Retrait et abrogation des actes administratifs
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Retrait et abrogation des actes administratifs
Retrait et abrogation des actes administratifs Ce sont 2 prérogatives qui appartiennent à l’administration. Le JA ne peut pas retirer ou abroger un acte administratif. Retrait : disparition rétroactive d’un acte administratif par son auteur. Annulation : disparition rétroactive d’un acte administratif par le JA. Abrogation : priver d’effet un acte pour l’avenir. On ne remet pas en cause les effets du passé. Elle désigne normalement une prérogative de l’administration. Cependant, il arrive que le JA limite les effets dans le temps d’une annulation. A ce moment là, l’acte est annulé, mais le CE estime qu’au nom de la sécurité juridique, il faut préserver les effets antérieurs produits par l’acte (annulation : même effets que l’abrogation). I/ Le retrait des actes administratifs Il n’est envisageable que lorsque l’administration perçoit l’illégalité de l’acte qu’elle a adopté. Le retrait semble être une application du principe de légalité. Il se heurte au principe de sécurité juridique qui s’attache à la stabilité des situations juridiques et au respect des droits acquis. Depuis une 10n d’années, les règles applicables ont été profondément modifiées par le JA et le législateur. Le dispositif retenu se singularise par sa complexité. On observe la coexistence de 2 régimes juridiques : un régime jurisprudentiel qui s’applique au retrait des décisions expresses créatrices de droit (CE ass 2001 « Ternon ») et un régime législatif qui est spécifique au retrait des décisions implicites d’acceptation (a 23 loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration de 2001) A/ Le retrait des décisions créatrices de droit Traditionnellement, le délai de retrait était calqué sur le délai de recours contentieux. Désormais, les 2 notions sont découplées. Le délai pendant lequel l’administration peut retirer l’acte n’est plus le même que celui du recours. 1/ Le couplage des délais de recours et retrait : CE 1922 : « Dame Cachet » A l’origine, les décisions individuelles créatrices de droit peuvent être retirées par l’autorité administrative aussi longtemps qu’elle pouvaient faire l’objet d’une annulation contentieuse. Dans cet arrêt, le CE subordonne le retrait d’un acte administratif à 2 conditions : - L’acte doit être illégal - Le retrait doit intervenir avant que la décision en soit devenue définitive (soit dans le délai de recours contentieux de 2 mois, soit en cas de contestation contentieuse de l’acte avant que le juge n’ai statué lorsqu’un REP a été formé) Cette 2nd condition a été interprétée dans un sens très favorable à l’administration par l’arrêt CE Ass 1966 « Ville de Bagneux ». En l’espèce, il s’agissait d’un acte créateur de droit qui n’avait fait l’objet d’aucun mesure de publicité. Or, le délai de recours contre un acte ne commence à courir qu’après l’accomplissement des formalités de publicité. En l’absence, ce délai de 2 mois ne court qu’à l’égard des tiers. Or, le principe de « Dame Cachet » énonce que le retrait peut avoir lieu tant qu’il peut y avoir recours, donc, dans ce cas, c’est plus long. Cela pose problème quant à la sécurité juridique. Par 2 fois, le JA a accepté de déroger à la jurisprudence « dame Cachet ». CE sect 1969 : « Eve » : cela concerne les décisions implicites d’acceptation. Dans cette hypothèse, le retrait n’était possible que dans le délai de 2 mois laissé à l’administration pour se prononcer à l’encontre de la demande de l’administré (délai de réponse). = 1e déconnexion entre les délais de recours et de retrait. CE 1997 « De Laubier » : l’administration a retiré un acte illégale après l’expiration du délai de recours de 2 mois. L’argument invoqué est qu’il n’a pas indiqué les délais et voies permettant de contester cet acte. Dès lors le délai de 2 mois n’est pas opposable au destinataire. Le CE fait application de l’adage « nemo auditur » (personne ne peut se prévaloir de sa propre turpitude). 2/ Consécration de ce découplage par CE 2001 « Ternon » « sous réserve de disposition législative ou règlementaire contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l’administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de 4 mois suivant la prise de cette décision. » L’administration ne peut pas retirer l’acte en cas de recours contentieux. Les 2 conditions de « Dame Cachet » ne sont plus valables. On abandonne la jurisprudence « Ville de Bagneux », le défaut de publication ne prolonge pas le délai de retrait. Le commissaire du gouvernement SENERS disait « il ne paraît plus admissible que l’administration qui a conféré des droits, même à tords, puisse les retirer sans limitation dans le temps ». On assiste à un net renforcement de la sécurité juridique. Exceptions : Le retrait peut survenir lorsqu’il répond à une demande du destinataire, à tous moments. Le retrait peut intervenir même si l’acte n’est pas illégal. Cependant, il ne doit pas porter atteinte aux droits des tiers. Ce délai de 4 mois peut être écarté lorsqu’un texte pose un délai différent Ex : la loi du 13/07/06 dispose que les permis de construire, d’aménager ou de démolir, ne peuvent être retirés que dans les 3 mois suivant leur édiction. Ce délai ne s’applique pas dans le champ d’application du droit communautaire CE 2006 : centre d’exportation du livre français (le ministre de la culture avait accordé une subvention qui s’analyse en une aide d’Etat). Eléments de découplage Dans cet arrêt, on ne trouve pas de référence au délai de recours contentieux pour déterminer le délai de retrait. Il n’y a plus de coïncidences entre les délais de retrait (4 mois) et de recours (2 mois). Les points de départ des délais divergent ( retrait : date de prise de la décision ; recours : date de publication). Au delà du délai de 4 mois, le retrait n’est plus possible, même si les tiers conservent un droit de recours en raison de l’absence de mesures de publicité. Portée : il ne concerne que les décisions individuelles expresses créatrices de droit (un acte pécuniaire par exemple). Pour les décisions non créatrices de droit, le retrait peut intervenir à tout moment. B/ Le retrait des décisions implicites créatrices de droit Traditionnellement, il était régi par la jurisprudence CE sect 1968 « Eve ». Une décision implicite créatrice de droits ne peut être retirée que dans le délai de 2 mois imparti à l’administration pour se prononcer. Cette jurisprudence a été abandonnée par la loi du 13 avril 2000 DCRA. Une décision implicite d’acceptation peut être retirée si elle est illégale quand : - Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d’information des tiers ont été mises en œuvre (application « dame Cachet ») - Pendant le délai de 2 mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsque aucune mesure d’information des tiers n’a été mise en œuvre. C/ Critique du dispositif existant 1/ Un dispositif trop complexecoexistence de délais différents, manque de cohérence 2/ Solutions envisageables interdire à l’administration de retirer les actes administratifs (peu probable), en droit communautaire, le retrait des actes administratifs est possible dans un délai raisonnable, généraliser la jp « Ternon » à toutes les décisions créatrices de droits expresses ou implicites. II/ Abrogation des actes administratifs A/ Solutions jurisprudentielles traditionnelles 1/ Présentation de la jurisprudence CE ASS 1989 « Alitalia » A/ Pourquoi ? Différentes manières de constater l’illégalité dans le cadre d’un REP ou lors d’une exception d’illégalité. Formes d’autodiscipline qui contraignent l’administration à ne pas appliquer des règlements illégaux. CE 1958 « Ponard ».Principe général du droit, l’administration doit s’abstenir spontanément d’appliquer un règlement illégal = droit de l’administration de solliciter l’abrogation d’un règlement illégal. B/ Jurisprudence antérieure CE 1930 « despujol » qui pose le principe selon lequel tout intéressé peut, en cas de changement de circonstance (de fait ou de droit), qui avait motivé un règlement, demander à son auteur de le modifier ou de l’abroger. En cas de refus, on peut attaquer. La limite, c’est qu’on ne peut solliciter d’abrogation lorsque l’acte est entaché d’illégalité dès son adoption. Décret du 28 novembre 1983 relatif aux relations des usagers avec l’administration (abrogé en 2007). Ce décret oblige l’administration à faire droit, sans conditions de délai, à une demande d’abrogation d’une règlement illégal. L’administration est désormais te nue d’abroger un règlement illégal lié à un changement de circonstance ou à une illégalité initiale. Le problème, c’est que ce décret est signé par le président de la république, or, comme ce dernier s’applique aussi aux collectivités territoriales, cela se heurte au principe de libre administration, et donc, on le considère comme illégal. C/ ce ASS 1989 : « Compagnie Alitalia » Il reprend les termes litigieux du décret de 1983. Le CE va ériger en principe, l’obligation d’abroger un règlement illégal. Ce n’est pas un PGD, néanmoins le principe souligne bien que l’obligation s’impose au pouvoir réglementaire. Le CE en l’érigeant comme principe, sauvegarde la légalité de la règle posée par le décret. = l’illégalité du décret est sans incidences, et le CE établit son inutilité. 2/ Apport récent de précisions sur la jurisprudence « Alitalia » : CE 2007 : ordre des avocats du barreau d’Evreux Faits : l’ordre des avocats avait demandé l’abrogation d’un règlement, refus. Ce règlement va être finalement abrogé. Après l’avoir abrogé, l’administration va appliquer un nouveau règlement qui reproduit les mêmes dispositions (modification de la forme). Le CE retient la solution qui consiste à étendre la portée de la jurisprudence « Alitalia ». Il rappelle le principe qui énonce que lorsque l’administration qui a pris le règlement litigieux procède à son abrogation, le litige perd son objet. Il en va différemment lorsque cette même autorité reprend, dans un nouveau règlement, les dispositions qu’elle abroge sans les modifier ou en ne leur apportant que des modifications de pure forme (cf. plaquette) Cet arrêt rompt la distinction entre le REP et le recours de pleine juridiction. Dans cette hypothèse, le REP demeure-t-il un procès fait à un acte ? Dans cet arrêt, on voit que le constat de l’illégalité s’attache moins à l’acte qu’à la norme qu’il applique. La règle ayant été déclarée illégale, le règlement qu’il a reprendrait ne pourrait faire l’objet d’un REP. En outre, cela s’attache à la règle et non à l’acte. B/ Consécration législative de la jurisprudence « Alitalia » : consolidation ou fragilisation ? 1/ Présentation du nouveau dispositif législatif Il résulte de la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit. Cette loi poursuit un objectif ambitieux : remédier au maintien en vigueur de dispositions devenues illégales et sans objet. Il introduit un nouvel article dans la loi DCRA : « l’autorité administrative est tenue d’office ou à la demande d’une personne intéressée, d’abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du règlement ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ». L’abrogation du décret de 1983 n’a eu aucun effet. On confère une valeur législative à un principe qui avait jusque là une valeur décrétale et de PGD. Il faut prévoir une obligation pour l’administration d’abroger d’office un règlement illégal. Concrètement, on exige de l’administration qu’elle se mette à jour souvent, et apure les actes réglementaires en abrogeant les actes devenus illégaux ou sans objet. 2/ Inutilité du nouveau dispositif législatif A/ Principe A partir du moment où la loi de 2007 reprend pour l’essentiel la jurisprudence « Alitali » qui avait dégagé un PGD qui s’imposait à l’administration, on ne voit plus l’intérêt de lui donner une valeur législative. B/ L’obligation d’abroger spontanément un acte devrait rester lettre morte 1/ L’absence d’effet de l’abrogation spontanée d’un règlement illégal. Jusqu’à présent, cette obligation supposait toujours une demande préalable d’un administré (« Despujol » 1930). Le seul facteur d’évolution, c’est la nature de l’illégalité qui peut être initiale. Désormais, la loi prévoit que l’administration doit abroger d’office un règlement illégal. Que se passe-t-il si elle ne le fait pas ? L’administré devra présenter une demande tendant à une indemnisation causée par le dommage issu de la carence d’abrogation d’office d’un règlement illégal. Ici, le requérant ne se plaindrait pas de l’application du règlement 2/ Absence d’effet de l’obligation d’abroger les dispositions sans objet Une disposition sans objet, c’est une disposition qui est privée de portée, sans incidence sur l’état du droit, qui n’affecte par les intérêts de l’administré. Elle est redondante ou obsolète. Le raisonnement est que à partir du moment où une disposition est sans objet, à qui cela peut poser un préjudice ?