coûte-t-il plus cher de construire au québec?

Transcription

coûte-t-il plus cher de construire au québec?
COÛTE-T-IL PLUS CHER DE CONSTRUIRE
AU QUÉBEC?
L'idée qu'il coûte plus cher de construire au Québec revient régulièrement dans les
médias ou chez certains intervenants. En fait, il est difficile de contrer cette
perception souvent bien ancrée. Cette idée s'alimente à partir de plusieurs
perceptions, notamment que les coûts réels des projets dépassent régulièrement les
prévisions initiales, que la syndicalisation obligatoire augmente les coûts, que la
concurrence entre les employeurs de la construction est au Québec relativement
restreinte, que les prix des soumissions pour des contrats publics sont plus élevés
que pour des contrats du secteur privé, que le système du plus bas soumissionnaire
entraîne une sous-estimation volontaire des coûts de la part de certains
soumissionnaires, qui se reprennent par la suite par une qualité déficiente des
travaux et une cascade de dérogations de coûts une fois le contrat accordé. Et il n'y
a ensuite qu'un pas à franchir pour affirmer que c'est pire au Québec qu'ailleurs.
Faisons donc le point sur les données disponibles. 1 On verra que la comparaison des
coûts de construction est extrêmement difficile étant donné que les «produits» de la
construction sont difficilement comparables entres eux. Statistique Canada ne
publie d'ailleurs pas de données sur le niveau des prix de la construction dans les
différentes provinces. Ceci dit, quelques données permettent certaines conclusions.
Par exemple, selon pratiquement toutes les sources de données existantes sur la
rémunération, les salaires de la construction au Québec ne sont pas très éloignés de
la moyenne canadienne, et lui sont même un peu inférieurs. Concernant les coûts
totaux de construction, les diverses sources d'information disponibles, bien
qu'imparfaites, vont toutes dans le même sens : les coûts de construction d'un
bâtiment sont moins élevés au Québec qu'en Ontario. Dans la construction routière,
les problèmes méthodologiques des études disponibles sont tels qu'il est impossible
de conclure quoi que ce soit sur les coûts comparatifs des provinces. Quant aux
coûts de construction d'Hydro-Québec, la prétention que les coûts sont plus élevés
qu'ailleurs s'appuie sur une mauvaise interprétation de données contestables sur les
dépassements de coûts.
1
Ce document constitue en bonne partie une mise à jour des données présentées dans Étude comparative
des régimes de relations du travail dans la construction au Canada, Commission de la construction du
Québec, mars 2006, pp 46-54.
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version 2009-09-22
Une comparaison souvent difficile
Malheureusement, comparer les coûts de construction n'est pas chose facile car une
première difficulté majeure provient du fait que les «produits» de la construction ne sont
pas homogènes. Chaque immeuble est différent, chaque maison a ses caractéristiques,
chaque rénovation est particulière, de sorte qu'une comparaison de prix, ne serait-ce qu'au
pied carré, entre un échantillon de différents immeubles construits n'indique pas
nécessairement une différence de coûts, mais peut plutôt refléter des différences dans les
caractéristiques ou dans la qualité.
Une autre difficulté est également que, pour bien comparer les prix, il faut s'assurer que
l'on inclut les mêmes éléments de coûts dans les produits comparés. Il faut par exemple
savoir si le prix d'un immeuble comprend le terrain, les infrastructures, les taxes, les
profits, etc. Les comparaisons inter-provinciales ou internationales peuvent par exemple
se buter à des différences institutionnelles dans les méthodes statistiques, dans la nature
des sources de données, etc.
Preuve de cette difficulté, Statistique Canada ne publie pas de données sur le niveau des
prix de la construction dans les différentes provinces. S'il est vrai que plusieurs indices de
prix sont publiés par province (indice du prix des logements neufs, des appartements, du
bâtiment non résidentiel, etc.), ces données permettent essentiellement de vérifier
l'évolution des prix dans le temps. Jamais l'organisme ne publie de données sur la valeur
même de l'immeuble. Rappelons d'ailleurs une controverse survenue en 2003 alors qu'un
chercheur de l'université Laval disait utiliser des données de Statistique Canada sur les
permis de bâtir pour démontrer que les coûts de construction étaient plus élevés au
Québec, au mètre carré. L'organisme se dissocia d'une telle conclusion et précisa que les
chiffres sur la superficie des logements, provenant de l'enquête sur les permis de bâtir,
avaient une fiabilité insuffisante pour appuyer une telle conclusion. Statistique Canada
avisa même qu'elle ne fournirait dorénavant plus ces données. 2
Ceci dit, quelques données permettent certaines conclusions. Il s'agit en particulier des
données sur les salaires horaires, ou des données tirées de modèles d'estimation ou
d'évaluation, telles que ceux utilisés par les estimateurs de construction (RS Means par
exemple) ou de firmes offrant des études de localisation de projets (KPMG par exemple).
2
Voir Crise du logement 101 – Les coûts de la main-d'œuvre n'expliquent pas tout, dans Le Devoir, 1er
octobre 2003.
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LES COÛTS SALARIAUX
Salaires syndicaux
Le tableau suivant présente la situation des charpentiers-menuisiers, le principal métier de
la construction, dans certaines villes canadiennes, en mars 2009. Il ressort que, incluant
les avantages sociaux (vacances, assurances, retraites, fonds, etc.), les salaires syndicaux
à Montréal sont très supérieurs (+35 %) à ceux de Saint-John (Nouveau-Brunswick),
mais un peu plus faibles qu'à Ottawa (-4 %) ou Vancouver (-6 %) et sensiblement plus
faibles qu'à Toronto (-13 %) ou Calgary (-9 %).
Taux de salaires syndicaux d'un charpentier-menuisier au Canada
en mars 2009
Taux de base
Suppléments
Total
Mtl vs ville
Saint John (N.-B.)
Montréal
Ottawa
Toronto
Calgary
Vancouver
23,20
31,27
30,81
33,07
34,67
35,09
$
$
$
$
$
$
35 %
0%
1%
-5 %
-10 %
-11 %
Mtl vs ville
7,52
10,32
12,62
14,56
11,10
9,08
$
$
$
$
$
$
30,72
41,59
43,43
47,63
45,77
44,17
$
$
$
$
$
$
35 %
0%
-4 %
-13 %
-9 %
-6 %
Source : Statistique Canada, Statistiques des prix des immobilisations.
Un tableau plus détaillé est fourni à la page suivante. Le tableau résume la situation dans
16 métiers et 10 villes canadiennes, en mars 2009. Pour la moyenne des 16 métiers pour
lesquels Statistique Canada publie des données, on constate que les salaires syndicaux à
Montréal, si on inclut le montant des avantages sociaux, se retrouvent 9 % moins cher
que Toronto ou 4 % moins chers qu'Ottawa. Par rapport aux villes des provinces de l'Est,
il en coûte 10 % à 20 % plus cher à Montréal qu'à Saint-John (T.-N.), Halifax, Saint-John
(N.-B.). Montréal est aussi 45 % plus cher que Winnipeg, 6 % plus cher que Vancouver,
mais comparable à Calgary.
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Taux de salaires syndicaux au Canada en mars 2009
Incluant les suppléments
Charpentier
Grutier
Cimentier-applicatuer
Électricien
Manœuvre
Plombier
Ferrailleur
Monteur d'acier
Ferblantier
Opérateur d'équipement lourd
Briqueteur
Peintre
Plâtrier
Couvreur
Conducteur de camion
Calorifugeur
Moyenne
Mtl vs ville
Saint John (T.-N.)
32,85 $
34,12 $
35,01 $
36,48 $
30,75 $
38,18 $
33,74 $
35,41 $
36,18 $
33,00 $
35,01 $
29,82 $
35,01 $
30,75 $
32,16 $
35,08 $
33,97 $
19 %
Halifax
Saint John (N.-B.)
35,51 $
30,72 $
35,40 $
35,76 $
n.d
n.d.
41,62 $
45,81 $
31,48 $
25,93 $
43,55 $
46,95 $
33,03 $
25,90 $
38,76 $
41,40 $
40,62 $
32,24 $
34,98 $
34,10 $
37,91 $
33,66 $
32,28 $
30,59 $
n.d.
n.d.
28,34 $
26,60 $
34,00 $
33,15 $
39,62 $
37,21 $
36,22 $
34,29 $
12 %
18 %
Montréal
41,59 $
40,41 $
40,59 $
43,26 $
33,40 $
42,32 $
42,91 $
42,97 $
42,24 $
38,20 $
41,29 $
39,55 $
40,40 $
42,33 $
34,64 $
42,23 $
40,52 $
0%
Ottawa
43,43 $
44,93 $
35,87 $
45,92 $
36,31 $
45,28 $
43,85 $
46,17 $
46,22 $
43,62 $
44,81 $
34,36 $
41,01 $
38,37 $
39,28 $
44,92 $
42,15 $
-4 %
Toronto
47,63 $
46,83 $
41,19 $
47,10 $
41,66 $
47,72 $
44,76 $
46,17 $
46,53 $
45,60 $
46,51 $
39,41 $
42,13 $
45,22 $
40,62 $
46,79 $
44,74 $
-9 %
Source: Statistique Canada, Statistiques des prix des immobilisations.
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Winnipeg
29,39 $
31,54 $
24,38 $
32,94 $
22,46 $
34,65 $
29,07 $
34,08 $
31,75 $
27,39 $
28,17 $
18,64 $
25,37 $
25,66 $
26,58 $
26,02 $
28,01 $
45 %
Calgary
45,77 $
47,27 $
44,92 $
41,68 $
38,90 $
50,12 $
33,47 $
42,72 $
33,15 $
40,46 $
34,29 $
39,13 $
40,25 $
32,81 $
40,87 $
42,02 $
40,49 $
0%
Montréal vs
Vancouver Toronto
Ottawa
44,17 $
-13 %
-4 %
37,02 $
-14 %
-10 %
38,85 $
-1 %
13 %
40,98 $
-8 %
-6 %
36,98 $
-20 %
-8 %
46,29 $
-11 %
-7 %
41,64 $
-4 %
-2 %
41,64 $
-7 %
-7 %
40,64 $
-9 %
-9 %
36,40 $
-16 %
-12 %
33,30 $
-11 %
-8 %
33,91 $
0%
15 %
33,57 $
-4 %
-1 %
37,04 $
-6 %
10 %
32,50 $
-15 %
-12 %
37,95 $
-10 %
-6 %
38,31 $
-9%
-4%
6%
Comparaison des salaires moyens
Comme la syndicalisation dans la construction est moins forte ailleurs au Canada qu'au
Québec, on peut penser que les comparaisons de taux de salaires syndicaux ne reflètent
qu'une partie de la réalité et que les taux de salaires moyens sont au Québec nettement
supérieurs à ceux des autres provinces, où on compte plus de non-syndiqués, en principe
moins bien payés. Or, ce n'est pas le cas.
Le tableau suivant présente les salaires moyens évalués par deux enquêtes de Statistique
Canada, pour les employés de la construction. Dans le cas de l'Enquête sur la population
active (EPA), il s'agit des salaires horaires moyens déclarés par les travailleurs euxmêmes (excluant les travailleurs autonomes). Dans le cas de l'Enquête sur l'emploi, la
rémunération et les heures de travail (EERH), sans doute plus fiable, il s'agit de données
sur les travailleurs à l'heure recueillies à partir des données administratives de Revenu
Canada. Les deux enquêtes excluent cependant les avantages sociaux.
Salaire horaire moyen des employés de la construction en 2008
(syndiqués et non syndiqués confondus)
Enquête sur la population
active
Enquête sur l'emploi, la rémunération
et les heures
Construction
Construction
Canada
Terre-Neuve et Labrador
Île-du-Prince-Édouard
Nouvelle-Écosse
Nouveau-Brunswick
Québec
Ontario
Manitoba
Saskatchewan
Alberta
Colombie-Britannique
22,77
20,26
16,17
18,37
18,38
22,13
23,04
19,58
20,25
25,46
23,00
$
$
$
$
$
$
$
$
$
$
$
Québec vs
autre région
-3 %
9%
37 %
20 %
20 %
-4 %
13 %
9%
-13 %
-4 %
26,49
22,65
17,91
22,73
22,51
24,54
26,47
23,91
25,15
30,54
25,91
$
$
$
$
$
$
$
$
$
$
$
Québec vs
autre région
-7 %
8%
37 %
8%
9%
-7 %
3%
-2 %
-20 %
-5 %
Ensemble des Québec vs
industries autre région
20,16 $
-6 %
19,48 $
-3 %
16,51 $
15 %
17,83 $
6%
18,20 $
4%
18,98 $
20,31 $
-7 %
18,75 $
1%
20,12 $
-6 %
23,14 $
-18 %
20,21 $
-6 %
Construction vs
ensemble des industries
31 %
16 %
8%
27 %
24 %
29 %
30 %
28 %
25 %
32 %
28 %
Source : Statistique Canada
Selon l'EPA, les salaires québécois de la construction sont inférieurs de 3 % à la moyenne
canadienne en 2008 et de 4 % inférieurs à l'Ontario, malgré un taux de syndicalisation
plus élevé au Québec. 3 Selon l'EERH, les salaires québécois seraient même inférieurs de
7 % à la moyenne canadienne et également de 7 % à l'Ontario. Comme le montre aussi le
3
Selon Statistique Canada, le taux de couverture syndicale dans la construction est de 54 % au Québec, de
35 % en Ontario et de 33 % au Canada, si on inclut tous les types d'emplois salariés.
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tableau, les salaires de la construction dépassent dans toutes les provinces le salaire
moyen de l'ensemble des industries. Au Canada et au Québec, ils dépassent la moyenne
de manière similaire, soit de 31 % et 29 % respectivement. En Ontario, les salaires de la
construction dépassent la moyenne des industries de 30 %. Il n'apparaît donc pas que le
taux de syndicalisation plus élevé au Québec confère un avantage salarial inhabituel à
l'ensemble des travailleurs de la construction, par rapport à leurs compatriotes des autres
industries.
Il n'existe malheureusement pas de données officielles sur les différences de salaires entre
le secteur syndiqué et le secteur non syndiqué, au Canada. L'existence de telles données
comporterait de toute manière un biais, dans la mesure où les travailleurs syndiqués
peuvent être plus expérimentés, plus qualifiés, ou davantage actifs dans des métiers ou
secteurs de toute manière mieux payés que les non-syndiqués. L'écart de salaire devrait
alors être nuancé. Incidemment, dans une étude publiée en 2002 et portant sur
l'année 1999, Statistique Canada évaluait à 15 % l'avantage salarial (avant avantages
sociaux) des travailleurs syndiqués des métiers de la construction au Canada,
relativement aux travailleurs non syndiqués des mêmes métiers, une fois prises en compte
les caractéristiques personnelles (expérience, niveau d'études, etc.) et du milieu de travail
(taille de l'entreprise, région). 4 Et comme les travailleurs syndiqués sont en général mieux
formés, cet avantage salarial est peut-être compensé par une plus grande efficacité, peuton penser.
La rémunération globale
Une mesure idéale de comparaison des coûts salariaux serait celle qui inclut ce qu'on
appelle le revenu supplémentaire du travail, i.e les avantages sociaux comme les
contributions aux régimes de retraire, aux assurances, etc., ce que ne font pas les deux
enquêtes précédentes. Dans le secteur syndiqué on a vu que des données existent. Dans le
non-syndiqué par contre, ou pour l'ensemble des travailleurs, il faut se retrancher sur des
estimations des Comptes nationaux. Or, ces estimations donnent des résultats assez
déroutants, puisqu'elles renversent certains résultats des deux enquêtes précédentes et
qu'elles souffrent manifestement de problèmes méthodologiques.
C'est d'ailleurs à partir de données de ce genre que l'économiste Pierre Fortin prétendait
en 2002 que les salaires québécois de la construction étaient supérieurs de 17 % aux
salaires ontariens. Or, les calculs de l'économiste utilisaient en particulier une estimation
des Comptes nationaux de Statistique Canada sur les avantages sociaux par industrie au
Québec et en Ontario. Cette estimation laissait entendre que les avantages sociaux sont de
22 % du salaire brut au Québec, contre seulement 13 % en Ontario. Vérification faite, la
principale différence se trouvait sur le plan des régimes de retraite et elle résultait
carrément d'une erreur d'estimation. L'organisme nous avait d'ailleurs lui-même fourni
d'autres chiffres plus crédibles qui indiquaient que globalement il n'y avait pas de réelle
différence entre les deux provinces sur le plan du pourcentage de contribution patronale
4
FANG, Tony et VERMA, Anil, L'avantage salarial des travailleurs syndiqués, L'emploi et le revenu en
perspective, Statistique Canada, septembre 2002.
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aux régimes de retraite. Les autres différences résultaient des programmes publics
québécois non spécifiques à la Loi R-20. 5
En 2007, les données tirées des Comptes nationaux semblent encore entachées de
problèmes méthodologiques. Alors que, comme on l'a vu plus haut, l'Ontario est avec
l'Alberta la province où le taux de salaire brut (avant avantages sociaux) est le plus élevé,
sa rémunération globale est en effet, selon ces données, inférieure de 7 % à celle du
Québec. La moyenne canadienne serait cependant supérieure de 1,5 % à celle du Québec.
Rémunération globale par heure travaillée
dans la construction
en 2007
vs Québec
Québec
Ontario
Canada
32,06 $
29,73 $
32,53 $
-7,3%
1,5%
Source: Comptes économiques, Statistique Canada
Aussi, pendant que l'écart avec l'Ontario se serait maintenu depuis 1998, le Québec aurait
glissé depuis 2006 sous la moyenne canadienne, comme le montre le graphique suivant.
Rémunération totale des salariés
de l'industrie de la construction, par heure travaillée
34,00 $
32,00 $
30,00 $
Québec
28,00 $
Ontario
26,00 $
Canada
24,00 $
22,00 $
20,00 $
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Source: Comptes nationaux, Statistique Canada
5
Voir Le débat sur la machinerie de production : que disent les données économiques?, Commission de la
construction du Québec, décembre 2002.
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Les données des comptes économiques sont donc pour le moment encore assez
déroutantes. Mais si la comparaison avec l'Ontario semble discutable, celle avec le
Canada montre une rémunération totale à peu près identique entre le Québec et la
moyenne canadienne, voire une réduction tendancielle de l'écart.
En somme, selon pratiquement toutes les sources de données existantes sur la
rémunération, les salaires de la construction au Québec ne sont pas très éloignés de la
moyenne canadienne, et lui sont même un peu inférieurs.
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LES COÛTS TOTAUX DE CONSTRUCTION
Les salaires ne constituent qu'une partie des coûts de construction. Selon le modèle
intersectoriel de l'Institut de la Statistique du Québec (ISQ) 6 , un investissement en
construction comporte en moyenne 27 % en salaires directs de la main-d'œuvre de la
construction, en incluant non seulement les métiers de la construction mais également
tous les autres salariés (le personnel de bureau, par exemple). Si on ajoute les avantages
sociaux et contributions supplémentaires de l'employeur, la part des coûts liés à la maind'œuvre serait de l'ordre de 35 %. Une augmentation de 10 % des coûts salariaux entraîne
donc une augmentation de 3,5 % du coût d'une maison. Les autres éléments influant sur
le prix sont les matériaux, les frais administratifs et les profits.
RS Means
Pour contourner le problème de la non-homogénéité des produits de la construction, une
source de données intéressante apparaît être les manuels d'estimation utilisés par les
estimateurs de la construction pour préparer leurs devis. La référence dans ce domaine est
RS Means, une firme américaine qui publie différents guides réputés. Pour des
caractéristiques données, ces manuels permettent de calculer les quantités requises, les
prix de chaque élément, incluant les coûts d'installation. Chaque estimateur peut ensuite
faire ses propres ajustements. Un logiciel est accessible sur le site Internet de RS Means.
Voici les résultats de simulations que nous avons effectuées.
Coûts de construction, 2009
Magasin de détail
2
100 000 pi
Saint John (T.-N.)
Charlottetown
Halifax
Saint John (N.-B.)
Montréal
Ottawa
Toronto
Régina
Winnipeg
Calgary
Vancouver
6 855 000
6 531 500
7 204 000
6 955 000
8 012 500
8 031 500
8 248 000
6 777 000
7 346 500
8 149 000
7 837 500
$
$
$
$
$
$
$
$
$
$
$
vs Mtl
-14 %
-18 %
-10 %
-13 %
0%
3%
-15 %
-8 %
2%
-2 %
Immeuble à appartements en hauteur
2
100 000 pi
vs Mtl
23 364 000
22 508 500
23 693 500
23 014 000
25 492 500
25 680 500
26 349 500
22 371 000
24 289 000
26 680 000
25 566 500
$
$
$
$
$
$
$
$
$
$
$
-8 %
-12 %
-7 %
-10 %
1%
3%
-12 %
-5 %
5%
0%
Manufacture
2
100 000 pi
8 398 500
7 976 500
8 673 000
8 398 500
9 531 000
9 466 500
9 716 000
8 224 500
8 820 000
9 678 000
9 308 500
$
$
$
$
$
$
$
$
$
$
$
vs Mtl
-12 %
-16 %
-9 %
-12 %
-1 %
2%
-14 %
-7 %
2%
-2 %
Source : RS Means, Reed Construction Data, 2009-04-03.
6
Impact économique pour le Québec de dépenses d'investissements en construction d'un milliard de
dollars, Simulation de l'Institut de la statistique du Québec pour le compte de la Commission de la
construction du Québec, Octobre 2004.
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On constate qu'invariablement, en vertu de tables comparatives de prix, de salaires et de
productivité, les calculs de RS Means dérivent des coûts de construction un peu moins
élevés à Montréal qu'à Toronto ou Calgary, que ce soit pour un magasin de détail, un
immeuble d'appartements en hauteur ou une manufacture. Les coûts à Montréal sont
cependant plus élevés que dans les villes des Maritimes ou dans certaines provinces des
Prairies.
KPMG
Une autre source de données corrobore ces estimations, à quelques variantes près. Les
données de KPMG, une firme comptable qui donne notamment des services conseils en
matière de localisation d'investissements à travers le monde, sont présentées au tableau
suivant. Elles sont tirées de son étude Competitive Alternatives de 2008.
On y constate en effet que les coûts d'un bâtiment pour un projet industriel sont,
comparativement à Montréal, de 7 % plus élevés à Toronto et à Calgary, et de 28 % à
Vancouver! Ils sont par contre en général inférieurs dans les provinces de l'Est, mais pas
nécessairement.
Coût du bâtiment
Moyenne de 17 projets industriels
vs Mtl
Saint John (T.-N.)
Charlottetown
Halifax
Saint John (N.-B.)
Montréal
Ottawa
Toronto
Régina
Winnipeg
Calgary
Vancouver
3 358 000 $
2 849 000 $
2 568 000 $
ND
3 304 000 $
3 304 000 $
3 521 000 $
3 185 000 $
3 060 000 $
3 521 000 $
4 225 000 $
2%
-14 %
-22 %
0%
7%
-4 %
-7 %
7%
28 %
Source: KPMG, Competitive Alternatives, 2008 Edition
Une «étude» sur les grandes surfaces commerciales
Mais il s'agit là, bien sûr, de simulations. Sur le terrain, la situation est-elle différente?
Comme nous le mentionnions plus haut, la réalité est malheureusement difficile à
comparer, compte tenu de la variabilité de la nature des projets de construction. En 2004,
nous avons tout de même effectué une étude-maison, qui, sans se prétendre scientifique,
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démontrait que ce n'est pas impossible que ce soit effectivement moins cher construire au
Québec qu'en Ontario.
Voici. La vague de construction de grandes surfaces de détail au Canada aura ce mérite :
il n'y a rien qui ressemble le plus à un Wal-Mart ou à un Home Depot qu'un Wal-Mart et
un Home Depot! Nous avons compilé la valeur d'une quarantaine de magasins construits
entre 2000 et 2004 par ces deux grandes chaînes au Québec et en Ontario, d'après un
relevé de Reed Construction Data, qui tient à jour une banque de données sur les
différents chantiers actifs au Canada. Les données peuvent bien sûr varier selon la qualité
de l'information disponible et les particularités probables des différents sites, mais on
constatait tout de même que le prix au pied carré d'un Home Depot est en moyenne de
73,58 $ en Ontario et de 60,80 $ au Québec, soit 17 % moins élevé au Québec. Pour un
Wal-Mart, c'est 85,05 $ en Ontario et 61,81 $ au Québec, soit 27 % de moins au Québec.
Il était certes possible de trouver un magasin qui a coûté plus cher au Québec qu'en
Ontario, pour des raisons peut-être liées à la qualité de l'information ou aux
caractéristiques du projet, mais c'était loin d'être la règle.
En conclusion, les diverses sources d'information disponibles, bien qu'imparfaites, vont
néanmoins toutes dans le même sens: les coûts de construction d'un bâtiment sont moins
élevés au Québec qu'en Ontario.
Le coût de construction des routes
Mais qu'en est-il pour une route ou pour une infrastructure?
Plusieurs chiffres ont été mentionnés à ce sujet. En 2007, le journal La Presse faisait état
des soi-disant résultats d'une étude pan-canadienne réalisée en 2006, faite à partir de
données fournies au fédéral par les provinces, et démontrant par exemple que les coûts
pouvaient être de 50 % plus élevés au Québec pour construire un kilomètre de chaussée
d'autoroute à deux voies, comparativement à la moyenne canadienne. Le ministère des
Transports du Québec (MTQ) avait toutefois démenti ces conclusions, en précisant que
les écarts étaient attribuables à des anomalies méthodologiques, à des incongruités quant
à la comparabilité des données et à l'absence de prise en compte des facteurs
géographique, géologique ou climatique. Selon le MTQ, les données utilisées par l'étude
ne pouvaient servir à des comparaisons inter-provinciales et l'étude contenait d'ailleurs
plusieurs avertissements à ce sujet. De nouvelles données du MTQ transmises au fédéral
démontraient plutôt, selon le MTQ, que les coûts au Québec se situaient dans la moyenne
canadienne en matière d'entretien et que, s'ils étaient bel et bien supérieurs dans la
construction neuve, ils l'étaient de manière beaucoup moindre qu'avancé par La Presse à
partir de l'étude obtenue alors du gouvernement fédéral.
Une nouvelle version de l'étude réalisée pour le gouvernement fédéral a été déposée en
2008, dans laquelle les chiffres québécois ont été corrigés, mais pas les chiffres des autres
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provinces. 7 Les écarts de coûts du Québec par rapport à l'étude de 2006 sont
effectivement moins élevés que dans la première version. Par exemple, le coût de pavage
d'une route secondaire rurale au Québec y est de 10 % plus élevé que la moyenne
canadienne, au lieu de 70 % dans la version initiale de l'étude. Selon ces nouveaux
chiffres, il coûterait même 7 % moins cher paver une route au Québec qu'au nord de
l'Ontario.
Estimation des coûts de pavage au kilomètre,
Route secondaire rurale
0$
200 000 $
400 000 $
600 000 $
800 000 $
Co lo mbie-B ritannique, intérieur
Co lo mbie-B ritannique, cô tes
Ontario , no rd
A lberta
Québec, sud
Québec, no rd
Saskatchewan
No uveau-B runswick
M anito ba
M o yenne canadienne
Ontario , sud
Île-du-P rince-Édo uard
No uvelle-Éco sse
Territo ires
Terre-Neuve et Labrado r
Applied Research Associates, pour Transport Canada, 2006
Applied Research Associates, pour Transport Canada, 2008
Mais en fait, les problèmes méthodologiques de l'étude sont tels qu'il est impossible de
conclure, à partir d'une telle étude, quoi que ce soit sur les coûts comparatifs des
provinces. La version 2008 de l'étude ajoute d'ailleurs, en introduction, une mise en garde
à ce sujet, en soulignant l'absence de politiques comptables communes entre les
provinces, ce qui rend difficile les comparaisons.
7
Applied Research Associates inc, Estimation of the representative annualized capital and maintenance
costs of roads by functional class, Revised final report, août 2008.
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Le coût de construction d'une centrale hydroélectrique
S'appuyant sur une étude publiée en février 2009 par l'Institut économique de Montréal 8 ,
certains ont prétendu que les chantiers d'Hydro-Québec coûtent systématiquement plus
cher que des chantiers comparables, et ce jusqu'à 26 %. Or, l'étude en question ne dit que
constater que les coûts finaux de cinq projets récents d'Hydro-Québec (Toulnustouc,
Péribonka, Eastmain-1, Mercier, Chute-Allard/Rapides-des-Coeurs) sont supérieurs de
26 % à ceux initialement annoncés. En supposant que les données utilisées par l'étude
soient vraies, il s'agit donc ici de «dépassements» de coûts. Il ne s'agit aucunement d'une
comparaison des coûts pour les projets d'Hydro-Québec avec ceux d'autres promoteurs.
Et si la question des dépassements de coûts est non moins pertinente, encore faut-il aussi
nuancer cette notion. Il faut savoir que dans de nombreux projets de construction, les
chiffres initiaux diffusés sur la valeur des projets sont souvent davantage des estimés
préalables très approximatifs, qui n'ont rien d'une enveloppe budgétaire réellement
prévue.
8
Claude Garcia : Comment la privatisation d'Hydro-Québec permettrait-t-elle d'enrichir les citoyens
québécois?
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