Gérer le quotidien ou favoriser la construction d`un projet de vie
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Gérer le quotidien ou favoriser la construction d`un projet de vie
Institut Régional Supérieur du Travail Educatif et Social de Bourgogne MEMOIRE Directeur de mémoire A SAVIGNET Gérer le quotidien ou favoriser la construction d’un projet de vie ? Un défi pour l’accueil familial social Présenté pour l’obtention du Diplôme Supérieur du Travail Social BERTHOLON YVES DSTS 10 Remerciements : A l’ensemble des accueillants familiaux pour leur « accueil à leur domicile à titre gratuit » qui ont tous accepté de me consacrer du temps et de partager avec moi leurs expériences. A mon directeur de mémoire pour sa constance et sa patience. Aux travailleuses sociales et leurs responsables du service du Conseil Général de l’Accueil Familial Adultes qui m’ont permis de réaliser l’enquête. 2 SOMMAIRE MOTIVATION ET INTERÊT POUR CE SUJET (p 6 à 7) 1. DE L’ACCUEIL FAMILIAL A L’ACCUEIL FAMILIAL SOCIAL (p 7 à 34) 1.1. Des populations qui se singularisent : un cadre réglementaire qui s’adapte (p 7 à 22) 1.1.1. L’accueil familial des « handicapés mentaux » 1.1.3. Les données statistiques concernant l’accueil familial adultes 1.1.4. Construction et évolution d’un cadre juridique 1.2 L’accueil familial social adulte en Côte d’Or (p 22 à 34) 1.2.1. Organisation administrative 1.2.2. La demande concernant l’accueil familial 1.2.3. L’offre de l’accueil familial 2. TENTATIVE DE FORMULATION D’UNE OFFRE DE L’ACCUEIL FAMILIAL SOCIAL EN CÔTE D’OR (p 35 à 51) 2.1. Le quotidien (p 35 à 38) 2.1.1. Proposition de définitions 2.1.2. Les apports du quotidien 2.2. Les apports de l’accueil familial (p 38 à 51) 2.2.1. Un travail sur la subjectivation 2.2.2. Un travail sur la socialisation 3. LA DEMARCHE D’INVESTIGATION (p 52 à 88) 3.1 Le dispositif méthodologique de l’enquête (p 52 à 54) 3.1.1 Le choix de la méthode de collecte 3.1.2. La constitution de l’échantillon 3.2 Présentation des résultats de l’enquête concernant l’activité d’accueillant familial (p 54 à 79) 3.2.1 Les caractéristiques de l’échantillon 3.2.2. Les motivations des accueillants familiaux 3.2.3 L’accueil, un cadre de vie adapté 3.2.4. L’accompagnement, une dynamique possible. 3.2.5. La socialisation 3 3.3 Analyse des résultats de l’enquête sur l’activité d’accueillant familial (p 79à 85) 3.3.1. Écart entre les résultats de l’enquête et les textes règlementaires 3.3.2. Écart entre résultats de l’enquête et mon approche théorique 3.4 Tentative de définition de l’activité d’accueillant familial (p 85 à 88) 4. PROPOSITIONS CONCERNANT LE DEVENIR DE L’ACCUEIL FAMILIAL SOCIAL (p 89 à 92) 4.1. Les propositions des accueillants (p 89 à 90) 4.2. Mes propositions (p 90 à 92) CONCLUSION (p 93 à 94) 4 La problématique de recherche L’accueil familial pour adultes s’est organisé en France depuis la fin du 19ème siècle. L’accueil familial social qui en est une des déclinaisons joue aujourd’hui un rôle non négligeable dans l’accompagnement de personnes en situation de handicap. La loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l’accueil par des particuliers à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées est venue préciser les conditions d’exercice de l’activité de l’accueillant familial ainsi que les obligations liées à celle-ci. Par contre, la définition de cette activité et les objectifs qu’elle décline n’est pas explicite, les accueillants familiaux en sont réduits à inventer les contours de leur activité à partir des représentations qu’ils se font du handicap et du sens qu’ils peuvent donner à leur engagement auprès des personnes qu’ils reçoivent à leur domicile. Cette situation n’est-elle pas en contradiction avec les orientations du cadre législatif et règlementaire issu des lois du 2 janvier 2002 et 2005-12 ? En effet à quel choix éclairé peut procéder le sujet si son action n’est pas étayée par des principes formels qui la fondent ne droit et en raison ? Pourtant force est de constater que l’accueil familial social à une place dans le dispositif existant pour la prise en compte des personnes en situation de handicap en Côte d’Or comme dans tous les départements français n’est pas remis en cause. On peut alors faire l’hypothèse que l’accueil familial social repose sur des bases plus solides que le simple consensus entre prescripteur, accueillant et personnes accueillies. Quelles sont alors les bases et les fondements théoriques qui peuvent ou pourraient définir cette activité ? Quels effets perceptibles sur la personne accueillie peut-on espérer ? Comment l’activité de l’accueil familial peut-il aujourd’hui s’inscrire dans le dispositif médico-social qui existe en direction des personnes en situation de handicap ? Ce sont ces questions qui dans un premier temps ont permis de baliser ma démarche de recherche et dans un second temps de structurer mon protocole d’enquête. 5 Motivations et intérêt pour traiter ce sujet J’assure depuis deux ans la direction d’un service d’aide à l’accueil familial qui intervient sur sept cantons au nord du département de Côte d’Or avec une délégation du Conseil Général. La loi de 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a confirmé l’obligation de mettre en place un suivi social pour les personnes reçues en accueil familial adulte. Notre mission s’inscrit dans le cadre de cette obligation faite aux accueillants familiaux. Elle comporte deux volets; d’une part l’élaboration, le suivi et l’évaluation d’un projet personnalisé pour les personnes handicapées adultes accueillies; d’autre part un soutien aux accueillants familiaux dans leur activité quotidienne. Dans ce travail, je me suis rendu compte de la complexité de faire travailler ensemble deux organisations qui n’ont pas la même culture, d’un côté un service composé de professionnels du champ médico-social habitués à œuvrer dans une logique de réseau avec des procédures et de l’autre des accueillants familiaux sans formation de base initiale travaillant de manière isolée sans l’apport régulier d’un tiers en mesure de les soutenir et leur permettre d’interroger leur pratique. Ces accueillants expriment le fait qu’ils se sentent isolés mais en même temps éprouvent une méfiance à l’égard des professionnels du secteur médico-social. Ce mode de prise en charge existe depuis très longtemps, le premier texte parlant de l’accueil familial remonte à la révolution française, mais son développement a été très lent et cette activité reste encore confidentielle voire laissée dans l’oubli. La politique sociale du secteur des personnes handicapées a vécu d’importantes et rapides évolutions au cours du 20ème siècle et au début du 21ème siècle apportant des modifications bénéfiques dans la prise en compte des conditions de vie des personnes en situation de handicap et par conséquent du travail médico-social effectué auprès de ces mêmes personnes. L’accueil familial pour adultes, lui, semble être resté à l’écart de ces évolutions. Cet état de fait présente un certain nombre de risques, ou pour le moins de doutes, sur le suivi et la sécurité des personnes accueillies. Il peut en résulter une interrogation sur l’utilité et la validité de ce type de prise en charge dans les dispositifs qui existent en direction des personnes handicapées. Il n’existe aucun référentiel métier, ni une définition précise de son offre, pourtant, la formule de l’accueil familial social pour adultes semble répondre à des demandes sur le territoire national. Au cours de ces premières années de travail se sont posées à moi de nombreuses questions : Quelles sont les conséquences de cette situation sur la qualité de l’accueil des personnes handicapées ? Quel est l’intérêt que peut présenter ce type de prise en charge dans le dispositif actuel d’accompagnement des personnes en situation de handicap ? 6 Pourquoi cette activité qui se fait à titre onéreux ne s’inscrit-elle pas dans un cadre structuré rendant ce travail repérable et évaluable dans le champ du travail social ? Le seul fait d’être une famille donne-t-il les garanties suffisantes pour un accueil de qualité ? S’agit-il d’une solution qui existe par défaut pour pallier la « démission » des autres acteurs institutionnels dans la prise en charge de personnes lourdement handicapées ou de personnes ayant des profils différents de celles qui sont accueillies traditionnellement en établissements éducatifs ? Les financeurs sont-ils intéressés par ce type de solution pour la prise en compte des personnes handicapées ? Existe-t-il une volonté pour donner à cette activité rémunérée une dimension de métier ? Est-il nécessaire ou souhaitable que cet accueil se professionnalise ? L’apport de cette forme d’accueil n’est pas lisible de manière claire mais existe-t-il une volonté de la part des accueillants de réfléchir ensemble sur un référentiel ou du moins sur une manière de présenter le travail effectué ? En parallèle à ce questionnement une donnée me semblait évidente, à savoir, que cette forme d’accueil avait sa place dans le dispositif de prise en charge des personnes handicapées à la condition que les accueillants puissent être formés, soutenus et encadrés par des professionnels du secteur social, l’objectif devenant alors que cette activité soit lisible, reconnue et validée et qu’elle présente ainsi toutes des garanties pour les personnes reçues dans le cadre de l’accueil familial social adulte. Toutes ces interrogations m’ont conduit à vouloir mener une démarche de recherche sur cette forme de travail et surtout sur les conditions dans lesquelles elle s’effectue. Mon entrée en formation, avec la possibilité qu’elle offre de travailler à la rédaction d’un mémoire, m’a incité à explorer de manière plus précise ce sujet. Dans les premiers temps de ma réflexion, je me suis placé de manière naturelle, je dirai, dans la position d’un professionnel qui « sait » face à des personnes (accueillants familiaux) n’ayant pas elles une formation professionnelle suffisante donc les compétences nécessaires pour que des améliorations soient apportées à cette forme différente d’accompagnement. Je me suis rendu compte que ma position était basée sur des impressions sans qu’une analyse sérieuse ne vienne les corroborer. Elle présupposait également que le travail effectué par ces accueillants n’était pas de bonne qualité. En outre mon attitude ne convenait pas à une démarche de recherche qui se doit d’être dans la mesure du possible impartiale. Il m’a alors semblé nécessaire de comprendre dans un premier temps la réalité de cette activité et les éléments qui la composent, à savoir : l’historique de l’accueil familial, ses acteurs, son environnement juridique, les modalités de sa réalisation à un niveau national, dans un second temps à celui du département de la Côte d’Or. Mon champ d’étude sera celui de l’accueil familial adulte en Côte d’Or. Je m’intéresserai, d’une part aux motivations des accueillants lors de leurs demandes d’agrément et d’autre part à la manière dont ils peuvent décrire les apports qu’ils envisagent pour les personnes adultes handicapées âgées de moins de 60 ans, qu’ils reçoivent à leur domicile. Mon travail aura ensuite pour objectif d’appréhender ce qui constitue les apports observables et spécifiques de l’accueil familial pour des adultes en situation de handicap. 7 Je développerai pour ce faire un point de vue théorique basé sur le postulat que cette activité d’accueillant familial prend appui principalement sur une vie quotidienne partagée et la mise en œuvre par les familles de savoirs différents de ceux que l’on attribue aux professionnels du secteur médico-social. Cette première partie devrait me permettre de décliner ma question de recherche, la seconde partie de vérifier sa pertinence grâce à un questionnaire. La dernière partie aura pour objet de procéder à l’analyse des éléments collectés pour savoir s’il est nécessaire ou non d’apporter des compétences nouvelles aux accueillants familiaux ou si cette activité contient déjà en elle-même les composantes suffisantes et nécessaires à l’accueil de personnes en situation de handicap. 8 1. DE L’ACCUEIL FAMILIAL A L’ACCUEIL FAMILIAL SOCIAL L’histoire de l’accueil familial est constituée de deux histoires parallèles : celle qui a trait à l’accueil des enfants et celle qui concerne de manière générique l’accueil familial d’adultes. Ces deux histoires différentes ont néanmoins des traits communs qui sont principalement : le fait pour la personne accueillie d’être éloignée de sa famille naturelle la mobilisation contre une rétribution financière d’une famille n’ayant pas de lien de parenté direct avec la personne accueillie la mise à disposition par cette famille d’un hébergement, de nourriture (le gîte et le couvert) mais aussi des soins et des aides nécessaires au bon déroulement d’une vie. Un autre point commun, qui n’est pas le moindre, est le constat que l’accueil familial a permis de créer et développer une activité économique dans des régions françaises déshéritées sur la base d’accueils nourriciers pour les enfants ou d’accueils au domicile pour des personnes adultes. En ce qui concerne les enfants c’est une histoire qui a pour fondement l’abandon, le recueil, la protection et une éducation apportée en dehors des familles naturelles. Je ne vais pas m’attacher à cette composante de l’accueil familial mais me concentrer, comme je l’ai précisé dans l’introduction de ce mémoire sur l’histoire de l’accueil familial pour adultes qui, elle, est l’histoire de la perte ou du manque d’autonomie. Elle est également un bon indicateur sur la place que consacre la société à ces aînés ou à ses personnes handicapées au regard des changements sociaux importants qui sont intervenus. Les deux éléments principaux de ces changements sont d’une part ceux qui ont trait aux modifications de la structure familiale et d’autre part la conception de la solidarité qu’elle soit intergénérationnelle ou de voisinage. J.C.Cebula dans son ouvrage 1 écrit « les adultes dépendants trouvaient naturellement refuge dans la famille nucléaire ou élargie. Les anciens bénéficiaient de l’attention des enfants, les simples d’esprit s’occupaient à des tâches familiales ou villageoises. Des parents, la famille voire des voisins ou la communauté prenaient en charge ses aînées ou ses malheureux sans interventions des services sociaux ou de l’administration ». Les profondes mutations de la structure familiale, qui se sont inscrites dans un phénomène plus général du passage d’une société de type holiste vers une société individualiste, ont eu pour conséquence la modification des comportements familiaux. Ces modifications trouvent leurs origines dans un éparpillement des membres d’une même famille vivant auparavant sur le même secteur géographique (famille polynucléaire), le repli sur une cellule familiale réduite (famille mononucléaire), le travail féminin à l’extérieur de la maison familiale, plus tardivement l’apparition de familles recomposées ou monoparentales. 1 J.C.Cebula, 1999, « L’accueil familial des adultes », Ed Dunod 9 J’ajouterai à ces mutations de la cellule familiale des causes plus sociétales: L’installation d’une population rurale dans les cités urbaines. Cet exode massif a posé le problème de l’habitat, les logements ne sont pensés que pour accueillir des familles mononucléaires rendant impossible la prise en charge des personnes âgées ou handicapées adultes appartenant à la famille au sens élargie. L’allongement de la vie nécessite une présence et des soins permanents adaptés à une dépendance que la famille ne peut plus assumer. Un autre élément me semble être également la perception qu’à notre société, depuis le milieu du 20ème siècle, de la vieillesse et du handicap. Les mythes de l’« éternelle jeunesse » et de la « performance » qui constituent les standards sociaux actuels ont une résonance importante sur notre capacité et notre tolérance à vivre avec des êtres « diminués » donc à plus forte raison à partager avec eux l’intimité que représente le domicile familial. L’évolution des dispositifs d’accueils familiaux pour adultes est bien liée à l’évolution de la structure familiale ainsi qu’à celle de la conception de la solidarité dans notre société. Il est alors question d’imaginer d’autres alternatives de prises en charge pour des populations (personnes âgées, personnes handicapées) qui, jusqu'à la fin du 19ème siècle, étaient dévolues aux familles ou aux communautés villageoises. Je vais tenter dans le chapitre suivant de brosser un tableau le plus complet possible de l’accueil familial du 19ème siècle à nos jours dans ses caractéristiques historiques, juridiques et statistiques. 1.1. Des populations qui se singularisent : un cadre règlementaire qui s’adapte Cette forme d’accueil familial à l’origine était orientée vers deux populations les personnes âgées et les personnes handicapées mentales. Même si de nombreuses symétries existent, je vais à ce stade de mon travail dissocier l’histoire de l’accueil qui s’adresse aux personnes âgées de celle qui s’adresse aux personnes handicapées. Je vais privilégier celle qui concerne les personnes handicapées car il me semble que les attentes de ces deux populations par rapport à un accueil familial ne sont pas les mêmes. Pour les personnes âgées, l’accueil familial constitue souvent un accueil définitif, une alternative à une entrée en maison de retraite notamment dans le contenu des projets de vie et la durée de l’accueil. L’accueil familial pour les personnes handicapées concerne des personnes de tous âges et il peut être envisagé comme une période transitoire avant une orientation vers un établissement ou un retour éventuel vers un logement individuel. De ce fait le projet individualisé et le pari qu’il peut être mis en place prend toute sa place dans l’accueil familial pour les personnes en situation de handicap. 1.1.1. L’accueil familial des « handicapés mentaux » 1.1.1.1. Les colonies familiales (1890-1980) Les personnes handicapées à la fin du 19ème siècle étaient encore appelées infirmes ou incurables. Aucune distinction n’était faite par rapport à leurs troubles (physiologiques ou psychiques) la prise en charge se faisait donc de manière indifférente. C’était une population disparate dont certains de ses membres ont pu bénéficier, au même titre que les personnes âgées de solidarités familiales. La majorité, à savoir principalement les malades mentaux et les 10 handicapés mentaux, était recluse dans des asiles. J’utiliserai donc dans ce chapitre le terme générique qui est celui de handicapés mentaux. L’accueil familial des handicapés mentaux puise son origine dans la communauté de GEEL2. GEEL est une commune belge qui au 16ème siècle aurait vu un aliéné recouvrer la raison alors qu’il assistait à la décapitation d’une princesse voulant échapper aux assiduités incestueuses de son père. Cette princesse est alors devenue la sainte patronne des « insensés ». De cette histoire est née une tradition d’accueil des personnes malades mentales par des paysans de GEEL qui s’est perpétuée sous cette forme jusqu’au 19èmesiècle. A l’orée du 20ème siècle, l’idée de lieux bien précis pour accueillir les « incurables » naît chez des psychiatres français. Ces communautés devaient permettre de « désengorger » les asiles et présentaient une économie sensible par rapport à une prise en charge asilaire. Elles seront implantées dans des régions agricoles pauvres, à l’écart des grandes voies de communication et des grandes villes. Elles se situaient toujours au sein de communautés de paysans habitués à lutter pour survivre dans un milieu hostile (froid, guerre, maladie, sous alimentation) que la « folie » de leurs pensionnaires n’effrayait donc pas. En France, ces communautés ont pris le nom de colonies familiales. Deux colonies sont ainsi crées à Dun sur Auron (Cher) en 1892 et une seconde à Arnay le Château (Allier) en 18983. Les personnes reçues dans ces colonies sont placées dans des fermes où elles deviennent une main d’œuvre gratuite et peu exigeante. Ces malades sont bien acceptés par la population locale et les placements se multiplient. P.Sans dans son ouvrage4 revient sur le choix de ce terme « colonies familiales » qui selon lui n’est pas anodin. En effet, ce terme est utilisé en cette fin de 19ème siècle de façon indifférenciée pour qualifier la déportation vers l’Afrique d’enfants orphelins, l’exil des bagnards dans des colonies pénitentiaires ou la mise à l’écart d’adolescents qualifiés de délinquants vers des établissements appelés également colonies pénitentiaires. P.Sans évoque la similitude entre colonies d’outre-mer et colonies intra muros. Il s’agit dans les deux cas de séparer, d’exclure, de retrancher de la société une partie de la population, de mettre à l’écart les enfants abandonnés, les parias, les fous. On peut penser qu’effectivement les colonies familiales au même titre que les autres colonies assurent en fait deux missions concomitantes : Mettre à l’écart des populations jugées dangereuses ou « perturbatrices » pour la société de l’époque Assurer une fonction civilisatrice en prêtant aux familles d’accueil le pouvoir d’apprendre à leurs pensionnaires les « bonnes manières », leur apprendre également à adopter les bons comportements qui s’imposent à chaque membre de la société. Le « fou » était considéré comme un sauvage que la société avait pour mission de civiliser, niant le principe de l’altérité, principe qui d’ailleurs n’a été mis en avant par la philosophie qu’au 20ème siècle. L’expérience de ces colonies, même si le principal objectif était le gardiennage, la mise à l’écart et la surveillance, a néanmoins permis de présenter une alternative à l’internement asilaire et offrir de meilleures conditions de vie aux personnes reçues dans ces familles. En outre, malgré le fait que l’une des missions principales de ces colonies était la mise à l’écart de la société peut-être ont-elles permis malgré tout une confrontation entre des personnes « valides » représentées par des communautés villageoise avec les différentes formes de handicap. Cette confrontation a pu ainsi favoriser l’acceptation par le plus grand nombre de la 2 Eugeen Rosens. « Des fous dans la ville » - Ed PUF Denise Jodelet, 1989, « Folies et représentations sociales », -Ed PUF 4 Pierre Sans, 2006, « Le placement familial », Ed L’harmattan 3 11 possibilité que des malades mentaux puissent vivre en milieu ordinaire même si leurs conditions de vie paraissent aujourd’hui aberrantes. Le principal intérêt pour le travail actuel de l’accueil familial sont les enseignements tirés de ces expériences qui permettent de repérer les limites et les errements de ce type de prise en charge. Ces colonies familiales ont été fermées dans les années 1970 avec l’apparition du travail psychiatrique sectorisé. Elles sont devenues des centres hospitaliers psychiatriques prodiguant des soins actifs à des personnes qui jusqu’alors n’étaient considérées que comme des « malades travailleurs incurables » qui n’avaient aucun espoir d’être réinsérés. En parallèle, des structures médico-éducatives sous l’impulsion de la loi de 1975 ont été crées et ont permis l’accueil de personnes qui ne présentaient, elles, pas de troubles psychiatriques justifiant d’une hospitalisation. 1.1.1.2. L’accueil familial du 20ème siècle à nos jours Dans la seconde partie du 20ème siècle, en parallèle à ces colonies familiales crées par le secteur psychiatrique de la région parisienne, se développent des placements de personnes handicapées sous l’impulsion de divers organismes (services de tutelles, familles, hôpitaux psychiatriques de provinces, établissements d’hébergement). Cet accueil se développe de manière spontanée dans le cadre de contrats de gré à gré passés entre les personnes accueillies et les accueillants. On pourrait qualifier ces derniers d’ « arrangements » dans la mesure où aucun cadre juridique susceptible de donner des garanties quant à la qualité de l’accueil n'existe. Les familles offrent, selon leurs conceptions personnelles de l’accueil, des prestations très diverses qui vont de la participation réelle à la vie de la famille à la simple mise à disposition d’une chambre avec des prestations que l’on pourrait qualifier d’hôtelières. J.C.Cebula 5 précise dans son ouvrage que « l’utilisation des familles est très diverse, garder, héberger, soigner, réinsérer ou occuper avec l’idéologie partagée qu’il ne pouvait être attendu de grands changements de ces placements » La mission de cette forme d’accueil est double : Trouver une alternative à un placement psychiatrique hospitalier (réplique du modèle des colonies familiales) qui représente un coût élevé pour la société. Offrir une protection, comme pourrait le faire une collectivité. Au-delà de ces objectifs, il est difficile de préciser la pertinence particulière de ce type de prise en charge. Le « placement familial » se trouve alors au cœur d’un mouvement pendulaire entre institutions et maintien en milieu ordinaire qui caractérise l’histoire de l’action sanitaire et sociale. Conçu comme un mode d’hébergement alternatif aux institutions dites lourdes, le placement familial s’est trouvé confronté à la volonté des collectivités publiques de distinguer les prises en charge thérapeutiques et celles à vocation sociale (loi hospitalière de 1970 et loi sociale du 30juin 1975). On voit donc au cours du 20ème siècle, se développer deux formes d’accueil qui devraient correspondre à la prise en compte de personnes ayant des besoins et des difficultés différentes : 5 J.C.Cebula, « L’accueil familial » 12 un accueil réalisé et structuré autour du secteur psychiatrique prenant en compte plus particulièrement les personnes souffrant de handicaps psychiques lourds. Cet accueil s’appelle aujourd’hui l'accueil familial thérapeutique. un accueil qui s’adresse à des personnes handicapées mentales ou handicapées psychiques stabilisées n’ayant pas besoin de soins psychiatriques continus, nous parlons alors d’accueil familial social. 1.1.1.3. L’accueil familial thérapeutique et l’accueil familial social De manière générale, les personnes orientées vers l’accueil familial sont des personnes qui souffrent d’un état de dépendance, d’une perte d’autonomie ou de troubles qui altèrent leur bien être. Leur souffrance a de multiples origines qui peuvent être sociales, relationnelles, psychiques. L’accueil familial doit donc être en mesure de s’adapter et d’apporter des réponses différenciées. Nous avons vu dans le chapitre consacré à l’histoire de l’accueil familial que lorsque les handicaps étaient indifférenciés l’accueil familial s’adressait à des populations diversifiées : des vieillards en situation de grande précarité des malades chroniques stabilisés qui ne pouvaient pas rester au sein de l’hôpital du fait d’une réorganisation importante de ce dernier des personnes qui restaient à l’âge adulte au domicile de la famille d'accueil qui les avait accueillis lorsqu’ils étaient enfants des adultes qui ne pouvaient rester en institution ou dans leurs familles naturelles du fait de handicaps importants. La loi de 1989, comme je l’ai précisé précédemment, instaure deux formes d’accueil familial, un accueil familial social et un accueil familial thérapeutique. Le texte précise néanmoins que certains accueillants familiaux peuvent travailler dans le cadre des deux dispositifs. Ainsi les usagers, en fonction de leur problématique peuvent passer d’une forme d’accueil à l’autre. Cette nouvelle organisation a plusieurs explications dont la plus importante est la définition des « blocs de compétence » liés aux lois de décentralisation. Compte tenu de la répartition des champs de compétences, l’hébergement des personnes handicapées adultes est placé sous la responsabilité des Conseils Généraux qui ont également la responsabilité de l’agrément, du contrôle et de la formation des accueillants familiaux. L’accueil familial thérapeutique était déjà, lui, organisé depuis longtemps par le secteur sanitaire. De fait on assiste à la structuration de l’accueil familial adulte sous une double tutelle. Cette nouvelle organisation comme l’écrit P.Sans dans son ouvrage6 peut laisser à croire que l’orientation vers tel ou tel type d’accueil ne se fait pas sur des critères qui définissent des pathologies précises (handicap psychique, déficience intellectuelle …) mais dépend simplement du parcours de la personne en fonction du financement des institutions qui l’ont reçue (secteur médico-social ou secteur sanitaire). Une autre explication qui vient un peu contredire la première serait au contraire de pouvoir, grâce à cette nouvelle nomenclature, tenir compte des problématiques particulières et différentes des personnes accueillies. Il serait ainsi demandé, aux accueillants familiaux des compétences différentes selon qu’elles reçoivent à leur domicile des personnes handicapées physiques, déficientes intellectuelles ou des personnes handicapées psychiques qui nécessitent une attention particulière sur les soins médicaux. 6 P.Sans, « Placement familial ses secrets, ses paradoxes » 13 Je ne vais pas développer la partie qui concerne l’accueil familial thérapeutique puisque ce n’est pas mon domaine de recherche. Je vais m’intéresser au second type d’accueil qui apparaît simplement en 1989 sous son appellation officielle « accueil familial social » La loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 instaure un accueil familial dit « social ». Cette initiative est censée répondre à l’insuffisance des formes d’hébergements traditionnelles des personnes handicapées adultes déficientes intellectuelles, mais également, comme je l’ai expliqué dans la partie consacrée à l’histoire de l’accueil familial, aux dérives des pratiques de l’accueil familial qui contrairement à celles de l’accueil familial thérapeutique n’étaient pas encadrées. Cette loi précise qu’il s’agit de particuliers qui prennent en charge à leur domicile, à titre onéreux, sous la responsabilité des Conseils Généraux des personnes âgées ou handicapées. C’est une forme d’hébergement intermédiaire entre le maintien à domicile et un hébergement collectif. Cette dernière possibilité n’est pas toujours désirée par la personne ou peut être refusée par l’établissement auprès duquel la personne a fait une demande. Ce mode d’accueil constitue une formule souple qui permet à la personne de maintenir des liens tissés avec son environnement extérieur tout en lui offrant un cadre familial sécurisé. Les personnes accueillies ainsi que les accueillants familiaux bénéficient dans cette formule d’un suivi médico-social assuré par le Conseil Général ou par des associations par délégation de ce même Conseil Général. L’objectif est l’élaboration et l’évaluation d’un projet personnalisé pour l’usager et un soutien pour les accueillants dans leur activité. Les personnes handicapées adultes accueillies deviennent les employeurs des accueillants familiaux. Dans cette configuration, les accueillants familiaux gèrent librement leur activité en contractant sur la base d’un contrat type national avec la personne accueillie. Ce dernier rémunère son accueil avec ses revenus propres complétés éventuellement par l’aide sociale du département. Dans un quart des situations, le placement vers l’accueil familial social adultes fait suite à un placement familial enfant. Il s’agit de poursuivre la prise en charge au sein d’une même famille d’un enfant dont le statut a changé et qui est devenu un adulte. Cette modification comme le précise J.C.Cebula devrait s’accompagner d’une ré- interrogation de la dynamique familiale et d’une nécessité de penser, au travers de la mise en place de projets de vie, à l’avenir de ces jeunes adultes. Les autres usagers de l’accueil familial social sont généralement des personnes très dépendantes issues soit de leurs familles naturelles soit d’établissements médico-sociaux. Dans cette dernière situation, il peut s’agir de complémentarité entre l’établissement et la famille d’accueil dans les projets (accueils temporaires, périodes de rupture, nécessité d’une prise en charge plus globale) mais également d’une incapacité ou d’une impossibilité pour ces mêmes établissements de poursuivre l’accompagnement éducatif de personnes « difficiles » qui posent problèmes dans le cadre d’une vie en collectivité. L’accueil social devient alors souvent le dernier recours pour des personnes qui n’ont pas de place dans des systèmes de droits communs (familles, institutions, vie autonome au domicile). Il existe, même si des problèmes peuvent se poser du fait de financeurs différents, une complémentarité entre ces deux formes d’accueil familial que sont l’accueil thérapeutique et l’accueil social. L’accueil familial social peut permettre en effet à des personnes inscrites au préalable dans l’accueil thérapeutique de ne plus être considérées comme des patients pris en 14 compte dans un cadre médical mais comme des personnes en mesure de retrouver une certaine autonomie et une dynamique de socialisation. La différence dans la spécificité des missions de ces deux modes d’accueil reste ténue et leur intérêt peu formalisé. Je m’attacherai dans ma troisième partie à essayer de mieux définir ce que pourraient être les apports de l’accueil familial en me limitant au champ de l’accueil familial social. La principale différence entre ces deux modes d'accueil reste celle de l’organisation administrative et des modes de financement. Après avoir retracé l’historique et les différentes formes de l’accueil familial en fonction des populations diverses qu’il est censé prendre en compte je vais m’attacher à la description de l’importance de ce dispositif sur le territoire national en m’appuyant sur les rares études qui existent. 1.1.2. Les données statistiques concernant l’accueil familial pour adultes Les données statistiques concernant l’accueil familial adultes sont peu nombreuses. La seule étude complète a été publiée par la DRESS (Direction de la Recherche et des Etudes Statistiques) en 19977. En 2006, la DGAS (Direction Générale des Affaires Sociales) a réalisé une enquête téléphonique auprès des conseils généraux qui a permis d’actualiser quelques chiffres. 1°Etude DRESS 1999 Cette étude menée à la demande du ministère de l’emploi et de la solidarité par l’IFREP( Institut de Formation et de recherche sur l'Education Permanente)a tenté de décrire de manière précise au niveau national le dispositif de l’accueil familial adulte pour les personnes handicapées. Elle a produit pour la première fois des données fiables sur l’accueil familial adulte. Ce travail a également permis de donner une typologie des accueillants familiaux, des personnes accueillies et de préciser la façon dont ce dispositif était présent sur le territoire national. Les personnes accueillies : En 1999, 11720 personnes (personnes âgées et personnes handicapées) étaient accueillies. En 1989, la loi sur l’accueil familial était avant tout imaginée pour l’accueil des personnes âgées. En fait, 50% des personnes accueillies sont des personnes handicapées et de manière presque exclusive des personnes handicapées déficientes intellectuelles. De plus, les personnes handicapées de plus de 60 ans sont comptabilisées en tant que personnes âgées ce qui renforce le pourcentage d’accueil des personnes handicapées. 41% des agréments sont attribués par les conseils généraux pour l’accueil de personnes handicapées, 36% pour celui de personnes âgées et 21% pour des accueils mixtes. Les établissements traditionnels (Foyers d’Accueil médicalisés, Foyers d’Hébergement, Foyers occupationnels, Maisons d’Accueil Spécialisées) accueillent environ 82000 personnes reconnues handicapées. 7 DRESS, septembre 1999, n° 31 « Etudes et résultats ». 15 Elles sont seulement 5800 à bénéficier d’un accueil familial soit 7,6 % de l’ensemble des personnes prises en charge, avec la répartition suivante : 47% femmes et 53% d’hommes. 50% des demandes pour un accueil familial proviennent d’organismes sociaux ou d’organismes de soins et 50% des familles ou des tuteurs légaux. 11% des personnes accueillies étaient auparavant en établissements sociaux, 32% en services psychiatriques, 25% vivaient dans leurs familles naturelles et 25% étaient déjà dans la famille d’accueil mais en tant qu’enfant. les personnes en familles d’accueil sont plus âgées que celles en établissements, 50% ont moins de 40 ans contre 65% en établissements. 80% de ces personnes ont une mesure de protection légale. 85% sont accueillies à temps plein, les autres bénéficiant d’un accueil temporaire (vacances, week-end…) la majorité des personnes accueillies ont une activité professionnelle de type Centre d’Aide par le Travail. La fin de l’accueil se traduit pour 4% des personnes par un décès, pour les autres il s’agit d’hospitalisation ou d’orientation vers des établissements. Les accueillants familiaux : On dénombrait en 1997, 8950 accueillants familiaux c'est-à-dire des personnes ayant un agrément délivré par un conseil général. 96% des accueillants sont des femmes dont 60% ont plus de 50 ans.35% ont, elles, plus de 60 ans et 13% plus de 70 ans 80% des accueillants vivent en couples 20% vivent donc seuls et souvent sans enfants 71% ont eu une activité antérieure, principalement des employés, 25% étaient assistantes maternelles 50% au moment de leur demande d’agrément étaient sans emploi, chômeurs ou en stage d’insertion 95 % des accueillants familiaux vivent en maison individuelle dont 41 % en habitat rural isolé Le contexte national : Le dispositif de l’accueil familial est mis en place dans la plupart des départements avec cependant des disparités importantes en terme d’effectif : 39 départements ont moins de 50 personnes (personnes âgées ou personnes handicapées) entrant dans ce dispositif 4 départements n’ont pas d’accueillants familiaux agréés 4 départements ont, eux, plus de 400 accueillants familiaux agréés L’accueil familial adulte est concentré sur 3 grandes régions qui sont : le Nord Pas de Calais la Haute Normandie le Poitou Charente Il faut noter que 13 départements regroupent 40% des personnes handicapées accueillies. Les départements phare de l’accueil familial sont des départements principalement ruraux du centre de la France, l’Yonne, la Nièvre, le Puy de Dôme et l’Allier ainsi que deux autres départements qui sont la Charente et la Haute Marne. Les raisons de cette répartition particulière sont multiples : 16 une situation économique difficile, l’accueil familial permettant la création d’emplois (Nord de la France) des traditions d’accueil fondées sur l’accueil d’enfants et d’adolescents (Centre de la France) des départements, qui avant la loi de 1989, avaient déjà mis en place un accueil structuré la volonté de certains conseils généraux de diversifier les solutions d’hébergements autre qu’institutionnels et qui en outre, présente également des intérêts en terme de coût des associations regroupant des familles d’accueil plus actives. 2°Enquête DGAS 2006 Cette enquête réalisée par téléphone auprès des conseils généraux relève des chiffres très proches de ceux qui ont été relevé dans l’enquête de l’IFP. Personnes accueillies : 13815 personnes accueillies réparties entre 6717 personnes âgées et 7640 personnes handicapées. Les personnes handicapées accueillies représentent toujours 53% d’hommes et 47% de femmes Les pourcentages qui concernent la provenance des personnes restent stables. Les accueillants familiaux : Au 1 avril 2006, on dénombrait 9202 accueillants familiaux agréés dont 30 employés par des personnes morales (statut de salariés pour les accueillants) soit 252 accueillants supplémentaires. L’ensemble des autres caractéristiques typologiques reste semblable à celles de 1997 Le contexte national : Il reste inchangé par rapport à 1997 en ce qui concerne les régions et départements impliqués dans ce type d’accueil. Ces statistiques font apparaître plusieurs éléments caractéristiques et constituants de l’accueil familial : Un profil des accueillants familiaux agréés qui sont très majoritairement des femmes relativement âgées vivant en milieu rural dans un logement individuel. Elles vivent en couples et n’ont plus leurs enfants à charge Un accueillant sur deux a exercé auparavant une autre activité professionnelle. Ils se sont principalement orientés vers une demande d’agrément alors qu’ils n’avaient pas d’emploi. Les personnes accueillies sont de manière un peu plus importante des hommes et la moitié de l’ensemble des personnes accueillies ont moins de 40 ans. Elles sont majoritairement accueillies à temps plein, c'est-à-dire qu’elles restent de manière permanente au domicile de l’accueillant familial à savoir en milieu rural souvent isolé. Elles viennent majoritairement d’institutions (sociales ou sanitaires) ou de leur familles naturelles et pour un quart d’entre elles l’accueil familial se place dans le cadre de la continuité d’un placement familial enfant. Elles restent dans les mêmes familles qui les avaient reçues lorsqu’elles étaient enfants. L’accueil familial se fait en milieu rural dans des régions ayant déjà une tradition d’accueil (enfants ou adultes handicapés psychiques). Il joue un rôle non négligeable en terme d’emplois. 17 Le nombre d’accueillants et de personnes accueillies reste relativement stable par rapport à l’hébergement institutionnel, ce qui tendrait peut être à prouver que malgré sa structuration son avenir reste encore à définir. On voit au travers de ces chiffres que ce secteur d’activité, bien que relativement confidentiel dans la mesure ou il est peu mis en avant, est relativement actif et prend en compte environ 8000 personnes en situation de handicap. Cette forme de prise en charge a évolué de manière lente et dans un anonymat quasi complet. Ce peu d’intérêt trouve sa traduction dans un cadre juridique qui n’a pris consistance réellement qu’à la fin du 20ème siècle. 1.1.3. Construction et évolution d’un cadre juridique 1.1.3.1. Une première approche discrète et lente L’accueil familial comme je l’ai précisé dans le chapitre précédent s’est développé dans le cadre de contrats de gré à gré passés entre les familles qui accueillent et les personnes accueillies en dehors de tout cadre juridique d’où le développement dans une quasi clandestinité. Il n’existait jusque dans les années 1980 aucune législation adaptée pour encadrer des accueils que l’on pouvait qualifier « d’accueils sauvages ». L’ensemble des textes juridiques traitant de l’accueil familial concerne à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées. Néanmoins, dans le cas où une analyse soit nécessaire, je ne la ferai qu’en traitant de la partie qui concerne l’accueil familial pour des personnes handicapées adultes. Le premier texte dans lequel figure le terme famille d’accueil est celui du comité de mendicité durant la révolution française qui préconisait de confier les vieillards nécessiteux à une famille d’accueil à la condition qu’ils aient 60 ans et soient en mesure de verser une pension. La loi du 14 juillet 1905 relative à l’assistance obligatoire aux vieillards, aux infirmes et aux incurables privés de ressources prévoit entre autres aides, le placement familial ou le placement chez un particulier. Le décret du 13 avril 1962 codifié dans le Code de la Famille et de l’Aide Sociale réglemente dans le cadre de l’aide sociale, le placement familial. Ces premiers textes donnaient une base sommaire à la reconnaissance de cette forme de prise en charge. Il a fallu attendre les années 1980 pour voir le législateur se pencher réellement sur un cadre juridique qui concernerait le fonctionnement de l’accueil familial. Plusieurs éléments conjugués vont donner à cette époque un nouvel élan à la formalisation de l’accueil appelé également placement familial. Un rapport mené conjointement par la Fondation de France et l’UNIOPSS (Union Nationale Interfédérale des Œuvres et Organismes Privés Sanitaires et Sociaux) en 1986 relève de nombreux dysfonctionnements et fait un certain nombre de propositions : Mise en place d’une procédure d’agrément, de suivi, de formation des accueillants Organisation de réseaux collectifs des accueils afin d’en faciliter le suivi et d’éviter l’isolement des familles, cet isolement entraînant de manière invariable l’apparition de dérives. Un statut de type salarial proposé aux accueillants dont l’activité jusqu’à présent était considéré comme commerciale. 18 Ce rapport incite déjà quelques départements à mettre en place des dispositifs d’agréments. Le rapport Braun, en 1988, lui, note que l’accueil familial est : « susceptible de constituer à titre complémentaire une alternative aux modes d’hébergement traditionnels » Dans le même temps, les pouvoirs publics devant l’insuffisance des formes d’hébergement et les charges financières qu’elles impliquent sont intéressés à rechercher des formes souples de prise en charge pour les personnes handicapées adultes et les personnes âgées. Le maintien à domicile est une orientation possible, l’accueil familial étant une des formes alternatives de ce maintien. Un rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales en mars 1989 met en exergue les dérives de pratiques non encadrées. L’ensemble de ces rapports conclut à la même urgence, à savoir conférer un cadre législatif et réglementaire adapté à l’accueil familial et combler ainsi un vide juridique qui concerne les placements effectués en dehors du cadre de l’aide sociale. Toutes ces réflexions aboutissent à la rédaction et à l’adoption d’un texte fondateur. La loi du 10 juillet 1989 ouvre une période de changements importants. 1.1.3.2. Les différents textes de loi La loi du 10 juillet 1989 8 Elle poursuivait trois objectifs : offrir à la personne accueillie et à la personne accueillante les garanties nécessaires au bon déroulement d’un accueil la mise en place d’une procédure d’agrément et de suivi social souple dont la responsabilité est confiée aux Présidents des Conseils Généraux. favoriser ce mode d’accueil par des dispositions d’ordre fiscal et social Elle instaure en outre, comme je l’ai écrit précédemment, deux types d’accueil familial : l’accueil familial social et l’accueil familial thérapeutique. Cette loi a donc le mérite de sortir de l’obscurité et de l’absence de cadre juridique des pratiques d’accueils source de nombreux dysfonctionnements souvent au détriment des personnes accueillies. Elle permet également dans le cadre de la décentralisation de désigner un maître d’œuvre qui sont les Conseils Généraux et ainsi donner au dispositif une relative cohérence. Au-delà du texte formel, l’intérêt de cette loi est : de mettre en avant, ou en face à face, deux personnages que sont l’accueillant et l’accueilli. Elle leur donne ainsi les conditions pour que s’instaure une relation qui se doit d’être paritaire et dynamique. Par dynamique, il faut entendre qu’elle favorise un échange, donne un sens à ce type de prise en charge, mette au centre de l’accueil la personne reçue et permette de relever les difficultés rencontrées par la famille dans un accompagnement souvent difficile. Ces propositions constituent une révolution par rapport à ce que l’on attendait auparavant d’un accueil familial, à savoir de la surveillance, du gardiennage qui aboutissait souvent à la « négation de l’altérité » 8 loi n° 896475 du 10/07/1989 relative à l’accueil par des particuliers, à leur domicile à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes 19 de placer la personne accueillie comme l’employeur de son accueillant par l’intermédiaire d’un contrat de droit privé qui précise les droits et devoirs réciproques. (art 2) de confier la responsabilité de manière précise aux Présidents des Conseils Généraux. Elle institue un tiers en charge du suivi médico-social par délégation. Ce tiers peut être un organisme gestionnaire ou les services des Conseils Généraux. Il offre une garantie du respect de la parole des personnes accueillies mais également un soutien pour les accueillants (art 1) de donner la lisibilité et de la cohérence aux parcours des personnes handicapées mentales en indiquant la nécessité d’une continuité dans l’accueil alors qu’avant elles pouvaient être ballottées de famille en famille sans qu’il soit nécessaire d’expliquer les raisons de la fin de l’accueil (art1). Les principaux reproches qui ont été faits à ce texte sont : qu’il ne précise pas la place de l’accueil familial dans le dispositif médico-social notamment en terme de coordination avec les institutions traditionnelles qu’il ne présente pas les garanties d’un fonctionnement homogène d’un département à l’autre qu’il ne donne pas les indications ou du moins les contres indications sur la prise en charge des personnes accueillies en fonction de la lourdeur des handicaps ou des pathologies qu’il ne reconnaît pas aux familles d’accueil un statut administratif (pas de salaire mais accueil à titre onéreux, quid du calcul des retraites, des congés payés et des possibilités de prendre des congés, ambiguïtés sur l’attribution des sujétions et la variabilité des revenus en fonction du nombre de personnes accueillies). Cette loi a été largement controversée car louable dans son intention mais difficile à appliquer du fait de son manque de précision (rapport IGAS 1994, enquête IFREP 1996). Un certain nombre de textes sont venus l’amender par la suite. L’article 14 de la loi de modernisation sociale adopté en mai 2001 apportait un toilettage et une mise à jour de la loi du 10 juillet 1989. Cet article avait trois objectifs : -améliorer la qualité de l’accueil -améliorer le statut des personnes accueillantes -clarifier et renforcer les moyens donnés aux conseils généraux pour suivre et contrôler les modalités d’accueil Au-delà des points concernant les conditions d’agrément dont je parlerai plus tard on assiste au changement d’appellation des familles d’accueil qui deviennent désormais des accueillants familiaux. Cette appellation d’accueillant va dans le sens de la reconnaissance de cette activité en tant que métier. la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale note d’information DGAS du 15 juin 2005 la loi du 5 mars 2007 sur le droit opposable au logement 20 La loi du 2 janvier 20029 Entre la loi de 1989 et celle-ci, le développement de l’accueil familial est encouragé par les pouvoirs publics dans la mesure où il représente un potentiel d’emplois sur des zones rurales pauvres en terme d’emplois, donne un revenu supplémentaire à des familles souvent en difficulté économique et représente une alternative au placement en institution coûteux pour la collectivité et trop anonyme selon certaines familles. Le développement de l’accueil familial en outre rejoint les objectifs de maintien à domicile et de maintien en « milieu ordinaire de vie » qui sont de plus en plus déclinés notamment dans l’accompagnement social des personnes en situation de handicap. Dans cette loi rénovant l’action sociale et médico-sociale figurent quelques articles concernant les accueillants familiaux La loi du 2 janvier 2002 inscrit clairement la prise en charge dispensée par les accueillants familiaux dans les dispositifs offerts aux personnes handicapées par l’intermédiaire notamment des schémas départementaux qui définissent pour cinq ans les besoins au niveau d’un département et donnent les axes de travail prioritaires. Art L.312-4 : les schémas d’organisation sociale et médico-sociale établis pour une période maximum de cinq ans : déterminent les perspectives et les objectifs de développement de l’offre médico sociale, ceux nécessitant des interventions sous forme de création, de transformation ou de suppression d’établissements et services et, le cas échéant, d’accueils familiaux. précisent le cadre de la coopération et de la coordination entre établissements et services. définissent les critères d’évaluation des actions mises en œuvre dans le cadre de ce schéma. La loi de 1989 a permis à l’accueil familial de sortir d’une opacité certaine. Les quelques articles de ce texte de 2002, permettent d’intégrer le dispositif de l’accueil familial au niveau de chaque département dans une dynamique institutionnelle qui s’appuie sur le principe du travail en réseau. Il est en effet question de coordination, de coopération. Les services en charge du suivi se doivent de répondre aux obligations de la loi, notamment dans l’élaboration d’un projet individualisé et son évaluation régulière qui implique un travail de co- construction entre l’accueilli, l’accueillant et le travailleur social en charge du suivi. Il est demandé également au sens large un travail d’évaluation pour rendre lisible les pratiques de l’accueil familial et rechercher la meilleure qualité du service rendu aux personnes accueillies. Cette loi vient renforcer les droits des personnes handicapées en les mettant au centre de tous les dispositifs mis en place. Une attention nouvelle doit de ce fait être apporté à leur parole et leur place au domicile des accueillants familiaux ainsi qu’au respect de leurs droits. La loi 17 janvier 200210 Ce texte dans son article 51 reprend la loi du 10 juillet 1989 et apporte des clarifications sur les modalités de l’accueil. Cette rénovation, selon les termes du ministre de l’époque, « Va permettre d’apporter une harmonisation et améliorer le dispositif d’accueil familial qui sans être remis en cause, ne donne pas satisfaction totale ni aux personnes accueillies et à leurs familles 9 loi 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale articles 13,18,58 loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 loi dite de modernisation sociale 10 21 qui quelquefois ne connaissent pas bien les conditions d’encadrement, ni aux familles accueillantes qui ne sont pas suffisamment reconnues dans leur engagement social et professionnel » La mise en œuvre d’un contrat d’accueil type établi par voie réglementaire, d’une procédure concernant les agréments permet d’éviter les disparités entre les départements et concoure à donner une reconnaissance nationale à cette activité. Ce texte par contre, s’il affiche des exigences nécessaires que l’on serait en droit d’attendre de « professionnels », ne confère toujours pas aux accueillants familiaux un statut de salarié dans la mesure où leur activité est toujours placée en dehors du droit du travail et des droits sociaux qui en découlent sur les points suivants : la rupture du contrat de travail n’ouvre pas le doit à une indemnité de licenciement pas de droits aux indemnités chômage le droit aux congés payés est reconnu mais il est soumis à la condition qu’une solution permettant d’assurer la continuité de l’accueil soit mis en place. En outre le mode de calcul des congés payés est en contradiction avec l’article L.223-11 du code du travail les litiges relatifs au contrat passé entre accueilli et accueillant relèvent de la compétence du tribunal d’instance et non des prud’hommes. Les associations en outre reprochent à ce texte que bien que l’obligation de formation soit confirmée elle ne s’inscrit pas dans un dispositif qualifiant. Les points positifs par contre en terme de statut sont la fixation d’un revenu minimum en fonction du SMIC et l’établissement dorénavant d’un contrat type au niveau national. Ce texte prévoit un contrat de gré à gré entre l’accueillant et la personne accueillie, plaçant l’accueil familial dans le cadre d’une activité libérale. Très vite, néanmoins, s’est posée la question de promouvoir l’accueil familial médico-social qui donne la possibilité, avec l’accord des conseils généraux, aux personnes morales de droit public ou de droit privé gestionnaires d’institutions sociales de passer des contrats de travail avec des accueillants familiaux. Ces derniers deviennent alors salariés de ces organismes et bénéficient ainsi des conventions collectives en place, ce qui en terme de statut représenterait une avancée importante. Note d’information DGAS du 15 juin 200511 Cette note avait pour objectif officiel de préciser les conditions d’application de la loi de modernisation sociale de la loi du 17 janvier 2002 et plus précisément de l’article 51. Ce document n’a aucune force juridique mais a l’avantage de synthétiser l’ensemble des textes et décrets et ainsi donner une vision administrative précise de l’ensemble du dispositif de l’accueil familial. 11 Note d’information DGAS/2 C no 2005-283 du 15 juin 2005 relative à l’accueil par des particuliers, à leur domicile et à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes 22 La loi du 5 mars 2007 12 Dans cette loi intitulée « droit opposable au logement » figure un amendement concernant l’accueil familial. Cet amendement a été adopté. Il réintroduit la question du statut de l’activité entre l’une que l’on peut qualifier de libérale et l’autre de salariée. Il confirme dans son article L.444-1 que désormais : « Les personnes de droit moral de droit public ou de droit privé peuvent après accord du Président du Conseil Général du département de résidence de l’accueillant familial être employeurs des accueillants familiaux » Il précise les modalités du contrat de travail et le rattachement de ces salariés aux conventions qui régissent ces organismes privés ou territoriaux. L’adoption de cet amendement dans la loi du droit opposable permet à de nombreux accueillants familiaux de pouvoir enfin disposer d’un véritable statut et de favoriser la mise en place d’actions de formation continue allant dans le sens d’une qualification. Sont donc réunis un ensemble de conditions qui permettront peut être de parler d’un métier d’accueillant familial. Deux points qui peuvent paraître problématiques sont néanmoins relevés : il existera de fait une différence de traitement entre les accueillants embauchés par une personne morale et ceux employés par les personnes qu’ils accueillent. Les premiers bénéficieront d’un contrat de travail avec la plupart des droits sociaux accordés à des salariés alors que les seconds ne relèveront toujours pas du code du travail et resteront privés de certains droits comme les congés payés ou l’assurance chômage. la réforme proposée ainsi, autorise l’embauche d’accueillants familiaux par « toute personne morale de droit public ou privé » ce qui veut dire qu’au-delà des Centres Communaux d’Action Sociale, communes ou associations la possibilité sera ouverte aux entreprises à but lucratif. Il serait alors nécessaire que des garanties de contrôle de leurs activités puissent être mises en place, autre que le simple accord préalable du président du Conseil général. Ce rapide tour d’horizon de l’évolution du cadre juridique de l’accueil familial en France montre le peu d’intérêt que suscitait ce dispositif avant les années 1990. Il n’existait aucune disposition législative adaptée et l’accueil familial se développait dans une semi clandestinité propice à l’émergence de nombreux dysfonctionnements ainsi que dans une logique de gré à gré entre d’une part les familles, les institutions traditionnelles et d’autre part des « familles d’accueil » souvent livrées à elle-même. La loi du 10 juillet 1989 a marqué l’entrée de l’accueil familial dans une ère nouvelle. Certes pour certaines associations les évolutions attendues en terme de reconnaissance du statut ne sont pas proportionnelles au nombre de textes juridiques traitant de l’accueil familial. « Ce qui devait être un bond en avant ne représente au final qu’un maigre succès ». Néanmoins on assiste depuis 1989 à la mise en place d’un cadre juridique qui permet une meilleure reconnaissance de cette activité pour les accueillants familiaux et donne les garanties nécessaires quant à la qualité de l’accueil prodigué. La confirmation par les différents textes de lois de l’intervention d’un tiers en charge du suivi médico social des personnes accueillies et qui assure également un soutien auprès des accueillants peut lui permet de mettre en avant cette activité et l’amener dans le cadre de ce partenariat vers une reconnaissance métier. 12 loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 loi instituant un droit au logement opposable ,art 57 23 Le champ de mon étude comme je l’ai précisé au début de mon travail a pour cadre l’accueil familial social en Côte d’Or et plus particulièrement l’accueil familial en direction des personnes en situation de handicap. Ainsi, après avoir présenté le dispositif au niveau national qui constitue notamment en terme juridique le socle commun de l’accueil familial social, je vais présenter celui du département de la Côte d’Or dans sa dimension administrative et ses modalités particulières de fonctionnement. Je m’intéresserai ensuite à l’ensemble de ses acteurs (accueillants, accueillis, prescripteurs) en les plaçant dans une logique d’offre et de demande. 1.2. L’accueil familial social adulte en Côte d’Or 1.2.1. Organisation administrative L’accueil familial social pour des personnes adultes handicapées en Côte d’Or comme d’ailleurs pour l’ensemble des départements français relève de la compétence du Conseil Général. En application des textes de loi ? L’action des départements s’articule autour de trois niveaux d’interventions l’agrément, le suivi médico-social, la formation. 1.2.1.1. L’agrément Les dispositions qui définissent ce qu’est un agrément ont été prises en 1989. L’agrément a permis de régulariser des situations anciennes et de normaliser les accueils offerts par les particuliers. Il prend la forme depuis la loi du 10 juillet 1989 d’un accord obligatoire délivré par le Président du Conseil Général après instruction par des services habilités de la demande effectuée par des particuliers désireux de devenir accueillants familiaux. Cet agrément donne autorisation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale, fixe un certain nombre de conditions relatives au nombre de personnes accueillies (deux au maximum avec une possibilité dérogatoire pour l’accueil d’une troisième personne). Cet agrément doit permettre également, en fonction du profil des accueillants et de leurs souhaits, de définir la population accueillie. En effet, un même accueillant familial peut recevoir des personnes âgées, des personnes handicapées ou une personne âgée et une personne handicapée. Son autre fonction est de vérifier si les conditions de l’accueil offert garantissent pour la personne la protection de sa santé, de sa sécurité et de son bien-être physique et moral. Pour ce faire un certain nombre d’obligations qui concernent principalement les conditions d’hébergement, la sécurité et l’acceptation d’un contrôle et d’un suivi médico-social doivent être remplies par le candidat : Dans les conditions nécessaires à la délivrance de cet agrément ne figurent pas, par contre, les compétences qui seraient nécessaires à la pratique de cette activité ainsi que les apports attendus pour la personne accueillie. Il est difficile, voire impossible dans cette procédure d’agrément de pouvoir anticiper l’implication de la famille auprès de la personne qu’elle reçoit, sa capacité à travailler avec les intervenants sociaux, la place qu’elle va réserver en son sein à la personne accueillie. En outre l’obtention de cet agrément ne se réalise pas en fonction de l’accueil de personnes précises mais constitue simplement le passage obligatoire pour pouvoir contractualiser directement avec des personnes handicapées ou leurs représentants légaux. Il est donc difficile d’imaginer que les critères qui sont mis en avant pour la délivrance de l’agrément puissent être en adéquation avec le travail qu’il va être nécessaire de mener en fonction des problématiques rencontrées chez les personnes accueillies. 24 Cet agrément est délivré pour cinq ans par le Président du Conseil Général qui à le pouvoir de le dénoncer. A la fin de cette période une nouvelle enquête sociale est menée par les services du Conseil Général pour l’obtention d’un renouvellement. 1.2.1.2. Le suivi social et médico-social La loi de juillet 1989 a également rendu ce suivi obligatoire mais sans préciser réellement son organisation. La loi de modernisation sociale de 2002 reprend cette obligation mais n’apporte aucun élément supplémentaire. En Côte d’Or le suivi qui a été instauré a deux objectifs : S’assurer que l’accueil effectué remplit les conditions fixées par l’agrément et que la personne accueillie fait bien l’objet des attentions et des soins nécessaires. Pour atteindre cet objectif des visites de contrôle de l’équipe pluridisciplinaire du Conseil Général sont effectuées aux domiciles des accueillants familiaux. Apporter un soutien aux accueillants familiaux dans leurs activités quotidiennes et mettre en place pour chaque personne accueillie un projet d’accompagnement individualisé. Ce projet est élaboré avec la personne accueillie, l’accueillant familial et le professionnel assurant le suivi social. Il précise les actions éducatives sanitaires à réaliser en fonction des souhaits et des besoins de la personne. Il est évalué régulièrement afin de faire évoluer son contenu en fonction de l’évolution du projet de la personne. Cette mission en Côte d’Or est dévolue sur le Nord du département par délégation du Conseil Général à un organisme gestionnaire qui est la Mutualité Française Côte d’Or Yonne. Ce suivi est assuré sur le sud par les services du Conseil Général. Les interventions des travailleurs sociaux s’effectuent au rythme d’une fois par mois afin de créer un dialogue et un climat propice à l’instauration d’un travail de collaboration avec les accueillants familiaux pour le bénéfice de l’accompagnement de la personne handicapée. Il semble important de dissocier ces deux missions, l’une que l’on qualifie de contrôle qui a pour vocation de vérifier les conditions d’accueil et d’aider à leur amélioration, l’autre d’un suivi éducatif qui s’attache lui à développer une aide et un soutien aux accueillants et permet à la personne d’exprimer ses attentes et ses souhaits quant à son devenir. Cette vision du suivi s’inscrit selon moi pleinement dans le cadre de la loi de 2002 qui précise les obligations faites aux établissements médico-sociaux (évaluation des actions et formalisation des actions engagées, mis en œuvre des droits des usagers, de leur participation à l’élaboration des projets de vie …). Il permet en outre d’apporter une reconnaissance et une lisibilité à l’activité de l’accueillant familial. Celle- ci s’élabore en effet dans le cadre d’un partenariat avec des organisations professionnelles (services du Conseil Général, service d’un organisme gestionnaire d’établissements médico-sociaux). 1.2.1.3. La formation des accueillants familiaux L’engagement à suivre une formation est une des conditions obligatoires faites aux accueillants familiaux pour l’obtention et le maintien de l’agrément. Il s’agit tout d’abord d’une formation initiale dispensée aux nouveaux accueillants. Elle se compose d’une information générale sur les dispositions administratives propres à l’accueil 25 familial (agrément, mode de rémunération, diverses obligations, assurance et responsabilité...) et d’une formation aux premiers secours. Un programme de formation continue est mis en place chaque année qui permet d’aborder des sujets plus spécifiques aux questions liées aux handicaps, et de façon plus générale à l’ensemble des techniques particulières visant à satisfaire les différents besoins des accueillis (soins, animation, hôtellerie, responsabilité, travail de collaboration avec des partenaires...). Des groupes de paroles sont proposés aux accueillants familiaux qui permettent à ces derniers de rompre leur isolement et d’échanger entre eux sur leurs pratiques. Dans le secteur de l’accueil pour l’enfance il existe un référentiel métier qui sert de colonne vertébrale à la formation et fait que chaque module de formation fait référence à ce référentiel. Il n’existe pas actuellement d’équivalent sur le secteur de l’accueil adulte. Les contenus de formation sont choisis en fonction de l’actualité et des souhaits des accueillants. Ils ne s’inscrivent pas dans un programme de formation continue cohérent recouvrant les différents axes que pourraient revêtir une formation reconnue d’accueillant familial adulte. Ces modules de formation sont mis en place de façon systématique depuis 2000. 1.2.1.4. Les conditions d’exercice de l’activité d’accueillant familial Nous avons vu précédemment que l’activité d’accueillant nécessitait un agrément par le Conseil Général de son département de résidence. Cette activité a pour cadre un contrat de droit privé qui est établi entre l’accueilli ou son représentant légal (tuteur). Ce dernier peut être un curateur nommé par le juge mais également un membre de la famille de la personne accueillie qui agit en tant que tiers si la personne n’est pas en capacité de contractualiser. Ce contrat de gré à gré librement négocié entre les parties est un contrat conforme au contrat type national établi par les services du Conseil Général. Le contrat national relève du code de l’action sociale et des famille et non pas du code du travail. Son contenu fixe la nature de l’accueil (temps partiel ou complet), les conditions matérielles (locaux et prestations fournies), la période d’essai ainsi que les modalités relatives à sa modification, son interruption ou sa dénonciation. Il fixe également les obligations financières que sont le loyer et les rémunérations auxquelles peut prétendre l’accueillant. Elles se décomposent comme suit : l’indemnité journalière pour services rendus et indemnités de congés : son montant doit être au moins égal à 2,5 heures du SMIC par jour. A celle-ci, s’ajoute une indemnité de congés égale à 10% de la rémunération pour services rendus l’indemnité en cas de sujétions particulières : cette indemnité est justifiée par la disponibilité supplémentaire de l’accueillant liée à l’état de la personne accueillie. Son montant est compris entre 1 et 4 fois le minimum garanti par jour, en fonction du besoin d’aide de la personne, liée à son handicap ou sa perte d’autonomie. l’indemnité représentative des frais d’entretien courant de la personne accueillie : elle comprend l’entretien courant comme les denrées alimentaires, les produits d’entretien et d’hygiène, l’électricité, le chauffage, les frais de transports de proximité ayant un caractère occasionnel. Son montant est fixé en fonction des besoins de la personne accueillie, il est compris entre 2 et 5 fois le minimum garanti. l’indemnité représentative de mise à disposition de la pièce réservée à la personne accueillie : cette indemnité évolue en fonction de l’indice du coût de la construction. En Côte d’Or l’indemnité s’élève en général à 6,29 euros par jour. 26 Après avoir traité de la partie administrative de l’accueil familial en Côte d’Or je vais, dans la partie suivante, parler des différents acteurs de l’accueil qui se placent dans une logique de l’offre et de la demande. L’offre est constituée par les accueillants familiaux. J’ai compulsé, pour traiter les parties qui concernent les accueillants familiaux et les personnes accueillies, l’ensemble de dossiers des accueillants familiaux de côte d’Or. Ce travail a été rendu possible grâce à l’accord des services du Conseil général .Ces dossiers pour lesquels j’ai respecté le plus strict anonymat étaient au nombre de 94 et concernaient des accueillants qui avaient émis le souhait de recevoir des personnes en situation de handicap. Je me suis attaché à relever des éléments (motivations, âges, situation antérieure..) qui correspondaient au moment ou l’accueillant obtenait son agrément donc lorsqu’il commençait son activité. Les données que j’ai recueillies sur les personnes reçues figuraient également dans ces dossiers. Celles qui concernaient les raisons d’une orientation vers l’accueil familial étaient peu nombreuses et visiblement ne présentaient que peu d’importance pour les différents acteurs de l’accueil familial. La demande comprend les besoins exprimés par les personnes accueillies, les textes réglementaires, et les prescripteurs institutionnels. En ce qui concerne les textes réglementaires je les avais déjà présentés dans la partie qui traitait du cadre juridique de l’accueil familial social. Pour les prescripteurs institutionnels je leur ai fait parvenir un questionnaire (voir en annexes) qui me permettait de préciser leurs attentes et leurs représentations de ce type de prise en charge. 1.2.2 La demande concernant l’accueil familial La demande concernant l’accueil familial représente les missions qui lui seraient assignées. Pour déterminer cette commande sociale je vais dans un premier temps établir sur la base des éléments relevés dans les dossiers des adultes demandant à bénéficier d’un accueil familial, une typologie rapide des personnes accueillies, puis dans un second temps m’attacher aux raisons qui ont motivé leurs choix ou celui de leurs représentants légaux ou non (familles, organismes de tutelles, établissements médico-sociaux) pour une orientation vers ce type de prise en charge. Je m’intéresserai ensuite aux prescripteurs institutionnels en cherchant au travers d’un questionnaire les raisons et les motivations fondées ou supposées qui les incitent ou les inciteraient à se tourner vers l’accueil familial social. Enfin je m’attacherai à rechercher dans les textes réglementaires les missions qui seraient dévolues aux accueillants familiaux. 27 1.2.2.1. Les personnes accueillies Typologie des personnes adultes reçues en accueil familial sur le département de la Côte d'Or 84 personnes adultes en situation de handicap recensées, âgées de moins de 60 ans dont voici les caractéristiques principales : rép artitio n p ar sexe d es p erso n n es accu eillies hom m es 48% 52% fem m es rép artitio n p ar tran ch e d 'âg e rép artitio n p ar tran ch e d 'âg e 12% 35% 34% 20-30 ans 22% 30-40 ans 20-40 ans 40-50 ans 40-60 ans 50-60 ans 66% 31% situ atio n avan t accu eil 2% 6% 6% 25% 10% 12% 18% 3% 12% 6% fam ille as s is tante m aternelle CHRS HP A FT foy er hébergem ent pour P H IM E dom ic ile pers onnel m ais on de retraite pas d'élém ent Protection légale L’ensemble des personnes accueillies bénéficie d’une mise sous protection légale (curatelle renforcée, tutelle). 28 Raisons justifiant leur orientation vers une famille d’accueil Dans 12 dossiers sur les 84 consultés ne figuraient aucun élément précisant les raisons qui ont motivé le choix d’une orientation vers l’accueil familial. Dans les 96 réponses recensées les raisons invoquées sont : Lourdeur de la prise en charge pour la famille naturelle : 16,5 % Age avancé des parents : 5 fois Fatigue : 4 fois Décès des parents : 3 fois Départ des parents en maison retraite : 3 fois Troubles du comportement : 14,5% Agressivité et violence : 7 fois (5 fois dans des établissements) Alcoolisation : 4 fois Refus des règles de vie en institution : 1 fois Prodigalité : 1 fois Manque d'autonomie : 13,50 % Sorties hôpitaux psychiatriques : 12,5% Attente ou défaut d'orientation vers les établissements : 11,5% Attente orientation 8 fois (FAM, Foyer d'hébergement +ESAT) Impossibilité d'être orienté : 3 fois Poursuite d’un accueil familial enfant : 10% 10 fois Troubles mentaux : 9,5% Fois Problèmes avec familles naturelles : 5% Maltraitance 3 fois Liens perturbés 2 fois La demande en direction de l’accueil familial social semble tenir sa légitimité sur deux raisons principales : l’impossibilité pour la famille naturelle de poursuivre la prise en charge ou l’accompagnement de leur enfant ou de leur frère ou sœur qui sont du fait de leur handicap peu autonomes un manque de place en institution ou à une inadéquation de ces mêmes institutions pour la prise en compte de comportements dans le cadre d’une vie collective. 1.2.2.2. Les attentes des prescripteurs institutionnels de l’accueil familial Au regard des résultats concernant les personnes accueillies il m’est apparu nécessaire d’interroger les établissements médico-sociaux notamment sur les représentations qu’ils ont des bénéfices possibles d’une orientation vers une famille d’accueil ainsi que de l’usage qui est fait de cette possibilité d’orientation. J’ai donc fait parvenir par mail un questionnaire (voir annexes) à un échantillon d'organismes institutionnels en Côte d'Or qui sont ou seraient des prescripteurs potentiels pour l'accueil familial adulte. J’ai eu des contacts avec les directeurs de ces services ou établissements en leur demandant de transmettre ce questionnaires à des membres de leur personnel qui avaient déjà travaillé avec l’accueil familial .Dans le cas ou aucun travail n’avait été effectué je leur demandais de le présenter malgré tout à des salariés afin de connaître les représentations qu’ils avaient de l’accueil familial social. 29 Cet échantillon est composé de : trois foyers d’hébergement en milieu urbain et trois foyers en milieu rural. (Effectif total de 220 personnes) deux organismes gestionnaires de tutelles (1500 majeurs protégés) un CHRS (80 personnes) trois Instituts Médico-Educatif (effectifs 150 personnes) Analyse des réponses Questions 1 et 3 L’ensemble des 12 prescripteurs interrogés ont eu recours au cours des 5 dernières années 57 fois à la formule de l’accueil familial adulte ; ce qui au regard de leurs effectifs représente un pourcentage très faible. Les organismes de gestions de tutelles (ATMP et UDAF) sont les principaux prescripteurs (30 orientations) Les six foyers d’hébergement interrogés ont eux orientés seulement 8 personnes. La moitié de celles-ci sur la formule de l’accueil temporaire (accueil les week end ou les vacances). Question 2 La solution de l’accueil familial n’est pas du tout utilisée pour la moitié des prescripteurs et semble être envisagée de manière systématique pour seulement 2 d’entre eux. Question 4 Les raisons invoquées pour le choix de cette orientation sont dans un ordre décroissant les suivantes : une inadéquation des structures collectives existantes (règles, rythme de vie, occupation week end, lieu de rupture, besoins d’échanges) des impossibilités d’orientation vers des institutions médico-sociales (manque de place, délais.) désir de vivre au sein d’une famille (isolement, réparation.) dangers en famille naturelle maintien sur secteur géographique manque d’autonomie urgence sociale (relogement, conduites addictives) Il ressort de ces réponses que les principales raisons évoquées par les prescripteurs pour une orientation en accueil familial adulte sont dans une écrasante majorité (65%) d’une part l’impossibilité de pouvoir obtenir une place en structures médico sociales et d’autre part une inadéquation de ces mêmes structures au regard des problématiques et des attentes supposées des personnes en recherche de solution d’accueil. Un autre élément identifié est le désir pour les personnes de vivre au sein d’une famille. Question 5 Les apports observés ou attendus de l’accueil familial règles de vie moins contraignantes qu’en institution - espace de distanciation et de récupération par rapport à des périodes de saturation dans des structures collectives. - effet structurant et apaisant (les règles de vie en institution peuvent être persécutrices) - respect des règles plus aisé qu’en institution 30 - réponse plus individualisée aux besoins de la personne - projet de vie plus adapté à la personne - projet personnel plus facile à mettre en place que dans une collectivité vie relationnelle - trouver sa place dans un réseau constitué par la famille, les voisins, les amis éventuels. - permettre une démarche de socialisation, mise en place de lieux et de repères différents. - création d’un lieu et d’une relation chaleureuse qui répond à un besoin de l’adulte - réponse à l’isolement - lieu d’écoute - relation privilégiée - réponses affectives et relationnelles de proximité - apport en terme de référence familiale l’intimité - avoir un espace privatif qui assure intimité et sécurité - approche d’une plus grande proximité avec les autres dans le partage aspects thérapeutiques - installer des liens dans une certaine permanence, liens qui peuvent venir compenser en partie des carences familiales et affectives anciennes - valorisation de l’adulte en situation de handicap car il se sent plus proche d’une certaine norme sociale. Sentiment d’appartenir à un groupe bien défini et normé qu’est une famille - environnement calme, rassurant - ancrage dans la réalité (repas, hygiène, entretien du lieu de vie, activités, loisirs.) - implication de la personne dans les actes de la vie quotidienne qui favorise l’estime de soi et la confiance en soi. - accès à la notion d’altérité - recherche d’une substitution parentale - endroit neutre pour se reconstruire - relation privilégiée qui permet une meilleure prise en compte de soi même - créer une relation affective - stimulation et maintien des acquis - sécurité, cadre de vie sécurisant bénéfices pratiques - formule souple - moins cher que des séjours spécialisés pour les vacances - répondre de manière ponctuelle - vivre en milieu rural - aide au quotidien - gestion de proximité du quotidien Les apports attendus par les prescripteurs d’une orientation vers l’accueil familial sont principalement de deux ordres. Le premier semble s’expliquer par l’impossibilité pour les institutions spécialisées traditionnelles, qui constituent le dispositif médico-social destiné aux personnes en situation de 31 handicap, d’offrir à certaines de ces personnes les conditions de vie et de prise en charge individualisée qu’elles souhaitent. Le second s’extrait un peu de ce rapport en miroir permanent entre l’accueil familial et les institutions. Il exprime des apports intrinsèques qui sembleraient être particuliers à l’accueil familial, notamment au travers d’une vie au domicile des accueillants familiaux. J’ai relevé de manière quasi récurrente dans les réponses des prescripteurs l’intérêt et les bénéfices pour les personnes accueillies que représenterait la vie quotidienne. Cette notion de vie quotidienne semblant peu présente et active dans les institutions puisque ces dernières l’évoquent fréquemment comme l’élément dynamique central des apports supposés d’une orientation vers l’accueil familial social. 1.2.2.3. Les attentes exprimées dans les textes réglementaires Comme je l’ai écrit précédemment, la loi de 1989 est venue encadrée l’activité de l’accueil familial adulte. Elle a permis, de manière sommaire, de donner un sens aux actions à mettre en œuvre auprès des personnes accueillies. On retrouve ces orientations dans deux dispositions devenues obligatoires : Le contrat type Les obligations stipulées dans le contrat type utilisé au niveau national précisent que l’accueillant s’engage à faire participer la personne à la vie familiale, à l’aider à restaurer ou à préserver son autonomie et à développer ses activités sociales. Pour ce faire l’accueillant s’engage vis-à-vis de l’accueilli à garantir son bien être, respecter ses convictions politiques, religieuses et morales, adopter un comportement courtois exempt de violence verbale ou physique, respecter son libre choix, respecter son intimité et la confidentialité de sa correspondance et de ses relations socio- affectives. L’agrément Il mentionne que les accueillants familiaux doivent apporter des garanties en matière : de protection de la santé, de sécurité et de bien être moral et physique de continuité dans l’accueil de confort du logement qui permette aux personnes de pouvoir bénéficier de l’allocation logement En conclusion la demande émise en direction de l’accueil familial semblerait donc devoir se structurer autour de deux axes forts : Une solution pour pallier a la détresse des familles naturelles mais aussi au manque de réponses (disponibilité,adaptabilité,tolérance,moyens) des établissements qui ont pourtant pour missions d’ accueillir des personnes en situation de handicap quelque soit le degré du handicap. L’aspiration exprimée par les personnes elles-mêmes ou par l’intermédiaire de leurs représentants, d’un accompagnement différent de celui pratiquer en institutions spécialisées. Pour les prescripteurs, cette forme d’accompagnement pourrait être porteuse de valeurs spécifiques qui permettraient aux personnes accueillies une évolution au travers d’une prise en compte plus individualisée. 1.2.3. L’offre de l’accueil familial L’offre de l’accueil familial s’organise sur un réseau d’accueillants familiaux présents sur l’ensemble du territoire de la Côte d’Or. 32 Après une présentation rapide des accueillants qui constituent ce réseau, je vais recenser les motivations qui les ont amenés, lors de leur demande d’agrément, à s’engager dans cette activité de l’accueil de personnes adultes handicapés. 1.2.3.1. Les accueillants familiaux J’ai dénombré 93 accueillants familiaux ayant un agrément pour recevoir des personnes en situation de handicap dont voici les principales caractéristiques : R ép artitio n p ar sexe 15% Hom m es F em m es 85% R ép artitio n p ar tran ch es d 'âg e 2% 5% 14% 12% 20-30 ans 30-40 ans 40-50 ans 25% 50-60 ans 60-70 ans 70-80 ans 42% Il est intéressant sur ce point précis de mettre en valeur un autre mode de répartition en deux tranches simplement : 57% d’accueillants ont entre 50 et 80 ans dont 42% entre 50 et 60 ans 43% d’accueillants ont entre 20 et 50 ans dont 25% entre 40 et 50 ans situ atio n p ro fessio n n elle an térieu re 12% 3% autres profes s ions c hôm age pas d'em plois auparavant 85% 33 La grande majorité des personnes n’avait pas de qualification professionnelle initiale. Le fait de devenir accueillant familial constitue une forme de valorisation de leurs compétences. situ atio n m aritale 17% m arié ou en union libre s eul 83% h ab itat 12% m ilieu rural m ilieu urbain 88% n atu re d e l'ag rém en t 18% 37% agrém ent pour 1 pers onne agrém ent pour 2 pers onnes agrém ent pour 3 pers onnes 45% Formation Les premiers modules de formation apparaissent en 2000. 3500 heures de formation ont été dispensées depuis 2000 soit une moyenne de 6h40 par personne et par an. La participation sur une période de six ans s’échelonne entre 0h et 90 heures par personne selon l’envie de participer des accueillants. Cette participation étant jusqu’en 2005 laissée au libre arbitre des accueillants. 34 Motivations lors de leur demande d’agrément Les motivations apparaissent dans les questionnaires d’agrément simplement en 1999. Auparavant, il existait un simple questionnaire concernant l’histoire de la famille qui désirait accueillir, les conditions matérielles de l’accueil et les souhaits par rapport au profil des personnes accueillies. J’ai relevé 157 réponses qui concernent les raisons invoquées pour devenir accueillants familiaux. Il m’est apparu alors évident de classer ces raisons selon deux critères : les motivations touchant aux intérêts personnels de l’accueillant et celles qui prennent en compte les personnes accueillies. Motivations touchant aux intérêts personnels de l’accueillant 110 réponses soit 70% des réponses exprimées Les motivations évoquées se répartissent de la manière suivante : -rompre sa solitude 22% - compléments de revenus 17,50% - recherche d'un emploi16% - travailler à son domicile 15% - principe de fidélité 14.5 % - souhait de changer de profession 6.5% - recherche de relations 3% -autres 5,5% Trois grands thèmes se distinguent nettement : les motivations exprimées concernant la solitude associée à celle de la recherche de relations représentent 25% des motivations exprimées les motivations liées à l'emploi et aux revenus liés à cet emploi (recherche emploi, complément de revenus, changement profession) représentent 40% des réponses. le principe de fidélité revient de manière prégnante. En effet, comme on peut le constater dans le paragraphe suivant, un certain nombre de familles d’accueil ayant un agrément pour l’accueil familial d’un enfant font la demande d’un agrément adulte pour pouvoir poursuivre l’accueil de cet enfant devenu adulte. Motivations exprimées prenant en compte les personnes accueillies : 47 réponses soit 30%des réponses exprimées Ces motivations se répartissent de la manière suivante : - apporter de l'aide 32% - poursuivre l’accueil familial d’un enfant devenu adulte 19% - désir d'échanger 17% - raisons dans lesquelles apparaissent des éléments liés à une expérience professionnelle 17% - « bonté » 15% Cette proposition qui devrait constituer l’offre de l’accueil familial en Côte d’Or est très ambiguë. En effet, les motivations exprimées par les futurs accueillants familiaux ne sont pas orientées en direction des clients que sont les personnes accueillies mais plutôt en direction de la satisfaction de leurs besoins personnels (recherche d’emploi, revenus, lutte contre la solitude). Ce que l’on pourrait qualifier d’offre ne représente en fait qu’un tiers des motivations recensées. En outre, cette offre est exprimée en termes génériques relevant plus du registre du 35 compassionnel que d’un souci d’inscrire leur activité dans une logique de métier dont l’un des critères 13 est la nécessité d’ouverture et de lisibilité des actions. Dans ce rapport entre la demande exprimée par les prescripteurs, les textes réglementaires, les personnes accueillies et l’offre proposée par les accueillants familiaux semble exister un certain déséquilibre. La demande se structure, comme je l’ai décrit précédemment, autour de deux axes qui font apparaître un certain nombre de besoins. Le premier s’articule autour d’une certaine carence des institutions traditionnelles à répondre à ces besoins. Le second autour d’apports qui seraient spécifiques à un accueil familial et qui seraient attendus ou imaginés (vie relationnelle, sécurité, aspects thérapeutiques, écoute..) notamment par les prescripteurs institutionnels. L’offre en direction des clients potentiels que sont les personnes handicapées accueillies, en revanche, n’apparaît pas de façon claire. Il est simplement question d’aider, d’échanger (pour qui ?), d’être « charitable ». L’accueil familial pour des adultes en situation de handicap existe depuis maintenant longtemps. Ces intervenants sont rémunérés et assurent une mission dans le cadre d’un agrément avec le Conseil Général. Le nombre de personne accueillies atteste d’une relative vitalité. Néanmoins, il me semble que malgré une implantation non négligeable, une évolution dans sa structuration, un cadre législatif renforcé, il manque un élément important dans ce dispositif. Cet élément, qui justifie d’ailleurs la raison d’être et la place de l’accueil familial dans le dispositif qui existe en direction des personnes handicapées, serait à mon avis la possibilité de proposer une offre plus lisible qu’elle ne l’est actuellement : une offre dont l’existence ne s’appuierait pas, par défaut, sur un manque de place en établissements médico-sociaux ou sur les difficultés de ces derniers à prendre en compte l’ensemble des problématiques du handicap mais plutôt dans une mise en lumière des bénéfices que pourraient avoir les personnes handicapées à être reçues dans le cadre de l’accueil familial social. une offre qui permettrait en outre de donner une légitimité à cette activité d’accueillant familial en précisant le travail réalisé les prestations offertes et ainsi pouvoir les faire connaître. Lors de cette recherche les écrits que j’ai trouvés concernant l’accueil familial traitent de manière quasi exclusive des modalités pratiques de cette activité et des conditions de travail des accueillants, très peu abordent la question de l’offre, offre pouvant être matérialisée par les apports possibles pour l’usager d’être reçu au sein d’une famille d’accueil. Pourtant il est certain que l’ensemble des prescripteurs (établissements, famille, personnes accueillis.) semble être d’accord pour reconnaître la validité du dispositif puisqu’ils l’utilisent et lui prêtent des vertus. Il est donc possible que cette offre existe réellement, qu’elle ne soit pas formalisée comme elle peut l’être dans d’autres activités rémunérées. Néanmoins on peut imaginer que malgré ce manque de lisibilité notoire les différentes composantes de l’offre de l’accueil familial soient mises en œuvre par les accueillants familiaux de manière plus ou moins consciente. 13 Ph. Zarifian 2004, « Le modèle de la compétence » -Ed Liaisons- 36 2. TENTATIVE DE FORMULATION D’UNE OFFRE DE L’ACCUEIL FAMILIAL EN CÔTE D’OR Je vais dans cette troisième partie de mon travail tenter de dessiner les contours de ce que pourrait être l’offre de l’accueil familial social pour des personnes adultes handicapées. Pour ce faire, je vais tenter de développer une analyse théorique en m’appuyant sur le concept du « quotidien ». En effet, dans les réponses au questionnaire les prescripteurs mettent souvent en avant les effets attendus du partage des moments d’une vie quotidienne familiale en opposition à une vie en collectivité structurée autour d’un travail éducatif. Je poserai donc le principe que le travail des accueillants familiaux, qui s’appuie sur le partage avec les personnes accueillies d’une vie quotidienne, favorise une évolution chez la personne accueillie. Il est donc nécessaire de discerner de quoi est composé ce quotidien et surtout quels sont les apports possibles liés à ce partage d’un quotidien familial. 2.1. Le quotidien Le quotidien concerne tout le monde puisqu’il constitue l’essentiel de notre l’existence. Il se présente bien comme une grande partie, certainement même la plus grande partie de notre vie. Cette notion est souvent évoquée mais est-il possible de la définir de façon plus précise 2.1.1. Proposition de définitions Le dictionnaire Larousse donne du quotidien la définition suivante : « le quotidien est ce qui se fait et qui revient chaque jour » Il est l’ensemble des « petits riens » qui remplissent chaque jour notre vie. Il forme des suites d’actes incontournables plus ou moins logiques et rythmés, liés aux besoins de la vie, un monde du déjà vu, du déjà connu. La traduction pratique du quotidien est la vie quotidienne qui est scandée par le lever, le coucher, les repas, le travail, la télévision, la rencontre des voisins, les promenades ; une succession naturelle de faits et de gestes répétitifs, routiniers en apparence sans enjeux majeurs. Le quotidien semble aller de soi, s’imposer à nous, en dehors de la pensée, renvoyant aux habitudes, à une routine, à des rituels, des mêmes gestes, des mêmes paroles. Il se présenterait alors, comme incolore, invisible, sans aspérité. Il serait alors difficile à formaliser donc à conceptualiser. B.Bégout 14dans une approche philosophique définit le quotidien comme « l’environnement immédiat et proche de notre vie habituelle qui baigne dans une certitude totale. C’est un monde donné d’avance dans la confiance irréfléchie d’une pratique journalière qui prend les choses comme elles viennent sans se poser de questions, assise, muette de toute expérience. Nous prenons en effet le quotidien pour quelque chose de banal, de commun d’ordinaire; bref une expérience nécessaire mais inférieure et dépourvue de tout intérêt fondamental outre celui de la survie journalière, nous restons indifférents à sa nature profonde » Le psychanalyste J.Rouzel15 parle lui d’un quotidien qui est paré des plumes de l’évidence et se présente comme ce qui va de soi, comme non questionnable. 14 15 B.Bégout, 2005, « la découverte du quotidien », Ed Allia J.Rouzel, 2004, le quotidien en éducation spécialisé, Ed Dunod 37 Dans son livre de 1968 H.Lefebvre16 philosophe très engagé politiquement qui fut l’un des premiers à s’attacher à ce concept considère le quotidien comme : « Ce qui reste quand on a extrait du vécu toutes les activités spécialisées » L’écrivain G.Perec17précise que le quotidien, c’est l’ordinaire, « l’infra ordinaire » même, en opposition à l’extraordinaire, à l’évènementiel, à quelque chose qui se remarque, qui se démarque du monde commun et sans vague, de ces « petit faits insignifiants et délicieux qui forment le fond même, la trame de l’existence ». De ces quelques tentatives de définition me semble ressortir deux éléments de réflexion : Le quotidien est synonyme de banalité, il agit selon un rythme invariable qui apporterait une impression d’ennui, d’insignifiance et de monotonie. H Lefebvre, dans le même ouvrage, surenchérit, « la quotidienneté est une sorte de dépôt souterrain dans lequel se sédimentent les conventions, il constitue une barrière qui empêche à la fantaisie et l'inventivité de trouver les voies pour une propre expression autonome » Il n’est pas très intéressant à étudier car on l’oppose à l’extraordinaire qui lui du fait de son caractère exceptionnel mérite d’être « pensé ». G.Debord 18 provocateur, parle d’un concept trivial car en opposition avec la notion de spécialisation, spécialisation synonyme de pouvoir. Un ensemble peu intéressant qui n’est pas digne d’intérêt car réservé à des gens qui n’ont pas accès aux activités spécialisées et qui n’ont que la vie quotidienne à vivre. Il me semble voir dans ce propos de G.Debord un parallèle intéressant pour mon travail à savoir que le travail auprès des personnes handicapées est réalisé majoritairement par des professionnels du secteur médico-social qui sont spécialisés mais aussi par des accueillants familiaux qui pourraient faire partie de ces gens « qui n’ont pas accès aux activités spécialisées et qui n’ont que la vie quotidienne à vivre » Ces définitions présentent du quotidien une image statique et peu valorisante dans son caractère d’immuabilité, ainsi qu’une certaine soumission à l’ordre des choses donc peu propice à la création et à l’adaptabilité qui sont par ailleurs des critères essentiels si l’on souhaite accueillir des personnes handicapées et les aider à la réalisation de leur projet de vie Mais au delà de cette “image arrêtée”, qu’en est-il vraiment ? Le quotidien est-il aussi simple et édulcoré que ces tentatives d’explication le laisseraient à penser ? G.Perec précise que si le quotidien est peuplé de choses, de bricoles (assiettes, casseroles, vêtements, draps..) qui constituent l’ordinaire qu’il faut ranger « d’hommestiquer », humaniser, de ce terre à terre, de ce ras des pâquerettes se construit la clinique éducative longtemps dévolu à une majorité de femmes. B.Bégout pense que même si le quotidien paraît impensable, il mériterait à tout moment d’être pensé, exploré, parce qu’il est justement « ce qu’il y a de plus difficile à découvrir » comme une idée de se confronter à de l’évènement dans le vif du sujet et parce qu’il serait un levier essentiel pour évoquer la réalité, la vie. J.Rouzel lui affirme que c’est le principe de répétition qui est la base à partir de laquelle le sujet prend son essor. 16 H Lefebvre, « la vie quotidienne dans le monde moderne » Ed Gallimard G Perec, 1989, « l’infra ordinaire » Ed du Seuil 18 G Debord, août 1961, « revue internationale situationniste » n° 6 17 38 Il semble donc qu’au-delà d’un premier postulat, que je qualifierais de commun qui laisse à croire que le quotidien et son expression qu’est la vie quotidienne n’est pas intéressant à « réfléchir » et qu’en outre il ne soit pas dynamique, il puisse y avoir une autre approche. Celleci met en avant la possibilité que le quotidien soit susceptible de présenter un certain nombre de fonctions, peut être implicites, mais certainement nécessaires à notre existence. Il se peut que rien de ce que nous faisons au quotidien ne soit aussi naturel ou évident qu’il n’y paraît et que la vie quotidienne puisse être en fait une construction sociale plus élaborée qu’elle n’y paraît. M.de.Certeau19 présente le quotidien comme une mise en tension entre ce qui fait répétition (routine, quotidienneté) et ce qui peut être apporté de nouveau, changement sur un fond de continuité et continuité sur un fond de changement. Je trouve cette mise en perspective pertinente dans la mesure où elle va au-delà des définitions. En effet, elle précise le cadre dans laquelle se dessinent les apports possibles du quotidien. Ces évolutions, ces apports prendraient naissance au travers de cette quotidienneté, de cette routine, pourtant toujours présentée comme stérile et insignifiante. Le quotidien pourrait donc prendre en même temps l’image d’une banalité oppressante organisée autour d’un principe de répétitions et celle d’une dynamique qui génère des apports utiles à notre existence. Pour découvrir ces bénéfices il est avant tout nécessaire comme l’écrit B.Bégout de s’arrêter, sur ce quotidien, de l’observer, d’interroger « ce qui semble tellement aller de soi que nous en avons oublié l’origine... » 2.1.2. Les apports du quotidien La traduction pratique de la notion de quotidien est la vie quotidienne. Mais comment définir cette dernière ? La vie quotidienne est constituée d’une suite de situations qui mettent en scène des éléments de l’environnement de l’individu à savoir des personnes différentes (famille, collègues de travail, amis, voisins…) dans des lieux différents (maison, bureaux, usines, commerces) sur des moments différents. Elle se trouverait donc à la fois dans le travail, les activités de loisirs et dans la vie familiale. La valeur première qui semble attachée au quotidien est celle du refuge, c'est-à-dire qu’elle représente comme l’écrit B.Bégout « un domaine intérieur où règne la sécurité et la confiance par rapport à un domaine extérieur indéfini donc potentiellement menaçant ». Le domicile peut représenter ce domaine intérieur dans la mesure où il permet d’une part de satisfaire certains besoins fondamentaux notamment psychologiques pour l’être humain que sont la sécurité physique, la possibilité de bénéficier d’un bien être affectif et social et d’autre part un lieu de repli possible par rapport à une pression permanente d’une société productiviste donc exigeante. La seconde valeur tient à la possibilité qu’elle offre de faire des expériences répétées dans un cadre rassurant et de pouvoir ensuite les reproduire dans des activités sociales de façon normée. On peut évoquer alors le principe de familiarisation dans le sens où ces expériences fournies par le quotidien sont mises en mémoire et ainsi appliquées de manière plus ou moins consciente dans des rapports sociaux lorsque la nécessité s’en fait sentir. Dans ce même registre le processus de socialisation est certainement un apport du quotidien. Cet environnement rassurant qui « aménage un monde incertain en un milieu fréquentable »20 met certes à l’abri dans un cadre restreint mais apporte également dans un premier temps la confiance et l’estime 19 20 Michel de Certeau , 1990, « l’invention au quotidien » Ed folio B Bégout « la découverte du quotidien », 39 de soi nécessaires à une ouverture aux autres de manière sécurisée et bénéfique. « L’acquis par l’accoutumance n’est que l’amélioration de la manière de faire par quoi l’usager peut vérifier sans cesse l’intensité de son insertion dans l’environnement social ». 21 Il permet également l’assimilation d’un certain nombre de règles de vie et active la notion de respect des autres qui favorise une dynamique d’insertion sociale. Ce qui est important ici c’est que l’on voit que le quotidien est en capacité d’agir sur deux plans : Un travail sur la subjectivité dans la mesure où il peut offrir les conditions pour aider quelqu’un à exister en tant que sujet, individu différencié, pensant et désirant La possibilité de développer les compétences et surtout les valeurs qu’une société considère comme devant être respectées et nécessaires pour qu’un individu puisse exister en tant que membre d’un groupe. Considérant que l'activité de l'accueillant familial s'appuie sur les actes les plus courants de la vie quotidienne. Ce quotidien, trouve sa traduction pratique dans une vie familiale, a pour cadre le domicile familial et pour acteurs les membres de la famille et leur environnement social. Je vais donc m’attacher maintenant, en organisant ma réflexion autour des deux axes agissants du quotidien que sont la subjectivation et la socialisation, à définir les apports du quotidien de l’accueil familial. 2.2. Les apports de l’accueil familial « Les familles d’accueil ont des outils de travail qui sont autres que leur simple gentillesse, leur sens inné de l’accueil ou je ne sais quelle mythique convivialité naturelle » 22 Je vais ici, tenter de repérer d’un point de vue théorique les apports supposés pouvant constituer une offre de l’accueil familial. J’utiliserai pour ce faire une répartition en deux catégories citées dans le chapitre précédent à savoir d’une part les apports susceptibles d’aider l’accueilli à exister en tant que sujet et d’autre part ceux qui favorisent sa socialisation. J’ai essayé de cerner ces apports au travers de trois ouvrages principaux, celui de B.Bégout celui de M.de Certeau et enfin l’un des rares ouvrages traitant de façon assez précise des bénéfices possibles que peut offrir la formule de l’accueil familial mais dans le cadre de l’accueil familial thérapeutique, celui de P Sans23 2.2.1 Un travail sur la subjectivation En préambule, il me semble indispensable d’apporter la précision suivante. Lorsque l’on parle des apports de l’accueil familial, viennent immédiatement à l’esprit les valeurs attachées traditionnellement à la famille naturelle, valeurs qui constituent le ferment sur lequel se fortifient l’éducation et le développement d’un enfant. Cet enfant quittera ensuite le milieu familial et fort de ces acquis sera en mesure de s’assumer et de s’intégrer à la société. Dans l’accueil familial social, certes, il y a bien le principe d’une vie au sein d’une famille, mais plusieurs caractéristiques de cette vie sont sensiblement différentes. Elles apparaissent de façon 21 22 23 D Certeau. « l’invention du quotidien P Sans P Sans, 2006, le placement familial, ses secrets et ses paradoxes » Ed l’Harmattan 40 évidente dans les résultats des typologies des accueillants et des personnes accueillies que j’ai établies : Les personnes vivant au domicile de la famille ne sont pas des enfants mais des adultes dont la majorité ont, comme je l’ai précisé, entre 40 et 60 ans. Ces adultes sont pour la plupart déficitaires intellectuellement ou lourdement handicapés physiquement. Chacune de ces personnes avant leur arrivée dans le dispositif de l’accueil familial a souvent vécu des expériences douloureuses liées à un handicap ou à une vie au sein de sa famille naturelle. chaotique du fait de ce handicap. Ces personnes sont accueillies dans la majorité des cas suite à l’impossibilité d’intégrer ou de rester dans des établissements du secteur médico-social. Elles n’ont souvent plus de famille ou des familles trop âgées pour être présentes à leurs côtés La famille qui reçoit n’est pas leur famille naturelle et les reçoit « à titre onéreux ». Les accueillants ont une moyenne d’âge élevée. Les objectifs d’une vie en famille et ses bénéfices pour un adulte en situation de handicap, même si un certain nombre d'entre eux sont transposables, ne peuvent donc pas être les mêmes que ceux développés par une famille en direction de son propre enfant. Ce préalable étant posé, la capacité qu’a l’accueil familial à aider la personne à exister en tant que sujet peut se traduire au travers de deux notions importantes qui sont celle de l’accueil et celle de l’accompagnement. 2.2.1.1 L’accueil L’accueil ici n’est pas à comprendre comme le temps précis qui correspond à l’arrivée de la personne au domicile de l’accueillant familial mais représente l’assemblage des différents éléments du quotidien qui donne sens au travail de l’accueillant familial et favorise l'intégration dans la famille de la personne reçue. P.Sans en évoquant ce que recouvre le fait d’accueillir donne la définition suivante « C’est se donner les moyens de donner à l’Autre, marginal, victime, personne démente, la possibilité de se retrouver, d’accéder un jour au « je » et peut être à l’autonomie qui est une manière de se lier aux autres » La personne accueillie est tout d’abord en droit d’attendre de l’accueillant la mise à disposition d’éléments de confort censés répondre à la satisfaction de ses besoins physiologiques (boire, manger, dormir, se chauffer, être soigné) et un rythme de vie équilibrée autour des différents temps qui scandent une journée (repas, sommeil, sorties...), ces différents éléments étant décrits clairement dans l'agrément. La seconde exigence est celle de garantir l’intimité de la personne. Cette dernière doit disposer d’un espace privé représenté par une chambre individuelle qu’elle peut petit à petit s’approprier et ainsi, disposer comme l’écrit M.de Certeau 24 « d’un lieu protégé de la pression du corps social et qui dispense lorsque cela est nécessaire de la représentation sociale ». Ce lieu ne doit pas être, par contre, isolé du lieu de vie de la famille. D.Jodelet dans son livre sur les colonies familiales abordait ce sujet en précisant qu’une des choses les plus anti-thérapeutique qu’elle ait relevé tenait au fait que la maison est habitable pour les accueillants familiaux et leurs familles mais pas pour les pensionnaires qui n’y sont admis que séparés, mis hors du cadre 24 M.de.Certeau ,Tome 2 « l’invention du quotidien » 41 familial dans des logements dédoublés de l’habitation principale. Elle parlait de clivage architectural. D’autre part dans ce registre de l'intimité, l’accueillant doit faire preuve de discrétion par rapport au courrier de la personne et de réserve dans ses interventions auprès de l’environnement relationnel de cette dernière (amis, famille, intervenants extérieurs, praticiens de santé.). Cet accueil se traduit également, au-delà de la satisfaction des besoins physiologiques, par une rencontre. Une rencontre entre une personne qui est l’accueilli et pour qui il s’agit souvent de gérer une séparation (famille, établissement, relations..), d’aborder une nouvelle vie et une famille qui doit faire entrer une personne dans l’intimité de sa vie quotidienne. L’accueillant doit être en mesure de prendre en compte la personnalité de cet adulte, c'est-à-dire l’envisager comme un individu à part entière. Cette personne en outre est une personne handicapée et l’accueillant familial doit pouvoir lui témoigner de la compréhension, le reconnaître dans sa différence et être à son écoute au quotidien. Le but à atteindre est qu’il puisse prendre sa place, malgré ses difficultés, au sein d’une organisation familiale qui a des habitudes de vie déjà établies. Le rôle de l’accueillant familial (celui ou celle qui a l’agrément) est déterminant dans la mesure où c’est lui qui sert de « passeur » pour que les membres de sa famille acceptent la personne. P.Sans parle de la notion d’agrégation qui représente la possibilité pour la personne accueillie d’être intégrée, acceptée par la famille, d’être à l’intérieur de la famille, de devenir un élément du « nous », de ne pas être simplement regardé comme une valeur marchande. L’accueil familial apporte une réponse à la dépendance, à la solitude ou aux difficultés du quotidien mais de plus il ressource les accueillis grâce à l’intimité familiale partagée où chacun est reconnu à sa place, selon son histoire, ses besoins, ses compétences ou ses projets. Cette intégration réussie est la base nécessaire pour que la personne accueillie puisse, si cela s’avère nécessaire, effectuer un travail de reconstruction de la confiance et de l’estime de soi. Ce travail au quotidien se réalise en appliquant le principe du partage. Cette notion est déterminante car elle me semble être le support de travail privilégié voir unique de l’accueillant familial et le vecteur essentiel d’évolution pour la personne accueillie. Le support de travail privilégié car vivre chez un accueillant familial c’est être reçu à son domicile, vivre sous son toit, partager les repas, les tâches collectives, échanger avec les membres de la famille. Recevoir à son domicile, partager son lieu d'habitation est la condition première sur laquelle s'appuie l'activité de l'accueil familial. Les textes et notamment l’agrément précisent les exigences en terme de superficie et d’équipements pour l’accueil. Ces exigences donnent uniquement une garantie concernant des conditions sanitaires et de sécurité. Au-delà de ces contraintes légales, être reçu dans une famille ce ne doit pas être qu'occuper un lieu. Il ne s'agit pas simplement de partager un lieu d'habitation, d'avoir un toit. Cette notion de partager un domicile, d'entrer dans un foyer recouvre d'autres principes. Elle renvoie au concept d’habiter. M.Heidegger 25 le définit ainsi « habiter, c’est être mis en sûreté dans ce qui est parent, c'est-àdire dans ce qui est libre et qui ménage dans son être » 25 M.Heidegger, 1986,3 Bâtir, habiter, penser, essais et conférences » Ed Gallimard 42 C’est donc tout d'abord pour l’accueillant donner la possibilité à la personne d’être mise en sûreté par rapport à un extérieur qui a été ou peu encore semblé menaçant, ou pour le moins en inadéquation avec les capacités actuelles de la personne accueillie. C’est donc offrir un lieu d’asile, de refuge dans lequel la personne qui a vécu auparavant des expériences traumatisantes devrait avoir l’opportunité de se retrouver, faire le point sur sa situation antérieure, se reposer. Habiter cette maison ou cet appartement familial, c'est également être intégré à une famille c'est-à-dire, être considéré comme l'un de ses membres. La vie quotidienne au sein de ce groupe doit pouvoir, sur la base de processus identificatoires, apporter un cadre structurant qui permette à la personne un certain nombre d'apprentissages qui tient compte de ses capacités. Une citation de J.Patocka 26 me semble résumer assez bien ces deux premiers apports pour la personne handicapée d'être, "le domicile est un refuge et c'est l'endroit auquel plus qu'à n'importe quel autre j'appartiens" Habiter, c'est enfin donner un lieu d'ancrage solide qui permette de faire dans un climat sécurisé de nouvelles expériences culturelles et affectives qui doivent permettre une ouverture sur l'extérieur. Je ne vais pas aborder plus avant ce dernier point car je consacrerai une partie aux apports de l'accueil familial qui touchent au processus de socialisation Vivre ensemble dans un même lieu devient le support à d'autres partages. Les moments de la vie quotidienne d'une famille s'organisent autour d'un ensemble de rituels. L'accueillant familial est là pour faciliter et encourager la participation de la personne accueillie à ces rituels. Ils sont nombreux et structurent la vie quotidienne, la préparation des repas, le repas partagé avec les membres de la famille, les promenades, les achats, les activités de bricolage ou de jardinage. Ils doivent induire, au delà des apprentissages possibles, un échange qui prend la forme de discussions sur des petits riens qui favorisent le lien et la prise en compte de l'altérité. Ces discussions permettent également à la personne, en prenant le masque d'une apparente futilité, de parler de sa vie précédente, de ses projets futurs. C'est une aide qui peut être importante dans la mesure où elle permet de diminuer un niveau d'angoisse élevé lié à des évènements antérieurs, de prendre du recul par rapport à ces mêmes évènements et se situer dans son parcours de vie. L’ensemble de ces rituels doit aboutir à l'intégration de la personne dans la dynamique familiale mais également lui donner accès à l'apprentissage de la solidarité, des règles de vie et des valeurs culturelles partagées par le groupe familial. Pour des personnes en situation de handicap ayant un vécu et une image d'elles même souvent négative ces rituels peuvent en outre constituer un rite de passage. Le rite de passage est une cérémonie et un accompagnement d'apprentissage dans l'abandon d'une ancienne identité et l'acquisition d'une nouvelle. Les rites de passage permettent de lier l'individu au groupe, mais aussi de structurer sa vie en étapes précises et lui donner ainsi de cette dernière, une vision apaisante donc constructive. Ce phénomène a donc un enjeu important pour l'individu, sa relation avec le groupe, et la cohésion du groupe dans son ensemble. L'ethnologue A.Van Gennep 27distinguait trois phases dans ce rite : le temps de séparation, de marge, puis d'agrégation. La description de cet enchaînement me semble particulièrement bien correspondre aux différentes étapes qui jalonnent le parcours d'une personne en accueil familial. Le dernier point constituant de l'accueil répond à la fois à des apports physiologiques et psychiques attendus d'un accueil familial, il s’agit du soin. 26 27 J.Patocka , 1976, « le monde naturel comme problème philosophique » Coll Phaenomenologica Arnold Van Gennep, 1909, « Les rites de passage », Ed Picard 43 Dans l'accueil familial social les personnes reçues sont des personnes qui souffrent de handicaps parfois lourds qui diminuent de façon importante leur autonomie. Dans les raisons exprimées qui justifient une orientation vers une famille d'accueil, cinq sur les huit recensées (lourdeur du handicap, troubles mentaux et du comportements, sortie d’hôpital psychiatrique, manque d'autonomie) nécessitent ou suggèrent la mise en place de soins qu’ils soient médicaux ou qu’ils touchent à l'hygiène du corps. On pourrait donc considérer que l’un des apports principal de l'accueil familial est sa capacité à assurer et à garantir le suivi des soins au bénéfice des personnes accueillies. Par soin, il faut entendre lorsque l'on évoque des handicaps physiques lourds ou des troubles du comportement, la nécessité pour l’accueillant familial d’être d’une part vigilant au quotidien à la santé de la personne (suivi des traitements, hygiène corporelle et alimentaire.) et d’autre part d'être capable d’organiser l’intervention des praticiens (médecins généralistes, spécialistes, infirmières…). Ces deux actions concourent au maintien de la personne en milieu ordinaire de vie, en l’occurrence au domicile de l’accueillant familial. Cet ensemble de tâches touchant à la santé corporelle est facilement identifiable. Il est d'ailleurs l'une des composantes de la rémunération de l'accueillant sous l’appellation sujétions. Je vais plutôt m'intéresser au sens du soin dans sa traduction anglo-saxonne « care » qui traduit l'attention portée à la personne. Nous l'avons vu précédemment, le domicile familial pour les personnes doit constituer un lieu de ménagement et de soin par rapport à un passé souvent douloureux. Les ressources soignantes de l’accueil familial doivent s’inscrire dans un principe de continuité, de permanence relationnelle et de sécurité dans un espace familial intime où la stabilité des repères et des attentions permet la reconstruction du sujet. Mais comment cette attention, ce soin peut-il se traduire au quotidien ? La personne accueillie, si l'on considère que cet accueil doit et peut dépasser largement le cadre d'une prestation hôtelière, est en droit d'attendre de l'accueillant familial une écoute de ses difficultés et de la compassion. Pour tenter d'expliquer en quoi peut consister cette nécessaire attention de l'accueillant, je vais faire un détour par le travail de DW.Winnicott28et plus particulièrement sur deux notions qui s'attachent à la relation mère enfant. La première est celle qu'il appelait « la préoccupation maternelle primaire ». Il la définit comme un état dans lequel la mère est continuellement avec son bébé et veille sur lui. Cette mère témoigne d'une grande tolérance et se satisfait de peu de choses en retour. Elle prend visiblement beaucoup de plaisir au contact de son bébé. Les effets que produisent ses soins sur le bébé gratifient la mère et lui procurent un sentiment de toute puissance illusoire, mais également du plaisir. La seconde notion est celle "d'un environnement suffisamment bon". Si l'environnement maternel est suffisamment bon avec une mère à l'écoute les tendances de maturation opèrent positivement sur le sujet. Winnicott parle d'un « processus d'intégration et de maturation qui amène l'enfant à une construction efficace" Ces deux mouvements structurants qui agissent dans le cadre de la relation mère enfant, Winnicott se rend compte qu'ils sont agissants également dans le cadre de son activité d'analyste. L'analyste permet à son patient de connaître une évolution favorable lorsqu'il met à la disposition de celui-ci un environnement à la fois stable et contenant donc, un environnement suffisamment bon, propice à favoriser une évolution. 28 DW.Winnicott , sept 2006, « la mère suffisamment bonne », Ed Payot 44 Le parallèle que l'on peut faire avec l'accueil familial peut être de deux ordres : la capacité qu’a l'accueillant familial, au travers de l'attention qu'il porte à la personne accueillie, de lui donner un environnement de vie stable et contenant le bénéfice que trouve d'une part la personne accueillie dans l'attention qui lui est portée et d'autre part la gratification que trouve l'accueillant au plaisir qu'il a pu apporter à la personne On peut qualifier alors cette relation d'une relation gagnante, gagnante. La qualité de cet environnement suffisamment bon est déterminée par la capacité de l'accueillant familial au quotidien à ne pas s'ennuyer, à se laisser distraire, surprendre par la personne accueillie. Je note pour faire écho à mon propos que la motivation principale des personnes désirant devenir accueillant familial était le souhait de rompre leur solitude et redonner à leur vie une certaine dynamique. Le plus important semble donc être de conserver ce principe de plaisir, d'étonnement et de créativité qui préserve les ressources soignantes de l'accueillant et lui permet d'éviter les pièges de la répétition, de la chronicité qui peuvent devenir synonymes d'ennui donc d'indifférence et parfois de maltraitance. Créer les conditions et maintenir les exigences d'un environnement suffisamment bon revient à entretenir ce qui rapproche (un processus d'identification) plutôt que ce qui sépare (la maladie, la déficience, « 'anormalité»). C'est ouvrir et maintenir ouvert pour le sujet un espace de soin, un espace de désir, et lorsque cela s'avère nécessaire un espace de réparation. En conclusion, l'accueil familial social dans sa mission d'accueil peut présenter un certain nombre d'apports spécifiques susceptibles d’aider la personne accompagnée à exister en tant que sujet. Il s'agit tout d'abord de sa capacité à satisfaire des besoins élémentaires qui vont de la mise à disposition d'éléments de confort de vie, au suivi des soins médicaux. Ce sont les apports les plus facilement repérables, ils figurent d'ailleurs dans tous les textes officiels traitant de l'accueil familial. On peut les considérer comme la partie lisible de l'offre actuelle de l'accueil familial social. A côté de ces apports que je qualifierai d'évidents, ce processus d'accueil doit être en mesure de mettre en place un nombre de supports à la relation que j'ai décrit dans cette partie. 1. Manifester du respect à la personne en garantissant son intimité, c'est l'aider à renforcer ou retrouver de l'estime de soi et une confiance nécessaire pour évoluer et continuer son parcours. L'accueillant, par son attitude, donne cette garantie à l'accueilli dans les situations de la vie quotidienne que sont les visites d'amis ou de membres de la famille, la réception et la consultation du courrier, l'investissement et la possibilité de se « réfugier dans un espace privé » néanmoins bien intégré à la maison familiale. 2. Faciliter au travers de cette rencontre, l'intégration de la personne dans ce groupe que représente la famille mais également une proximité avec chacun de ses membres. Cette intégration se fait sur la base d'une volonté affirmée de l'accueillant agréé de partager avec la personne accueillie. Partager les lieux d'habitation en lui laissant la liberté d'en disposer et d'y circuler librement, participer aux tâches collectives (tâches ménagères, bricolage. .) qui représentent souvent les contraintes de la vie quotidienne supportées par chaque membre d'une famille, partager les moments de plaisirs à travers des activités conviviales (repas, jeux, sorties. .) et enfin participer aux discussions qui émaillent tous ces évènements de la vie quotidienne et marquent la réelle participation de la personne à la vie de ce groupe. Tous ces éléments de partage concourent à la reconnaissance du rôle et de l'utilité de la personne au sein de la cellule familiale et lui donne donc la confirmation de sa valeur et de sa place en tant qu’individu. 45 3. Etre attentive à la personne dans le soin qui lui est apporté en créant autour d'elle un climat qui lui soit bénéfique mais qui soit bénéfique également à chacun des membres de la famille (conjoint ou conjointe, enfants).L’objectif à atteindre est que chacun des membres de la famille qui joue un rôle dans cet accueil puissent y trouver un intérêt donc du plaisir. L'instauration de ce climat demande une vigilance et un engagement de l'accueillant familial agrée sur l'ensemble des évènements qui jalonnent la vie quotidienne de la famille. 2.2.1.2. L’accompagnement L'accueil doit donc pouvoir donner à la fois un cadre structurant, rassurant ainsi qu'un certain nombre de garanties essentielles propices à faire émerger des bénéfices futurs pour la personne reçue. Les apports répertoriés précédemment sont transversaux dans le sens où ils constituent les éléments de professionnalité qui devraient être activés pour l'ensemble des bénéficiaires de l'accueil familial. L'accompagnement représente lui, la possibilité de donner un sens à cet accueil, il renvoie donc à la notion du projet individuel. En effet, si l’on considère que l’accueil familial fait partie, sur un département, du dispositif médico-social organisé pour la prise en compte des problématiques liées au handicap, il est nécessaire que l’accueillant familial s’inscrive dans cette dynamique J.C.Cébula 29décrit le projet comme un concept qui contient trois idées indissociables : le projet implique de se représenter une situation actuelle, de se projeter dans une situation à venir ce qui suppose d’être en mesure de produire un ensemble de faits pertinents, de les ordonner selon une hypothèse et de penser une problématique pour que le projet devienne un objectif, il faut vérifier l’intention et la volonté qui sont investies pour atteindre cet objectif décliner les moyens et le temps nécessaire pour atteindre l’objectif. Il ne semble pas réaliste actuellement d’imaginer que les accueillants familiaux sont à mêmes de mener cette démarche dans sa globalité sans l’aide d’intervenants professionnels extérieurs. Il est par contre, évident, qu’il est impossible pour un service médico-social assurant le suivi selon les termes de la loi, de pouvoir s’engager dans l’élaboration et la réalisation d’un projet de vie sans l’expertise de l’accueillant familial. Ce dernier, à la condition qu’il ait mis en place les différents éléments de l’accueil décrits précédemment, doit être l’acteur principal de l’élaboration et de la réalisation des objectifs du projet personnalisé. Les objectifs du projet sont ancrés, il me semble, dans la même logique que celle qui prévaut dans des établissements type Foyer d’Accueil Médicalisés ou Maisons d’Accueil Spécialisées. En effet pour la grande majorité des situations les accueillants partagent leur quotidien avec des personnes qui présentent souvent des handicaps importants. Les objectifs décrits dans le projet d’une personne accueillie doivent apporter une aide pour la personne à vivre les moments les plus basiques (dormir manger, veiller à son corps, ne pas trop souffrir, éprouver des émotions.). P.Chavaroche 30juge que l’espace premier de l’accompagnement est la dimension du quotidien et que des gestes très ordinaires comme le lever, le coucher, les repas sont des moments qui peuvent être d’une extrême complexité. Les objectifs décrits peuvent parfois paraître « minimalistes » et donner l’impression de l’application d’une simple routine qui serait en contradiction avec la représentation du projet qui se doit d’être innovant et souvent assez exigeant pour l’usager. La manière d’appliquer ces objectifs et la possibilité de les évaluer rendent pourtant ces projets dynamiques et porteurs d’évolution pour l’affirmation du sujet. On 29 .J CL Cébula, 2000, guide de l’accueil familial, Ed Dunod P Chavaroche, 2006 le projet individuel avec les personnes gravement handicapées, repères pour une pratique, éditions Erès 30 46 retrouve là, la question des effets possibles du quotidien dans son aspect répétitif, force constructrice ou simplement ennui improductif ; Il semble en outre que ce point soit corrélé par ce que l’on peut observer dans les établissements. Ce sont les personnes les moins qualifiées non seulement qui ont la charge de ces tâches mais en outre les assurent de manière « ordinaire » c’est à dire simplement, sans appréhension, comme une contrainte évidente et incontournable de la vie. Cet élément de réflexion me renvoie à nouveau au chapitre que j’ai consacré au quotidien et plus particulièrement à l’approche de G.Debord qui donnait du quotidien la définition suivante : « Un ensemble peu intéressant qui n’est pas digne d’intérêt car réservé à des gens qui n’ont pas accès aux activités spécialisées et qui n’ont que la vie quotidienne à vivre ». Par extension, on pourrait émettre le postulat qu’un des apports de l’accueil familial social serait cette capacité qu’ont des personnes sans qualification (les accueillants) à se voir confier des tâches plus « ingrates » qui seraient plus difficilement assurer par des spécialistes donc des professionnels du secteur médico-social plus enclins à travailler autour du thème de la relation que de celui du soin. Une des raisons qui peut expliquer cette capacité de l’accueillant à accomplir ces tâches peut trouver son fondement en faisant un détour par les principes qui régissent la division du travail. Ces deux principes bien connus que sont la parcellisation du travail et la contrainte de temps appliquées à des tâches sans intérêt entraînent en plus d’effets physiologiques néfastes (sommeil, alimentation, troubles psychologiques...), une restriction des champs d’intérêt et un appauvrissement des relations à l’autre du fait de son caractère répétitif et uniforme. L’accueillant familial lui, dans l’exécution de ces mêmes opérations n’est pas confronté aux mêmes impératifs. Les tâches qu’il remplit sont diverses et adaptées à chaque personnalité accueillie. Elles représentent dans une journée un temps relativement important mais ne sont qu’une partie de l’activité de l’accueillant. On peut donc émettre l’hypothèse qu’il existe un certain équilibre entre ces tâches pouvant paraître ingrates et le partage de moments agréables et valorisants en compagnie de la personne accueillie. Cet équilibre peut préserver l’accueillant de ce phénomène d’usure propre à l’exercice de tâches répétitives et ainsi préserver une qualité à l’accompagnement proposé. La contrainte du temps quant à elle, est grandement atténuée dans la mesure où il n’y a pas de nécessité de rentabilité dans la réalisation de l’accueil. L’accueillant en outre grâce à une proximité, un partage des actes du quotidien, une qualité d’écoute est la personne la plus à même pour prendre en compte les attentes et les projets de la personne, donc, de les mettre en avant comme objectifs possibles du projet. On s’aperçoit donc que même si les apports que j’ai évoqués dans cette partie ne recouvrent pas l’ensemble des exigences liées à la réalisation d’un projet individuel selon la définition de J.C.Cébula ils n’en sont pas moins présents de manière indiscutable. En effet, l’accueillant est en mesure de produire, du fait d’une possibilité d’observation quotidienne et d’une attention soutenue portée à la personne, un ensemble de faits pertinents. Il n’est pas tenu par des contraintes de temps et dispose dans les activités du quotidien de tous les éléments qui permettent l’atteinte des objectifs du projet. Il reste la question de l’intention et de la volonté que je regrouperai sous le terme motivation qui reste un paramètre très individuel et renvoie aux motivations de chacun (voir typologie) Le cadre que représente la famille d’accueil, grâce aux conditions d’accueil et l’instauration d’une dynamique d’accompagnement, constitue un contenant capable de donner à la personne accueillie la possibilité d’exister sans trop de risques, de développer des mécanismes de lutte contre l’angoisse, de faire l’apprentissage d’une certaine sérénité. Il offre en outre pour la personne accueillie une possibilité de cicatrisation par rapport à une histoire personnelle souvent 47 douloureuse. Cette aide à la reconstruction ou cette opportunité de structuration permettra alors à la personne handicapée d’être reconnue comme sujet parlé, parlant et désirant. La base que représente ce premier travail de l’accueillant se traduit par plusieurs apports qui sont : la mise en sûreté l’affirmation de soi la possibilité de mettre en œuvre des expérimentations et des apprentissages multiples le principe du partage le respect de son corps une nouvelle appropriation de son parcours de vie grâce a l’élaboration et le suivi d’un projet individualisé. Ces apports doivent permettre dans un second temps de créer un espace de transition. Ce dernier est en mesure de faciliter, chez des personnes souvent en rupture de liens sociaux, un mouvement qui puisse les amener à une reconnaissance comme acteur d’une vie en société. 2.2.2. Un travail sur la socialisation Comme je l'ai écrit dans le chapitre consacré au quotidien, le second plan sur lequel le quotidien est en mesure d'agir tient à la possibilité qu'il offre à un individu ayant fait des expériences et des apprentissages dans un cadre sécurisé, de les reproduire de façon normée dans les activités sociales. L'accueillant familial s'appuie dans son activité sur cette force constructrice du quotidien qui prend la forme d'actes ordinaires et répétitifs partagés avec la personne accueillie. Les premiers apports repérables de cette activité sont donc comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent une mise en sûreté ainsi qu'un travail routinier sur les différents apprentissages. Cette première activité qui s'appuie sur l'accueil et l’accompagnement présente deux intérêts. Le premier comme le qualifie B.Bégout, lorsqu'il évoque les apports du quotidien, est de rendre possible pour chaque individu la "domestication de l'inquiétude originelle de l'être au monde" il s'agit bien d'un travail autour de l'existence du sujet. Le second est de rendre tout ce qui est dans notre entourage plus compréhensible, accessible donc familier. Cette confiance ainsi acquise au sein de la cellule familiale sert alors de point d'appui pour des expériences qui induisent des relations avec « l'extérieur ». M.de Certeau qui précisait qu'habiter à part, hors des lieux collectifs c'est disposer d'un lieu protégé dans lequel la pression du corps social est écartée ou le corps malade trouve refuge et est dispensé de ses obligations de représentation sur la scène sociale précise dans le même ouvrage « l'invention du quotidien Tome 2 » que « l'espace privé doit aussi s'ouvrir à des flux entrants et sortants et être le lieu de passage où se croisent objets, mots, idées car la vie est aussi mobilité, impatience du changement et relation à un pluriel d'autrui ». Il me semble que l'accueil familial présente cette autre possibilité pour la personne reçue, de l'aider à s'impliquer dans un processus de socialisation ou de resocialisation Ce processus engagé et travaillé au quotidien au niveau de la cellule familiale peut être étendu selon le principe des cercles concentriques. La famille représente pour la personne accueillie le premier cercle, le second cercle est constitué des personnes qui viennent de « l’extérieur » vers le domicile (amis ou membres de la famille de l'accueillant et de l'accueilli, voisins, facteur, personnel médico-social.). Le dernier cercle est formé par les habitants du quartier, de la ville, des personnes intervenant dans le secteur associatif ou celui de l'emploi. Les relations qui peuvent s'établir avec ces personnes du troisième cercle contrairement aux deux premiers 48 cercles, nécessitent un mouvement qui va lui, de l'intérieur de la cellule familiale vers l'extérieur. Ce mouvement n'est pas évident mais il représente l'opportunité qu'à un sujet souvent en grande difficulté, en marge, d'être reconnu comme citoyen et s'inscrire dans un environnement social qui devrait devenir « son « environnement social. Cette inscription dans l'environnement renvoie à l'idée de socialisation. On définit la socialisation de diverses façons. Elle est, de manière très générale, le processus qui transforme un être brut en être social. Cette transformation est rendue possible par l’assimilation de normes et des valeurs d’une collectivité Je préfère à cette définition classique la définition de G.Simel 31 « La socialisation est l'influence réciproque des uns sur les autres. Il ne saurait y avoir de socialisation figée une fois pour toute. La socialisation est toujours quelque chose de dynamique ». Pour aborder ce processus de socialisation dans le cadre de l'accueil familial je ne traiterai pas de la première étape qui est celle appelée, socialisation primaire. En effet, elle concerne l'éducation d'un enfant pour le préparer à vivre en société et le modeler aux valeurs partagées au sein de cette dernière, il s'agit d'une vision déterministe et normative qu'a développée Durkheim. Je vais plutôt m'intéresser à la socialisation secondaire qui peut être définie comme le processus d'acquisition de la culture qui permet à des individus de s'intégrer dans un groupe tout au long de leur vie et peut conduire à transformer la personnalité de l'individu. Cette forme de socialisation s'appuie sur la dynamique des interactions 32entre l'individu et des groupes sociaux différents. Cette approche qui s'élabore sur la position d'acteurs individuels (individualisme) et non de faits sociaux (holisme et déterminisme) me semble mieux convenir au contexte de l'accueil familial car : Elle peut être considérée comme une socialisation de la "maturité" qui s'adresse à des adultes. Elle prend appui sur le principe des interactions entre les individus et les groupes sociaux au travers des actes de la vie quotidienne (travail, loisirs, vie quotidienne familiale.). Elle a une visée de changement qui induit, il me semble, la nécessité de la part de l'accueillant d'un travail dynamique ayant un sens. Elle met en avant le principe incontournable de la participation de la personne accueillie dans des interactions avec l'ensemble des personnes ou groupes existant au sein des cercles évoqués précédemment. Les apports de l'accueillant familial pour ce travail de socialisation prennent forme sur l'aptitude de ce dernier à faciliter et provoquer ces interactions. Les premières interactions se jouent dans le premier cercle, le cercle familial. Elles ont pour fonction de développer les savoirs faire grâce au partage des différents actes de la vie quotidienne (cuisine, ménage, travaux extérieurs...) mais également les savoirs être. Ces savoirs être qui donnent le socle à toute démarche vers l'extérieur nécessitent l'apprentissage de valeurs comme la convenance, le respect de l'autre, la cordialité. Ils passent par des gestes tout simples mais sont socialement hautement symboliques surtout lorsque l’on vit en milieu rural, ce qui est le cas de la grande majorité des accueillants (voir typologie).La manière de se vêtir, de saluer les voisins, d’adopter les comportements les plus adaptés possibles mais aussi partager les loisirs du quartier ou du village concourent à favoriser une forme de reconnaissance sociale et l’agrégation de la personne au troisième cercle. 31 32 G.Simel, 1995, « Sociologie » Ed PUF M.Weber, 1995, « économie et société » tome 1 Ed Pocket 49 Ce parcours qui semble si simple et si évident pour la majorité d’entre nous représente par contre pour des personnes en situation de handicap un ensemble de difficultés qui peuvent paraître souvent insurmontables. Le handicap physique limite la motricité donc la possibilité et les occasions d’aller au devant des autres. Le handicap mental ou psychique limite lui, la possibilité d’échanges et crée souvent une situation de malaise chez les personnes « valides ». Par ailleurs, les personnes accueillies ont souvent vécues des situations relationnelles complexes dans lesquelles le danger pouvait être présent avec un état de dépendance accentué. Les conséquences de ce passé chaotique sont une mauvaise estime d’eux-mêmes et une méfiance importante envers autrui qui représente une menace potentielle. On retrouve ici, l’importance du rôle de « passeur » que doit jouer l’accueillant. Passeur dans un premier temps pour que la personne handicapée soit acceptée comme membre de la cellule familiale et que des interactions puissent se mettent en place au sein de cette famille. Il devient à nouveau passeur pour que cette personne puisse être acceptée et que de nouvelles interactions propices au changement puissent être activées avec les personnes qui composent l’environnement social de cette même famille. De manière pratique, c’est l’accueillant qui donne l’autorisation à la personne de vivre ces expériences. P Sans parle de la liberté de déambuler à l’intérieur du domicile, cette déambulation est la garantie d’une certaine liberté. Cette liberté contraste avec la représentation d’un accueil familial ayant vocation seulement à assurer le « gardiennage » de personnes différentes que l’on maintient ainsi dans la marge. Cette liberté de circuler doit trouver son prolongement naturel à l’extérieur du domicile. Certes, il présente un risque pour l’accueillant car sa responsabilité peut être engagée sous le motif d’un défaut de surveillance, néanmoins, elle constitue la condition nécessaire pour que la personne reçue se donne le droit d’aller au contact avec l’extérieur. Si l’accueillant ressent cette liberté comme dangereuse pour lui –même il refusera cette expérience où transmettra son inquiétude à la personne. L’accueil familial a par ailleurs de formidables atouts, si l’on écarte la question de la responsabilité, pour favoriser les interactions avec l’extérieur. En effet, si l’on considère l’ensemble des membres d’une famille élargie vivant sur les mêmes lieux géographiques ainsi que les échanges incessants que demande le quotidien d’une famille, on peut alors mesurer la somme des interactions possibles (voisins, amis, clubs ou associations de loisirs, commerces, administrations, médecins, manifestations et fêtes locales...). Il semble en outre évident que plus les membres de la famille de l’accueillant sont intégrés à la vie et aux activités du quartier, du village, plus ces occasions seront rendues possibles pour la personne accueillie. Dans la typologie que j’ai établie, ainsi que dans les motivations exprimées par les accueillants je relève par rapport à ce point précis un certain nombre d’obstacles à la mise en action de cette dynamique. Les accueillants sont relativement âgés, vivent en milieu rural parfois de manière très isolée, leurs enfants ne vivent plus au domicile, ils mettent souvent en avant comme motivation pour devenir accueillant leur solitude personnelle. Il est nécessaire que l’accueillant fasse participer la personne accueillie le plus souvent possible aux activités extérieures (achats, fêtes, promenades, emploi ou du moins d’une activité extérieure) et lui permette en outre de multiplier les rencontres qui déplacent la relation privilégiée qu’il avec l’accueilli susceptible de créer une nouvelle dépendance vers des relations multiples porteuses d’enrichissement culturel. C’est pour l’accueilli la possibilité d’être réellement reconnu par son entourage dans son altérité, lui donner les moyens d’envisager une vie active dans ce quartier ou ce village, mais également le préparer à un éventuel départ (retour à une vie dans un domicile privé, orientation vers un établissement d’hébergement ou de travail) qui sera ainsi vécu de manière moins traumatisante. 50 Je voulais dans cette troisième partie essayer de dessiner d’un point de vue théorique l’offre possible de l’accueil familial social. Cette offre a tout d’abord pour cadre le domicile d’une famille, le partage de la vie quotidienne et l’engagement d’un accueillant familial agréé garant de l’accueil et de l’accompagnement de la personne en situation de handicap. Le travail de cet accueillant s’appuie sur une vie faite d’une succession d’actes quotidiens répétitifs qui, contrairement à une vision courante, sont susceptibles d’enclencher une dynamique de changement et d’évolution sur une personne souvent en souffrance par rapport à un passé douloureux. La mise en place de cette dynamique nécessite de la part de l’accueillant qu’il s’attache tout d’abord aux conditions de l’accueil en favorisant l’émergence des apports suivants au bénéfice de la personne accueillie : la mise en sûreté l’affirmation de soi la possibilité de mettre en œuvre des expérimentations et des apprentissages multiples le principe du partage le respect de son corps une nouvelle appropriation de son parcours de vie grâce à l’élaboration et le suivi d’un projet individualisé L’accueillant peut également favoriser l’activation d’un processus de socialisation ou de resocialisation. en servant de passeur avec l’extérieur. Pour ce faire, il s’engage à partager avec l’accueilli les activités de la famille qui se déroulent en dehors du cadre familial et ainsi lui offre l’occasion d’être introduit dans un réseau relationnel dont il deviendra petit à petit et en fonction de ses possibilités l’un des acteurs reconnus. Rassurer quant à la place qu’il peut avoir au sein de la société il sera plus facilement en mesure d’une part de se projeter dans l’avenir, d’autre part de mieux vivre les difficultés liées à son handicap. Il pourra ainsi trouver la confiance, la volonté et surtout l’énergie pour essayer d’affirmer l’image d’une personne qui n’est plus vue sous le seul angle de la déficience mais plutôt sous celui de la capacité. La première partie de mon travail s’achève, je l’ai organisé en plusieurs parties avec comme but d’essayer de préciser la réalité sociale et professionnelle du dispositif de l’accueil familial social en direction des personnes en situation de handicap. J’ai tout d’abord essayé de donner une description la plus précise possible de ce dispositif au niveau national puis celui la Côte d’Or notamment de son cadre législatif et des obligations qu’il induit. Puis placer ce dispositif dans une logique de l’offre et de la demande en présentant les acteurs et leurs attentes. La demande est formalisée par les besoins des personnes accueillies, les textes règlementaires et les attentes des prescripteurs potentiels que sont les établissements médicosociaux. J’ai interrogé ces prescripteurs à l’aide d’un questionnaire qui m’a permis de préciser les attentes et représentations qu’ils avaient du rôle de l’accueil familial donc de l’activité des accueillants. 51 L’offre est, elle, représentée par les accueillants familiaux qui reçoivent à leurs domicile des personnes en situation de handicap. J’ai étudié ainsi l’ensemble des dossiers de demandes d’agrément des accueillants familiaux de Côte d’Or pour établir une typologie. Ce travail m’a permis de relever un grand nombre de variables sociologiques concernant les accueillants (situation sociale, lieux de vie, âge..) mais aussi leurs motivations de départ pour devenir accueillant, ces deux éléments devant me servir d’indicateurs pour la seconde partie de mon travail (représentativité d’un échantillon pour une enquête. évolution des motivations, analyse des données ..). Enfin essayer de donner une définition théorique, en m’appuyant sur le concept du « quotidien », de ce que pourrait être l’offre spécifique de l’accueil familial social en direction de personnes en situation de handicap. Cette réflexion théorique sur l’activité d’accueillant familial inspirée du concept du quotidien m’a permis de mettre en avant deux thèmes centraux dans le travail qui peut être effectué par l’accueil familial social : Un travail sur le sujet, articulé autour de deux points principaux, l’accueil et l’accompagnement, qui représente la capacité que pourrait avoir l’accueil familial à aider la personne à exister en tant qu’individu unique. Un travail de socialisation. La personne accueillie est reconnue comme sujet. Elle a fait des apprentissages et vécues un certain nombre d’expériences dans le cadre sécurisé de la famille de l’accueillant. Elle est alors en mesure de reproduire ces acquis dans un environnement plus large. Cette nouvelle compétence lui permet alors de trouver ou retrouver une place dans la société. Ce travail m’a donc permis de mettre en relief deux définitions de l’accueil familial social, l’une que l’on peut qualifier de théorique, idéalisée et la seconde qui répond à une attente règlementaire peu précise. Il m’a permis de mettre en lumière une de mes interrogations de départ à savoir le rapport que l’on peut faire entre le peu d’intérêt porté jusqu’à présent à ce dispositif de l’accueil familial social et la difficulté qu’à ce secteur à décrire de façon suffisamment précise son activité et surtout les bénéfices qu’il peut produire au bénéfice des usagers. Les motivations exprimées par les accueillants, les attentes un peu idéalisées exprimées par les prescripteurs, l’absence de parole des personnes accueillies et le contenu évasif des textes règlementaires m’incitent donc à poursuivre mon travail de recherche pour tenter de définir l’intérêt spécifique de l’accueil familial social pour les personnes en situation de handicap. Je me suis alors posé la question de savoir si ces approches permettaient de donner une image suffisante de la pratique des accueillants et de la réalité de l’accompagnement proposée aux personnes handicapées accueillies dans le cadre de ce dispositif. En outre je n’ai pas trouvé dans mes recherches bibliographiques d’ouvrages basés sur des témoignages d’accueillants familiaux qui évoquaient leurs pratiques au quotidien. Il m’a semblé alors indispensable dans la seconde partie de tenter de formuler une définition qui s’inspirerait de celle que peuvent en donner les accueillants familiaux eux-mêmes qui sont les acteurs principaux de la réalisation de l’accueil familial. Je pourrai ainsi la confronter avec les définitions qui se sont dessinées dans la première partie de mon travail et tenter de rendre explicite si possible l’offre de service que peut proposer l’accueil familial dans le cadre du dispositif médico-social mis en place en direction des personnes handicapées. 52 Pour effectuer ce travail je me suis donc fixé trois objectifs : Vérifier l’écart qui peut exister entre d’une part les deux approches que j’ai décrites dans le chapitre précédent et d’autre par une définition de l’accueil familial social qui pourrait émerger de l’expression des accueillants familiaux eux-mêmes. Cette nouvelle approche, qui se fonderait sur l’exposition des tâches qu’ils accomplissent au quotidien, peut donner corps à leur pratique et permettre de rechercher le sens qu’ils donnent à cette même pratique. Je me suis servi du dispositif de l’enquête qui permet l’expression des accueillants sur ces tâches qu’ils accomplissent au quotidien auprès de personnes reçues. Ce dispositif m’a permis de collecter des données que j’ai pu ensuite présenter et analyser. Ce travail d’analyse devrait pouvoir me permettre de donner une définition qui corresponde peut être plus à la réalité de l’activité de l’accueil familial que celle décrite dans les textes ou celle que j’ai élaborée dans mon approche basée sur le concept du quotidien. Cette définition permettrait d’envisager une offre «réaliste» de l’accueil familial social en direction de personnes en situation de handicap. Enfin, mettre en évidence les évolutions possibles pour l’avenir de l’accueil familial social dans le cadre des politiques publiques en direction des personnes en situation de handicap. Je m’appuie pour cela d’une part sur les propositions faites par les accueillants au cours des interviews et d’autre part, au regard de l’ensemble de mon travail, sur les propositions que je pourrai faire. J’ai utilisé pour le premier objectif, à savoir la collecte des données le dispositif de l’enquête dont je vais maintenant préciser le contenu des principales composantes. 53 3. LA DEMARCHE D’INVESTIGATION 3.1 Le dispositif méthodologique de l’enquête 3.1.1 Le choix de la méthode de collecte J’ai privilégié pour cette enquête l’utilisation d’un procédé de collecte de type qualitatif car je souhaitais que les accueillants puissent me donner une description personnelle des différentes actions et des tâches qu’ils réalisaient au quotidien auprès des personnes qu’ils accueillaient. Après réflexion j’ai fais le choix de l’entretien de type semi-directif dans la mesure où il permet de centrer le discours des personnes interrogées sur les différents thèmes que j’avais définis au préalable et consignés dans un guide d’entretien. Je ne voulais pas, connaissant le milieu des accueillants familiaux, utiliser l’entretien non directif qui se déroule très librement à partir d’une question centrale. Ma crainte était que les entretiens soient phagocytés en permanence par les plaintes concernant des questions touchant à leur statut ou par un discours convenu et formaté sur l’activité d’accueillant familial. Le travail que j’avais effectué en amont l’an passé m’a permis de structurer ces interviews autour de thèmes précis que sont l’accueil, la dynamique de l’accompagnement, le travail sur la socialisation. Je souhaitais que les accueillants familiaux puissent s’exprimer sur ces thèmes mais de façon indirecte c'est-à-dire sans savoir que c’étaient ceux qui m’intéressaient en priorité. Mon souci tout au long des interviews était qu’ils parlent avant tout du contenu des tâches quotidiennes (repas, hygiène, loisirs, sorties, échanges..) qui constituent le fondement de l’activité de l’accueillant familial. J’ai décliné ces thèmes principaux et leurs sous items dans une grille d’entretien (annexe) qui m’a servi de fil conducteur pour les interviews. Cette manière de procéder, tout en laissant à l’accueillant une expression libre, me permettait de passer en revue chacun des trois thèmes centraux que j’ai évoqués précédemment à savoir l’accueil, l’accompagnement et la socialisation. Un autre point important était le fait que je suis directeur d’un service qui assure le suivi médico-social de personnes handicapées vivant au domicile d’accueillants familiaux sur le nord du département de la Côte d’Or. Cette position induisait deux conditions préalables : Choisir cette méthode de collecte qualitative me permettait d’être attentif à rester dans une position de chercheur. Avec le recul il s’est avéré effectivement que c’était le bon choix. En effet, les interviews m’ont permis de me rendre compte que j’avais beaucoup d’a priori et de présupposés sur cette activité du fait de mon positionnement professionnel. Interviewer des accueillants qui travaillaient sur le sud du département de la Côte d’Or. Être vigilant à adopter l’attitude d’un étudiant et pas celle d’un professionnel afin qu’ils ne vivent pas mon intervention comme un contrôle et qu’ils utilisent alors un discours conventionnel et impersonnel. L’objectif était de pouvoir établir un rapport suffisamment égalitaire entre l’enquêteur et l’enquêté. Cette vigilance était d’autant plus nécessaire que je me suis rendu compte dès les deux premiers entretiens qu’il existe une crainte, partagée par de nombreux accueillants, que le travail qu’ils fournissent ne corresponde pas aux critères attendus par les décideurs. J’ai procédé par interviews au domicile des accueillants ce qui permettait de me plonger dans leur réalité de vie et donc de celle des personnes accueillies. J’ai enregistré l’ensemble de leurs propos avec leur accord préalable. Les entretiens ont duré en moyenne une heure. Cette 54 durée n’inclut pas le temps de prise de contact qui permet de commencer l’interview dans de bonnes conditions. La méthode de collecte ayant été choisie il me restait à établir l’échantillon des personnes que j’allais interrogées. 3.1.2 La constitution de l’échantillon Lorsque l’an passé, j’avais établi une typologie des accueillants en Côte d’Or, j’avais dénombré 93 accueillants sur l’ensemble du département. Pour la composition de mon échantillon j’ai déjà du exclure environ 30 accueillants dont le domicile est au nord du département pour la raison que j’ai évoquée précédemment. J’ai pensé qu’un échantillon de 15 accueillants susceptibles d’être interviewés pourrait être représentatif de l’ensemble. Ne pouvant et ne souhaitant pas agir sans autorisation des services du Conseil Général j’ai fais une demande écrite pour pouvoir interviewer 15 accueillants. Ma demande ayant été acceptée j’ai rencontré les deux travailleuses sociales qui assurent le suivi auprès des accueillants du sud du département. Elles m’ont remis une liste de 30 accueillants familiaux qui ont un agrément pour l’accueil de personnes en situation de handicap. Les autres accueillants potentiels avaient été retirés car, soit ils poursuivaient l’accueil d’enfants devenus adultes soit ils n’avaient actuellement aucun accueil en cours. Elles m’ont conseillé de rencontrer certaines familles qui parlent volontiers de leur activité. J’ai choisi l’échantillon au regard de ces critères. J’ai pris un contact téléphonique avec chaque accueillant pour fixer un rendez-vous. Je n’ai essuyé qu’un refus, dû à un déménagement qui rendait difficile une rencontre. Dans le chapitre précédent, j’évoquais une crainte par rapport aux motifs de ma visite mais je me suis rendu compte que le besoin et la possibilité de parler de leur activité qu’offrait ma visite prévalaient sur cette crainte. J’ai organisé les thèmes centraux de l’accueil, l’accompagnement et la socialisation avec leurs sous items dans une grille d’entretien qui m’a servi de support pour favoriser l’expression des 14 accueillants familiaux de Côte d’Or sur la façon dont ils conçoivent leur activité d’accueillants. A l’intérieur des thèmes principaux de l’accueil, l’accompagnement et la socialisation sont apparus des points particuliers que je n’avais pas appréhendés lors de l’élaboration de ma grille d’entretien (les relations avec les familles naturelles, les curateurs des personnes accueillie, la place de la personne accueillie au sein de la famille). Ils ont émergé dès les premiers entretiens dans les propos des personnes interrogées et sont donc des éléments que je devais prendre en compte. La présentation de l’organisation de mon travail et du dispositif méthodologique ayant été faites je vais maintenant présentés les données recensées au cours de ces entretiens. Les données concernant les motivations et les variables sociologiques des accueillants sont des données relativement «brutes» dont le traitement ne nécessite pas une organisation particulière. Je le présente donc sous la forme de tableaux, tableaux qui permettent en outre une mise en parallèle avec les données recueillies l’an passées sur ces mêmes thèmes. Par contre j’ai organisé différemment la présentation et le traitement des données recueillies sur les trois autres thèmes que sont l’accueil, l’accompagnement et la socialisation. 55 Pour chacun de ces thèmes, en effet, je procède de façon chronologique de la manière suivante: Je transcris les données collectées par sous items en dénombrant les réponses qui m’ont été faites. Je procède ensuite à une première synthèse concernant les données recueillies par sous items si cela s’avère nécessaire. A la fin de chaque chapitre qui traite des trois grands items que sont l’accueil, l’accompagnement, la socialisation j’essaie de synthétiser ces données recueillies pour tenter de définir de façon cohérente les principales caractéristiques qui reviennent dans les propos des accueillants sur chacun des trois sujets. Ce travail préalable me permettant ensuite de procéder plus facilement à l’analyse des données collectées. 3.2. Présentation des résultats de l’enquête sur l’activité d’accueillant familial 3.2.1 Les caractéristiques de l’échantillon Avant de procéder à une analyse des propos des personnes interrogés il m’a paru nécessaire de traiter les variables concernant la situation des 14 accueillants familiaux que j’ai interviewés et de les mettre en parallèle avec celles que j’ai obtenues en compulsant l’ensemble des dossiers des accueillants familiaux de Côte d’Or. Le but est de vérifier si mon échantillon est représentatif de l’ensemble du groupe des accueillants. Côte d'Or ru ra ux ur ba in s en fa nt sa ns en fa nt av ec se ul s es co up l es ho m m fe m m es 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 échantillon Les seules différences représentatives qui apparaissent dans les résultats des variables entre eux sont les suivantes: La moyenne d’âge de l’échantillon est de 48 ans alors que celle de l’ensemble des accueillants était de 52 ans La situation maritale a évolué et il existe presque une parité entre des accueillants qui vivent en couple et ceux qui vivent seuls 56 Au regard des deux éléments que je viens de citer je ne peux pas considérer que mon échantillon soit parfaitement représentatif de l’ensemble des accueillants de Côte d’Or. Je serai donc attentif à vérifier si cette différence a un impact sur les résultats de mon travail. 3.2.2 Les motivations des accueillants Il faut noter que la moyenne du temps d’exercice de l’activité pour les accueillants que j’ai interrogés est 7,5 années entre l’année de l’obtention de leur agrément et aujourd’hui. Les agréments les plus anciens datent de 1990 et les plus récents de 2006. Dans le tableau suivant on observe lors de la demande d’agrément 3 expressions altruistes en direction des personnes accueillies et 11 expressions qui étaient la traduction de besoins personnels des accueillants familiaux. Dans les réponses faites lors de mon enquête j’ai relevé 8 expressions altruistes en direction des personnes accueillies et 6 expressions qui correspondent uniquement à des besoins personnels d’accueillants familiaux. Motivations exprimées lors de l’obtention de l’agrément Avoir une personne à la maison pour s’occuper Désintérêt pour le travail précédent Recherche emploi, consacré du temps à des PH Recherche emploi Recherche emploi Travail précédent pas satisfaisant Recherche emploi, complément de revenus Recherche emploi Solitude, complément de revenus Apporter une famille à quelqu’un Remplacement d’une amie décédée Recherche de revenus Donner un sens à sa vie quotidienne Rendre service Travailler à son domicile Rester chez soi en ayant des revenus Faire la même activité que le conjoint Motivations exprimées lors des interviews Passer plus de temps avec PH (travail auparavant en institution) Plus affection pour les PH que les PA Besoin d’aller au contact avec les gens en profondeur Aider les gens sur une longue durée Aider les gens, c’est intéressant Habitude de solidarité par rapport pays d’origine Aider les gens à sortir de leurs handicaps Pas pour l’argent, c’est l’affection, l’amitié Rester chez soi Préfère le travail avec les PH / PA Poursuite travail commencé avec enfant devenu adulte Empathie avec PH Difficultés travail précédent (manque considération pour PH dans établissement) Faire quelque chose qui plaît Nécessité de rester active Ne pas rester seule Perte emploi Aide à des résidents PH sur des week end puis accueil définitif Travail à la maison Possibilité de travailler à la maison plutôt qu’en institution, auprès de PA et PH Procurer une famille à ceux qui n’en ont pas Ne pas rester seule Pouvoir rester à son domicile pour enfants Activité rester chez soi et avoir revenus Chômage, Travail avec un aspect médical Même activité que conjoint Préférence travail avec PH/PA 57 On note une modification importante dans le contenu des motivations exprimées lors de l’enquête d’agrément et celles exprimées dans ces interviews de 2008. Sur l’étude des dossiers d’agrément 78% des motivations exprimées concernaient uniquement les préoccupations personnelles des accueillants familiaux (emploi, revenus, solitude..) dans lesquelles les personnes accueillies n’entraient pas en ligne de compte. Aujourd’hui elles ne représentent plus que 43%. Ce rééquilibrage pourrait s’expliquer de deux manières: le fait que ces accueillants qui ont désormais de l’expérience dans cette activité trouvent à leur activité un sens et un intérêt qu’ils ne pouvaient pas imaginer lors de leur demande d’agrément. dans la grande majorité des interviews les accueillants ont exprimé, de manière directe ou indirecte, la valorisation liée à une activité qui a pour support la relation d’aide. «Quand même la personne elle attend quelque chose de vous» «Je ne pensais jamais faire ce métier, je suis maintenant bien prise et mon fils s’est mis dans des études d’infirmier et il me dit que c’est grâce à moi» «Je suis contente de ce que j’arrive à faire avec elle c’est un moment de bonheur pour elle» Cette valorisation s’exprime par ailleurs dans une préférence certaine pour l’accueil de personnes handicapées qui présente, contrairement à l’accueil de personnes âgées, un certain dynamisme et donne la possibilité de travailler dans l’espoir d’une évolution de la situation de la personne reçue. sortir les gens du handicap faire des activités avec eux affection pour les personnes handicapées empathie avec les personnes handicapées car connaissance de cette population plus facile de travailler avec des personnes handicapées. L’ensemble de ces motivations a avant tout une consonance affective. Seules deux d’entre elles ont une résonance que l’on pourrait qualifier de professionnelle: «Sortir les gens de leur handicap» «Faire des activités avec eux» Après avoir présenté les caractéristiques de l’échantillon ainsi que les motivations je vais retranscrire maintenant l’expression des accueillants qui touchent aux thèmes de l’accueil, de l’accompagnement et celui de la socialisation dans leurs activités quotidiennes auprès des personnes qu’ils reçoivent. 58 3.2.3 L’accueil 3.2.3.1. Éléments de confort et respect de l’intimité La personne accueillie est, selon les termes de l’agrément, en droit d’attendre de l’accueillant la mise en place d’éléments de confort censés répondre à la satisfaction de ses besoins biologiques élémentaires (se nourrir, dormir...). L’accueillant doit également garantir l’intimité de la personne qui doit disposer d’un espace privé. Toutes les personnes accueillies bénéficient d’une chambre individuelle qui n’est pas isolée de l’habitation de l’accueillant. 13 personnes accueillies sur 14 prennent de façon systématique leur repas avec les membres de la famille. Une accueillante ne prend pas son repas avec les personnes accueillies en invoquant le besoin de souffler Une autre accueillante a précisé que voyant qu’une personne avait un problème avec l’alimentation elle avait instauré des repas pris en commun pour pouvoir être plus vigilante. Il n’y a eu aucune expression concernant la préservation de l’intimité mais aucune expression qui laissait à penser qu’elle n’existait pas. 3.2.3.2. L’écoute Dans ma grille d’analyse j’ai organisé ce thème en plusieurs sous items qui sont les temps de discussion, la prise en compte de la problématique de la personne accueillie, l’inclusion de la personne accueillie dans la famille et la place de la personne dans cette famille. L’objectif recherché est que la personne puisse prendre sa place, malgré ses difficultés, au sein d’une organisation familiale qui a des habitudes de vie établies. Cette intégration est la base nécessaire pour que la personne accueillie puisse effectuer un travail sur la confiance et l’estime de soi. Tous les accueillants ont, au cours de ces interviews évoqués au moins l’un de ces points. Prendre du temps pour discuter Ce sujet est évoqué par 6 accueillants familiaux. Pour 2 accueillants seulement cette démarche est consciente, elle est considérée comme un outil qu'il faut privilégier dans l'activité d'accueillant au bénéfice des personnes accueillies. «La relation est importante car il faut pouvoir aller discuter avec eux, avoir l’envie de contact, connaître la personne et pouvoir l’aider» «Chacun individuellement est un problème, je dois prendre le temps d’écouter, je prends beaucoup de temps pour discuter avec les personnes qui ont vécu la souffrance» Pour plusieurs accueillants les personnes en situation de handicap principalement déficientes intellectuelles sont assimilées à des enfants ce qui visiblement les empêchent d’établir un dialogue entre adultes. «J’écoute énormément je sais que ces gens là manquent d’affection et qu’ils sont souvent abandonnés par leurs familles» «Contrairement à des institutions ils peuvent être pris en compte individuellement» 59 La prise en compte de la problématique de l'accueilli Les personnes qui sont reçues sont des personnes handicapées qui, comme le font remarquer plusieurs accueillants, ont été d’une manière ou d’une autre, victimes de maltraitance (violence, négligence, abandon..). 11 accueillants sur 14 mentionnent au cours de l’entretien la connaissance du handicap des personnes qu’elles reçoivent. Ils évoquent la maltraitance, l’épilepsie, mais aussi des pathologies liées au handicap psychique. 3 accueillants s’expriment de manière plus précise sur la prise en compte spécifique de telle ou telle pathologie en déclinant les adaptations qui ont été nécessaires dans la vie quotidienne. «Nous avons avec mon mari organisé le rythme de vie de la personne pour qu’elle ne fasse pas de crise» «Avec la personne sourde nous arrivons aujourd’hui à communiquer avec des gestes» «Il a besoin qu’on le pousse sans arrêt sinon la maladie va reprendre le dessus et il va se renfermer sur lui-même» «J’avais une personne malentendante, on communique par gestes, j’ai demandé à faire une formation» J’ai pu noter un souci chez l’ensemble des personnes interviewées de connaître la problématique particulière de chaque personne accueillie mais cette connaissance se traduit rarement par une modification des habitudes de vie et des manières d’être des membres de la famille. La totalité des accueillants m’ont fait part du fait qu’ils recevaient très peu d’informations sur la pathologie des personnes au départ du placement. Cette absence d’informations peut se comprendre dans la mesure où elle évite la stigmatisation de la personne accueillie. Néanmoins une meilleure connaissance des conséquences éventuelles de ces pathologies dans la vie quotidienne permettrait, peut être, aux accueillants de mieux adapter leurs comportements et habitudes de vie aux difficultés particulières de chaque personne accueillie. Les 3 accueillants qui sont, eux, dans cette démarche évoquent plutôt au départ de l’accueil un cheminement personnel de découverte d’une problématique plutôt qu’un travail de partenariat qui aurait pu leur apporter les éléments recherchés. L’inclusion dans la famille Le rôle de l’accueillant agréé est déterminant dans la mesure où c’est lui qui sert de médiateur avec les autres membres de sa famille pour que ces derniers acceptent la présence de la personne accueillie, la considère comme un élément du «nous». Une très grande majorité des accueillants familiaux parle des relations qui se sont peu à peu installées de façon naturelle ou à leur initiative avec les membres de la famille. Ce groupe familial qui parfois dépasse, la simple cellule familiale et s’étend aux membres de la famille élargie. «Il participe à tout, aux joies aux peines de la famille, on le fait participer à l’ensemble de la vie de la famille» «Ils viennent autant dans la famille de mon mari que dans la mienne» «Quand ma famille vient il n’y a pas d’un côté les pensionnaires et de l’autre les membres de la famille c’est une intégration totale, à condition de bien se tenir à table» «Mon fils maintenant comprend qu’il y a des gens qui peuvent être différents» 60 Un des éléments important apparu dans les entretiens est la nécessité pour des accueillants vivants en couple que le ou la conjointe adhère sans restriction au projet d’accueil. En effet on sent qu’il s’agit, au-delà de l’aspect rémunérateur pour l’un des conjoints, d’un projet de vie sur du long terme qui implique l’ensemble de la famille. Deux couples ont investi dans l’achat d’une maison pour pratiquer l’activité d’accueillant familial dans les meilleures conditions possibles. «C’est ma femme qui m’a incité à faire ce travail» «Le mercredi c’est un jour pour eux ils vont chez ma fille» «Il faut qu’il y ait une harmonie, c’est quelque chose de complexe d’accueillir quelqu'un 24/24 au niveau de l’intimité donc il faut une harmonie au niveau du couple et ça ne marcherait pas si je n’acceptais pas l’accueil.» «Nous vivons à 5 dans la maison, il y a 5 caractères et 5 façons de voir les choses» En outre le fait d’être en couple ou pas a une incidence sur le nombre de personnes qui peuvent être reçues du fait de la lourdeur de certaines prises en charge. «Il y avait un problème alors j’ai demandé à mon mari de s’occuper avec lui des douches» «Le matin ils partent travailler avec mon mari» «Pour l’organisation mon mari c’est souvent le matin et moi l’après midi ou l’inverse, on s’aide» Le dernier point relevé concerne de façon plus spécifique la place des enfants par rapport à l’activité. Une des constantes que j’avais relevée dans mon travail précédent était que souvent, les personnes qui demandaient un agrément pour devenir accueillant familial n’avaient pas ou plus d’enfant à charge. J’ai senti que cette question est très sensible chez les 3 accueillants familiaux qui ont des enfants à domicile. Ils ont beaucoup insisté sur le principe selon lequel la présence d’enfants est le critère principal qui détermine le «choix» des personnes accueillies. La notion de sécurité par rapport à certaines pathologies est mise en avant. «En ce moment je prend de la distance car je la sens parfois jalouse de la relation que j’ai avec ma fille» «Il faut conserver un équilibre j’ai des enfants et avant de faire ce métier j’ai beaucoup parlé avec mes enfants pour voir si il y avait un handicap qui pouvait les gêner» «Ça peut paraître lourd pour des enfants car il y a des journées où c’est parfois difficile» «On a vu finalement que ça marchait bien, que notre enfant s’entendait bien avec la personne» «La personne d’avant on a du arrêter car nos enfants étaient mal à l’aise et l’on a fini par la mettre à l’écart» «Prendre le temps d’étudier le profil de la personne, c’est surtout pour les enfants» «Je préférais accueillir une femme car comme cela avec ma fille on est entre femmes et c’est plus confortable» Le statut de la personne au sein de la famille Je n’avais pas imaginé cet item lors de la construction de ma grille d’entretien, mais dès la première interview j’ai décidé de l’inclure. Il m’a semblé en effet, important de pouvoir préciser les représentations qu’ont les accueillants des personnes handicapées qu’ils reçoivent. Cela peut avoir une incidence sur la manière de concevoir son activité d’accueillant familial. 61 Pour 3 accueillants les personnes accueillies sont assimilées dans l’organisation familiale directement ou indirectement à des enfants. «Il parlait comme un bébé je le reprends il faut parler correctement» «Il est facile à vivre ils ont les mêmes centres d’intérêt que mon fils de 6 ans» «On a 3 enfants qui demandent du travail et ces personnes là aussi» «Il joue au foot avec mon petit neveu» «Il est boosté par les enfants car il aime faire la même chose que les enfants» Pour 4 accueillants au cours de la conversation les propos oscillaient entre la représentation d’un enfant et celle d’un adulte. Les éléments relevés dans les interviews des 7 autres accueillants incitent à croire que les personnes accueillies sont bien considérées comme des adultes. J’ai noté néanmoins que le fait que les personnes assimilées à des enfants présentent un profil de déficience intellectuelle alors que celles qui semblent être prises en compte dans un registre d’adultes sont plutôt des personnes qui ont majoritairement des troubles psychiques. Les personnes déficientes intellectuelles posent visiblement moins de problèmes de comportement. Elles sont au regard de cette stabilité plus facilement assimilés à des enfants car moins perturbateurs pour l’équilibre familial. Ils semblent en contrepartie être moins mobilisateurs au quotidien que des personnes qui présentent des troubles de comportement. En ce qui concerne ces dernières on ne peut pas leur associer des comportements d’enfants, en effet ils sollicitent beaucoup l’attention des accueillants et il semble qu’ils puissent perturber l’équilibre familial si l’accueillant n’est pas suffisamment vigilant. Au-delà de cette classification rapide autour de la question du statut attribué d’enfant ou d’adulte, j’ai relevé dans les propos de 6 accueillants que les personnes, malgré le fait qu’elles soient assez âgées, sont considérées comme les fils ou filles des familles. 4 accueillantes mettent clairement en exergue leur rôle de mère ; mère protectrice qui viendrait pallier l’absence d’une mère naturelle. «Une mère de substitution et des fois il y a besoin de reconstruire cette image pour les plus jeunes» «Je ne remplace pas leur famille même si ici j’ai le rôle de maman» L’ensemble des accueillants qui se disent proches des personnes accueillies évoquent néanmoins le risque de leur manque de distance affective qui pourrait être préjudiciable, selon eux, si la personne accueillie devait quitter le domicile (changement de famille d’accueil, modification de la composition de la famille, orientation vers un établissement..). Il s’agit bien d’un paradoxe difficile à négocier entre la nécessité d’investir une relation en préservant une distance et vivre au quotidien sous le même toit en partageant tous les moments d’une vie quotidienne. «On fait cette activité d’accueillant familial comme si c’était notre fils c’est pareil et ça ne l’est pas» 62 3.2.3.3. Le partage La notion de partage m’est parue nécessaire à développer car elle représente de manière assez précise le niveau d’inclusion de la personne accueillie au domicile de l’accueillant. Elle apparaît dans les différentes activités qui émaillent une journée, activités faites avec les membres de la famille d’accueil. Ces activités sont variées et je me suis aperçu qu’elles avaient avant tout une fonction de structuration de la journée. Cette nécessité de structuration de la journée est mise en avant par l’ensemble des personnes interviewées. «La première chose c’est la vie quotidienne, la vaisselle, jeter les poubelles, dîner ensemble, faire les courses, essayer d’occuper la vie quotidienne» «Il faut trouver des choses à faire, la journée est longue, on fait les courses, on prépare à manger, on sort le chien, ainsi il n’y a pas de temps mort» Il s’agit principalement pour 11 personnes d’activités liées au partage de tâches ménagères placées dans un souci de répartition nécessaires des tâches qu’implique une vie de famille. Les tâches décrites sont principalement celles qui concernent les repas (préparation des mets, mise de table, vaisselle) et l’entretien des chambres des personnes accueillies. Les autres tâches ménagères que l’on associe traditionnellement à la vie quotidienne d’une famille c’est à dire l’entretien du logement, l’entretien du linge, les courses, le jardinage ne sont pas évoquées ou alors elles sont présentées comme des occasions de sorties du domicile (couper du bois avec les conjoints, faire des achats). La position des accueillants par rapport à l’intérêt de partager ces tâches est variable. Pour 2 accueillants un programme journalier est mis en place. A l’inverse pour 3 personnes aucune exigence n’est posée et elles s’appuient sur le volontariat des personnes accueillies. Les sorties sont évoquées mais à l’exception de promenades autour du lieu de vie ou d’une personne qui se rend seule en ville, elles sont toujours organisées avec l’accueillant ou un membre de sa famille. Il s’agit de sorties au cinéma, au restaurant, de promenades, de repas dans la famille ou chez des amis. La question de la responsabilité de l’accueillant a été très souvent mise en avant comme un frein important à la possibilité de laisser un peu plus de liberté de circulation aux personnes accueillies. Il existe également une crainte de ce que pourrait dire l’environnement proche si une personne accueillie n’avait pas à l’extérieur un comportement adapté. J’aborderai de façon plus précise cette problématique dans la partie qui traitera de la socialisation. L’organisation d’activités de loisirs est très peu présente. Seuls 2 accueillants ont mis en place des activités structurées qui ne sont pas liées aux nécessités de la vie quotidienne. Il s’agit de deux activités manuelles l’une faite au domicile de l’accueillant, l’autre faite avec l’accueillant au sein d’un club de loisirs municipal. Ces deux projets que l’on peut qualifier d’artistiques sont par ailleurs assez ambitieux dans leurs objectifs. «Il a un problème mental donc je lui fais faire des activités pour qu’il puise développer des compétences artistiques, innover. C’est de l’art naïf parce que les gens qui ont un handicap mental ont un côté artistique plus développé» «Nous allons chaque lundi à l’atelier mosaïque il est ainsi connu de tous les participants, il n’y a plus de différence et il a beaucoup progressé dans la technique» 63 J’ai senti chez la grande majorité des accueillants la volonté d’intégrer les personnes au sein de la famille dans une dynamique de partage des tâches ménagères et d’activités diverses. Les discussions, comme je l’ai dit précédemment, ne sont pas mises en avant dans cette dynamique. Le partage de cette quotidienneté, parfois lourde, qui alterne entre moments de loisirs et répétition de tâches quotidiennes rébarbatives et répétitives crée visiblement du lien, de la solidarité et permet à la personne accueillie de se sentir reconnue comme membre actif dans la famille. Il me semble que ce partage donne à l’accueil familial une dimension du «vivre avec» qui va bien au-delà de celle de fournir simplement une prestation hôtelière. 3.2.3.4 Les apprentissages Une des premières missions de l’accueil familial est de proposer un lieu dans lequel la personne accueillie se sente en sûreté et peut, dans un climat sécurisant, faire un certain nombre d’expérimentations. Ces expérimentations se font comme je l’ai dit précédemment dans le cadre du partage entre l’accueillant et l’accueilli des tâches et des activités quotidiennes. Au delà de l’intérêt qu’elles présentent en termes relationnels et structurants elles peuvent être envisagées également sous l’angle des apprentissages possibles. Par apprentissage, j’entends un processus d’acquisition de connaissance ou de compétences. Cet aspect de l’activité de l’accueillant familial a été peu évoqué par les accueillants que j’ai interviewés. 2 accueillants ont mis en exergue ce principe d’apprentissages en le plaçant dans une perspective d’évolution de projets de vie des personnes accueillies qui sont jeunes. Ce sont des démarches conscientes avec la mise en place par ces accueillants d’une méthodologie issue de leurs expériences de plus de 10 ans. Ces apprentissages concernent les savoir-faire et les savoirs-être des personnes accueillies avec le souci de pouvoir transposer ces apprentissages réalisés dans le cadre d’une relation duelle à celui d’une vie en société. On peut, il me semble, parler d’un travail autour d’une recherche d’autonomie pour la personne. «Je veux leur apprendre des choses dont ils pourront se resservir après et quand ils s’en vont, ils peuvent être pratiquement autonomes» «Il faut de la patience, revenir chaque fois sur ce qu’il ne sait pas faire et ainsi on arrive à faire des petits bouts» «C’est combler des lacunes pour des adultes qui n’ont jamais vécu seuls, c’est leur apprendre à prendre soin d’elles, de se tenir bien partout où l’on va» «Les apprentissages c’est l’une des missions des accueillants familiaux car ça peut leur servir de tremplin le jour ou elles peuvent vivre seules» 2 autres accueillants évoquent dans leurs propos un travail autour de l’apprentissage mais ne savent pas décrire précisément comment ils font ce travail. 3 accueillants s’attachent beaucoup au savoir être des personnes qu’elles accueillent avec comme objectif que les personnes accueillies soient bien acceptées par l’environnement proche de la famille et qu’elles ne parlent pas de la vie de la famille à l’extérieur du domicile. 4 accueillants, lorsque j’ai évoqué cette question des apprentissages parlent de stimulation ou de préservation des acquis. Il s’agit dans ce cas principalement d’une aide de proximité et quotidienne sur l’hygiène corporelle et vestimentaire qui s’apparente plus au domaine des soins qu’à celui des apprentissages. La mise en place d’un travail sur les apprentissages dépend visiblement : 64 des projections que font les accueillants familiaux sur le devenir des personnes qu’elles accueillent de la conception qu’elles ont de la fonction d’accueillant familial. Je reprendrai cette réflexion dans le cadre du chapitre consacré à l’accompagnement qui traitera de la notion de projet. 3.2.3.5. Le soin J’ai essayé de repérer dans l’expression des personnes que j’ai interviewées le soin dans ses deux dimensions: Le soin ou plutôt les soins qui correspondent à la prise en compte par l’accueillant de la santé de personnes parfois lourdement handicapées. La seconde dimension concerne l’attention et la vigilance qui sont portées à la personne accueillie. C’est le thème qui a suscité le plus de commentaires. Chaque accueillant s’est exprimé assez longuement sur la première dimension du soin n’abordant que rarement la seconde dimension. Ils ont évoqué plusieurs volets dans cette première dimension: La prise en compte de l’hygiène qui va de l’aide au rasage jusqu’à une aide complète de la toilette de l’habillage. La prise des traitements médicaux, lorsque ils sont nécessaires, est assurée sans exception par les accueillants. Une prise de traitement correcte garantit, en ce qui concerne les personnes en situation de handicap psychique mais aussi les personnes souffrant d’épilepsie, un accueil plus serein. Une des limites clairement identifiée de l’accueil familial social est le handicap psychique important qui ne peut être stabilisé et qui peut entraîner des problèmes de comportements qui nécessitent une vigilance permanente (violence, mœurs..). Les contacts avec le médecin traitant qui est, pour l’ensemble des accueillants, l’intermédiaire privilégié du fait de sa proximité. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’il s’agit toujours du médecin traitant de la famille. Le médecin est par ailleurs reconnu comme la personne ressource pour des demandes d’explications concernant les pathologies des accueillis et les conséquences de ces dernières dans la vie quotidienne. 3 accueillantes parlent de ce rapport étroit avec le médecin qui leur a permis d’adapter leurs interventions et ainsi rendre la vie quotidienne acceptable pour les personnes accueillies mais aussi pour chaque membre de la famille. «L’épilepsie me fait maintenant moins peur, j’ai vu avec le médecin et j’ai petit à petit appris des choses et trouver des trucs (vie régulière, oreillers au pied du lit.) Et maintenant tout va bien» «Vous devez avec votre médecin mettre en place, innover, c’est important de savoir comment on peut aider, nous devons souvent nous débrouiller seuls c’est pourquoi j’appelle très souvent le médecin» Les contacts et les rendez-vous avec des spécialistes, dentiste, kinésithérapeute, psychiatre, neurologue. Mais également les accompagnements lors des hospitalisations qui vont parfois, comme l’exprime une accueillante, jusqu'à la nécessité de rester la nuit à l’hôpital avec la personne qui est très angoissée. 65 Enfin une suite de soins divers qui m’ont été cités, des piqûres qui ont nécessité la mise en place d’une petite formation pour l’accueillant concerné, faire des pansements conséquents, des massages, des veilles de nuit. Pour conclure veiller à la santé des personnes qu’ils reçoivent demande aux accueillants des compétences multiples qu’ils acquièrent visiblement avec l’expérience. Ils doivent assurer une coordination entre les acteurs médicaux, pallier parfois les insuffisances des relais (infirmières) et être vigilants à la prise de traitements. Être également capables d’observer les évolutions et changements chez la personne et alerter si nécessaire le médecin. Soutenir moralement les personnes qui traversent des épreuves difficiles. J’ai demandé à chaque accueillant dans la dernière partie de l’entretien de me faire part de ses souhaits en matière de formation. Pour 10 accueillants il s’agissait de formations ayant une forte connotation médicale au niveau de la pratique mais aussi d’une meilleure connaissance des pathologies qu’elles peuvent retrouver chez les personnes qu’elles accompagnent. Je reviendrai sur ces réponses dans la dernière partie de mon travail qui traitera de la façon dont les accueillants familiaux imaginent l’avenir de cette activité. La seconde dimension du soin qui m’avait semblé intéressante de cerner est l’attention et la vigilance qui sont apportées à la personne qui vit au domicile de l’accueillant. Il y a eu beaucoup moins d’expressions directes concernant ce point, peut être parce qu’on le retrouve dans l’ensemble des notions que j’ai abordées précédemment. Le premier point qui revient par contre de façon fréquente est celui de la nécessité d’instaurer des règles de vie précises qui ont plusieurs vocations, parfois contradictoires, selon la manière dont elles sont mises en œuvre: Elles permettent de garantir à chacun des membres de la famille et des personnes accueillies de vivre en harmonie. Elles permettent de stimuler les personnes les plus en difficultés qui selon les termes d’une accueillante «s’il n’existait pas ces règles de vie, ils plongeraient» Elles structurent la journée des personnes accueillies Le second point relevé par 7 accueillants, sans que j’aborde la question, est la comparaison entre la formule de l’accueil familial et celle d’un accueil dans un établissement médico–social. Le plus de l’accueil familial est le temps que les accueillants semble pouvoir consacrer à la personne accueillie. «Dans les institutions on leur laisse faire comme ils veulent, ils en ont 40, ils ne vont pas s’occuper de chacun alors que nous on en a 1 ou 2 on peut être derrière leur peau» «On peut plus les prendre en individuel, ils progressent plus, on peut passer plus de temps à expliquer, prendre du temps, dans une structure ils n’ont pas le temps» «Je m’appuie sur le quotidien comme en institution sauf que l’on a plus de temps et l’on travaille en pouvant plus approfondir, plus faire de l’individuel» «Les institutions ont trop de personnes à s’occuper et ils ne sont pas bichonnés, ils n’ont pas d’affection, pas de contacts humains comme nous on peut leur donner parce que si on a 2 ou 3 personnes on peut mieux s’en occuper. Il n’y a pas de contact physique alors que moi maintenant je peux la prendre dans mes bras. Là bas c’est l’usine et ils ne peuvent pas être présents auprès de chaque personne» 66 Le travail avec les familles naturelles Dans cette dimension de l’attention portée à la personne m’est apparue au cours des entretiens une partie visiblement incontournable pour la réussite de l’accueil de la personne. Il s’agit de la nature des relations établies avec la famille naturelle et dans une moindre mesure la collaboration avec les tuteurs. En ce qui concerne les relations avec la famille elles se résument de manière schématique en 4 situations : La personne accueillie n’a plus de famille naturelle, l’accueillant familial devient souvent le seul port d’attache. Cet état de fait renvoie à la question que j’ai déjà abordée, qui est celle de la difficulté pour l’accueillant de juger de la distance affective à instaurer. La famille naturelle est absente, elle a dans la plupart des cas «abandonné» (terme utilisé par plusieurs accueillants) la personne et ne souhaite plus avoir de contact avec elle. 3 accueillants interrogés vivent cette situation, voyant la souffrance que cela peut induire pour la personne, ils entreprennent avec leurs moyens des tentatives de médiation pour que des liens puissent se renouer. La famille est présente et collabore. L’accueillant familial peut agir librement en s’appuyant si nécessaire sur l’aide d’une famille qui adhère complètement à cette «orientation». Cette collaboration se fait bien évidemment au bénéfice de la personne accueillie qui n’est pas déchirée entre des options différentes. La famille est présente, a souhaité ce placement, mais dans la réalité a du mal à collaborer. Elle n’accepte pas l’idée que l’accueillant puisse apporter plus d’attention et de chaleur qu’elle. A deux ou trois reprises des accueillants m’ont parlé de mères vivant très mal cette situation, une forme de comparaison, voire de jalousie s’installait qui créait un climat de travail difficile. Une accueillante m’a expliqué avoir dû à bout d’arguments empêcher les visites de la mère d’une personne qu’elle accueillait à son domicile. «Il faut établir des règles de fonctionnement entre l’accueillant familial et la famille pour que cela se passe bien pour la personne que nous accueillons» «La mère est jalouse car on est capable de s’occuper de son fils, c’est comme si ça mettait en avant ses incapacités» «La famille n’a pas respecté la prise de traitement pendant quinze jours et je leur ai dit qu’ils n’avaient pas le droit, que cela je l’avais vu avec le médecin» «Il faut que la famille respecte les règles qui sont fixées et que l’on travaille dans le même sens» «Ce qui la gênait c’est que j’arrivais à faire des choses qu’elle n’arrivait pas à faire » «Pour être famille d’accueil il y a une partie qui concerne les négociations avec la famille ça peut être facile ou très difficile mais il faut savoir se protéger» «On ne prend pas la place des familles on est indépendant des parents» «Nous ne sommes qu’intermédiaires on ne prend pas sa place» «Au début à leur arrivée ils ont des contacts et puis souvent cela s’étiole et c’est dommage pour la personne que l’on laisse comme ça alors qu'elle a besoin de liens» «On a essayé de faire le lien avec le frère, si il y a des liens ça se passe mieux avec la personne et ça se serait mieux passé si il avait pu les week end aller dans sa famille» «C’est important que l’accueillant familial fasse le travail pour renouer ou maintenir des liens avec la famille naturelle et là je n’ai pas abandonné, je vais réattaquer et j’irai jusqu’au bout pour qu’il puisse au moins voir ses petits enfants» 67 Un autre interlocuteur important qui concourt à la prise en compte de la personne reçue est apparu au cours des entretiens. Il s’agit de la personne qui assure le suivi de la mesure de protection légale. Toutes les personnes accueillies ont une mesure de curatelle ou de tutelle. Je ne vais pas m’appesantir sur ce point mais j’ai eu le sentiment qu’il paraissait évident que toute personne handicapée reçue au domicile d’un accueillant familial devait avoir une mesure de protection et que ces mesures n’étaient pas remises en question. Dans tous les cas l’accueillant travaille avec le curateur sur la gestion de l’argent de la personne. Ce travail s’effectue, à une exception près selon le même mode de fonctionnement suivant ; l’accueillant gère l’argent de poche pour les petits achats courants et fait des demandes, qui ne sont jamais remises en cause, auprès du curateur pour des achats plus importants qui concernent les vêtements, le mobilier, les sorties ou des séjours de vacances. La confiance entre ces deux partenaires semble bien installée au bénéfice de la personne accueillie. Dans cette seconde dimension du soin le dernier indicateur que j’avais posé est celui de l’intérêt que pouvait prendre l’accueillant dans son travail ce qui permet de créer un climat stable et suffisamment serein pour que la vie en commun soit acceptable par toutes les personnes vivant sous le même toit. L’expression par les accueillants de leur satisfaction à exercer cette activité est restée ténue. Elle n’est pas apparue au travers de mots conventionnels attachés en général à cette notion de satisfaction du type joie, bonheur, partage. Par contre j’ai ressenti chez plusieurs d’entre eux une réelle satisfaction à voir que leurs actions au quotidien produisaient des effets. Une fois de plus, il me semble que ces effets ne sont pas les conséquences d’une démarche structurée ou consciente mais plutôt le résultat d’une vie quotidienne partagée. J’ai senti également une surprise, un étonnement chez certains accueillants à découvrir au fil des années la valorisation personnelle mais également sociale que pouvait apporter une activité telle que celle-ci. Les modifications que j’ai pu relever entre l’expression des motivations au moment de l’enquête d’agrément et celles lors de mes interviews me semblent à ce titre assez révélatrices. «Ça me plaît on est avec eux, je ne pensais jamais faire ce métier, je suis maintenant bien prise et mon fils s’est mis dans des études d’infirmiers et il m’a dit que c’est grâce à moi» Cette phrase émane d’une personne qui a exercé, une grande partie de sa vie, un métier que je qualifierai de manuel. Elle semble avoir découvert, malgré l’accueil de personnes ayant des handicaps assez lourds, l’intérêt voire le plaisir que pouvait susciter une activité dont l’ancrage est la relation d’aide. Son propos me paraît emblématique du glissement qui semble souvent s’opérer entre une activité qui au départ n’était envisagée que sous l’angle d’un revenu financier et qui petit à petit laisse à découvrir des facettes enrichissantes insoupçonnées. Cette capacité d’étonnement, de découverte donne très certainement la garantie d’une implication dans le travail auprès des personnes accueillies puisqu’il laisse à croire que l’accueillant ne vit pas son activité dans le registre de l’ennui. 68 Éléments essentiels à retenir concernant l’accueil L’accueil peut être défini de deux façons : La première est la définition que j’ai essayé d’élaborer sous un angle théorique dans mon travail de l’an passé. La mise en place par l’accueillant familial de cet accueil avec pour but la prise en compte de la personne à la fois dans la dimension liée à son handicap (cadre structurant et rassurant, prise en compte de la problématique, soins) mais également dans la dimension de sujet acteur d’une vie au sein de cette micro- société que représente une famille (inclusion dans la famille, écoute, partage). Pour l’atteinte de ce but, j’avais défini que l’activité de l’accueillant familial pouvait développer quatre objectifs : Donner à la personne les conditions de vie qui permettent de satisfaire les besoins élémentaires de confort (hébergement, repas, hygiène.) Manifester du respect à la personne, garantir son intimité et ainsi l’aider à retrouver l’estime de soi et une confiance nécessaire pour évoluer et poursuivre son parcours de vie Faciliter l’intégration de la personne dans le groupe social qu’est la famille qui permet la reconnaissance du rôle et de l’utilité de la personne au sein de cette cellule familiale donc la confirmation de sa valeur et de sa place en tant qu’individu. Être attentive à la personne en lui apportant les soins nécessaires et créer un climat bénéfique à la personne reçue mais également à chacun des membres de la famille de l’accueillant. La seconde précisée dans des textes règlementaires (contrat national, agrément) qui décrivent, eux, les engagements que doivent prendre l’accueillant familial vis-à-vis de la personne accueillie. Ces engagements énoncés présentent les droits fondamentaux auxquels peuvent prétendre chaque être humain. Ils ont, selon moi, pour simple fonction de prévenir tout acte de maltraitance. Ils se situent plus dans un registre déclaratif que dans celui d’un cadre dynamique décrivant les actions que pourraient mettre en œuvre les accueillants familiaux. Les obligations décrites dans l’agrément sont les suivantes : Respecter ses opinions, convictions politiques et religieuses ou morales Adopter un comportement courtois, exempt de toute violence verbale ou physique Respecter son libre choix du médecin, des auxiliaires médicaux et autres personnels sociaux et médico-sociaux (auxiliaires de vie, aides ménagères...) Faire preuve de réserve et de discrétion par rapport à sa correspondance et dans ses rapports avec sa famille Lui permettre de recevoir de la visite, préserver l’intimité de ces visites, dans un respect mutuel vis-à-vis de l’accueillant et des autres accueillis Par rapport à ces deux approches, la première théorique voire idéale et la seconde sibylline, les éléments que j’ai collectés sur ce thème de l’accueil présente une troisième approche qui permet en quelques points de décrire ce qui, selon les accueillants, constituent de bonnes conditions d’accueil. Pour la partie « hôtellerie » je n’ai pas relevé d’écart significatif entre les conditions réelles de l’accueil en termes de confort et de respect de l’intimité par rapport à celles définies dans l’agrément. Les accueillants confirment le fait de donner aux personnes accueillies des conditions d’accueil qui satisfont aux besoins élémentaires. 69 En ce qui concerne les autres composantes de l’accueil les points principaux à relever sont : L’accueillant doit connaître la problématique particulière de chaque personne accueillie. Le terme problématique est à prendre comme synonyme de pathologie. Cette connaissance semble être présentée comme une nécessité pour mieux adapter l’accueil. Les accueillants déplorent d’être maintenus dans l’ignorance et de ne pas être considérés comme des partenaires par les personnes en charge du placement (médecins, services Conseil Général, établissements.) Une des fonctions principales de l’accueillant est celle de médiateur. Accueillir une personne c’est être en mesure d’entretenir ou de créer des contacts avec un certain nombre d’intervenants présents à divers titres dans la vie de cette dernière. L’accueillant familial doit être capable de travailler ainsi avec un réseau constitué Des intervenants médicaux (médecins traitants, spécialistes, infirmières, kinés, psychiatres.) Des services de suivi et de contrôle du Conseil Général Des tuteurs Des membres de sa famille pour que l’accueilli ne soit pas vécu comme un intrus et que non seulement ils acceptent sa présence mais en plus le considère comme l’un des leurs Des voisins, habitants du quartier ou du village. Cette fonction de médiation est importante pour la préservation ou la reconstitution des liens avec la famille naturelle de l’accueillant mais également utile pour maintenir une ambiance de travail stable donc acceptable pour le bon déroulement d’une vie familiale. L’accueillant doit avoir la volonté d’intégrer les personnes au sein de la famille dans une dynamique de partage des activités. Le partage des tâches ménagères, des sorties pour des achats ou pour des loisirs en commun est le vecteur principal de cette intégration Veiller à la santé des personnes qu’elles accueillent est la mission principale que semblent se donner les accueillants familiaux. Pour assurer cette mission ils doivent avoir des compétences multiples. Ils les acquièrent visiblement avec leurs expériences et le partage de connaissances avec leurs médecins traitants et les infirmières qui passent au domicile, médecins et infirmières qui sont également ceux des personnes accueillies. Les accueillants doivent assurer une coordination entre les acteurs médicaux, pallier parfois aux insuffisances des relais (infirmières), être vigilants à la prise des traitements médicaux. Ils doivent être capables également d’observer les évolutions et les changements chez la personne pour pouvoir alerter si nécessaire. Cet intérêt pour les soins médicaux tient sa raison d’être dans la responsabilité que les accueillants ressentent fortement lorsqu’ils accueillent des personnes en situation de handicap donc a priori des personnes fragilisées dans le domaine de la santé. L’intérêt s’explique aussi par l’aspect valorisant que présente l’exercice de ces soins. Il semble qu’ainsi l’activité d’accueillant trouve une certaine forme de légitimité et de reconnaissance qui soit facilement identifiable par leur environnement. Elle permet enfin de s’associer avec des praticiens, qui eux, sont reconnus dans des compétences professionnelles. L’accueillant doit être capable de poser des règles de vie précises pour à la fois stimuler et structurer la personne mais aussi permettre que tous les membres de la famille de l’accueillant et les personnes accueillies puissent vivre sous le même toit. Ces règles, au regard des obligations qu’elles induisent, peuvent aider des personnes désocialisées à acquérir ou retrouver des attitudes plus normalisées donc plus acceptables par l’environnement. L’accueillant familial est en mesure de consacrer beaucoup plus de temps aux personnes accueillies qu’un professionnel. La somme du temps consacrée chaque jour aux personnes est présentée par les accueillants comme une plus value indiscutable de la 70 formule de l’accueil familial. Ce point mis en avant de manière récurrente dans les interviews permet aux accueillants selon moi de réduire l’écart qu’ils pourraient ressentir par rapport à des institutions médico-sociales qui elles bénéficient d’une meilleure reconnaissance et d’une place indiscutable dans le dispositif mis en place en direction des personnes handicapées. Ce sont les aspects positifs mis en avant par les accueillants. J’ai relevé sur ce thème quelques éléments qui sembleraient au contraire nuire à la qualité de l’accueil : L’envie d’avoir plus d’éléments de compréhension de la pathologie paraît légitime. Par contre il semble qu’elle se traduise rarement par une modification des habitudes de vie et des manières d’être des membres de la famille. Qui plus est elle pourrait renforcer un processus de stigmatisation Les activités sont déterminées par les nécessités de la vie quotidienne ou les centres d’intérêts des membres de la famille. Les discussions individuelles qui, pourraient être considérées comme un marqueur intéressant d’une prise en compte de la singularité de la personne accueillie ne sont pas mises en avant dans les interviews Le principe de poser des règles de vie nécessaire à une vie en commun peut aussi si l’on parle de son aspect négatif confirmer certains accueillants dans une position de domination et d’autorité déplacée vis-à-vis des personnes handicapées. Le risque est de voir alors s’instaurer sur les lieux de vie deux modes de fonctionnement, l’un pour les membres de la famille et l’autre beaucoup plus contraignant qui s’applique aux personnes accueillies J’ai trouvé chez un ou deux accueillants une absence d’empathie, empathie dans le sens d’une capacité à percevoir, à reconnaître la souffrance ou le mal être de la personne accueillie donc à agir pour rendre cette douleur supportable. Dans le même temps j’ai noté souvent un manque de distance affective qui est d’ailleurs évoqué facilement par les accueillants qui en ont conscience et considèrent qu’il pourrait être préjudiciable si la personne accueillie devait quitter leur domicile pour des raisons multiples (changement de famille d’accueil, modification de la composition de la famille, orientation vers un établissement). Ce manque de distance se traduit le plus fréquemment par l’attribution à la personne adulte d’un statut de fils ou de fille de la famille. Ce statut me semble par contre, faire plus référence à celui d’un enfant en bas âge qui nécessite des soins en rapport à cet âge qu’à celui de l’enfant d’une famille appelé à quitter le domicile familial L’absence d’expressions des accueillants sur un travail autour des apprentissages me semble révélateur des projections que font les accueillants familiaux sur le devenir des personnes qu’elles accueillent et par contre coup de la conception qu’elles ont de la fonction d’accueillant familial. Je reprendrai cette réflexion dans le cadre du chapitre consacré à l’accompagnement qui abordera la question du projet. Après avoir détaillé et synthétisé les données recueillies dans les interviews concernant l’accueil je vais m’attacher maintenant à la présentation des résultats qui touchent à l’accompagnement. Je vais utiliser le même mode de traitement que celui que j’ai appliqué à la partie accueil, Au préalable il est nécessaire de préciser à nouveau ce que j’entends par accompagnement dans le cadre de l’accueil familial. 71 3.2.4. L’accompagnement L’accompagnement dans le dispositif de l’accueil familial représente la capacité qu’a l’accueillant à mettre en œuvre et faire vivre un projet de vie au bénéfice de la personne handicapée accueillie. Il s’agit de la partie dynamique et consciente de l’activité de l’accueillant qui donne un sens et des objectifs au travail effectué. Pour la définir j’ai articulé ce thème, dans ma grille d’entretien, autour de plusieurs sous items qui, je pensais, pouvaient permettre aux accueillants de s’exprimer sur ce sujet. Il s’agissait des motivations de l’accueillant dans sa pratique, des moyens mis en œuvre, de l’acceptation de tâches souvent ingrates, de la capacité d’observation et d’adaptation, du plaisir pris dans la pratique de cette activité. Pour analyser les données collectées pour cette partie accompagnement je les ai regroupés en 4 parties qui sont les suivants : Les projets qui sont développées par les accueillants Les outils, moyens, méthodes qu’ils mettent en œuvre dans leurs pratiques Le plaisir ou la satisfaction que les accueillants éprouvent dans leur activité La façon dont les accueillants familiaux envisagent l’avenir des personnes qu’elles accueillent. 3.2.4.1. La mise en œuvre du projet Tous les accueillants se sont exprimés sur cette question. 2 d’entre eux, de façon indirecte, sans utiliser le terme projet. 2 accueillants seulement ont replacé leur activité dans le cadre d’un projet. 4 accueillants évoquent une démarche qui viserait à une certaine autonomie de la personne. Cette autonomie est vue sous l’angle d’une autonomie dans les actes de la vie quotidienne au domicile de l’accueillant (hygiène, activités, repas). « Il faut acquérir de l’autonomie pour vivre en famille » « Je veux que la personne puisse s’exprimer avec une activité chez moi » « Il faut qu’il reste autonome le plus longtemps possible » « Avoir de l’autonomie à la maison si il arrive quoi que ce soit » 2 accueillants parlent eux aussi d’autonomie qui passe par la recherche d’un emploi qui permettrait à l’accueilli de vivre en dehors du domicile de l’accueillant (milieu ordinaire ou milieu protégé) « Il faut lui trouver un travail en ESAT, c’est la recherche d’une mise en autonomie » « Il pourrait retourner vivre maintenant en appartement mais il doit avoir un travail alors je cherche avec lui » 3 accueillants mettent en avant des possibilités d’évolution. Cette évolution est elle aussi imaginée dans le cadre du domicile de l’accueillant et concerne également les actes de la vie quotidienne. « Chez moi la partie intéressante c’est qu’ils évoluent » « Il a 46 ans il peut encore évoluer mais après cela va stagner » J’ai recueilli par ailleurs un ensemble d’objectifs hétéroclites que se sont fixés des accueillants. Je vais les énoncer car ils me semblent attester de l’absence d’un projet commun à tous les accueillants qui définirait les composantes de leur mission et de la nécessité que semble éprouvée chaque accueillant familial à donner un sens à son travail. 72 Avoir une vie normale Causer normalement L’occuper jusqu’à la mort Aider les gens sur du long terme Aider les gens à sortir de leurs problèmes en s’exprimant dans des activités artistiques Remplir un besoin d'affection énorme Ne pas les mélanger avec les autres handicapés Lui faire la vie belle Reconstruire pour les plus jeunes une bonne image d’eux- même Qu’elle s’entende bien avec mes enfants et que ma famille et la personne s’y retrouve Remplacer la mère Les avoir réintroduit en milieu ordinaire (sortie hospitalisation) Structurer la personne pour qu’elle ne redevienne pas marginale Maintenir les acquis 3.2.4.2. Les moyens mis en œuvre dans l'accompagnement Pour cette partie j’ai relevé dans l’ensemble des interviews tous les éléments décrits par les accueillants comme les moyens ou les méthodes qu’ils utilisent, de façon consciente ou non dans leur activité. 13 accueillants sur les 14 interviewés se sont prononcés sur ce sujet. J’ai relevé 42 expressions concernant ce sujet qui sont les suivantes : 6 expressions concernant la nécessité de stimuler les personnes accueillies et 6 autres que j’associe qui parlent de la nécessité d’un travail de répétition auprès des personnes dans les actes de la vie quotidienne. Ces deux « outils » sont mis en avant par la majorité des accueillants comme des moyens susceptibles d’éviter une dégradation de la personne, mais aussi pour structurer les journées des personnes qui pourraient être longues « Le problème avec elle c’est qu’elle en a vite marre et que l'on ne peut pas travailler longtemps elle a fait pas mal de dessin mais c’est des dessins et je sais qu’elle n’aime pas trop cela alors je change d’activité souvent et j’insiste » « La méthode quand ça commence à regimber il faut s’arrêter et l’on passe à autre chose il faut pas insister sur ce qu’ils ne veulent pas faire; On va au jardin ils ne veulent pas se salir les mains, ce sont tous des cossards (gentiment) mais il faut revenir à la charge des fois pas le lendemain mais le surlendemain .des fois il faut aussi changer la méthode, tu ne veux pas le faire comme ça alors on va le faire autrement » « Il faut être toujours derrière lui » « J’ai essayé des petits trucs au départ comme de lui confier des petits boulots et il était tellement content lorsqu’il y arrivait que j’ai recommencé un peu plus, un peu plus » « Ils évoluent de manière satisfaisante on fait du travail qui parfois régresse mais alors on recommence ». « C’est bien aussi qu’elle ne reste pas tout le temps assise, je l’oblige à avoir des activités » 73 « Il faut essayer de leur trouver quelque chose à faire qui les intéressent elles ne savent pas comment faire l’activité » « Si c’est pour que la personne reste toute la journée à ne rien faire autant aller dans une maison de retraite ça ne sert à rien » « Il faut être intense avec certains, ne pas les laisser seuls sinon ils sombreraient donc il faut les maintenir dans la réalité » 24 expressions évoquent la nécessité d’observer, de s’adapter et d’être vigilant. J’associe ces trois termes dans la mesure où ils me semblent correspondre aux mêmes préoccupations : l’engagement de la responsabilité de l’accueillant par rapport à la santé et la sécurité de la personne accueillie une bonne inscription de la famille d’accueil dans son environnement l’obligation au regard des pathologies que présentent les personnes accueillies de trouver des solutions pour rendre viable le quotidien pour la personne accueillie et les membres de la famille. « On peut se retrouver avec des problèmes particuliers, ça nous oblige d’observer et au moindre doute d’appeler le médecin, pour qu’il passe avant qu’on ait des soucis » « C’est moi qui l’ait observée quand elle est arrivée et j’ai trouvé moi-même des solutions, c’est inquiétant comment faire au départ. Alors on a organisé son rythme de vie par rapport à sa maladie car on a compris que si les choses ne se font pas dans cet ordre il y a un risque de crise » « Il faut s’adapter à l’âge et à l’évolution des personnes car il y en a qui sont plus dégourdis » « C’est marrant comme avec lui il y a des moments on ne sait pas comment le prendre alors il faut chercher l’ouverture » « Je fais très attention au départ. Je vérifie systématiquement si les personnes sont capables de faire, ce que l’on peut leur faire faire, je sais ce que chacun peut faire » « J’analyse moi-même ce que je peux mettre en complément, je suis toute seule. Chaque personne est une situation différente, donc ce sont des outils différents à mettre en place et après c’est un engagement au quotidien de tous les jours » « Il faut que les pensionnaires sentent notre présence sinon ils pourraient faire des conneries dans le village » « Travailler avec chacun d’eux, différemment car ils n’ont pas la même pathologie » Tous les accueillants parlent de la nécessité de donner un cadre à la personne, ce point semble être un passage obligé. Par contre les contours de ce cadre sont variables. Je les classerai en deux grandes fonctions : protéger la vie de la famille « Parfois on en a marre on aimerait bien faire une petite pause de temps en temps mais on ne peut pas les faire comme on veut, donc il faut mettre des règles notamment sur les horaires (repas, temps de pause) et la possibilité que chacun puisse vaquer par moment à ses occupations propres. D’entrée de jeu il faut se donner des règles sinon on y arrive pas on a beau dire mais on est une famille, j’ai un mari un enfant .l’accueil familial c’est bien mais s’il n’y a pas de règles je ne donne pas long de vie à la famille » 74 structurer la personne accueillie en évitant l’apparition de comportements « déviants » mais également la protéger, lui enseigner les habitudes de vie les plus adaptées à une vie en famille ou en société. « Moi j’ai donné le code éthique c'est-à-dire quand on est à table il ne faut pas parler avec tout le monde, raconter sa vie à tout le monde. Elle aime les hommes et saute tout de suite dessus elle peut tomber sur des gens qui ont des problèmes aussi dans leur tête et abuser d’elle au point de vue sexuel, et peut être des gens qui n’ont pas d’éducation peuvent penser que c’est une malade je fais cela pour la protéger » « Tout seul il redeviendrait un marginal, un SDF d’ailleurs il dit qu’il a besoin de ce cadre » « Il faut que les pensionnaires sentent notre présence sinon ils pourraient faire des conneries » « Pour moi il y a des choses inadmissibles, avec moi elle est plus cadrée » Dans la mise en place de ce cadre j’ai senti plusieurs approches. Elles vont d’une approche assez rigide dont la traduction est que les exigences posées aux personnes accueillies sont supérieures à celles qui s’imposent aux membres de la famille de l’accueillant, à une approche orientée uniquement vers le bien être de l’accueilli. Un accueillant qui a beaucoup d’années d’expérience dans cette activité m’a décrit sa pratique et l’évolution de cette dernière par rapport à l’utilité « de poser un cadre ». Sa réponse me semble assez révélatrice de l’ensemble des positionnements que l’on peut trouver chez les accueillants par rapport à cet outil. « Au départ on était rigide mais au fil du temps on s’est rendu compte que si on voulait que ça perdure il fallait lâcher du lest sinon on fait du mauvais travail, la personne accueillie se braquait. On avait des craintes mais au départ on nous avait dit de ne rien changer à nos règles de vie c’est aux personnes accueillies de s’adapter. Et bien cette option c’est zéro, on doit s’adapter à eux ce n’est pas eux qui commandent mais on ne fait que s’adapter tout le temps » Dans les moyens utilisés que j’ai relevés figure aussi dans une moindre mesure (4 expressions) la question de la prise de distance. Cette dernière apparaît souvent après des expériences d’accueil difficiles au départ de l’activité mais également lorsque l’accueillant sousestime les difficultés que peuvent avoir les personnes reçues. « Ce travail implique une réflexion obligatoirement, on doit faire pas attention à ce que l’on dit et ce que l’on fait c’est à soi de bien évaluer l’attitude que l’on doit avoir sinon c’est un peu inquiétant ». « Il est important de prendre du temps pour soi pour bien aider les autres, si je peux décompresser alors je suis disponible pour eux » « Je suis allé trop loin et il m’a fallu du temps pour rééquilibrer les choses » « Il faut rester calme, ne jamais s’énerver » Dans cette partie qui traite des moyens est apparue la question des limites de l’activité de l’accueil familial. Je n’avais pas envisagé de traiter cet élément mais il est revenu fréquemment dans les propos des personnes interrogées. Elle se pose de manière très claire en fonction de la lourdeur du handicap de la personne reçue au domicile familial. Le travail auprès de personnes en situation de handicap est apprécié car il est présenté comme plus dynamique qu’un travail auprès de personnes très âgées qui sont souvent grabataires et renvoient de manière très 75 prégnante au sein de la famille la question de la mort. Par contre, fort logiquement, une personne lourdement handicapée peut renvoyer elle aussi les mêmes images de maladie, d’impotence et de mort. Il me semble que globalement les accueillants que j’ai interrogés définissent les accueils qu’ils souhaitent par la capacité qu’ont les personnes accueillies à participer le plus pleinement possible aux activités qui scandent la vie de la famille et qui correspondent à la conformation de cette dernière (situation maritale, âge, constitution de la famille, lieux et habitudes de vie) « Si l’on vous place des personnes grabataires, pour les adaptations on n’a pas d’aide, c’est à la charge de la famille pour améliorer la maison pour recevoir les personnes c’est entièrement à notre charge. Avons-nous les moyens d’accueillir correctement ? » « Moi par rapport à mon passé j’ai plus d’affection avec les personnes handicapées car ils peuvent apprendre » « Un des spécificités pour moi de l’accueil familial; c’est de recevoir de personnes plus jeunes, moi je ne veux pas de personnes qui passent leur journée au lit, il y a les hôpitaux pour cela » « Il nous faut des personnes qui puissent se mettre à table avec nous, qui puissent comprendre ce qu’on lui dit, participer à la vie de famille » « On a 3 enfants qui demandent beaucoup de travail et ces personnes là aussi et puis on est jeunes et l’on veut sortir, on veut que les personnes participent aussi à tout avec nous et pas simplement rester à la maison (manger, faire la sieste). Il n’y a pas que ça avant on a eu une personne très dure qui nous bloquait à la maison. On a décidé d’arrêter avec elle on ne pouvait plus et 3 mois après on a eu une autre personne qui elle sait ce que veut dire une vie en famille elle se plaît beaucoup » Le travail en partenariat est mentionné de façon précise une seule fois : « J’ai travaillé un moment avec le CG mais il y avait un problème avec le suivi social et médical pas assez de présence et quand il y a avait une urgence je n’avais pas assez de soutien alors qu’il y a un soutien beaucoup plus intense avec l’Hôpital Psychiatrique. J’ai préféré avoir des situations plus difficiles mais en bénéficiant d’un meilleur soutien car il y a nécessité d’avoir un soutien régulier. S’il y avait eu plus de soutien avec le Conseil Général j’aurais aimé travailler avec les deux services. Être accueillante familiale veut dire avoir un réseau de soutien solide car il y a des moments difficiles » Le plus souvent les accueillants mettent en avant leur capacité à travailler seuls et ne citent pas les services avec qui ils sont censés coopérer (suivi, contrôle) comme ressources pour leur activité. La seule exception, comme je l’ai dis au préalable concerne le médecin traitant ou l’infirmière mais ces personnes n’interviennent pas directement sur l’activité de l’accueil familial. Il est possible qu’au-delà d’une impression d’un manque de soutien, qui est peut être justifiée, les accueillants habitués depuis très longtemps à travailler seuls redoutent et n’aspirent donc pas forcément à ce que leur travail soit partagé notamment avec des professionnels. 3.2.4.3. L’intérêt de l’accueillant dans son activité Là, également, l’ensemble des personnes interviewées ont eu au cours de l’entretien une expression qui concernait la façon dont elles vivaient leur activité. 76 5 ont évoqué le fait que leur activité leur permet d’être reconnus par les personnes de leur environnement familial ainsi que par certains professionnels avec qui elles travaillent (professionnels qui assurent le suivi, le contrôle, les médecins et les personnels infirmiers). « Sa famille me remercie chaque fois qu’ils viennent » « Les personnes (professionnels) qui l’ont connu avant et le voit maintenant son surpris de son évolution » « Il faut être fière de son travail, on m’a dit que j’étais la meilleure » « Les personnes handicapées ont de la reconnaissance, c’est très enrichissant et il y a toujours un retour » 4 accueillants familiaux sont satisfaits car cette activité représente une évolution positive par rapport à leur vie professionnelle passée. « On n’a pas de patron sur le dos, quand on voit tous les problèmes qu’il y a maintenant dans les entreprises on se dit que c’est un luxe d’être accueillant familial » « J’aime mieux maintenant ma vie, je suis chez moi et je n’ai aucun regret par rapport à mon emploi d’avant » « Continuer de travailler avec des personnes handicapés et le faire chez soi c’est très bien » 3 accueillants parlent de leur satisfaction par rapport aux évolutions qu’ils observent chez les personnes qu’ils accueillent. « Ils font des apprentissages et c’est génial » « Les aspects positifs de notre travail ce sont les évolutions de jour en jour qu’on constatent, on se dit que l’on apporte quelque chose » « M… c’est clair si je ne l’obligeais pas à marcher il serait impotent maintenant » « Bon c’est pas rose tous les jours mais c’est du plaisir de les voir évoluer comme cela » 3 expressions dénotent un intérêt certain pour les pathologies que peuvent présenter les personnes accueillies. « Ce travail m’intéresse surtout les gens qui ont un problème psychologique (schizo) » « Je suis une passionnée de psychologie et ce travail m’intéresse » « J’aime beaucoup travailler avec des personnes qui étaient avant en hôpital psychiatrique, ça m’intéresse » « J’aime bien réfléchir, comprendre le pourquoi et le comment de leurs situations » J’ai noté également une dizaine de réponses que je qualifierai de spontanées dans la mesure où elles ne s’inscrivent pas dans quelque chose de conscient mais qui semblent simplement évoquée une satisfaction à faire cette activité. « L’argent on en gagne pas beaucoup, c’est avant tout l’affection, l’amitié qu’il y a entre nous » « Je suis contente de ce que j’arrive à faire avec elle c’est un moment de bonheur pour elle » « J’aime faire du bien, cocooner les gens » 77 « Les personnes vous apportent, je ne suis pas seule, ça bouge, je ne m’ennuie jamais, j'ai besoin d’avoir du monde autour de moi, ne pas parler toute seule même si c’est parfois difficile » « Tous les jours il y a quelque chose de surprenant, c’est l’étonnement d’avoir tous les jours plus de surprises » A côté de ces nombreux témoignages du plaisir d’être accueillant j’ai relevé 3 réactions qui mettaient en avant les contraintes parfois mal acceptées de cette activité. Il s’avère que ces personnes interrogées assument l’accompagnement de personnes qui présentent des pathologies très lourdes qui semble donner les limites de cette activité. Je reviendrai plus tard sur ce point. « Je suis fatiguée car des fois il faut se les tartiner et ce n’est pas évident » « Il faut que je fasse stop car je me suis laisser envahir c’est aller trop loin » 3.2.4.4. Le devenir des personnes accueillies 9 personnes interviewées sur 14 se sont exprimées sur la façon dont ils imaginaient le devenir de leurs « pensionnaires » : 7 pensent que les personnes resteront chez elles sans évoquer d’autres perspectives. Chaque fois c’est l’expression « rester chez nous jusqu’à la mort ou jusqu’à la fin » qui est mentionnée. Cette réponse implique bien évidemment en fonction de chaque situation la mort de la personne accueillie mais également celle de l’accueillant. J’ai compris que parfois l’utilisation du terme mort voulait en fait dire conserver les personnes à notre domicile tant que notre santé nous le permettrait. Les solutions évoquées en dernier recours dans le cas de cette impossibilité à poursuivre cette activité sont pour 2 accueillants leurs filles qui poursuivra l’accueil et pour 2 autres une orientation vers un Foyer d’Accueil Médicalisé. 2 autres accueillants évoquent un départ vers des établissements médio- sociaux (foyers de vie ou foyers médicalisés); Ces 2 options s’inscrivent dans le cadre d’un projet. La possibilité de pouvoir intégrer une autre famille d’accueil est repoussée par l’ensemble des accueillants que j’ai interviewé au bénéfice plutôt d’une orientation vers un établissement. Ceci peut paraître contradictoire par rapport aux critiques qu’ils émettent par ailleurs sur ces mêmes établissements. Eléments essentiels à retenir concernant l’accompagnement Je vais essayer, en ce qui concerne l’accompagnement, de voir à partir des résultats que je viens de présenter comment les accueillants définissent consciemment ou inconsciemment la dynamique d’accompagnement qu’ils mettent en œuvre; 78 Au regard des résultats des interviews l’accompagnement qui est pratiqué par les accueillants peut se définir par les caractéristiques suivantes : la personne est appelée à rester toute sa vie au sein de la même famille. Cette position implique que la question de l’après (départ du domicile de l’accueillant) n’est jamais évoquée en termes positifs. Elle pose, il est vrai, de manière forte la question de la garantie des revenus pour l’accueillant. Ce dernier n’a plus de salaire si la personne accueillie quitte le domicile. Les objectifs du projet de vie sont majoritairement alors envisagés dans la perspective d’un maintien de la personne au domicile de l’accueillant. Le travail s’oriente vers l’adaptation des attitudes et des comportements de l’accueilli aux habitudes de vie collective de la famille. Le terme autonomie qui est souvent mis en avant, l’est dans le cadre d’une capacité de la personne à acquérir des habitudes semblables à celles de la famille. Même s’il présente un intérêt indiscutable pour la structuration de la personne accueillie, la prégnance du principe qui consiste à poser des règles et un cadre de vie formel semble permettre l’atteinte de cet objectif. Le projet n’est pas formalisé et même s’il existe un travail avec un partenaire autour d’un projet (aide du service qui assure le suivi) il n’est jamais mis en avant par l’accueillant comme outil susceptible de donner un sens à son travail. Le projet est implicite, il est plus le résultat de la volonté individuelle de l’accueillant que le fruit d’un travail de concertation et d’élaboration avec des partenaires et la personne accueillie. Ce point précis, comme je l’ai déjà mentionné dans la partie qui traitait de l’accueil renvoie à la question de l’isolement réel ou imaginé que ressent l’accueillant dans son activité. Cet isolement est présenté par l’accueillant comme difficile car il le met dans la nécessité de se « débrouiller » souvent seul mais en contrepartie il lui donne une grande autonomie dans son travail, autonomie sur laquelle il lui est parfois difficile de revenir. Les accueillants ont conscience de leurs limites et se servent de leurs expériences pour ajuster l’offre qu’ils peuvent proposer en fonction du handicap des personnes qui sont susceptibles d’être accueillies à leur domicile. Je me suis rendu compte que s’il n’existe pas une offre clairement définie de l’accueil familial social, certains accueillants par contre, sans qu’ils ne l’aient formalisé, ont pu me décrire les caractéristiques des personnes avec qui ils souhaitent travailler (personnes jeunes, personnes handicapées psychiques, personnes actives, personnes en attente d’affection.). Cette piste est intéressante dans la mesure où elle peut permettre de définir les objectifs des projets de vie de façon plus précise en fonction des profils des personnes accueillies et de ceux des accueillants et pas simplement en fonction des disponibilités d’accueil. L’activité qui consiste à accueillir à son domicile des personnes handicapées apporte une valorisation certaine pour les accueillants. Il me semble que c’est un indicateur à prendre en compte puisqu’il permet d’imaginer que l’engagement de l’accueillant dans le projet de la personne peut être moteur d’un projet de vie au bénéfice de la personne handicapée qui est accueillie. Ceci démontre selon moi que cette activité, malgré les nombreuses difficultés mises en avant par les accueillants, peut apporter des satisfactions importantes, comme les propos recueillis le laissent à penser. La présentation des résultats des deux premiers thèmes, l’accueil et l’accompagnement qui concourent au travail sur la notion de sujet, ayant été effectué je vais m’intéresser maintenant aux résultats qui concernent le dernier thème de la socialisation. 79 3.2.5. La socialisation Le dernier apport du quotidien, donc de l’accueil familial, que j’avais repéré était la possibilité qu’il offre à un individu ayant fait des apprentissages et des expériences dans un cadre sécurisé (accueil et accompagnement) de les reproduire de façon normée dans les activités sociales. Dans ma grille d’entretien j’ai décliné plusieurs sous items qui me semblaient utiles pour vérifier si cet aspect de l’activité de l’accueil familial social était l’une des préoccupations des accueillants familiaux : Le travail sur les savoirs faire sur les savoirs être les craintes des accueillants les opportunités de quitter le domicile de l’accueillant (fêtes, travail, loisirs, achats, sports.) Les 14 accueillants interrogés se sont exprimés de façon très sommaire sur ces points et à 2 exceptions près uniquement lorsque j’abordais le sujet de façon précise. L’ensemble des accueillants a parlé d’une part d’activités extérieures qui structurent les journées (courses, activités loisirs, promenades, travaux agricoles.) et d’autre part d’activités familiales programmées ayant un caractère un peu exceptionnel (fêtes, repas, participation à des associations..). Dans la très grande majorité des cas il s’agit d’activités choisies par les membres de la famille ou d’activités qui s’imposent au quotidien de la vie familiale auxquelles sont associés les personnes accueillies. J’ai noté que toutes les personnes accueillies participaient aux sorties en dehors du domicile. Les contacts avec l’extérieur se font très majoritairement en compagnie de l’accueillant ou du conjoint de ce dernier. Seuls 6 accueillants ont évoqué le fait que les personnes qu’ils accueillent sortent seules du domicile. Sur ces 6 personnes seules 2 sortent du domicile pour se rendre à des activités de loisirs. Ces sorties nécessitant d’une part un éloignement du domicile et d’autre part qu’au préalable un certain nombre d’apprentissage aient été réalisés (déplacement, comportement, respect des horaires.) Les 4 autres accueillants parlent de promenades dans le village dans un périmètre très proche du domicile. 3 accueillants seulement évoquent de manière explicite les bénéfices que peuvent apporter pour les personnes accueillies des contacts avec l’extérieur. « Je pense que ça fait partie de l’équilibre de la personne et rester enfermée ce n’est pas bon ça fait vieillir prématurément » « Il voit beaucoup de monde et on ne vient pas avec lui car on veut qu’il se débrouille seul au maximum » 80 Les raisons qui sont évoquées pour justifier ce peu de mise en situation de socialisation sont les suivantes : La question de la responsabilité que se donne l’accueillant par rapport à l’accueil d’une personne qui plus est en situation de handicap donc vécue comme potentiellement en danger « Avant il vivait à la campagne mais ici en ville c’est plus dangereux » « Je sors toujours avec lui c’est de ma responsabilité » « Si elle allait au pain seule j’aurai peur qu’elle se perde » « On ne sait jamais ce qui peut arriver, il peut se faire écraser » « C’est la question de ma responsabilité si il leur arrive des problèmes à l’extérieur » La pression exercée par l’environnement « Les voisins ne comprenaient pas que l’on laisse marcher seuls de handicapés à 500 mètres de la maison » « Il a fallut le sortir, montrer qu’il n’était pas méchant » « J’ai cadré tout de suite car je ne veux pas d’ennuis avec le voisinage » « Ils ont peur que ça saute, que ce soit contagieux, ils avaient peur du handicap » Je reviendrai plus précisément sur ce sujet lorsque j’aborderai la question du devenir de l’activité d’accueillant familial. La représentation qu’à l’environnement de la fonction d’accueillant familial est un thème que je n’avais pas imaginé évoquer mais qui s’est imposé lors du traitement des données recueillies. l’état de santé physique ou psychique des personnes accueillies « Il pourrait aller à la pêche seul mais avec sa maladie ! » « À cause de son problème avec les hommes c’est difficile de la laisser seule » « Il ne peut pas sortir seul car il a des difficultés d’orientation dans l’espace » « Vu son problème chaque sortie nécessite une très grosse surveillance » « Il n’a pas pu intégrer des activités à l’extérieur du fait de son handicap » Un point que je n’avais pas imaginé au départ me semble faire obstacle à ce travail de socialisation. Il est apparu de façon répétitive dans les réponses. Il s’agit du risque d’isolement que peuvent rencontrer certains accueillants. Ils évoquent en effet souvent la perte d’amis ou de relations du fait de leur activité et indirectement des efforts qu’ils doivent fournir pour être accepté dans leur communauté de vie. L’objectif qui devient alors, selon moi, prioritaire pour l’accueillant et pour lequel il va développer son énergie est plus l’acceptation de la famille d’accueil, au sens large (membres de la famille et personnes accueillies) par son environnement qu’un travail de socialisation au bénéfice de la personne accueillie. Éléments essentiels à retenir concernant la socialisation Dans le texte de l’agrément figure simplement une phrase qui évoque un travail sur la socialisation « L’accueillant doit s’efforcer d’aider l’accueilli à maintenir et développer ses activités sociales » 81 Dans ma tentative de définition théorique du travail qui pouvait être engagée par l’accueillant familial dans cette aide à la socialisation j’avais évoqué l’importance du rôle de « passeur » de l’accueillant entre l’univers de la cellule familiale et l’environnement de cette dernière (voisins, amis, commerçants, employeurs, acteurs du secteur des loisirs.) Ce thème comme je l’ai dit en introduction n’est pas abordé facilement par les accueillants ou du moins ne me semble pas être repéré comme un axe de travail inhérent à leur activité. Il est certain qu’au regard des données collectées ce travail de socialisation demande des conditions préalables qui ne sont pas remplies et qui de fait, le rende un peu illusoire : Un questionnement des accueillants sur les limites de leur responsabilité et l’inquiétude que ce questionnement génère. Une qualité de l’environnement social de la famille qui accueille Une expertise nécessaire sur les possibilités et les compétences des personnes accueillies avant d’engager un travail de socialisation Une capacité à envisager la personne reçue dans ses potentialités plutôt que dans ces incapacités (appréhension du handicap) J’ai noté néanmoins un important travail effectué par l’ensemble des accueillants pour faire accepter le principe que des personnes en situation de handicap aient leur place au sein du quartier ou du village et que la notion de handicap ne renvoie pas obligatoirement à celle d’institution ou de collectivités. Il m’a semblé que ce combat est très lié à celui qu’ils peuvent mener également pour la reconnaissance et l’acceptation de leur activité d’accueillant familial. En effet sur ce dernier point il semble qu’un travail de socialisation auprès des personnes accueillies ne puisse être envisagé qu’à la condition que l’activité d’accueillant familial ne soit pas considérée comme « marginale ». Une phrase d’une accueillante me semble résumer cette difficulté : « Les gens ont sur nous un regard qui n’est pas évident, ils ne savent pas dans un village ce que l’on fait et la différence fait peur ». Je viens de présenter les données recueillies concernant les thèmes de l’accueil, l’accompagnement et la socialisation qui présentent une grande richesse dans leur diversité mais également une différence d’intérêt sensible dans le nombre de résultat obtenus en fonction des thèmes. L’accueil représente la plus grande partie des éléments alors que la partie qui concerne la socialisation a été peu évoquée dans les propos des accueillants interrogés. Je vais maintenant m’attacher à analyser l’ensemble de ces données. Pour cette analyse je vais m’appuyer d’une part sur les parties que j’ai intitulées « éléments essentiels à retenir » qui viennent synthétiser le contenu des propos des accueillants et d’autre part y ajouter une analyse plus personnelle sur les données recueillies lors des interviews. 3.3. Analyse des résultats de l’enquête sur l’activité de l’accueillant familial L’analyse de ces données a pour objectif de tenter de mesurer les écarts qui pourraient apparaître dans la définition de l’activité d’accueillant familial Entre d’une part les définitions des missions de l’accueil familial social telles que présentées dans la première partie de mon mémoire à savoir: 82 Les textes règlementaires (agrément, convention nationale) qui encadrent cette activité. Le modèle théorique que j’ai développé concernant les apports du quotidien qui organise ces apports autour de deux axes principaux possibles pour les missions de l’accueil familial social à savoir le travail sur la notion de sujet et un travail sur la socialisation. et d’autre part : Le contenu des interviews que j’ai effectuées auprès de 14 accueillants familiaux à qui j’ai demandé de s’exprimer sur la réalité quotidienne de leur activité. 3.3.1. Écart entre résultats de l’enquête et les textes règlementaires Considérant que le texte du contrat type national qui fixe les obligations liées à l’accueil familial constitue le document de référence, il me semble que l’écart entre la définition de l’activité de l’accueil familial donnée dans ce texte et celle donnée par les accueillants familiaux n’est pas manifeste de prime abord. Ce texte précise les trois missions principales dévolues à l’accueil familial : Aider à retrouver ou développer son autonomie Réaliser son projet de vie Maintenir et développer ses activités sociales Comme je l’ai dit précédemment on ne peut qu’être d’accord avec cette définition des missions de l’accueil familial dans la mesure où elle exprime un ensemble d’intentions louables et humanistes en direction des personnes qui sont accompagnées dans ce dispositif. Cependant ces orientations très généralistes, qui devraient pourtant avoir vocation à donner un cadre à cette activité, ne précisent pas le but, ne déclinent pas les objectifs et les moyens à mettre en place. Lorsque l’ambition affichée est de réaliser un projet de vie, la question du sens et des moyens qui seront nécessaires pour ce travail doit se poser. J’ai constaté dans les propos et les attitudes des accueillants que j’ai interviewés que d’une part ils ne faisaient pas le lien entre ces orientations et leur travail au quotidien et que d’autre part, si certains les prenaient en compte, la lecture qu’ils en faisaient et l’énergie qu’ils déployaient étaient orientées avant tout vers le maintien à tout prix de la personne à leur domicile. Il est possible que ce soit la bonne interprétation mais si tel est le cas alors ces orientations limiteraient considérablement les perspectives qui pourraient s’ouvrir aux personnes accueillies. Elles rendraient par ailleurs caduques toutes tentatives d’élaboration d’un projet qui doit être amendé en fonction de l’évolution de la personne qui est prise en compte. J’ai relevé que d’une manière unanime la question de la précarité de leur statut place les accueillants dans une inquiétude profonde. Cette précarité se traduit par le fait que l’accueillant ne perçoive pas de revenus si la personne quitte, définitivement ou de façon temporaire, le domicile de l’accueillant. Cette inquiétude semble les empêcher d’imaginer que d’autres options pour les personnes qu’elles accueillent puissent être envisagées. Il pourrait s’agir d’une orientation vers un établissement médico-social pour des personnes qui présentent des pathologies lourdes, incompatibles, selon les termes propres des accueillants, avec une vie au sein d’une famille ou la possibilité de vivre en appartement « protégé » ou non pour d’autre personnes présentant des handicaps plus légers. Cette difficulté présentée comme centrale par les accueillants, associée à un manque de précision certain des textes donne une coloration particulière au travail effectué par les accueillants. Cette coloration est visible dans la mesure où les actions prioritaires engagées par les accueillants sont mises en place avec les préoccupations suivantes : 83 Le souci d’une adaptation permanente de la personne accueillie aux règles qui régissent la vie quotidienne de la famille Une absence quasi-totale de perspective sur le devenir de la personne en dehors de la poursuite de l’accueil Un travail très centré sur les soins médicaux, qui est parfois justifié et donne la possibilité d’une reconnaissance crédible de l’activité d’accueillant, mais qui en contrepartie place la personne accueillie dans une position d’objet de soins plutôt que dans celle de sujet de droit. Les résultats de l’interview semble confirmer ce dernier commentaire car la partie qui traitait de l’accueil est celle pour laquelle les accueillants ont montré le plus d’intérêt et se sont donc fort logiquement le plus exprimés. Il est certain que c’est sur cette partie de leur activité que les accueillants, de façon très consciente, se mobilisent le plus. Les questions du projet dans la partie accompagnement et du travail sur la socialisation sont considérées comme annexes. Ces sujets, très majoritairement, ne font pas l’objet d’une réflexion et d’une démarche structurée qui s’articulerait avec le travail qui est fait sur l’accueil. Je vais revenir plus longuement sur ce point dans la partie qui traite de l’écart ou non qui existe entre les résultats de l’enquête et l’approche théorique concernant l’accueil familial Il est par contre évident que j’ai constaté, malgré ce que j’appellerai un déficit de sens et de méthodologie, la volonté de l’ensemble des accueillants, malgré des moyens limités, de répondre à l’attente des prescripteurs, des décideurs institutionnels et des services qui assurent les missions de contrôle et de suivi Il existe donc, même si de prime abord il n’est pas évident, un écart selon moi entre les textes et la pratique décrite par les accueillants dans les interviews. Les textes développent des arguments humanistes ambitieux au bénéfice des personnes handicapées accueillies mais ne définissent pas les objectifs ni les moyens nécessaires à leur mise en œuvre. La réalité de l’activité comme me l’ont décrite les accueillants est plus triviale, fondée sur des pratiques très individualisées, sur le principe de l’expérimentation et avec le souci de préserver leurs revenus en conservant les personnes à leur domicile. Cet écart par contre pose selon moi la question de la place donc du statut de la personne accueillie dans le dispositif de l’accueil familial social. 3.3.2. Écart entre les résultats de l’enquête et mon approche théorique J’avais, dans la première partie de mon travail de recherche, tenté de définir les apports de l’accueil familial social en les inscrivant dans le concept du quotidien. L’activité de l’accueillant familial tient sa légitimité et son intérêt dans les valeurs propres à la vie quotidienne. Dans cette approche théorique le travail de l’accueillant familial se décomposait en deux parties, l’une concernant le travail sur la notion de sujet et la seconde sur celle de la socialisation. 3.3.2.1. Le travail sur le sujet Ce travail pose le postulat que l’accueil familial permet à la personne d’exister en tant que sujet, en l’aidant à restaurer une confiance en ses capacités propres. J’avais déterminé que ce travail se composait de deux parties importantes, l’accueil et l’accompagnement. C’est donc cette approche que je vais mettre en parallèle avec les données que j’ai recueillies dans cette enquête auprès des 14 accueillants interrogés. 84 l’accueil J’avais défini les attentes que l’on pouvait avoir par rapport à cet accueil en quatre points : Satisfaire les besoins élémentaires (manger, dormir, être chauffé...). Dans cette partie je n’ai pas trouvé d’écart. Les données que m’ont transmises les accueillants sont semblables à celles que j’avais pu mettre en exergue et qui sont d’ailleurs celles posées en terme d’obligations faites à l’accueillant dans les textes règlementaires Manifester du respect à la personne en garantissant son intimité c’est l’aider à renforcer ou retrouver l’estime de soi. Je n’ai pas noté d’écart évident si ce n’est le fait que le déroulement de la journée est en général assez structuré et ne laisse peut être que peu de place à l’initiative des personnes accueillies. Faciliter l’intégration de la personne dans le groupe que représente la famille c’est lui donner la confirmation de sa valeur et de sa place en tant qu’individu. Là, également, je n’ai pas noté d’écart. L’accueillant joue son rôle de passeur et de médiateur et permet à la personne accueillie de prendre sa place au sein de cette cellule familial. Je n’ai pas senti, alors que les conjoints étaient présents lors de quatre interviews, de tension particulière par rapport à l’accueil de personnes en situation de handicap. Bien au contraire les conjoints apportaient un soutien au quotidien qui est souvent nécessaire notamment lorsque les personnes accueillies présentent des handicaps lourds. Il semble qu’effectivement, pratiquer l’accueil familial c’est devoir impliquer l’ensemble des membres de la famille dans ce projet. La seule restriction qui m’est apparue est la possibilité que peut avoir l’accueilli de faire des choix personnels au quotidien différents de ceux que font les membres de la famille. Être attentif à la personne dans le soin qui lui est apporté pour créer un climat bénéfique à la personne mais également à tous les membres de la famille. J'ai noté chez l’ensemble des accueillants un réel intérêt, de l’attention, ainsi qu’un plaisir certain dans le travail qu’ils effectuent au quotidien avec les personnes en situation de handicap. Je relèverai simplement deux points qui viennent selon moi nuancer ce constat et peut être mettre à jour un écart. L’attention, et j’ajouterai la vigilance, qui sont portées à la personne accueillie prennent parfois des formes dévoyées de leurs fonctions d’origine d’aide à la structuration et au renforcement de l’identité de l’individu comme je les avais présentées dans mon approche théorique. En effet j’ai ressenti dans beaucoup d’interviews que ce qui motivait l’attention qui est portée aux personnes avait avant tout pour mobile une inquiétude par rapport à la question de leurs responsabilités. Cette inquiétude, plutôt qu’un épanouissement, peut selon moi, entraîner une restriction dans les possibilités d’expression et d’expérimentation que peuvent faire les personnes accueillies. Le second point concerne la conception qu’ont les accueillants de la question du soin. Sans négliger, comme je l’ai dis précédemment, l’attention qui est portée à la personne, le suivi des soins médicaux est l’élément mis le plus en avant dans la fonction d’accueillant. La question de la responsabilité se pose bien évidemment à nouveau dans ce domaine précis. Il me semble en effet qu’il existe un risque que la personne ne soit pas prise en compte dans sa dimension d’individu ayant des potentialités à développer ou à retrouver mais plutôt comme une personne « malade » donc appréhendée simplement sous l’angle de sa nécessaire dépendance à l’accueillant. La recherche de parité et la prise en compte des potentialités de chaque personne reçue peuvent être alors négligées par l’accueillant. 85 J.J. Schaller dans un article du Bulletin de psychologie intitulé « Symptôme ou déni du sujet » 33 en parlant de la façon dont sont considérées les personnes en structures hospitalières écrit : « La personne est prise dans une logique organisationnelle centrée sur la maladie, elle est entendue simplement au titre de ce qu’elle est à savoir une personne malade. Il faut dépasser cette logique organisationnelle pour se centrer sur la logique du sujet acteur de sa vie » Ces deux points me semblent importants à relever. Ils présentent selon moi le danger que l’accueillant se donne simplement comme missions de garantir la santé et la sécurité physique de la personne accueillie. Il ne prend alors pas en compte la dimension psychologique de l’individu qui nécessite de la part de l’accueillant une attention particulière pour chaque personne accueillie. L’accompagnement Pour mon approche théorique je m’étais appuyé, pour le travail dans ma première partie sur la définition du projet que donnait J.C.Cebula 34, à savoir : se représenter une situation actuelle. se projeter dans une situation avenir produire et ordonner un ensemble de faits pertinents décliner les moyens nécessaires vérifier la volonté et l’intention qui, sont investies pour atteindre les objectifs J’avais ajouté : « permettre à la personne accueillie une appropriation de son parcours de vie » J’avais, néanmoins, émis des réserves car il me semblait que cette formalisation d’une démarche de projet qui en déclinait toutes les étapes pouvait apparaître de toute évidence trop ambitieuse. L’accompagnement comme processus dynamique de l’accueil familial n’est pas mis en avant par les accueillants. Cette composante du travail de l’accueillant n’est pas mise en valeur comme cela avait été le cas pour la partie accueil. Le principe du projet de vie individualisé n’est pas repérable de façon formelle dans les propos que j’ai pu recueillir. En effet je n’ai pas relevé de méthodologie précise et partagée par les accueillants qui pourrait servir de fondement et donner une lisibilité à cette activité d’accueil familial. Il n’existe pas de suivi particulier des actions qui sont engagées donc pas de questionnement ni de remise en cause sur la façon d’aborder le travail avec des personnes en situation de handicap. Ce point, peut être, pose la question de la formation ainsi que celle des modalités de collaboration entre les professionnels du secteur médico-social et les accueillants familiaux. Néanmoins j’ai senti, avec des approches et des moyens différents, la volonté chez beaucoup d’accueillants de rendre vivante et intéressante leur activité. Cette volonté se traduit souvent par une approche plutôt basée sur des expérimentations que sur la déclinaison d’un projet dont les objectifs seraient le fruit d’une observation. Le principe de l’expérimentation me paraît 33 34 Bulletin de psychologie N° 402 de 1991 Guide de l’accueillant familial Ed Dunod 2000 86 néanmoins intéressant car même si il est moins explicite et plus empirique qu’un projet élaboré il peut apporter plus d’éléments de réflexion que le simple énoncé de grands principes sur la façon de réaliser l’accompagnement d’un adulte. Il me semble pourtant, au regard de la collecte des réflexions des accueillants, qu’il serait peut être possible de définir une méthodologie du projet qui prennent en compte les possibilités mais aussi des limites de l’accueil familial social. L’accompagnement dans le sens de mettre la personne au centre du dispositif par l’intermédiaire d’un projet n’est pour l’instant pas mis en avant par les accueillants. Ce constat sur l’accompagnement vient, il me semble, confirmer la difficulté qu’a le dispositif de l’accueil familial dans sa forme actuelle à pouvoir assurer un travail sur la subjectivation. C’est à dire prendre en compte la personne en tant que sujet, orienter et organiser son action en fonction de la problématique, des capacités et des souhaits de cette dernière. Il me semble, en général, qu’il n’y a pas de maîtrise de la part de l’accueillant qui s’en remet aux seules vertus du quotidien et de la manière de vivre de la famille. La phrase de Jean Rouzel dans l’écrit collectif « Les usagers de l’action sociale, sujets, clients ou bénéficiaires » 35 me semble bien donner le contexte dans lequel doit s’engager la réflexion sur la place du sujet dans l’accueil familial social. « L’homme n’est pas un être de besoin mais un être de désir » 3.3.2.2 Le travail de socialisation Il présentait la possibilité, pour l’accueil familial d’aider la personne accueillie à s’inscrire ou se réinscrire dans une vie sociale normée. Cet aspect de l’accueil familial n’est pas évoqué dans les textes donc je ne peux pas parler de la réalité ou non d’un écart. On peut néanmoins considérer qu’il existe un écart par défaut .Ce travail autour de la socialisation ne constitue pas une obligation qui est faite aux accueillants et n’est pas apparu dans cette enquête comme pris en compte de façon consciente par la majorité de ces derniers. Il n’en reste pas moins vrai qu’un travail est effectué. La mesure de l’écart entre ce travail effectué et mon approche théorique me semble plus pertinente que celle qui existe avec les textes règlementaires. J’avais précisé dans la première partie de mon écrit que ce travail de socialisation se caractérise par une succession d’apprentissages et d’actes répétitifs amenant chez le sujet un sentiment de sûreté qui lui permet de répliquer ces expériences dans le milieu « hostile » que peut représenter l’extérieur du domicile. J’avais relevé une définition de B. Bégout dans son livre intitulé « la découverte du quotidien »36 que je vais reprendre dans la mesure où elle me semble décrire le principal écart que j’ai pu relever entre les éléments recueillis et la vision plus conceptuelle que j’avais tenté d’élaborer. Il écrit en parlant des apports du quotidien pour un individu : « La capacité du quotidien à domestiquer l’inquiétude originelle de l’être au monde ». Il me semblait en effet que cette inquiétude était partagée par beaucoup de personnes accueillies au regard des parcours de vie souvent douloureux qu’ils avaient pu avoir. Au delà du fait, comme je l’ai dit, qu’il n’existe aucune obligation concernant la mise en œuvre de ce travail j’ai noté dans le peu d’expressions des accueillants familiaux cette part d’inquiétude. Elle ne peut pas être qualifiée d’originelle, mais elle constitue selon moi le premier obstacle à un travail serein sur ce thème de la socialisation. 35 J Rouzel « Les usagers de l’action sociale, sujets, clients ou bénéficiaires »Ed L’Harmattan 2001 36 B.Bégout, 2005, « la découverte du quotidien », Ed Allia 87 Si un travail de réassurance auprès de la personne accueillie est bien effectué, le même travail semble aujourd’hui nécessaire auprès des accueillants pour qu’ils puissent imaginer cette composante qu’est la socialisation comme un des apports possibles de l’accueil familial social. Dans la partie précédente concernant le travail sur le sujet je mettais en avant comme explication possible à l’écart que j’avais relevé principalement la question de la responsabilité des accueillants vis-à-vis de la santé et la sécurité de la personne. En ce qui concerne cette partie je fais le même constat en ajoutant une seconde cause de l’écart qui est la précarité du statut, du fait de la dépendance qui existe entre les revenus de l’accueillant et la présence ou non de la personne au domicile. Cette position précaire repousse chez l’accueillant toute velléité à réfléchir sur un projet individuel. L’élaboration d’un projet individuel pouvant amener la possibilité d’envisager d’autre options pour la personne accueillie que celle de rester au domicile de l’accueillant. Difficile de rassurer l’autre et de le confirmer dans ses potentialités si ce travail risque de vous mettre dans une perspective de précarité ! Je considère qu’au regard des éléments que j’ai relevés dans mon enquête le travail effectué par les accueillants ne peut pas se définir simplement par la description qui est faite dans les textes règlementaires. Il s’agit de l’écart entre les tâches prescrites et les tâches réalisées. Les missions qu’assurent les accueillants que j’ai interrogés dans cette enquête m’ont paru aller bien au-delà de celles qui peuvent être décrites dans les obligations qui leur sont faites. Il me semble que l’option que j’avais prise de tenter de définir cette activité en m’appuyant sur le concept du quotidien et des apports possibles qu’ils induisaient était la bonne. Ce concept m’a permis de définir de façon plus précise que les textes l’activité de l’accueil familial ainsi que ses contenus et l’intérêt que cette organisation peut présenter dans le dispositif médicosocial. Les bénéfices que les personnes accueillies peuvent en retirer sont indéniables au regard de leurs vies antérieures : La possibilité qu’elles ont d’être reçues dans le cadre de l’accueil familial m’a semblé être un plus évident par rapport à leur parcours antérieur souvent synonyme d’abandon, d’isolement ou de maltraitance qui, prenait des formes diverses. L’attention, l’engagement et la compassion dont font montre la grande majorité des accueillants que j’ai interrogée, malgré des moyens limités (manque de méthodologie, partenariat parfois absent, habitudes solitaires de travail..) et une confrontation quotidienne avec des pathologies parfois lourdes qui n’est pas aisée. La prise en compte de ces mêmes pathologies lourdes qui impliquent des tâches souvent ingrates néanmoins bien acceptées par les accueillants Un travail de structuration autour des règles de vie familiales qui permet à la personne reçue de retrouver des habitudes de vie normalisées Le sentiment d’appartenir à une communauté J’ai senti chez beaucoup d’accueillants une volonté de « bien faire ». Ceci démontre qu’être accueillant familial contrairement à ce qu’aurait pu laisser croire les premières motivations que j’avais collectées dans les enquêtes d’agrément, va au-delà de la simple envie de voir sa situation personnelle s’améliorer. Cette volonté semble également démontrer la nécessité pour les accueillants familiaux de donner un sens et des objectifs à leur travail donc à leur existence. Des accueillants qui auparavant se questionnaient surtout sur l’intérêt de leur travail antérieur ou simplement sur leur devenir en terme économique. Sans l’avoir analysé de façon précise j’ai eu le sentiment qu’il peut exister une espèce de similitude entre les parcours de vie antérieurs des 88 accueillants avec ceux des personnes accueillies. C’est un élément qui peut favoriser la rencontre entre personne accueillant et personne accueillie. Ce constat est donc positif si l’on positionne l’accueil familial social simplement comme un dispositif en mesure d’offrir à des personnes handicapées une amélioration certaine de leur situation par rapport à des situations antérieures difficiles. Par contre si l’ambition est qu’il prenne une place dans le dispositif médico-social, l’écart principal me semble être le statut de l’usager comme le définit la loi 2002. Je développerai cette réflexion plus avant dans le chapitre qui traitera du devenir de cette activité. A ce stade de mon travail il me semble maintenant nécessaire et possible de donner les principales caractéristiques de l’activité d’accueillant familial telles que me les ont décrites les accueillants eux-mêmes. 3.4. Tentative de définition de l’activité d’accueillant familial L’activité d’accueillant familial actuelle qui se dessine dans les propos des accueillants présenterait les caractéristiques suivantes: De bonnes conditions d’accueil qui satisfont les besoins de confort et de respect de l’intimité de la personne accueillie L’accueillant doit connaître la problématique ou pathologie particulière de chaque personne accueillie afin d’adapter son accueil L’accueillant doit jouer le rôle de médiateur avec l’environnement de la personne accueillie (voisinage, curateurs, famille naturelle, intervenants médicaux, membres de la famille de l’accueillant) L’accueillant met en place une dynamique de partage (tâches ménagères, sorties, évènements familiaux.) Sa mission principale est de veiller à la santé de la personne accueillie Il doit être capable de poser des règles de vie précises Il doit pouvoir consacrer plus de temps individuel aux personnes accueillies que ne peuvent le faire les établissements médico-sociaux Le postulat de départ est que la personne accueillie est appelée à rester toute sa vie au domicile de l’accueillant Le travail de l’accueillant a pour objectif prioritaire le maintien à domicile de la personne accueillie dans les meilleures conditions possibles pour cette dernière ainsi que pour l’ensemble des membres de la famille Le projet implicite développé pour la personne est le résultat de la volonté individuelle de l’accueillant L’accueillant a conscience de ses limites (compétences, composition de la famille, lourdeur des pathologies.) et souhaite se servir de ses expériences d’accueil pour pouvoir faire une offre la plus adaptée possible et rendre viable l’accueil Il souhaite que son activité soit mieux reconnue (statut, représentation sociale) Cette activité basée sur le principe de la relation d’aide est perçue comme valorisante. Les compétences qui, selon les accueillants, seraient nécessaires à la pratique de cette activité relèvent majoritairement de compétences que l’on peut qualifier de médicales ou de paramédicales : avoir la capacité d’observer et de faire un diagnostic 89 avoir une connaissance concernant les soins médicaux et l’évolution des pathologies avoir une formation de base dans le secteur sanitaire avant de s’engager dans cette activité avoir des compétences techniques (aide aux transferts, nutrition, toilettes, premiers secours.) être en mesure d’assurer la coordination des intervenants médicaux A côté de ces compétences médicales un certain nombre d’autres sont citées dans l’ordre d’importance suivant : capacité à poser des règles capacité à prendre du recul. Prendre du recul dans la relation affective qui s’est instaurée mais également pouvoir prendre du recul par rapport à l’emploi du temps de certains accueillants qui recherchent la possibilité de se ménager du temps libre pour pouvoir « souffler ». Ces deux thèmes sont, après celui des compétences médicales, les plus souvent citées par les accueillants. Les compétences suivantes, par contre, ne sont citées qu’une fois ou deux : capacité à aider au développement d’une aptitude artistique capacité d’analyse des situations vécues connaissance de gestion administrative et financière capacité à travailler en réseau avec les « collègues » et les partenaires institutionnels être patient être à l’écoute connaissance de ce qui se passe dans une famille (dynamique familiale) Cette définition de l’activité d’accueillant et les compétences nécessaires qui semblent nécessaires mettent à nouveau en avant l’importance que les accueillants accordent à leur mission concernant les soins et dans une moindre mesure celle qui concerne le respect par l’accueilli des règles et habitudes de vie familiales Lorsque j’ai demandé leurs souhaits de formation, 10 accueillants ont mis en avant la nécessité de bénéficier de formations ayant un contenu médical ou para médical. Seuls 2 accueillants ont évoqué le souhait d’avoir des formations basées sur une approche plus psychologique de la personne. Au regard de tous ces éléments se pose la question centrale de savoir si l’offre proposée par l’activité de l’accueil familial social est en capacité d’évoluer dans le sens d’une prise en compte de la personne handicapée accueillie comme personne « sujet de droit » plutôt qu’«objet des soins ». Il n’y a pas de doute, d’après les données recueillies dans cette enquête, sur le fait que la personne accueillie dans le cadre de ce dispositif fasse l’objet de toute l’attention nécessaire pour qu’elle puisse retrouver une certaine stabilité affective et des habitudes de vie plus normées. En revanche il me semble, que le dispositif de l’accueil familial social se trouve aujourd’hui en termes de présentation d’une offre qui lui serait spécifique devant un dilemme. Ce dispositif doit-il s’engager dans une mise en conformité avec le texte de la loi 2002 qui implique une prise en compte différente des usagers, ou rester dans une forme d’activité qui semble plus être inspirée par le texte de loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales? Les lois de 1975, n°75-535 et 75-534, sur les institutions médico-sociales et celle d’orientation en faveur des personnes handicapées mentionnaient les besoins à satisfaire mais n’évoquait pas la question des droits de ces personnes. Ces textes étaient réfléchis à travers une 90 logique de services et de structuration du secteur et non à partir des attentes de la personne. On peut dire qu’en ce qui concernait l’approche de la problématique du handicap, prévalait une approche sanitaire. La loi de 2002, donne une définition de l’action médico-sociale qui n’est plus centrée sur l’institution mais sur la personne. En effet l’article L 311-3 précise cette orientation en mettant l’usager au centre du dispositif en tant que sujet de droit. Il stipule : la nécessité de respecter son consentement qui doit être systématiquement recherché la participation de la personne à la conception et la mise en œuvre d’un projet d’accompagnement une information sur ses droits fondamentaux et sur les voies de recours qui doivent être mises à sa disposition. Il est bien question pour l’ensemble du dispositif de l’accueil familial social (Conseils Généraux garants de l’agrément, services assurant le suivi médico-social, accueillant, tuteurs..) de savoir s’il est en capacité de proposer une manière différente de concevoir la place de l’usager dans ce dispositif. Il s’agit de faire évoluer la position de la personne handicapée d’un statut de patient, « objet de soins », qui renforce une prise en charge de type sanitaire vers un statut de citoyen « sujet de droit » qui implique un accompagnement de l’accueilli structuré sur la base d’un projet individualisé amendable, qui place la personne accueillie dans la position d’être entendue comme acteur de sa vie et en mesure d’effectuer des choix personnels. La définition que donne du sujet A .Touraine37 : « le sujet est la volonté d’un individu d’agir, d’être reconnu comme un acteur » donne une idée du travail que pourrait réaliser l’accueillant familial pour donner à la personne accueillie la possibilité et la volonté de s’inscrire dans une vision dynamique de son existence. J’ai compris que les accueillants n’étaient pas en phase avec ces enjeux qui visiblement ne leur sont pas présentés. Ils agissent selon des habitudes ancrées en pensant que les valeurs humaines et familiales déployées jusqu‘alors sont suffisantes pour légitimer leur activité. Je n’ai pas senti de prise de conscience sur le fait qu’une réflexion pouvait, ou devait être engagée sur la place de l’usager dans ce dispositif. Le fait, souvent, d’être l’unique solution face au manque de places en institution a semble-t-il renforcé l’idée que la personne au centre du dispositif n’était pas la personne accueillie mais l’accueillant. Le nombre restreint d’accueillants au niveau national renforce cette impression. Tout ceci peut créer un déséquilibre dans les rapports entre les deux acteurs centraux de l’accueil familial en défaveur des personnes handicapées accueillies. J.J. Schaller (bulletin de psychologie..) dans un article fait un constat qui pourrait illustrer cette difficulté : « Dans la culture hospitalière le personnel sait ce qu’il faut faire alors que l’usager est « un sujet de soin. Le personnel est chez lui, c’est son lieu de travail, l’usager ne se voit pas reconnaître un « chez moi ». L’organisation est centrée sur les besoins des personnels » 37 A Touraine Critique de la modernité Ed Fayard 1992 91 A cet élément, s’ajoute le fait que les accueillants ne bénéficient pas d’un statut de salarié ce qui rend difficile la mise en place de démarches d’évaluation des actions comme cela est prévu dans la loi 2002 en direction des établissements médico-sociaux. Face à ces deux orientations possibles représentées par les textes de 1975 et 2002 la question se pose des évolutions qui pourraient intervenir dans cette activité. J’ai dans la dernière partie de mes interviews consacré du temps avec chaque accueillant pour qu’il me fasse part des propositions qui selon lui pourraient faire évoluer leur activité. 92 4. PROPOSITIONS CONCERNANT L’EVOLUTION DE L’ACTIVITE DE L’ACCUEIL FAMILIAL SOCIAL 4.1. Les propositions des accueillants Là aussi, les 14 accueillants interrogés se sont exprimés sur ce sujet. En préambule j’ai relevé le fait que répondre à cette question leur donnait surtout l’opportunité de s’exprimer sur les difficultés qu’ils rencontraient plutôt que de faire des propositions structurées concernant l’avenir de cette activité. Je précise que leur questionnement ne se situe pas dans le cadre de ce débat entre deux orientations possibles dont je viens de parler mais touche à des préoccupations plus ordinaires qui concernent le quotidien de leur activité. La difficulté principale concerne, comme je l’ai déjà écrit, leur situation de travail qu’ils vivent tous comme précaire. Actuellement la grand majorité des accueillants familiaux bénéficient d’un statut hybride qui définit une activité libérale en partie salariée (la personne accueillie est l’employeur) et contractualisée (agrément). Les principaux points qu’ils mettent en avant sont : En priorité l’absence de revenus entre le départ d’une personne accueillie de leur domicile et l’arrivée d’une autre L’absence de droit au chômage La difficulté pour prendre des vacances en sachant qu’ils doivent trouver des solutions de remplacement pendant leurs absences La loi 2007-290 du 5 mars 2007 permet de donner un statut de salarié à l’accueillant en précisant que : « Les personnes morales de droit public ou de droit privé qui gèrent des établissements et services mentionnés aux 5° à 7° de l’article L312-1 peuvent, avec l’accord du président du conseil général, être employeurs des accueillants familiaux. Dans ce cas, il est conclu entre l’accueillant familial et son employeur pour chaque personne accueillie à titre permanent un contrat de travail distinct du contrat d’accueil. » J’ai interrogé certains accueillants sur ce point précis pour savoir si cela pouvait être une solution pour améliorer leur situation. La majorité d’entre eux n’était pas au courant et visiblement ne pouvait ou ne voulait pas répondre. La seule accueillante qui se soit exprimée a mis en parallèle les avantages et les désavantages de cette formule pour aboutir à la conclusion que cette solution présente plus de désavantages dans la mesure ou elle implique plus de contrôle, d'évaluation de leur travail et d’obligations à se former. En dehors des questions liées à leur statut « professionnel » les autres points évoqués sont : Un manque de reconnaissance et de communication sur leur activité d’accueillant Une impossibilité, du fait de l’éloignement et du manque d’instances, de se retrouver entre « collègues » pour échanger sur leurs pratiques. Les problèmes soulevés par l’accueil de personnes lourdement handicapées nécessitant une présence constante et des soins importants (transfert, hygiène, comportements.) 93 Le fait qu’il n’y ait pas un travail préparatoire préalable qui permettrait de rechercher une adéquation les capacités d’accueil de l’accueillant et les difficultés des personnes accueillies. Ce qui ressort de ces derniers points confirme le sentiment d’isolement souvent ressenti par les accueillants. Isolement géographique mais également isolement dans la réflexion que les interventions des professionnels qui assurent le contrôle et le suivi ne semblent pas combler. En partant de l’expression de ces difficultés, je vais tenter de définir un certain nombre de propositions qui me paraissent susceptibles de contribuer à l’amélioration des conditions d’exercice de cette activité donc de la qualité d’accueil qu’est en droit d’attendre l’usager. 4.2. Mes propositions Je vais inscrire mes propositions dans le cadre de la loi 2002-02. En effet il me paraît aujourd’hui difficile d’évoquer l’évolution de cette activité en ignorant le contenu et l’impact de ce texte dans le dispositif médico-social en direction des personnes en situation de handicap. C’est du moins un choix personnel qui me semble, au regard du travail que j’ai effectué, l’option la plus réaliste et la plus valorisante pour ses acteurs principaux que sont les personnes accueillies et les accueillants familiaux. Il permet en outre de donner les contours d’une offre crédible et facilement identifiable de l’accueil familial social. La question du statut devrait être revue car elle amène à des incohérences entre un travail objectif auprès des personnes accompagnées et les contingences économiques des accueillants familiaux. Malgré l’absence d’expression des accueillants sur ce point précis la piste qui me semble aujourd’hui la plus pertinente serait celle qui placerait l’accueillant dans un statut de salarié. Cette option faciliterait l’inscription de ce qui était jusqu’à présent considéré simplement comme une activité dans une approche métier. En effet cette approche métier que l’on peut définir par les critères suivants me semble pouvoir faire écho aux souhaits et revendications exprimés par les accueillants dans ces interviews. Une activité rémunérée encadrée qui permettrait d’apporter des réponses à la précarité du statut. Avoir un groupe d’appartenance qui faciliterait et organiserait les échanges et la réflexion entre personnes ayant la même activité. Des transferts de savoirs entre personnes qui pratiquent la même activité mais également entre les accueillants familiaux, les professionnels du secteur médico-social qui pourraient à terme aider à la réalisation d’un référentiel métier. Une reconnaissance par la société qui apurerait la question de la place de l’accueil familial social en l’inscrivant dans des dispositifs qui, eux, bénéficient de cette reconnaissance. En outre, cette reconnaissance ne peut qu’être bénéfique aux personnes en situation de handicap reçues au domicile des accueillants mieux perçues ainsi dans leur différence et leur dimension de sujet. Un travail avec d’autres partenaires. Ce travail est déjà engagé selon les termes des textes règlementaires avec les services des conseils généraux ou ceux qui ont délégation de ces 94 derniers pour assurer les missions de contrôle et celle du suivi médico-social. Ces missions concourent à structurer ce dispositif et à garantir un accueil qui se veut de qualité pour les personnes handicapées .Néanmoins, je pense que le statut de salarié modifierait les relations qui existent en permettant une meilleure prise en compte de l’accueilli dans un rôle d’acteur central avec qui pourrait se faire un travail d’échange et de réflexion commune plus poussé. J’ajouterai à ces points classiques qui caractérisent un métier d’autres points qui pourraient intervenir : Le contenu et l’organisation du dispositif de formation seraient peut être également à préciser. En ce qui concerne le contenu, fort de ce que j’ai pu relever dans mon enquête, un travail de réflexion pourrait être mené sur la prise en compte de la personne dans sa dimension de sujet. Cette réflexion implique d’associer par le biais de la formation une approche plus précise sur la relation d’aide à celle d’une approche plus médicalisée telle qu’elle est plébiscitée actuellement par les accueillants. En s’inspirant du dispositif de l’accueil familial qui existe dans le secteur de l’enfance, il serait peut être possible d’envisager la mise en place sur plusieurs années d’une formation constituée de différents modules. Cette dernière pourrait aboutir à l’obtention d’un diplôme ou du moins à l’acquisition par l’ensemble des accueillants familiaux d’un socle commun de connaissances et de manières de faire lisibles et reconnues. Un renforcement du travail de collaboration entre les services qui assurent le suivi médico-social et les accueillants familiaux. Les intervenants sociaux jouant un rôle de tiers dans les rapports qui existent entre l’accueillant et l’accueilli qui facilite la distanciation professionnelle et place l’activité de l’accueillant dans une dynamique professionnelle. Les accueillants bénéficiant ainsi d’un soutien de proximité et d’un partenaire proche pour réfléchir aux implications et aux conséquences de ce qu’ils mettent en œuvre dans les différentes situations qu’ils rencontrent au quotidien. Des éclaircissements à apporter par le législateur sur la question de la responsabilité inhérente à cette activité. Il paraît en effet indispensable de mieux définir cette responsabilité et les conditions d’exercice de cette dernière pour apporter plus de sérénité à l’accueillant dans son travail quotidien. Il s’agit bien de l’accueil de personnes adultes qui implique une obligation de moyens mais pas une obligation de réussite ni une obligation de devoir gérer l’imprévisible. Ces précisions me semblent précieuses pour l’accueillant pour qu’il puisse regarder les personnes handicapées accueillies comme des adultes pouvant assurer en fonction des capacités de chacun, un certain nombre de responsabilités et pas comme des personnes uniquement fragiles donc potentiellement en danger. J’apporterai néanmoins quelques réserves à ces propositions. Je me contente ici de les évoquer dans la mesure où les lever nécessiteraient un travail de réflexion et des actions qui devraient impliquer l’ensemble des décideurs institutionnels : Les principes agissants de l’accueil familial social s’appuient sur un partage 24h/24 de la vie quotidienne et des habitudes de vie familiales. Il semble ardu dans ce contexte d’appliquer des exigences de type professionnelles similaires à celle appliquées au secteur salarié. 95 La question du coût de la mise en place d’un tel dispositif est à étudier également. Ce changement de statut qui entraînerait un renforcement des liens de partenariat, une formation plus opérationnelle, une dépendance à une organisation, une meilleure prise en compte de la personne accueillie pourrait amener à une certaine forme de dépersonnalisation de l’action de l’accueillant. En effet il est possible que la spontanéité et la « force constructrice du quotidien » soient moins agissantes dans des conditions d’exercice de l’accueil familial social beaucoup plus structurées. Ces quelques propositions ne sont que des pistes à explorer. Elles peuvent contribuer à alimenter une réflexion indispensable sur l’avenir de cette activité qui doit s’inscrire dans le panel des réponses différentes que l’on doit pouvoir proposer à des personnes certes, toutes en situation de handicap , mais néanmoins uniques dans leur parcours de vie. 96 CONCLUSION Aujourd’hui la place de l’accueil familial social dans la prise en compte des personnes en situation de handicap n’est pas contestée. En effet, cette activité bénéficie d’un cadre législatif et entre dans le champ de compétences des Conseil Généraux qui assurent les missions de contrôle et de suivi médico-social. Les rôles traditionnels reconnus à cette forme de prise en charge sont d’une part de trouver une solution face à l’impossibilité pour les familles naturelles de garder leurs enfants devenus adultes à leur domicile et d’autre part, de répondre au manque de places dans les établissements du dispositif médico–social. J’ai tenté dans mon travail de recherche, au-delà de cette vision courante de l’accueil familial social, d’en préciser les contenus, les spécificités et les intérêts pour des personnes en situation de handicap. J’ai essayé également d’en relever les limites et d’envisager les évolutions nécessaires pour que ce type d’accompagnement puisse s’inscrire dans le dispositif médico-social actuel. Il s’avère que cette organisation donne maintenant un certain nombre de garanties en ce qui concerne les conditions d’accueil. Elle permet en outre aux personnes accueillies de retrouver une certaine sécurité ainsi qu’une stabilité par rapport à une vie antérieure souvent difficile. Ce cadre étant posé, il semble néanmoins nécessaire de poursuivre la réflexion pour préciser les attentes des prescripteurs et des gestionnaires (familles, établissement, autorités de tutelles…).Réfléchir également sur les conditions à réunir en terme de statut, de formation et de praxis des accueillants familiaux afin d’envisager la transition de l’activité d’accueillant vers une dimension de « métier ».Ce mouvement pourrait permettre l’inscription de l’accueil familial social dans le dispositif médico-social selon les termes définis dans les textes de lois (2002 et 2005) qui donnent les orientations du travail en direction des personnes en situation de handicap. En février 2008, le ministre des relations sociales et de la solidarité a adressé à Mme la Député Valérie Rosso Debord une lettre de mission ayant pour objet la mise en place d’une réflexion devant aboutir à des propositions concernant le dispositif de l’accueil familial. On peut penser que cette réflexion et ces propositions concerneront également le dispositif particulier de l’accueil familial social et permettront d’imaginer le devenir de cette activité. En ce qui concerne l’aspect méthodologique, le travail que j’ai réalisé dans ce mémoire a présenté pour moi plusieurs intérêts : Le premier que je qualifierai de méthodologique est l’occasion que m’a fourni ce travail de me confronter à la mise en place d’une démarche de recherche qui se doit d’être rigoureuse et qui s’appuie sur la collecte, la présentation et l’analyse de propos recueillis à l’aide d’une enquête. Il m’a permis ensuite une distanciation par rapport à des a priori professionnels concernant l’activité d’accueillant. Le second intérêt concerne de façon plus précise le travail mené sur ma problématique de recherche. 97 J’ai pu, il me semble, approcher de plus près la réalité du travail des accueillants familiaux en ayant la possibilité de les rencontrer longuement à leur domicile lors des interviews. J’ai eu le sentiment grâce à ces interviews de leur donner l’opportunité de s’exprimer, en dehors d’un contexte institutionnel. Les résultats de ces interviews auront évidemment une influence sur ma façon de concevoir et de réaliser mon travail en partenariat avec les accueillants familiaux. J’ai pu avoir une vision plus précise et plus large du dispositif de l’accueil familial social. Une approche également plus étayée qui s’éloigne des représentations le plus souvent négatives qui ont cours sur cette activité. En outre, ce travail a permis de mettre en évidence les enjeux pour l’avenir de ce dispositif. Il m’a donné la possibilité de réfléchir aux solutions qui pourraient favoriser une évolution nécessaire pour les accueillants et par contre coup aiderait à mieux appréhender la place de la personne handicapée dans le dispositif de l’accueil familial social. En ce qui concerne plus précisément mon activité professionnelle, un certain nombre de pistes, suite à cet écrit, se dessinent. Un travail avec les accueillants ainsi qu’avec nos partenaires autour de l’élaboration des projets pour les personnes accueillies, les cursus de formation, un travail sur le contenu de la loi 2002-2 et plus particulièrement les droits de l’usager et la notion de sujet, la question de la responsabilité de l’accueillant dans son activité Je voulais finir cet écrit en précisant que j’ai été satisfait d’effectuer ce travail de recherche. J’ai essayé d’être le plus rigoureux possible et espère avoir pu contribuer modestement à une réflexion sur un sujet souvent délaissé par le secteur médico-social. 98 BIBLIOGRAPHIE BARBIER.B., La revue soins, psychiatrie article : l’adoption symbolique ; la filiation et l’identification, 03/2003 n°225 BEGOUT.B., La découverte du quotidien, Ed Allia. 2005 CEBULA J.C., L’accueil familial des adultes, Ed Dunod, 1999, guide de l’accueil familial, Ed Dunod, 2000 CHAVAROCHE.P., le projet individuel avec les personnes gravement handicapées, repères pour une pratique, Ed Erès, 2006 DE CERTEAU Michel, l’invention au quotidien, Ed folio, 1990 DEBORD.G., Revue internationale situationniste n° 6, 1961 HEIDEGGER Martin, Bâtir, habiter, penser « essais et conférences, Ed Gallimard, 1986 JODELET. D., Folies et représentations sociales, Ed PUF, 1989 LEFEBVRE. 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A., Critique de la modernité Ed Fayard 1992 ROUZEL.J., Les usagers de l’action sociale, sujets, clients ou bénéficiaires L’Harmattan, 2001 Ed 99 DRESS n° 31, Etudes et résultats, 1999 RAPPORT conjoint par la Fondation de France et l’Union Nationale Interfédérale des Œuvres et Organismes Privés Sanitaires et Sociaux 1986 RAPPORT BRAUN, 1988 RAPPORT DE L’Inspection Générale des affaires Sociales 1989 100 ANNEXES grille d’entretien contrat national type agrément départemental Questionnaire adressé aux prescripteurs 101 NOM : BERTHOLON FORMATION (1) PRENOM : YVES DATE DU JURY : 5/6/02/09 : Diplôme Supérieur du Travail Social TITRE : Gérer le quotidien ou favoriser la construction d’un projet de vie ? Un défi pour l’accueil familial social RÉSUMÉ : L’accueil Familial Social a une place particulière dans le travail effectué auprès des personnes en situation de handicap. L’activité d’accueillant familial véhicule beaucoup de représentations, ses contours et son offre sont peu lisibles. Ce travail de recherche a pour objet de présenter la réalité et les composantes de cette activité (historique, cadre juridique, acteurs, modalités) au niveau national et départemental. Pour définir de manière plus précise ses missions et sa spécificité il est nécessaire de mettre en vis à vis d’une part les obligations règlementaires, les attentes des prescripteurs, une approche théorique fondée sur le « quotidien » et d’autre part une définition de cette activité qui se dessine dans les réponses obtenues grâce à des interviews menés auprès des acteurs centraux de l’accueil familial social, à savoir les accueillants familiaux. Si l’accueil familial social présente un certain nombre de garanties en ce qui concerne les conditions d’accueil, de sécurité et de stabilité pour des personnes en situation de handicap, il est par contre difficile actuellement au regard des questions de statut, de formation, d’encadrement, d’imaginer la reconnaissance de cette activité en tant que métier. Cette reconnaissance permettrait cependant à l’accueil familial social de s’inscrire dans le dispositif mis en place en direction des personnes en situation de handicap selon les termes de la loi 2002-2. Si cette option était privilégiée par l’ensemble des intervenants de l’accueil familial elle nécessiterait une réflexion sur la place donnée à la personne accueillie comme sujet, acteur de son projet de vie. NOMBRE DE PAGES :101 VOLUME ANNEXE (2) : CENTRE DE FORMATION : Institut Régional Supérieur du Travail Educatif et Social de Bourgogne 102