HISTOIRE - THEME 3

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HISTOIRE - THEME 3
H III B – Sociétés et cultures rurales.
L’Occident médiéval est un monde essentiellement rural : 90% de la population vit dans les campagnes. Dans cellesci, coexistent plusieurs groupes d’hommes distincts disposant chacun de leur mode de vie propre.
Quelles sont les différents groupes présents dans les campagnes ? Comment vivent-ils ?
Les campagnes médiévales sont organisées en seigneuries qui accueillent deux groupes : les paysans et les nobles
disposant chacun de leur culture.
I.
La seigneurie rurale.
Dans l’imaginaire médiéval, le monde rural est composé de deux espaces opposés : l’ager ou sol cultivé et le saltus ou
sol non cultivé (forêts, landes naturelles). Cependant, l’ensemble de ce monde est organisé dans le cadre de la seigneurie
qui se développe en même temps que les campagnes grâce à l’union des seigneurs et des paysans.
A.
Le cadre de la seigneurie.
La seigneurie est d’abord foncière : le seigneur est le propriétaire des terres. Au XIe siècle, elle encadre tous les
paysans du Nord de l’Occident et se généralise dans le Sud (Catalogne, Italie, Sud de la France), où les paysans perdent
les terres dont ils sont propriétaires, les alleux. L’endettement, le désir de protection ou de mauvaises récoltes permettent
aux seigneurs de les accaparer et des les transformer en tenures.
La seigneurie a une structure bipartite : une réserve ou manse, exploitée par les domestiques du maître (les
prébendiers), et des tenures, concédées aux paysans contre services et redevances. Au fil des siècles, on constate une
réduction de la réserve et une multiplication des tenures paysannes. Cela est plus intéressant économiquement pour les
seigneurs qui renoncent à leurs terres les plus éloignées et conservent les plus rentables (prés, vignes) ou les moins
coûteuses (bois). Les tenures sont concédées contre une redevance fixe, en nature ou en monnaie, le cens, ou contre une
part proportionnelle des récoltes, le champart. A partir du XIe siècle, les tenures deviennent héréditaires et les paysans
peuvent les vendre.
Le prélèvement seigneurial s’explique par le fait que le seigneur exerce en même temps l’autorité. Au XI e siècle, le
seigneur accapare le ban (pouvoir de justice et de commandement) auparavant détenu par les rois et empereurs, devenus
incapables de l’exercer ; il est alors le seigneur banal. La possession d’un château est le symbole de cette autorité. On
parle alors de seigneurie châtelaine. Le seigneur banal impose souvent son pouvoir par le chantage et l’intimidation. Le
seigneur confisque les droits jusque-là réservés au roi, surtout le droit de justice. Il contraint par la force les paysans à des
usages, comme la perception de la taille dans le Nord de la France. Ces exactions deviennent des coutumes : le seigneur
qui garantit la sécurité impose en retour des corvées pour l’entretien du château et le droit de gîte pour les guerriers qui le
défendent. Enfin, au XIIe siècle, les seigneurs imposent des taxes sur les échanges (tonlieux) et sur l’utilisation
d’équipements dont ils ont le monopole comme le moulin, le four ou le pressoir (banalités).
Le développement de la seigneurie permet et est permis par le développement des campagnes.
B.
La seigneurie rurale accompagne la croissance.
Les progrès de l’agriculture médiévale sont dus à plusieurs facteurs. Les changements climatiques, en particulier
l’apparition d’un climat plus chaud, auraient facilité les défrichements et limité les famines. Du Xe au XIVe siècles, la
population de l’Europe occidentale passe de 22 à 54 millions. Cet essor démographique explique les migrations vers de
nouvelles zones de peuplement qui sont défrichées.
Les techniques agricoles s’améliorent aussi. La science agronomique apparaît avec des traités comme ceux de Walter
de Heuleyen en Angleterre ou de Pierre de Crescent en Italie. L’usage du fer renforce les outils de bois. La charrue
remplace l’araire, sauf dans les pays méditerranéens. Les animaux de trait sont désormais ferrés. Les techniques d’attelage
s’améliorent et facilitent le travail des champs avec le joug frontal pour les bœufs, le collier d’épaule et l’attelage en file
pour les chevaux. Les moulins à eau se multiplient et les moulins à vent apparaissent au XII e siècle, permettant
d’économiser le travail humain. Enfin, pour intensifier la production, l’ensemble des terres du village est réorganisé par
l’assolement, les terres arables sont réunies en quelques grands quartiers homogènes, les soles. Celles-ci sont soumises à
une rotation des cultures. Chaque sole est laissée sans culture (jachère) une année sur deux ou trois (assolement biennal et
triennal) permettant une augmentation des rendements qui passe de 2,5 à 4 grains récoltés pour un semé entre le XI e et le
XIIe siècle. La production alimentaire est plus forte, les cultures peuvent se diversifiées (légumineuses) et devenir non
alimentaires (lin et chanvre pour le tissu, plantes tinctoriales).
La mise en place de la seigneurie a également joué un rôle dans l’essor rural. Les exigences croissantes des maîtres ont
incité les paysans à mieux produire. Devant payer de plus en plus les droits seigneuriaux en monnaie, ces derniers vendent
donc davantage leur production sur les marchés et cherchent à répondre aux besoins des artisans des villes. La mise en
place de l’assolement n’a pu se faire que parce que le seigneur y contraint les communautés rurales. Les grands
défrichements ou essartages (XIe - XIIIe siècles) sont souvent le fruit des communautés paysannes encadrées et
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encouragées par des seigneurs soucieux d’obtenir des redevances. Parfois, seigneurs laïcs et ecclésiastiques (abbayes,
évêques) collaborent, les uns apportant la terre et les hommes, les autres le financement.
Le développement des campagnes en lien avec celui de la seigneurie montre bien qu’il existe une relation forte entre
le seigneur et ses paysans.
C.
La seigneurie rurale, union du maître et des paysans.
La phase d’oppression violente des seigneurs prend fin dans la seconde moitié du XIIe siècle. En effet, si la pression
seigneuriale est trop forte, les paysans risquent d’être attirés par un autre maître leur proposant des conditions plus
favorables car les seigneuries sont en concurrence.
Dénonçant les « mauvais usages » seigneuriaux, les communautés rurales négocient avec leur seigneur la mise par
écrit des droits. Ainsi, de 1150 à 1250, se multiplient les rédactions de franchises rurales qui fixent les coutumes et les
devoirs des paysans. Elles suppriment les obligations les plus dures, voire reconnaissent l’autonomie politique pour les
affaires locales (élection de représentants : jurés ou maires). Ce mouvement est relativement précoce et général lors de la
création de villages nouveaux ou dans des régions de défrichements, comme l’Allemagne et l’Espagne.
Ces chartes de franchises protègent les paysans de l’arbitraire seigneurial. Ce qui est écrit est fixé à jamais, empêchant
ainsi les seigneurs d’augmenter les redevances ou d’en créer de nouvelles. Mais ces chartes n’affaiblissent pas le système
seigneurial, elles le consolident et lui confèrent une certaine légitimité. De plus, ces concessions ne sont pas gratuites et
les paysans s’endettent pour les obtenir, restant ainsi sous dépendance économique du seigneur.
Les seigneuries, qui se développent du XIe au XIIIe siècles, accueillent des paysans dont les conditions de vie
s’améliorent en raison de nombreux progrès permis en grande partie par les liens avec le seigneur. Ce lien se matérialise
par l’apparition de villages où se constitue une société paysanne.
II. La société paysanne.
Entre le XIe et le XIIIe siècle, se mettent en place des villages à proximité du château du seigneur dans lesquels
s’instaurent des solidarités rurales entre des villageois dont le statut juridique et social est varié.
A.
Le regroupement paysan ou la naissance du village.
A la fin du XIIIe siècle, la carte villageoise de l’Occident est pour l’essentiel fixée. Le village en tant que noyau de
peuplement, structuré autour du cimetière, de l’église et du château, est né au XI e siècle. Le seigneur s’est accaparé le
droit d’édifier et conserver une forteresse privée. Elle est à l’origine du regroupement des hommes, de leur encellulement.
En Italie, on parle d’incastellamento : vers l’an mil, des familles paysannes se regroupent dans un village fortifié
(castellum), le seigneur attirant les hommes, parfois par la contrainte, parfois par des conditions avantageuses.
Les formes spatiales du village dépendent de son histoire et de son espace. Dans le centre de l’Italie, les habitations se
massent en anneaux concentriques autour du château. En Angleterre, les maisons s’alignent le long d’une ou plusieurs
rues parallèles qui relient le château à une porte monumentale ou à l’église. Les villages de défrichement prennent
l’aspect de villages-rue aux maisons jointives ou de village en « arête de poisson ». Dans le Sud de la France, les bastides
ou villages neufs ont un plan en damier.
Le village est le cadre de la vie des ruraux laquelle repose sur un certain nombre de solidarités.
B.
Les solidarités rurales.
La société rurale est structurée par plusieurs cadres de solidarité : la famille, la paroisse, le village.
La structure familiale évolue : on assiste à la disparition progressive de la famille élargie au profit de la famille
nucléaire, un couple et ses enfants. Globalement, le couple forme désormais la première cellule de la vie sociale. Cette
mutation liée à la croissance démographique qui rend difficile la coexistence sous un même toit de plusieurs générations.
L’Eglise, par le mariage, consacre le couple comme la première cellule de la vie chrétienne. La dissolution de la famille
entraîne une mutation de l’habitat : du XIe au XIIIe siècles, la taille de la maison diminue, tandis que l’espace habitable se
subdivise, séparant nettement la salle, les chambres et l’étable.
La cohésion du groupe villageois s’exprime par les dévotions communes. La célébration d’un saint patron, le partage
du cimetière, qui devient un lieu familier assurant l’intimité du groupe avec le monde des morts soudent le village. Les
retrouvailles à l’église lors de la messe dominicale et des fêtes religieuses en font un lieu de rencontre et de vie qui
renforce cette cohésion. Toute la communauté finance l’entretien de l’église ainsi que l’action du curé vis-à-vis des
villageois. Le lien entre la religion et la vie des villageois est fort ; il se matérialise par le maintien de rites autour des
cultures qui ont pris de formes chrétiennes, comme les rogations lors desquelles le prêtre bénit les terres et organise des
processions dans tout le village pour assurer la qualité des récoles.
Le village forme une communauté très soudée. Tout d’abord, en raison du partage d’un mode de vie commun
totalement tourné vers la culture de la terre qui assure la survie du village. L’essentiel du temps quotidien y est consacré
au fur et à mesure des saisons : taille de la vigne en mars, coupe et récolte des foins pour l’élevage en juin, moissons de
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juillet, vendanges et foulage des raisins en septembre, semailles en octobre, récolte des glands en novembre. Toutes ses
activités impliquent une solidarité entre villageois pour mettre en commun les moyens de chacun (utilisation des
communaux, autorisation de la vaine pâture…). Les communautés rurales sont d’autant plus soudées que l’encadrement
seigneurial, en pesant uniformément sur les hommes, renforce leur solidarité. A partir du XIIe siècle, les villageois font
front commun contre les abus du seigneur. Le village se compose aussi de communautés monastiques, de commerçants et
d’artisans regroupés dans des corporations (forgerons, boulangers, taverniers…), de mendiants et de vagabonds, d’agents
du seigneur.
Le village forme donc une communauté unie par un mode de vie commun malgré la diversité de ses habitants. En effet,
la majorité reste des paysans dont les statuts sont très variables.
C.
Servitude et liberté : du clivage juridique au clivage économique.
Si, jusqu’à l’an mil, esclaves et hommes libres se distinguaient de façon stricte, l’Occident, du XIe au XIIIe siècle,
connaît une uniformisation juridique. Tous les paysans dépendent de leur seigneur. La disparition progressive d’un
esclavage qui cesse d’être rentable au sein du système seigneurial et la mise sous dépendance de la paysannerie à l’ombre
du château entraînent cette uniformisation. Il n’y a alors plus ni homme libre ni esclave, mais des dépendants, soumis à
l’emprise du seigneur.
Pourtant, la trace d’hommes asservis apparaît dans les textes. Plus soumis que les autres, ce ne sont pas des esclaves,
c’est pourquoi ils sont appelés servi ou serfs. Les serfs sont privés de droits essentiels : ils ne disposent pas d’eux-mêmes
et peuvent être vendus par leur maître. Ce statut est héréditaire. Ils ne peuvent transmettre leurs biens sauf en payant un
impôt (mainmorte). Les serfs sont tenus à l’écart de la défense du village, de la justice seigneuriale et des ordres religieux.
Ils ne sont pas concernés par les chartes de franchises. Le servage ne concerne en fait que peu d’hommes. On l’estime à
8% de la population rurale en Angleterre en 1066 (d’après le Domesday Book, qui recense la population à cette date). Sa
géographie est très contrastée et il semble inexistant dans certaines régions. Le servage connaît d’importantes évolutions.
A partir de 1250, on assiste à un vaste mouvement d’affranchissement collectif. Mais, s’endettant pour payer leurs
libertés, les serfs passent d’une dépendance à une autre. Au même moment se développe le second servage, nouvelle
servitude non plus fondée sur la personne mais sur la terre. On parle de « serfs de la glèbe » dans le Mâconnais ou de
vilains en Angleterre : ils sont attachés à leur tenure qu’ils ne peuvent quitter et sont « taillables et corvéables à merci »,
selon l’expression de l’époque. Ainsi, c’est le statut de la terre qui détermine celui du paysan qui la cultive.
Cette évolution reflète l’apparition de nouvelles inégalités économiques parmi les paysans. Les paysans enrichis
parviennent à se défaire de leur dépendance, tandis que l’appauvrissement économique des autres paysans débouche sur
l’asservissement. La distinction fondamentale se fait dorénavant entre le laboureur qui possède un attelage et le
manouvrier ou brassier, paysan sans terre.
Entre le XIe et le XIIIe siècle, l’Occident se peuple de village qui rassemble des communautés rurales dont la
composition est extrêmement variée. Les villageois se sont rassemblés pour être sous la protection d’un seigneur, lequel
est le denier échelon d’une pyramide, la féodalité.
III. La féodalité.
La féodalité repose sur une relation d’homme à homme, symboliquement illustrée par la cérémonie vassalique. Elle
donne naissance à une société nobiliaire avec ses propres codes et son propre mode de vie.
A.
Qu’est-ce que la féodalité ?
Sous l’empire carolingien, quelques grandes familles jouissent d’un pouvoir considérable. Fiers de leurs ancêtres,
sénateurs romains ou chefs barbares, ces aristocrates possèdent d’immenses domaines. Ils sont liés au souverain par des
liens de parenté et par des chartes prestigieuses à la cour ou dans les provinces. Profitant de l’affaiblissement de l’empire,
les Grands ont réussi à rendre héréditaires leurs charges devenant les maîtres de leurs terres. Ils procèdent alors de la
façon que l’empereur avait procédé avec eux et se liens à d’autres hommes en leur confiant des charges.
Ainsi, se mettent en place des relations d’homme à homme, entre le maître et le fidèle. Le premier ou suzerain est ainsi
tenu de défendre et de garantir son fidèle contre ses ennemis, de lui rendre justice et de se porter garant devant tout autre
suzerain, de lui accorder enfin une protection naturelle et une aide, en assurant son entretien par l’octroi de biens ou fief.
Le second ou vassal doit l’aide et le conseil (service de cour et de justice). L’aide militaire est la raison d’être du contrat
vassalique. Cette aide revêt plusieurs formes : service d’ost pour assurer la sécurité du territoire du suzerain, service de
chevauchée (expédition offensive de courte durée), service d’escorte, service de garde au château du suzerain. Mais l’aide
est aussi une assistance matérielle car, dans des circonstances exceptionnelles, le vassal doit mettre ses biens à la
disposition du suzerain. Pour limiter les exigences du suzerain, les cas de figures et le montant de cette aide sont
réglementés. L’aide est attribuée dans les quatre cas suivants : rançon du suzerain, chevalerie du fils aîné, mariage de la
fille aînée, départ pour la croisade.
A partit du XIe siècle, l’octroi du fief l’emporte sur le lien personnel. L’aspect économique des relations féodovassaliques passe au premier plan. Le fief, jusque-là récompense, devient la condition et la raison d’être des dévouements
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personnels. Dans le même temps, le fief échappe progressivement au contrôle du suzerain pour entrer dans le patrimoine
du vassal. Le fief devient héréditaire moyennant le paiement de droits de mutation, le relief. Il se transmet donc au sein
d’une famille qui constitue un lignage. Le mariage est utilisé pour créer des solidarités entre familles, certaines gagnant en
puissance par l’étendue de leurs alliances. Cette recherche de puissance pousse des vassaux à prêter hommage à plusieurs
suzerains, attirés par l’appât du gain. Mais, il devient alors difficile d’exiger les services des vassaux. La solution est
l’hommage-lige par lequel le vassal promet une foi complète à l’un de ses suzerains. Mais il ne résout pas complètement
le problème puisque tous les suzerains se mettent à l’exiger.
Les cas de conflits entre suzerains et vassaux sont nombreux. Si un suzerain abuse de son pouvoir, le vassal peut jeter
à ses pieds le fétu (un brin de paille), dans un geste de défi, provoquant la guerre entre les deux parties. Si le vassal trahit
son suzerain, ce dernier saisit le fief : c’est la commise de fief. Profitant de cette évolution, les rois utilisent la féodalité
pour restaurer leur autorité. Par exemple, en France, le roi se fait l’arbitre des conflits entre vassaux et peut procéder à la
commise d’un fief d’un vassal ayant trahi son suzerain, un félon. Il parvient également à mobiliser les seigneurs dans
l’armée royale. Le pouvoir du roi se rétablit donc progressivement. Il se place désormais au dessus de la pyramide féodale
et commande de plus en plus à ses vassaux qu’ils soient ducs, marquis, comte, vicomtes ou barons.
Du XIe au XIIIe siècle, se met en place une structure liant entre eux les différents seigneurs, la féodalité. Cette
structure se matérialise à travers un certain nombre de rites.
B.
Les rites féodo-vassaliques.
La vassalité est un contrat conclu entre deux hommes au cours d’une cérémonie dont l’hommage est l’acte essentiel.
Le rite comporte un don de soi du vassal au suzerain. Le futur vassal se présente la tête nue, sans armes, s’agenouille,
place ses mains dans celles du suzerain féodal (immixtio manuum). Il devient ainsi l’homme du suzerain. Ce geste rituel,
qui crée des liens de subordination du vassal par rapport à son suzerain, est souvent accompagné d’une déclaration de
volonté qui en renforce la portée : « Voulez-vous être mon homme ? », « Je le veux ». La subordination du vassal
contrairement à celle de l’esclavage, est librement consentie.
Sous l’influence de l’Eglise, un second acte suit immédiatement le geste des mains, le serment de fidélité. Par une
formule plus ou moins longue, le vassal précise la nature de son engagement et prête serment de fidélité sur des livres
saints, la Bible par exemple, ou sur des reliques de saint, afin de placer sa promesse sous la protection de Dieu. La rupture
de cet engagement sacré fait du coupable un parjure. Au cours du XIe siècle, le serment de fidélité devient la partie
essentielle de l’hommage.
Ensuite, le suzerain relève le vassal et réalise un autre geste rituel, le baiser de paix, qui symbolise l’échange des
souffles, et donc des âmes, entre le suzerain et son vassal. Le baiser de paix a une valeur religieuse, signe d’amitié et de
fidélité mutuelles.
Enfin, le fief, souvent une terre, est concédé à l’occasion d’une cérémonie qui suit l’hommage : l’investiture. Au cours
de cette cérémonie, le suzerain remet au vassal, selon la nature du fief concédé, un objet symbolique : une motte de terre,
un étendard, un bâton, un gant ou un anneau.
Les rites aboutissant à la relation féodale sont une des manifestations d’un mode de vie chevaleresque qui s’impose
dans la noblesse médiévale.
C.
Le mode de vie chevaleresque.
Avec le développement de la féodalité, une fusion se réalise entre le groupe étroit des guerriers à cheval qui entourent
les seigneurs et ces derniers, entre les chevaliers et l’aristocratie. Cette fusion donne naissance à la noblesse. Les familles
nobles revendiquent un ancêtre commun et cherchent à consolider leur lignage par des alliances. Pour éviter la dispersion
du patrimoine, elles excluent de la succession les cadets et les filles. L’attachement au lignage se manifeste par les récits
généalogiques et les armoiries : des emblèmes figurant sur les boucliers des chevaliers.
Le château autrefois simple place forte en bois devient plus complexe. La pierre se substitue au bois et la fonction
résidentielle s’affirme. Le châtelain doit y entretenir avec générosité sa famille et ses hommes de main. Il dépense sans
compter : les banquets, la chasse ou les jeux de l’esprit (les échecs) sont des loisirs courants.
De même, la violence fait partie intégrante de la vie des chevaliers. Dès l’enfance, ils sont initiés à la guerre par une
éducation belliqueuse. Dès 7 ans, l’enfant noble peut suivre un apprentissage en devenant page puis écuyer à 14 ans. Vers
20 ans, le jeune apprenti entre dans la chevalerie par la cérémonie de l’adoubement par laquelle un jeune bachelier obtient
de son parrain les armes qui feront de lui un combattant à cheval. Il pourra dès lors participer activement aux guerres et
servir son seigneur. Entre les batailles, les chevaliers s’exercent aux armes dans des tournois opposant deux compagnies
de chevaliers dans des mêlées souvent sanglantes dans le but est de faire des prisonniers et s’accaparer de chevaux et
d’armures.
Toutes ces pratiques nous sont notamment connues par des romans initiatiques comme Perceval de Chrétien de Troyes
(une suite de la Légende du roi Arthur) ou encore le roman de Renart. Ils montrent comment devenir, à travers une série
d’épreuves, un chevalier accompli. Un certain nombre de valeurs et d’attitudes sont attendues du chevalier : la piété, la
fidélité (et le rejet de la félonie, de la trahison), la largesse (la générosité), le courage. Il doit savoir braver la mort par des
prouesses qui feront l’estime des siens. La réputation, l’honneur est ici une valeur fondamentale. Peu à peu, l’Eglise
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essaie de maîtriser cette violence en lui donnant une mission celle de défendre l’Eglise et les faibles (la « veuve et
l’orphelin », Paix de Dieu). Enfin, l’amour courtois, chanté par les troubadours ou trouvères, vante la maîtrise de soi. Il
fait du service de la Dame, adorée mais inaccessible car épouse du seigneur, le symbole de la soumission du vassal à son
seigneur qui parfois le trahit. L’amour entre Lancelot et la princesse Guenièvre, épouse du roi Arthur montre
l’ambivalence de la chevalerie aux mœurs violentes et raffinées à la fois.
Entre le XIe et le XIIIe siècle, les habitants des campagnes se sont rassemblés dans des seigneuries afin de se placer
sous la protection d’un noble. L’Europe s’est ainsi couverte de villages dans lesquels s’est développée une société
villageoise reposant sur la solidarité entre ses membres. Cette solidarité s’observe aussi dans la noblesse dans laquelle,
par l’intermédiaire de la féodalité, s’est mise en place une structure complexe reliant tous ses membres entre eux et
facilitant la diffusion d’une culture chevaleresque. Dans tous ces groupes, l’Eglise joue un rôle essentiel.
Comment vont évoluer ces structures avec la remise en cause de la religion catholique par les protestants ?
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