AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 14 NOVEMBRE 2014 Le

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AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 14 NOVEMBRE 2014 Le
REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE
----------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN
----------------TRIBUNAL DE COMMERCE D’ABIDJAN
-------------------
RG 2660/2014
------------JUGEMENT CONTRADICTOIRE
DU 14 NOVEMBRE 2014
--------------
Monsieur YACOUBA OUATTARA
GOMEZ
(Maître SERGE PAMPHILE NIAHOUA)
C/
LA FEDERALE D’ASSURANCE COTE
D’IVOIRE
(SCPA DOGUE ABBE YAO)
DECISION
CONTRADICTOIRE
Rejette la fin de non recevoir soulevée ;
Reçoit
monsieur
YACOUBA
OUATTARA GOMEZ en son action ;
L’y dit partiellement fondé ;
Condamne la société FEDERALE
D’ASSURANCES COTE D’IVOIRE à lui
payer la somme de 13.715 FCFA au titre
du remboursement des frais médicaux ;
Déboute
monsieur
YACOUBA
OUATTARA GOMEZ du surplus de ses
prétentions ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
Condamne la société FEDERALE
D’ASSURANCES COTE D’IVOIRE aux
entiers dépens.
AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 14 NOVEMBRE 2014
Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience publique
ordinaire du vendredi quatorze novembre deux mil quatorze tenue
au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient :
Madame TOURE AMINATA épouse TOURE, Président du Tribunal ;
Messieurs YEO DOTE, OUATTARA LASSINA, DAGO ISIDORE, AKA
GNOUMON, Assesseurs ;
Avec l’assistance de Maître CAMARA WAGNINLHOU N’KONG
BLANDINE, Greffier assermenté ;
A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre :
Monsieur YACOUBA OUATTARA GOMEZ, né le 05 juin 1977 à
Bouaké, fonctionnaire, de nationalité ivoirienne, domicilié à
SOUBRE, cellulaire : 07 58 08 76/01 44 82 93 ;
Ayant pour conseil maître SERGE PAMPHILE NIAHOUA, avocat près
la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant Cocody II Plateaux Aghien
Las Palmas, résidence Latrille, 2ème tranche tour k, porte 130,
téléphone : 22 52 49 06 ;
Défendeur comparaissant et concluant par le canal de son conseil
D’une part ;
Et
La FEDERALE D’ASSURANCES COTE D’IVOIRE, Société Anonyme au
capital de 1.000.000.000 FCFA sise à Cocody les II Plateaux, Angle
Rue des jardins, Bd des martyrs Carrefour Duncan, lot 2019, prise
en la personne de son représentant légal ;
Ayant pour conseil la Société Civile Professionnelle d’Avocats
DOGUE,ABBE,YAO et associés, sise à Abidjan, avocats près la Cour
d’appel d’Abidjan;
Défenderesse comparaissant et concluant par le canal de son
conseil ;
D’autre part ;
Enrôlée le 23 septembre 2014, l’affaire a été appelée à l’audience
du 25 septembre 2014 puis renvoyée au 03 octobre 2014 pour une
tentative de conciliation ;
Le Tribunal ayant constaté l’échec de la tentative de conciliation,
ordonnait une instruction et renvoyait l’affaire au 31 octobre
2014 ;
A cette date, la cause étant en état d’être jugée, elle a été mise en
délibéré pour le 14 novembre 2014, date à laquelle le Tribunal a
rendu le jugement dont la teneur suit :
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier ;
Vu l’échec de la tentative de conciliation ;
Ouï les parties en leurs fins, demandes et conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS
ET MOYENS DES PARTIES
Par exploit d’huissier en date du 15 septembre 2014, monsieur
YACOUBA OUATTARA GOMEZ a fait servir assignation à la société
FEDERALE D’ASSURANCES COTE D’IVOIRE d’avoir à comparaitre
devant le Tribunal de ce siège pour entendre :
Condamner la FEDAS CI à lui payer la somme de 5.233.787
FCFA pour tous préjudices confondus à raison de 5.000.000
FCFA au titre du préjudice moral et 233.787 FCFA au titre
du préjudice matériel ;
Assortir la décision de l’exécution provisoire ;
Condamner la FEDAS CI aux entiers dépens de l’instance ;
Au soutien de son action, monsieur YACOUBA OUATTARA GOMEZ
expose qu’il a approché la société FEDERALE D’ASSURANCE COTE
D’IVOIRE en vue de la conclusion d’un contrat d’assurance pour
une couverture médicale intégrant les frais de médicaments
pharmaceutiques ;
Il déclare avoir subordonné la conclusion du contrat envisagée, à
l’existence de cliniques et pharmacies partenaires de cette
couverture à SOUBRE, ville dans laquelle il réside ;
La FEDAS CI lui communiquait alors une liste de cliniques et
pharmacies présentées comme ses partenaires sur toute l’étendue
du territoire national, sur laquelle figuraient la Clinique Médicochirurgicale Sainte Marie de la Nawa et la Pharmacie de la Gare,
toutes deux sises à SOUBRE ;
Toutefois, le 18 juillet 2014, malade, il dit s’être présenté à la
clinique précitée mais n’a pu y recevoir les soins attendus parce
que la clinique n’a aucun lien contractuel avec la compagnie
d’assurance FEDAS CI ;
De plus, il n’a pu se faire servir les médicaments à la pharmacie de
la gare pour les mêmes raisons ;
Il en conclut que la société FEDAS CI a usé de manoeuvres
dolosives qui l’ont déterminé à contracter et sollicite, par voie de
conséquence, la résolution du contrat liant les parties ;
En réplique la défenderesse soulève in limine litis, l’irrecevabilité
de l’action au motif qu’elle a été initiée avant le terme convenu
par les parties ;
En effet, dit-elle, l’article 5 du contrat d’assurance stipule que la
dénonciation ou le retrait du contrat ne peut intervenir qu’après
un an de souscription et ce, à compter du 1er janvier, de sorte que
la résolution du contrat conclu le 03 février 2014, ne peut
intervenir avant l’année 2015 ;
Au fond, elle fait valoir que le demandeur ne fait pas la preuve de
ses allégations, car tant l’élément matériel que l’élément
intentionnel caractérisant le dol allégué ne sont démontrés ;
En outre, aux termes de l’article 6-2 du contrat d’assurance, le
demandeur avait la possibilité d’obtenir le remboursement des
frais exposés en faisant la déclaration de sinistre dans un délai de
30 jours, et en indiquant, pièces à l’appui, tous les actes pratiqués
au cours de la prestation médicale ;
Le demandeur n’ayant pas fait de déclaration de sinistre, aucune
faute ne peut être reprochée à la FEDAS CI ;
La défenderesse conclut que, dans ces conditions, la demande de
dommages-intérêts dont le montant excède le principal par
ailleurs, doit être déclarée mal fondée ;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Sur le caractère de la décision
La défenderesse a comparu et conclu ;
Il sied de statuer par décision contradictoire ;
Sur le taux du ressort
Aux termes de l’article 8 de la loi organique N°2014-424 du 14
juillet 2014 portant création, organisation et fonctionnement des
juridictions de commerce, « les tribunaux de commerce statuent :
- En premier ressort, sur toutes les demandes dont l’intérêt du
litige est supérieur à un milliard de francs CFA ou est
indéterminé ;
- En premier et dernier ressort, sur toutes les demandes dont
l’intérêt du litige n’excède pas un milliard de francs CFA » ;
En l’espèce, l’intérêt du litige qui est de 5.233.787 FCFA n’excède
pas un milliard de francs CFA ;
Il sied de statuer en premier et dernier ressort ;
Sur la recevabilité de l’action
La société FEDERALE D’ASSURANCES COTE D’IVOIRE soulève
l’irrecevabilité de l’action au motif que l’action en résolution du
contrat a été initiée en méconnaissance des articles 1 et 5 de la
convention liant les parties ;
Lesdits articles stipulent respectivement :
« Le présent contrat est souscrit pour une durée d’un an
renouvelable » ;
« La dénonciation ou le retrait du contrat ne peut intervenir
qu’après un an de souscription effective et ce à compter du 1er
janvier. Le retrait de l’adhérent ne pourra prendre effet qu’à la
date du 31 décembre de l’année d’assurance » ;
Il s’en infère que les parties ne peuvent procéder à la résolution du
contrat par dénonciation unilatérale avant une année d’exécution
effective ;
Toutefois, les articles susvisés ne font aucunement référence à la
résolution judiciaire ;
Or, aux termes de l’article 1184 du code civil, « La condition
résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats
synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera
point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie
envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou
de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est
possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et
intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé
au défendeur un délai selon les circonstances » ;
Il s’ensuit qu’en cas de défaillance d’une des parties au contrat,
l’autre partie peut en obtenir la résolution judiciaire ;
En l’espèce, le demandeur sollicite la résolution judiciaire du
contrat si bien que l’échéance prévue pour la résolution par
dénonciation unilatérale ne peut constituer un obstacle à l’action ;
Il sied donc de rejeter ce moyen comme mal fondé ;
L’action ayant donc été initiée dans le respect de prescriptions
légales de forme et de délai, il y a lieu de la recevoir ;
AU FOND
Sur la résolution du contrat
Monsieur YACOUBA OUATTARA GOMEZ sollicite la résolution du
contrat liant les parties au motif que son consentement a été
vicié ;
Aux termes de l’article 1109 du code civil, « Il n'y a point de
consentement valable, si le consentement n'a été donné que par
erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol » ;
L’article 1116 du même code précise que « Le dol est une cause de
nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par
l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces
manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume
pas, et doit être prouvé » ;
Il s’ensuit que le dol est une erreur provoquée par des manœuvres
frauduleuses, c'est-à-dire des actes accomplis par l’une des parties
avec l’intention de tromper l’autre pour la déterminer à
contracter ;
La victime du dol, sur qui pèse la charge de la preuve du dol
allégué au sens de l’article 1116 précité, doit donc caractériser non
seulement l’élément matériel constitutif des manœuvres
frauduleuses mais également l’élément intentionnel consistant
dans la volonté de son cocontractant de le tromper ;
En l’espèce, le demandeur prétend que son consentement a été
vicié par dol, la société FEDERALE D’ASSURANCES COTE D’IVOIRE
lui ayant fait croire qu’elle avait des partenaires dans la ville de
SOUBRE capables de lui fournir les prestations pour lesquelles il
s’engageait ;
Toutefois, la remise d’une liste d’établissements conventionnés
dont certains sont à SOUBRE ne peut, à elle seule, suffire à
caractériser les manœuvres frauduleuses prévus par le texte
susvisé ;
En effet, monsieur YACOUBA OUATTARA GOMEZ ne rapporte pas
la preuve que son consentement a été déterminé uniquement par
la remise dudit document, et ce d’autant moins que la convention
des parties prévoit la possibilité pour le souscripteur de se faire
rembourser les frais exposés au cours des prestations médicales
effectuées dans une ville dépourvue d’établissements sanitaires
conventionnés ;
En outre, il ne fait pas la preuve que la défenderesse a eu
l’intention de surprendre son consentement par la remise de cette
liste d’établissements conventionnés ;
Dans ces conditions, il convient de dire que le dol allégué n’est pas
établi et de déclarer la demande en résolution de contrat mal
fondée ;
Sur les demandes en paiement
Sur le remboursement des frais médicaux
Monsieur YACOUBA OUATTARA sollicite la condamnation de la
FEDAS CI à lui payer la somme de 13.715 FCFA au titre des frais
médicaux ;
L’article 4 des conditions de souscription assurance maladie
prévoit le remboursement des frais exposés à la condition que la
demande en remboursement soit faite dans un délai de 03 mois ;
En l’espèce, il résulte du bon de pharmacie produit au dossier, que
monsieur YACOUBA OUATTARA a exposé des frais d’une valeur de
13.715 FCFA le 18 juin 2014 de sorte que le demandeur avait
jusqu’au 18 septembre 2014 pour formuler sa demande en
remboursement ;
L’acte d’assignation signifié à la défenderesse le 15 septembre
2014, l’a été dans les délais pour solliciter ledit remboursement ;
Aux termes de l’article 1134 du code civil, « Les conventions
légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel,
ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi » ;
Il en résulte que les parties sont liées par les termes de leur
engagement et ne peuvent s’y soustraire que d’un commun
accord ;
Dès lors, il sied de condamner la société FEDERALE D’ASSURANCES
COTE D’IVOIRE à payer à monsieur YACOUBA OUATTARA la
somme de 13.715 FCFA au titre de frais médicaux exposés ;
Sur la demande en remboursement des cotisations
Monsieur YACOUBA OUATTARA sollicite la condamnation de la
FEDAS CI à lui rembourser la somme de 183.360 FCFA équivalent
au montant de sa cotisation ;
Cette demande était cependant subordonnée à la résolution du
contrat, demande dont il a été débouté, de sorte que les parties
sont toujours dans les liens contractuels et doivent exécuter les
obligations qui en découlent conformément à l’article 1134 du
code civil précité ;
Dès lors, la demande en remboursement des cotisations doit être
rejetée comme étant mal fondée ;
Sur la demande de dommages intérêts
Le demandeur sollicite la condamnation de la FEDAS CI à lui payer
la somme de 5.000.000 FCFA à titre de dommages- intérêts ;
Aux termes de l’article 1147 du code civil, « Le débiteur est
condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts , soit
à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard
dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que
l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut être
imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part » ;
Ce texte subordonne la réparation sollicitée, à l’existence
cumulative d’une faute d’un préjudice et d’un lien de causalité
entre la faute et le préjudice ;
En l’espèce, le demandeur soutient que la FEDAS a commis une
faute en lui faisant croire, à tort, qu’il bénéficierait de la
couverture maladie à SOUBRE ;
Il a été cependant sus jugé que la faute reprochée à la FEDAS n’est
pas établie ;
Au demeurant, le demandeur qui avait la possibilité de solliciter de
la défenderesse le remboursement des frais médicaux qu’il a
exposés, n’a initié aucune démarche en ce sens et qui serait restée
sans suite ;
Il en découle qu’aucune faute ne peut être imputée à la société
FEDERALE D’ASSURANCES COTE D’IVOIRE ;
Les conditions de l’article 1147 du code civil sus-indiqué n’étant
pas réunies, il sied de débouter monsieur YACOUBA OUATTARA
GOMEZ de sa demande en dommages-intérêts ;
Sur l’exécution provisoire
Le demandeur sollicite l’exécution provisoire de présente
décision ;
L’article 145 du code de procédure civile, commerciale et
administrative dispose : « Outre les cas où elle est prescrite par la loi,
et sauf dispositions contraires de celle-ci, l'exécution provisoire doit être
ordonnée d'office, nonobstant opposition ou appel, s'il y a titre
authentique ou privé non contesté, aveu ou promesse reconnue » ;
En l’espèce il n’y a ni titre authentique ou privé contesté ni aveu
ou promesse reconnue ;
En outre le défendeur ne fait pas la preuve de l’extrême urgence
qu’il y a à ordonner l’exécution provisoire sollicitée ;
Il convient donc de dire n’y avoir lieu à exécution provisoire de la
présente décision ;
Sur les dépens
Le demandeur succombe à la présente instance et doit en
supporter les dépens en application de l’article 149 du code de
procédure civile, commerciale et administrative ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en premier et dernier
ressort ;
Rejette la fin de non recevoir soulevée ;
Reçoit monsieur YACOUBA OUATTARA GOMEZ en son action ;
L’y dit partiellement fondé ;
Condamne la société FEDERALE D’ASSURANCES COTE D’IVOIRE à
lui payer la somme de 13.715 FCFA au titre du remboursement des
frais médicaux ;
Déboute monsieur YACOUBA OUATTARA GOMEZ du surplus de ses
prétentions ;
Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
Condamne la société FEDERALE D’ASSURANCES COTE D’IVOIRE
aux entiers dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jours, mois et an que
dessus ;
Et ont signé le Président et le Greffier.