sainte-lucie beauté caraïbe

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sainte-lucie beauté caraïbe
É V A S I O N
SAINTE-LUCIE BEAUTÉ CARAÏBE
Vert paradis moins développé que
ses sœurs antillaises, Sainte-Lucie
offre tout à la fois son charme créole,
ses volcans, ses plages et son exquise
pointe de nonchalance.
Ci-dessous, une gargote à Vigie Cove,
devant l’aéroport de Castries.
Nous nous sommes tant
battus pour elle ! Fallaitil qu’il fût joli, ce petit
confetti posé au sud de la
Martinique, passé à quatorze reprises des mains
des Français à celles des
Anglais ! Havre méconnu
de l’arc antillais, SainteLucie vous attend.
PAR ANNE-MARIE GRUÉ (TEXTE)
ET ÉRIC MARTIN POUR LE FIGARO MAGAZINE (PHOTOS)
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24 JANVIER 2009 - LE FIGARO MAGAZINE • 59
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Décor de rêve pour cette
suite « à trois murs »
du Jade Mountain, l’hôtel
exceptionnel de l’architecte
Nick Troubetzkoy,
qui concilie luxe et nature.
Sourire et peinture
murale dans le village
de pêcheurs
d’Anse-la-Raye.
LE JOYAU DES ÎLES DU VENT, POSÉ À 40 KM AU SUD DE LA MARTINIQUE, MEMBRE DU COMMONWEALTH ET INDÉPENDANT DEPUIS 1979
Poisson grillé, rhum
et musique à gogo
chaque vendredi soir dans
les rues d’Anse-la-Raye.
Adresse sainte-lucienne culte,
l’hôtel Ladera possède, avec le Dasheene,
l’une des meilleures tables de l’île.
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S
eul l’écrivain Patrick Leigh Fermor pouvait oser
comparer les « pitons solitaires »
de Sainte-Lucie
(798 m et 743 m).
au Cervin de ses
escapades de jeunesse (4 478 m !)... Mais il
sera beaucoup pardonné à cet affable vagabond, aussi séduit par la Mitteleuropa, qu’il
traversa à pied à la barbe des nazis, que par
l’éternité caraïbe, foisonnement chaleureux
de cultures, de langages et de races. SainteLucie, le temps d’une escale, sut le charmer,
île discrète en forme de goutte d’eau, la dernière des Antilles à passer des mains des
Français à celles des Anglais ; et la plus française des Antilles britanniques.
« Bon Ju ! Es u émé najé ? » (« Bonjour !
Vous voulez vous baigner ? »). Ce joyau des
îles du Vent, posé à 40 kilomètres au sud de
la Martinique, membre du Commonwealth
et indépendant depuis 1979, ne ressemble à
aucun autre. Certes, on y parle anglais, mais
surtout le kwéyòl, un patois français aux
sonorités familières. La religion catholique
y est largement prédominante, et tous les
sites ont conservé leurs consonances françaises. En fait, les liens entre Sainte-Lucie et la
France sont si nombreux qu’il est amusant de
les débusquer au fil de l’histoire ou de la
géographie. Ainsi de la petite capitale de l’île,
Castries, du nom du maréchal de Castries,
Secrétaire d’Etat à la Marine de Louis XVI,
fondée au XVIIIe siècle par les Français, et
maintes fois détruite par des incendies ravageurs. Ainsi de Paix Bouche, au nord-est de
l’île, où serait née en juin 1763 – les SaintLuciens n’en démordent pas – Joséphine Tascher de La Pagerie, future épouse de Napoléon, déclarée plus tard par sa famille née
à la Martinique. Et François Le Clerc, dit
Jambe de Bois, un pirate normand qui lançait au XVIe siècle ses raids contre les galions espagnols depuis Pigeon Island... Et
puis, ce glorieux inconnu, Jean-Baptiste Bideau, mulâtre français qui sauva la vie de
Simon Bolivar en 1815 ! Et encore tous ces
lieux réjouissants – Moule à Chique, Choiseul, l’Anse l’Ivrogne, La Sorcière... – qui
font que, même anglophone, Sainte-Lucie
ne nous est jamais tout à fait étrangère.
400 à 500 paquebots de croisière
accostent à Castries chaque année
Castries – l’un des rares ports naturels en eau
profonde des Antilles – accueille plus d’un
tiers des 165 000 habitants de Sainte-Lucie,
mais aussi 400 à 500 paquebots de croisière
chaque année, aux proportions démesurées
comparés aux petits immeubles du centreville, écrasés de chaleur. Un marché assoupi,
un square portant le nom du prix Nobel de
littérature saint-lucien (Derek Walcott), un
palais du gouverneur d’où l’on devine au
loin la pâle silhouette de la Martinique : la capitale manque un peu d’intérêt, et c’est plus
au nord, à partir de la plage de la Vigie, que
se situent beaucoup d’hôtels, de résidences •••
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Pigeon Island, d’où l’amiral
Rodney surveillait les vaisseaux
français basés en Martinique.
AU SUD, UNE JUNGLE
TROPICALE ÉBOURIFFANTE
••• luxueuses ainsi que le réputé St Lucia Golf
& Country Club. A Gros Islet, chaque vendredi soir, a lieu le fameux « Jump up », une
fête de rue toujours très animée et arrosée, en
décibels comme en bière ou en rhum... A
Pigeon Island, promontoire rocheux stratégique devenu presqu’île, on prendra tout
son temps avec l’un des excellents guides
du National Park. Les époustouflantes vues
sur la baie et les très beaux arbres – tamarins,
gommiers, flamboyants... – de ce site, toujours jonché de petits débris de porcelaine
anglaise bleu et blanc, aideront à faire passer le récit de l’un des épisodes les plus cuisants de notre histoire navale locale (la bataille des Saintes) !
Cap au sud, vers Soufrière, l’une des plus
belles baies de l’île. De part et d’autre de
l’unique route tout en lacets serrés et pentus,
les maisons au-delà de Marigot Bay – où
dorment les yachts des milliardaires – se
font plus rares pour disparaître tout à fait,
remplacées par une jungle tropicale ébouriffante – caroubiers, gaïacs, palmiers, fougères arborescentes, bananiers... – surplombée
de temps à autre par le toupet d’un gommier géant ou un châtaignier séculaire. Ici,
au détour d’un virage, un marchand de racines de yam exhibant un inoffensif boa
constricteur attend les touristes. Plus bas,
Anse-la-Raye et Canaries, pittoresques villages de pêcheurs, forment deux échancrures colorées sur le tracé d’une côte très escarpée, ourlée du bleu profond de la mer caraïbe.
L’île n’a pas connu d’éruption volcanique
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depuis le XVIIIe siècle. Pourtant, du côté de
Soufrière, fumerolles, boues en ébullition et
tenaces odeurs d’œuf pourri sont bien là
pour attester que les volcans saint-luciens ne
sont qu’assoupis. Devenues une attraction
touristique facile d’accès (on parle ici de l’unique volcan « drive-in » au monde), ces sources sulfureuses sont proches du Diamond
Botanical Garden, éden éclatant dédié aux
poinsettias, aux orchidées et aux hibiscus ;
dès 1785, Louis XVI y fit bâtir sur ses deniers des thermes afin d’y requinquer ses
soldats affaiblis par le climat émollient.
Le « vol de Superman », une fabuleuse
plongée dérivante près des Pitons
Du côté du Petit et du Gros Piton – site unique classé au patrimoine mondial de
l’Unesco – se cache une poignée d’hôtels
étonnants (Jade Mountain, Anse Chastanet,
Ladera) prônant les chambres « à trois
murs » largement ouvertes sur la nature.
On s’y endort face aux étoiles, sans radio ni
télé, seulement bercé par le chant des grillons, des cabris-bois et des minuscules grenouilles arboricoles. Au matin, en l’espace de
quelques minutes, le lever du soleil vire du
violet à l’ambre, et de l’ambre à l’écarlate. Un
vent d’aurore remue les feuilles du labyrinthe vert. Puis, les nuages s’immobilisent et la
mer se vide de toutes ses couleurs pour ne
conserver qu’un bleu sans mélange : la journée va être chaude. C’est dans ce sud exubérant que l’on profitera au mieux des trésors
naturels de Sainte-Lucie. De jolies plages
aux eaux parfaitement limpides (anse des
Pitons, anse Chastanet) ; les plus belles plongées de l’île (par exemple « le vol de Superman », fabuleuse plongée dérivante le long
d’un tombant de 50 mètres) ; des plantations
Ferveur et simplicité : l’église de Choiseul.
oubliées abritant de petites guest houses ;
des chemins de randonnée exceptionnels ; et,
toujours et encore, ces cônes jumeaux hypnotiques, solennels, nimbés de « soleil liquide » lorsque dégringolent les pluies tropicales, sommets aigus de deux immenses
montagnes sous-marines plongeant droit
vers les abysses ; presque des îles, pathétiques après tant d’efforts pour s’élever...
Plus rares sont les visiteurs qui s’aventurent
au-delà, vers Choiseul, Laborie, Vieux Fort,
et s’en vont à la découverte de la côte orientale, encore plus sauvage et plus sèche car
soumise aux vents de l’Atlantique. Havre
paisible pour Anglais à la retraite et croisiéristes américains, Sainte-Lucie est encore
loin d’avoir exploité tout son potentiel touristique. Les liaisons avec les autres îles n’y
sont pas si faciles, et le niveau de vie y est trois
fois plus faible qu’en Martinique. Pourtant,
il est une catégorie de visiteurs qui plébiscite
Sainte-Lucie sans retenue : les couples en
voyage de noces (qui l’ont même désignée
première destination au monde sur le site
internet bien connu Tripadvisor) ! Sous les
vents alizés, le romantisme se porte bien.
■ ANNE-MARIE GRUÉ
É V A S I O N
Guadeloupe
Pigeon Island
National Park
Dominique
Gros Islet
Martinique
C A R N E T D E V O YA G E
Office du tourisme de Sainte-Lucie
à Paris (01.46.04.40.61 ;
www.stlucia.org). Le guide
Martinique, Dominique et SainteLucie de Lonely Planet ;
les ouvrages de Derek Walcott,
prix Nobel de littérature : Café
Martinique, Editions du Rocher
ou La Lumière du monde, Circé ;
et aussi Vents alizés, un voyage
dans les Caraïbes, de Patrick Leigh
Fermor, Payot, « Voyageurs ».
Comment s’y rendre ?
Air Caraïbes (0.820.835.835 ;
www.aircaraibes.com), compagnie
régulière spécialiste des Antilles,
dispose d’un vol quotidien, passant
par Fort-de-France ou Pointe-àPitre, pour Sainte-Lucie au départ
de Paris Orly-Sud (deux en haute
saison). Tarifs « à partir de »
au 1er février 2009 : 789 ¤ pour
Sainte-Lucie (705 ¤ pour Pointeà-Pitre ou Fort-de-France,
et 714 ¤ pour Cayenne).
Cap Maison à Gros Islet et sa
spectaculaire terrasse sur pilotis.
Hébergements
A Soufrière : Anse Chastanet Resort
(00.1.758.459.70.00 ;
www.ansechastanet.com). Nick
Troubetzkoy, arrivé à la voile dans
les années 70, tombé amoureux
fou de cette île, a racheté à Anse
Chastanet un petit hôtel aujourd’hui
devenu un resort réputé
de 49 suites, trois restaurants, un
spa, un club de plongée, etc.
Les plongeurs adorent, car l’on peut
partir avec ses bouteilles depuis
la très jolie plage, les plus beaux
spots de l’île étant tout proches.
Les suites sont restées assez
années 70 (rotin et madras), mais
toutes sont vastes, disposent d’une
vue sublime, et l’accueil est d’une
grande gentillesse. Six catégories
de chambres. Compter environ 487
à 562 ¤ la nuit, la suite pour deux.
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Jade Mountain
(00.1.758.459.4000 ;
www.jademountainstlucia.com). Ici,
le même Nick Troubetzkoy, prince
architecte, a pu donner toute la
mesure de son talent. Cet hôtel,
situé juste au-dessus du précédent,
est un ovni : maintes fois primé pour
ses qualité environnementales,
très apprécié des people, il est le
plus cher de Sainte-Lucie. Pas de
quatrième mur dans les chambres,
mais une vue irréelle sur l’océan
et les pitons de la Soufrière. Les
chambres sont « techno free »,
mais un petit cellulaire vous permet
d’appeler votre butler à tout
moment. Dans chaque suite, une
incroyable piscine à débordement
sans chlore, un lit à baldaquin voilé
d’une moustiquaire où l’on s’endort
en écoutant grillons et grenouilles.
Prix : 897 ¤ à 1 700 ¤ la suite pour
deux, selon la catégorie et la saison.
Ladera (00.1.758.459.73.23 ;
www.ladera.com). Tout y est :
l’ombre vertigineuse des pitons,
le sable blanc et les cocotiers tout
en bas. Et, à mi-pente, bénéficiant
d’une vue unique au monde,
un hôtel de seulement 6 villas
et 26 suites cachées dans la
végétation, toutes avec leur piscine
privée. La déco a un peu vieilli, mais
Dasheene, le restaurant, reste l’un
des meilleurs de l’île, et le personnel
et la direction sont adorables. Prix :
à partir de 615 ¤ la suite pour deux
et 1 075 ¤ la villa jusqu’à avril
2009 ; de 480 à 945 ¤ ensuite.
Nombreux forfaits.
Ti Kaye Village
(00.1.758.456.81.01 ;
www.tikaye.com). 33 bungalows
dotés de tout le confort (clim,
station iPod, minibar, etc.), douche
extérieure et hamac pour paresser
sous la varangue. Atmosphère bon
Anse Chastanet Resort : réputé pour
sa plage, sa vue et l’accueil.
Saint-Vincentet-les-Grenadines
Castries
iess
Marigot Bay
AAnse-la-Raye
Canariess
Soufrière
M e r
Sainte-Lucie
Petit Piton
Gros Piton
d e s
Choiseul
ull
Laborie
iee
A n t i l l e s
Vieux Fort
5 km
destinés à éloigner... les oiseaux
trop gourmands ! Les ampoules
jaunes du Jade Mountain et d’Anse
Chastanet : contrairement aux
blanches, elles n’attirent pas les
moustiques !
Le bémol
Maisons colorées d’Anse-la-Raye.
enfant. Prix : de 209 à 366 ¤ la nuit
pour deux, selon la catégorie.
A Gros Islet, une résidence : Cap
Maison, (00.1.758.450.88.47 ;
www.capmaison.com). Murs
blancs, fer forgé, céramiques
de style mexicain, volumes
splendides, 17 piscines (certaines
sur le toit), une plage secrète,
une vue incomparable sur Pigeon
Island et tous les services : cette
résidence hôtelière de 22 villas
(50 chambres) s’avère d’ores et
déjà l’adresse chic de Gros Islet.
A partir de 422 ¤ par personne
la nuit en haute saison.
Bonne table
The Coal Pot Restaurant,
Vigie Cove à Castries (452.55.66).
Installé à Sainte-Lucie depuis vingt
ans, Xavier Ribot tient de sa bellefamille quelques secrets de cuisine
créole. Il a su faire de cette
agréable terrasse au bord de l’eau
l’une des meilleures tables de la
capitale.
La route, très sinueuse et
escarpée, rend les déplacements
en voiture assez longs. Du coup,
peu de visiteurs s’offrent le détour
par la côte est de l’île, sauvage et
magnifique.
L’instant magique
Le jour du départ à l’aéroport de
Castries, enregistrez vos bagages,
puis traversez la route juste
en face et prenez un dernier
rafraîchissement sur la plage
(Vigie Cove) en regardant
les enfants jouer dans l’eau.
No stress !
Que rapporter ?
Les poteries colorées de Michelle
Elliot, en vente un peu partout
dans l’île. Les hot sauces et les
ketchups exotiques des marchés.
Et, pourquoi pas ?, des sandales
en plastique (les fameuses
« méduses »...) rastas – jaune,
vert et rouge – très en vogue sur
l’île, bientôt en Bretagne...
■ A.-M. G.
Côté mer
Le loueur de voiliers Moorings
(0.800.80.30.30 ; www.moorings.fr),
basé à Marigot Bay, propose des
croisières à Sainte-Lucie avec
ou sans skipper et hôtesse.
Malin
Les pistolets à eau sur les tables
du petit déjeuner du Ladera
Jour de messe à la cathédrale de
l’Immaculée-Conception, à Castries.
ANDRÉ DE CHASTENET
Pour en savoir plus
SainteLucie