Comprendre l`intention d`adhérer à une AMAP : une approche par la

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Comprendre l`intention d`adhérer à une AMAP : une approche par la
Session 2 - 1
Comprendre l'intention d’adhérer à une AMAP : une approche
par la théorie du comportement planifié
Laurent Bertrandias
Maître de conférences
CRM-CNRS, IAE, Université Toulouse
Capitole
[email protected]
Jean-Louis Pernin
Maître de conférences
CRM-CNRS, Université de Toulouse
IUT de Tarbes
[email protected]
Résumé : Les Associations pour le Maintien d‟une Agriculture Paysanne (AMAP)
représentent une forme singulière de distribution de produits frais alimentaires fondée sur une
logique coopérative entre un producteur et un ensemble de consommateurs. Ces associations,
renouvelant les règles marchandes, apportent de réels bénéfices aux consommateurs mais
génèrent pour eux de réelles contraintes. Dans un contexte de tension entre producteurs et
grande distribution, comprendre les motivations et freins à adhérer à une AMAP est important
pour pérenniser et développer ces partenariats. Il s‟agit aussi d‟améliorer la connaissance du
« nouveau consommateur ». La théorie du comportement planifié, légèrement amendée, est
utilisée pour comprendre l‟intention d‟adhérer à une AMAP. Les données sont issues d‟une
enquête sur 535 non-adhérents. Les résultats soulignent essentiellement le poids du contrôle
perçu mais aussi l‟influence d‟une certaine recherche de surprise et de convivialité donnant
sens à la consommation.
Abstract: Community Supported Agriculture (CSA) represents a singular distribution
channel of fresh food which is based on a cooperative relationship between one producer and
a quite small number of consumers. This associative form introduces alternative trading rules
and brings a lot of benefits but with heavy constraints. In a context of tension between
producers and retailers, understanding consumers‟ underlying motivations to adhere a CSA is
crucial to ensure their sustainability and development. CSA membership can also be viewed
as a practice that characterizes the "new consumer". A slightly modified version of Theory of
Planned Behaviour is used to explain the intent to adhere a CSA. Data comes from a survey
on a sample of non-adherents. Results highlight the importance of perceived control and the
role of surprise, friendliness and amicable relationships seeking to give a meaning to
consuming activities.
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Comprendre l'intention d’adhérer à une AMAP : une approche
par la théorie du comportement planifié
Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l‟origine régionale et biologique de leurs
achats alimentaires (Agence Bio 2009, Sirieix et al. 2009). En France, 83% des
consommateurs déclarent privilégier les produits de production locale (Agence Bio 2009)
dont 52% qui déclarent « toujours » ou « souvent » les privilégier. Ce résultat est confirmé par
les enquêtes de Sirieix et al. (2009) : plus de 50% des consommateurs préfèrent un produit
conventionnel régional à un produit bio qui vient de loin et pour près de 70% un produit bio
doit venir de la région. Cependant, la mise en pratique de ces bonnes intentions, probablement
affectées par un biais de désirabilité sociale, n‟est pas évidente. Ainsi, en dehors de cas isolés,
la grande distribution ne s‟engage pas clairement en faveur d‟une offre locale de produits
alimentaires. Les agriculteurs et éleveurs soulignent fréquemment qu‟il s‟agit d‟une cause à
leurs difficultés.
En réaction, des circuits parallèles de vente directe s‟organisent progressivement (Merle et al.
2009). Les Associations Pour le Maintien de l‟Agriculture Paysanne (AMAP) constituent l‟un
mode de distribution alternatif des produits agricoles. Une AMAP est un partenariat entre un
ou plusieurs producteurs et un groupe de consommateurs (de 20 à 50 en général) qui
s‟organisent pour acheter en début de saison une partie de la production dans le cadre d‟un
contrat à durée déterminée. L‟agriculteur est payé d‟avance et fournit chaque semaine un
panier des produits cultivés dans le respect d‟une agriculture paysanne. Les adhérents de
l‟AMAP partagent, avec l‟agriculteur, les risques productifs (en fonction des aléas de la
production le panier peut-être plus ou moins garni) et ne peuvent savoir à l‟avance le contenu
du panier hebdomadaire. Ce mode de distribution va à contre courant de la simplification dans
les démarches d‟achat (achat en ligne par exemple) et modifie significativement les coûts et
les bénéfices de l‟accès aux produits alimentaires et, partant, la structure des motivations à
adhérer à ce type d‟association.
Des études qualitatives aux Etats-Unis (Kolodinsky et Pelch 1997, Cooley et Lass 1998), en
France (Plouzenc et al. 2008) et en Australie (Lea et al. 2006), convergent dans leurs résultats
concernant les motivations et les freins à l‟adhésion à une AMAP. Ces motivations sont
d‟ordres politiques, environnementaux, sociaux et économiques. Toutefois l‟adhésion à une
AMAP n‟a jamais été traitée dans le cadre d‟une théorie structurée de la décision permettant
de pondérer les critères de décision. Par ailleurs, les études ont souvent été réalisées sur des
adhérents et peuvent être sujettes à des biais de rationalisation a posteriori mais aussi à des
biais de sélection.
L‟objectif de cet article est d‟analyser l‟intention d‟adhérer à une AMAP en utilisant le cadre
de la théorie du comportement planifié (TCP) (Ajzen 1991). Compte tenu de l‟engagement
assez lourd à la fois financier et logistique qui accompagne l‟adhésion à une AMAP, il ne peut
s‟agir que d‟un comportement résolument planifié. Cela rend de fait ce cadre théorique très
pertinent. L‟intérêt est de comprendre plus en détail et de pondérer les déterminants de
l‟adhésion. La vente alternative, directe des produits agricoles étant considérée comme une
piste sérieuse pour ralentir la paupérisation et la disparition du monde agricole en France, le
papier cherche ainsi à utiliser les résultats pour adresser des préconisations fiables aux
exploitants et aux organisations en charge du développement des AMAP. Plus généralement,
cet article cherche à contribuer, à travers l‟étude d‟une des pratiques de consommation qui
pourraient le définir, à mieux comprendre ce « nouveau consommateur » devenu un thème
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important de la recherche en marketing. Dans la première partie de l‟article, nous exposons la
façon dont la théorie du comportement planifié a été appliquée au cas de l‟adhésion à une
AMAP. Cette première partie a trois objectifs : présenter la TCP, faire l‟inventaire des
croyances diverses sur l‟adhésion à une AMAP pouvant entrer dans un modèle élargi de TCP
et, enfin, discuter des aménagements apportés à la théorie. Dans la deuxième partie, nous
évoquons la méthode de collecte et les échelles de mesure utilisées. Dans la troisième partie,
nous testons des modèles structurels et discutons les résultats obtenus.
1. La Théorie du Comportement Planifié appliquée a l‟intention d‟adhérer a une AMAP
1.1. Les AMAP, un modèle alternatif de distribution
Une AMAP est un partenariat entre un ou des agriculteurs/ éleveurs et des consommateurs
dans lequel les risques et les bénéfices de la production sont partagés. D‟un point de vue
juridique, une AMAP est une association, soit déclarée soit de fait, dont le principe clé est le
paiement par l‟adhérent consommateur (l‟amapien) d‟un abonnement durant une période qui,
en général, est de 6 mois. Cet abonnement versé par avance au producteur donne droit, en
contrepartie, à un panier de produits issus de la ferme chaque semaine.
Les AMAP sont les descendants des Tei-Kei. Ces Tei-Kei sont apparues au Japon en 1965,
suite à un certain nombre de crises alimentaires qui ont mis à mal la confiance des
consommateurs (Okumura 2004). Sur la base de cette crise, les japonaises ont constitué des
groupes de consommatrices autour d‟un producteur en essayant de recréer des relations de
proximité afin de maîtriser la commercialisation et de s‟assurer de la qualité des produits. Teikei signifie littéralement « mettre un visage sur le producteur ». La diffusion de cette forme de
distribution s‟est faite, au niveau international, par la création de CSA aux Etats-Unis, en
Grande-Bretagne, et au Canada dans les années 90. En France, la première AMAP fut créée en
2001, en région PACA, suite à un « café-écolo » organisé par ATTAC sur la « mal bouffe ».
Pour l‟essentiel, les AMAP sont une réaction au développement de méthodes agricoles
productivistes, au sentiment que la figure tutélaire du « paysan », préservant le milieu naturel,
est lourdement menacée, voire, selon Thompson et Coskuner-Balli (2007), à la récupération
du mouvement de l‟agriculture biologique par le système agro-alimentaire conventionnel. Dès
lors, les méthodes de production sont généralement mais pas systématiquement issues des
principes de l‟agriculture biologique. Mais dans tous les cas, le respect d‟un mode de
production naturel est un soubassement des AMAP. Il s‟accompagne de la garantie que les
produits vendus sont sains. C‟est aujourd‟hui un modèle économique présent dans un grand
nombre de pays faisant par exemple l‟objet d‟intérêt très vif aux Etats-Unis (Henderson et
Van En 2007).
Les AMAP sont des canaux singuliers de distribution Dans son fonctionnement usuel,
quelques principes pratiques façonnent le fonctionnement de ce type d‟association. Une visite
annuelle de la ferme doit être organisée pour les adhérents. Lors de la constitution de
l‟association, un point de rendez-vous est fixé pour la distribution des paniers. Cela peut-être
à la ferme ou tout autre lieu comme le parking d‟une entreprise ou d‟une administration.
Chaque amapien doit se rendre à ce point de rendez-vous hebdomadaire afin de récupérer son
panier.
Le contrat unissant le producteur aux consommateurs est certainement le point le plus original
de l‟AMAP par rapport à d‟autres formes de distribution directe de produits agricoles. Il
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prévoit que les membres partagent les risques de la production avec le producteur. Cela
signifie que si le producteur rencontre certains problèmes (par exemple une faible récolte du
fait d‟une météorologie défavorable ou d‟une attaque par des ravageurs) les adhérents auront
moins de produits dans leur panier. Par ailleurs, les adhérents ne peuvent pas choisir, sinon à
la marge, la nature des produits qui composeront le panier hebdomadaire. Enfin, l‟AMAP
suppose une coordination. Cette tâche doit, normalement, être endossée à tour de rôle par les
membres de l‟AMAP.
L‟une des originalités de l‟AMAP est qu‟elle déclenche un processus de socialisation. Souvent
des activités sociales sont organisées entre les amapiens telles que des moments de cuisine
collectifs ou des pique-niques (Norberg-Hodge et al. 2002, Pretty 2002, Lamine 2008). De ce
fait, les AMAP ne sont pas seulement un mode alternatif de distribution de produits
alimentaires mais constituent également une communauté sociale, vecteur de partage et de
convivialité. Finalement, une AMAP peut être décrite comme un type de commerce équitable
local et écologique.
En raison des modalités de fonctionnement d‟une AMAP, de nombreuses contraintes pèsent
sur l‟amapien potentiel. De ce fait l‟adhésion à une AMAP peut être considérée comme une
décision planifiée, réfléchie, reposant sur l‟anticipation de coûts et de bénéfices. Dès lors,
l‟utilisation de la TCP comme modèle explicatif de l‟intention d‟adhérer à une telle structure
se justifie pleinement.
1.2. La Théorie du Comportement Planifié
La théorie du comportement planifié (TCP) (Ajzen 1985, 1991) est une extension de la
théorie de l‟action raisonnée (TAR) (Fishbein et Ajzen 1975). Dans ces modèles la réalisation
du comportement est supposée dépendre directement de l‟intention manifestée par l‟individu
d‟adopter ce comportement. Ces théories s‟adaptent en effet particulièrement à des
comportements dont l‟adoption est murie, dont les conséquences positives et négatives
peuvent être anticipées. Dans la TAR, l‟intention admet deux variables prédictives : l‟attitude
à l‟égard du comportement et la norme subjective. Dans la TCP, une troisième variable,
nommée « perception de contrôle sur le comportement », est rajoutée comme antécédent de
l‟intention afin de prendre en compte le fait que même si les individus ont une attitude plutôt
favorable à l‟égard du comportement, même si ils pensent que son adoption serait approuvée
par leur entourage, ils peuvent ne pas se sentir la capacité ou la liberté d‟adopter ce
comportement.
Les trois antécédents de l‟intention (les attitudes envers le comportement, les normes
subjectives et la perception de contrôle sur le comportement) sont supposés être issus de
croyances stockées en mémoire. Dans l‟absolu, chaque antécédent est construit comme une
combinaison linéaire des intensités de chaque croyance pondérée par l‟évaluation de leur
importance pour l‟individu. L‟attitude, c‟est-à-dire l‟évaluation plus ou moins favorable du
comportement est ainsi issue de croyances concernant les conséquences probables de la
réalisation du comportement (les croyances comportementales) pondérées par l‟évaluation de
la désirabilité de ces conséquences pour l‟individu. Les normes subjectives sont issues de
croyances sur les espérances normatives de l‟entourage social de l‟individu, évaluées en terme
de degré d‟approbation ou de désapprobation (les croyances normatives) pondérées par la
propension à se conforme aux attentes de cet entourage. La perception de contrôle sur le
comportement est déterminée par les croyances sur le contrôle que l‟individu pense avoir sur
les facteurs qui peuvent affecter la réalisation du comportement (croyances de contrôle)
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pondérées par l‟évaluation de l‟importance de ces facteurs. Il en résulte une évaluation
globale sur la possibilité de réaliser le comportement.
En pratique, le modèle est rarement utilisé tel quel dans les travaux de recherche. Souvent, les
trois antécédents de l‟intention sont mesurés directement, sans faire appel à l‟interaction entre
intensité et importance personnelle des croyances. Cette structure simplifiée sert de base mais
il est commun d‟ajouter des facteurs supplémentaires expliquant l‟intention ou de traiter les
croyances sur les conséquences du comportement comme des antécédents non seulement de
l‟attitude mais également des normes subjectives et du contrôle perçu. C‟est l‟approche que
nous avons adoptée. L‟intérêt est d‟identifier les croyances influençant, même indirectement,
l‟intention d‟adopter le comportement et partant de repérer des leviers d‟action marketing.
La TCP a fait l'objet de nombreuses applications qui valident son pouvoir explicatif. Dans une
méta-analyse basée sur 185 études indépendantes, Armitage et Conner (2001) trouvent que la
TCP permet de restituer, en moyenne, 39% de la variance des intentions et 27% de celle du
comportement. Certains auteurs considèrent qu‟une part de la variance inexpliquée est liée au
manque d‟ajustement aux données et recommandent de recourir, préalablement, à l‟estimation
des modèles structurels, à l‟analyse factorielle confirmatoire (Blue et al. 2001, Davis et al.
2002). Dans certaines études, c‟est le manque de variance des antécédents qui explique leur
faible validité prédictive.
Même si la méta-analyse d‟Armitage et Conner (2001) porte essentiellement sur des études
réalisées dans le domaine de la santé (notamment sur l'utilisation du préservatif ou sur
l'intention de faire un régime) et de la pratique sportive, la TCP s‟avère performante dans le
champ de la consommation (par exemple pour prédire l'intention d'achat de montre, de sac à
dos et de téléphone mobile (Mannetti et al. 2002) ou de boissons sans alcool (Smith et al.,
2008), y compris pour prédire l‟achat de produits moralement discutable comme les
contrefaçons (Penz et Stottinger 2005). Il est intéressant de noter que la TCP est assez
naturellement mobilisée pour prédire des consommations alimentaires marquées par une
certaine idéologie politique comme l‟achat de produits équitables (Shaw et Shiu 2002,
Ozcaglar-Toulouse et al. 2006), de produits écologiques (Sparks et Shepherd 1992, Kalafatis
et al. 1999) et de produits issus de l‟agriculture biologique (Tarkiainen et Sundqvist 2005,
Lodorfos et Dennis 2008). Toutefois, en dépit de sa large diffusion au sein de différentes
disciplines en sciences sociales, la TCP présente encore quelques problèmes théoriques. C‟est
notamment le cas de la relation entre les intentions et les normes subjectives. Dans leur métaanalyse, Armitage et Conner (2001) relève un faible pouvoir prédictif de la norme subjective.
Ils l‟expliquent par un problème de mesure : « Il est clair que ce composant nécessite
davantage d‟attention empirique, et la présente étude pointe du doigt sa mesure comme étant
sa principale faiblesse étant donné que la majorité des études en termes de TCP ont utilisé un
seul item pour sa mesure » (Armitage et Conner 2001, p.488).
Pour pallier ce problème, la stratégie de recherche dominante dans ce domaine est d‟ajouter
de nouveaux types de normes et, notamment, les normes descriptives. En effet, dès 1991,
Cialdini et al. ont soutenu que le composant normatif de la TCP devait être séparé en deux
types de normes : les normes injonctives et les normes descriptives. De fait, les normes
subjectives traditionnelles de la TCP sont des normes injonctives dans la mesure où elles
concernent la pression sociale perçue de la part de l‟entourage social de l‟individu (exemple
d‟item : la plupart des personnes pour qui j'ai de l'estime pense que je devrais …). Les normes
descriptives reflètent davantage la perception, voire l‟observation, que son propre entourage
adopte déjà ou adopterait le comportement en question. Selon la méta-analyse de Rivis et
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Sheeran (2003) sur l‟intégration de ces normes descriptives dans la TCP, ces dernières
permettent d‟expliquer, en moyenne, 5% de plus de la variance de l‟intention. Ce résultat est
également validé par l‟étude de Smith et al. (2008) sur les boissons sans alcool.
Même si cette distinction entre normes injonctives et descriptives est validée, la prise en
compte de l‟influence sociale dans le modèle n‟est pas pleinement satisfaisante. Au-delà des
problèmes de mesure, nous envisageons deux pistes. En premier lieu, considérer l‟influence
normative en termes d‟approbation / désapprobation n‟est pas suffisant et trop vague. Les
conséquences sociales positives ou négatives d‟un comportement de consommations sont plus
diverses (Bertrandias et Pichon 2004, Bertrandias et Elgaieed 2010). Par exemple, les
consommations ont une fonction de classification sociale. Certaines décisions aident les
consommateurs à se positionner socialement, d‟autres brouillent ce processus. En second lieu,
l‟utilisation de différentiels sémantiques opposant la désapprobation à l‟approbation simplifie
à l‟excès l‟analyse sociale des conséquences de la consommation. Par exemple, l‟adhésion a
une AMAP a peu de chance d‟être désapprouvée, cela reste un choix d‟ordre domestique et
privé. En somme, c‟est le degré d‟approbation qui va varier. Avec une échelle en 5 points,
cette variation sera au mieux captée par une mesure en trois points, ceux à la droite de
l‟échelle. Pour évaluer plus finement la norme subjective, il conviendrait, en fonction des
comportements visés, de dissocier les items d‟approbation de la désapprobation. Sur un plan
logique par ailleurs, « ne pas approuver » n‟est pas équivalent à « désapprouver », l‟entourage
peut très bien ne pas signifier son approbation sans pour autant marquer sa désapprobation.
Nous substituons à la norme injonctive, les concepts de risque social (anticipation des
conséquences négatives de l‟adoption du comportement) et de valorisation sociale
(anticipation des conséquences positives en termes d‟image sociale de l‟adoption du
comportement).
1.3. Les croyances relatives à l‟adhésion à une AMAP
Plusieurs études existent sur le rôle des croyances sur l‟adhésion à une AMAP. Aux USA,
Perez et al. (2003) ont conduit une étude sur la base de focus groupes (17 membres de 5
Community Supported Agriculture (CSA) ont participé à l‟une des trois sessions de focus
groupe) et de questionnaires écrits distribués aux membres de 8 CSA (n=274). En Australie,
Lea et al. (2006) ont réalisé 20 interviews de consommateurs n‟appartenant pas à une CSA.
En France, Pouzenc et al. (2008) ont conduit 18 interviews de membres de 8 AMAP de la
région Midi-Pyrénées.
De notre côté, nous avons réalisé, en 2007, une étude quantitative auprès de 129 membres de
5 AMAP situées dans le département des Hautes-Pyrénées. Le questionnaire de cette étude fut
réalisé sur la base des résultats de Perez et al. (2003), de 5 interviews de membres d‟une
AMAP à Tarbes et de l‟observation participante de la création d‟une AMAP (à Tarbes) et de 2
distributions de paniers.
- Les bénéfices probables de l‟adhésion à une AMAP
Les bénéfices potentiels de l‟adhésion à une AMAP sont divers, utilitaires, sociaux,
idéologiques et hédoniques.
C‟est avant tout l‟accès à des produits frais et de bonne qualité, meilleurs pour la santé car
produits sans pesticides ou engrais chimiques qui est recherché. D‟après l‟enquête de Perez et
al. (2003, p.2), 62% des membres de CSA aux Etats-Unis avancent comme première raison
d‟adhésion la recherche de produits bios. Le choix des produits bios est, pour les enquêtés,
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principalement associé à un aspect de santé et de goût. Dans notre étude, acheter des produits
bons pour la santé est également la principale raison de l‟adhésion (21,3% des citations). Ces
résultats sont conformes à ceux de Kolodinsky et Pelch (1997) et de Lass et al. (2003) selon
lesquels les consommateurs qui adhèrent à une CSA sont prioritairement ceux qui
consomment déjà des produits biologiques et qui sont sensibles aux problèmes écologiques.
L‟adhésion à une AMAP permet ensuite de soutenir l'agriculture locale. Le soutien à
l‟agriculture locale prend une part significative des raisons d‟adhésion dans l‟étude de Perez
et al. : cette raison est citée par 40% des répondants. Dans notre étude les raisons de
l‟adhésion à une AMAP sont, après le fait d‟acheter des produits bons pour la santé : le fait
d‟acheter des produits locaux (19,9% des citations), le soutien à l‟agriculture locale (18,9%
des citations) et le fait de s'engager politiquement contre la production et la commercialisation
conventionnelle des produits agricoles (10,8% des citations). Au-delà du soutien à
l‟agriculture locale il peut donc y avoir des motivations politiques plus générales pour certains
membres d‟une AMAP. L‟adhésion à une AMAP peut symboliser un engagement politique
contre la production et la distribution agricole de masse et être en accord avec d‟autres types
d‟engagement d‟ordre écologique, notamment la participation au mouvement des
« locavores » ne consommant que des aliments produits dans un rayon de 200 km.
L‟anticipation d‟un bénéfice financier ou du moins d‟un bon rapport qualité prix est la
troisième raison de l‟adhésion à une AMAP. En effet, plusieurs études tendent à montrer que
le prix du panier d‟une AMAP est inférieur à son équivalent en bio dans les autres circuits de
distribution. L‟étude de l‟ISARA de Lyon, conduite sous la direction de Mundler (2006), a
comparé 4 paniers de légumes avec les prix pratiqués au sein de marchés bios, de magasins
bios, de marchés conventionnels et de GMS (produits conventionnels). Le tableau ci-dessous
établit une moyenne à partir de ces données.
Tableau 1. Comparaison des prix moyens des paniers de légumes entre les AMAP et les autres
circuits de distribution (en euros)
Prix moyen
Prix moyen
Prix moyen
Prix moyen marché Prix moyen GMS
AMAP
marché bio
magasin bio
conventionnel
conventionnel
11,5
12,4
14,7
9,2
7,6
Source : Pernin et Sénéchal 2006.
Au final, le prix d‟un panier est, en moyenne, inférieur à celui des marchés et des magasins
bios. Financièrement, l‟engagement dans une AMAP ne reste couteux que pour les faibles
consommateurs de bio. Cette idée va dans le même sens que d‟autres études sur le sujet aux
USA (Cooley et Lass 1998) et au Canada (Sabih et Baker 2000) (cf. Brown et Miller 2008,
pp. 1298-1299). Dans notre étude deux items traitaient de cette question : le prix du panier de
l'AMAP est moins cher que l'équivalent a) sur un marché bio b) dans un magasin bio. Les
résultats sont que pour 72,9 % des amapiens enquêtés le prix est plus faible que l‟équivalent
sur un marché bio et pour 68,2% que dans un magasin bio.
Un quatrième bénéfice de l‟entrée dans une AMAP concerne la dimension sociale et
relationnelle. Etre dans une AMAP permet de vivre des moments de convivialité. Cette raison
émerge de notre étude : à la question « quels sont pour vous les principaux avantages de votre
adhésion à l'AMAP », le fait de vivre des moments de convivialité se retrouve en quatrième
position (11,2 % des citations) ; Cette raison émerge également dans les travaux de Lea et al.
(2006) et de Pouzenc et al. (2008).
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Enfin un cinquième bénéfice, émotionnel, peut être identifié : il s‟agit de la surprise du
contenu du panier chaque semaine. Il est de ce point de vue intéressant de noter que la
participation à une AMAP revêt une réelle dimension expérientielle. Le contenu change à
chaque fois, le plaisir de la découverte peut ainsi compenser le peu de prise que le
consommateur a sur le contenu du panier. Cette raison, évoquée lors de nos entretiens, s‟est
confirmée dans l‟enquête quantitative. Ce bénéfice est cité à hauteur de 10,4% des citations
concernant les avantages retirés de l‟adhésion à une AMAP. Cet élément se retrouvera bien
sûr dans les facteurs qui peuvent perturber l‟adhésion dans la mesure où certains individus
n‟apprécient pas cet élément d‟incertitude.
- Les facteurs qui peuvent décourager l‟adhésion à une AMAP
La livraison de paniers pendant les vacances scolaires est le facteur qui gêne le plus les
participants à une AMAP. Ce point se retrouve dans toutes les études. Dans notre enquête, une
question sur les inconvénients de l‟adhésion était posée. La livraison de paniers pendant les
vacances scolaires y arrive en tête avec 16,6 % des citations suivi par le manque de choix des
produits composant le panier (12,4 % des citations) et des paniers avec parfois des quantités
trop importantes d'où une perte de produits (11,5 % des citations). L‟étude de Perez et al.
(2003, p.4) va dans le même sens. Dans leur étude, le principal grief des adhérents est le
manque de choix des produits (44%), des quantités trop importantes d‟où une perte de
produits (37%) et le temps de préparation des produits (26%).
Au-delà de ces facteurs, il convient de tenir compte des conditions directement liées au
fonctionnement d‟une AMAP : il faut que l‟adhérent puisse se rendre chaque semaine au point
de rendez-vous, qu‟il accepte d‟organiser la distribution des paniers de temps en temps, qu‟il
ait le temps, l‟envie et les compétences pour cuisiner son panier chaque semaine (les fruits et
légumes sont les produits qui composent majoritairement les paniers) et qu‟il puisse assurer
financièrement cette adhésion. Ces contraintes sont notamment de nature à diminuer le
contrôle perçu.
- Les croyances sur les convictions de l‟entourage
L‟adhésion à une AMAP peut être socialement favorisée si le consommateur perçoit que son
entourage a des croyances congruentes avec l‟adhésion à une AMAP. Par souci de
parcimonie, nous nous sommes centrés sur des croyances ou préoccupations sur la situation
du monde agricole. D‟autres croyances auraient pu être envisagées. Notamment, les
préoccupations environnementales attribuées à l‟entourage auraient pu être mobilisées
(Bertrandias et Elgaieed 2010)
2. Méthodologie de la recherche
2.1. La collecte des données
Les données ont été collectées au cours d‟une enquête auprès de non-adhérents à des AMAP.
En s‟inspirant de documents informatifs distribués par des AMAP, un dépliant a été créé
comme support pour informer de la création d‟une AMAP fictive. Dans ce dépliant, le mode
de fonctionnement de l‟AMAP, les conditions tarifaires étaient précisées. L‟intérieur du
dépliant était consacré au bref exposé des principes fondateurs et des valeurs sous-jacents aux
AMAP. Des étudiants formés aux méthodes d‟enquête indiquaient aux répondants ciblés
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(appartenant à leur entourage la plupart du temps) qu‟ils faisaient une enquête dans le cadre
de leurs études et posaient une question pour déterminer si le répondant connaissait les AMAP
(Question à choix multiple : les AMAP sont 1) des Associations sportives de parachutisme, 2)
des consommateurs victimes qui se groupent pour mener une action en justice, 3) des
associations entre des producteurs agricoles et des consommateurs, 4) des centres de loisirs
destinés aux enfants défavorisés) une question filtre pour déterminer si le consommateur
appartenait à une AMAP, puis quelques questions sur les habitudes de consommation qui
peuvent être considérées comme connexes à l‟adhésion à une AMAP (fréquence d‟achat de
produits issus de l‟agriculture biologique, du commerce équitable, de produits locaux ou
régionaux). Les enquêteurs présentaient ensuite le dépliant en leur demandant d‟imaginer
qu‟ils l‟avaient trouvé dans leur boîte aux lettres, et leur indiquant qu‟il pouvait les intéresser.
Après avoir laissé le temps aux répondants de le consulter, ils leurs donnaient le questionnaire
TCP en répondant à leur questions éventuelles. Le comportement cible étaient la décision
d‟adhérer à l‟AMAP de la brochure.
535 questionnaires exploitables ont été réunis de novembre 2009 à février 2010,
essentiellement dans le Sud-Ouest de la France. Près de 80% de l‟échantillon s‟est montré
capable de donner une définition correcte des AMAP. Il est composé à 60% d‟hommes, l‟âge
moyen des personnes interrogées est de 39 ans avec un écart-type de 12,16 ans. 25% ont entre
18 et 30 ans, 25% ont entre 48 et 78 ans. L‟échantillon est proche des distributions nationales
en termes de niveau de diplôme et de revenus de foyer.
2.2. Validation des mesures
La plupart des items ont été créés pour la recherche en suivant les recommandations d‟Ajzen
(2006) pour la construction de questionnaires TCP. Les questions portaient sur l‟ensemble des
croyances évoquées plus haut, sur la mesure de l‟attitude, du contrôle perçu, du risque social
et de la valorisation sociale. Etant donné la cible de l‟enquête, nous avons souhaité des
mesures parcimonieuses. Les questions ont fait l‟objet de pré-tests qualitatifs de
compréhension et auprès de consommateurs d‟âge et CSP variés et de validité de contenu
auprès de chercheurs en marketing. Cela a donné lieu à certaines reformulations. Nous avons
ensuite procédé à des analyses exploratoires pour évaluer la fiabilité et la validité des
construits. Très peu d‟items ont été supprimés.
Les mesures sont répertoriées dans le tableau 2. Globalement, elles présentent une fiabilité
suffisante à l‟exception des croyances relatives à l‟expérience (Rhô de Joreskög = 0,60). Cela
suggère qu‟une distinction conceptuelle entre l‟anticipation d‟émotions positives comme la
surprise et la convivialité renvoient à des dimensions distinctes de l‟expérience d‟adhésion à
une AMAP. Par manque d‟items, nous avons néanmoins conservé cette dimension.
Nous avons procédé à une série d‟analyses factorielles confirmatoires de façon à s‟assurer de
la qualité du modèle de mesure avant d‟estimer le modèle structurel (Anderson et Gerbing
1988). Deux analyses factorielles confirmatoires ont été conduites. Nous avons procédé par
niveaux successifs, une première AFC a été effectué sur l‟ensemble des croyances, une
seconde sur les antécédents directs de l‟intention. Le modèle de mesure des croyances s‟ajuste
correctement au données (AGFI = 0,92 ; GFI = 0,89 ; RMSEA = 0,064 avec intervalle à 90%
[0,057 ; 0,070], CFI=0,93, Chi²/ddl = 2,49). A l‟exception des croyances relatives à
l‟expérience d‟adhésion, les rhos de validité convergente sont au-delà de 0,5. Enfin, les
corrélations entre les croyances restent modérées, la plus forte, entre les croyances politiques
et les croyances sur l‟innocuité des produits étant égale à 0,545. Ainsi, aucune des dimensions
Session 2 - 10
ne partagent plus de variance avec les autres dimensions qu‟avec ses propres indicateurs, ce
qui écarte tout problème éventuel de validité discriminante. Le modèle de mesure des
antécédents de l‟intention s‟ajuste quant-à-lui très bien aux données (AGFI = 0,97 ; GFI =
0,96 ; RMSEA = 0,045 avec intervalle à 90% [0,028 ; 0,061], CFI=0,98, Chi²/ddl = 2,04). Les
construits présentent une validité convergente satisfaisante et sont très modérément corrélés
entre eux, la plus forte corrélation, entre valorisation sociale et attitude à l‟égard du
comportement étant égale à 0,505.
Tableau 2. Items, fiabilité interne et validité de convergence des échelles de mesure
Concepts
Croyances
sur
l‟innocuité
Croyances
sur la
contrainte
logistique
Croyances
sur
l‟avantage
économique
Croyances
politiques
Croyances
relatives à
l‟expérience
Croyances
de contrôle
Items retenus pour la mesure
Likert en 7 points allant de 1 : pas du tout probable à 7 : très probable
- Les produits de cette AMAP ne contiennent peu ou pas du tout de résidu
de pesticides ou d'engrais chimiques
- Les produits de cette AMAP du Clos Vert sont produits avec des
méthodes qui respectent davantage l'environnement que les produits
conventionnels
- Les produits de cette AMAP sont meilleurs pour la santé que les produits
conventionnels
Likert en 7 points allant de 1 : pas du tout d‟accord à 7 : tout-à-fait
d‟accord
- Adhérer à cette AMAP est couteux car on perd de l'argent à chaque fois
qu'on ne peut aller chercher son panier
- Adhérer à cette AMAP est pénible parce qu'on est obligé d'organiser de
temps à autre la distribution des paniers
- Adhérer à cette AMAP est contraignant car on ne peut pas choisir les
fruits et légumes que l'on a envie de manger
- Adhérer à cette AMAP est contraignant parce qu'on est obligé d'y aller
tous les samedis pour disposer de ses légumes
Likert en 7 points allant de 1 : pas du tout probable à 7 : très probable
- Adhérer à cette AMAP revient plus cher que si j'achetais mes fruits et
légumes d'une autre manière (Item inversé)
- Le panier de cette AMAP est moins cher que l'équivalent acheté dans un
supermarché
Likert en 7 points allant de 1 : pas du tout d‟accord à 7 : tout-à-fait
d‟accord
- Adhérer à cette AMAP témoigne d'un engagement en faveur d'une
agriculture relocalisée limitant la pollution liée au transport
- Adhérer à cette AMAP symbolise un engagement politique contre la
production agricole de masse polluante
Likert en 7 points allant de 1 : pas du tout d‟accord à 7 : tout-à-fait
d‟accord
- Adhérer à cette AMAP permet d'avoir la surprise du contenu du panier
chaque semaine
- Adhérer à cette AMAP permet de vivre des moments de convivialité
Likert en 7 points allant de 1 : pas du tout d‟accord à 7 : tout-à-fait
d‟accord
- Si j'adhère à cette AMAP, je parviendrai à m'organiser pour utiliser mon
abonnement même quand je suis en vacances.
- Si j'adhère à cette AMAP, je parviendrai à cuisiner chaque semaine les
produits de mon panier.
- Si j'adhère à cette AMAP, ce sera possible pour moi de récupérer mon
panier chaque semaine
- Si j'adhère à cette AMAP, je pourrai assumer, quelques semaines dans
l'année, la charge de coordonner la distribution des paniers
rhô
0,79
rhô de
validité
convergente
0,54
0,80
0,50
0,69
0,56
0,79
0,60
0,60
0,43
0,81
0,50
Session 2 - 11
Croyances
attribuées à
l‟entourage
Attitude à
l‟égard de
l‟adhésion
Contrôle
perçu
Risque
social
Valorisation
sociale
Intention
d‟adhésion
Likert en 7 points allant de 1 : pas du tout d‟accord à 7 : tout-à-fait
d‟accord
- Je pourrais citer le nom de beaucoup de personnes dont l'opinion compte
pour moi qui s'inquiètent de la situation économique des agriculteurs
français
- Je pourrais citer le nom de beaucoup de personnes dont l'opinion compte
pour moi qui s'inquiètent de l'utilisation de pesticides
- Je pourrais citer le nom de beaucoup de personnes dont l'opinion compte
pour moi qui se préoccupent de l'impact de l'agriculture sur
l'environnement
Différentiels sémantiques en 7 points
L‟idée d‟adhérer à cette AMAP m‟est : très désagréable / très agréable ;
m'ennuie / m‟excite ; est sans intérêt / est intéressante.
Pour moi, adhérer à cette AMAP serait inutile / très utile
Likert en 7 points allant de 1 : pas du tout d‟accord à 7 : tout-à-fait
d‟accord
- Rien ne m'empêche d'adhérer à l'AMAP du Clos vert
- Si j'adhère à cette AMAP, je pourrai assumer les contraintes qu'implique
cette décision
Likert en 7 points allant de 1 : pas du tout d‟accord à 7 : tout-à-fait
d‟accord
Si j‟adhère à cette AMAP, je peux craindre :
- D'être en décalage avec les valeurs des personnes dont l'opinion compte
pour moi
- De ne plus être sur la même longueur d'onde que les personnes dont
l'opinion compte pour moi
Likert en 7 points allant de 1 : pas du tout d‟accord à 7 : tout-à-fait
d‟accord
Si j‟adhère à cette AMAP, je peux m‟attendre à ce que les personnes dont
l‟opinion comptent pour moi…
- me fassent des compliments
- comprennent mieux que je partage leurs valeurs
Likert en 7 points allant de 1 : pas du tout d‟accord à 7 : tout-à-fait
d‟accord
- J'ai l'intention d'adhérer à cette AMAP
- Si je n'adhère pas cette AMAP, je ferai plus attention pour regarder si je
peux adhérer à une AMAP à l'avenir
0,87
0,70
0,87
0,64
0,70
0,53
0,85
0,74
0,86
0,75
0,78
0,65
3. Résultats : les facteurs et mécanismes explicatifs de l‟adhésion a une AMAP
Pour mettre en évidence les résultats, la stratégie a consisté à estimer plusieurs modèles
structurels en cherchant à identifier un ensemble de liens théoriquement pertinents et
significatifs. Les modèles sont estimés sous EQS par la méthode du maximum de
vraisemblance avec la correction proposée par Satorra et Bentler (1986) en cas de violation de
la multinormalité.
Le modèle obtenu est présenté dans la figure 2. Son ajustement aux données est satisfaisant, il
peut être commenté. L‟objectif de ce modèle est de donner des éléments de compréhension
sur la façon dont se structurent les motivations et les freins à l‟adhésion à une AMAP. Le
modèle estimé n‟explique qu‟une partie de la dispersion de l‟intention d‟adhérer, environ
57%. Notre compréhension du phénomène, bien qu‟incomplète, apparait tout de même très
satisfaisante.
Session 2 - 12
Figure 2. Estimation du modèle structurel
Croyances
de contrôle
Contrôle
perçu
.630***
-.150*
.104*
Contraintes
logistiques
Innocuité
.237**
.219***
Avantage
économique
Expérience
Intention
adhésion
.514***
.248***
Attitude
adhésion
.093*
R²= .57
.377***
.189**
Ajustement du modèle
.429***
AGFI = .88; GFI = .85;
Rmsea=.049 [.045 ; .053]
Politiques
-.135*
Croyances
attribuées
.301***
Valorisation
sociale
Chi²=977,33; p<0,001
CFI = .92 Chi²/ddl = 2,25
Risque
social
*** p<0,001;
** p <0,01;
*
p<0,05
Corrélations entre les croyances
(1)
Innocuité (1)
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
1
Contraintes logistiques (2)
n.s
1
Avantage économique (3)
,34***
Expérience (4)
,60***
,43***
-,21**
1
Politiques (5)
,52***
,25***
n.s.
,56***
1
Croyances de contrôle (6)
,38***
,22**
-,44***
,55***
,29***
1
Croyances attribuées (7)
,44***
,44***
-,17**
,49***
,45***
,33***
1
- La formation de l‟attitude à l‟égard de l‟adhésion
Une attitude favorable à l‟adhésion est le principal antécédent de l‟intention d‟adhésion à
l‟AMAP (beta = 0,51 ; p<0,001). A ce titre, la priorité est de comprendre comment elle se
forme. Les antécédents pris en compte expliquent 55% de la dispersion de l‟attitude. Par
certains aspects, les résultats s‟avèrent surprenants. L‟aspect financier intervient à la marge
dans la formation d‟une attitude favorable à l‟égard de l‟adhésion (beta = 0,093, p=0,031), les
croyances politiques n‟ont pas d‟effet notable, de même que celles sur les contraintes
logistiques, qui de façon surprenante ne viennent pas dégrader l‟attitude. Si le rôle positif de
l‟innocuité des fruits et légumes, qui traduit plus généralement la recherche de santé à travers
l‟alimentation, était attendu, il y a lieu de s‟étonner de son poids somme toute modéré dans la
formation de l‟attitude (beta = 0,248 ; p<0,001). De même, si le rôle de la recherche de
convivialité et de l‟anticipation d‟émotions telles que la surprise avaient été relevé sur des
membres d‟AMAP, familiers de ce format de distribution, trouver une influente aussi forte des
croyances que nous avons qualifié d‟expérientielles chez des non-adhérents n‟était pas
Session 2 - 13
spécialement attendu (beta = 0,377 ; p<0,001). La recherche d‟expérience est pourtant
contrebalancée par des critères immédiats tenant à l‟organisation de la vie quotidienne. De
fait, les croyances de contrôle qui évaluent la capacité à assumer les conséquences de
l‟adhésion influencent également l‟attitude (beta = 0,219 ; p<0,001).
- Le rôle du contrôle perçu
L‟adhésion à l‟AMAP fait naître un certain nombre de contraintes que tous les consommateurs
ne peuvent assumer. L‟anticipation de la capacité à s‟accommoder de ces contraintes
influencent naturellement fortement le contrôle perçu (beta = 0,630, p<0,001) qui à son tour
détermine l‟intention d‟adhérer (beta = 0,237 ; p<0,001). On aurait pu s‟attendre à un effet
plus net du contrôle. Néanmoins, il faut remarquer que les croyances de contrôle interviennent
à la fois à travers le contrôle perçu et l‟attitude.
- Le rôle de l‟entourage
Les résultats sont riches d‟enseignements sur le rôle de l‟entourage des consommateurs. Des
critères d‟ordre social guident bien l‟adhésion à l‟AMAP et la distinction entre risque social et
valorisation sociale se révèle pertinente. Si le potentiel de valorisation sociale peut jouer sur
l‟intention d‟adhésion (beta = 0,189, p<0,001), le risque social n‟intervient pas. Ce résultat
peut être interprété à la lumière des théories de la diffusion. Un comportement qui n‟est pas
adopté par une masse critique peut difficilement devenir une norme sociale. A ce titre, il est
logique que, pour la plupart des consommateurs, l‟adhésion ne soit pas guidée par la volonté
de se conformer à une norme et que la non-adhésion puisse laisser entrevoir des menaces
sociales suffisamment crédibles pour pousser à s‟affilier à une AMAP. Par ailleurs, la
motivation à adhérer pour en tirer une valorisation sociale semble s‟expliquer par deux
raisons. D‟un côté, le lien entre les croyances d‟ordre expérientiel et la valorisation sociale
(beta= 0,425 ; p<0,001) suggère que les consommateurs recherchent un épanouissement dans
le partage de valeurs communes. Des pratiques de consommation telles que l‟adhésion à une
AMAP le permettent. D‟un autre coté, la pression normative n‟est pas absente. Mettre en
œuvre des comportements congruents avec les croyances de son entourage est envisagé
comme une source de valorisation sociale (beta entre croyances sur l‟entourage et valorisation
sociale = 0,301 ; p<0,001).
4. Discussion des résultats
Deux logiques principales justifient ce travail. Il sert en premier lieu à confirmer le rôle, dans
un contexte français et dans un cadre théorique établi, de certains déterminants de l‟adhésion à
une AMAP. En second lieu, il poursuit un rôle plus exploratoire en cherchant à hiérarchiser
ces déterminants et en décryptant leurs mécanismes d‟action. Les résultats obtenus conduisent
à des réflexions d‟ordre managérial et donnent des pistes, au-delà du phénomène des AMAP,
pour organiser la distribution directe de produits agricoles.
4.1. La confirmation de résultats établis
Nos résultats confirment des résultats existants, pour la plupart obtenus via d‟autres méthodes,
généralement qualitatives et le plus souvent dirigés vers des adhérents. Ils montrent ainsi que
l‟adhésion à une AMAP, au même titre que la volonté d‟acheter des produits issus de
l‟agriculture biologique, se justifie par une logique d‟alimentation-santé. L‟idée que
l‟alimentation puisse être associée à un risque physique de long terme (Pichon 2006) est un
Session 2 - 14
déterminant réel. Consommer des produits dont le mode de production est transparent, associé
au cahier des charges de l‟agriculture biologique, rassure sur l‟innocuité des aliments et,
éventuellement, sur leur bénéfices en terme de santé. Il est probable que la proximité avec le
lieu de production redonne au consommateur un sentiment de contrôle sur l‟origine des
aliments qu‟il ingère et sur leur innocuité.
L‟adhésion à une AMAP peut se révéler économique. Néanmoins, nous montrons que ce
facteur d‟adhésion, identifié par la littérature, est très marginal. Plusieurs explications peuvent
être avancées. En premier lieu, l‟adhésion à une AMAP n‟est source d‟économies qu‟à
certaines conditions. Il faut notamment que le consommateur alloue déjà une part importante
de son budget fruits et légumes à des produits biologiques, le panier d‟une AMAP restant plus
cher en moyenne qu‟un panier de produits issu de l‟agriculture conventionnelle, quel que soit
le mode de distribution choisi. L‟obtention d‟un avantage financier significatif suppose aussi
une certaine assiduité. Le consommateur achète le droit à un panier hebdomadaire qu‟il est
libre de ne pas récupérer. Mais tout panier non récupéré accroit au final le coût des fruits et
légumes effectivement consommés dans la période. En second lieu, l‟adhésion à une AMAP
suppose certainement l‟intériorisation de principes fondateurs de ce type d‟association. On
retrouve dans ces principes un discours sur le juste prix de la qualité et sur la solidarité avec
les agriculteurs afin que ces derniers puissent vivre dignement. Enfin, il parait indiscutable
que les AMAP justifient aussi leur existence par d‟autres bénéfices apportés aux
consommateurs. Ce travail interroge ainsi sur la valeur de l‟offre proposée par les AMAP, qui
ne se résume pas à des paniers de légumes. Dès lors, il est aussi probable que certains
consommateurs envisageant l‟adhésion soient aussi disposés à payer davantage ou détachent
cette décision d‟éléments purement tarifaires.
L‟anticipation de difficultés à assumer les contraintes d‟une adhésion (paniers à récupérer
toutes les semaines, légumes à préparer et à cuisiner toute l‟année, etc.) apparait comme un
élément très dissuasif. Cet aspect n‟était pas suffisamment montré par les études précédentes.
Il soulève l‟idée que, de toutes les façons, ce mode de distribution appelle une réflexion
individuelle du consommateur plus large sur son mode de vie et la façon de s‟alimenter. Le
recours à la littérature sociologique est intéressant. Les nourritures auxquelles le
consommateur accède facilement sont abondantes, de plus en plus près de l‟état de
consommation. Mais, comme le note Poulain (1997, p. 104), cela a un prix : elles sont aussi
«de moins en moins identifiées, connues et surtout de plus en plus angoissantes :
l‟urbanisation en déconnectant l‟aliment de son univers de production l‟installe dans un statut
de marchandise et gomme en partie son enracinement et ses fonctions sociales. L‟aliment
devient peu à peu une simple marchandise, la grande distribution donne naissance au
mangeur-consommateur». Il est probable que la volonté d‟adhérer à une AMAP repose sur
une intériorisation de cette évolution à laquelle répondent des forces contraires comme la
mythologie du terroir, le désir d‟un retour au naturel. Ce changement suppose d‟accepter de
passer du temps pour obtenir les bons produits et les cuisiner.
4.2. Rôle de la dimension idéologique et de l‟influence sociale
Les études montrent que les adhérents aux AMAP sont fréquemment animés par des
convictions politiques les incitant à privilégier une consommation régionale, à défendre un
mode de production qu‟ils estiment à la fois menacé et nécessaire pour assurer la sécurité
alimentaire et la préservation des territoires. Nos résultats conduisent à considérer la
possibilité que ces discours traduisent des croyances progressivement intériorisées dans leur
vie de membre de l‟association, voire à des formes de rationalisation a posteriori des raisons
Session 2 - 15
les ayant amenés à l‟adhésion. Les croyances politiques, quoique nettement corrélées à
d‟autres croyances comme celles sur l‟innocuité des produits ou sur la richesse de
l‟expérience procurée par l‟adhésion, n‟influencent pas significativement l‟adhésion à une
AMAP. Tout au plus, elles exercent un effet sur le risque social qui lui-même n‟agit pas sur
l‟intention d‟adhérer.
Néanmoins, si les croyances personnelles n‟influencent pas l‟attitude, il n‟en reste pas moins
que les croyances politiques attribuées à l‟entourage peuvent indirectement stimuler
l‟adhésion. Ainsi, la volonté d‟obtenir une rétribution sociale en adhérant est d‟autant plus
forte que le consommateur juge son entourage sensible aux questions agricoles et
environnementales. Kelman (1961) proposait trois formes d‟acceptation de l‟influence des
autres : l‟intériorisation des informations, la complaisance et l‟identification. Il semble que ce
soit ce dernier processus qui entre en œuvre dans l‟adhésion. L‟adhésion à une AMAP semble
un moyen de renforcer son identification à des personnes de l‟entourage animées par des
préoccupations sur l‟avenir du monde agricole et l‟environnement. Il est probable qu‟ils
anticipent que ce comportement sera socialement approuvé et qu‟il les valorisera. Les réseaux
personnels ne sont donc pas neutres dans la décision d‟adhérer à une AMAP. Ce résultat
rejoint celui identifié par Bertrandias et Elgaieed (2010) pour le choix de produits proenvironnementaux.
4.4. A la recherche du lien…
Nos résultats mettent en évidence un effet dont la force n‟était pas attendue. Nous
pressentions que la recherche de bénéfices utilitaires, combinée à des opinions politiques
constitueraient le socle de l‟adhésion à une AMAP. Cela nous avait d‟ailleurs incité à un excès
de parcimonie dans la mesure des émotions anticipées, de la recherche de convivialité. Mais il
s‟avère que cette dimension nommée « croyances sur l‟expérience » apparait comme l‟un des
déterminants majeurs de l‟attirance pour l‟AMAP.
Autant la recherche de convivialité que la volonté d‟éprouver des émotions telles que la
surprise renvoient à des champs de la recherche en comportement du consommateur très
dynamiques aujourd‟hui. L‟appellation française AMAP met en avant la forme juridique de
l‟association plutôt que la signification sociale de ce type de regroupement. A l‟opposé, le
monde anglo-saxon privilégie le terme de communauté. Nos résultats montrent que ce terme
est approprié : l‟aspiration communautaire apparait comme un puissant motif d‟adhésion.
Ainsi l‟adhésion est marquée par le désir d‟installer un nouveau rapport à la consommation
souligné par Cova (1997) pour expliquer la participation à des communautés en ligne. Les
communautés en ligne de marque ne sont pas des regroupements d‟individus justifiés par une
logique marchande. L‟objet de consommation y est le prétexte au partage d‟expérience et à la
création de lien. Les AMAP sont singulières en ce sens que c‟est bien l‟échange marchand,
amendé cependant par une approche solidaire entre consommateurs et producteur, qui est à
l‟origine d‟un véritable lien communautaire. Nos résultats tendent à illustrer la pertinence
d‟une recherche de lien qui supplanterait le simple accès à des produits alimentaires, aussi
bons soient-ils. De fait, même mal mesurée et de surcroit sur un échantillon de non adhérents,
cette recherche de convivialité joue tout de même un rôle prégnant.
Il n‟est pas par ailleurs foncièrement étonnant que les analyses factorielles conduisent à
regrouper un item mesurant l‟idée d‟un échange amical et un item évaluant le plaisir de la
surprise du panier. Il est en effet probable que le plaisir ressenti à la découverte du contenu du
panier ne serait pas aussi fort s‟il n‟était pas partagé avec les autres membres. D‟ailleurs, le
Session 2 - 16
contenu pourrait se révéler moins important que les commentaires, l‟échange d‟idées de
recettes ou le partage d‟expériences culinaires qu‟il est capable de susciter.
Nous avons envisagé les contraintes logistiques, notamment celles liées à l‟organisation de la
distribution, comme des freins alors que, dans la logique d‟aspiration communautaire, ces
rituels peuvent nourrir la construction du lien. Cela explique vraisemblablement pourquoi
nous n‟identifions pas de lien significatif entre ces contraintes logistiques et l‟attitude à
l‟égard de l‟adhésion. Il est vraisemblable que l‟anticipation de ces « contraintes » joue un
rôle ambivalent que la prise en compte de modérateurs pourrait permettre de comprendre.
4 .5. Implications managériales
Les AMAP n‟ont généralement pas de mal à recruter des adhérents. Elles restent un
phénomène marginal dont l‟importance est difficile à évaluer. Cependant, cela n‟enlève pas
l‟intérêt d‟‟une analyse marketing de ce succès. Par ailleurs, le cas précis des AMAP peut
s‟avérer très instructif pour apporter des recommandations afin d‟organiser la distribution
directe des produits agricoles que de plus en plus d‟agriculteurs envisagent comme une voie
de salut face à leurs difficultés.
Le succès des AMAP semble s‟expliquer par une combinaison de facteurs comme le mode de
production respectueux de l‟environnement, des produits sains dont l‟origine est locale et
connue, des prix raisonnables, l‟authenticité du monde paysan. Mais ce qui semble vraiment
constituer leur avantage est la logique communautaire qui s‟organise autour de la distribution
directe de produits alimentaires. Afin de pérenniser cet avantage plusieurs actions peuvent être
envisagées par les AMAP. Elles pourraient, notamment, développer les moments de partage
d‟expérience que ce soit entre consommateurs mais également avec les producteurs. Cela peut
passer par la participation ponctuelle aux travaux de la ferme comme cela se fait fréquemment
dans les CSA aux USA. La composition du panier est aussi un enjeu. Le producteur peut
cultiver le sentiment de surprise et d‟exception des adhérents en proposant des légumes qui ne
se trouvent que rarement sur les circuits de distribution classiques et les accompagner par des
recettes dans les paniers.
En dehors des AMAP, de nombreuses autres initiatives de vente directe voient le jour dans le
monde agricole (Merle et al. 2009). Cette évolution ne repose pas sur les soubassements
idéologiques des AMAP mais sur la volonté de vendre à des prix rémunérant le travail de
façon juste. De fait, le processus de distribution dans ces modalités de vente est moins
ritualisé que dans les AMAP. Dans les initiatives les plus avancées, les producteurs
professionnalisent la distribution en soignant les emballages et en organisant la livraison.
Ainsi ces approches ne font qu‟ajouter un canal de distribution au mieux différencié par des
prix plus bas et une sécurisation sur la traçabilité des produits. Les producteurs sont rarement
engagés dans une démarche biologique et le lieu de production est peu mis en valeur.
L‟exemple des AMAP et notre travail semble souligner tout l‟intérêt pour ces producteurs
d‟utiliser des symboles qui s‟attachent assez naturellement à la relation directe entre un
producteur et un consommateur. Jouer sur l‟idée de reconnexion du consommateur à son
milieu bio-naturel, l‟informer sur les modes de production, la saisonnalité des produits, sont
des pistes possibles pour recréer un rapport moins angoissant aux aliments. De plus, le
caractère ludique et relationnel, le partage d‟expérience liée à ce mode de distribution,
peuvent aussi inspirer les producteurs. Par exemple, un éleveur du Sud-Ouest propose en
vente directe, mais sur réservation, des ballots de 5 ou 7 kg de viandes de bœuf ou de veau,
composés de plusieurs morceaux de « noblesse » variée. A la façon des AMAP, il fixe une
Session 2 - 17
date de rendez-vous et profite de l‟occasion pour organiser, si les consommateurs le
souhaitent, un repas payant thématisé autour de la viande.
Conclusion
Ce travail cherchait à identifier et à hiérarchiser les déterminants de l‟adhésion à une AMAP, à
les hiérarchiser et à comprendre leurs mécanismes d‟action. Le cadre théorique, celui de la
Théorie du Comportement Planifié paraissait parfaitement adapté à cet objectif. La TCP
donne une grille de compréhension des comportements aidant à structurer la modélisation tout
en tolérant l‟introduction, dans une logique exploratoire, de multiples antécédents. Il faut bien
comprendre que nous ne cherchions pas à analyser la communauté formée par les adhérents et
le producteur, mais bien à déceler des motivations à l‟adhésion. Une approche qualitative
n‟aurait, de notre point de vue, pas donné la vision globale que nous souhaitions dégager.
Cet article apporte ainsi plusieurs éclaircissements sur la volonté d‟adhérer à une AMAP. Il
confirme le rôle de plusieurs facteurs mis en évidence dans la littérature. Il précise aussi des
mécanismes d‟action de certains antécédents sur la décision d‟adhérer, relativise le rôle des
convictions politiques tout en soulignant celui de la recherche de valorisation sociale associée
à l‟adhésion à une AMAP. Comprendre les raisons de l‟adhésion est de nature à orienter le
développement de ces associations et, plus généralement, la distribution directe de produits
agricoles.
Cet article a par ailleurs le mérite de pendre en compte dans un même modèle une diversité
importante de facteurs explicatifs de l‟intention d‟adhérer à une AMAP. Mais ce parti pris
entraine une limite importante qui, à certains égards, réduit la portée des résultats. Cette
volonté d‟englober une grande diversité de facteurs et de comprendre leur mode d‟action nous
a conduit à développer des mesures probablement trop parcimonieuses. Différents concepts
sont particulièrement concernés. En premier lieu, le risque social et la valorisation sociale
sont des construits complexes ayant fait l‟objet de mesures plus élaborées dans des articles
précédents (Bertrandias et Pichon 2004 ; Bertrandias et Elgaieed 2010). Les croyances
politiques se résument ici à des convictions sur le monde agricole alors que d‟autres facteurs
peuvent intervenir, notamment la préoccupation environnementale (Giannelloni 1998). Enfin
et surtout, le facteur nommé abusivement croyances sur l‟expérience aurait mérité d‟être plus
finement mesuré eu égard à son rôle majeur dans l‟explication d‟adhérer. Ces pistes de
recherches pourront se révéler intéressantes.
De plus, aucun modérateur n‟est pris en compte dans cet article. Il est probable que quelques
variables pourraient permettre de révéler des arbitrages entre des antécédents importants de
l‟adhésion. Ils faciliteraient aussi le profilage des adhérents potentiels à une AMAP. De la
même façon nous considérons la décision d‟adhérer comme une décision individuelle alors
que, selon toute probabilité, le choix est familial. La prise en compte de cette nuance pourrait
révéler des résultats sensiblement différents. Enfin, les déterminants que nous mettons en
évidence agissent probablement en interaction. Cela pourra également faire l‟objet de
recherches à l‟avenir.
Session 2 - 18
Bibliographie
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