L`accompagnement scientifique de l`Ecole des Mines de Nantes

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L`accompagnement scientifique de l`Ecole des Mines de Nantes
Témoignage de l’Ecole des Mines de Nantes
réalisé le 31 mars 2003
(mise à jour de mai 2004)
L’accompagnement scientifique de l’Ecole des Mines de Nantes
Introduction :
Depuis plusieurs années maintenant, l’Ecole des Mines de Nantes a entrepris de développer une
forme alternative d’apprentissage des sciences à l’échelle de promotions complètes d’élèves
ingénieurs. Cet Apprentissage par l’Action (ApA), lancé en 1996 pour les sciences physiques et en
1999 pour les mathématiques, ne vise pas seulement à acquérir des connaissances mais aussi à
développer des compétences scientifiques et des qualités professionnelles : autonomie,
responsabilité, réactivité, sens physique. Il s’inspire très largement de l’opération La main à la pâte
et c’est pourquoi l’Ecole des Mines de Nantes a jugé essentiel d’accompagner une telle démarche à
l’école élémentaire, démarche qui permet à l’élève dès son plus jeune âge de développer des
capacités personnelles d’analyse et de synthèse, et aussi des qualités morales qui conditionneront
son épanouissement et son implication dans la société.
L’implication de l’Ecole des Mines de Nantes dans l’opération La main à la pâte
L’EMN est d’abord impliquée en tant que partenaire institutionnel puisqu’elle fait partie du groupe
de pilotage académique sur les sciences, qu’elle est membre de la commission « Sciences »
départementale de Loire-Atlantique et qu’elle participe à un groupe de recherche-action pour la
formation continue. C’est aussi en tant qu’établissement support que l’EMN s’inscrit dans un
partenariat scientifique de l’opération et met à disposition ses compétences. L’Ecole des Mines de
Nantes a ainsi imaginé depuis 1996 des formes d’accompagnement spécifiques aux compétences
disponibles. Au fil du temps, trois types d’actions ont émergé : le soutien aux enseignants, la
participation à des actions de formation et le développement d’outils pédagogiques.
1. Soutien aux enseignants
Ce soutien consiste à préparer les séances de sciences dans une collaboration qui associe un
enseignant et un accompagnateur scientifique, l’accompagnateur pouvant être un élève-ingénieur,
un doctorant, un technicien ou bien un enseignant-chercheur. En effet, la mise en place d’une
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activité du type La main à la pâte nécessite de la part de l’enseignant une préparation sérieuse sur le
plan pédagogique et scientifique, une disponibilité plus grande auprès des élèves et une organisation
logistique relativement lourde, bref, un engagement personnel très important. C’est pourquoi, quand
cela est possible, l’aide d’un accompagnateur est la bienvenue et contribue à faciliter de travail le
l’enseignant.
Le rôle de l’accompagnateur :
L’accompagnateur intervient à plusieurs niveaux au cours de la séance de sciences et son action
s’inscrit dans le temps : au moins une vingtaine d’heures réparties sur deux mois.
Il commence par élaborer et construire avec l’enseignant la progression du module ou de la séance
choisie pour un thème. Au moment de la séance, il est présent auprès des élèves pour répondre aux
questions (qui fusent en général de toutes parts), pour faciliter l’observation et pour les aider à la
manipulation. Il apporte également un soutien logistique et une caution scientifique face à des
questions plus pointues, aidant si nécessaire l’enseignant dans l’analyse scientifique des
expériences. Après la séance, quand l’emploi du temps de chacun le permet, il revient avec
l’enseignant sur la séance pour envisager des réajustements ou soumettre d’éventuels
approfondissements. Cette présence permet donc de donner confiance à l’enseignant et à moyen
terme de le rendre autonome dans la mise en place d’une démarche d’investigation.
En aucun cas l’accompagnateur ne remplace l’enseignant qui est le seul spécialiste de
l’apprentissage et animateur de sa classe. Il apparaît comme une aide précieuse pour l’enseignant et
participe ainsi au développement de la culture scientifique dans la société.
Ce que l’accompagnateur vit :
C’est un accès à un monde traditionnellement fermé régi par des règles strictes, dans lequel il doit
collaborer et non intervenir seul. L’accompagnateur doit alors assumer le statut de scientifique
qu’on lui donne tout en ayant une attitude d’écoute : il ne répondra pas à toutes les questions et se
gardera d’apporter des réponses trop théoriques. La collaboration avec l’enseignant implique
également de savoir communiquer, de s’entendre, de répartir les rôles et de travailler d’égal à égal.
Il devra donc adapter et cibler son discours scientifique en expliquant ses méthodes et principes de
travail. En même temps, travailler auprès d’élèves curieux et sans préjugés le place dans une
situation peu confortable à laquelle il doit en permanence s’adapter. Enfin il s’agit pour
l’accompagnateur d’une expérience propice à une approche transdisciplinaire où des disciplines
comme l’écriture, le calcul, le graphisme, l’histoire ou la société peuvent être abordées.
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L’organisation de l’accompagnement par les élèves-ingénieurs et le personnel de l’Ecole des
Mines de Nantes :
En début d’année scolaire (au mois de septembre), des réunions d’information à destination des
étudiants (y compris des étudiants des autres établissements de formation scientifique du site) et du
personnel sont organisées à l’EMN. Elles ont pour but de sensibiliser les participants à la démarche
de La main à la pâte et à la possibilité de soutenir cette démarche en accompagnant les enseignants
d’écoles élémentaires. A la suite de ces réunions et en fonction des demandes d’accompagnement
(transmises par l’Inspection Académique et par la Direction Diocésaine de l’Enseignement
Catholique dans le cadre d’une convention de partenariat) l’EMN propose deux rencontres au choix
entre enseignants et accompagnateurs (une en octobre et une autre en décembre). Durant ces
rencontres, les principes directeurs de la démarche sont définis et le rôle de l’accompagnateur et
celui de l’enseignant sont expliqués de façon plus détaillée. Il est essentiel avant d’aller dans les
classes que les accompagnateurs situent le niveau des expériences proposées aux élèves ainsi que le
niveau de réponse à apporter à l’enseignant ou à la classe (il faut privilégier autant que possible une
argumentation par l’action). Au terme des accompagnements (avril - mai), une réunion bilan est
organisée pour partager les expériences de chacun et lister les enseignements à retenir.
Conditions d’accompagnement :
L’accompagnement par les élèves-ingénieurs de l’EMNantes se fait sur une base de volontariat total
et représente une activité bénévole durant leur temps libre. Il s’agit d’un investissement minimal de
vingt heures réparties sur environ deux mois. Une formation préalable de deux heures est
obligatoire et s’avère nécessaire pour que l’accompagnement soit efficace et utile. Il est également
possible pour l’accompagnateur d’emprunter du matériel (mallettes) et de recevoir un soutien
auprès d’enseignants-chercheurs de l’EMN qui coordonnent l’accompagnement. Pour les autres
accompagnateurs (doctorants, techniciens ou enseignants-chercheurs), les conditions sont les
mêmes sauf qu’il s’agit d’une activité inscrite dans leurs missions.
Apports pour l’étudiant-accompagnateur :
Au regard des différentes expériences acquises par les élèves-ingénieurs de l’EMN, l’apport de
l’accompagnement se situe sur trois plans :
-
pédagogique
:
l’accompagnement
devient un
apprentissage
du
travail
en
équipe.
L’accompagnateur doit alors s’adapter à une micro-culture spécifique (la classe) et savoir construire
à plusieurs malgré les différences. Il découvre ainsi le métier d’enseignant et côtoie d’autres
compétences, notamment en pédagogie des sciences qui implique de percevoir, d’identifier les
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conceptions et les schémas de raisonnement des élèves, de pointer les lacunes, de se mettre à la
portée de son auditoire et d’ouvrir de nouveaux horizons.
- scientifique : l’accompagnement permet de s’ouvrir à des champs disciplinaires différents.
L’accompagnateur partage des savoirs et des savoir-faire en apportant des compétences différentes
avec l’intérêt de l’œil neuf et la créativité du novice. Par ailleurs il s’agit d’un retour aux sources car
il doit confronter ses propres schémas explicatifs à un auditoire fortement réactif. L’effort de
vulgarisation pour expliquer à autrui lui permet de comprendre soi-même.
- humain et social : l’accompagnement permet de développer des capacités de communication et
relationnelles. Il est un engagement et une responsabilité pour l’accompagnateur car l’action
bénévole qu’il mène l’oblige à donner de soi, à s’intéresser à autrui tout en étant fiable, respectueux
de certaines règles (sécurité, discipline) et en véhiculant l’image de son institution. Cela contribue
également au développement de la maturité en apprenant à se connaître au travers une expérience
de terrain concrète et contrainte. Enfin l’accompagnement apparaît comme une véritable immersion
sociale qui donne l’occasion à l’accompagnateur de retrouver le système scolaire avec des yeux
d’adultes et de connaître le système éducatif de l’intérieur (un point de vue précieux sur la société,
sur les enfants en difficultés et sur les échecs scolaires).
L’accompagnement participe donc à la formation du futur ingénieur et du citoyen qui doit connaître
un minimum la société afin de pouvoir, demain, prendre les bonnes décisions. Il permet aussi la
construction d’une identité sociale, celle de l’ingénieur dans la société. Enfin il s’agit pour les
élèves-ingénieurs d’une première expérience professionnelle très bien adaptée à un public jeune,
inexpérimenté, au bagage encore restreint et trop abstrait, susceptible de contribuer à la réflexion de
l’étudiant dans la construction de son projet de vie.
Apports pour la classe :
L’apport de l’accompagnement pour la classe est double :
- d’abord un apport pour l’enseignant qui peut trouver en l’accompagnateur un soutien scientifique,
technique et logistique mais aussi pédagogique quand ce dernier par son expérience s’est approprié
la démarche Main à la pâte et est capable de l’expliquer simplement. C’est également l’occasion
d’une collaboration avec un établissement scientifique qui peut lui apporter la caution nécessaire,
tout en reconnaissant que l’on ne peut pas tout savoir, et ponctuellement du matériel non disponible
dans l’école (c’est le cas de prêt de mallettes EMN – voir § 3).
- Ensuite un apport pour l’élève qui parfois identifie l’accompagnateur au grand frère ou à la grande
sœur qui réussit dans ses études et qui peut servir de modèle. C’est aussi une ouverture extrascolaire
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à travers laquelle se créent des échanges mutuels et des contacts avec la communauté scientifique.
Le regard du scientifique par les enfants est parfois bien loin de l’image véhiculée par les médias.
Limites et retours d’expériences :
Les contraintes liées à cette organisation font cependant apparaître certaines limites. Si le caractère
volontaire et bénévole de l’accompagnement garantit en général une motivation pour la méthode
d’enseignement et un goût réel du contact avec les élèves, il n’en reste pas moins que le nombre
d’étudiants impliqués est faible comparé à la demande exprimée par les enseignants. Il s’avère
également que l’emploi du temps des étudiants ne permet pas des interventions géographiquement
éloignées du site de l’EMN, ce qui privilégie principalement les écoles élémentaires se situant à
proximité, privant ainsi de nombreuses écoles (principalement en milieu rural) d’un
accompagnement. L’aide d’un ou deux élèves polytechniciens mis à disposition de l’EMN pendant
6 mois dans le cadre d’un service civil, reconduite chaque année, vient néanmoins nuancer ce
constat puisqu’elle permet d’accompagner un plus grand nombre de classes et d’effectuer des
déplacements plus fréquents en milieu rural.
Les retours d’expériences laissent apparaître un accueil très favorable de la part des enseignants qui
voient là un prétexte fort et un soutien important pour se lancer dans un enseignement novateur des
sciences qui rend les élèves acteurs de leurs apprentissages. Dans certains cas, on pourrait même se
demander si l’accompagnateur n’est pas un élément indispensable pour le succès des expériences ou
déclenchant dans la pratique des sciences. Il est fréquent que les enseignants renouvellent leur
demande d’accompagnement de façon à être confortés dans leur pratique et certains d’entre eux
peuvent être accompagnés deux années de suite.
Au cours de l’année scolaire 2002/2003, 20 étudiants et 8 scientifiques de l’EMN ont participé à un
accompagnement dans 78 classes (du public ou du privé) réparties sur 30 écoles de la région
nantaise dont 2 écoles situées en ZEP et 8 écoles situées en milieu rural.
2. La participation à des actions de formations :
L’Ecole des Mines de Nantes participe régulièrement à des actions de formations continues pour les
enseignants des écoles élémentaires organisées par l’Inspection Académique, l’Institut Universitaire
de Formation des Maîtres et la Direction Diocésaine de l’Enseignement Catholique.
Dans le cadre de stages de formation ou d’animations pédagogiques, l’EMN accueille sur une demijournée les enseignants dans ses salles de Travaux Pratiques. C'est une aide beaucoup plus
ponctuelle qu'un accompagnement mais qui permet de toucher un grand nombre d'enseignants (plus
d’une centaine par an).
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Ils ne viennent pas pour acquérir des connaissances scientifiques ni pour glaner quelques
expériences reproductibles en classe. Il s'agit pour eux de se trouver dans la même situation que les
élèves. Ils doivent faire face à différentes situations-problèmes, dont le niveau est adapté à des
adultes. L'accent est mis sur l’investigation scientifique et la démarche expérimentale (conception
de protocoles et d’outils d’analyse, de dépouillement des résultats) ainsi que sur la production et la
transmission d'une trace écrite.
En fin de session, le responsable de formation fait un bilan et une synthèse des travaux
expérimentaux en revenant en particulier sur les difficultés liées à la manipulation et en apportant
des compléments pédagogiques et scientifiques avec l’aide des encadrants de l’EMN.
Certaines des expériences réalisées au cours de ces sessions ne sont pas forcément adaptables
auprès des enfants mais elles permettent néanmoins de mieux cerner la démarche d’investigation.
Ces sessions ont pour principal objectif d’apporter aux enseignants un regard différent sur leurs
pratiques expérimentales et de dissiper parfois des craintes liées aux activités scientifiques (« les
expériences ne marchent jamais, il y a des phénomènes que je ne comprends pas et les sciences sont
une affaire de spécialistes ! »). C’est aussi une occasion pour les enseignants de découvrir un
établissement scientifique qui peut leur servir par la suite de centre de ressources.
Ainsi, durant l’année scolaire 2003/2004, 120 enseignants sont venus participer à des activités
scientifiques à l’EMN dans le cadre de formation de l’IUFM, l’IA ou la DDEC.
3. Le développement d’outils pédagogiques :
Des mallettes d’accompagnement scientifique :
L’Ecole des Mines de Nantes a développé en collaboration avec des enseignants 18 mallettes qui
contiennent tout le matériel nécessaire pour mettre en place des activités du type La main à la pâte
dans la classe sur un thème donné. Un livret d’accompagnement est également fourni. Il décrit un
ensemble d’expériences et propose une progression générale, une liste du matériel utilisé et des
documents d’accompagnement de l’Education Nationale (fiches connaissances) se rapportant au
thème étudié. La mallette et le livret peuvent ainsi constituer une base de travail pour mettre en
place des activités scientifiques et la progression générale n’est qu’indicative. Volontairement,
l’approche pédagogique n’y est pas développée et est légitimement laissée à l’initiative de
l’enseignant qui en est le spécialiste. De plus, les mallettes apparaissent comme un outil qui facilite
la séance de sciences puisqu’elles permettent à l’enseignant d’être très vite opérationnel et de se
dégager des contraintes matérielles pour se consacrer principalement à l’animation de sa séance.
Elles sont mises en prêt pour les accompagnateurs qui peuvent les utiliser dans les classes à la
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demande de l’enseignant et les thèmes sont développés autour des sciences de la matière, des
sciences de la vie et de l’Univers.
Autres supports pédagogiques :
L’EMN a également travaillé à la conception d’autres supports pédagogiques destinés aux
enseignants qui souhaitent expérimenter la démarche dans leur classe. Trois CD-ROMS et quatre
livrets ont été réalisés avec le concours des éditions Odiles-Jacob Multimédia et la société Jeulin sur
les thèmes de l’eau, des déchets, de l’air, de la météo, de la lumière et de l’astronomie.
Conclusion :
Convaincue que l’appui d’une opération visant à redynamiser les sciences à l’école primaire
pourrait à plus long terme rejaillir sur l’enseignement des sciences dans le secondaire puis dans le
supérieur, et rejoindre ainsi le travail commencé en matière d’apprentissage des sciences par
l’action, l’Ecole des Mines de Nantes a souhaité mettre en place progressivement cet
accompagnement scientifique auprès des écoles primaires de Loire-Atlantique.
En effet, dans un monde de plus en plus technique et complexe, les sciences apparaissent comme un
enseignement essentiel dans lequel il faut savoir aujourd’hui développer des capacités personnelles
d’analyse et de synthèse en s’appuyant fortement sur l’expérimental.
C’est par la complémentarité de leurs compétences que les acteurs officiels de La main à la pâte et
les centres scientifiques d’enseignement et de recherche pourront élaborer une véritable synergie de
moyens au profit des enseignants et des élèves.
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Information : Pour plus de détails sur l’organisation de l’accompagnement scientifique développé
à Nantes, vous pouvez nous contacter : [email protected] ou [email protected] .
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