Cyber-protection : Au-delà de la Loi de programmation militaire
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Cyber-protection : Au-delà de la Loi de programmation militaire
RENCONTRE EVENEMENTIELLE DU 27 MARS 2015 « Cyber-protection : Au-delà de la Loi de programmation militaire » Cyber-exigences ciblées…et protection globale de la Place Volet 1 L’évolution de la menace cyber et les réflexions qu’elle a suscitées « Cybersécurité – cybercriminalité » Myriam Quemener Avocat général près la Cour d’appel de Versailles La thématique est un sujet d’actualité bien sûr, avec une cyber actualité importante et médiatisée comme en témoigne l’attaque de TV5 monde et de multiples exemples où les délinquants accèdent à des données sensibles comme par exemple des données bancaires. Mais il est important de cerner précisément des concepts voisins mais distincts que sont la cyberdéfense relevant du domaine étatique, la Cybersécurité qui inclue aussi la prévention des risques numériques qui visent les entreprises et tous les secteurs économiques et enfin la cybercriminalité qui concerne le champ judiciaire car il s’agit de la délinquance transposée à l’ère du numérique. Concernant la cyberdéfense, l’État prend conscience que les cyberattaques peuvent être une forme de guerre portée contre les systèmes vitaux et économiques des États (exemple de l’Estonie en 2007). Le ministre de la Défense a pris la mesure de ces enjeux. La cyberdéfense se positionne ainsi en amont du judiciaire, il s’agit de défendre les intérêts fondamentaux de la nation, du patrimoine des entreprises. Forum des Compétences 15 rue Taitbout 75009 Paris - Tel : 01 48 01 69 69 - Fax : 01 48 01 69 68 - Mail : forum@forum-des-compétences.org Dans ce cadre, l’ANSSI a un rôle clé dans la prévention et le conseil, mission qui a été renforcée par la loi de Programmation Militaire. Concernant la cybercriminalité, celle-ci recouvre les infractions commises contre les « systèmes de traitement automatisés de données » (STAD), mais aussi les infractions plus classiques telles que la fraude externe mais aussi interne, l’escroquerie, l’usurpation identité, l’abus de confiance du fait de salariés, etc. La conception française de la notion de cybercriminalité est en effet assez large., Par exemple lors du piratage de Bercy, permis grâce à une pièce jointe infectée : la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a été saisie et, sur la base de leur rapport, une information judiciaire a été ouverte. Ainsi, L’institution judiciaire a toute sa place dans la chaîne pénale car c’est elle qui traite les procédures produites par les services d’enquête souvent spécialisés en la matière comme par exemple l’OCLCTIC, la BEFTI. Il est donc important de connaître le rôle de chacun. Des groupes interministériels existent sur le sujet et les ministères à des degrés divers se sont approprié le sujet, notamment grâce au rapport Robert (rapport sur la cybercriminalité, « protéger les internautes » de février 2014). Suivant ses préconisations, le ministère de l’Intérieur a ainsi créé une sous-direction dédiée à la lutte contre la cybercriminalité, qui traduit la recommandation d’augmentation des moyens faite par le rapport. L’objectif est de coordonner l’ensemble du dispositif, d’adopter une stratégie globale, dans le respect du rôle de chacun des acteurs (ANSSI, judiciaire, etc.), sans concurrence, mais au contraire en toute complémentarité. À côté de la politique de prévention, doit également être prévue l’intervention du judiciaire, en cas d’échec de cette prévention et de commission d’infractions. Un exemple de ces propos peut être trouvé dans le renforcement de la lutte contre le terrorisme et en particulier la répression de son apologie : en répertoriant le nombre d’entreprises dont les sites ont été effacés et remplacés par des propos faisant l’apologie du terrorisme, et en mettant en œuvre la loi du 13 novembre 2014 renforçant la lutte contre le terrorisme. Ces Infractions ont été transférées dans le Code pénal ce qui permet une répression plus efficace avec l’application de la prescription de droit commun, de même que la possibilité de recourir à la comparution immédiate), cela a logiquement entraîné une hausse subite des procédures. Ce rapport a eu le mérite de faire un état des lieux très complet, mais également de préconiser des avancées, notamment sur le procédural avec la généralisation du recours à l’enquête sous pseudonyme notamment en matière de criminalité organisée. L’article 22 de la loi de Programmation Militaire n’est pas le seul devant attirer l’attention, aujourd’hui, tous les nouveaux textes adoptés ont un versant sécurité numérique comme par exemple la loi du 13 novembre 2014 précitée. En 2013, on peut estimer qu’il y a eu 343 attaques d’entreprise réussies par semaine. Il faut renforcer et accélérer la politique pénale dans la lutte contre les infractions relatives à la cybercriminalité. Forum des Compétences 15 rue Taitbout 75009 Paris - Tel : 01 48 01 69 69 - Fax : 01 48 01 69 68 - Mail : forum@forum-des-compétences.org Avec la loi de Programmation Militaire et l’accès aux données, ainsi que le projet de loi sur le renseignement, on peut constater un glissement vers des procédures de plus en plus administratives permettant une action rapide comme par exemple le blocage des sites sans intervention du juge. Le judiciaire peut apparaître aujourd’hui quelque peu en recul Or il faut à mon sens maintenir un équilibre entre protection de l’ordre public « numérique » et libertés, c’est tout l’enjeu de la réglementation du numérique. Le judiciaire doit protéger le patrimoine informationnel des entreprises, mais en cas de mise en danger de la nation, il doit être possible de procéder à un contrôle administratif, c’est le sens du projet de loi sur le renseignement qui propose de légiférer sur ce qui se faisait de manière officieuse jusque-là. De ce point de vue, la loi de Programmation Militaire peut susciter des craintes légitimes, mais elle suit les orientations politiques européennes. Le rapport Robert et ses suites ont également souligné que l’action et l’activité réglementaire et législative sur ces sujets réclament de nouvelles méthodes de travail, une coopération entre les secteurs public et privé, notamment entre les acteurs de l’internet et les grandes entreprises dont certaines ont des missions classifiées défense. L’institution judiciaire doit encore développé ses relations avec le secteur privé dans la mesure où la preuve et les indices numériques sont détenus par ce secteur, par les entreprises et les prestataires techniques. il est important de construire un ordre public numérique passant par la répression du vol de données immatérielles, la consécration d’une infraction de violation du secret des affaires, la généralisation des enquêtes sous pseudonyme permettant aux officiers de police judiciaire de mener des enquêtes plus adaptées à l’univers numérique. Enfin le rapport Robert préconisait la création d’une coopération interministérielle, dans le cadre d’une cyber-stratégie nationale, le ministère de l’Intérieur a récemment désigné un cyber-préfet chargé de la lutte contre les Cybermenaces ayant pour rôle de préfigurer une délégation ministérielle s’inscrivant dans cette stratégie globale. Au titre de la réflexion à mener en matière de sécurité de systèmes d’information, il faut parvenir à une meilleure utilisation des infractions prévues. Le socle législatif reposant notamment sur la loi Godfrain survit au temps, mais est complété par des adaptations progressives en fonction des évolutions technologiques. *** Forum des Compétences 15 rue Taitbout 75009 Paris - Tel : 01 48 01 69 69 - Fax : 01 48 01 69 68 - Mail : forum@forum-des-compétences.org