On faisait des recherches puis on les relâchait.
La plupart des manouches étaient en Galice,
ou en Castille. Nous, on était du côté de Madrid.
On s’intégrait dans les villages, jamais dans
les grandes villes. On jouait sur l’ignorance
des petits villages. Mais on se trompait, parce
que dans les grandes villes on nous laissait
tranquilles. Mais on ne le savait pas.
Pour les clisté, il y avait les gitanos ou les
hungarios.
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On avait des “Salvo conductores” qui n’étaient valables que pour les provinces. C’était
notre misère, la peur d’aller ailleurs, de toujours rester dans les petites campagnes…
Arrivés dans un village s’il y avait des gens qui avaient des problèmes, quand les manouches
arrivaient, c’était leur faute !
- En Espagne, pour nous, c’était encore l’époque des chevaux, on n’a connu les voitures qu’en
France. Avec les roulottes, nous, on allait partout, dans les grandes villes comme Barcelone, Léon,
Burgos... Et quand le cheval ne pouvait plus tracter, c’est nous qui poussions.
- Je me rappelle, avec les anciens, on était arrivé dans un village, comme musiciens : “Tiens, les
Hungaros !”, disaient les gens.
On a bu avec les gardes civils, on a joué toute la nuit, et le lendemain, comme on repartait, les
gardes nous ont rattrapé avec les chevaux : “Senores, da vuelta !”
On nous a ramené sur la place du village. La veille, dans la nuit il y avait eu un cambriolage. Ils ont
pris les hommes de chez nous, les ont amenés au poste. Ils ont montré un fer à souder qui avait
servi à ouvrir un coffre fort. “Où c’est que vous avez mis ça ?”. On ne pouvait par répondre puisque
ça n’était pas nous. Alors ils nous ont pris un par un, et à coup de nerfs de boeuf !
Mais il y avait un témoin, qui avait vu quelqu’un d’un autre village, passer dans la nuit. Nous on
était sur une “aera”, là ou on dégrainait le blé, autrefois... Il y avait une montagne de paille, et
on a vu arriver les guardia civil avec le vrai coupable, et sortir le butin. Alors la garde civile s’est
excusée de ce qu’ils pouvaient. Ce genre d’histoire, ça nous arrivait souvent...
Quand on arrivait dans un village, on s’arrêtait à deux trois kilomètres de là, au bord d’une rivière.
Il y avait un village, “Kalamotja,” où les clisté crachaient le feu, très méchants… une région très
sauvage en Castille : aucun arbre, la terre, l’église avec son nid de cigognes…
Chez nous, ils envoyaient les femmes chiner, avec pour marchandises , des aiguilles et des épingles
de nourrice.
“Gitanos” disaient les gens, et on leur fermait la porte. Alors, elles revenaient sans rien, nous,
les enfants, on pleurait de faim. Alors les anciens, ils allaient à la pêche avec pour moulinets des
boîtes de conserves, des sauterelles pour appâts…
D’autres fois, on rentrait tous dans le village, dans la rue unique, avec le violon, les guitares, ceux
qui n’avaient pas d’instruments tapaient sur des boîtes de bobines de cinéma… parce qu’il y en
avait de par chez nous qui montraient des films aussi…
Les femmes passaient sur chaque trottoir, et on nous donnait un bout de pain, une tomate, et
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Les femmes passaient sur chaque
trottoir, et on nous donnait un bout
de pain, une tomate, et souvent, au
bout de la rue, il y avait le marchand
de vin : s’il y avait une branche juste
au dessus de la porte, ca voulait dire :
“Là, il y a du vin !” Ca existe encore
ça, du côté de Burgos !
- Une fois, une soirée, j’étais petite
fille et je devais faire le spectacle...
mais je n’avais pas de robe. Alors ils
ont trouvé une robe de carnaval à
volants, dans un grenier. Et les gens
me prenaient sur leurs épaules et je
dansais, je chantais…je faisais le
trapèze aussi, parce qu’on était une famille de “circassiens”... Mes trois frères, eux, faisaient
les “Machucambos”.
- Cette grande misère, qu’on avait…
Si on volait une poule, avant, c’est qu’on avait vraiment faim ; on prenait la mie du pain, “PI
! PI ! PI !”, et quand elle arrivait, on l’attrapait en fourche par la tête, et les plumes, on les
enterrait.
Les gardes civils, quand ils arrivaient, je ne sais pas comment ils faisaient, ils trouvaient les
plumes, et là, enfants, femmes, hommes, tous, on prenait des coups !
Près de Valence, on roulait une nuit, avec les chevaux, mais une roue a cassé, et on a fait le
reste de la route sur le moyeu, la caravane sur le côté. On s’est arrêté dans un village, à l’abri.
Moi, j’avais dix ou douze ans, la veille, j’étais allé vendre des aiguilles dans une ferme.
L’homme était méchant, il m’a couru après, j’étais pieds nus.
Le lendemain, sur le village, les gardes civils sont venus avec lui en m’accusant d’avoir volé des
espadrilles. Ils nous ont presque tués. Tous ! Une fenêtre s’est ouverte et une femme nous a
chuchoté de ne rien dire car quinze jours avant, ils avaient tué un jeune gitan.
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- Les fascistes et les franquistes, un jour, ils prennent un oncle qui allait pêcher, et ces gadjé le
tapent jusqu’à ce qu’il ait des trous dans la tête. Après, ils l’ont relaché.
A la guerre, en Espagne, les fascistes ou bien les autres, ils prenaient les manouches et
leur demandaient de jouer leur hymne. Il ne fallait pas se tromper et savoir qui ils étaient.
Heureusement que les vieux savaient les jouer tous, autrement ils seraient tous morts !
- Le matin, on se réveillait, les grands violonistes, jouaient avec les oiseaux, c’était merveilleux ! Ils
auraient pu faire une grande carrière, mais ils ne voulaient pas, ils voulaient garder leur culture, ne
pas se faire connaître, de peur de ne plus voir leurs femmes, leurs enfants en allant jouer au loin.
A la fin de notre vie en Espagne, vers 1958, par là, on fréquentait les “hongrois”, montreurs
d’animaux, avec les chèvres et les petits singes, et nous on jouait la musique pour les faire danser.
Alors des manouches de France sont arrivés, avec des voitures, alors que nous, on avait les
chevaux, et ils nous ont dit d’aller jouer dans les grandes villes. Que là, ce serait plus facile. Le
contraire de ce qu’on avait toujours fait !
La France
- On est venu dans la région à cause de Lourdes, du pélerinage. Pato et moi, on faisait des
concours. Tantôt c’était elle qui gagnait, parce qu’elle chantait très bien, tantôt c’était moi. Moi,
c’était plutôt le genre espagnol... A Marseille, je vendais des élastiques, ici on mettait la ferraille
dans une poussette, et d’Assat, on allait jusqu’à Bizanos ! Quand nous nous sommes mariés, à
Marseille, j’avais quinze ans et Piton seize. Pour mettre de l’essence dans la voiture, on chantait
dans les bars. C’était la famine !
- La plus belle histoire... Quand on s’est mariés, on était deux jeunes couples... elle avait même
pas quinze ans... alors pour le mariage, on avait pas droit à l’hôtel... Un vieux qui aimait les
manouches nous a accueilli chez lui, mais il nous a mis dehors, par peur parce qu’on était
mineurs... c’était l’hiver, alors on a pris une toile, dans la neige, on a marché jusque sous un pont
où on est resté. Il gelait! Mais on était heureux !
Pour retourner chez nos parents, on a d’abord envoyé nos femmes. Mon père m’a filé une torgnole!
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Et après ils nous ont construit la caravane, une petite caravane en bois… On est alors parti à
Arles, avec Guillic, et à un carrefour, on s’est arrêté et descendu de la voiture, parce qu’on ne
savait pas la route. On a entendu “Boum !”, c’était un camion qui était passé sur notre caravane.
Alors on a fait une tente avec les draps et on dormait dessous, avec les enfants. On était heureux
comme ça !
-Tu sais pourquoi on chante fort, comme ça, avec nos voix ? C’est parce que nous les manouches,
on aime les champions, tous les champions, au foot, à la boxe, à l’opéra...
- Pour faire des sous, les vieux, ils me prenaient avec eux, pour que les gens aient de la pitié. C’est
la musique qui a sauvé les manouches ! Et on est musicien, nous les vieux de maintenant, parce
qu’enfants, c’était comme ça qu’on avait de l’argent ! Il fallait jouer ou chanter pour avoir des
sous, dans les bars ou dans les rues...
- Aujourd’hui, on a des voitures, des caravanes, on mange à notre faim, mais on a perdu la liberté
et la santé.
On est tous malades.
Avant, on ne se mélangeait pas avec les autres, les gitans , les hongrois… par ignorance. On nous
apprenait à être très fiers, alors il y avait des histoires entre nous qui duraient des années.
Maintenant, les jeunes ne respectent plus les anciens.
Notre destruction en France, ça été les camps désignés, à cause du mélange. Il y a des habitués de
Marseille, de Bordeaux, chacun à sa façon de voir les choses…
On n’a plus de liberté. On est obligé d’aller dans ces places.
Les camps ont détruit notre civilisation, on est devenus trop civilisés !
Quand on arrive quelque part, on est jugé, au fichier !
Il y a quelques années, ici, les clisté ont aligné tout le monde, jeunes et pas jeunes sur le bord de la
route, avec des pancartes en bois autour du cou et tout le monde était photographié !
Mais il y a quelque chose, pour nous les manouches, c’est que quand on est musicien, on est très
bien vu.
Propos recueillis par Jean Luc Poueyto
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Les musiciens
Les manouches du Béarn sont d’abord
des manouches, des voyageurs, vivant
en caravanes, en famille, parlant le
manouche… Pourtant, depuis des
décennies, ils vivent en Béarn, l’hiver
surtout, en attendant les travaux
saisonniers et, sans être nullement
sédentarisés, ils sont réellement attachés
à cette région frontalière, à ses rivières,
ses montagnes, ses villes moyennes…
Avant de s’installer autour de Pau, dès les
années trente, la plupart de ces familles
avaient quitté la France pour vivre en
Espagne, et échappèrent ainsi aux camps
de concentration. Toute une génération y
est née et y a vécu son enfance. Là-bas, comme tant de manouches l’ont toujours fait de par
le monde, ils chantèrent et jouèrent de la musique… la musique de là où ils vivaient, c’est-àdire de la musique populaire espagnole : Carmen Sevilla, Antonio Machin, extraits d’opérettes,
chansons populaires de la guerre d’Espagne... Mais pas de flamenco, une affaire de gitans
espagnols.
Pas non plus de jazz manouche… ça, c’est pour les manouches alsaciens. Bien sûr que les
manouches du Béarn connaissent Django, bien sûr que Guillic sait jouer à merveille Nuages…
mais à sa manière, celle des manouches des Pyrénées, imprégnée de boléros lents, de
bel-canto, de sentiment.
Toute leur vie, ils ont joué de la musique, dans les bars, les rues, les mariages, les fêtes locales,
les pèlerinages et surtout chez eux, en dehors des modes, des genres, de ce que les gadjé
attendaient d’eux, mais en toute liberté.
Des hommes et des femmes libres, qui jouent et chantent à pleine voix et pour le plaisir ; avant
tout pour le plaisir.
Cette mémoire de l’Espagne de la première partie du franquisme, de ces régions désolées
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traversées en famille de long en large, lentement, à pied et en roulotte à chevaux, de village
pauvre en village pauvre, de dénonciation en hospitalité, de misère en moments de joie est toute
entière dans le timbre un peu voilé de Katia, dans la chaude voix de son mari, Piton, dans la
fougue de Pantis, qui chante pleinement, yeux clos, gorge tendue...
Et puis il y a Guillic, un des derniers violonistes à jouer dans l’ancien style manouche, celui
d’avant Grappelli, avec ce son splendide, ce jeu lent, plein... Guillic joue comme il vit, c’est à
dire en homme libre : de même qu’il refuse de s’installer sur un terrain désigné, il ne supporte
pas le cadre étroit d’une mélodie. S’il entame un thème connu, un “standard”, vite, soutenu à la
guitare par son fils Gini, il fait glisser son archet sur une suite de notes venue d’une autre chanson,
puis son jeu va fouiller, gratter dans les graves, il s’éloigne de toute mélodie quand soudain, le
motif initial revient, magnifique. Guillic ne rejoue jamais un morceau de la même manière. Un
homme libre.
Moreno, s’il est un des plus grands guitaristes manouches actuels, n’est pas du Béarn. Pourtant,
accompagné de Tchocolo, il a bien voulu prêter son talent et sa gentillesse à la réalisation de ce
disque tant sur le plan artistique (quel guitariste !) que sur le plan humain.
Les musiques
Il y a bien sûr des chansons manouches, mais aussi des chansons espagnoles, des
chansons populaires, des petits boléros, des standards américains, des compositions...
En effet, contrairement au jazz manouche, qui est un genre musical dans lequel peuvent exceller
des “gadjé” (des non-manouches), la musique présentée ici, est un acte, réservé par définition à
la communauté. N’importe quelle musique peut-être manouche, si elle est jouée “à la manouche”
(ce qui, nous l’avouons, est bien difficile à définir). En tout cas il ne s’agit pas uniquement d’un
répertoire, d’ordre “folklorique” ou “traditionnel” mais bien d’une manière de jouer, d’un acte qui
réitère l’existence du peuple manouche, avec ici, ses particularités de tsiganes des Pyrénées.
Et puis, bien sûr, l’Espagne ; des chansons populaires de Carmen Sevilla (Virgen de amor),
d’Antonio Machin, (Revuelven las campanas) et cette belle chanson,Caminero qui, d’après
Katia, date de la guerre d’Espagne : une femme, jetée sur les routes avec son enfant, implore un
camionneur de l’emmener au loin...
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Chavo (“l’Enfant”) est une chanson
traditionnelle que Pantis chante , plein
d’émotion, accompagné magnifiquement
par la guitare de Moreno. Les tsiganes,
en général, ne chantent pas en choeur
(cf. Bernard Leblond in Flamenco) mais dans
la famille Doerr, oui ! Pantis, Katia et Piton
aiment à chanter ensemble, dans les fêtes,
chez eux...
C’est à deux voix (Katia, Piton) qu’ils
chantent Bluméli (Les Fleurs) très belle
chanson d’amour, traditionnelle, mais
réadaptée ici par les interprètes (“Mur
Piton !”).
Traditionnelles sont aussi les valses
manouches, même s’il s’agit parfois de
compositions (Valse à Guillic). A ces valses
s’entremêlent des boléros, souvent intimistes, doucement chaloupés, et guidés
par le violon de Guillic, au jeu et au son uniques, reconnaissables entre tous. De
très beaux échanges ont alors lieu entre le violoniste et le guitariste, Moreno,
lui-même auteur d’un disque intitulé “Moreno Bolero”. Ils se rencontrent ici sur
un terrain commun, dans un même langage, tissé par tant d’années à jouer avec
les mêmes musiciens, dans les mêmes lieux, à travers tout le sud de la France. Un
“métier énorme”.
Enfin, de guitariste d’accompagnement, Jackie n’en a pas besoin. Quand il joue
tout le monde se tait.
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Spain
— The Manush gypsies of
the town of Pau went to Spain
because of the war. Manush from
Spain should not be considered
as Spanish Manush — most of
those from Pau are originally from
Alsace, and are called “Gashken
Manush.”
I myself was born in Valencia,
Spain. Because of the war of 3945, most Manush left for Spain.
The entire Adèle-Adolf family there
were from Strasbourg ...
In Spain we had everything we
wanted, provided it was far from
the village. They were always afraid of us, of petty theft... those stories about “child
stealers” are false! For us, children are kings!
— There were nine of us in Spain, three brothers and the sisters, all of us born there. To
make a living, we performed during intermissions at movies, and passed the hat. Even in
wartime, it was music that enabled us to survive.
We sang songs of the big stars of the time, Carmen Sevilla, Carlos Gardel,
Antonio Machin ... In Spain, the main shows were operettas, and we always went to see
them. We got in as artists, without having to pay...
— Since we didn’t have any papers there, we had to hide from the authorities. We didn’t
even have refugee status, and we only traveled after dark.
But we weren’t the only ones — there were a lot of French hiding out. When
the Guardia Civil caught foreigners, they arrested them and put them in a concentration
camp such as “Biltchité”, where there were Poles and Austrians. Then they made inquiries
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about them before letting them go.
Most Manush were in Galicia or Castille. We lived not far from Madrid.
We integrated ourselves into villages, never into big cities. We counted on the
ignorance of villagers. But we were mistaken in this, for in the big cities people actually left us
alone — but we didn’t know this at the time.
The clisté called us “gitanos,” or “Hungarios.”
There were “Salvo Conductores”, papers which were only valid for the provinces.
This was our misery, this fear of travelling, being forced to stay in little country places.
When we arrived in a village, if people had any problems about Manush being
there, it was their own fault!
— When we lived in Spain, it was still the horse-and-buggy era. We only saw cars in France.
With our carriages, we went everywhere, even in big cities like Barcelona, Leon, and Burgos.
And when the horse couldn’t pull it anymore, we pushed it ourselves.
— I remember once when we came into a village with the older folks, arriving as musicians.
“Hey, the Hungaros!” people cried. We had drinks with the Guardia Civil, we played all night
long, and when we left the next day the guards came after us on their horses : “Señores, da
vuelta!”
They brought us back to the village square. During the night, there had been a
burglary. They took some of our men and led them to the station. They showed a soldering
iron which had been used to open a safe. “Where’d you put it?” they demanded. We couldn’t
reply, because none of us had done it. So they took us one by one and bullwhipped us.
But there had been a witness who had seen someone from another village pass
by during the night. We were camped on an “aera”, where the wheat was threshed at other
times. There was a mountain of straw, and we saw the Guardia Civil arrive with the real
culprit, and bring out the stolen loot. Then the guards excused themselves, to the degree they
could. This kind of thing happened to us a lot.
When we came to a village, we would stop a couple of miles away, at the side of
a river. There was one village, Kalamotja, where the clisté were mean as hell — this was very
savage area of Castille: no trees, bare earth, the church with its storks nesting.
We sent our women to peddle merchandise, such as needles and safety pins.
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But the people said “Gitanos”,
and closed the door in their faces.
They came back with nothing, and
we were crying with hunger. Then
the older ones went fishing, using
grasshoppers for bait and tin cans to
make lures.
Other times we would all go into
the village, walking down its only
street with violin and guitars, and
those without instruments tapping
on empty film canisters — because
there were some of us who also
showed movies.
The women passed by on the
sidewalks, and people gave us a bit of bread, a tomato, and often at the end of the street
there was the wineseller: if a house had a door with a little branch hanging just over it, it
meant “Wine here!” You can still see this today, around Burgos.
— I remember one evening when I was a little girl, and was supposed to perform, but I
didn’t have a dress. In a barn, someone found a carnival dress with flounces. And people
carried me on their shoulders, and I danced and sang... I also did some trapeze, because
we were a circus family.
My three brothers did the Machucambos.
— Sometimes our misery was really terrible ...
If we did steal a chicken, it was because we were truly hungry. We would take
bits of bread and call to the chicken, “pi, pi, pi!”, and when it came we’d grab it by the
head. We always buried the feathers. Once when the Guardia Civil came, I don’t know
how they did it, but they found the feathers. Then we all got beaten, men, women and
children.
Near Valencia, we were travelling one night with the horses, but a wheel
broke, and we had to go the rest of the way on the hub, with the trailer leaning over.
We stopped in a village and found some shelter. I had just turned twelve the day before,
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and I went to sell some needles at a farm. The man was vicious, and chased after me. I ran
barefooted.
The next day he came with the guards into the village and accused me of stealing
some espadrille shoes. They almost killed us — all of us! One woman opened her window
and whispered to us not to say anything, because two weeks ago they had killed a young
gypsy.
— The Franco Fascists came once and took one of my uncles who was going to fish, and
those gadjé beat him until he had holes in his head. Afterward, they let him go.
In wartime Spain, the Fascists, or sometimes others, would come up to the
Manush and ask them to play the national anthem. They had to have their wits about them,
and realize who these people were. Luckily, the older ones knew how to play all the national
anthems — otherwise they’d all be dead!
— In the morning we sometimes woke up to the sound of the greatest fiddlers playing along
with the birds — it was marvelous! They could have had great careers, but they didn’t want
to. They wanted to keep their own culture and not become too well-known, for fear of
having to go and play far away from their wives and children.
Towards the end of our life in Spain, around 1958 or so, we started hanging
out with the “Hungarians” — those who put animals on show, with their goats and little
monkeys. We played music for them to dance to.
Then the French Manush arrived with their cars, whereas we had only horses. They
told us we should go play in the big cities, where it would be easier for us. It was the opposite
of what we had been doing up till then!
France
— We came to the area of Lourdes because of the pilgrimage. Pato and I had a contest
going. Sometimes she would win, when she sang very well, and other times I would. My
style was more Spanish. In Marseille, I sold rubber bands. I’d put some scrap iron into a baby
carriage, and off we’d go from Assat all the way as far as Bizanos! When we got married in
Marseille, I was 15 and Piton was 16. To buy gas for the car, we would sing in bars. It was a very
hungry time!
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— A lovely story was when we got married — we were two young couples. The other girl
was not even 15 years old. So for the marriage, we didn’t even have the right to stay in a
hotel. An old man who liked the Manush invited us to his place, but then put us outside
because he was afraid of us being minors. It was winter, and we carried a tent in the snow
and walked until we found a bridge to camp under. It was freezing, but we were so happy!
When we returned to our parents, the women went first. My father gave me such a slap!
But afterward they built a coach for us, a small one made of wood. ... Then we
left for Arles with Guillic, and at an intersection we stopped and got out of the carriage,
because we didn’t know the way. Then we heard a huge BOOM! It was a truck which had
run over our coach. Then we made a tent out of sheets and slept under it with the children.
We were happy like that!
— You know why we sing so loud with our voices that way? It’s because we Manush love
champions. All sorts of champions, in football, boxing, opera...
— To make money, the adults would take me with them, so that people would take pity. It
was music that saved the Manush! And we are musicians now, we older ones, because we
made money like that when we were children. We had to sing or play to have any money, in
bars or in the streets.
— Today, we have cars, mobile homes, and we eat when we’re hungry. But we’ve lost our
freedom and our health.
We’re all sick.
Before, we didn’t mix with the others, the gitans, the Hungarians — out of
ignorance. We were taught to be very proud, and there were conflicts between us which
lasted for years.
Nowadays, the young no longer respect their elders.
In France, the camps which were designated for us were our downfall, because
of all the mixture of peoples. There were those who were used to Marseille, others from
Bordeaux, and they all had different ways of seeing things...
Our liberty is gone. Now we are required to go to these places. Those camps have
destroyed our civilization, because we’ve become too civilized!
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Whenever we arrive somewhere, they judge us by what’s written in our files!
A few years ago, the clisté made everyone line up alongside the road, young and
old, with wooden placards around our necks, and everyone was photographed!
But there’s one thing about us, the Manush — when you’re a musician, you are
highly esteemed.
Material collected by Jean-Luc Poueyto
The Musicians:
The Manush of Béarn are Manush first and foremost, travellers who live as families
in mobile homes, and speak Manush. However, for several decades now they have lived in
Béarn, especially in winter, while waiting for seasonal work. Although they have by no means
been converted to sedentary life, they have become truly attached to this border region, with
its rivers, its mountains, and its medium-sized towns.
Before settling around Pau, by the 1930s, most of these families had left France
to live in Spain, so as to escape the Nazi concentration camps. An entire generation was born
and raised there. As so many Manush have done in other places in the world, they sang and
played music, the music of the place where they lived — Carmen Sevilla, Antonio Machin,
operetta selections, popular songs of the Spanish Civil War — but not flamenco, which was
the business of the Spanish gypsies.
No Manush jazz, either, because that belonged to the Alsatian tribes. Of course
the Béarn Manush knew Django, and Guillic assuredly could play Nuages wonderfully — but
in his own way, that of the Pyrenees Manush, so impregnated with boleros, with bel canto,
and emotion.
They played music all their lives, in bars, in streets, for marriages, local festivals
and pilgrimages, and especially at home, where they went beyond fashions and genres, in full
freedom, beyond what the gadjés expected from them.
These were free men and women, playing and singing wholeheartedly — and
above all, for the pleasure of it.
These memories of Spain in the early part of the Franco regime, of those desolate
areas which the families traveled over length and breadth, slowly, on foot and by horsedrawn carriage, from one poor village to another, meeting with censure and hospitality, with
misery and moments of joy, are all found in the somewhat veiled timbre of Katia’s voice,
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in the warm voice of her husband, Piton, in the passion of Pantis singing fully, eyes closed,
throat swollen...
And then there is Guillic, one of the last violinists who plays in the old Manush
style: the one which preceded Grappelli, with its splendid sound and its slow, full notes...
Guillic plays as he lives, as a free man: just as he refuses to settle down in a designated gypsy
territory, he also cannot abide a melodic straight jacket. When he takes off on a familiar
theme, a “standard”, accompanied by his son Gini, he quickly runs his bow over a sequence
of notes from a different song, then his playing descends, feeling his way among the low
notes, wandering away from any known melody, when suddenly the original motif makes a
magnificent return. He never repeats the way he plays a piece. This is a free man.
Although Moreno is one of the greatest of today’s Manush guitarists, he is not
from Béarn. Accompanied by Tchocolo, he has offered his talent and congeniality for this
recording, excelling in the human domain as well as in the musical (what a guitarist!).
The music:
Of course there are Manush songs, but there are also Spanish songs, popular
songs, small boleros, American standards, original compositions... In fact, contrary to Manush
jazz, a musical genre in which gadjé (non-gypsies) excel, the music of this recording is
by definition something reserved for the Manush community. Any kind of music can be
considered as “Manush” if it is played à la Manouche (and we admit, this is something
very difficult to define). In any case, it is not simply a repertoire considered as “folklore”
or “traditional”, but very much a way of playing, an act which evokes the existence of the
Manush people, in this case with the special characteristics of the Pyrenees gypsies.
Of course Spain is present here — the popular songs of Carmen Sevilla (Virgen de
Amor ), of Antonio Machin (Revuelven las campanas ), and that lovely song called Caminero .
According to Katia, the latter song dates from the Spanish Civil War: a woman who has been
cast out on the road with her child implores a truck driver to take her far away...
Chavo (The Child) is a traditional song which Pantis sings with great emotion,
accompanied by the magnificent guitar of Moreno. Gypsies do not generally sing in chorus
(cf., Bernard Leblond in Flamenco ), but in the Doerr family they certainly do! Pantis, Katia,
and Piton love to sing together in festivals at home.
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Katia and Piton sing a duet, Blümelei (Flowers), a very beautiful traditional love
song, but revised here by the performers (“Mur Piton!”).
There are also traditional Manush waltzes (Valse à Guillic), though some of them
are original compositions. Some of these waltzes are mixed with boleros, often with an
intimate swaying feeling. These are very recognizable, guided by the unique tone and style
of Guillic’s violin. Here we find very beautiful exchanges between him and the guitarist,
Moreno, who has himself made a record called Bolero. Here they meet on common ground
with a common language which has been forged by so many years of playing with the same
musicians, in the same places all over the south of France. It’s a “huge vocation.”
Finally, Jackie does not need a guitar accompaniment: when he plays, everyone is silent.
Remerciements / Acknowledgments
A la Caisse d’Epargne des Pays de l’Adour, ainsi qu’au Conseil Général des Pyrénées Atlantiques,
au Contrat de Ville de l’Agglomération Paloise et à la D. R. A. C. Aquitaine pour leur soutien et leur
confiance.
Remerciements également à Guillic pour sa participation et ses conseils artistiques, à Moreno, pour
nous avoir tant aidé, à Katia et Piton pour leur hospitalité ainsi qu’à la famille Doerr de Soumoulou
pour toutes les informations dont ils ont bien voulu nous faire part. Remerciements encore à La
Maison des Femmes du Hédas, pour nous avoir accueillis, à Gérard Cauguil pour sa
patience, à Marilis Orionaa pour ses spaghetti, à Guy Bertrand et Patrick Williams pour leur aide.
Thanks to the Caisse d’Epargne des Pays de l’Adour, and to the Conseil Général des Pyrénées
Atlantiques, to the Contrat de Ville de l’Agglomération Paloise, and to the D.R.A.C. Aquitaine, for
their support and their faith.
Thanks also to Guillic for his participation and artistic counsel, to Moreno for his great help to us,
to Katia and Piton for their hospitality, as well as to the Doerr and Soumoulou families for all the
information they kindly shared with us. Thanks also to La Maison des Femmes du Hédas, for their
welcome, to Gérard Cauguil for his patience, to Marilis Orionaa for his spaghetti, to Guy Bertrand
and Patrick Williams for their help.
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1 - Revuelven las campanas (A. Machin)
2 - Just a gigolo (Casucci/Brammer)
3 - Todo pasara (E. Simon)
4 - Kai dja(trad.)
5 - Voyage au bout de l’enfer (Jackie)
6 - Pintor (trad.)
7 - Blumeli (trad.)
8 - Algun dia (A. Romero)
9 - Valse à Guillic (Guillic)
2’ 04’’
3’ 56’’
2’ 47’’
2’ 41’’
2’ 42’’
2’ 32’’
3’ 01’’
3’ 19’’
1’ 55’’
10 - Caminiero (Gomez)
11 - Chavo (trad.)
12 - Sabor a mi (Carillo)
13 - Besame mucho (Velasquez)
14 - Raisa (trad.)
15 - Amado mio (Roberts/Fisher/Espinosa)
16 - Solamente una ves (A. Lara)
17 - Virgen de amor (Sevilla)
18 - Retour au pays (Jackie)
2’ 16’’
2’ 00’’
2’ 12’’
4’ 10’’
3’ 29’’
3’ 47’’
2’ 22’’
2’ 49’’
2’ 33’’
Enregistré aux studios Carlamusa, à Denguin (64) par Bertrand Aguilar. Mixé par André Voltz. Texte
et Photos : Jean-Luc Poueyto. Traduction anglaise : Joseph Rowe. Conception graphique : M. Pagiras.
Coordination : Annie Le Borgne-Queffélec. Ce disque a été co-produit par Latcho Rhaben à partir d’un
projet mené par Jean Luc Poueyto pour l’INSTEP Formation. Produit par Michel Pagiras pour AÏA MUSIC.