Thierry Marchal-Beck: Des jeunes pauvres sans diplômes à l

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Thierry Marchal-Beck: Des jeunes pauvres sans diplômes à l
Thierry Marchal-Beck: Des jeunes pauvres sans diplômes à l'étudiant salarié une même aspiration: l'autonomie
11/12/12 11:55
11 décembre 2012
Des jeunes pauvres sans diplômes à l'étudiant salarié une
même aspiration: l'autonomie
Publication: 11/12/2012 10:53
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La sphère politico-médiatique a ouvert l'espace d'un instant les yeux sur sa jeunesse qui subit de plein fouet la pauvreté.
L'annonce de l'explosion de la pauvreté chez les 18-25 ans, catégorie d'âge où elle est la plus importante et où elle a le plus
augmenté depuis 2008, a sonné comme un coup de tonnerre. L'augmentation de 10% des demandeurs d'emplois dans cette
catégorie d'âge en un an, et les taux de chômage à la grecque dans les quartiers populaires ne font qu'accentuer cette prise
de conscience.
Nous aurions pu attendre un regain de volontarisme derrière la priorité du Président de la République de garantir aux jeunes
de vivre mieux en 2017 qu'en 2012. Au lieu de cela, on nous a resservi le vieux discours sur une prétendue opposition entre
deux jeunesses. Il s'agit d'accabler une jeunesse estudiantine, prétendument dorée, à qui on offrirait tout, et qui serait dès lors
responsable de l'extrême pauvreté des jeunes sans diplômes.
Soyons clairs : la jeunesse n'est pas une classe sociale, elle est une génération, et comme toutes les générations elle est
traversée par de profondes inégalités sociales. Sauf qu'aujourd'hui, à l'exception d'une infime composante d'héritiers de bonne
famille qui sont l'arbre cachant la forêt, les jeunes subissent, à des degrés divers, un même bizutage social.
Le fait, fortement positif, que le diplôme protège du chômage ne doit pas nous faire occulter que l'accès à un emploi stable est
un parcours du combattant, que l'enchaînement de stages est devenu un passage obligé et que l'âge moyen de l'obtention du
premier CDI est de 27 ans. Surtout, n'oublions pas que le niveau de salaire des jeunes de moins de 30 ans par rapport au
salaire médian est inférieur à celui que touchaient les jeunes de moins de 30 ans à la fin des années 1970.
Il faut s'interroger sur les raisons d'un tel tropisme quand on évoque la situation sociale des jeunes, et sur les conséquences
politiques de cette vision. Tout d'abord, les élites ont tendance à confondre le sort de leurs propres enfants avec la réalité du
quotidien des étudiants des universités, oubliant au passage que leurs enfants sont bien plus souvent sur les bancs des salles
de classes préparatoires et des grandes écoles que sur les campus. Ensuite, ce discours a toujours eu pour objectif de justifier
l'augmentation des frais d'inscriptions à l'université et le recours à l'emprunt pour financer les études en faisant passer les
étudiants pour des privilégiés.
Aujourd'hui, l'enjeu pour notre pays est tout autre : c'est de mettre fin au bizutage social de la jeunesse, et de permettre à
chaque jeune d'être autonome en tenant compte de son parcours et de sa situation sociale.
Le premier élément de cette politique consiste tout d'abord à faire entrer les jeunes dans le droit commun. Si la
majorité politique est à 18 ans, la majorité sociale doit l'être également. Il s'agit de permettre aux jeunes chômeurs en fin de
droit de pouvoir bénéficier du RSA socle et aux jeunes en activité de bénéficier du RSA-activité avec les mêmes critères que
les salariés de plus de 25 ans. Tout comme il est indispensable de s'interroger sur le critère de cinq ans d'activité pour
bénéficier de l'allocation de solidarité spécifique, ce qui exclut cyniquement tout jeune de ce dispositif pour les chômeurs en fin
de droit.
Le deuxième élément est une refonte globale du système d'aide à la formation par la mise en place d'un parcours
d'autonomie. Il s'agit d'aider tous les jeunes en formation qu'ils soient étudiants, en formation professionnelle (CAP, Bac Pro,
Bac techno) ou qu'ils reprennent une formation ou un stage alors qu'ils sont sortis du système éducatif sans qualification.
L'ambition est que chaque jeune puisse bénéficier d'une allocation d'autonomie lui permettant d'étudier sans avoir à se
salarier. Elle serait modulée en fonction de ses propres revenus déterminés à l'aide de sa propre feuille d'impôt et de son lieu
d'habitation, comme c'est le cas au Danemark et dans d'autres pays nordiques. Afin de financer un tel système, il s'agit de
mettre fin à la familiarisation des aides sociales en supprimant la demi-part fiscale pour les jeunes majeurs, d'augmenter
fortement les droits de successions et les abattements fiscaux sur les dons au sein des familles. Tous les pays s'étant engagés
dans un tel système ont réussi à atteindre les 50% d'une classe d'âge à la licence, à permettre aux jeunes en échec de
reprendre une formation, et à mettre fin à un système d'enseignement supérieur accentuant la reproduction sociale.
Le troisième élément consiste à garantir l'accès des jeunes à un emploi de qualité. Il est plus que nécessaire que le
gouvernement réécrive le décret pour interdire les stages hors cursus qui ne doit souffrir d'aucune exception, et qu'il agisse
avec vigueur contre les établissements universitaires qui délivrent des conventions de stages de complaisance. Tout comme le
gouvernement aura à s'assurer que la négociation sociale en cours garantisse que les emplois précaires soient surtaxés,
qu'aucune grille de salaire de convention collective n'affiche un salaire inférieur au SMIC, et que celles-ci prennent en compte
le niveau de diplôme dans la définition de la grille salariale.
Les jeunes partagent une commune aspiration à l'autonomie. Aujourd'hui, leurs situations dans leur immense majorité oscillent
entre une précarité absolue et une précarité relative. Renouer avec le rêve français où chaque génération connaît le progrès et
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vit mieux que la précédente ne se réalise pas en opposant les jeunes entre eux mais en instaurant des droits universels et
individualisés qui permettent à chaque jeune d'être maître de son parcours de vie et de formation.
C'est réaliser ainsi la promesse républicaine de liberté, d'égalité mais aussi d'émancipation. C'est certes plus difficile à
atteindre, mais beaucoup plus audacieux que d'opposer les jeunes entre eux.
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